Laterna magica, Folio, 1991, trad. du suédois par Lucie Albertini et Carl Gustaf Bjurström, 384 p. Quatrième de couverture : Lorsque Bergman jette, comme ici, un regard sur sa vie, c'est un homme profondément marqué par une éducation rigide et par une imagination débordante qui parle. Mais c'est surtout un homme de spectacle : à la fois directeur de théâtre et réalisateur de films, il a vécu dans la fièvre, entre moments de grâce et échecs. Il s'exprime sans complaisance dans ses jugements, qu'il s'agisse d'inconnus, de vedettes - telles que Laurence Olivier, Greta Garbo ou Herbert von Karajan, avec qui il a travaillé -, ou de lui-même. Mémoires, ou plutôt antimémoires, "confessions" modernes, ce livre témoigne de blessures et de crises, mais aussi de rêves et de bonheurs, et il foisonne de souvenirs d'un étrange rayonnement. Première édition |
Ingmar Bergman (1918-2007)
|
Quelques
repères chronologiques Potins Télévision Radio Livres Une pièce Presse sur le livre |
Anne-Sophie(avis
transmis)
Idées en désordre à l'issue de la lecture de Laterna
magica, autobiographie déstructurée, foisonnante, passionnante
et agaçante. Bergman se livre certes dans les détails, parfois
intimes et crus, mais on peine, dans ce récit non linéaire,
à bien comprendre son parcours et les valeurs ou convictions qui
ont guidé sa vie. Comme des éclats d'une mosaïque.
J'ai l'impression d'avoir vu défiler une somme de gros plans sur
les événements les plus marquants de sa vie d'artiste, d'avoir
découvert le metteur en scène, l'homme de théâtre
extraordinaire derrière le cinéaste, mais sans parvenir
à reconstituer le portrait d'ensemble de l'homme. Du point de vue
de sa construction, je n'ai donc pas apprécié ce livre,
trop confus à mon goût, trop plein de références
qui ne me parlent pas, trop plein d'absences et de non-dits aussi. Mais
sur le fond, quel plaisir néanmoins d'approcher le bonhomme !
Névroses, traumatismes d'enfance, une bombe à retardement.
Quelle déflagration ensuite que sa vie, débordante d'énergie
vitale et créatrice, une impression d'insatiabilité, que
ce soit de productions, théâtrales ou cinématographiques,
et de femmes aussi (eh oui, "le
travail cinématographique est une activité fortement érotique").
Beaucoup d'images ou de passages marquants à retenir (sur le travail
de l'homme de théâtre, la blessure du litige fiscal, le chapitre
terrifiant sur l'Allemagne en 1934, Fårö et les paysages de
Suède l'été, les angoisses qui ne s'atténueront
jamais, "pourquoi ai-je vécu avec cette blessure toujours
infectée qui ne s'est jamais refermée" mais la
passion qui ne faiblit pas non plus, "soixante années ont
passé, l'excitation est toujours la même"...). Besoin
de laisser reposer après cette lecture étourdissante. J'ouvre
aux ¾.
Annick L entreet(avis
transmis)
Je ne suis pas une lectrice passionnée par les récits autobiographiques
mais, comme j'ai été très marquée par les
films de Bergman, je me suis plongée avec curiosité dans
ce livre. Bergman raconte bien, avec un sens frappant de l'anecdote ou
du portrait. J'ai apprécié aussi sa franchise, voire son
ironie parfois cinglante, à l'égard des autres et de lui-même.
On ne peut pas dire qu'il s'en dégage la figure d'une personne
attachante : comme il le dit lui-même, il a traversé
son enfance et la première partie de sa vie sans s'attacher à
qui que ce soit, ni à ses frère et sur, ni à
son père
détesté, ni à ses nombreuses
conquêtes féminines, épouses ou maîtresses,
ni ses nombreux enfants. Totalement égocentrique, il a suivi le
fil de ses pulsions, de ses désirs, sans se préoccuper de
l'impact produit.
Le plus touchant, ce sont ses souvenirs d'enfance, dans cette famille
toxique, écrasée par la personnalité de ce père,
un pasteur respectable, puritain et castrateur. La source de bien des
malheurs pour ceux qui étaient sous sa coupe. Ingmar Bergman ne
s'en est sorti que par la magie de la scène et du cinéma.
Reste donc le "grand homme", metteur en scène de théâtre
et d'opéra, réalisateur de films pour le cinéma ou
la télévision. Là est sa véritable passion
et il nous entraîne avec fougue et moult détails, dans ses
expériences de création, plus ou moins "réussies"
selon ses exigences (très grandes !). C'est le côté
le plus intéressant de ce récit pour moi. Mais il se trouve
qu'il évoque surtout sa carrière théâtrale,
que je ne connais pas du tout, avec plein de références
inconnues, en particulier en ce qui concerne les acteurs, actrices, directeurs
de théâtre. J'ai donc été déçue,
je me suis même ennuyée parfois et j'ai mis un certain temps
à finir ma lecture.
Cela m'a donné plutôt envie de revoir ses films.
Je l'ouvre entre ¼ et ½.
Fanny
Cette fois-ci je passe mon tour. Je dois dire que j'ai honteusement calé
vers la page 60.
Après avoir terminé Le journal
d'un séducteur... Merci pour le partage d'avis notamment
les enthousiastes, mais pour ma part je n'ai pas dépassé
le stade de pensum, et donc au passage je le ferme.
Concernant Bergman j'ai bien aimé le début lorsqu'il raconte
son enfance, j'ai trouvé cela intéressant et l'écriture
fluide. Bref j'ai pris plaisir, mais très rapidement c'est devenu
trop référencé pour moi qui méconnais ses
films. Et je dois dire qu'au vu des lectures précédentes,
j'ai eu des envies de plaisirs romanesques. Je me suis plongée
dans
Les choses humaines de Karine Tuil, peut-être avec certains
raccourcis sur le profil des personnages et le portrait de la société,
mais j'ai cédé à cette facilité.
Peut-être vos avis me donneront envie de retrouver Bergman.
Hâte de vous lire donc en attendant de pouvoir revenir le vendredi
soir.
Séverine
J'ai été intriguée par ce choix. Je connais de nom
Bergman, mais je n'ai jamais eu le courage de voir ses films qui me semblent
plutôt ardus. J'ai lu jusqu'à la p. 216. Les passages sur
l'enfance m'ont intéressée (notamment le passage sur Hitler),
mais globalement je dirais comme une des personnes de son entourage qui
lui demande à un moment du livre "pourquoi
es-tu assommant ?". J'ai le même avis
C'est
décousu, il faut avoir envie d'entrer le texte et surtout d'être
passionné par le personnage, l'envie d'en savoir plus car là,
comme ça, ça ne m'incite guère à vouloir découvrir
son uvre. Il est probablement un grand cinéaste, mais pas
un grand écrivain. Je pense que ce qui m'a le plus barbée,
ce sont les références au théâtre (d'ailleurs
je ne pensais pas qu'il était metteur en scène
ce
qui semble dominer dans le livre). Généralement, je ne suis
pas fan des romans qui parlent de littérature, de cinéma,
de théâtre
le monde artistique qui se regarde ne m'intéresse
pas en littérature. Et c'est encore plus lourd à lire quand
il y a beaucoup de références qui ne me parlent pas du tout
Je note seulement un passage intéressant en cette période
de déconfinement, la belle liste de toutes les pièces ce
qu'il peut voir au théâtre à Paris lors de son passage
(p. 222). J'ai trouvé cette liste, une corne
d'abondance extraordinaire en cette période de disette
Que
dire de plus si ce n'est rebondir sur ce qu'ont dit plusieurs d'entre
vous au sujet de sa liberté de ton par rapport à ses désordres
digestifs. C'était assez inattendu et ma foi distrayant (le pauv'
).
Pour tout cela, j'ouvre à peine ¼ car je n'ai pas eu grand
intérêt à lire ce livre.
Catherine
J'ai vu beaucoup de films de Bergman que j'ai beaucoup aimés, par
exemple
La Flûte enchantée, très différente
des autres films, pour ceux qui aiment l'opéra ; il filme les visages
des spectateurs ; c'est vraiment un joli film, mais c'est vrai que les
autres films sont très torturés. Et en lisant le livre on
comprend !
