Photo extraite
de
France culture
Quatrième de couverture :
"Quel sera le sort de Fama, authentique prince malinké,
aux temps de lindépendance et du parti unique ? Lancien
et le nouveau saffrontent en un duel tout à la fois tragique
et dérisoire tandis que passe lhistoire, avec son cortège
de joies et de souffrances."
"Au-delà de la fable politique, Ahmadou Kourouma restitue
comme nul autre toute la profondeur de la vie africaine, mêlant
le quotidien et le mythe dans une langue réinventée au plus
près de la condition humaine. Dès sa parution en 1970, ce
livre sest imposé comme un des grands classiques de la littéraure
africaine."
En hommage à son uvre, depuis
2010
une maison accueillant des associations
porte son nom à Lyon.
Décerné depuis 2004
au Salon du livre
de Genève, le prix
Ahmadou-Kourouma récompense
un ouvrage consacré
à l'Afrique noire.
Photo de 1990
extraite de l'INA
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Ahmadou Kourouma (1927-2003)
Les soleils des indépendances
Nous avons lu ce livre en avril 2017.
Nous avions lu En
attendant le vote des bêtes sauvages en 2007.
Voir en
bas de page des infos sur le livre, l'auteur et son uvre
Denis (depuis l'Iran)
Je n'ai pas lu Les soleils des indépendances mais j'ai lu
Quand
on refuse on dit non, la suite d'Allah
n'est pas obligé. C'est l'histoire des guerres africaines
vue par un enfant-soldat. Ce personnage est fascinant, à la fois
par sa morale personnelle (si, si ! il a de la morale) et par sa
façon de parler et de raconter. Quand on refuse on dit non est
inachevé : l'écrivain est décédé
en cours de route. C'est un exposé incroyable de l'histoire politique
de la Côte d'ivoire. J'imagine que cela se rapproche des Soleils
des indépendances que je lirai dès que j'en aurai l'occasion.
J'attends avec curiosité vos avis.
Catherine (avis transmis)
J'ai beaucoup aimé ce livre. Il s'agit, je crois du premier livre
publié de Kourouma, auteur que je connais assez peu puisque je
n'ai lu qu'un seul de ses livres Allah n'est pas obligé.
J'ai d'abord été intéressée par l'éclairage
historique sur la période qui a suivi l'indépendance de
l'Afrique noire francophone (période que je connais personnellement
très mal), sur les bouleversements qui ont suivi, l'espoir de démocratie
et les attentes déçues des populations qui vont jusqu'à
leur faire, par moments, regretter les colons français. Il y a
aussi une dimension politique et satirique, en particulier à la
fin, au moment des soi-disant complots et de l'intervention du président,
personnage à peine esquissé mais qui laisse percevoir le
règne de la dictature, de la mégalomanie et de l'arbitraire,
avec un côté grand- guignolesque du personnage.
Au-delà de ça, l'intérêt principal pour moi
a été de me transporter en pays malinké avec ses
coutumes, ses griots, la place du surnaturel (l'ombre d'Ibrahim qui retourne
dans son village ; les visions de Salimata dans la calebasse du magicien,
les métamorphoses de Balla..), des marabouts et des rêves,
entremêlés à la religion musulmane.
J'ai beaucoup aimé l'écriture, assez surprenante dès
les premières pages (Ibrahima "a
fini", "Il n'a pas soutenu un petit rhume", "son ombre
graillonna"), les proverbes et les tournures de phrase
qui donnent une grande originalité au livre. Dès le titre
d'ailleurs, on est surpris : pourquoi les soleils et pas
le soleil ; les indépendances et pas l'indépendance.
Les titres des chapitres sont étonnants, parfois drôles ou
poétiques ("Marcher
à pas comptés dans la nuit du cur et dans l'ombre
des yeux").
Les personnages sont intéressants et souvent complexes, Fama, le
prince déchu, l'ancien grand commerçant, qui court les enterrements
au début du livre, qui retourne vers Togobala dans la deuxième
partie et retrouve un peu de sa gloire passée, qui ne comprend
pas que l'on puisse l'empêcher de passer une frontière au
milieu du royaume du Horodogou, frontière qui symbolise pour lui
l'absurdité des indépendances, Salimata qui a une place
importante dans le livre et illustre la condition des femmes Malinké,
avec la violence de l'excision, du mariage forcé, le drame de la
stérilité...
Il s'agit donc d'un livre très riche, qui aborde beaucoup de thèmes,
dont j'ai beaucoup aimé le style et que j'ouvre au ¾ voire
en grand.
Monique S
Oui, pourquoi trois quarts ?...
Anne (avis transmis)
Je suis un peu embarrassée pour définir les sentiments qui
m'ont habitée pendant la lecture de Les soleils de l'indépendance
car c'est hélas l'agacement et l'ennui qui l'ont emporté.
La superstition autour d'Allah sans cesse convoqué et mélangé
aux croyances anciennes, le maléfisme, les pensées magiques,
l'omniprésence du sorcier et du marabout, les fétiches,
m'ont semblé trop au centre du texte, l'emportant sur l'histoire
tragique de Fama trimbalé dans les dédales d'une politique
africaine incertaine et qui aurait pu m'intéresser sans cet excès
de croyances qui pourtant représentent sans doute une réalité
de la vie africaine. Dans cet ensemble, la psychologie de Fama peu intériorisée
au-delà de l'orgueil et de la passivité, m'a plutôt
lassée. J'ai suivi les aventures de Fama sans être émue
de son sort, bien que la beauté de l'écriture m'ait en revanche
donné l'envie de démêler la complexe et intéressante
évolution de l'histoire. Le passage sur la fuite de Salimata, les
descriptions de paysages, m'ont laissée émue. Le sacrifice
de la poule m'a fait rire et le texte lors de la tentative de viol par
le marabout m'a semblé puissant. Ce sont des exemples, car ce livre
est dans son ensemble soutenu par une belle écriture. Mais, mais
comme la présence de la superstition, celle insistante de l'excrémentiel
pour représenter l'atmosphère de la vie des nécessiteux
est trop au premier plan. Une chose plus sobrement décrite a souvent
plus de force que mise avec excès. Si l'agacement et l'ennui m'ont
parfois donné envie de fermer le livre, j'ai toutefois été
relire certains beaux passages qui si j'étais peintre m'inspireraient.
