La
quatrième de couverture : "En
descendant de lavion à Lagos, jai eu limpression
davoir cessé dêtre noire."
Ifemelu quitte le Nigeria pour aller faire ses études à
Philadelphie. Jeune et inexpérimentée, elle laisse derrière
elle son grand amour, Obinze, éternel admirateur de lAmérique
qui compte bien la rejoindre.
Mais comment rester soi lorsquon change de continent, lorsque soudainement
la couleur de votre peau prend un sens et une importance que vous ne lui
aviez jamais donnés ?
Pendant quinze ans, Ifemelu tentera de trouver sa place aux États-Unis,
un pays profondément marqué par le racisme et la discrimination.
De défaites en réussites, elle trace son chemin, pour finir
par revenir sur ses pas, jusque chez elle, au Nigeria.
À la fois drôle et grave, doux mélange de lumière
et dombre, Americanah est une magnifique histoire damour,
de soi dabord mais également des autres, ou dun autre.
De son ton irrévérencieux, Chimamanda Ngozi Adichie fait
valser le politiquement correct et les clichés sur la race ou le
statut dimmigrant, et parcourt trois continents dun pas vif
et puissant.
"Avec Americanah, Adichie est à la
négritude ce que Philip Roth est à la judéité :
l'avocate la plus ardente, la critique la plus féroce." (New
York Magazine)
Parmi les autres livres que certains d'entre nous
ont lus et cités, le livre suivant
comporte deux courts textes :
- "Nous sommes tous des féministes",
texte remanié d'une conférence qu'on peut voir et entendre
ICI
- "Les marieuses", une nouvelle extraite du livre suivant :
|
|
Chimamanda Ngozi ADICHIE
Americanah
Nous avons lu ce livre en mai 2015.
Le groupe de Tenerife l'a lu en janvier 2021.
Pour voir et entendre l'auteure sur
ce livre : Le Monde, dans un article du 5 février 2015,
inclut une vidéo.
Katell
On me l'a offert pour mon anniversaire... J'avais déjà lu
L'Autre moitié du soleil. J'aime énormément
Adichie : c'est un auteur de notre temps. J'ai adoré ce livre,
ça emporte. Le Nigéria, on se sent plus proche de ce pays.
Concernant la négritude, je suis en train de lire un autre livre
sur la problématique des Noirs, de la race ; je n'avais jamais
vraiment compris le problème des races. J'aime le côté
femme, langue de pute, qui critique les autres filles... J'ai adoré
les passages sur la coiffure. Et l'amour. Pour ceux qui ont aimé
Americanah, je conseille L'Autre moitié du soleil.
C'est passionnant.
Françoise D
J'aime beaucoup son écriture, riche, fluide, très agréable
à lire. On est pris dans le récit. Elle raconte comment
on peut être noire aux États-Unis. Il y a une antinomie entre
Noirs américains et Noirs d'Afrique et je trouve que cet aspect-là
n'est pas bien développé.
Protestations
Si !
Françoise
C'est un parcours intéressant. Intéressant aussi est le
retour au Nigéria. Je n'ai pas trouvé qu'il y avait une
critique de la société nigériane.
Protestations
Si !
Françoise
Je trouve qu'elle est très discrète sur la politique et
cette fois je parle aussi de l'auteure. Quand on pense à la situation
du pays où il y a des problèmes de toutes sortes !
Quand dans l'interview au Monde, elle parle des élections,
c'est limite. Mais le côté midinette est sympa. C'est un
grand plaisir de lecture.
Manon
J'en avais parlé ici alors que je ne l'avais pas lu : je l'avais
vue à la Grande Librairie et je l'avais trouvée très
lumineuse. Le livre est lui aussi lumineux. Je l'ai lu très vite.
Trop vite. C'est un rayon de soleil, j'ai adoré ! C'est fait pour
moi, avec le côté très midinette. Peut-être
un peu trop concernant sa relation avec le gars quand ils font
quand
ils
ah
je suis prude
Tous de souffler
Quand ils font crac-crac
, ils font catleya
Manon (se reprenant)
Il y a des passages, des phrases gnangnan. Je n'ai pas été
intéressée par la suite de l'histoire d'amour éternel,
ça tient pas debout. Il y a une dimension politique tout de même.
