Quatrième de couverture :
"En vérité, l'insurrection contre
mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son
racisme, sa violence, ses habitudes, n'a été que seconde.
Car avant de m'insurger contre le monde de mon enfance, c'est le monde
de mon enfance qui s'est insurgé contre moi. Je n'ai pas eu d'autre
choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre."
É. L.
Édouard Louis est écrivain. Ce premier
roman, traduit dans une vingtaine de langues, a rencontré un succès
critique exceptionnel à travers le monde.
"D'une force et d'une vérité bouleversantes."
Annie Ernaux
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Édouard Louis
En finir avec Eddy Bellegueule
Nous avons lu ce livre en octobre 2015.
Ce
livre risquait de nous amener sur le terrain de la vérité
et de devoir être ramené(e) à la question "Mais
qu'est-ce que tu penses du livre lui-même en tant que roman ?"...
puisqu'il est sous-titré "roman".
Plusieurs raisons pouvaient nous inciter à parler de la réalité
elle-même, malgré notre propension... exigeante à
nous maintenir dans le domaine de la littérature :
1. l'auteur lui-même lie pour son livre son projet littéraire
et la vérité
2. l'on n'ignore pas les polémiques autour du livre : visites
de journalistes dans la famille, mère de l'auteur dans un débat
à la FNAC, etc., susceptibles de déconsidérer la
démarche d'Édouard Louis ; il faudrait être
ascétique pour faire limpasse sur les rebondissements liés
à la sortie du livre...
Voici donc un petit dossier (ICI),
combinant intérêt littéraire et goût du potin
(avec deux vidéos, dont Eddy Bellegueule, histoire d'un roman
sous pression médiatique, p. 7). Le dossier étant
volumineux bien que soient parfois retenus des extraits, des passages
ayant trait au littéraire sont surlignés en mauve.
Monique L (avis transmis)
Pour moi ce n'est pas un roman (aucune intrigue
) mais une autobiographie.
Je n'y vois pas non plus d'étude sociologique par manque de nuance.
Mais c'est un livre que j'ai lu d'une traite comme en apnée. Je le
vois comme un cri libérateur. C'est caricatural et sans recul pour
analyser la situation. C'est un témoignage brut et impudique qui
relate le propre ressenti de l'auteur dont on peut reconnaître l'objectif
libérateur. Cela me crée un certain malaise. Je me sens comme
un voyeur. A la fin de ce livre je me pose la question de la construction
de la personnalité. On ne sait pas ce qui a permis à Eddy
de s'en sortir. (A mon avis son intelligence et ses études y sont
pour quelque chose, mais cela ne me paraît pas suffisant). C'est un
livre poignant. L'exagération de ses critiques sur son entourage
et sur son environnement dont il ne décrit que les mauvais côtés
donne de la force à son récit. On sent la souffrance, l'exaspération,
la révolte.
Claire-Lise (avis transmis)
On est dans un registre flou : roman ? Autobiographie ? Autofiction ?
J'ai apprécié l'écriture qui est sans pathos, sans
chichis et qui par son absence de recherche même, rend encore plus
terrible la description presque clinique de son enfance et de son milieu.
De temps à autre, il insère sèchement les paroles de
son père, de sa mère, leur vocabulaire populaire, leurs phrases
toutes faites, sans les filtrer. Il ne cherche pas à dissimuler le
milieu social très défavorisé dont il est issu, mais
il ne revendique pas son attachement à lui non plus. Au contraire.
On est là dans le reniement. Couper les ponts était une nécessité
absolue pour qu'il puisse devenir qui il est. Ce livre nous claque à
la gueule et nous laisse un peu KO. On lui fait le reproche de n'être
pas écrit. Il me fait l'effet plutôt d'un crachat sec et violent.