J'ai aimé les parties sur l'enfance et l'adolescence. On pense
au Ruban blanc
de Haneke, avec l'aspect oppressant les familles. L'atmosphère
est bien rendue. Globalement, c'est très décousu, avec ce
va-et-vient perpétuel qu'il faut suivre.
Je ne suis pas fan de l'écriture. La partie sur le théâtre
est intéressante, mais ça se répète. Il me
reste quelques pages mais j'en avais assez. Je rejoins Séverine
: c'est un grand cinéaste, mais ce n'est pas un grand écrivain.
J'ouvre à moitié.
Rozenn
Si j'ai fini le livre, c'est pour le plaisir que m'ont procuré
les petites phrases, les petits passages rapides, comme esquissés :
sur son enfance, par exemple quand il parle de ses terribles rapports
avec son frère, de la tentative d'assassinat de sa sur...
aussi ses portraits souvent si méchants... un petit détail
qui tue...
J'ai été gênée un moment par le fait d'être
baladée sans ordre chronologique, puis j'ai accepté. J'ai
aimé l'alternance entre enfance et vie professionnelle.
Sa vie familiale et amoureuse paraît désastreuse, mais il
en parle de façon très détachée
Aux passages sur sa vie d'adulte, j'ai préféré les
souvenirs d'enfance et surtout la distance avec laquelle il en parle.
Le long récit de ses ennuis avec le fisc m'ont formidablement ennuyée.
Le personnage n'est pas sympathique mais psychologiquement intéressant.
Je suis déçue de ne pas mieux comprendre son travail de
création alors que j'admire tant ses films. Encore une fois pourquoi
s'intéresser à l'auteur et pas seulement à l'uvre.
J'ouvre un quart.
Manuel
Je rejoins Rozenn à propos de la méchanceté de Bergman.
J'ai ressenti de la jouissance à la lire aussi bien sur les personnalités
(à propos de Karajan entre autres
: "Lorsque la fluette
silhouette, avec sa jambe qui traînait, apparut, tout le monde se
leva et resta debout jusqu'à ce que le Maestro ait été
soulevé par-dessus la barrière et soit à sa place")
que des généralités toutes faites sur les Suédois
ou les Autrichiens par exemple ("Je
ne crois pas aux caractères nationaux mais les Autrichiens semblent
être une race à part, l'espère du moins qui fleurit
autour du festival, dans la ville de Salzbourg"). Jubilatoire !
J'étais dans l'attente du bon mot et c'est ce qui a tenu ma lecture.
J'ai essayé le lire d'une traite car beaucoup de personnalité
connues et moins connues sont citées. Il y a des mélanges
de genres : des souvenirs d'enfance (les dernières pages où
il évoque un souvenir avec son père m'ont ému aux
larmes), des réflexions passionnantes sur l'expérience du
cinéma comme spectateur, des retours d'expérience sur le
métier de metteur en scène de théâtre et d'administrateur
de théâtre, des évocations de la vieillesse, ou sur
l'amitié ("L'amitié
n'exige absolument rien sauf de la franchise. C'est son unique exigence,
mais elle est dure"). Il a une grande liberté pour
narrer ses souvenirs (p. 221 j'ai été
surpris qu'il ait poussé sa visite de Paris à la banlieue
Est : j'ai grandi près de La Pie à Saint-Maur). On se perd
souvent dans ces mémoires. Ce patchwork m'a énormément
plu. J'ai mis des marque-pages un peu partout pour relire des souvenirs
particuliers ou des réflexions.
J'avais l'impression qu'il a eu plus de plaisir à faire du cinéma
que du théâtre. J'ai beaucoup appris concernant la Suède
et sa complaisance sur les nazis, les échanges étudiants.
Sa rencontre avec le nazisme m'a terrifié.
Ingmar Bergman est pour moi un immense réalisateur avec des idées
de mises en scène qui ont été citées par d'autres
réalisateurs ; je suis fan comme Catherine de La
flûte enchantée : la meilleure adaptation cinématographique
d'opéra à mon avis.
J'ai été heureux de lire cette biographie foisonnante. J'ouvre
en grand.
Monique L
Pour commencer, je dois dire que j'ai aimé ces films et vu plusieurs
des pièces de Strindberg.
J'ai aimé ce récit autobiographique de la vie d'un artiste
et d'un homme qui fait part de ses angoisses et de ses rêves.
Il est marqué par une éducation rigide et par une imagination
débordante. C'est d'ailleurs cette éducation que Bergman
analyse comme le creuset de son imagination.
Il a vécu des moments de grâce et des échecs. Même
s'il rapporte des épisodes de sa vie, il ne le fait pas de façon
chronologique. Ce n'est pas le catalogue de ses nombreuses uvres
que ce soit au cinéma ou au théâtre, mais c'est le
récit de ses expériences. C'est ce qui m'a plu. Il n'analyse
pas non plus ses uvres, mais nous révèle les conditions
dans lesquelles elles ont été créées.
J'ai eu l'impression de rencontrer quelqu'un avec sa grandeur et ses faiblesses
et qui assume sa vie : son génie, son amour pour le théâtre,
pour l'image et pour le cinéma, ses rencontres avec les femmes,
avec l'art, avec la littérature mais aussi sa bêtise, son
orgueil, sa méchanceté. Je ne peux pas savoir s'il a tout
dit ou caché des pans de ce qu'il a fait mais cela m'a paru sincère
et sans concession.
Par ses films, je savais que c'était un homme complexe et torturé.
Je n'ai pas été surprise du personnage, mais de sa lucidité
et du fait qu'il reconnaisse ses emportements et ses défauts. C'est
un homme que j'aurais eu peur de côtoyer mais que je suis contente
d'avoir approché par ce livre.
Je me suis dès le début posé la question du titre
Laterna Magica/Lanterna Magica. Je n'ai pas la réponse.
C'est bien écrit. L'écriture est simple, sans fioriture.
Les descriptions, surtout celles des personnes, sont d'une précision
étonnante. J'ouvre au ¾.
J'ai lu également Le
Registre de l'inquiétude de Linn Ullmann. J'ai été
déçue par ce livre car c'est l'autobiographie de Linn. Ses
conversations avec son père en vue d'un livre sont en général
assez décevantes, à cause des ravages de la vieillesse qui
diminuent Ingmar. Ce qui est intéressant, ce sont les descriptions
des maisons et de l'île de Fårö, la place donnée
au cinéma. La construction du livre m'a paru brouillon, ce n'est
pas chronologique, mais des instants de vie en désordre (ce que
j'ai aimé dans Laterna Magica, mais pas dans ce livre).
Claire
Mes premières impressions dominantes ont concerné LE GENRE :
mais comment c'est fait ce livre, c'est pas chronologique, c'est quoi
ces va-et-vient avec son enfance qui n'aident pas à s'y retrouver
! J'ai vu des Bergman il y a très longtemps, je ne connais pas
sa vie, il n'y a pas de date, je suis perdue, sans repère ; il
fait comme si on connaissait sa vie, non mais ! Et des répétitions
m'ont paru un peu chiantes, l'épisode des impôts bien long.
Tout à coup une durée (Ingrid et moi étions mariés
depuis cinq ans), ou une date pour un film (1969 mon film le Rite)
ou un "détail" familial (en 1943 une fille nous est née).
Vers la moitié du livre, j'en sors en me disant : je vais trouver
quelques repères, même si ce n'est pas de jeu.
Au fur et à mesure alors que c'est long, j'ai fini par énormément
apprécier ces va-et-vient entre l'activité de création,
qui est au cur du livre, et le passé lointain. C'est un livre
sans progression narrative ; la seule progression, c'est celle du lecteur.
Mais concrètement, on est projeté (!) tout à coup
vers autre chose, on se retrouve à
la morgue quand il est enfant - c'est comme un patchwork.
Autre impression forte : j'ai été frappée par des
SCÈNES extraordinaires ; toutes les rencontres sont formidables
(par exemple avec Karajan), les scènes
de l'enfance très impressionnantes, avec les punitions ou la scène
terrible du dîner : il y a
un art de narrer, un art de décrire. Ou, moins dramatique, dans
la gare où il ne passe presque rien, l'arrivée
du train "tout au
loin, comme une tache d'encre noire dans la lourde verdure",
la description est mémorable.