Je me trouve donc avec des sentiments partagés et je n'ouvrirai
ce livre que moyennement tout en reconnaissant que l'identité d'un
certain aspect de l'Afrique est ici sans doute très bien montré.
Fanny
Je rebondis sur ce dernier avis, car moi aussi j'ai été
traversée par des choses contradictoires.
J'ai eu beaucoup de mal. La dimension plaisir a été inexistante.
Je n'ai pas du tout aimé le style. Si ce n'avait pas été
pour le groupe, je n'aurais pas été jusqu'au bout. Je me
suis mis à compter les pages, fffttt. Il y a quelques pages que
j'ai lues à la fin sur la mort du personnage qui m'ont plu. Mais
le style est âpre, c'est laborieux à lire. Pour Choukri,
on a trouvé parfois que c'était trop littéraire pour
être vraisemblable, pour Kourouma je trouve que c'est trop parlé.
C'est près du corps. L'excision c'est prenant quand même.
Je n'ai rien compris à l'intrigue. Il y a un thème avec
une dimension d'engagement certes. Mais j'aurais du mal à résumer
ce qui s'est passé. Il y a des passages ressassés ;
parfois cela fait sens par rapport au profil du personnage, notamment
lorsque la femme excisée et victime de viol semble revivre sans
cesse ces traumatismes qui font irruption de manière répétée
dans sa vie. Les titres m'étaient incompréhensibles. Je
ne connais pas l'Afrique. Je suis passé à côté,
je trouve ça dommage en raison des thèmes. J'ouvre au quart.
Jacqueline
C'est un livre que j'ai lu il y a longtemps. J'aimais énormément
Kourouma. À la bibliothèque
près du Trocadéro, j'avais emprunté un exemplaire
alors dédicacé par Kourouma. J'y suis retournée,
j'avais très envie de vous montrer cette dédicace qui s'adressait
aux lecteurs de la bibliothèque. Mais pas d'exemplaire dédicacé.
Le bibliothécaire ne connaissait même pas Kourouma et a eu
l'air de de dire que les auteurs secondaires doivent être renouvelés
.
Je suis toujours émerveillé par le style. Je ne suis jamais
allée en Afrique. Et j'ai l'impression de plonger dans l'Afrique.
Il y a presque un truc d'ethnologie. C'est poignant cette histoire de
personnage déchu, falot, et sa mort. Quelle invention dans la langue !
Il y a un aller-retour entre notre langue et le malinké. Dans
Le monde est mon langage de Mabanckou, il visite des lieux d'écrivain
de la francophonie et je déplore que Kourouma n'y soit pas.
Claire
Alors qu'il se réclame par ailleurs de Kourouma...
Jacqueline
En tout cas j'ouvre en grand !
Annick L
Je rejoins ton avis Fanny. J'avais lu Allah
n'est pas obligé et En
attendant le vote des bêtes sauvages. J'avais été
embarquée, j'avais adoré. J'avais eu la chance de croiser
Kourouma au Salon du livre de Montreuil telle une midinette entendant
son grand rire. Là, le livre m'est tombé des mains. L'écriture
m'a posé un problème. Je ne comprenais pas. Fama est traité
avec dérision, on ne peut pas s'y attacher. Salimata, on peut s'y
attacher. J'ai un sentiment d'étrangeté. Il m'a fallu s'habituer
à cet univers. J'aime bien d'habitude être déboussolée,
ici c'est un barrage. De Fama, je n'en pouvais plus. Ça ne m'est
jamais arrivé d'éprouver ça. J'ai été
agacée. Cette culture m'a opposé une sorte de mur. Ma tête
était intéressée par ce type déchu, et la
question de l'indépendance. La fin est magnifique. C'est une expérience
de lecture. Pourquoi ai-je donc aimé les deux premiers livres ?
Ce livre est difficile à lire aussi car c'est le premier et il
est un peu différent des autres. J'ouvre à moitié
car c'est passionnant sur le fond.
Claire
Pourquoi à moitié avec ce que tu as dit ?
Annick
Ma tête est intéressée, j'ouvre à moitié
pour la tête.
Françoise D
Je rejoins Annick et Fanny je n'ai pas eu grand plaisir. Je me suis un
peu ennuyée. Je me suis dit il traduit du malinké. Ça
marche de temps en temps ou pas, par exemple "Le
matin était patate douce", ça j'aime. Il
y a un côté laborieux. L'intérêt, c'est la toile
de fond. Un Africain qui nous raconte tout ça, c'est assez intéressant.
J'ouvre un quart, j'ai été intéressée, mais
sans plaisir réel de lecture. C'est dommage car le sujet était
là. Il est dans une espèce de flou, j'aurais préféré
qu'il soit carrément documentaire.
Monique S
Je rejoins Jacqueline. Quand on avait lu Le
vote des bêtes sauvages, je n'étais pas rentrée
dedans. Celui-là je le trouve passionnant. J'étais à
la recherche d'un texte d'un Africain, d'un texte écrit par un
Africain sur l'Afrique. Ce que vous trouvez ennuyeux, cela me plaît.