On ne travaille pas un crachat. Il sort et puis c'est tout. Il renvoie du
mépris, et ne se soucie pas d'être joli. Est-ce que le livre
est racoleur ? Oui, un peu. C'est un peu un livre fait-divers. Je n'ai
pas suivi du tout les polémiques qui ont suivi la sortie de son livre,
donc je n'ai pas d'avis dessus. Je ne suis pas sûre que ce premier
ouvrage suffise à propulser Édouard Louis au rang d'écrivain.
Il a plutôt couché par écrit un témoignage, reconstitué
un journal à posteriori, mais est-ce de la littérature ?
J'ouvre aux ¾ car je le trouve réaliste et sincère.
Brigitte (avis transmis)
L'auteur aborde un sujet très intéressant. Cela entraîne
pour lui des difficultés avec sa famille, c'est sans doute le prix
à payer pour le succès de son ouvrage. J'admire l'aplomb et
la détermination de ce tout jeune homme, qu'il a puisés dans
sa personnalité et l'histoire de son enfance.
Mais, intéressons nous plutôt au livre lui-même. En ce
qui concerne l'écriture, le livre se lit facilement, mais je ne suis
pas éblouie par le style. L'auteur explique les difficultés
rencontrées pour rendre compte de la parole de sa mère, ce
qu'il a réussi à faire. Il s'essaie à exprimer l'indicible
; mais Duras, Sarraute et d'autres y sont parvenus mieux que lui.
Je voudrais noter que le milieu qu'il décrit, cette campagne très
pauvre de Picardie aux environs d'Amiens, est le terreau des électeurs
FN ; son livre nous le rend plus familier. Quand il s'agit de la très
grande pauvreté, je pense immédiatement à ATD Quart
Monde, dont j'ai bien connu les fondateurs par ma grand-mère. (Le
mouvement s'appelait alors Aide à toute détresse, d'où
ATD ; le monde qu'ils découvraient dans le camp de Noisy-le-Grand
ne pouvait pas être le tiers monde, d'où le quart monde.) Dans
leurs analyses, ils évoquaient souvent la perte des savoirs, la non-transmission
des pratiques dans cette population déshéritée :
je me souviens notamment que des jeunes femmes avaient perdu (ou n'avaient
jamais acquis) la culture qui accompagne les soins à donner à
un très jeune enfant (biberons, réveil de nuit, change
),
comment le porter dans les bras etc. Cela expliquerait l'impression d'incompréhension
du monde actuel et la difficulté de communication qui en ressort ;
faille dans laquelle peut s'engouffrer le discours simpliste du FN.
Serge (d'Avignon)
J'avais lu une première fois ce livre en avril 2014. C'est, me
semble-t-il, l'histoire d'une évasion. C'est comment se sortir
d'une situation invivable, intenable, impossible, face à l'homophobie
généralisée, face à la cruauté des
enfants devant ce qui ne leur semble pas la norme, face aux adolescents
qui sont en réaction avant d'être en réflexion, face
à un univers familial entêtant, une promiscuité éprouvante,
l'alcoolisme du père, comme souvent dans le Nord. Là où
seule la fuite est envisageable comme avenir possible.
Je l'ai relu, ce livre, une deuxième fois pour le groupe et il
m'a à nouveau beaucoup touché. J'ai pensé à
ces foyers qui s'ouvrent, je crois qu'il y en a un à Avignon depuis
un peu plus d'un an, pour accueillir les jeunes homos rejetés par
leur famille. Je me suis demandé si Édouard Louis, l'auteur,
qui aborde là un sujet plutôt tabou et encore bien ignoré,
pourra un jour passer à l'écriture de fictions ou, puisqu'il
est bien jeune, s'il va évoluer dans le champ des essais et de
la théorie.
Pour moi, c'est un récit de vie, cousin de L'astragale d'Albertine
Sarrazin, de Mars de Fritz Zorn, du Pavillon des enfants fous
de Valérie Valère ou encore du Journal d'Anne Frank,
de Moi, Christiane F... Il va au-delà de l'autofiction et
de la littérature elle-même, donc peut-être sort-il
un peu du cadre du groupe lecture...