Avec la composition particulière, l'art de narrer ou de décrire,
c'est L'ÉCRITURE elle-même donc qui me saute aux yeux, par
exemple quand il évoque les femmes
(avec "les figures"
relationnelles et je dirais là littéraires "que
nous avons dansées").
Enfin, il y a ce bonhomme à l'énergie incroyable, avec une
capacité d'enthousiasme et d'amour, sans complaisance sur soi,
sans pitié même, et avec de l'humour : j'ai bien aimé
les histoires de caca ("Dans
tous les théâtres où j'ai travaillé un peu
longuement, j'ai eu droit à des cabinets personnels. Ces cabinets
sont à n'en pas douter mon apport le plus durable à l'histoire
du théâtre") ou encore avec Lawrence Olivier
qui tenait un séminaire par-dessus sa tasse de café au petit
déjeuner... On a donc des PERSONNAGES (composition, histoires,
scènes, écriture, on a la totale, c'est un roman !) et son
parcours à lui en passant par l'enfant qui a vu, fasciné,
passer Hitler, l'importance du théâtre - presque rien
sur le cinéma - avec la présence énorme de Strinberg,
l'absence de contacts sidérante avec ses propres enfants (lors
d'un scandale médiatique qui l'enfonce : "mon
fils Daniel, qui a douze ans, refuse d'aller à l'école",
"j'ignore comment ont
réagi mes autres enfants. Eux et moi, nous avions peu ou pas de
contacts"...). Les relations sont impressionnantes avec
son frère, frère cruel dans l'enfance, frère décrépi
à sa fin dont Ingmar fait taper les 800 pages de son autobiographie
dictées, malade et impotent, 800 pages qu'il méprise ; et
sa mère qui vient au théâtre pour l'amener sur le
lit de mort de son père, la mère pour qui il a une passion
et à qui il consacre les dernières pages émouvantes...
sans chercher l'émotion... même son fantôme s'estompe...
il lui faut aller à son journal en 1918 et lire le récit
de ses propres premiers jours, le livre se termine par où il a
commencé... chapeau !
Jacqueline
Je l'ai lu il y a quelques semaines. Je l'ai lu avec beaucoup de plaisir,
tenue en haleine, tout le temps, même si j'ai beaucoup oublié
il y a tant de choses (notamment les histoires d'impôts) !
Moi aussi j'aime sa manière d'écrire, son art de rendre
l'atmosphère. Il y a quelque chose de très précis,
par petites touches. Et un regard de metteur en scène. J'ai adoré
les histoires d'enfance, la juste distance de l'adulte qui raconte. C'est
vraiment épatant. Peu familière du cinéma et du théâtre,
j'ai découvert et pu partager le travail de metteur en scène
avec Le
Songe : le respect du texte et à travers lui de l'auteur,
la longue préparation, le travail d'équipe avec ses aléas
et ses rebondissements pour arriver à la finitude de la représentation.
J'ai beaucoup aimé aussi ce qu'il raconte de sa décision
d'arrêter de filmer. Je crois que j'étais touchée
parce qu'il avait su auparavant créer un climat de confiance ou
je ne doutais pas de sa sincérité.
J'aurais aimé revoir Les
Fraises sauvages, vu peu après sa sortie, il y a 60 ans :
je me souviens plus des circonstances que du contenu. Je me souvenais
de quelques scènes marquantes de Fanny
et Alexandre. J'ai vu et revu La
Flûte enchantée et j'ai tellement aimé les
images qu'il donne de l'attente des spectateurs ! Après cette
lecture, j'ai beaucoup regretté que ses films ne passent pas en
salle actuellement !
J'ouvre à ¾ : j'ai eu un plaisir fou à le lire et
je regrette de n'avoir pas eu le temps de revenir à ce que j'avais
oublié ensuite.
Denis
J'ai eu du plaisir à lire ce livre, même si je me suis senti
gêné, au début, d'entrer dans l'intimité de
Bergman, dont j'admire énormément les films (j'en ai bien
vu une trentaine). Je m'étais fait une image du personnage très
flatteuse, est-ce que je n'allais pas abattre l'idole ? Je me suis
demandé pourquoi il avait écrit ce livre où il se
met à nu dans toutes ses contradictions, et d'une façon
plutôt impudique qui m'a parfois choqué. Surtout qu'il dit
en plusieurs endroits, je crois, qu'il ne veut pas expliquer ses intentions,
s'agissant de ses uvres. Je me suis dit que ces Scandinaves sont
de culture bien différente de "nous autres latins". D'ailleurs,
les films suédois des années soixante passaient à
l'époque pour choquants et impudiques, notamment par rapport à
la sexualité.
En tout cas, j'ai beaucoup aimé ses souvenirs d'enfance. Ils sont
très vivaces : situations, émotions... L'éducation
religieuse terrifiante m'a rappelé Le
ruban blanc de Haneke : châtiments corporels, aveu de la
faute, repentir public (pas de confessionnal !).
Je trouve qu'en tant qu'écrivain il est très bon quand il
décrit les situations, les rencontres, avec leur lumière,
les odeurs, l'environnement. Il a un regard de metteur en scène,
c'est son métier et il en parle très bien. Par exemple,
la visite chez le pédiatre de son enfance.
Le livre est très désordonné, mais cela ne m'a pas
gêné. C'est comme si on suivait le fil de ses souvenirs et
des associations. Je crois d'ailleurs que j'en retiens surtout les descriptions
de situations. N'étant pas trop amateur de théâtre,
j'ai sauté de nombreux passages où il n'était question
que de cela. Par contre, je retiens les portraits de comédiens,
souvent très acerbes.
Comme écrivain, il trouve des tournures de phrases piquantes qui
m'ont souvent fait rire : "je
hurlais, je vomissais sur tout ce que je voyais, je m'évanouissais"
(enfant, p. 13).
Ma grande question, c'est : où trouve-t-il l'énergie de
faire tout ça, le théâtre, les films, les femmes,
l'amour... ? C'est absolument fabuleux, et en plus, avec des tas
d'ennuis somatiques. Son "tumulte intérieur" qu'il lui
faut organiser, ritualiser (p. 50) par une discipline stricte (commencer
le travail à 9 h par exemple). Ce qui est merveilleux est qu'il
arrive à convertir ce tumulte en uvres d'art. C'est de ça
que parle le livre, au fond. Son activité théâtrale
est sans doute celle qui lui coûte le plus d'énergie, alors
que les films semblent plutôt le reposer, l'apaiser... Si je relisais
le livre, je testerais cette hypothèse. Après tout, sa vie
de plaisir commence avec le petit projecteur donné en cadeau à
son frère et se termine dans son île où il a sa salle
de projection personnelle pour voir de vieux films muets - c'est bien
l'image animée qui importe le plus, c'est le titre du livre.
J'ouvre aux ¾. Ce n'est pas un "très bon livre"
au plan littéraire mais il est très intéressant et
jouissif.
Brigitte
Je me suis aperçue un peu tard de mon erreur dans l'interprétation
de notre programmation, si bien que j'ai commencé la lecture de
Bergman au lieu de Kierkegaard : j'ai dû m'interrompre pour passer
au Le journal du séducteur
; j'ai eu ensuite un mal fou à reprendre Laterna magica.
Le charme était rompu.
Pour en revenir au livre de ce jour, j'ai beaucoup aimé le début,
l'enfance, c'est magistral, avec le nouveau-né sous-alimenté
qu'il était et sa grand-mère qui le nourrit tant bien que
mal dans le train : à ce moment-là, j'ai décidé
de vivre, dit-il. J'ai beaucoup aimé aussi le moment où
il assiste par inadvertance au conflit entre ses parents, et qu'il découvre
les grandes faiblesses de son père pasteur parfait, c'est bien
raconté. Et quand, toujours enfant, enfermé dans le placard,
il se projette ce petit film qui décidera de sa passion pour le
cinéma. J'ai repris un peu plus tard, mais je n'ai pas réussi
à aller jusqu'au bout du livre.
Je ne connaissais pas Bergman, homme de théâtre, mais j'ai
beaucoup aimé son cinéma. Je crois que j'ai vu Le
Septième Sceau, Les
Fraises sauvages, La
Source, Scènes
de la vie conjugale, Cris
et chuchotements, Fanny
et Alexandre
; j'ai particulièrement aimé
ses films en noir et blanc, en particulier celui qui se passe dans une
île méditerranéenne, Monika.