Je suis étonnée qu'elle ne parle pas de l'islam, de ce qui
se passe pour les femmes. Le fait qu'elle n'en parle pas reste intéressant.
Claire
Mais le livre a été publié en 2013.
Manon
J'ai découvert la différence entre Noirs américains
et Noirs africains. C'est la première fois que j'entends parler
de blog dans un livre, et pas niais.
Jacqueline
Je l'ai lu il y a longtemps. J'ai repris le début hier. Je vais
vous en lire un peu : "Princeton, en été, n'avait
pas d'odeur, et si Ifemelu appréciait le calme verdoyant de ses
nombreux arbre, ses rues propres et ses majestueuses maisons, ses magasins
aux prix subtilement exagérés et son air tranquille, immuable
de grâce méritée, c'était cette absence d'odeur
qui la séduisait le plus"... Ça ne me touche pas.
Il y a un effort extraordinaire mais ça m'embête. Quant à
la fin du livre : "Elle le regarda longuement. Il disait
ce qu'elle voulait entendre et elle continuait à le regarder",
j'ai failli éclater de rire : "Ciel, dit-elle enfin.
Entre." J'ai trouvé que c'était très, très
long. Il y a de belles descriptions sur ces Africains qui essayent de
se faire une place. J'ai préféré le livre de Dany
Laferrière qu'on avait lu. Et c'est quand même la même
chose. On avait lui aussi Verre
cassé d'Alain Mabanckou. Je préfère, ça
me parle plus. Ici, ce sont des Africains d'une classe privilégiée,
je n'ai pas réussi à m'intéresser à leur sort.
Après, j'ai lu Nous sommes tous des féministes. Tout
ce qu'elle dit est probablement très vrai
(Jacqueline
cherche à dire du mal du livre).
Katell
Tu as le sentiment qu'elle ouvre des portes ouvertes ? C'est peut-être
une question de génération ?
Jacqueline
Oui, j'ai le sentiment qu'elle ouvre des portes ouvertes. Je reconnais
qu'il y a un problème de génération. Au fait, comment
on peut gagner sa vie avec un blog ?
Manuel
Grâce à la publicité.
Katell
Il y a des bandeaux publicitaires, plus il y a de clics plus ça
paie.
Jacqueline
Enfin
est-ce que ça fait avancer la condition des femmes
en Afrique ? J'ouvre un quart...
Claire
Je trouve que Jacqueline ne dit pas tout ce qu'elle pense. Pourquoi tu
n'aimes pas ce livre ? C'est bizarre...
Plusieurs
On doit tout dire au groupe lecture !
Rozenn
Je tiens à dire que je n'ai pas proposé ce livre au groupe.
J'ai dit que je l'avais beaucoup aimé, mais que je ne le proposerais
pas au groupe.
Claire
Sauf que tu as dit ça dans deux séances différentes !
La première, ton enthousiasme déchaîné nous
a amenés à programmer le livre. Et c'est une fois que le
livre fut programmé que je me souviens t'avoir entendu dire une
autre séance : je ne l'aurais pas proposé au groupe
lecture !...
Rozenn
J'ai eu un grand plaisir à le lire. Je ne pensais pas qu'il était
aussi gros (Rozenn ne lit plus que sur sa Kindle
). Je pensais
qu'il n'était pas assez bien écrit pour le groupe. J'aime
les histoires. Et ça répond à mon côté
midinette. Je ne l'ai pas relu. J'ai lu les nouvelles Autour de mon
cou : c'est magnifique ! Je lirai d'autres romans. Ça
n'est pas un livre de dénonciation politique ; d'ailleurs quand
Blaine, sincèrement engagé, organise la manif, elle montre
qu'elle n'a rien compris de ce qu'il est.
Manon
Blaine, il ne l'aime pas telle qu'elle est : il veut qu'elle soit
exactement ce qu'il veut.
Claire à Manon
T'es pas comme ça ?
Manon
Pas du tout ! Et mon chéri m'aime comme je suis.
