Laterna magica, Folio, 1991, trad. du suédois par Lucie Albertini et Carl Gustaf Bjurström, 384 p.

Quatrième de couverture :

Lorsque Bergman jette, comme ici, un regard sur sa vie, c'est un homme profondément marqué par une éducation rigide et par une imagination débordante qui parle. Mais c'est surtout un homme de spectacle : à la fois directeur de théâtre et réalisateur de films, il a vécu dans la fièvre, entre moments de grâce et échecs. Il s'exprime sans complaisance dans ses jugements, qu'il s'agisse d'inconnus, de vedettes - telles que Laurence Olivier, Greta Garbo ou Herbert von Karajan, avec qui il a travaillé -, ou de lui-même. Mémoires, ou plutôt antimémoires, "confessions" modernes, ce livre témoigne de blessures et de crises, mais aussi de rêves et de bonheurs, et il foisonne de souvenirs d'un étrange rayonnement.


Première édition

Gallimard, 1987, 336 p.

Ingmar Bergman (1918-2007)
Laterna magica (1987)

Nous avons lu cette autobiographie de Bergman en mai 2021.
Les échanges ont eu lieu à distance.

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Nos 23 cotes d'amour
 
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etAnnick L Françoise
Laura RozennSéverineSuzanne
Etienne Fanny