Avec Laterna magica, j'ai découvert le metteur en scène
de théâtre. Cette partie est certainement intéressante
pour les fans de Bergman, pour moi, c'est trop fouillis et j'ai du mal
à suivre.
Finalement, j'avais trop de mal à renouer le fil de sa vie et j'ai
abandonné vers la page 117. J'ouvre à moitié.
L'avis de Nathalie arrive en cours d'échanges
:
Nathalie
Jai des choses à dire sur Bergman !
Ca sera encore une fois en retard :(
Zut... jen ai assez des séances à distance...
Bon jouvre aux ¾.
Un vrai manifeste !!
Pour le théâtre !
À mettre en toutes les mains.
Livre foutraque qui ne suit pas ou peu la chronologie !
Un homme aux désirs insatiables ! Freud viens à son secours
!
Un pieux nazi repenti (sic).
Mais quel homme !! Quel destin !
Laura
J'ai lu 180 pages. Première raison : le manque de temps ; seconde,
et qui remplace peut-être la première : le manque d'intérêt.
J'ai trouvé ça décousu, je me suis perdue à
plusieurs reprises. Et comme je le lisais le soir, je m'endormais sur
des pages parfois incompréhensibles. Je n'ai pas détesté
le bouquin, mais je n'ai pas eu de plaisir à lire. Ma lecture était
presque mécanique et je trouve ça bien dommage. Pourtant,
il y a bien un passage qui m'a particulièrement marquée
: dans son enfance, la scène avec sa tante dans le bain ; j'étais
à la fois gênée et rieuse, curieuse comme un voyeur
(j'ai lu ce passage dans le métro et ai espéré que
personne ne jette un coup d'il
), gênée ou choquée
surtout par la pédophilie de la tante, et le côté
vraiment cru du récit.
Le peu que j'ai lu m'a paru aussi un peu long : le passage des impôts
notamment ; mais aussi tout ce qui se rapportait presque au présent.
J'aurais préféré un livre uniquement dédié
à son enfance, et non à ses problèmes avec la justice.
Mais bon, le bon côté est que j'ai regardé Fanny
et Alexandre et que j'ai vu à quel point c'était
autobiographique. J'étais heureuse de pouvoir faire un jeu de référence
avec moi-même.
En bref : le livre ne m'a rien apporté. J'idéalisais Bergman
: je n'avais pas envie d'apprendre tout ça sur lui. J'espère
que mon regard sur son uvre cinématographique ne sera pas
trop déformé
J'ouvre ¼ pour les passages d'enfance.
Etienne
Je ne connaissais rien de Bergman et j'étais curieux : chouette !
J'aurais eu envie de voir ses films mais impossible de "rattraper"
ce retard avant la lecture. C'est un livre de souvenirs d'enfance qui
m'a bien plu au départ, avec presque des accents proustiens. Je
me suis dit qu'il réussissait ce que Simone de Beauvoir avait raté
(selon moi) dans Mémoires
d'une jeune fille rangée, à savoir essayer d'être
fidèle à ses souvenirs d'enfant, sans trop se prendre au
sérieux ni être trop premier degré. C'est original
d'assumer avoir voulu tuer son frère et le dire sans fard
J'ai trouvé ça bien et original jusqu'à la page 50.
Et à partir des passages sur le théâtre, là,
j'ai eu un blocage complet. Je trouve ça illisible, je me suis
ennuyé comme jamais : il se met à nous parler d'acteurs,
de techniciens, de régisseurs, de représentations, sans
faire le moindre effort pour nous aider temporellement ni nous intéresser.
Et là, ça devient la fête : une succession de passages
de quelques lignes qui se succèdent comme griffonnés à
la hâte, un journal intime quelconque. Pourquoi devrais-je avoir
toutes les références dont il parle ? Pourquoi cette
paresse vis-à-vis du lecteur ? C'est là qu'à
mon sens le livre bascule de l'uvre littéraire au journal
intime pour les afficionados
À titre personnel, je suis mordu de jazz et je viens de m'enquiller
les 400 pages de l'autobiographie
de Miles Davis mais je ne conçois pas de le faire lire à
quelqu'un qui ne partage pas ma passion. Est-ce que ça l'intéresserait
de savoir qu'au cours de telle séance d'enregistrement le batteur
s'appelait untel, que machin était arrivé 10 min en retard
ou qu'il a fallu faire 5 prises de ce morceau ? C'est exactement ce que
je ressens avec Laterna magica.
C'est la première fois depuis que je suis avec vous [depuis
plus de deux ans et demi] que je n'arrive pas à finir un livre.
J'ai fait l'effort de lire 50 pages d'anecdotes mais page 100, ça
n'avait pas bougé et, fait rarissime, j'ai arrêté
ma lecture : je me suis senti exclu du club des gens qui apprécient
Bergman
Au cours de la séance, j'ai constaté que la
plupart des participants connaissaient l'uvre Bergman : mais posez-vous
sincèrement la question de savoir si vous conseilleriez ce livre
à quelqu'un qui n'en a jamais entendu parler.
Le pire dans tout cela est que c'est plutôt bien écrit et
qu'il y a des passages introspectifs intéressants, mais je trouve
franchement que Bergman n'a pas de talent littéraire ou alors par
intermittence : ça ne m'intéresse pas d'avoir à dénicher
la potentielle petite perle de réflexion freudienne bien sentie
qu'il va cacher toutes les 50 pages entre des tartines d'anecdotes.
C'est donc un échec inédit pour moi puisque je termine habituellement
tout que je débute, je ne peux que le fermer ou alors le conseiller
uniquement aux disciples.
Nathalie(avis
transmis)
C'est un livre foisonnant, un véritable manifeste sur le travail
de metteur en scène et sur le monde passionnant de la création
et du jeu théâtral. Je crois bien que si j'étais prof
de littérature, j'en imposerais la lecture à mes étudiants.
J'ai été sensible aux nombreuses réflexions sur les
artistes, à la révélation du secret des bons comédiens,
aux intrigues dans le monde des comédiens, à la critique
mordante des artistes "habiles
à formuler leurs pensées" mais qui provoquent
des catastrophes quand leurs idées deviennent à la mode,
"la fécondité
qui fait des ravages au théâtre" ! On
y apprend beaucoup. Je ne sais comment et à partir de quels supports
il a rédigé ses mémoires, mais il a un véritable
talent de narration. Les scènes sont vivantes, précises,
bien campées. Les portraits sont drôles, parfois cinglants,
évoqués en quelques touches, mais ils font naître
les personnages avec force comme par exemple cet extraordinaire oncle
Carl. Il relate à merveille sa relation incroyable avec sa mère,
son enfance. J'ai eu l'impression d'être véritablement plongée
dans ce passé.
Ce livre est construit d'une drôle de façon et j'avoue que
j'ai souvent été perdue dans les dates, les épouses,
les maîtresses, les enfants nés ou à naître
! J'aurais aimé en savoir plus sur son rapport aux femmes, sur
les raisons pour lesquelles il s'en détache aussi vite et se révèle
incapable d'y résister. Je suis allée voir les photos de
ces femmes, elles étaient toutes plus belles les unes que les autres
! Des visages magnifiques !
J'ai grincé des dents à l'évocation du nazisme et
à la façon dont il relativise son aveuglement, "Bien
plus tard, seulement, j'ai compris que somme toute, j'étais assez
innocent" (Folio p. 169). Pour
un intellectuel, je trouve qu'il se dédouane vraiment rapidement.
En même temps, il réussit à se montrer tel qu'il est
et ne semble pas chercher à déformer la vision qu'il a de
lui-même. J'ai sursauté à l'évocation cruelle
du portrait qu'il donne de Greta Garbo "Alors,
je vois ce que je n'avais pas vu ! Sa bouche est laide, une fente rose
pâle, ceinte de rides verticales " et un peu plus loin alors
qu'elle n'a que trente-six ans : "peut-être que son public
a deviné quelque chose que lui avait déjà appris
son miroir" (p. 318).