Il y a une vision du monde complète. Je ne me suis jamais ennuyée.
La journée complète de Salimata, c'est remarquable. L'importance
des augures, les prédictions des marabouts, l'importance des rêves
comme dans la Bible, la puissance des mystères derrière
tout, ça me passionne. J'aime beaucoup les épopées
africaines. J'ai aimé l'histoire de la femme. Et le pauvre ère
dans la ville qui devient ensuite un dieu, un saint ! Et la description
de la nature ! L'état d'esprit transparaît dans le langage,
avec des constructions différentes, avec un langage très
poétique : les passages du lever du soleil par exemple, le
soleil qui ne se lève pas tout seul. Je trouve que malgré
les coupes qu'a subies le texte d'origine, on voit bien la prise en compte
de certaines organisations dans la langue incompatibles. J'ouvre en grand.
Monique L
Je rejoins Monique, j'ai trouvé énormément de charme.
J'ai voyagé en Afrique, le livre m'a rappelé le Mali, la
Casamance, je me suis sentie en Afrique, quand on était reçus
avec mon mari par les pontes du village
j'ai retrouvé tout
ça avec émotion : l'opposition entre la brousse et
la ville, la case aux palabres où on s'assoit parce qu'il n'y a
pas de place pour se mettre debout et que ça évite de se
battre... Et des choses moins drôles aussi : la case d'isolement
des femmes lors de leurs menstrues. Les esprits ont une existence. Bref
j'ai été transportée. J'ai aimé l'écriture,
les images, les expressions empruntées. Le bouleversement de la
colonisation est bien montré, mais ce n'est pas un procès,
c'est une description. Et l'amour de Salimata pour Fama, ça m'a
surprise, et intéressée. J'ouvre aux ¾.
Henri
J'ai été charmé, je suis rentré dans une langue
puissante, où on perd ses repères. A la suite de la pudeur
de gazelles de Mélenchon, j'ai trouvé des proverbes à
caser dans un dîner, par exemple "A
renifler avec discrétion le pet de l'effronté, il vous juge
sans nez", pour une réunion syndicale par exemple.
J'ai beaucoup aimé le début. Je suis passé à
côté de la question du soleil des indépendances. J'avais
lu Les
Mahuzier en Afrique, avec les pieds en sang à Tombouctou.
Je me suis lassé de trop de proverbes, trop de ménagerie,
d'l'harmattan. C'est décousu, ça j'ai bien aimé,
on part tout à coup sur Salimata. Fama est falot aux deux sens.
Plusieurs
Quels deux sens ?
Henri
Falot et phallo (crate)... Ce qui concerne la condition animale, c'est
affligeant. J'ouvre à moitié ou trois quarts en raison de
la perte de repères. Je n'ai pas eu grand plaisir mais je suis
content de m'y être immergé.
Liz
Je rejoins Annick et Fanny. C'était très ennuyeux. Bien
que les thèmes soient intéressants. J'ai retrouvé
l'univers de pays où j'ai vécu, les mélanges. Les
descriptions sont trop longues, le vocabulaire je ne le comprends pas
toujours et j'ai cherché beaucoup de mots dans le dictionnaire
qui ne s'y trouvaient pas.
Geneviève
Sans parler des alliances de mots comme "les yeux puants"...
Liz
J'ai raté beaucoup. C'était trop pour moi et mes habiletés.
C'est difficile et ennuyeux, ça bouge trop lentement. C'est intéressant,
mais je ne peux accrocher. Quant aux femmes africaines, quelle violence
dans Choukri et dans ce
livre, c'est affreux.
Geneviève
Je suis proche d'Annick. Le
vote des bêtes sauvages a été une révélation
totale. Je n'étais pas encore allée en Afrique à
ce moment-là et ça m'a fait comprendre l'Afrique. Quand
on refuse, je l'avais lu aussi. C'était très épuré.
J'ai dû me pousser ici, le côté grotesque du personnage
ne m'attachait pas. Mais j'ai été de plus en plus intéressée.
Les indépendances, c'est une manière d'utiliser les gens,
les époques, le régime, un slogan. Cela devient un phénomène
mystique comme un autre, les indépendances. Et le personnage...
il est roi dans son village, rien dans la ville.
Annick
Quand il sort de prison, il pourra s'en sortir.
Monique S
Je ne suis pas d'accord, au contraire il a tout compris, il ne veut rien.
Geneviève
Il choisit la mort. Et les rois de village fantoches ! La fin est
poignante. C'est de plus en plus épuré. J'ouvre à
moitié car c'est très intéressant.
Claire
J'ai eu un plaisir des expressions, des images : "les
boubous blancs, bleus, verts, jaunes, disons de toutes les couleurs"
ou "Fama
demeurait analphabète comme la queue d'un âne".
Le titre est explicité dès la première page, ce qui
est parfait pour les QI de géranium comme le mien. Dès la
quinzième page, j'en ai eu marre. La scène de l'excision
m'a semblé être dite avec une parole artificielle. Bref,
le livre m'est tombé des mains au sens propre. Il était
tiré vers le bas.
Henri
C'est l'animisme...
Claire
Je suis retournée au livre que nous avions lu En
attendant le vote des bêtes sauvages, je ne me souvenais
plus de mes impressions. Celui-ci a le grand avantage d'être deux
fois moins gros. J'avais eu le même entrain pour le commencer et
l'impression d'une certaine virtuosité qui pour moi tournait à
vide et ne tenait pas la route (de la lecture) et c'est tout pareil pour
celui-ci. Je trouvais alors qu'Hampâté Ba, c'était
autre chose. Je me souviens aussi d'un enthousiasme pour Ébène
de Kapuscinski.