Anne-Sophie
(avis transmis)
Idées en désordre à l'issue de la lecture de Laterna magica, autobiographie déstructurée, foisonnante, passionnante et agaçante. Bergman se livre certes dans les détails, parfois intimes et crus, mais on peine, dans ce récit non linéaire, à bien comprendre son parcours et les valeurs ou convictions qui ont guidé sa vie. Comme des éclats d'une mosaïque. J'ai l'impression d'avoir vu défiler une somme de gros plans sur les événements les plus marquants de sa vie d'artiste, d'avoir découvert le metteur en scène, l'homme de théâtre extraordinaire derrière le cinéaste, mais sans parvenir à reconstituer le portrait d'ensemble de l'homme. Du point de vue de sa construction, je n'ai donc pas apprécié ce livre, trop confus à mon goût, trop plein de références qui ne me parlent pas, trop plein d'absences et de non-dits aussi. Mais sur le fond, quel plaisir néanmoins d'approcher le bonhomme ! Névroses, traumatismes d'enfance, une bombe à retardement. Quelle déflagration ensuite que sa vie, débordante d'énergie vitale et créatrice, une impression d'insatiabilité, que ce soit de productions, théâtrales ou cinématographiques, et de femmes aussi (eh oui, "le travail cinématographique est une activité fortement érotique"). Beaucoup d'images ou de passages marquants à retenir (sur le travail de l'homme de théâtre, la blessure du litige fiscal, le chapitre terrifiant sur l'Allemagne en 1934, Fårö et les paysages de Suède l'été, les angoisses qui ne s'atténueront jamais, "pourquoi ai-je vécu avec cette blessure toujours infectée qui ne s'est jamais refermée" mais la passion qui ne faiblit pas non plus, "soixante années ont passé, l'excitation est toujours la même"...). Besoin de laisser reposer après cette lecture étourdissante. J'ouvre aux ¾.
Annick L entreet(avis transmis)
Je ne suis pas une lectrice passionnée par les récits autobiographiques mais, comme j'ai été très marquée par les films de Bergman, je me suis plongée avec curiosité dans ce livre. Bergman raconte bien, avec un sens frappant de l'anecdote ou du portrait. J'ai apprécié aussi sa franchise, voire son ironie parfois cinglante, à l'égard des autres et de lui-même. On ne peut pas dire qu'il s'en dégage la figure d'une personne attachante : comme il le dit lui-même, il a traversé son enfance et la première partie de sa vie sans s'attacher à qui que ce soit, ni à ses frère et sœur, ni à son père… détesté, ni à ses nombreuses conquêtes féminines, épouses ou maîtresses, ni ses nombreux enfants. Totalement égocentrique, il a suivi le fil de ses pulsions, de ses désirs, sans se préoccuper de l'impact produit.
Le plus touchant, ce sont ses souvenirs d'enfance, dans cette famille toxique, écrasée par la personnalité de ce père, un pasteur respectable, puritain et castrateur. La source de bien des malheurs pour ceux qui étaient sous sa coupe. Ingmar Bergman ne s'en est sorti que par la magie de la scène et du cinéma.
Reste donc le "grand homme", metteur en scène de théâtre et d'opéra, réalisateur de films pour le cinéma ou la télévision. Là est sa véritable passion et il nous entraîne avec fougue et moult détails, dans ses expériences de création, plus ou moins "réussies" selon ses exigences (très grandes !). C'est le côté le plus intéressant de ce récit pour moi. Mais il se trouve qu'il évoque surtout sa carrière théâtrale, que je ne connais pas du tout, avec plein de références inconnues, en particulier en ce qui concerne les acteurs, actrices, directeurs de théâtre. J'ai donc été déçue, je me suis même ennuyée parfois et j'ai mis un certain temps à finir ma lecture.
Cela m'a donné plutôt envie de revoir ses films.
Je l'ouvre entre ¼ et ½.
Fanny
Cette fois-ci je passe mon tour. Je dois dire que j'ai honteusement calé vers la page 60.
Après avoir terminé Le journal d'un séducteur... Merci pour le partage d'avis notamment les enthousiastes, mais pour ma part je n'ai pas dépassé le stade de pensum, et donc au passage je le ferme.
Concernant Bergman j'ai bien aimé le début lorsqu'il raconte son enfance, j'ai trouvé cela intéressant et l'écriture fluide. Bref j'ai pris plaisir, mais très rapidement c'est devenu trop référencé pour moi qui méconnais ses films. Et je dois dire qu'au vu des lectures précédentes, j'ai eu des envies de plaisirs romanesques. Je me suis plongée dans Les choses humaines de Karine Tuil, peut-être avec certains raccourcis sur le profil des personnages et le portrait de la société, mais j'ai cédé à cette facilité.
Peut-être vos avis me donneront envie de retrouver Bergman.
Hâte de vous lire donc en attendant de pouvoir revenir le vendredi soir.
Séverine
J'ai été intriguée par ce choix. Je connais de nom Bergman, mais je n'ai jamais eu le courage de voir ses films qui me semblent plutôt ardus. J'ai lu jusqu'à la p. 216. Les passages sur l'enfance m'ont intéressée (notamment le passage sur Hitler), mais globalement je dirais comme une des personnes de son entourage qui lui demande à un moment du livre "pourquoi es-tu assommant ?". J'ai le même avis… C'est décousu, il faut avoir envie d'entrer le texte et surtout d'être passionné par le personnage, l'envie d'en savoir plus car là, comme ça, ça ne m'incite guère à vouloir découvrir son œuvre. Il est probablement un grand cinéaste, mais pas un grand écrivain. Je pense que ce qui m'a le plus barbée, ce sont les références au théâtre (d'ailleurs je ne pensais pas qu'il était metteur en scène… ce qui semble dominer dans le livre). Généralement, je ne suis pas fan des romans qui parlent de littérature, de cinéma, de théâtre… le monde artistique qui se regarde ne m'intéresse pas en littérature. Et c'est encore plus lourd à lire quand il y a beaucoup de références qui ne me parlent pas du tout… Je note seulement un passage intéressant en cette période de déconfinement, la belle liste de toutes les pièces ce qu'il peut voir au théâtre à Paris lors de son passage (p. 222). J'ai trouvé cette liste, une corne d'abondance extraordinaire en cette période de disette… Que dire de plus si ce n'est rebondir sur ce qu'ont dit plusieurs d'entre vous au sujet de sa liberté de ton par rapport à ses désordres digestifs. C'était assez inattendu et ma foi distrayant (le pauv'…). Pour tout cela, j'ouvre à peine ¼ car je n'ai pas eu grand intérêt à lire ce livre.
Catherine
J'ai vu beaucoup de films de Bergman que j'ai beaucoup aimés, par exemple La Flûte enchantée, très différente des autres films, pour ceux qui aiment l'opéra ; il filme les visages des spectateurs ; c'est vraiment un joli film, mais c'est vrai que les autres films sont très torturés. Et en lisant le livre on comprend !
J'ai aimé les parties sur l'enfance et l'adolescence. On pense au Ruban blanc de Haneke, avec l'aspect oppressant les familles. L'atmosphère est bien rendue. Globalement, c'est très décousu, avec ce va-et-vient perpétuel qu'il faut suivre.
Je ne suis pas fan de l'écriture. La partie sur le théâtre est intéressante, mais ça se répète. Il me reste quelques pages mais j'en avais assez. Je rejoins Séverine : c'est un grand cinéaste, mais ce n'est pas un grand écrivain. J'ouvre à moitié.
Rozenn
Si j'ai fini le livre, c'est pour le plaisir que m'ont procuré les petites phrases, les petits passages rapides, comme esquissés : sur son enfance, par exemple quand il parle de ses terribles rapports avec son frère, de la tentative d'assassinat de sa sœur... aussi ses portraits souvent si méchants... un petit détail qui tue...
J'ai été gênée un moment par le fait d'être baladée sans ordre chronologique, puis j'ai accepté. J'ai aimé l'alternance entre enfance et vie professionnelle.
Sa vie familiale et amoureuse paraît désastreuse, mais il en parle de façon très détachée
Aux passages sur sa vie d'adulte, j'ai préféré les souvenirs d'enfance et surtout la distance avec laquelle il en parle.
Le long récit de ses ennuis avec le fisc m'ont formidablement ennuyée.
Le personnage n'est pas sympathique mais psychologiquement intéressant.
Je suis déçue de ne pas mieux comprendre son travail de création alors que j'admire tant ses films. Encore une fois pourquoi s'intéresser à l'auteur et pas seulement à l'œuvre.
J'ouvre un quart.
Manuel
Je rejoins Rozenn à propos de la méchanceté de Bergman. J'ai ressenti de la jouissance à la lire aussi bien sur les personnalités (à propos de Karajan entre autres : "Lorsque la fluette silhouette, avec sa jambe qui traînait, apparut, tout le monde se leva et resta debout jusqu'à ce que le Maestro ait été soulevé par-dessus la barrière et soit à sa place") que des généralités toutes faites sur les Suédois ou les Autrichiens par exemple ("Je ne crois pas aux caractères nationaux mais les Autrichiens semblent être une race à part, l'espère du moins qui fleurit autour du festival, dans la ville de Salzbourg"). Jubilatoire ! J'étais dans l'attente du bon mot et c'est ce qui a tenu ma lecture. J'ai essayé le lire d'une traite car beaucoup de personnalité connues et moins connues sont citées. Il y a des mélanges de genres : des souvenirs d'enfance (les dernières pages où il évoque un souvenir avec son père m'ont ému aux larmes), des réflexions passionnantes sur l'expérience du cinéma comme spectateur, des retours d'expérience sur le métier de metteur en scène de théâtre et d'administrateur de théâtre, des évocations de la vieillesse, ou sur l'amitié ("L'amitié n'exige absolument rien sauf de la franchise. C'est son unique exigence, mais elle est dure"). Il a une grande liberté pour narrer ses souvenirs (p. 221 j'ai été surpris qu'il ait poussé sa visite de Paris à la banlieue Est : j'ai grandi près de La Pie à Saint-Maur). On se perd souvent dans ces mémoires. Ce patchwork m'a énormément plu. J'ai mis des marque-pages un peu partout pour relire des souvenirs particuliers ou des réflexions.
J'avais l'impression qu'il a eu plus de plaisir à faire du cinéma que du théâtre. J'ai beaucoup appris concernant la Suède et sa complaisance sur les nazis, les échanges étudiants. Sa rencontre avec le nazisme m'a terrifié.
Ingmar Bergman est pour moi un immense réalisateur avec des idées de mises en scène qui ont été citées par d'autres réalisateurs ; je suis fan comme Catherine de La flûte enchantée : la meilleure adaptation cinématographique d'opéra à mon avis.
J'ai été heureux de lire cette biographie foisonnante. J'ouvre en grand.
Monique L
Pour commencer, je dois dire que j'ai aimé ces films et vu plusieurs des pièces de Strindberg.
J'ai aimé ce récit autobiographique de la vie d'un artiste et d'un homme qui fait part de ses angoisses et de ses rêves.
Il est marqué par une éducation rigide et par une imagination débordante. C'est d'ailleurs cette éducation que Bergman analyse comme le creuset de son imagination.
Il a vécu des moments de grâce et des échecs. Même s'il rapporte des épisodes de sa vie, il ne le fait pas de façon chronologique. Ce n'est pas le catalogue de ses nombreuses œuvres que ce soit au cinéma ou au théâtre, mais c'est le récit de ses expériences. C'est ce qui m'a plu. Il n'analyse pas non plus ses œuvres, mais nous révèle les conditions dans lesquelles elles ont été créées.
J'ai eu l'impression de rencontrer quelqu'un avec sa grandeur et ses faiblesses et qui assume sa vie : son génie, son amour pour le théâtre, pour l'image et pour le cinéma, ses rencontres avec les femmes, avec l'art, avec la littérature mais aussi sa bêtise, son orgueil, sa méchanceté. Je ne peux pas savoir s'il a tout dit ou caché des pans de ce qu'il a fait mais cela m'a paru sincère et sans concession.
Par ses films, je savais que c'était un homme complexe et torturé. Je n'ai pas été surprise du personnage, mais de sa lucidité et du fait qu'il reconnaisse ses emportements et ses défauts. C'est un homme que j'aurais eu peur de côtoyer mais que je suis contente d'avoir approché par ce livre.
Je me suis dès le début posé la question du titre Laterna Magica/Lanterna Magica. Je n'ai pas la réponse.
C'est bien écrit. L'écriture est simple, sans fioriture. Les descriptions, surtout celles des personnes, sont d'une précision étonnante. J'ouvre au ¾.
J'ai lu également Le Registre de l'inquiétude de Linn Ullmann. J'ai été déçue par ce livre car c'est l'autobiographie de Linn. Ses conversations avec son père en vue d'un livre sont en général assez décevantes, à cause des ravages de la vieillesse qui diminuent Ingmar. Ce qui est intéressant, ce sont les descriptions des maisons et de l'île de Fårö, la place donnée au cinéma. La construction du livre m'a paru brouillon, ce n'est pas chronologique, mais des instants de vie en désordre (ce que j'ai aimé dans Laterna Magica, mais pas dans ce livre).
Claire
Mes premières impressions dominantes ont concerné LE GENRE : mais comment c'est fait ce livre, c'est pas chronologique, c'est quoi ces va-et-vient avec son enfance qui n'aident pas à s'y retrouver ! J'ai vu des Bergman il y a très longtemps, je ne connais pas sa vie, il n'y a pas de date, je suis perdue, sans repère ; il fait comme si on connaissait sa vie, non mais ! Et des répétitions m'ont paru un peu chiantes, l'épisode des impôts bien long. Tout à coup une durée (Ingrid et moi étions mariés depuis cinq ans), ou une date pour un film (1969 mon film le Rite) ou un "détail" familial (en 1943 une fille nous est née). Vers la moitié du livre, j'en sors en me disant : je vais trouver quelques repères, même si ce n'est pas de jeu.
Au fur et à mesure alors que c'est long, j'ai fini par énormément apprécier ces va-et-vient entre l'activité de création, qui est au cœur du livre, et le passé lointain. C'est un livre sans progression narrative ; la seule progression, c'est celle du lecteur. Mais concrètement, on est projeté (!) tout à coup vers autre chose, on se retrouve à la morgue quand il est enfant - c'est comme un patchwork.
Autre impression forte : j'ai été frappée par des SCÈNES extraordinaires ; toutes les rencontres sont formidables (par exemple avec Karajan), les scènes de l'enfance très impressionnantes, avec les punitions ou la scène terrible du dîner : il y a un art de narrer, un art de décrire. Ou, moins dramatique, dans la gare où il ne passe presque rien, l'arrivée du train "tout au loin, comme une tache d'encre noire dans la lourde verdure", la description est mémorable.
Avec la composition particulière, l'art de narrer ou de décrire, c'est L'ÉCRITURE elle-même donc qui me saute aux yeux, par exemple quand il évoque les femmes (avec "les figures" relationnelles et je dirais là littéraires "que nous avons dansées").
Enfin, il y a ce bonhomme à l'énergie incroyable, avec une capacité d'enthousiasme et d'amour, sans complaisance sur soi, sans pitié même, et avec de l'humour : j'ai bien aimé les histoires de caca ("Dans tous les théâtres où j'ai travaillé un peu longuement, j'ai eu droit à des cabinets personnels. Ces cabinets sont à n'en pas douter mon apport le plus durable à l'histoire du théâtre") ou encore avec Lawrence Olivier qui tenait un séminaire par-dessus sa tasse de café au petit déjeuner... On a donc des PERSONNAGES (composition, histoires, scènes, écriture, on a la totale, c'est un roman !) et son parcours à lui en passant par l'enfant qui a vu, fasciné, passer Hitler, l'importance du théâtre - presque rien sur le cinéma - avec la présence énorme de Strinberg, l'absence de contacts sidérante avec ses propres enfants (lors d'un scandale médiatique qui l'enfonce : "mon fils Daniel, qui a douze ans, refuse d'aller à l'école", "j'ignore comment ont réagi mes autres enfants. Eux et moi, nous avions peu ou pas de contacts"...). Les relations sont impressionnantes avec son frère, frère cruel dans l'enfance, frère décrépi à sa fin dont Ingmar fait taper les 800 pages de son autobiographie dictées, malade et impotent, 800 pages qu'il méprise ; et sa mère qui vient au théâtre pour l'amener sur le lit de mort de son père, la mère pour qui il a une passion et à qui il consacre les dernières pages émouvantes... sans chercher l'émotion... même son fantôme s'estompe... il lui faut aller à son journal en 1918 et lire le récit de ses propres premiers jours, le livre se termine par où il a commencé... chapeau !
Jacqueline
Je l'ai lu il y a quelques semaines. Je l'ai lu avec beaucoup de plaisir, tenue en haleine, tout le temps, même si j'ai beaucoup oublié il y a tant de choses (notamment les histoires d'impôts) !
Moi aussi j'aime sa manière d'écrire, son art de rendre l'atmosphère. Il y a quelque chose de très précis, par petites touches. Et un regard de metteur en scène. J'ai adoré les histoires d'enfance, la juste distance de l'adulte qui raconte. C'est vraiment épatant. Peu familière du cinéma et du théâtre, j'ai découvert et pu partager le travail de metteur en scène avec Le Songe : le respect du texte et à travers lui de l'auteur, la longue préparation, le travail d'équipe avec ses aléas et ses rebondissements pour arriver à la finitude de la représentation. J'ai beaucoup aimé aussi ce qu'il raconte de sa décision d'arrêter de filmer. Je crois que j'étais touchée parce qu'il avait su auparavant créer un climat de confiance ou je ne doutais pas de sa sincérité.
J'aurais aimé revoir Les Fraises sauvages, vu peu après sa sortie, il y a 60 ans : je me souviens plus des circonstances que du contenu. Je me souvenais de quelques scènes marquantes de Fanny et Alexandre. J'ai vu et revu La Flûte enchantée et j'ai tellement aimé les images qu'il donne de l'attente des spectateurs ! Après cette lecture, j'ai beaucoup regretté que ses films ne passent pas en salle actuellement !
J'ouvre à ¾ : j'ai eu un plaisir fou à le lire et je regrette de n'avoir pas eu le temps de revenir à ce que j'avais oublié ensuite.
Denis
J'ai eu du plaisir à lire ce livre, même si je me suis senti gêné, au début, d'entrer dans l'intimité de Bergman, dont j'admire énormément les films (j'en ai bien vu une trentaine). Je m'étais fait une image du personnage très flatteuse, est-ce que je n'allais pas abattre l'idole ? Je me suis demandé pourquoi il avait écrit ce livre où il se met à nu dans toutes ses contradictions, et d'une façon plutôt impudique qui m'a parfois choqué. Surtout qu'il dit en plusieurs endroits, je crois, qu'il ne veut pas expliquer ses intentions, s'agissant de ses œuvres. Je me suis dit que ces Scandinaves sont de culture bien différente de "nous autres latins". D'ailleurs, les films suédois des années soixante passaient à l'époque pour choquants et impudiques, notamment par rapport à la sexualité.
En tout cas, j'ai beaucoup aimé ses souvenirs d'enfance. Ils sont très vivaces : situations, émotions... L'éducation religieuse terrifiante m'a rappelé Le ruban blanc de Haneke : châtiments corporels, aveu de la faute, repentir public (pas de confessionnal !).
Je trouve qu'en tant qu'écrivain il est très bon quand il décrit les situations, les rencontres, avec leur lumière, les odeurs, l'environnement. Il a un regard de metteur en scène, c'est son métier et il en parle très bien. Par exemple, la visite chez le pédiatre de son enfance.
Le livre est très désordonné, mais cela ne m'a pas gêné. C'est comme si on suivait le fil de ses souvenirs et des associations. Je crois d'ailleurs que j'en retiens surtout les descriptions de situations. N'étant pas trop amateur de théâtre, j'ai sauté de nombreux passages où il n'était question que de cela. Par contre, je retiens les portraits de comédiens, souvent très acerbes.
Comme écrivain, il trouve des tournures de phrases piquantes qui m'ont souvent fait rire : "je hurlais, je vomissais sur tout ce que je voyais, je m'évanouissais" (enfant, p. 13).
Ma grande question, c'est : où trouve-t-il l'énergie de faire tout ça, le théâtre, les films, les femmes, l'amour... ? C'est absolument fabuleux, et en plus, avec des tas d'ennuis somatiques. Son "tumulte intérieur" qu'il lui faut organiser, ritualiser (p. 50) par une discipline stricte (commencer le travail à 9 h par exemple). Ce qui est merveilleux est qu'il arrive à convertir ce tumulte en œuvres d'art. C'est de ça que parle le livre, au fond. Son activité théâtrale est sans doute celle qui lui coûte le plus d'énergie, alors que les films semblent plutôt le reposer, l'apaiser... Si je relisais le livre, je testerais cette hypothèse. Après tout, sa vie de plaisir commence avec le petit projecteur donné en cadeau à son frère et se termine dans son île où il a sa salle de projection personnelle pour voir de vieux films muets - c'est bien l'image animée qui importe le plus, c'est le titre du livre.
J'ouvre aux ¾. Ce n'est pas un "très bon livre" au plan littéraire mais il est très intéressant et jouissif.
Brigitte