Rozenn
La scène dans le salon de coiffure, c'est magnifique. Je me suis
laissé embarquer. Je n'ai pas cherché à regarder
comment c'est écrit. La Kindle enlève quelque chose de l'écriture,
il n'y a plus que l'histoire. J'adore ce livre, je le donnerai à
lire à ceux qui aiment les histoires
Annick A
J'ai eu plaisir à le lire, mais je ne suis pas enthousiaste. J'aime
l'histoire de l'exil. Ce n'est pas la même personne du début
à la fin. L'histoire d'amour, j'ai trouve ça très
bien : il y a des histoires d'amour dont on se ne se défait
jamais. Je trouve le retour au Nigéria très bien analysé,
le fait qu'elle sache plus où elle est, ni américaine, ni
nigérienne. J'ai trouvé qu'il y a des longueurs. Le côté
midinette m'a un peu énervée. C'est très bien écrit.
Il y a des questions de fond posées. Le politiquement correct est
très drôle. La coiffure est une très belle scène.
Manuel
C'est gros
Une lecture très sympa : ça se laisse
facilement lire, ça coule de source. J'ai été intéressé
par le rapport entre Noirs africains et Noirs américains. Toutes
les parties du blog m'ont intéressé. J'ai aimé les
anecdotes. Tout est bien traduit, avec les habitudes de langage. J'ai
aimé Obinze, toute cette partie en Angleterre est crédible,
la vie réelle de l'Africain. Les autres personnages portent un
regard critique sur tout. Mes critiques : c'est trop long. Et il
y a des choses auxquelles je n'ai pas cru. American
Darling de Russel Banks que nous avions lu était beaucoup
mieux !
Plusieurs
Mais ils ne jouent pas dans la même catégorie !
Manuel
Dans le livre, il n'y a rien sur le Nigéria. C'est un bouquin de
midinette, mais bon, sympa à lire. Et ça se finit bien.
J'ai relu le premier chapitre : en fait, c'est tout le livre. Bref,
c'est un peu léger, un livre de filles
Certaines, intérieurement
Grrrrrr...
Monique L
Bien des choses ont été dites. J'ai bien aimé la
construction.
Claire
Personne n'a parlé de la construction...
Monique
L'histoire du blog est une belle trouvaille. J'ai aimé son irrévérence,
son sens du détail, certains portraits de personnages. La dernière
partie traîne un peu. C'est une lecture qui m'a plu. J'ai moi aussi
découvert la différence entre les Noirs, l'importance de
la coiffure. Elle analyse les choses de l'extérieur. Le retour
au pays n'est pas très fouillé, mais on voit que les choses
ne sont pas faciles. Je l'ai lu facilement.
Manu
Ah oui, j'ajoute une chose : dommage qu'il n'y ait pas de traduction
des mots africains, comme un glossaire.
Denis
C'est un livre très sympa.
Claire
On va voir si c'est un livre de filles...
Denis
Je n'ai pas encore tout lu. Ça me faisait plaisir de reprendre
la lecture. Il y a beaucoup d'humour. Je n'ai jamais lu de livre de jeune
femme ; il dit ce qu'elle a dans la tête. J'ai deux filles de 30
ans et j'ai du mal à comprendre quand elles parlent des heures
de certains sujets... Et il y a des personnages ! C'est de l'ethnographie
de l'intérieur : la description des États-Unis par
une Nigérienne. Il n'y a pas d'unité dans la négritude.
Manon
Il y a aussi des différences entre les ethnies africaines.
Rozenn
J'interviens car je tiens à dire que la négritude, c'est
une revendication. Ce n'est pas le fait d'être noir.
Denis
D'accord. L'obsession pour un premier amour me paraît artificielle.
Katell
Non c'est pas artificiel, c'est vrai.
Denis
La structure, c'est en fait un flash-back.