Plusieurs
ca n'a rien à voir !
Claire
Oui, il n'est pas noir, mais c'est l'Afrique noire et c'est passionnant.
Séverine
Je dis tout de suite que j'ouvre en grand. C'est le premier livre africain
noir que je lis. J'ai été portée par l'écriture,
la syntaxe, la façon dont le français est utilisé.
Et les animaux qui sont utilisés pour des comparaisons par exemple
"pas plus lourd qu'un
duvet d'anus de poule". J'ai l'impression d'un exotisme
dans le bon sens du terme. J'habite vers Barbès et je reçois
souvent des annonces de marabout (Séverine montre
une paperolle). Je me demande si les marabouts du livre sont comme
ça. Ça date de 40 ans mais est-ce différent ?
Monique L
Maintenant c'est comme ça, la lenteur par exemple, tout est lent.
Séverine
Les titres je ne les comprenais pas en les découvrant, mais après
en y revenant je comprenais. Je trouve que ce livre, on pourrait l'étudier
à l'école, tellement c'est riche. J'aurais envie de le relire.
J'ai aimé les personnages. C'est une belle découverte. On
avait lu Americanah.
Plusieurs
C'est pas pareil !
Claire
Ben si, c'est bien une Africaine. Mais pas de la brousse.
Annick
La brousse, la brousse, pour Kourouma...
Claire
D'accord il était d'une famille aristocrate, mais de brousse. Tandis
qu'Adichie, ses parents travaillaient à l'université...
Christelle
J'ai perdu beaucoup de temps car le livre m'est tombé des mains
au deuxième paragraphe. La date de la soirée approchait,
je l'ai repris. Peut-être est-ce les appositions de mots, j'ai eu
du mal à analyser pourquoi il m'était tombé des mots
des mains. Je me suis laissé prendre finalement dans l'écriture.
Quand je réfléchis, je trouve ça poétique,
ces images.
Fanny
C'est drôle que tu dises que tu trouves ça poétique
quand tu réfléchis. Car c'est plutôt spontané
cette impression.
Christelle
Je me laisse alors aller.
Geneviève
Il y a des associations de mots déroutantes.
Christelle
Je m'y suis habituée. Je ne l'ai pas fini. Ça m'a rappelé
des radios africaines que j'entends en plein après-midi avec des
marabouts. Il y a une difficulté à comprendre cette culture,
car le mystique fait partie de la vie quotidienne. Ça m'a rappelé
les semaines que j'ai passées au Sénégal. Là
où j'en suis, j'ouvre aux ¾
Le côté historique
n'est pas pesant. Ça ouvre des portes sur ce qu'on peut ressentir
de contradictoire sur l'histoire des Africains.
Claire
J'aime comme un certain nombre ici ne rien savoir du texte avant de le
lire, mais après j'aime bien car cela me fait plusieurs histoires :
celle contenue dans le livre, celle de l'auteur, celle de son uvre,
et parfois le texte que nous lisons a une histoire comme celui-ci. J'ai
été vraiment intéressée par tout ce qui touche
au parcours de Kourouma, parcours du texte, parcours personnel, professionnel,
politique, parcours littéraire, parcours de ce texte et l'histoire
du texte est incroyable.
Henri
Quand je lisais, j'avais l'impression d'entendre le texte avec une voix
d'Africain (il imite), ça me gênait. Il m'a fallu 30, 40
pages.
Claire
Tu entends le texte ?
Plusieurs
Moi aussi.
Geneviève
Il y a des métaphores en permanence.
Fanny
Moi, je n'ai pas eu de lecture globale.
Monique S
Tahar Ben Jelloun m'agace au plus haut point, car lui il s'est conformé
à la langue française.
Claire
Tu n'étais pas quand on lui a réglé son compte avec
Choukri.
Annick
Ma déception a été d'autant plus grande que j'avais
aimé d'autres livres.
Monique
J'aime les épopées, par exemple l'épopée de
Soundiata
Keïta la plus connue, transcrite par un griot, sur laquelle a
travaillé Martine Laffon que j'ai connue.
Françoise D
Pour moi il nous parle malinké.
Jacqueline
Allah
n'est pas obligé, ce n'est pas du malinké. Kourouma,
c'est un passeur de culture.
Annick
J'ai trouvé intéressant à
la radio aussi la réflexion sur la francophonie : pourquoi
on dit littérature francophone et non littérature
africaine.
Claire
Et sa femme qui raconte que lorsqu'ils se sont connus ils passaient beaucoup
de temps dans les librairies, la lecture était très importante ;
elle dit aussi dans cette
émission que les Sud-américains avec le réalisme
magique comptèrent pour lui, et Céline : il ne quittait
pas Le Voyage au bout de la nuit, toute la famille avait dû
le lire.
Henri
Si on revient au texte, il y a deux styles, par exemple dans la première
page : "aller
et retour, plus de mille kilomètres. Dans le temps de ciller l'il
!", ça c'est une première écriture.
Et il enchaîne et nous parle autrement "Vous
paraissez sceptique ! Eh bien, moi, je vous le jure, et j'ajoute : si
le défunt était de caste forgeron, si l'on n'était
pas dans l'ère des Indépendances (les soleils des indépendances,
disent les Malinkés), je vous le jure, on n'aurait jamais osé
l'inhumer", etc. Ou encore : "Fama
se récriait : "Bâtard de bâtardise ! Gnamokodé
!" Et tout manigançait à l'exaspérer. Le
soleil ! le soleil ! le soleil des Indépendances maléfiques
remplissait tout un coté du ciel, grillait, assoiffait l'univers
pour justifier les malsains orages des fins d'après-midi."