Annick A
J'ai lu ce livre quand il est paru. Je ne l'ai pas envisagé comme
"livre-pour-le-groupe-lecture". J'avais lu avant le livre d'Éribon
qui est tellement bien : c'est incomparable, Retour
à Reims. Didier Éribon avait honte de son milieu,
au point qu'il cachait son passé ; c'est son premier livre
sur l'homosexualité ; il explique aussi comment sa famille
et passer du PC au FN. Après ce livre, celui-ci ne m'apprend rien.
Au niveau littéraire, je n'ai pas aimé. Je l'ai relu pour
voir si je serais plus indulgente. Il est très jeune.
Françoise D
Au niveau littéraire l'écriture n'est pas là, non !
Ce qui est intéressant, c'est le double langage : son parler
et le parler de sa famille. Il clame que c'est la vérité ?
Mais j'ai relevé des contradictions : l'exemple de l'épisode
avec Sabrina, l'incohérence concernant l'histoire du téléphone...
En prétendant dire la vérité, il en rajoute. "Mon
père mangeait dans sa gamelle, comme les animaux." :
c'est faux. C'est un exercice d'exorcisme par l'écriture. Si on
s'en tient à l'objet littéraire, ça ne tient pas
la route. C'est un témoignage.
Jacqueline
Je n'ai pas beaucoup aimé. J'ai de la commisération pour
cet auteur. Il a de la haine, il s'en est sorti. Il est devenu normalien.
Il est plein de haine du milieu dont il est sorti. Ses parents l'aiment
à leur façon. Ce livre ne me convainc pas de grand-chose.
Dans Duras, il y a un effet de distance par rapport à ce qui a
été vécu, mais pour lui il n'y a pas encore la distance :
ce n'est pas sûr qu'il en ait vraiment fini avec Eddy
Je pourrais
aimer si c'était bien écrit. Quand il fait parler ses parents,
ça reste artificiel, plat, simple ça me fait parler à
Balzac quand il fait parler Nucingen,
on sent que c'est artificiel. Même s'il les fait parler avec des
expressions communes, ça n'est pas crédible.
Fanny
Je l'ai lu peu de temps après Genet, je l'ai lu facilement, avec
un certain plaisir. Sans rien savoir de tout le côté médiatique.
J'ai trouvé quelques passages bien écrits. J'ai bien aimé
les têtes de chapitre, il y avait une petite originalité.
J'ai aimé ce qu'il dit sur les attentes liées au sexe, ce
que doit être un garçon. Je l'ai fini il y a deux semaines
et il ne me reste pas grand chose. C'est un livre qui risque de s'oublier
assez vite. C'est aussi un livre qui appelle des comparaisons : j'ai
pensé à Zola, mais c'est sûr que ce n'est pas au même
niveau. De même avec Annie Ernaux : il n'y a pas la même
force avec ce livre. Je suis resté dans la distance avec ce qu'il
décrit. Au niveau médiatique, on est dans le voyeurisme,
on parle plus du battage médiatique du livre.
Annick L
Je l'ai lu d'une traite avec la sensation d'uppercut en permanence. Ça
fait ressentir ce qu'il a ressenti : de ce point de vue-là,
c'est assez réussi. Après, je me dis : et alors ?
Je ne suis pas d'accord sur le côté caricatural, il y a de
beaux passages avec ses parents. L'évocation qu'il fait de son
milieu m'a paru touchante. Et ce n'est pas entièrement faux. Mais
il reste quoi ? Littéralement, il y a quelque chose qui n'est
pas abouti. Ça m'a fait penser à Céline, il y a quelque
chose de craché. Mais c'est faible. C'est un témoignage.
Mais pourquoi ce succès ?
Séverine
N'oublions pas que c'était en pleine période du mariage
pour tous.