Le livre est long à lire, mais c'est une promenade incroyable et
c'est une vie formidable pleine de rebondissements. J'ai été
également très étonnée par les critiques féroces
qu'il émet sur ses mises en scène. Je le trouve dur envers
lui. Il éclaire très bien cette difficulté qu'a tout
artiste à faire autre chose que ce qui a déjà été
fait sur un texte mis en scène de nombreuses fois.
Un bémol, je n'ai pas vraiment eu l'impression d'avoir un portrait
de Strindberg, même en contre-jour du sien, et du coup, j'ai l'impression
de ne rien avoir appris sur ce dramaturge.
En tous les cas, c'est une lecture sensationnelle. J'ouvre aux ¾ !
Woody Allen n'a pas pu participer à notre
séance, mais a envoyé son avis ici.
SYNTHÈSE DES AVIS DU GROUPE BRETON
rédigée par Yolaine, suivie des avis individuels
Nos avis expriment différents degrés dans l'intérêt
que nous avons tous porté à cette autobiographie d'Ingmar
Bergman, bien écrite, dans un style fluide et avec un art de narrer
et de décrire qu'on retrouve avec le même bonheur dans son
travail théâtral, cinématographique et littéraire.
À tel point qu'on se demande parfois s'il s'agit là d'une
biographie, et donc de la description d'une réalité, ou
bien plutôt d'une sorte de mise en scène. Il nous raconte
l'histoire de sa vie, qu'il semble avoir vécue comme un film.
Plusieurs d'entre nous ont été gênés par l'absence
de repères de ce récit qui fait fi de la chronologie pour
mieux séduire le lecteur par son côté magique, onirique,
parfois même mystique.
Pourtant ce texte, qui s'apparente parfois à une confession, ne
cède pas à la complaisance. On y trouve une grande honnêteté
intellectuelle, et le désir d'éclairer les lecteurs par
la narration des événements précis qui ont été
décisifs dans son processus de création.
C'est pourquoi cette lecture présente un intérêt pour
sa dimension artistique, au-delà de son aspect documentaire et
historique. Il nous raconte son enfance, marquée par une éducation
rigoriste et douloureuse au physique et au moral (sévices corporels
et absence de câlins), sa jeunesse baignée par la montée
du nazisme, ses rencontres professionnelles et amoureuses, à travers
de très nombreuses anecdotes où s'expriment son amour de
la vie, son énergie, son humour et son enthousiasme. On y retrouve
ce qui rend ses films si fascinants et un peu exotiques, la lumière
hypnotique de la Suède, l'intensité des regards, l'importante
de la musique, l'austérité et le dépouillement.
Mais on y trouve aussi ses angoisses, ses troubles psychologiques ainsi
que physiologiques et psychosomatiques : culpabilité, troubles
de l'attachement, expérience de la folie, fascination de la mort.
Il décrit sans faux-fuyants ses faiblesses, ses obsessions, ses
difficultés relationnelles et ses échecs privés et
professionnels. Une telle fragilité chez ce monstre du cinéma
a pu inspirer une certaine déception aux amoureux de ses films.
Notre ignorance généralisée du théâtre
de Strindberg a aussi provoqué une certaine lassitude à
la lecture des nombreux passages où Bergman exprime sa vénération
pour cet écrivain suédois auquel il se réfère
constamment.
La vie de ce grand professionnel semble avoir été guidée
par la passion, et avant tout par l'amour du théâtre et du
cinéma, qui commence dés son jeune âge par une révélation,
avec la découverte chez un camarade d'une caméra cinématographique.
Sa vie privée aussi fut rythmée de coups de foudre, au détriment
de sa vie de famille et de ses enfants, qu'il dit ne pas voir et ne pas
connaître. Son récit s'achève de façon profondément
émouvante sur l'évocation du souvenir et du visage de sa
mère. Là se trouve cachée la clé de son univers,
de ses souffrances et de sa puissance créatrice.
Suzanne
Je n'ai pas été emballée par cette espèce
d'introduction de l'uvre. Ce n'est pas ce que j'attendais, même
si ce n'est pas inintéressant et que le style est plutôt
bien.
Il a choisi de ne pas être chronologique, ce qui n'est pas forcément
gênant. Intéressants, ces retours à l'enfance : la
naissance, le coté maladif, les parents rigoristes, la mère
peu démonstrative, une enfance qui n'est pas baignée dans
l'amour. Mais il y a des personnes ressources qui lui permettront de nourrir
son imaginaire : la grand-mère qui le considère comme un
adulte dans des conversations, par exemple sur la mort, son oncle urinomane
haut en couleur qui apporte des éléments à sa lanterne,
la riche Tante Anna qui contraste avec le milieu rigoriste, notamment
à Noël.
Le climat en Suède, qu'on imagine avec son évocation de
son île de Fårö, joue un rôle, aussi bien dans
sa vie que celle des autres. Il se traduit entre autres par l'importance
de la lumière, avec une transfiguration du réel dans son
cinéma. J'ai dû voir certains de ses films, mais qui ne me
branchaient pas trop.
Je retiens le défilé avec Hitler qui subjugue l'enfant,
la rencontre avec Lawrence Olivier, avec Greta Garbo à propos de
qui la lumière réapparaît.
J'ai retenu certaines phrases concernant son éducation comportant
des sévices corporels : "je
veux de l'ordre (...)
pour approcher l'illimité".
Quand on travaille avec lui, on ne fait pas apparaître ses problèmes
personnels, on reste professionnel. Ses relations avec les femmes apparaissent
peu. Ses problèmes physiques relèvent du psychosomatique,
d'une angoisse qui, aussi, nourrit son uvre. La culpabilité
est une affaire de famille, voire de génération (sa mère
a un autre amour).
Les thèmes abordés sont intéressants, comme le rapport
à la foi, à la mort, mais je ne trouve pas mon compte avec
ce livre, par rapport à mon attente de la lecture à Voix
au chapitre. J'ouvre ¼ car une émission de télévision
à caractère biographique aurait aussi bien fait l'affaire.
Quant à un film de Bergman, I was not in the mood...
Édith
Amateure du cinéma de Bergman pour en avoir vu un certain nombre,
je m'étais réjouie du choix du livre. J'aime les biographies
et je n'imaginais pas que Bergman, en plus de ses multiples vies (théâtre,
cinéma, voyages et amours
) ait pu consacrer aussi du temps
à se livrer à la fin de sa vie : la soixantaine.
Souvent au cours de ma lecture je me suis demandé si j'allais ou
non poursuivre !!!!
Il m'a fallu accepter la non-chronologie du récit (je me suis toutefois
permis une visite vers Wikipédia pour, au moins, me repérer
dans la succession de ses femmes et ses enfants).
La lecture proprement dite est agréable et fluide, traduction semble-t-il
fidèle aux "méandres" de la narration et des souvenirs,
puis la magie du récit a opéré et en fin de lecture
j'étais dans le monde de Bergman. Au point de reprendre le livre
à son début et constater comment j'avais un peu oublié
certaines scènes et je me suis replongée dans les lignes
concernant son enfance, j'ai repris les "pages cornées"
au cours de la première lecture pour y retrouver la force du propos,
le charme des anecdotes parfois "rosses" ou triviales. Les scènes
évoquant une enfance tenue par la culpabilité, la sanction,
la mort (récit de son enfermement à
la morgue et son geste vers le corps de la jeune morte
:
froid dans le dos !, récit des châtiments corporels administrés
par son père, amour entier pour sa mère). Belle scène
hallucinée du dernier chapitre où sa mère se dévoile
et qui termine le récit.
P. 237 : "j'avais
décidé que la mauvaise conscience était une coquetterie
puisque jamais ma souffrance ne pourrait racheter les dommages que j'avais
causé" à propos de culpabilité.
Les scènes qui m'ont marquée le plus sont celles de sa misère
corporelle, le corps souffrant de diarrhées intempestives, mais
humour et crudité avec laquelle il en parle. La scène qu'il
décrit aussi de sa folie, avant son internement, matrice semble-t-il
de plusieurs scénarios de ses films.
P. 308 : "en vieillissant,
on a de moins en moins besoin de distractions. J'accueille
avec reconnaissance ces gentilles journées ou il ne se passe rien
et ces nuits pas trop. privées de sommeil. Mon cinéma de
FÅRÖ m'apporte un inaltérable plaisir"
Plus loin, p. 309 : "On
éteint les lumières et dans l'obscurité, la première
image tremblante se détache sur le mur blanc. Silence. Dans la
cabine bien huilée, le projecteur ronronne doucement. Les ombres
bougent, tournent vers moi leur visage, me demandent d'être attentifs
à leurs destins.