Je me suis aperçue un peu tard de mon erreur dans l'interprétation de notre programmation, si bien que j'ai commencé la lecture de Bergman au lieu de Kierkegaard : j'ai dû m'interrompre pour passer au Le journal du séducteur ; j'ai eu ensuite un mal fou à reprendre Laterna magica. Le charme était rompu.
Pour en revenir au livre de ce jour, j'ai beaucoup aimé le début, l'enfance, c'est magistral, avec le nouveau-né sous-alimenté qu'il était et sa grand-mère qui le nourrit tant bien que mal dans le train : à ce moment-là, j'ai décidé de vivre, dit-il. J'ai beaucoup aimé aussi le moment où il assiste par inadvertance au conflit entre ses parents, et qu'il découvre les grandes faiblesses de son père pasteur parfait, c'est bien raconté. Et quand, toujours enfant, enfermé dans le placard, il se projette ce petit film qui décidera de sa passion pour le cinéma. J'ai repris un peu plus tard, mais je n'ai pas réussi à aller jusqu'au bout du livre.
Je ne connaissais pas Bergman, homme de théâtre, mais j'ai beaucoup aimé son cinéma. Je crois que j'ai vu Le Septième Sceau, Les Fraises sauvages, La Source, Scènes de la vie conjugale, Cris et chuchotements, Fanny et Alexandre… ; j'ai particulièrement aimé ses films en noir et blanc, en particulier celui qui se passe dans une île méditerranéenne, Monika.
Avec Laterna magica, j'ai découvert le metteur en scène de théâtre. Cette partie est certainement intéressante pour les fans de Bergman, pour moi, c'est trop fouillis et j'ai du mal à suivre.
Finalement, j'avais trop de mal à renouer le fil de sa vie et j'ai abandonné vers la page 117. J'ouvre à moitié.