Annick L
Ce jeune homme est brillant. Il est un bel exemple de réussite
marketing.
Geneviève
Je ne sais pas trop quoi dire. J'aimerais bien aimer. Dans l'idée,
dans ce qu'il essaie de dire, il y a des choses qui me plaisent. Il y
a une sorte de tendresse. Il y a des choses en trop, c'est surjoué,
il enfonce le clou, c'est indirectement une façon de dire sa haine
de façon multipliée. Il y a quelque chose de fort, mais
on est mal à l'aise. Il n'y a pas besoin d'être vieux pour
avoir du recul. J'ai le sentiment de quelque chose de pas digéré,
donc difficile à recevoir. Que va-t-il faire après ?
C'est tellement brut de décoffrage. Je suis touchée par
rapport à l'effort qu'il fait pour restituer le réel et
le besoin de hurler de colère. C'est bancal, mais ce n'est pas
rien.
Lisa (arrivant directement de Lyon)
Je l'avais lu quand il est sorti, après le début de la polémique,
et avec des a priori négatifs, à savoir c'est glauque et
exagéré. Ça été confirmé. Je
n'ai relu pour le groupe, car je n'avais pas aimé. J'ai eu le dossier
de Claire et là, je me suis dit que j'aurais apprécié
de le relire en laissant de côté le témoignage. En
le feuilletant en même temps que je vous écoute, je me dis
que je n'ai pas envie de le relire. J'ai vécu en Picardie aussi
non loin de ce village et je n'ai pas vu ça. Il fait des généralités,
on a l'impression que c'est pire que les corons. C'est du même niveau
que ce qu'on vend dans les gares
Denis
Je ne savais rien de ce livre. C'est choquant. Ça m'a appris plein
de trucs. C'est dur, pénible. Ce n'est pas bien écrit. Ce
n'est pas un roman, ça n'ouvre sur rien. Avec le problème
de la réception de ce genre de livre qui parle de gens existants.
Il est jeune, ne suscite pas l'enthousiasme. Je n'avais pas connaissance
du concept de "transfuges" avant de lire le dossier
de Claire. Je n'avais pas vu ça. La question de la réception
se pose en effet : pourquoi ce succès ? Une partie de
ma famille est picarde et elle est partie de la région. C'est gênant.
Il en fait trop. Sa ma manière de parler de choses trash ne m'a
pas plu. C'est un témoignage de la souffrance d'un jeune homosexuel.
Il a tenté de mettre sur la place des choses comme celle-là.
Claire
Je l'avais lu peu après sa sortie, sans parasitage médiatique.
J'ai souvenir d'un coup de poing, de l'homosexualité, mais surtout
de la découverte d'un milieu rappelant les années 50 et
mon ignorance de ce qui est. Le temps a passé, je l'ai relu :
le coup de poing a réopéré ; j'ai été
sensible à toutes sortes d'éléments, qui ne vont
pas tous en faveur du livre. Il y a des ressorts romanesques, très
vite on sait que ça finira bien, ouf pour supporter le reste ;
dans la première partie on positionne le milieu, c'est dans la
deuxième partie qu'il se passe des choses et pour moi il y a bien
une "intrigue". C'est composé, très ; il
n'y a pas de table de matières ce qui me semble une coquetterie,
on découvre au fur et à mesure, titre et texte. Les fins
de chapitres sont tissées avec les suivantes. Il y a bien une dimension
universelle. L'écriture est très efficace ; cependant
je n'ai pas apprécié tout à coup des phrases nominales,
je les trouvais maladroites, comme paresseuses. Il y a des phrases fortes,
ne serait-ce que la première ou devant la chambre des parents "l'odeur
du cri du père". La distance, elle existe, mais il s'agit
de l'application d'une théorie bourdeusienne et c'est un peu gros,
les commentaires. Quant à ce qui tourne autour du livre, c'est
passionnant : la façon dans les auteurs utilisent leur entourage,
la question éthique/littérature, je trouve ça passionnant.