Françoise H
(du nouveau groupe parisien dont les avis suivent)
J'ai adoré Les soleils des indépendances. Il m'a
fallu deux lectures pour approcher tout le génie de son auteur.
A la première lecture, comme dans un grand éclat de rire,
je me suis laissé emporter par son style (grand moment de fureur
lors de la joute verbale dans le premier chapitre), j'ai été
éblouie par l'étrangeté d'un univers absolument inconnu
(plutôt rejeté) pour nous Occidentaux du XXIe s. ("Comme
tout Malinké, quand la vie s'échappa de ses restes, son
ombre se releva, graillonna, s'habilla et partit par le long chemin pour
le lointain pays malinké natal pour y faire éclater la funeste
nouvelle des obsèques"), j'ai été
ravie par cette manière toute paysanne, robuste et pleine d'aplomb,
de voir le monde ("La
prière comportait deux tranches comme une noix de cola: la première,
implorant le paradis, se récitait dans le parler béni d'Allah :
l'arabe. La seconde se disait tout entier en malinké à cause
de son caractère tout matériel").
A la deuxième lecture, emplie de toutes ces émotions, j'étais
plus prête pour voir les autres audaces de cet écrivain.
Cela tient à la construction de son uvre : comment il
agence les scènes (la journée de Salimata dans ses gestes
qui la construisent, dans ses pensées entre la présence
inerte de Fama et les traumatisantes réminiscences de son passé
qui la défont), comment il fait vivre ses personnages (l'absence
de discontinuité entre tout ce qui compose la nature comment
il sait la montrer profuse ! et tout ce qui constitue
les humains : leurs rêves, leurs velléités, leurs
espérances, leurs actions). Cela réside aussi dans la portée
de l'uvre. C'est le récit des désillusions des élites
africaines précoloniales après les indépendances :
elles espéraient retrouver leurs positions sociales dominantes
et puis elles ont dû céder-partager leur place avec de nouvelles
générations d'hommes politiques instruits, ouverts sur la
modernité occidentale et cyniques. J'y vois aussi ce qui m'est
précieux de retenir. Qu'à vouloir aller à contre-courant
de l'ordre des choses conduit à notre perte. Qu'il est vain de
croire que peut advenir de nouveau un ordre ancien qui garantissait une
certaine harmonie, quand bien même nous aurions levé les
obstacles qui l'empêchaient de se réaliser.
J'ouvre ce livre en entier !
François
Un livre déjà lu et que je persiste à aimer. Tout
exotisme soigneusement écarté, c'est d'abord un roman qui
nous plonge dans un autre univers culturel et linguistique. Dans un monde
aussi où, comme dans certains grands romans sud-américains,
les frontières pour le dire vite entre la fiction et la réalité
perdent un peu de leur consistance. Pour aimer ce livre, il faut se laisser
déporter : déjà par son début qui fait
voyager les morts et a découragé beaucoup de lecteurs...
ensuite, il ne s'agit plus que de se laisser entraîner d'obsèques
en obsèques sur les traces d'un ancien prince malinké doué
de pouvoirs surnaturels et religieux qui vont lui être confisqués
après les indépendances dans des circonstances tragi-comiques.
Dans un monde où la parole est presque tout, sa parole n'est plus
considérée. Arrêté et condamné, il finira
par être enfermé (et libéré dans des conditions
ubuesques) dans les geôles d'un président avatar de nombreux
autres chefs d'états africains qui ont bénéficié
de la complicité des anciens colonisateurs. Il y a aussi le magnifique
portrait de Salimata son épouse. Et notamment l'évocation
de son destin tragique à travers ce qu'elle subit : viols,
excision, répudiations, sans que soit totalement entamées
son extraordinaire vitalité et son incandescente beauté.
Il faudrait ajouter la place que tiennent les éléments naturels...
le retour comme un leitmotiv obsédant de l'harmattan, qui peut
tout emporter... Enfin, on n'aura rien dit de ce roman si l'on n'évoque
l'extraordinaire saveur de la langue de Kourouma... Pour s'en rendre compte,
il suffit d'ouvrir le livre presque à n'importe quel page pour
tomber sur des images, des proverbes, des comparaisons ou des sentences
ancestrales qui laissent pantois. Au-delà de toutes ces considérations,
Amadou Kourouma relate les horreurs et les convulsions qui ont marqué
à travers d'innombrables coups d'états l'histoire des pays
africains. (J'ai ai trouvé confirmation dans la
documentation concernant la genèse du livre. Elle m'a fait
découvrir que Kourouma avait été lui même victime
des atrocités d'Houphouët-Boigny et qu'à l'origine,
il avait surtout l'intention de dénoncer ses exactions et que ce
n'est qu'ensuite pour échapper aux poursuites qu'il a choisi de
s'exprimer par le roman dans une forme littéraire et pas seulement
journalistique. Disons-le bien pour notre plus grand bonheur.)
Ana-Cristina
Ce fut une lecture terrifiante mais passionnante, ou vice-versa. Ce livre
m'a émue. Il m'a beaucoup plu. Toutefois, j'ai dû relire
les premières pages plusieurs fois. Je ne comprenais pas. J'étais
tellement loin de ce que je lisais habituellement ! Puis, j'ai été
séduite par Ahmadou Kourouma, par sa façon de raconter ce
qu'est devenu son pays. L'auteur parvient à montrer de façon
simultanée le passé et le présent. Un palimpseste.