L'avis de Nathalie arrive en cours d'échanges :
Nathalie
J’ai des choses à dire sur Bergman !
Ca sera encore une fois en retard :(
Zut... j’en ai assez des séances à distance...
Bon j’ouvre aux ¾.
Un vrai manifeste !!
Pour le théâtre !
À mettre en toutes les mains.
Livre foutraque qui ne suit pas ou peu la chronologie !
Un homme aux désirs insatiables ! Freud viens à son secours !
Un pieux nazi repenti (sic).
Mais quel homme !! Quel destin !
Laura
J'ai lu 180 pages. Première raison : le manque de temps ; seconde, et qui remplace peut-être la première : le manque d'intérêt. J'ai trouvé ça décousu, je me suis perdue à plusieurs reprises. Et comme je le lisais le soir, je m'endormais sur des pages parfois incompréhensibles. Je n'ai pas détesté le bouquin, mais je n'ai pas eu de plaisir à lire. Ma lecture était presque mécanique et je trouve ça bien dommage. Pourtant, il y a bien un passage qui m'a particulièrement marquée : dans son enfance, la scène avec sa tante dans le bain ; j'étais à la fois gênée et rieuse, curieuse comme un voyeur (j'ai lu ce passage dans le métro et ai espéré que personne ne jette un coup d'œil…), gênée ou choquée surtout par la pédophilie de la tante, et le côté vraiment cru du récit.
Le peu que j'ai lu m'a paru aussi un peu long : le passage des impôts notamment ; mais aussi tout ce qui se rapportait presque au présent. J'aurais préféré un livre uniquement dédié à son enfance, et non à ses problèmes avec la justice. Mais bon, le bon côté est que j'ai regardé Fanny et Alexandre et que j'ai vu à quel point c'était autobiographique. J'étais heureuse de pouvoir faire un jeu de référence avec moi-même.
En bref : le livre ne m'a rien apporté. J'idéalisais Bergman : je n'avais pas envie d'apprendre tout ça sur lui. J'espère que mon regard sur son œuvre cinématographique ne sera pas trop déformé… J'ouvre ¼ pour les passages d'enfance.
Etienne
Je ne connaissais rien de Bergman et j'étais curieux : chouette ! J'aurais eu envie de voir ses films mais impossible de "rattraper" ce retard avant la lecture. C'est un livre de souvenirs d'enfance qui m'a bien plu au départ, avec presque des accents proustiens. Je me suis dit qu'il réussissait ce que Simone de Beauvoir avait raté (selon moi) dans Mémoires d'une jeune fille rangée, à savoir essayer d'être fidèle à ses souvenirs d'enfant, sans trop se prendre au sérieux ni être trop premier degré. C'est original d'assumer avoir voulu tuer son frère et le dire sans fard…
J'ai trouvé ça bien et original jusqu'à la page 50. Et à partir des passages sur le théâtre, là, j'ai eu un blocage complet. Je trouve ça illisible, je me suis ennuyé comme jamais : il se met à nous parler d'acteurs, de techniciens, de régisseurs, de représentations, sans faire le moindre effort pour nous aider temporellement ni nous intéresser. Et là, ça devient la fête : une succession de passages de quelques lignes qui se succèdent comme griffonnés à la hâte, un journal intime quelconque. Pourquoi devrais-je avoir toutes les références dont il parle ? Pourquoi cette paresse vis-à-vis du lecteur ? C'est là qu'à mon sens le livre bascule de l'œuvre littéraire au journal intime pour les afficionados…
À titre personnel, je suis mordu de jazz et je viens de m'enquiller les 400 pages de l'autobiographie de Miles Davis mais je ne conçois pas de le faire lire à quelqu'un qui ne partage pas ma passion. Est-ce que ça l'intéresserait de savoir qu'au cours de telle séance d'enregistrement le batteur s'appelait untel, que machin était arrivé 10 min en retard ou qu'il a fallu faire 5 prises de ce morceau ? C'est exactement ce que je ressens avec Laterna magica.
C'est la première fois depuis que je suis avec vous [depuis plus de deux ans et demi] que je n'arrive pas à finir un livre. J'ai fait l'effort de lire 50 pages d'anecdotes mais page 100, ça n'avait pas bougé et, fait rarissime, j'ai arrêté ma lecture : je me suis senti exclu du club des gens qui apprécient Bergman… Au cours de la séance, j'ai constaté que la plupart des participants connaissaient l'œuvre Bergman : mais posez-vous sincèrement la question de savoir si vous conseilleriez ce livre à quelqu'un qui n'en a jamais entendu parler.
Le pire dans tout cela est que c'est plutôt bien écrit et qu'il y a des passages introspectifs intéressants, mais je trouve franchement que Bergman n'a pas de talent littéraire ou alors par intermittence : ça ne m'intéresse pas d'avoir à dénicher la potentielle petite perle de réflexion freudienne bien sentie qu'il va cacher toutes les 50 pages entre des tartines d'anecdotes.
C'est donc un échec inédit pour moi puisque je termine habituellement tout que je débute, je ne peux que le fermer ou alors le conseiller uniquement aux disciples.
Nathalie(avis transmis)
C'est un livre foisonnant, un véritable manifeste sur le travail de metteur en scène et sur le monde passionnant de la création et du jeu théâtral. Je crois bien que si j'étais prof de littérature, j'en imposerais la lecture à mes étudiants. J'ai été sensible aux nombreuses réflexions sur les artistes, à la révélation du secret des bons comédiens, aux intrigues dans le monde des comédiens, à la critique mordante des artistes "habiles à formuler leurs pensées" mais qui provoquent des catastrophes quand leurs idées deviennent à la mode, "la fécondité qui fait des ravages au théâtre" ! On y apprend beaucoup. Je ne sais comment et à partir de quels supports il a rédigé ses mémoires, mais il a un véritable talent de narration. Les scènes sont vivantes, précises, bien campées. Les portraits sont drôles, parfois cinglants, évoqués en quelques touches, mais ils font naître les personnages avec force comme par exemple cet extraordinaire oncle Carl. Il relate à merveille sa relation incroyable avec sa mère, son enfance. J'ai eu l'impression d'être véritablement plongée dans ce passé.
Ce livre est construit d'une drôle de façon et j'avoue que j'ai souvent été perdue dans les dates, les épouses, les maîtresses, les enfants nés ou à naître ! J'aurais aimé en savoir plus sur son rapport aux femmes, sur les raisons pour lesquelles il s'en détache aussi vite et se révèle incapable d'y résister. Je suis allée voir les photos de ces femmes, elles étaient toutes plus belles les unes que les autres ! Des visages magnifiques !
J'ai grincé des dents à l'évocation du nazisme et à la façon dont il relativise son aveuglement, "Bien plus tard, seulement, j'ai compris que somme toute, j'étais assez innocent" (Folio p. 169). Pour un intellectuel, je trouve qu'il se dédouane vraiment rapidement. En même temps, il réussit à se montrer tel qu'il est et ne semble pas chercher à déformer la vision qu'il a de lui-même. J'ai sursauté à l'évocation cruelle du portrait qu'il donne de Greta Garbo "Alors, je vois ce que je n'avais pas vu ! Sa bouche est laide, une fente rose pâle, ceinte de rides verticales " et un peu plus loin alors qu'elle n'a que trente-six ans : "peut-être que son public a deviné quelque chose que lui avait déjà appris son miroir" (p. 318).
Le livre est long à lire, mais c'est une promenade incroyable et c'est une vie formidable pleine de rebondissements. J'ai été également très étonnée par les critiques féroces qu'il émet sur ses mises en scène. Je le trouve dur envers lui. Il éclaire très bien cette difficulté qu'a tout artiste à faire autre chose que ce qui a déjà été fait sur un texte mis en scène de nombreuses fois.
Un bémol, je n'ai pas vraiment eu l'impression d'avoir un portrait de Strindberg, même en contre-jour du sien, et du coup, j'ai l'impression de ne rien avoir appris sur ce dramaturge.
En tous les cas, c'est une lecture sensationnelle. J'ouvre aux ¾ !