Malheureusement, l'auteur s'est mis à passer son temps à
se justifier littérairement compris, et c'est parfois pathétique...
Manuel
Je l'ai lu quand il est sorti et je l'ai relu. On oublie beaucoup de choses.
Mais c'est un page-turner, ça se lit facilement. Grâce au
dossier
de Claire, je ne le prends plus pour un roman : pour moi, c'est
un témoignage. Je me mets à la place de ses parents :
je serais en colère... La maltraitance vient des enfants -
les collégiens - et pas des parents. Et elle ne concerne pas
que les homosexuels.
Jacqueline
Il y a toutes sortes de harcèlements !
Manuel
C'est dur la première phrase. Je ne pense pas que ses parents ne
l'aiment pas. Ce qui me gêne, c'est ces récits de famille,
ça ne doit pas paraître. Et je me suis posé la question
de la crédibilité de beaucoup de choses. Je suis d'accord
sur le fait que certaines pages sont percutantes. Je vais lire une phrase
du Journal du voleur de Genet que j'ai lu après vous :
"Le talent c'est la politesse à l'égard de la matière,
il consiste à donner un chant à ce qui était muet."
Il a ce talent. Il a une certaine maturité.
Claire
La maturité est-elle une qualité littéraire ?...
Manuel
C'est un livre pour le groupe lecture car il y a de quoi à dire.
Il y a des choses gratuites : l'épisode Sylvain par exemple.
C'est un livre que je pourrais passer, en cas d'homophobie par exemple...
Séverine
Il y a un brouillage sur ce que je pense. C'est un témoignage.
C'est peut-être dur de dire cela, mais cela me rappelle les émissions
de Delarue et on le verrait sur le thème : vous êtes
picard, homosexuel, et de milieu populaire... L'homosexualité,
c'est pas ça pour moi le sujet : c'est le parcours du transfuge.
La caricature des milieux contrastés, ça m'a rappelé
La vie est un long fleuve tranquille, avec Les Le Quesnoy et les
Groseille.
Annick L
La famille Groseille est plutôt sympathique.
Claire
On n'a pas de riz au lait
Séverine
Je viens de la campagne aussi, mais ils sont vraiment bruts de fonderie.
Je le trouve très dur avec sa famille. Littérairement c'est
très fort, par exemple, le passage où il avale le molard... :
on est en effet loin de Genet et les fleurs
Je ne peux pas dire
que c'est un livre que j'ai vraiment aimé. Je me rendais compte
que la réaction à la personne risquait de dominer. Vos avis
sont contradictoires, je n'ai pas vu comme certains, et ça enrichit
ma vision. Je me souviendrai de "l'esprit" du livre.
Richard
Je n'étais pas au courant du buzz, et je ne sais rien de l'auteur.
J'ai l'impression de lire du Zola. Mon professeur à la fac adorait
Zola et j'ai donc tout lu. Est-ce que c'est la fiction ? Ou de la
réalité ? Si c'est réel, c'est choquant pour
moi. J'ai considéré ces personnages comme des clichés,
faciles à imaginer, donc ç aide et ça facilite pour
rentrer dans le livre. Quand je lis une fiction, j'ai envie que l'auteur
m'aide à entrer dans l'histoire, là ça ne marche
pas. Je n'adhère pas. En fermant un livre, j'aime rester dans l'histoire
quelques jours après. Ici ce n'est pas le cas. C'est un scénario
de film - mon fils est scénariste
- c'est
une suite de séquences.
Nathalie (arrivant directement de Nantes)
Les passages crus m'ont donné la nausée. Je suis naïve
sur la sexualité d'enfants de 10 ans. Quand j'ai lu une première
fois, je me suis demandé pourquoi ce livre était programmé
au groupe. Je n'ai pas aimé les clichés, les phrases toutes
faites. Pour moi, il n'y a pas eu de travail de relecture de la part de
l'éditeur. J'ai senti qu'il a pris tout ce qu'il avait lu avant.