Les deux temps sont visibles, absolument. Il les montre aussi luttant
entre eux ; l'un voulant sans cesse recouvrir l'autre. Le futur est
là aussi : les prédictions faites aux uns et aux autres,
leur importance, nous le disent. Du passé (par exemple des traditions)
les hommes ne semblent retenir que le pire (par exemple l'excision) et
le présent est bien triste : "jamais
de sourire sur la peau de prière d'Allah"
(p. 44). Ahmadou Kourouma nous terrifie puis nous apaise.
Il recouvre les événements et les descriptions d'un voile
de merveilleux. Ainsi, après la terrible scène de l'excision
remémorée par Salimata, ou comme le dirait l'auteur après
nous avoir jeté dans les 'tam-tams" des souvenirs de Salimata,
dont les derniers mots sont un coup de massue : "C'était
le génie sous la forme de quelque chose d'humain qui avait tenté
de violer dans l'excision et dans le sang", A. Kourouma
nous parle doucement. Après la lecture de cette scène terrible,
un vrai cauchemar, l'auteur nous réveille en douceur avec ces mots
: "Un chant de coq
éclata dans la cour voisine, premier cri du jour à naître.
Salimata se précipita dehors, la lampe à la main ;
elle assembla les bois dans le foyer de la cuisine attenante, frotta une
allumette, la fumée murmura et fit graillonner la ménagère,
afin de libérer la flamme bleue qui chanta." Un
peu triste, mais très doux. Scène prosaïque rendue
très belle grâce à l'empathie de l'auteur et à
son sens du merveilleux. Alterner le beau et le laid, le bien et le mal,
A. Kourouma le fait souvent. Ses descriptions sont toutes très
belles. J'en cite une au hasard : "Les
ténèbres de la nuit s'étaient réfugiées
autour des recoins, dans les feuillages des arbres, sous les toits, prêtes
à pénétrer dans la matière des choses. Le
ciel s'était approfondi." (p. 44).
Dans ce livre, avec ses descriptions, l'auteur n'arrête ni ne freine
le récit. Elles participent, comme les événements
eux-mêmes à la progression du récit.
Le sourire de l'auteur, certes parfois tordu par la douleur, illumine
chaque page. Son pays est sa peau. Peut-on dire cela ? Que notre
pays est notre peau ? Cette uvre m'a permis de découvrir
la puissance de l'animisme. Ce livre me ferait lier amitié avec
un caillou.
Une des fonctions de l'uvre d'art est de permettre de vivre au-delà
du regard. Ce livre répond à ce besoin. Tristan Tzara parlait
d' "énergie poétique" quand il évoquait
la puissance des statues et des masques africains. Je proposerai le même
terme pour définir la force qui émane de ce livre. J'ai
lu que : "Pour apprécier
l'art africain, il est indispensable de comprendre les valeurs mythiques
et magiques du lien étroit qui unit l'objet à la nature
" et que "les
artistes africains ne cherchent pas à reproduire la nature à
l'identique", "ils
ambitionnent davantage de montrer l'essence des êtres et leur expressivité".
J'ai compris ce que tout cela voulait dire en lisant Les Soleils des
indépendances. Si je fais référence à
ces lectures, c'est parce que Monsieur Kourouma m'a permis de repousser
les murs de la petite chambre de mon imagination. Aujourd'hui je peux
regarder une statue, un masque africain et être troublée,
ne plus être inerte face à cet art. Et puis ces deux vers
d'Apollinaire ("Zone")
peuvent alors résonner chez moi : "Tu
marches vers Auteuil tu veux aller chez moi à pied / Dormir parmi
tes fétiches d'Océanie et de Guinée."
J'ouvre ce livre en grand.
Julius(avis
transmis)
Je regrette beaucoup de ne pas être présent parmi vous ce
soir pour parler de ce livre que j'ai beaucoup apprécié,
tout en étant un peu désarçonné au début
par son aspect "conte" plus que "roman". Une fois
accepté ce paradigme, je me suis laissé charmer par les
personnages, tous les personnages, du plus sordide au plus enjoué...
J'ai été ému par la vérité des personnages,
par la véracité, parfois terribles, des situations, bref,
par cette longue description de l'âme profonde de l'Afrique, comme
cela est si bien analysé dans l'une des émissions de France
Culture consacrées à Ahmadou Kourouma. Ce syncrétisme
entre la complexité des traditions ancestrales et le modernisme,
de pacotille, certes, mais omniprésent par sa puissance policière
me semble témoigner de deux constantes immémoriales dans
l'histoire de l'Afrique : la violence et le déclassement des
femmes. Mais je trouve que la richesse de ce livre est de montrer qu'il
y a une culture derrière tout cela, trop souvent invisible à
nos yeux d'Occidentaux et qu'Ahmadou Kourouma fait passer cela de façon
géniale à travers la langue qu'il emploie. Cette façon
d'utiliser le malinké pour tordre la langue française est
aussi une forme de violence : ce n'est pas du folklore, ce n'est
pas un simple conte africain avec girafes et gris-gris, mais bien une
dénonciation et le témoignage douloureux sur tout un peuple
broyé par l'Histoire, la sienne et celle des puissances qui ont
dépecé et continuent de dépecer cette terre africaine.
Le tout ponctué d'analyses bien senties, p. 24, 87, 132, 154,
d'autres encore au fil de la lecture.
J'ai été, bien sûr, très sensible au style,
à l'humour. J'ai été très touché par
le personnage de Salimata, par sa dignité teintée de naïveté
mais finalement peut-être pas tant que cela..., sa bonté,
sa foi, sa façon de demeurer à la place qui lui a été
assignée. J'ai trouvé aussi le personnage de Balla particulièrement
riche avec cette ambivalence entre le rôle de réprouvé
et celui d'éminence grise à la fois bouffon et charismatique.