Soixante années ont passées, l'excitation demeure la même"
J'ai recopié ces deux paragraphes qui résument pour moi
la vie et l'uvre de Bergman ; LUI au centre de
son uvre cinématographique et aussi, dans une moindre mesure,
son uvre théâtrale de metteur en scène.
La lumière et son jeux capté par LUI enfant solitaire et
silencieux. La lanterne magique cadeau précieux et matrice de son
uvre
d'où le titre je suppose. Page 302, une ode à
la lumière !
LUI dans son rapport à l'espace, aux paysages au temps météorologique
par la présence de FÅRÖ,
son île refuge, et son décor privilégié.
LUI dans son rapport à l'expérience de la mort du fait de
sa santé vacillante et son expérience réelle de la
folie et de l'internement.
J'attends l'échange qui sera riche.
Chantal
J'ai aimé, beaucoup, l'évocation, réinvention (?)
de son enfance. Avec de très beaux passages, très forts...,
mais là, déjà..., mise en scène de sa propre
vie ? Page 17, la mort de sa mère : "je
ne crois pas que j'avais du chagrin, je ne crois pas non plus que je pensais,
ou que je me mettais en scène, cette maladie professionnelle qui
m'a suivie impitoyablement à travers toute ma vie."
L'écriture est belle, riche. Beaucoup de couleurs, de visuel, l'importance
de la lumière, les odeurs (p. 34 description des odeurs de la grand-mère,
la mère). Les corps, les scènes, les décors, sont
plantés avec extrême précision et détails.
Comme pour un film. Beaucoup de passages sont époustouflants ;
p. 64, très beau passage sur la Joie... la Joie qui s'en va...
Et toujours transparaît l'enfant Bergman, souffrant des sévices
de son père, de la froideur de sa mère : "un
enfant qui hurle sans retenue, enfermé à jamais"...
Les scènes "d'amour", adolescent avec Anna, sont désopilantes,
celles des vengeances contre son frère haï, et plein d'autres...
magistralement décrites. Mais "je
n'éprouvais aucun amour pour personne, ni pour rien, et surtout
pas pour moi".
Par contre, tous les longs, trop longs passages "professionnels",
les mises en scènes théâtrales, dans des théâtres
pourris, déglingués, en Europe, aux États-Unis, des
comédiens qui picolent, ses démêlés avec le
fisc... Strindberg, Strindberg, Strindberg (l'obsession !), c'est long,
barbant... Avec de très beaux passages sur la création ;
p. 92, "il se
peut que je vive pour ces brefs instants. Comme un pêcheur de perles."
Oui, mais à quel prix !
Rien, RIEN, sur sa VIE, ses femmes, ses enfants, disant même qu'il
n'arien à en dire puisqu'il ne les voit jamais ! N'existe que le
théâtre "le
commencement et la fin, et pour ainsi dire TOUT entre les deux" !
Le théâtre, son obsession, et en 2021 en Europe, il n'est
connu, reconnu, que pour ses films : ironie...
Mais je retiens, avec émotion, la fin poignante du livre : "Et
pourtant je tombe, je tombe et je traverse l'abîme de ma vie sans
pouvoir me rapprocher à rien (...) Mère j'appelle, je crie
après mère comme j'ai toujours appelé, quand il faisait
nuit, quand j'avais de la fièvre." Peut-être
cette phrase est-elle la "justification" de ce qui a fait sa
vie ??
Je l'ouvre à la première lecture ¼, puis non, ½.
Et contente d'avoir lu ce livre !
Pierre
L'autobiographie de ce cinéaste que je connais peu et dont j'ai
vu quelques films est intéressante. L'homme lui même m'a
assez plu : un homme normal, jusqu'au contrôle fiscal...
Au point de vue historique, c'est très intéressant, avec
le sujet tabou, et le moment hitlérien, l'enfant levant la main.
De même, les rapports avec les comédiens, Garbo vue sous
un autre angle, décatie...
J'ai sauté des pages sur le théâtre, mais l'enfance
est très intéressante, les rapports avec son frère
par exemple.
Je n'ai pas envie de voir ses films. J'ouvre à moitié car
je n'ai pas été passionné, mais j'ai apprécié
l'homme, intelligent, avec des idées auxquelles il croit, solide
dans sa fragilité, pétri de contrastes.
Yolaine
Je n'ai pas trop aimé.
J'étais fana de Bergman, oui, quand il était à la
mode. Et c'est vrai que j'avais une attente. Qu'est-ce que j'attendais
? Retrouver ma jeunesse ? Ces films qui étaient plein de mystères,
un peu magiques, avec un côté exotique... Je suis déçue.
Pierre parle de solidité dans sa fragilité, ou de solidité
dans sa fragilité, il était complètement caractériel,
oui, difficile à supporter.
J'ai trouvé des longueurs ; le côté obsessionnel est
transcendé dans le cinéma, alors qu'ici rien ne nous est
épargné des problèmes physiologiques.
Sa vision des femmes est désespérante. Il décrit
la souffrance dans leurs yeux, c'est cruel à supporter, et j'étais
mal. Il est descendu de son piédestal, en dépit de son honnêteté.
Suzanne
Il parle de l'incommunicabilité qu'on retrouve dans son cinéma.
Je sens une réaction épidermique de ta part.
Yolaine
Oui, il y a ce thème lancinant. Mais aujourd'hui c'est un autre
stade pour nous. Aurais-je du plaisir à revoir ses films ? Je n'en
ai pas envie.
Je suis un peu déçue par le personnage. C'est vrai qu'historiquement
c'est intéressant ; pour ce qui est du nazisme qu'il évoque,
on ne sait pas comment il se situe. On le sent à côté
des choses ; ça m'a un peu dérangée ; sa façon
de se positionner par rapport aux gens, m'a gênée, m'a empêchée
d'adhérer : comme en ce qui concerne le contrôle fiscal,
qui devient délirant, il en est malade.
C'est un récit qui n'est pas confortable. C'est bien écrit,
plutôt honnête, mais ce n'est pas une partie de plaisir. Je
n'ai pas envie de voir un film de lui, au contraire même.
Marie Thé(avis
transmis)
Si j'ouvre ce livre aux ¾, j'ajoute cependant ces mots de Woody
Allen : "Je suis assez
mauvais juge étant donné ma fascination pour cet artiste."
Étonnant tout de même, en lisant Bergman j'ai quelquefois
pensé à Woody Allen : talent, travail, anxiété,
et... ce côté hypocondriaque... J'aime beaucoup ces deux
réalisateurs aux uvres différentes.
J'enlève ¼ à Laterna magica car la partie
théâtre a fini par m'assommer, que c'est long, répétitif,
technique aussi... Et ce livre que j'avais découvert et aimé
à sa sortie, lu en partie, j'ai commencé à le regarder
autrement. En effet, je me suis mise à le lire en pensant au groupe
(je parle des passages "rasoir"), en culpabilisant d'avoir infligé
à Voix au chapitre de telles longueurs indigestes (rien à
voir cependant avec les problèmes digestifs de Bergman). Et puis,
même si nous ne sommes pas dans le même registre, et toutes
proportions gardées, je ne peux m'empêcher ici de rapporter
ces propos de l'auteur : "J'avais
décidé que la mauvaise conscience était une coquetterie
puisque jamais ma souffrance ne pourrait racheter les dommages que j'avais
causés."
Ceci dit, j'ai aimé retrouver Strindberg avec Le songe,
malgré les difficultés rencontrées lors des répétitions
: "la conquête
du Songe se transforma en une difficile campagne (...) je
ressentis l'âge comme un sabotage." Malgré
ceci au sujet de l'actrice au rôle si important "La
fécondité qui fait des ravages au théâtre l'a
contaminée." La représentation de Lohengrin
de Wagner est surprenante avec le finale qui tourne mal. Émotion
à Weimar chez Clara avec Brecht, en pleine montée du nazisme.
Je me rappelle, il y a quelques années Après la répétition.