Woody Allen n'a pas pu participer à notre séance, mais a envoyé son avis ici.


SYNTHÈSE DES AVIS DU GROUPE BRETON
rédigée par Yolaine, suivie des avis individuels

Les cotes d'amour du groupe
réuni par Zoom le 20 mai 2021
 •Sylvie
 
         ClaireÉdith Marie-Thé
 •Chantal •PierreYolaine
Suzanne


Nos avis expriment différents degrés dans l'intérêt que nous avons tous porté à cette autobiographie d'Ingmar Bergman, bien écrite, dans un style fluide et avec un art de narrer et de décrire qu'on retrouve avec le même bonheur dans son travail théâtral, cinématographique et littéraire. À tel point qu'on se demande parfois s'il s'agit là d'une biographie, et donc de la description d'une réalité, ou bien plutôt d'une sorte de mise en scène. Il nous raconte l'histoire de sa vie, qu'il semble avoir vécue comme un film.
Plusieurs d'entre nous ont été gênés par l'absence de repères de ce récit qui fait fi de la chronologie pour mieux séduire le lecteur par son côté magique, onirique, parfois même mystique.
Pourtant ce texte, qui s'apparente parfois à une confession, ne cède pas à la complaisance. On y trouve une grande honnêteté intellectuelle, et le désir d'éclairer les lecteurs par la narration des événements précis qui ont été décisifs dans son processus de création.
C'est pourquoi cette lecture présente un intérêt pour sa dimension artistique, au-delà de son aspect documentaire et historique. Il nous raconte son enfance, marquée par une éducation rigoriste et douloureuse au physique et au moral (sévices corporels et absence de câlins), sa jeunesse baignée par la montée du nazisme, ses rencontres professionnelles et amoureuses, à travers de très nombreuses anecdotes où s'expriment son amour de la vie, son énergie, son humour et son enthousiasme. On y retrouve ce qui rend ses films si fascinants et un peu exotiques, la lumière hypnotique de la Suède, l'intensité des regards, l'importante de la musique, l'austérité et le dépouillement.
Mais on y trouve aussi ses angoisses, ses troubles psychologiques ainsi que physiologiques et psychosomatiques : culpabilité, troubles de l'attachement, expérience de la folie, fascination de la mort. Il décrit sans faux-fuyants ses faiblesses, ses obsessions, ses difficultés relationnelles et ses échecs privés et professionnels. Une telle fragilité chez ce monstre du cinéma a pu inspirer une certaine déception aux amoureux de ses films. Notre ignorance généralisée du théâtre de Strindberg a aussi provoqué une certaine lassitude à la lecture des nombreux passages où Bergman exprime sa vénération pour cet écrivain suédois auquel il se réfère constamment.
La vie de ce grand professionnel semble avoir été guidée par la passion, et avant tout par l'amour du théâtre et du cinéma, qui commence dés son jeune âge par une révélation, avec la découverte chez un camarade d'une caméra cinématographique. Sa vie privée aussi fut rythmée de coups de foudre, au détriment de sa vie de famille et de ses enfants, qu'il dit ne pas voir et ne pas connaître. Son récit s'achève de façon profondément émouvante sur l'évocation du souvenir et du visage de sa mère. Là se trouve cachée la clé de son univers, de ses souffrances et de sa puissance créatrice.
Suzanne
Je n'ai pas été emballée par cette espèce d'introduction de l'œuvre. Ce n'est pas ce que j'attendais, même si ce n'est pas inintéressant et que le style est plutôt bien.
Il a choisi de ne pas être chronologique, ce qui n'est pas forcément gênant. Intéressants, ces retours à l'enfance : la naissance, le coté maladif, les parents rigoristes, la mère peu démonstrative, une enfance qui n'est pas baignée dans l'amour. Mais il y a des personnes ressources qui lui permettront de nourrir son imaginaire : la grand-mère qui le considère comme un adulte dans des conversations, par exemple sur la mort, son oncle urinomane haut en couleur qui apporte des éléments à sa lanterne, la riche Tante Anna qui contraste avec le milieu rigoriste, notamment à Noël.
Le climat en Suède, qu'on imagine avec son évocation de son île de Fårö, joue un rôle, aussi bien dans sa vie que celle des autres. Il se traduit entre autres par l'importance de la lumière, avec une transfiguration du réel dans son cinéma. J'ai dû voir certains de ses films, mais qui ne me branchaient pas trop.
Je retiens le défilé avec Hitler qui subjugue l'enfant, la rencontre avec Lawrence Olivier, avec Greta Garbo à propos de qui la lumière réapparaît.
J'ai retenu certaines phrases concernant son éducation comportant des sévices corporels : "je veux de l'ordre (...) pour approcher l'illimité".
Quand on travaille avec lui, on ne fait pas apparaître ses problèmes personnels, on reste professionnel. Ses relations avec les femmes apparaissent peu. Ses problèmes physiques relèvent du psychosomatique, d'une angoisse qui, aussi, nourrit son œuvre. La culpabilité est une affaire de famille, voire de génération (sa mère a un autre amour).
Les thèmes abordés sont intéressants, comme le rapport à la foi, à la mort, mais je ne trouve pas mon compte avec ce livre, par rapport à mon attente de la lecture à Voix au chapitre. J'ouvre ¼ car une émission de télévision à caractère biographique aurait aussi bien fait l'affaire. Quant à un film de Bergman, I was not in the mood...      

Édith
Amateure du cinéma de Bergman pour en avoir vu un certain nombre, je m'étais réjouie du choix du livre. J'aime les biographies et je n'imaginais pas que Bergman, en plus de ses multiples vies (théâtre, cinéma, voyages et amours…) ait pu consacrer aussi du temps à se livrer à la fin de sa vie : la soixantaine.
Souvent au cours de ma lecture je me suis demandé si j'allais ou non poursuivre !!!!
Il m'a fallu accepter la non-chronologie du récit (je me suis toutefois permis une visite vers Wikipédia pour, au moins, me repérer dans la succession de ses femmes et ses enfants).
La lecture proprement dite est agréable et fluide, traduction semble-t-il fidèle aux "méandres" de la narration et des souvenirs, puis la magie du récit a opéré et en fin de lecture j'étais dans le monde de Bergman. Au point de reprendre le livre à son début et constater comment j'avais un peu oublié certaines scènes et je me suis replongée dans les lignes concernant son enfance, j'ai repris les "pages cornées" au cours de la première lecture pour y retrouver la force du propos, le charme des anecdotes parfois "rosses" ou triviales. Les scènes évoquant une enfance tenue par la culpabilité, la sanction, la mort (récit de son enfermement à la morgue et son geste vers le corps de la jeune morte… : froid dans le dos !, récit des châtiments corporels administrés par son père, amour entier pour sa mère). Belle scène hallucinée du dernier chapitre où sa mère se dévoile et qui termine le récit.
P. 237 : "j'avais décidé que la mauvaise conscience était une coquetterie puisque jamais ma souffrance ne pourrait racheter les dommages que j'avais causé" à propos de culpabilité.
Les scènes qui m'ont marquée le plus sont celles de sa misère corporelle, le corps souffrant de diarrhées intempestives, mais humour et crudité avec laquelle il en parle. La scène qu'il décrit aussi de sa folie, avant son internement, matrice semble-t-il de plusieurs scénarios de ses films.
P. 308 : "en vieillissant, on a de moins en moins besoin de distractions. J'accueille avec reconnaissance ces gentilles journées ou il ne se passe rien et ces nuits pas trop. privées de sommeil. Mon cinéma de FÅRÖ m'apporte un inaltérable plaisir"
Plus loin, p. 309 : "On éteint les lumières et dans l'obscurité, la première image tremblante se détache sur le mur blanc. Silence. Dans la cabine bien huilée, le projecteur ronronne doucement. Les ombres bougent, tournent vers moi leur visage, me demandent d'être attentifs à leurs destins.
Soixante années ont passées, l'excitation demeure la même
"
J'ai recopié ces deux paragraphes qui résument pour moi la vie et l'œuvre de Bergman ; LUI au centre de son œuvre cinématographique et aussi, dans une moindre mesure, son œuvre théâtrale de metteur en scène.
La lumière et son jeux capté par LUI enfant solitaire et silencieux. La lanterne magique cadeau précieux et matrice de son œuvre… d'où le titre je suppose. Page 302, une ode à la lumière !
LUI dans son rapport à l'espace, aux paysages au temps météorologique par la présence de FÅRÖ, son île refuge, et son décor privilégié.
LUI dans son rapport à l'expérience de la mort du fait de sa santé vacillante et son expérience réelle de la folie et de l'internement.
J'attends l'échange qui sera riche.