Geneviève
Je suis très contente de l'avoir lu. Dans un de mes cours à
la fac, j'ai un groupe de quatre étudiantes africaines qui ont
voulu faire un travail sur la coiffure afro - c'était
justement ce matin. Entretemps j'ai lu Le
Ravissement des innocents de Taiye Selasi, avec toute la problématique
de la culture africaine : exigence esthétique, exigences médicales,
tout ce monde qui se crée autour de cette culture. Il y a un vrai
théâtre dans le salon de coiffure ; c'est très
fort que l'on y revienne à chaque fois. On voit aussi que la vision
des Africains francophones n'est pas très positive. La question
du blog m'a beaucoup intéressée, bien écrit ;
c'est une dimension très peu explorée. J'ai aimé
le côté expat' (que je connais) avec ce mépris pour
là où on est ; on n'est bien nulle part. Très
agréable à lire. On ne peut pas comparer à American
Darling. Mais c'est un livre qu'on n'a pas envie de lâcher.
C'est de la littérature africaine qui est en notre monde, avec
une remise en cause de notre vision de l'Afrique.
Claire
J'ai envie d'asticoter Jacqueline qui ne reconnaît pas au moins
qu'il y a un grand sujet : le racisme, l'intégration, l'assimilation.
Grâce à la fiction, l'auteure brosse toute une analyse. Cela
méritait-il 500 pages ?! J'ai lu Nous
sommes tous féministes, c'est magistral. Non, elle n'enfonce
pas des portes ouvertes, c'est le point de vue africain. Elle aide à
se décentrer. Le côté délayé du livre
apparaît, je suis d'accord avec toi, Manu. D'accord, elle a besoin
de temps pour développer son truc : par exemple les relations
déclinent le mec pour l'argent (et c'est vrai qu'elle en bave au
début de son séjour américain), le Blanc, le Noir
afro-américain, le Noir africain et l'adolescent exilé.
Il y a de beaux personnages, par exemple la mère d'Obinze. Et le
politiquement correct, avec les bobos caricaturaux ! J'ai vu un film
Dear
white people, avec les mêmes ingrédients (cheveux,
blogs). Il y a dans le livre une séquence extraordinaire dont personne
n'a parlé concernant Obama : on vit de l'intérieur
les espoirs fous de l'élection. Et quand ils font l'amour avec
Obama !
Katell
Tout le monde a envie de faire l'amour avec Obama
Claire
Ce qui m'a frappée, c'est le souci de la façon de paraître
obsédant, c'est effrayant ; tous les personnages sont contraints
par l'apparence, le fait d'impressionner, aussi bien en Afrique qu'aux
États-Unis qu'en Angleterre, je pense aux jeunes femmes qui font
tout pour la scolarité de leur enfant.
Rozenn
Et alors ?
Claire
Elles s'oublient elles-mêmes, elles n'existent plus qu'à
travers leur enfant. Il y aussi l'apprentissage des codes, c'est très
intéressant, mais jusqu'à se nier soi-même. L'héroïne
est je trouve exaspérante et je m'interroge sur les relations entre
l'héroïne et l'auteure ; ainsi ne pense-t-elle pas vraiment
au Nigéria que la bourgeoisie est mal dégrossie et devrait
savoir goûter les vins ou les poutres apparentes ? L'"assurance
condescendante" dont elle taxe avec distanciation son héroïne
n'est-elle pas la sienne finalement ? Certes, elle a une vue politique :
sa démonstration sur le rôle des cheveux de Michelle Obama
dans l'élection présidentielle est remarquable. Elle s'intéresse
aux parcours individuels, mais les pauvres n'existent pas dans son livre,
suscitant à la limite le mépris. Ça dénote
sa petitesse, sa limite, qui empêche en effet qu'elle se range dans
la catégorie de Russel Banks. Elle n'embrasse pas le monde, il
manque un truc
Quant à l'écriture et pour finir et je devrais commencer
par ça, contrairement à Jacqueline, les premières
lignes que tu as lues, je trouve ça formidable. Mais elle ne tient
pas tout le temps la route, par exemple elle n'évite pas les clichés
: ils reposent nus "dans un halo de félicité",
la maison "d'une vétusté jaunâtre"...
Jacqueline
C'est bien ça, on voit bien effet
Claire
Je trouve la traduction réussie. Je suis revenue au début
pour relire, et je me suis rendu compte que j'avais complètement
oublié qu'en effet ça raconte tout et le livre est un flash-back.