Côté cinéma, plaisir de retrouver sous la plume de
Bergman Le septième sceau, effrayant contrairement à
son tournage, Scènes de la vie conjugale que j'avais adoré,
Les fraises sauvages revu en version restaurée, magnifique,
ou encore Sonate d'automne et Sarabande, bien trop sombre
pour moi. Quant à Fanny et Alexandre, j'y avais vu un chef-d'uvre.
Etc. etc. J'ai regretté le peu de lignes accordées à
Erland Josephson, alter ego de Bergman, ou à Max von Sydow, l'acteur
magnifique des débuts. J'ai par contre apprécié les
références à Andrei Tarkovski.
Confessions, l'uvre et la vie... J'ai adoré, tout en étant
effarée. Les derniers passages sont terribles : "Pourquoi
derrière cette fragile façade du prestige social nous avons
vécu une aussi effroyable misère. (...)
Je crie après Mère comme j'ai toujours appelé
(...) sa vie avait
été une catastrophe..."
Ces dernières pages tellement fortes font écho aux premières.
A l'origine de la vie pour Ingmar Bergman, la souffrance et l'ombre de
la mort. Le corps rejette souvent ce qu'on lui donne (nourriture) et cela
ne s'arrêtera pas... L'esprit rejette une éducation austère
marquée par l'autorité paternelle et les châtiments,
rejet de l'école, du pédiatre (on comprend), plus grave,
de la petite sur, de l'élève dénonciateur.
Au sein de sa famille, rejet transmis à Ingmar Bergman par sa mère,
"Tu es trop câlin,
on dirait une fille...", qui elle-même avait reçu
ce rejet de sa mère. "J'entrevoyais,
peut-être, derrière le drame de mes parents, la force glacée
de ma grand-mère." Importance de se référer
ici à un autre livre, de Bergman Les
meilleures intentions (ou au film de Bille August) : moments
difficiles dans la vie des parents de Bergman avant sa naissance, rejet
de celui qui allait être son père...
J'ai pourtant été émerveillée par l'univers
de l'enfance, la célébration de Noël chaque année
(cf. Fanny et Alexandre), plus de barrières sociales, les
domestiques prennent part à la fête. Et là, à
l'origine de tout, le cinématographe, la lanterne magique :
"mes premières
années (...) elles ont nourri mon imagination et mes sens."
J'aime les portraits pittoresques des oncles et des tantes, les étés
à Varoms, les hivers à Stockholm, l'importance de la lumière,
des "embrasements", la possible présence de lutins et
de fantômes.
Et puis il y a Fårö, l'île
refuge, apaisante. Les tourments ne disparaissent pas pourtant pour celui
qui aimait les corps et la création, dont la vie oscillait de la
scène aux histoires d'amour, qui portait sur lui-même un
regard clair et honnête, donnant de lui une image peu enviable,
qui reconnaissait la valeur de metteurs en scène avec lesquels
il ne s'entendait pas... A Fårö,
au bout du monde et de la vie : "Je
ne me porte pas mal - au contraire - mais l'âme..." La
mort entraînant la séparation de l'être aimé
apparaît comme une "perspective
terrifiante."
Quelques
repères chronologiques Potins Télévision Radio Livres Une pièce Presse sur le livre |
QUELQUES REPÈRES CHRONOLOGIQUES utiles pour lire le livre |
Quelques dates :
- 1918 : naissance à Uppsala, au nord de Stockholm, dans une famille
protestante
- 1946 : sortie de Crise,
premier d'une quarantaine de longs métrages (et d'une trentaine
de téléfilms)
- 1957 : Le
Septième sceau, prix du jury à Cannes en
ligne ICI
- 1958 : Les
fraises sauvages, Ours d'or à Berlin
- 1961 : Oscar du meilleur film étranger pour La
Source
- 1963-1966 : dirige le Théâtre
royal dramatique de Stockholm ; il mettra en scène plus de
40 pièces dans sa carrière
- 1972 : Cris
et chuchotements
- 1973 : Scènes
de la vie conjugale
- 1976 : affecté par une affaire de fraude fiscale (il sera innocenté),
il s'exile à Munich, où il réalise son film sur la
genèse du nazisme, L'uf
du serpent
- 1982 : 4 Oscars (dont celui du meilleur film étranger) pour Fanny
et Alexandre. Abandonne le cinéma pour se consacrer à
la télévision et au théâtre.
- 1997 : unique lauréat de la Palme des palmes du Festival de Cannes
- 2003 : retour à l'écran avec Sarabande,
son dernier film
- 30 juillet 2007 : mort en solitaire sur l'île suédoise
de Fårö.
Wikipédia
présente de façon très détaillée son
parcours et ses uvres.
Le site officiel de la Fondation Bergman : www.ingmarbergman.se
LES POTINS utiles pour suivre les rencontres dans le livre |
Et les femmes ?
En plus de ses 5 mariages, Bergman a eu des relations amoureuses avec
les actrices Harriet Andersson, Bibi Andersson et Liv
Ullmann (9 films avec elle) avec qui il a eu
une fille : Linn
Ullmann, romancière (voir ses livres
chez Actes sud).
Bergman a eu 9 enfants, dont la plupart ont fait carrière dans
le cinéma. Il a épousé toutes les mères de
ses enfants, à l'exception de Liv Ullmann.
Ainsi, s'est-il marié :
- en 1943 avec Else
Fisher, danseuse, divorce en 1945 ; ils eurent une fille Lena
Bergman, actrice (dans plusieurs films de Bergman)
- en 1945 avec Ellen
Lundström, danseuse, divorce en 1950, ils eurent quatre enfants
: Eva Bergman,
réalisatrice, Jan
Bergman, réalisateur et acteur, les jumeaux Mats
Bergman et Anna
Bergman, tous deux acteurs
- en 1951 avec Gun
Grut, journaliste, danseuse, traductrice (notamment d'Andric
que nous avons lu : Andric lui-même pensait que les traductions
de Gun Bergman avaient contribué à la décision de
lui décerner le prix Nobel... ), divorce en 1959, ils eurent un
enfant : Ingmar
Bergman Jr.
- en 1959, tandis que naissait sa fille de la femme qu'il épousera
en dernier, avec Käbi
Laretei, pianiste, et divorce en 1969 ; ils eurent un enfant Daniel
Bergman, réalisateur
- enfin 1971 avec Ingrid
Von Rosen, jusqu'à son décès en 1995 ; ils eurent
une fille, Maria
von Rosen qui découvre à 22 ans que Bergman est son
père...
Et les enfants ?
- Bergman, qui a eu neuf enfants
: J'ai eu un jour une dispute avec l'un de mes fils. Je lui avais dit
"je sais, j'ai été un très mauvais père."
Il m'a alors balancé : "Quoi! Un mauvais père ?
Tu n'as pas été un père du tout." D'un autre
côté, je suis très ami avec mes enfants. Pour mes
60 ans, ma femme avait décidé de tous les réunir
à Fårö (petite île en mer Baltique, au sud-est
de la Suède, où Bergman vit retiré, ndlr).
Ils connaissaient à
peine l'existence des uns et des autres. Depuis, ils ont découvert
qu'ils s'appréciaient. Et maintenant, pour mon anniversaire, que
je sois là ou pas, ils viennent à Fårö. Comme
ce genre d'arrangement m'est pénible, ils font un bon repas tandis
que je mange mes quenelles de poisson.
- Malou von Sivers,
journaliste suédoise : Pourquoi tant d'enfants, si c'est pour
ne pas s'en occuper ?
- Bergman: Il n'y a pas eu d'enfant planifié. Ils sont arrivés,
c'est tout. Ce sont tous des enfants de l'amour au plus haut point. J'ai
été élevé à une époque où
insuffler la mauvaise conscience était une part de l'éducation.
Et j'ai décidé de ne pas avoir mauvaise conscience, que
c'était de la coquetterie. Mais cela n'empêche pas le sentiment
de culpabilité. En même temps, j'avais décidé
de devenir le meilleur au monde dans ma profession, qu'il ne devait y
avoir aucune limite à mes conquêtes. Tout cela se tient :
mon sentiment de fiasco total sur le plan humain et ma volonté
de compenser en devenant aussi bon que possible professionnellement. Cela
s'est traduit par une manière de vivre stricte, avec beaucoup de
minutie, de ponctualité, de sobriété, etc., ce qui
était infernal pour mes collaborateurs, car j'exigeais la même
chose d'eux. (Libération,
12 avril 2000).