Chantal
J'ai aimé, beaucoup, l'évocation, réinvention (?) de son enfance. Avec de très beaux passages, très forts..., mais là, déjà..., mise en scène de sa propre vie ? Page 17, la mort de sa mère : "je ne crois pas que j'avais du chagrin, je ne crois pas non plus que je pensais, ou que je me mettais en scène, cette maladie professionnelle qui m'a suivie impitoyablement à travers toute ma vie."
L'écriture est belle, riche. Beaucoup de couleurs, de visuel, l'importance de la lumière, les odeurs (p. 34 description des odeurs de la grand-mère, la mère). Les corps, les scènes, les décors, sont plantés avec extrême précision et détails. Comme pour un film. Beaucoup de passages sont époustouflants ; p. 64, très beau passage sur la Joie... la Joie qui s'en va... Et toujours transparaît l'enfant Bergman, souffrant des sévices de son père, de la froideur de sa mère : "un enfant qui hurle sans retenue, enfermé à jamais"... Les scènes "d'amour", adolescent avec Anna, sont désopilantes, celles des vengeances contre son frère haï, et plein d'autres... magistralement décrites. Mais "je n'éprouvais aucun amour pour personne, ni pour rien, et surtout pas pour moi".
Par contre, tous les longs, trop longs passages "professionnels", les mises en scènes théâtrales, dans des théâtres pourris, déglingués, en Europe, aux États-Unis, des comédiens qui picolent, ses démêlés avec le fisc... Strindberg, Strindberg, Strindberg (l'obsession !), c'est long, barbant... Avec de très beaux passages sur la création ; p. 92, "il se peut que je vive pour ces brefs instants. Comme un pêcheur de perles." Oui, mais à quel prix !
Rien, RIEN, sur sa VIE, ses femmes, ses enfants, disant même qu'il n'arien à en dire puisqu'il ne les voit jamais ! N'existe que le théâtre "le commencement et la fin, et pour ainsi dire TOUT entre les deux" ! Le théâtre, son obsession, et en 2021 en Europe, il n'est connu, reconnu, que pour ses films : ironie...
Mais je retiens, avec émotion, la fin poignante du livre : "Et pourtant je tombe, je tombe et je traverse l'abîme de ma vie sans pouvoir me rapprocher à rien (...) Mère j'appelle, je crie après mère comme j'ai toujours appelé, quand il faisait nuit, quand j'avais de la fièvre." Peut-être cette phrase est-elle la "justification" de ce qui a fait sa vie ??
Je l'ouvre à la première lecture ¼, puis non, ½. Et contente d'avoir lu ce livre !
Pierre
L'autobiographie de ce cinéaste que je connais peu et dont j'ai vu quelques films est intéressante. L'homme lui même m'a assez plu : un homme normal, jusqu'au contrôle fiscal...
Au point de vue historique, c'est très intéressant, avec le sujet tabou, et le moment hitlérien, l'enfant levant la main. De même, les rapports avec les comédiens, Garbo vue sous un autre angle, décatie...
J'ai sauté des pages sur le théâtre, mais l'enfance est très intéressante, les rapports avec son frère par exemple.
Je n'ai pas envie de voir ses films. J'ouvre à moitié car je n'ai pas été passionné, mais j'ai apprécié l'homme, intelligent, avec des idées auxquelles il croit, solide dans sa fragilité, pétri de contrastes.
Yolaine
Je n'ai pas trop aimé.
J'étais fana de Bergman, oui, quand il était à la mode. Et c'est vrai que j'avais une attente. Qu'est-ce que j'attendais ? Retrouver ma jeunesse ? Ces films qui étaient plein de mystères, un peu magiques, avec un côté exotique... Je suis déçue.
Pierre parle de solidité dans sa fragilité, ou de solidité dans sa fragilité, il était complètement caractériel, oui, difficile à supporter.
J'ai trouvé des longueurs ; le côté obsessionnel est transcendé dans le cinéma, alors qu'ici rien ne nous est épargné des problèmes physiologiques.
Sa vision des femmes est désespérante. Il décrit la souffrance dans leurs yeux, c'est cruel à supporter, et j'étais mal. Il est descendu de son piédestal, en dépit de son honnêteté.

Suzanne
Il parle de l'incommunicabilité qu'on retrouve dans son cinéma. Je sens une réaction épidermique de ta part.

Yolaine
Oui, il y a ce thème lancinant. Mais aujourd'hui c'est un autre stade pour nous. Aurais-je du plaisir à revoir ses films ? Je n'en ai pas envie.
Je suis un peu déçue par le personnage. C'est vrai qu'historiquement c'est intéressant ; pour ce qui est du nazisme qu'il évoque, on ne sait pas comment il se situe. On le sent à côté des choses ; ça m'a un peu dérangée ; sa façon de se positionner par rapport aux gens, m'a gênée, m'a empêchée d'adhérer : comme en ce qui concerne le contrôle fiscal, qui devient délirant, il en est malade.
C'est un récit qui n'est pas confortable. C'est bien écrit, plutôt honnête, mais ce n'est pas une partie de plaisir. Je n'ai pas envie de voir un film de lui, au contraire même.

Marie Thé(avis transmis)
Si j'ouvre ce livre aux ¾, j'ajoute cependant ces mots de Woody Allen : "Je suis assez mauvais juge étant donné ma fascination pour cet artiste." Étonnant tout de même, en lisant Bergman j'ai quelquefois pensé à Woody Allen : talent, travail, anxiété, et... ce côté hypocondriaque... J'aime beaucoup ces deux réalisateurs aux œuvres différentes.
J'enlève ¼ à Laterna magica car la partie théâtre a fini par m'assommer, que c'est long, répétitif, technique aussi... Et ce livre que j'avais découvert et aimé à sa sortie, lu en partie, j'ai commencé à le regarder autrement. En effet, je me suis mise à le lire en pensant au groupe (je parle des passages "rasoir"), en culpabilisant d'avoir infligé à Voix au chapitre de telles longueurs indigestes (rien à voir cependant avec les problèmes digestifs de Bergman). Et puis, même si nous ne sommes pas dans le même registre, et toutes proportions gardées, je ne peux m'empêcher ici de rapporter ces propos de l'auteur : "J'avais décidé que la mauvaise conscience était une coquetterie puisque jamais ma souffrance ne pourrait racheter les dommages que j'avais causés."
Ceci dit, j'ai aimé retrouver Strindberg avec Le songe, malgré les difficultés rencontrées lors des répétitions : "la conquête du Songe se transforma en une difficile campagne (...) je ressentis l'âge comme un sabotage." Malgré ceci au sujet de l'actrice au rôle si important "La fécondité qui fait des ravages au théâtre l'a contaminée." La représentation de Lohengrin de Wagner est surprenante avec le finale qui tourne mal. Émotion à Weimar chez Clara avec Brecht, en pleine montée du nazisme. Je me rappelle, il y a quelques années Après la répétition.
Côté cinéma, plaisir de retrouver sous la plume de Bergman Le septième sceau, effrayant contrairement à son tournage, Scènes de la vie conjugale que j'avais adoré, Les fraises sauvages revu en version restaurée, magnifique, ou encore Sonate d'automne et Sarabande, bien trop sombre pour moi. Quant à Fanny et Alexandre, j'y avais vu un chef-d'œuvre. Etc. etc. J'ai regretté le peu de lignes accordées à Erland Josephson, alter ego de Bergman, ou à Max von Sydow, l'acteur magnifique des débuts. J'ai par contre apprécié les références à Andrei Tarkovski.
Confessions, l'œuvre et la vie... J'ai adoré, tout en étant effarée. Les derniers passages sont terribles : "Pourquoi derrière cette fragile façade du prestige social nous avons vécu une aussi effroyable misère. (...) Je crie après Mère comme j'ai toujours appelé (...) sa vie avait été une catastrophe..."
Ces dernières pages tellement fortes font écho aux premières. A l'origine de la vie pour Ingmar Bergman, la souffrance et l'ombre de la mort. Le corps rejette souvent ce qu'on lui donne (nourriture) et cela ne s'arrêtera pas... L'esprit rejette une éducation austère marquée par l'autorité paternelle et les châtiments, rejet de l'école, du pédiatre (on comprend), plus grave, de la petite sœur, de l'élève dénonciateur. Au sein de sa famille, rejet transmis à Ingmar Bergman par sa mère, "Tu es trop câlin, on dirait une fille...", qui elle-même avait reçu ce rejet de sa mère. "J'entrevoyais, peut-être, derrière le drame de mes parents, la force glacée de ma grand-mère." Importance de se référer ici à un autre livre, de Bergman Les meilleures intentions (ou au film de Bille August) : moments difficiles dans la vie des parents de Bergman avant sa naissance, rejet de celui qui allait être son père...
J'ai pourtant été émerveillée par l'univers de l'enfance, la célébration de Noël chaque année (cf. Fanny et Alexandre), plus de barrières sociales, les domestiques prennent part à la fête. Et là, à l'origine de tout, le cinématographe, la lanterne magique : "mes premières années (...) elles ont nourri mon imagination et mes sens." J'aime les portraits pittoresques des oncles et des tantes, les étés à Varoms, les hivers à Stockholm, l'importance de la lumière, des "embrasements", la possible présence de lutins et de fantômes.
Et puis il y a Fårö, l'île refuge, apaisante. Les tourments ne disparaissent pas pourtant pour celui qui aimait les corps et la création, dont la vie oscillait de la scène aux histoires d'amour, qui portait sur lui-même un regard clair et honnête, donnant de lui une image peu enviable, qui reconnaissait la valeur de metteurs en scène avec lesquels il ne s'entendait pas... A Fårö, au bout du monde et de la vie : "Je ne me porte pas mal - au contraire - mais l'âme..." La mort entraînant la séparation de l'être aimé apparaît comme une "perspective terrifiante."