J'ai trouvé qu'il y avait parfois du Brassens dans certaines descriptions
burlesques (en particulier durant toute la scène de l'enterrement
du cousin à partir de la page 142, "Une
danse, un n'goni de chasseurs sans sang, disons-le, c'était décevant").
Le style recèle ainsi plusieurs joyaux dont quelques-uns me paraissent
refléter pleinement le quiproquo historique, ainsi le passage sur
le premier franchissement de la frontière, p. 100,
depuis "Le dernier
village de la Côte des Ébènes arriva"
jusqu'à "Fama,
suant et essouflé, fit semblant de n'avoir rien entendu et embarqua.")
ou encore celui-ci, p. 154 : "Oui,
tout tomberait inévitable, pour la raison simple que les républiques
des soleils des Indépendances n'avaient pas prévu d'institutions
comme les fétiches ou les sorciers pour parer les malheurs."
Malheureusement, le décor n'est pas en carton-pâte et c'est
le sort d'hommes et de femmes qui se jouent, comme si on tirait les dés.
Le style + la densité des situations + la vérité
des personnages = beaucoup d'émotion = livre
ouvert en entier.
Nathalie B(avis
transmis)
Je vais indiquer préalablement que le monde malinké ne m'est
pas inconnu. Non seulement je suis allée au Mali (ils étaient
l'ethnie dominante du Mali), mais dans mon 93, il y a beaucoup de Malinkés.
Une anecdote de voyage : nous sommes dans le train de la seule ligne
d'alors qui fait Bamako/Dakar. Dans le train, nous discutons. Nous découvrons
que nous sommes pour la plupart "pays" : ils habitent La
Courneuve, Montreuil, Saint-Denis... Ils revenaient pour une période
de trois mois (ils n'avaient pris aucun congé l'année précédente).
Dans ce train, nous avons mangé du capitaine (poisson) et de la
patate douce dans du journal que vendaient les femmes dans les gares que
nous traversions. L'économie des femmes, alors, est une économie
parallèle forte. Et ce qu'elles gagnent est à elles et uniquement
à elles. D'ailleurs les jeunes hommes s'en plaignent. Car les hommes
nous ont affirmé des jeunes gens de Bamako doivent
tout payer. Les enfants, c'est eux qui doivent les nourrir, vêtir...
Et puis je conseille "La
Charte du Mandé", transmise dit-on oralement par les griots
de la confrérie des chasseurs depuis le 13ème siècle,
qui serait une des premières déclarations des droits de
l'homme, parole qui condamne l'esclavage et chante le respect de la vie
humaine, les principes d'égalité, de justice, de solidarité.
Enfin, avant de donner mon avis, je voulais indiquer que les Malinkés
que je connais ont souvent un humour corrosif.
Cette uvre est incontestablement celle d'un grand auteur que j'apprécie
avoir découvert. Il manie avec brio la langue, qu'il s'agisse du
français ou du malinké. Il "bâtardise" le
français avec bonheur et donne ses lettres de noblesse à
la couleur de la langue malinké. Il utilise de façon incroyablement
fine et brutale la métaphore notamment animalière et donne
souvent un caractère épique à son roman. C'est un
livre engagé tel que Sartre prônait la littérature,
par lequel Kourouma dénonce à part égale la colonisation
et la destruction d'un monde, la dictature qui a suivi l'indépendance
avec sa volonté de supprimer jusqu'à la liberté de
rêver et l'obscurantisme des religions et superstitions qui font
obstacle à la construction d'un avenir. Son ironie m'a fait penser
à celle de Flaubert. L'auteur, profondément politique, s'il
a nourri Fama d'une part de lui-même (prince malinké, la
prison pour un acte dont il est innocent...), ne s'identifie nullement
à ce personnage violent, plein de colère, du fait de la
perte de sa position sociale qu'il n'a pu parvenir à retrouver
dans le nouveau système politique (alors qu'il y aspirait sans
se soucier des conséquences sur autrui). Fama idéalise un
monde qui n'est plus (un monde où il y avait des princes et des
esclaves) et qui n'était aucunement celui de la pureté des
pratiques ancestrales (elles-mêmes largement bousculées par
la conversion à l'islam qui avait pris le pas sur l'animisme).
J'ai lu ce roman notamment entre les deux tours des élections présidentielles
et je trouvais une ressemblance certaine entre Fama et nombre de ceux
qui votent Le Pen. Un livre fort et très intelligent. Mais auquel
j'ai dû m'accrocher. Comme pour Madame Bovary, dois-je dire.
Impossible de ressentir une émotion, à part l'agacement
devant les plaintes, le ressentiment, les violences verbales de Fama,
l'hystérie de Salimata, son propre ressentiment, le sang qui coule
(le sien, celui des animaux sacrifiés
), Allah à toutes
les sauces
C'est un roman noir, très pessimiste, et où
je n'ai vu aucune lueur d'espoir. La seule jolie chose, à peine
effleurée mais qui ressort clairement en finalement très
peu de mots est l'amour profond qui a uni Salimata et Fama se qualifiant
lui-même dans les dernières pages de "mari légitime
de Salimata". Notre héros qui n'a pas vécu comme tel
finit par le devenir en refusant de se soumettre à une division
des territoires illégitime. Certes Kourouma a parlé à
mon esprit, mais pas à mon cur. J'ouvre à moitié.