Je n'en étais pas sûre, mais après nous avoir entendus,
c'est bien un livre pour le groupe lecture...
Manuel à Séverine (qui a pris les notes mais n'a pas
lu le livre)
Alors, tu as envie ou pas de lire le livre ?
Séverine
Tout à fait !
Katell (qui a fait un come-back et qui n'était pas venue depuis
3 ans)
C'était une très bonne séance !
Claire
Mais il n'y a que des très bonnes séances
.
Katell
C'est comme quand on fait crac-crac ou catleya, c'est parfois très
bien mais parfois seulement bien
Brigitte (qui a transmis son avis)
Je l'ai lu avec intérêt. C'est bien écrit et le sujet
mérite toute notre attention. Cependant, l'auteur n'a pas réussi
à dépasser l'aspect "mise sous la forme d'un roman"
de toutes les façons dont peut s'exprimer le racisme. C'est notamment
visible et à mon avis trop appuyé à la fin du séjour
à Londres d'Obinze : elle ajoute à cet endroit un dîner
avec un groupe de bobos pour mettre en évidence leur racisme latent
sous de bonnes intentions apparentes. Cet épisode coupe l'élan
de l'histoire du mariage raté d'Obinze et dévalue l'ensemble
du livre. Il aurait fallu trouver une autre solution pour introduire le
racisme bobo. Ce n'est pas de la grande littérature.
Lisa (qui n'a pas transmis encore son avis)
J'ai réservé le livre à la bibliothèque depuis
longtemps, mais il n'est pas encore disponible... Je ne l'ai donc pas
encore commencé. Mais je le lirai quand même !
J'ai lu L'Hibiscus
pourpre de cette auteure que j'ai assez apprécié.
Bénédicte (qui a transmis son avis)
Une fois de plus, je ne pourrai venir ce soir, ce que je regrette beaucoup,
tant j'ai apprécié Americanah. J'avais vu Adichie
à La
Grande Librairie de François Busnel en janvier et j'avais trouvé
cette auteure non seulement belle et charmante, mais s'exprimant avec
une aisance modeste ; j'attendais que le livre paraisse en poche...
J'ai lu ce livre avec grand intérêt et en ai retardé
la lecture à la fin, car c'est comme si je quittais une amie. Ce
point de vue d'une Nigériane découvrant aux États-Unis
qu'elle est noire, la description des différentes classes aux US
allant du noir afro-américain, au noir américain, au métisse,
au blanc, les réflexions sur les tresses (et cf. les cheveux de
Michèle Obama) le mal-être du neveu noir parmi les blancs,
les amours impossibles entre communautés étrangères,
la fidélité à Obinze, le blog et ses réflexions
si pertinentes... m'ont beaucoup intéressée. Le livre est
très bien écrit, peut-être parfois un peu de longueur,
mais quelle sensibilité et quelle maturité ! A conseiller
absolument.
Mireille (qui a transmis son avis)
Americanah, c'est une lecture récréative après
Grand Homme que je n'ai pas fini.
Plongée immédiate dans l'atmosphère africaine d'un
salon de coiffure : coiffeuses malienne, sénégalaise,
clim en panne, immeuble miteux, banlieue insalubre pleine de graffitis,
à l'opposé du quartier d'Ifemelu à Princeton. L'héroïne
se fait tresser ses cheveux frisés "tels que Dieu les lui
a faits" pour le voyage qui la ramènera chez elle, à
Lagos d'où elle est partie il y a 13 ans. Et voilà qu'elle
envoie un e-mail à Obinze (p. 27) qu'il reçoit au Niger
avec trouble et émotion (p. 30). Mon attrait pour les premiers
amours est émoustillé... Suspense... Attente jusqu'aux dernières
pages pour en connaître le dénouement... Astucieux !