Il règle ses comptes avec plein de choses. Je ne suis penchée
sur les personnages ; le père est bon ; un aspect intéressant
est le rapport bourreau/victime. Je trouve aussi qu'il y a de l'humour.
Et la description de la mort du père de la mère ! On
a l'impression de lire du Zola. C'est un écrivain jeune qui s'essaie
à des choses, mais c'est très sensible ; par exemple
quand il évoque camp de rééducation qu'il souhaiterait
pour lui, comme pour les obèses. J'ai appris des choses ;
il est la voix des autres. Certes il y a beaucoup d'incohérences :
il y a vraiment un travail de relecture qui manque. Il faut lui laisser
sa chance. J'ai trouvé culotté de le comparer à Duras.
Pour l'instant il a écrit un bouquin.
Lil (avis transmis après avoir lu le petit
dossier)
Les documents sur Eddy sont passionnants : du coup, j'ai relu le livre.
Le dilemme tourne toujours autour de ce que l'on s'autorise à dire
en littérature : le genre "roman" est alors très
pratique, même si Édouard Louis a eu quelques sueurs froides
au moment de la parution. Ensuite, les frontières entre "littéraire"
et "non littéraire", comme le dit Éribon, "semblent
bien floues".
Reconnaissons que l'ouvrage est bien écrit, que le récit,
articulé autour de ces deux langues, coule parfaitement. Le livre
est construit, certes, mais les essais aussi sont souvent très
bien construits et bien écrits... Pour moi, un roman est une uvre
fictionnelle... Intéressant ce qu'exigeait Zola !
Claire
Édouard Louis dit : «
le mot "roman" figure sur la couverture. Pourquoi associe-t-on
spontanément celui-ci à la fiction ? Le roman est un travail
de construction littéraire qui permet justement d'approcher la
vérité. Il aurait peut-être fallu écrire "roman
non fictionnel " ou "roman scientifique", comme le revendiquait
Zola pour ses livres. » (dans Télérama)
En fait, ce
n'est pas tout à fait ce que dit Zola qui évoque plutôt
une analogie : « J'en
suis donc parvenu à ce point : le roman expérimental est
une conséquence de l'évolution scientifique du siècle
; il continue et complète la physiologie, qui elle-même s'appuie
sur la chimie et la physique ; il substitue à l'étude de
l'homme abstrait, de l'homme métaphysique, l'étude de l'homme
naturel, soumis aux lois physico-chimiques et déterminé
par les influences du milieu ; il est en un mot la littérature
de notre âge scientifique, comme la littérature classique
et romantique a correspondu à un âge de scolastique et de
théologie. » (Émile Zola, Le Roman expérimental,
1880, texte complet ICI)
Gérard Mauger (dans un article)
« Empathie et indignation :
tel fut mon premier mouvement, le même, sans doute, que celui des
très nombreux lecteurs du "roman" dÉdouard
Louis. Mais un deuxième mouvement vint bientôt rectifier
le premier : limpression initialement confuse quÉdouard
Louis en faisait trop. Je voudrais exposer ici le troisième
mouvement un essai de critique proprement "sociologique"
qui cherche à clarifier le deuxième sans oublier le premier,
en interrogeant la sociogenèse de ce roman. Cet essai de critique
sociologique repose sur lébauche de ce que pourrait être
une enquête sur les conditions de production de ce roman. »
Suite de l'article très intéressant de Gérard
Mauger : ICI
(Un cas de conversion : à propos
de Édouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule,
publié dans la revue Savoir/agir, n°30,
janvier 2015). Gérard Mauger est sociologue, directeur
de recherche émérite au CNRS, membre Centre de sociologie
européenne (CSE). Ses recherches ont porté sur la jeunesse,
la déviance, les pratiques culturelles et les intellectuels.