DES INFOS SUR
LE LIVRE, L'AUTEUR ET SON UVRE
- Les uvres de Kourouma
- L'histoire du texte Les
soleils des indépendances
- Quelques repères
biographiques
- À la radio et à
la télévision
Les uvres
de Kourouma
Romans
- Les Soleils des indépendances (1968 aux Presses de l'université
de Montréal, puis au Seuil en 1970)
- Monnè,
outrages et défis (Seuil, 1990)
- En
attendant le vote des bêtes sauvages
(Seuil, 1998) : prix du Livre Inter 1999
- Allah
n'est pas obligé
(Seuil, 2000) : prix Renaudot, prix Goncourt des lycéens
- Quand
on refuse on dit non (inachevé, roman posthume, Seuil,
2004)
Livres pour enfants
- Yacouba,
chasseur africain
(Gallimard Jeunesse, 1998)
- Le
Griot, homme de parole (éd. Grandir, 2000)
- Le
Forgeron, homme de savoir (éd. Grandir, 2000)
- Le Prince, homme de pouvoir (éd.
Grandir, 2000)
Théâtre
- Tougnantigui ou le Diseur de vérité
(pièce censurée après quelques représentations
à Abidjan en 1972, reprise en 1996, puis publiée en 1998 :
Le
Diseur de vérité)
Légendes, extraits de chansons,
paroles de sages africains
- Paroles
de griots
(Albin Michel, 2003), avec Ousmane Sow et Mathilde Voinchet
L'histoire
du texte Les soleils des indépendances
Une étude montre le cheminement de l'écriture : "Lavant-texte
des Soleils des indépendances", Patrick Corcoran
et Jean-Francis Ekoungoun, revue Genesis, n° 33, 2011.
De l'essai au roman ?...
Quelques repères
biographiques
- Né en 1927 en Côte d'Ivoire, mort
en 2003 à Lyon.
- Descendant d'une famille de guerriers-chasseurs malinkés ("kourouma",
le nom de sa famille, signifie "chasseur"). Les griots de son
village natal chantent les hauts faits d'arme de son grand-père,
général de l'armée de Samory Touré, chef militaire
et religieux du XIXe siècle, grande figure de la résistance
à la colonisation.
- Élevé par un oncle, il suit ses études à
Bamako au Mali. En 1950, étudiant en mathématiques, il doit
en tant que sujet français trois années de service militaire :
"Les autorités voulaient m'envoyer mater les mouvements
de protestation en Côte d'Ivoire. J'ai refusé et j'ai été
expédié en Indochine". Il y reste jusqu'à
la défaite française de Diên Biên Phu en 1954.
- Après une formation d'ingénieur électricien à
Paris, il réussit le concours d'entrée de l'École
de construction aéronautique et navale, à Nantes et termine
ses études à Lyon (Institut
de science financière et d'assurances), où il épouse
une Française (il aura 4 enfants), avant de retourner en Côte
d'Ivoire à l'indépendance du pays en 1960. Il exercera le
métier de statisticien pour les compagnies d'assurances.
- Sous le régime de Félix Houphouët-Boigny, c'est le
début des désillusions qui amèneront Ahmadou Kourouma
à écrire son premier roman en 1968, Le Soleil des indépendances :
"On ne pouvait pas faire d'écrits politiques. J'ai écrit
une fiction." A la suite d'un des multiples faux complots inventés
par le président, l'écrivain passe quelques semaines en
prison puis il part en exil travailler dans différents pays, en
Algérie, au Cameroun (où il est directeur général
de l'Institut international des assurances), au Togo, avant de revenir
vivre en Côte d'Ivoire vers la fin des années 1980 où
il prend sa retraite.
- Kourouma se fait connaître en France notamment à travers
deux romans, En attendant le vote des bêtes sauvages (Prix
du livre Inter, 1998) et Allah n'est pas obligé (prix Renaudot,
2000).
- En 2003, les dérives racistes violentes du régime de Laurent
Gbagbo le contraignent à nouveau à l'exil.
- Onze ans après sa mort, en 2014, sa dépouille sera
transférée de Lyon en
Côte d'Ivoire.
Les citations sont tirées de deux
articles qui retracent le parcours de Kourouma :
- "Lagace-tyran",
Stephen Smith, Libération, 27 novembre 1999
- "Ahmadou Kourouma,
un maître de la littérature africaine", Catherine
Bédarida, Le Monde, 12 décembre 2003.
À
la radio
France Culture a consacré à Kourouma 4 émissions
d'une heure (La Compagnie des auteurs, du 10 au 13 octobre 2016)
1. Kourouma
crie sa colère : Sa vie, avec Jean-Michel Djian, auteur
d'une biographie Ahmadou
Kourouma (Seuil, 2010).
2. Une
case africaine dans la maison de Molière : L'écriture
de Kourouma, avec Patrick Voisin, professeur de littérature.
3. Entre
Kafka et Kundera : Avec Romuald Fonkoua, directeur
du centre de littérature francophone à l'université
Paris-Sorbonne et Bernard Magnier, directeur de la collection Lettres
africaines chez Actes Sud.
4. Vivre
avec Kourouma : Avec Christiane Kourouma, sa femme, et le poète
tchadien Nimrod
qui parle notamment des proverbes de Kourouma.
À la télévision
On peut entendre Ahmadou Kourouma :
- dans l'émission de Frédéric
Mitterrand Du
côté de chez Fred, A2, 31 janvier 1990 (à
propos de la langue malinké dans le roman)
- dans l'émission de Philippe Lefait, Le
cercle, France 2, 27 octobre 1998 (pour son livre En attendant
le vote des bêtes sauvages)
Nos
cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie, beaucoup,
moyennement, un peu, pas du tout
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