Le livre est dense, riche d'expériences de vie, alternance des
histoires, allers-retours constants entre passé et présent
s'entremêlant d'un personnage à l'autre, contemporain :
textos, blog, la race, comment s'en sortir en s'exilant. L'auteur aime
ses personnages, ils sont approfondis. On assiste aux difficultés
de toutes sortes d'une Africaine décidée à poursuivre
ses études aux États-Unis. Malgré son bagage universitaire
obtenu dans son pays, l'aventure est périlleuse. L'héroïne
est dotée d'une personnalité mâture, séduisante,
volontaire, irrésistiblement poussée à aller de l'avant,
sacrés atouts mêlés de chance lui permettant de devenir
l'amie de Kimberley dont elle garde les enfants, de se lier à Curt
le cousin, un blanc, beau, riche, amoureux qui lui facilitera sa recherche
de travail et son existence. A l'opposé la narratrice décrit
une autre expérience, celle d'Obinze qui échoue en Angleterre.
Sa galère se termine par son arrestation violente lors d'un mariage
; menotté, il traverse le hall de l'aéroport pour son retour
incontournable au pays. Ce personnage est attachant avec son amour pour
Ifemelu, sa relation à sa mère, sa droiture, sa force, son
calme et sa réussite... Traversent le livre : la couleur de
la peau d'Ifemelu qui ne la préoccupait pas en Afrique et qu'elle
découvre aux États-Unis, la distinction entre Noirs américains
descendant des Noirs établis en Amérique depuis des siècles
et africains y débarquant, l'attachement aux amis, à la
famille : Tante Uju (et son général), neveu, parents
auxquels Ifemelu envoie de l'argent, les reçoit. Et l'accent américain,
Ifemelu le prend mais choisira de ne plus parler comme une américaine.
Et les péripéties de ses cheveux frisés.
L'écriture est vivante, fluide. J'ouvre le livre en grand, facile
à offrir. Désolée je n'ai pas su faire plus court...
7 AVIS du groupe breton "VOIX AU CHAPITRE Morbihan"
réuni le 18 juin 2015
(Françoise, Marie, Claude, Lona, Nancy, Nicole, Lil). Cote
d'amour : 3/4 pour toutes
Toutes sont d'accord pour dire qu'il ne s'agissait pas d'une uvre
littéraire, mais d'un livre militant, d'un témoignage sur
le vécu d'une différence, au quotidien. L'écriture
est cependant fluide, les événements s'enchaînent
aisément.
Le premier chapitre nous renseigne sur la fin du récit, supprimant
un éventuel suspense mais ne diminuant pas l'intérêt
de la lecture. L'introduction du blog, au fil du livre, pour la diffusion
d'informations complémentaires, est un procédé assez
malin.
Ce qui fait la force de ce livre, c'est le témoignage de cette
universitaire nigériane, sur :
- le Nigeria, le contexte social (le milieu de l'héroïne),
économique et politique, avant le départ de l'auteure pour
les U.S.A.
- le rêve américain vu du pays d'origine
- la religion et la pensée magique
- le départ vers l'Amérique, la prise de conscience de sa
différence
- la réalité quotidienne pour les Africains et l'effritement
du rêve
- les catégories sociales aux USA : WASP, etc. ....
- la volonté de s'intégrer et les efforts terribles pour
y parvenir (extraordinaires séquences sur les cheveux - Michelle
Obama...) au risque de se renier et de perdre son identité
- la vie précaire des demandeurs d'asile, des sans-papiers (en
Angleterre)
- le racisme primaire et le racisme "à l'envers"
- le choc des cultures
- les réflexions sur la notion de RACE
- le retour au pays et la société des expats.
Chacune dit avoir appris beaucoup de la lecture de ce livre dont l'actualité
tragique amplifie l'impact.
AVIS du GROUPE
DE TENERIFE
réuni le 12 janvier 2021
Nieves
Americanah, un pavé de plus de 500 pages, mais une lecture
très fluide grâce à une écriture décomplexée,
assaisonnée des passages d'un blog qui apportent à l'ouvrage
un ton de proximité. Plusieurs sont les sujets présents
dans le livre : l'intégration dans une autre culture, le racisme
en Amérique, la société nigériane, les intellos
américains, l'université américaine, la coiffure
de la femme africaine, l'hypocrisie de la société anglaise
Donc, vue l'ampleur des avatars subis par tous les personnages, je vais
me centrer sur la protagoniste, Ifemelu, et l'évolution du personnage.