Muriel (après avoir lu les avis)
Quant à moi, le livre m'a beaucoup plu. Je ne trouve pas qu'il
en fasse trop : le discours des parents paraît très vraisemblable,
quant au fond et quant à la forme. C'est un style simple qui rappelle
Annie Ernaux. C'est à la fois un récit sur la non-acceptation
de l'homosexualité et sur la "transfugion" de classe
sociale et, en cela, c'est très intéressant.
Nathalie (qui ajoute)
On peut également remarquer à la page 22 une phrase qui
semble chercher à créer l'illusion du vrai avec un jeu de
déterminants "Ton-votre père est décédé"
(dit la personne au téléphone) et attester la volonté
du personnage/auteur d'être au plus près de la vérité
ou comme le dit Rousseau dans son incipit "J'ai pu supposer vrai
ce que je savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être
faux".
Si le lecteur a du mal avec l'écriture ou le monde qui lui est
proposé, c'est peut-être aussi pour les raisons qu'Édouard
Louis semble anticiper. De la même façon qu'il ne réussit
pas à comprendre sa mère, nous pouvons ne pas le comprendre
parce que nous cherchons à "imposer une cohérence
plus compatible avec [nos] valeurs" (p. 68) ou parce qu'"il
n'existe d'incohérences que pour celui qui est incapable de reconstruire
les logiques qui produisent les discours et les pratiques" (p.
69)
Dans les intitulés de chapitres, il m'a semblé intéressant
de relever la place centrale (à la moitié de l'ouvrage)
du chapitre "L'autre père", qui marque la tentative avortée
de ce dernier de quitter son milieu ou celui qui clôt le roman et
fait allusion à Gide dans son intitulé "La porte
étroite". En effet, le narrateur y annonce son refus de
faire une uvre littéraire : "Dautres en
auraient pu faire un livre ; mais lhistoire que je raconte ici,
jai mis toute ma force à la vivre et ma vertu sy est
usée. Jécrirai donc très simplement mes souvenirs,
et sils sont en lambeaux par endroits, je naurai recours à
aucune invention pour les rapiécer ou les joindre" (Gide,
La porte étroite, 1909, chapitre I)
Claire
Je trouve qu'on est perdu parmi les genres autobiographiques. Voici une
liste, forcément discutable :
- Autobiographie :
Les
Confessions de Rousseau
- Roman de fiction à la première
personne : La
Vie de Marianne lue par
nous
- Journal : dont
les formes sont très très variées ; Le
Journal du voleur de Genet que nous avons lu ne renvoie guère
à l'aspect du Journal
de Kafka
- Mémoires : Mémoires
d'une jeune fille rangée Simone de Beauvoir
- Essai : Les
Essais
de Montaigne ("Je suis moi-même la matière de
mon livre")
- Un gros sac comportant le roman
autobiographique, l'autofiction :
L'Amant de Duras, La
Promesse de l'aube de Romain Gary, Annie Ernaux etc., etc.,
etc.
"Autofiction" est un néologisme dont l'écrivain
Serge Doubrovsky est l'auteur (en 1977).
La théorie littéraire anglaise n'ignore pas, elle, les
romans non fictionnels et comporte deux
notions proches de l'autofiction : faction et autobiographical
novel.
La faction (mot-valise regroupant
fact et fiction) s'applique aux textes recourant à
une technique narrative empruntée à la fiction, avec un
récit portant sur des faits réels.
Même si le terme fait référence aux caractéristiques
de l'autofiction, les livres qu'il désigne se rapprochent de
la non fiction novel, voire du roman
historique (récit historique fictionnalisé).
L'autobiographical novel désigne
un récit proche de la vie de l'auteur mais introduisant des éléments
de fiction.
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
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à
la folie
grand ouvert
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beaucoup
¾ ouvert
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moyennement
à moitié
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un
peu
ouvert ¼
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