Autour du livre
  Quelques repères chronologiques
Potins
Télévision
Radio  

Livres
Une pièce

Presse sur le livre

QUELQUES REPÈRES CHRONOLOGIQUES utiles pour lire le livre

Quelques dates :
- 1918 : naissance à Uppsala, au nord de Stockholm, dans une famille protestante
- 1946 : sortie de Crise, premier d'une quarantaine de longs métrages (et d'une trentaine de téléfilms)
- 1957 : Le Septième sceau, prix du jury à Cannes en ligne ICI
- 1958 : Les fraises sauvages, Ours d'or à Berlin
- 1961 : Oscar du meilleur film étranger pour La Source
- 1963-1966 : dirige le Théâtre royal dramatique de Stockholm ; il mettra en scène plus de 40 pièces dans sa carrière
- 1972 : Cris et chuchotements
- 1973 : Scènes de la vie conjugale
- 1976 : affecté par une affaire de fraude fiscale (il sera innocenté), il s'exile à Munich, où il réalise son film sur la genèse du nazisme, L'Œuf du serpent
- 1982 : 4 Oscars (dont celui du meilleur film étranger) pour Fanny et Alexandre. Abandonne le cinéma pour se consacrer à la télévision et au théâtre.
- 1997 : unique lauréat de la Palme des palmes du Festival de Cannes
- 2003 : retour à l'écran avec Sarabande, son dernier film
- 30 juillet 2007 : mort en solitaire sur l'île suédoise de Fårö.
Wikipédia présente de façon très détaillée son parcours et ses œuvres.
Le site officiel de la Fondation Bergman : www.ingmarbergman.se

LES POTINS utiles pour suivre les rencontres dans le livre

Et les femmes ?
En plus de ses 5 mariages, Bergman a eu des relations amoureuses avec les actrices Harriet Andersson, Bibi Andersson et
Liv Ullmann (9 films avec elle) avec qui il a eu une fille : Linn Ullmann, romancière (voir ses livres chez Actes sud).
Bergman a eu 9 enfants, dont la plupart ont fait carrière dans le cinéma. Il a épousé toutes les mères de ses enfants, à l'exception de Liv Ullmann.
Ainsi, s'est-il marié :
- en 1943 avec Else Fisher, danseuse, divorce en 1945 ; ils eurent une fille Lena Bergman, actrice (dans plusieurs films de Bergman)
- en 1945 avec Ellen Lundström, danseuse, divorce en 1950, ils eurent quatre enfants : Eva Bergman, réalisatrice, Jan Bergman, réalisateur et acteur, les jumeaux Mats Bergman et Anna Bergman, tous deux acteurs
- en 1951 avec Gun Grut, journaliste, danseuse, traductrice (notamment d'Andric que nous avons lu : Andric lui-même pensait que les traductions de Gun Bergman avaient contribué à la décision de lui décerner le prix Nobel... ), divorce en 1959, ils eurent un enfant : Ingmar Bergman Jr.
- en 1959, tandis que naissait sa fille de la femme qu'il épousera en dernier, avec Käbi Laretei, pianiste, et divorce en 1969 ; ils eurent un enfant Daniel Bergman, réalisateur
- enfin 1971 avec Ingrid Von Rosen, jusqu'à son décès en 1995 ; ils eurent une fille, Maria von Rosen qui découvre à 22 ans que Bergman est son père...

Et les enfants ?
- Bergman, qui a eu neuf enfants : J'ai eu un jour une dispute avec l'un de mes fils. Je lui avais dit "je sais, j'ai été un très mauvais père." Il m'a alors balancé : "Quoi! Un mauvais père ? Tu n'as pas été un père du tout." D'un autre côté, je suis très ami avec mes enfants. Pour mes 60 ans, ma femme avait décidé de tous les réunir à Fårö (petite île en mer Baltique, au sud-est de la Suède, où Bergman vit retiré, ndlr). Ils connaissaient à peine l'existence des uns et des autres. Depuis, ils ont découvert qu'ils s'appréciaient. Et maintenant, pour mon anniversaire, que je sois là ou pas, ils viennent à Fårö. Comme ce genre d'arrangement m'est pénible, ils font un bon repas tandis que je mange mes quenelles de poisson.
- Malou von Sivers, journaliste suédoise : Pourquoi tant d'enfants, si c'est pour ne pas s'en occuper ?
- Bergman: Il n'y a pas eu d'enfant planifié. Ils sont arrivés, c'est tout. Ce sont tous des enfants de l'amour au plus haut point. J'ai été élevé à une époque où insuffler la mauvaise conscience était une part de l'éducation. Et j'ai décidé de ne pas avoir mauvaise conscience, que c'était de la coquetterie. Mais cela n'empêche pas le sentiment de culpabilité. En même temps, j'avais décidé de devenir le meilleur au monde dans ma profession, qu'il ne devait y avoir aucune limite à mes conquêtes. Tout cela se tient : mon sentiment de fiasco total sur le plan humain et ma volonté de compenser en devenant aussi bon que possible professionnellement. Cela s'est traduit par une manière de vivre stricte, avec beaucoup de minutie, de ponctualité, de sobriété, etc., ce qui était infernal pour mes collaborateurs, car j'exigeais la même chose d'eux. (Libération, 12 avril 2000).