Il s'agit d'une personnalité puissante, volontaire, toujours capable
d'aller de l'avant. D'après son père, elle a une tendance
naturelle à la provocation. Il a peut-être raison, mais c'est
une qualité qui l'aide à ne pas flancher devant les difficultés.
C'est en effet son caractère qui va lui permettre de s'en sortir
et de trouver son indépendance dans des sociétés
où la femme doit avoir une forte volonté pour trouver le
moyen de gagner sa vie et ne pas se soumettre à la volonté
des hommes. D'abord elle réussit à l'école, ce qui
lui permet de trouver Obinze et sa mère, professeure à l'université,
quittant ainsi la maison familiale où elle n'aurait pas pu s'épanouir
de la même façon. C'est avec ce garçon calme, grand
lecteur, affectueux, fidèle, qu'elle fait des projets d'avenir.
Lui, amoureux du modèle américain, rêve d'aller en
Amérique. Pourtant, c'est elle qui a eu la chance d'y aller grâce
à sa tante Uju déjà partie.
En Amérique, elle souffre beaucoup au départ pour trouver
un boulot, mais petit à petit la vie lui offre différentes
opportunités. En particulier, elle va y avoir deux couples qui
ont été très importants dans la poussée de
sa maturité : celle de Curt, le Blanc riche, gentil et éperdument
amoureux qui l'introduit dans le monde des Blancs bourgeois, très
gentils, mais peu ouverts à écouter ce qui se passe réellement
en Afrique, puisqu'il leur suffit de financer une ONG, de faire la charité.
Désabusée de cette relation, surtout en découvrant
que son amoureux a des liaisons avec d'autres filles, elle va rencontrer
Blaine, un Noir américain, professeur à l'université.
Personnage très sensible, avec un engagement social qu'elle ne
partage pas vraiment ; et elle finit par le quitter aussi car elle sent
qu'elle doit continuer à vivre d'autres expériences. Or,
laissant de côté d'autres relations moins marquantes qu'elle
a eues, le moment de rentrer au Nigéria est arrivé. Elle
quitte un bon boulot de blogueuse à grand succès et une
relation détendue, agréable mais où il lui manque
on ne sait quoi, car, à la fin de chaque expérience, elle
sent qu'elle est toujours l'élément différent, donc
elle ne se contente pas de le savoir et poursuit sa quête.
Il faut dire que pendant les 13 ans qu'elle a vécus en Amérique,
elle n'a pas oublié Obinze, son grand amour de jeunesse, mais n'a
pas été très attentionnée avec lui non plus,
évitant de répondre à ses lettres ou à ses
appels. Pourtant, il y a eu des moments ponctuels où elle pensait
à lui. C'est ainsi que, rentrée à Lagos, elle va
être impatiente de le retrouver. Le lien se renoue mais les circonstances
de chacun ne sont plus les mêmes : lui devenu un grand PDG,
marié à une belle fille avec un enfant. Elle, femme mûre
et autonome, pas satisfaite avec ce qu'il peut lui offrir dans une société
très conservatrice, et Ifemelu ne vend pas sa liberté. Elle
représente bien le drame de ceux qui quittent leur pays pour trouver
un meilleur avenir, or, s'ils ne retournent pas, ils ne s'identifient
pas tout à fait avec le pays d'accueil et s'ils rentrent à
leur pays d'origine, ils se sentent également des étrangers.
À mon avis, c'est un roman à personnages, les aspects sociaux
ou politiques sont en arrière plan. Par contre, je trouve que l'être
humain avec ses ambitions, ses succès et ses échecs y est
bien présenté avec un langage simple et direct et non dénué
de gags humoristiques.
José Luis
Belle écriture ; beau, calme et compatissant portrait du monde,
et des personnes qui l'habitent, sans, pourtant, rester aveugle aux injustices
qui le traversent ; beau roman en conséquence !
Belle écriture, en effet, celle de cette femme d'origine nigériane
(dont je n'avais pas entendu parler jusqu'à il y a quelques mois),
dont le mérite, me semble-t-il, n'est pas l'originalité,
mais d'être très ancrée dans la tradition des grands
romanciers nord-américains. Tout au long de la lecture du roman
- en grande partie autobiographique, sans doute - je me suis
demandé d'où venait cette impression de facilité,
d'aisance, de naturel, d'élégance mais aussi de pertinence,
d'adéquation, de clarté et de profondeur qui découlaient
de cette écriture. Et c'est après coup, quelques jours après
avoir tourné la dernière page du livre, que j'ai cru comprendre,
que j'ai cru... savoir : de cette tradition dont je parlais ci-dessus,
mais d'une tradition renouvelée par certains des romanciers de
la génération précédente à celle de
Chimamanda Ngozi - je pense, par exemple, aux Canadiens, Alice Munro
et Richard Ford -, mais aussi par des écrivains aînés
de sa propre génération, comme - je ne parle que de
ceux ou celles que je connais, évidemment - le coréen
d'origine Chang Rae Lee et Jonathan Franzen, surtout si l'on tient compte
des uvres qui les ont fait connaître, Langue natale,
pour le premier, et Les
corrections pour le second, romans qui, pour moi, restent à
ce jour, les meilleurs de leurs respectives productions. Au charme de
la musique qui vient de cet ancrage s'ajoutent, je crois, l'enrichissant,
les tonalités d'une seconde voix qui procède des mélodies
des langues nigérianes avec lesquelles l'autrice s'expatrie aux
USA et qui percent à travers son anglais américain.
Beau, calme et compatissant portrait du monde, aussi. Du monde et des
gens qui s'y affairent. Parce que le regard que, sur l'un et les autres,
jette Adichie est rarement acide, amère, sombre ou colérique,
sauf dans trois ou quatre moments du très large paysage que le
roman brosse : certains des brefs événements qui ont
cours au Royaume-Uni, ou ceux qui entourent la chute du militaire nigérian
amant et protecteur de la tante d'Ifelemu, l'héroïne du récit,
et son départ forcé, accompagné de son fils, aux
USA, ou, encore, ceux concernant l'un des employeurs américains
d'Ifemelu, le véreux entraîneur sportif dont il est question
dans le chapitre 15 du roman. Sinon, le regard de Chimamanda m'a paru
être presque toujours serein, compréhensif, compatissant,
ouvert, souvent tendre et gai, qu'il s'agisse de présenter la complexité
des manières d'être "noir" aux USA et des rapports
entre les différentes catégories y impliquées, et
de celles-ci et les blancs, ou de décrire le monde des femmes nigérianes,
qu'elles soient mariées ou pas, ou de parler des compagnons d'Ifemelu.
Ce regard noble et ennoblissant, qui juge rarement, qui prend soin de
soigner les autres est spécialement visible quand il se focalise
sur les relations familiales ou amoureuses : celles d'Obinze et sa
mère, d'Ifelemu et Obinze, d'Ifelemu et ses différents compagnons,
ou ses parents, son père en particulier, sa tante et son petit
neveu... Et cette chaleur humaine et ce confort psychique débordent
du livre pour se nicher dans le cur du lecteur, en tout cas dans
mon cur de lecteur, qui, penché sur le livre, expérimente
quelque chose de semblable à ce que Ifelemu avait ressenti lors
de sa rencontre avec Obinze : "Elle
posa sa tête contre lui et éprouva, pour la première
fois, ce qu'elle ressentirait souvent avec lui : de l'estime pour elle-même.
Il lui apprit à s'aimer. Elle se sentait à l'aise, bien
dans sa peau".
Un beau livre, en conclusion, dont la lecture - facile, agréable,
instructive - fait du bien. Une belle rencontre, donc, une découverte,
qui m'a donné l'envie de lire d'autres livres de Chimamanda Ngozi
Adichie et d'attendre avec intérêt ses prochains textes,
comme autrefois j'ai fait avec les auteurs nord-américains cités
plus haut, ou, avant eux, et pour ne pas remonter plus loin dans le passé
littéraire de cette contrée du monde, les deux Roth, Philip
et Henry, très différents l'un de l'autre, mais qui ont,
dans une certaine mesure, changé ma vie.
Nos cotes d'amour,
de l'enthousiasme au rejet :
à
la folie,
beaucoup, moyen, un peu, pas du tout
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens
|