TÉLÉVISION

- Ingmar Bergman, scènes de la vie suédoise, Invitation au voyage, Arte, 2019, 16 min : les lieux où a vécu Bergman.
À l'occasion du centenaire de la naissance de Bergman en 2018 :
- Ingmar Bergman en 9 minutes, Blow Up, l'actualité du cinéma (ou presque), ARTE (très bien fait !)
- L'incontournable Ingmar Bergman, Vendredi 14h-Les coups de cœur d'Audrey Pulvar, e-cinéma, avec Jane Magnusson, réalisatrice de Ingmar Bergman, une année dans une vie, N. T. Binh, critique et auteur de
Ingmar Bergman ; le magicien du Nord, et Nicolas Saada, cinéaste et grand admirateur de Bergman.
- Pourquoi le réalisateur suédois fascine autant, Story classique, OCS Géants, en 5 min

RADIO

Deux émissions très intéressantes :
- Ingmar Bergman : de l'exploration des gouffres à la mémoire européenne, Signe des temps, par Marc Weitzmann, France Culture, 9 septembre 2018, 45 min : avec Margarethe von Trotta, Antoine de Baecque... : retour sur un grand cinéaste qui a exploré les gouffres intimes et innové dans les formes.
- "Laterna magica", ou le "rêve de cinéma" d'Ingmar Bergman, Ça peut pas faire de mal, France Inter, par Guillaume Gallienne, 27 octobre 2018, 49 min.

LIVRES

Homme de théâtre, de cinéma, de télévision, Bergman a aussi publié des livres.

Scénarios
C
hez Robert Laffont :
- Œuvres, en 1962, regroupe les scénarios de Sommarlek, La Nuit des forains, Sourires d'une nuit d'été, Le Septième Sceau, Les Fraises sauvages et Le Visage
-
Trilogie, en 1964, rassemble les scénarios de À travers le miroir, Les Communiants et Le Silence.


Les autres scénarios (et tous les autres livres) sont publiés ensuite chez Gallimard, pour la plupart traduits par
Lucie Albertini et Carl Gustaf Bjurström :
- Scènes de la vie conjugale, 1975
- L'Œuf du serpent, 1975
- Face à face, 1976
- Sonate d'automne, 1978
- Cris et chuchotements suivi de Persona et de Le Lien, 1979
- De la vie des marionnettes, 1980
- Fanny et Alexandre, 1983

Mémoires et autobiographies
- Laterna magica, 1987
- Images, 1992

Romans et récits
- Les meilleures intentions, 1992
- Enfants du dimanche, 1995
- Entretiens privés, 1997

Théâtre
- Le cinquième acte, 1997

Quelques livres sur Bergman
Du plus récent au plus ancien :
- Abécédaire Ingmar Bergman A-Ö, collectif, Carlotta éditions, 2020
- Ingmar Bergman et le national-socialisme hitlérien, Anatoly Livry, Alba Leone, 2020
- Fårö, une nuit avec Ingmar Bergman, Joëlle Varenne, Balland, 2019
- Scènes de la vie familiale : Ingmar Bergman, Raphaël Yung Mariano, L'Harmattan, 2017
- Ingmar Bergman, Jacques Mandelbaum, Cahiers du cinéma et Le Monde, 2008
- En présence d'un clown de Ingmar Bergman, Jean Narboni, Bruxelles, Yellow Now, 2007
- Ingmar Bergman ; le magicien du Nord, N. T. Binh, Découvertes Gallimard, 1993
- Conversation avec Bergman, Olivier Assayas et Stig Björkman, Cahiers du cinéma, 2006 (1re éd. 1990)
- Ingmar Bergman, Denis Marion, Gallimard, 1979.

C'est après sa mort que sa fille, Linn Ullmann, a publié en 2015 Le Registre de l'inquiétude (Actes sud) : père et fille parlaient de ce projet depuis des années, écrire ensemble un livre sur la vieillesse...

UNE PIÈCE à partir de Laterna magica

Le livre a été adapté à la scène par Dorian Rossel, Compagnie STT de Genève - pièce jouée à Avignon en 2019 ; voir présentation ICI.

PRESSE sur le livre Laterna magica

- "Bergman : mémoires de désespoir", Anne de Gasperi, Le Quotidien de Paris, 6 février 1988
- "Bergman : écrits et chuchotements", Figaro littéraire, 29 février 1988
- "Le chantre de la sensibilité occidentale", Olivier Barrot, Le Monde, 5 avril 1988

- "Bergman sans cinéma", Serge Daney, Libération, 9 mai 1991.

Et voici l'avis de Woody Allen qui, dans un article de Libération du 1er octobre 1998 (traduit d'un article du New York Times Book Review), dit son amour pour les films de Bergman avant que de parler du livre...

O.K., et maintenant son livre. On y parle beaucoup de problèmes gastriques. Mais c'est intéressant quand même. C'est spontané et anecdotique. Ce n'est pas chronologique comme devrait l'être le récit d'une vie. Car il y a de tout dans la vie de Bergman : des contes étranges et des moments de tristesse. Exemple de conte étrange : quand il était jeune homme, Bergman s'est retrouvé enfermé dans une morgue où il a été fasciné par le corps d'une jeune femme nue. Cas de tristesse : "Ma femme et moi nous vivons à côté l'un de l'autre. L'un pense et l'autre répond. Je n'arrive pas à nous trouver d'affinités. C'est un problème insoluble. Un jour le couperet tombera et nous séparera pour de bon." Mais le livre laisse de côté un certain nombre de points, là où on aimerait qu'il nous en dise plus. Ses films, par exemple. Enfin, j'exagère, il n'est pas tout à fait exact de dire qu'il n'en parle pas du tout, mais si on considère qu'il en a réalisé plus de quarante, il en dit très peu. Il ne parle pas de ses femmes non plus. Pourtant il en a eu beaucoup (des enfants aussi mais il les mentionne à peine), en particulier Liv Ullmann, la mère d'un de ses enfants, qui a vécu avec lui de nombreuses années, et qui a longtemps été la star de ses films. Mais comme il ne parle pas beaucoup non plus de ses acteurs...
Alors qu'est-ce qu'il y a dans ce livre ? Beaucoup de révélations poignantes, en particulier à propos de son enfance et de son travail au théâtre. On y apprend qu'il dessine chaque scène avant de la réaliser. Il raconte aussi de manière très émouvante comment il a dirigé Anders Ek, un de ses acteurs atteint de leucémie et qui exploitait sa propre peur de la mort pour incarner un personnage de Strindberg. Bergman adore le théâtre, c'est sa vraie famille. En fait, la famille adorable et chaleureuse de Fanny et Alexandre symbolise le théâtre pour Bergman (ce n'est pas dans le livre mais je le sais). Il écrit par contre sur ses maladies ("J'ai souffert de diverses maladies et je n'ai pas encore décidé si j'avais vraiment envie de vivre") et sur ses faiblesses corporelles : "Dans tous les théâtres où j'ai travaillé, j'ai toujours exigé d'avoir mes propres toilettes." Il parle aussi de sa dépression qui a suivi le fameux scandale de ses impôts. En 1976, Bergman, fut arrêté comme un malfaiteur en plein milieu d'une répétition, et traîné au commissariat pour fraude fiscale. Le fait qu'il soit innocenté d'avoir délibérément fraudé le Trésor public n'a pas empêché les autorités suédoises de se comporter avec lui de manière brutale et grossière. Bergman, en pleine dépression, fut hospitalisé et s'exila plus tard en Allemagne, humilié et furieux.
L'image qu'on garde de Bergman à la lecture de ce livre est celle d'un être profondément émotif, et qui ne s'adapte pas facilement aux contraintes de ce monde cruel et froid, mais qui reste un très grand professionnel, et bien sûr un génie absolu dans le domaine des arts dramatiques. Dans la traduction de Joan Tate, il apparaît aussi que Bergman écrit bien. J'ai avalé chaque page, mais je suis assez mauvais juge étant donné ma fascination pour cet artiste. En tout cas, j'ai eu du mal à croire qu'il avait déjà soixante-dix ans. Dans son livre, il se rappelle qu'à l'âge de 10 ans, on lui avait offert une lanterne magique qui projetait des ombres sur les murs. Cette lanterne a été le point de départ de son amour du cinéma. Maintenant qu'il est mondialement connu et retiré du cinéma, il écrit ces quelques lignes : "Mon fauteuil est confortable, la pièce douillette, il fait sombre, déjà une première image apparaît, tremblante, sur l'écran. Tout est calme, le projecteur ronronne doucement. Les ombres bougent, et me regardent. Soixante ans ont passé, mais la passion est intacte."

Woody ALLEN, traduction Marie COLMANT
©The New York Times Book Review/Libération


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