TÉLÉVISION |
- Ingmar
Bergman, scènes de la vie suédoise, Invitation au
voyage, Arte, 2019, 16 min : les lieux où a vécu Bergman.
À l'occasion du centenaire de la naissance de Bergman en 2018 :
- Ingmar Bergman
en 9 minutes, Blow Up, l'actualité du cinéma
(ou presque), ARTE (très bien fait !)
- L'incontournable
Ingmar Bergman, Vendredi 14h-Les coups de cur d'Audrey Pulvar,
e-cinéma, avec Jane Magnusson, réalisatrice de Ingmar
Bergman, une année dans une vie, N. T. Binh, critique
et auteur de Ingmar
Bergman ; le magicien du Nord,
et Nicolas Saada, cinéaste et grand admirateur de Bergman.
- Pourquoi le réalisateur
suédois fascine autant, Story classique, OCS Géants,
en 5 min
RADIO |
Deux émissions très intéressantes
:
- Ingmar
Bergman : de l'exploration des gouffres à la mémoire européenne,
Signe des temps, par Marc Weitzmann, France Culture, 9 septembre
2018, 45 min : avec Margarethe von Trotta, Antoine de Baecque... : retour
sur un grand cinéaste qui a exploré les gouffres intimes
et innové dans les formes.
- "Laterna
magica", ou le "rêve de cinéma" d'Ingmar Bergman,
Ça peut pas faire de mal, France Inter, par Guillaume Gallienne,
27 octobre 2018, 49 min.
LIVRES |
Homme de théâtre, de cinéma, de télévision, Bergman a aussi publié des livres.
Scénarios
Chez Robert Laffont :
- uvres,
en 1962, regroupe les scénarios de Sommarlek, La Nuit des forains,
Sourires d'une nuit d'été, Le Septième Sceau, Les
Fraises sauvages et Le Visage
- Trilogie, en 1964, rassemble
les scénarios de À travers le miroir, Les Communiants
et Le Silence.
Les autres scénarios (et tous les autres livres) sont publiés
ensuite chez Gallimard, pour la plupart traduits par Lucie
Albertini et Carl Gustaf Bjurström :
- Scènes
de la vie conjugale, 1975
- L'uf
du serpent, 1975
- Face
à face, 1976
- Sonate
d'automne, 1978
- Cris
et chuchotements suivi de Persona et de Le Lien,
1979
- De
la vie des marionnettes, 1980
- Fanny
et Alexandre, 1983
Mémoires et autobiographies
- Laterna
magica, 1987
- Images,
1992
Romans et récits
- Les
meilleures intentions, 1992
- Enfants
du dimanche, 1995
- Entretiens
privés, 1997
Théâtre
- Le
cinquième acte, 1997
Quelques livres sur Bergman
Du plus récent au plus ancien
:
- Abécédaire
Ingmar Bergman A-Ö, collectif, Carlotta éditions,
2020
- Ingmar
Bergman et le national-socialisme hitlérien, Anatoly Livry,
Alba Leone, 2020
- Fårö,
une nuit avec Ingmar Bergman, Joëlle Varenne, Balland, 2019
- Scènes
de la vie familiale : Ingmar Bergman, Raphaël Yung Mariano,
L'Harmattan, 2017
- Ingmar
Bergman, Jacques Mandelbaum, Cahiers du cinéma et
Le Monde, 2008
- En présence
d'un clown de Ingmar Bergman, Jean Narboni, Bruxelles, Yellow
Now, 2007
- Ingmar
Bergman ; le magicien du Nord, N. T. Binh, Découvertes
Gallimard, 1993
- Conversation
avec Bergman, Olivier Assayas et Stig Björkman, Cahiers
du cinéma, 2006 (1re éd. 1990)
- Ingmar
Bergman, Denis Marion, Gallimard, 1979.
C'est après sa mort que
sa fille, Linn Ullmann,
a publié en 2015 Le
Registre de l'inquiétude (Actes sud) : père
et fille parlaient de ce projet depuis des années, écrire
ensemble un livre sur la vieillesse...
UNE PIÈCE à partir de Laterna magica |
Le livre a été adapté à la scène par Dorian Rossel, Compagnie STT de Genève - pièce jouée à Avignon en 2019 ; voir présentation ICI.
PRESSE sur le livre Laterna magica |
- "Bergman
: mémoires de désespoir", Anne de Gasperi, Le
Quotidien de Paris, 6 février 1988
- "Bergman : écrits et
chuchotements", Figaro littéraire, 29 février
1988
- "Le chantre de la sensibilité
occidentale", Olivier Barrot, Le Monde, 5 avril 1988
- "Bergman sans cinéma",
Serge Daney, Libération, 9 mai 1991.
Et voici l'avis de Woody Allen qui,
dans un article de Libération du 1er octobre 1998 (traduit
d'un article du New
York Times Book Review), dit son amour pour les films de Bergman
avant que de parler du livre...
O.K., et maintenant son livre. On y parle beaucoup de problèmes
gastriques. Mais c'est intéressant quand même. C'est spontané
et anecdotique. Ce n'est pas chronologique comme devrait l'être
le récit d'une vie. Car il y a de tout dans la vie de Bergman :
des contes étranges et des moments de tristesse. Exemple de conte
étrange : quand il était jeune homme, Bergman s'est retrouvé
enfermé dans une morgue où il a été fasciné
par le corps d'une jeune femme nue. Cas de tristesse : "Ma
femme et moi nous vivons à côté l'un de l'autre. L'un
pense et l'autre répond. Je n'arrive pas à nous trouver
d'affinités. C'est un problème insoluble. Un jour le couperet
tombera et nous séparera pour de bon." Mais le
livre laisse de côté un certain nombre de points, là
où on aimerait qu'il nous en dise plus. Ses films, par exemple.
Enfin, j'exagère, il n'est pas tout à fait exact de dire
qu'il n'en parle pas du tout, mais si on considère qu'il en a réalisé
plus de quarante, il en dit très peu. Il ne parle pas de ses femmes
non plus. Pourtant il en a eu beaucoup (des enfants aussi mais il les
mentionne à peine), en particulier Liv Ullmann, la mère
d'un de ses enfants, qui a vécu avec lui de nombreuses années,
et qui a longtemps été la star de ses films. Mais comme
il ne parle pas beaucoup non plus de ses acteurs...
Alors qu'est-ce qu'il y a dans ce livre ? Beaucoup de révélations
poignantes, en particulier à propos de son enfance et de son travail
au théâtre. On y apprend qu'il dessine chaque scène
avant de la réaliser. Il raconte aussi de manière très
émouvante comment il a dirigé Anders Ek, un de ses acteurs
atteint de leucémie et qui exploitait sa propre peur de la mort
pour incarner un personnage de Strindberg. Bergman adore le théâtre,
c'est sa vraie famille. En fait, la famille adorable et chaleureuse de
Fanny et Alexandre symbolise le théâtre pour Bergman
(ce n'est pas dans le livre mais je le sais). Il écrit par contre
sur ses maladies ("J'ai
souffert de diverses maladies et je n'ai pas encore décidé
si j'avais vraiment envie de vivre") et sur ses faiblesses
corporelles : "Dans
tous les théâtres où j'ai travaillé, j'ai toujours
exigé d'avoir mes propres toilettes." Il parle
aussi de sa dépression qui a suivi le fameux scandale de ses impôts.
En 1976, Bergman, fut arrêté comme un malfaiteur en plein
milieu d'une répétition, et traîné au commissariat
pour fraude fiscale. Le fait qu'il soit innocenté d'avoir délibérément
fraudé le Trésor public n'a pas empêché les
autorités suédoises de se comporter avec lui de manière
brutale et grossière. Bergman, en pleine dépression, fut
hospitalisé et s'exila plus tard en Allemagne, humilié et
furieux.
L'image qu'on garde de Bergman à la lecture de ce livre est celle
d'un être profondément émotif, et qui ne s'adapte
pas facilement aux contraintes de ce monde cruel et froid, mais qui reste
un très grand professionnel, et bien sûr un génie
absolu dans le domaine des arts dramatiques. Dans la traduction de Joan
Tate, il apparaît aussi que Bergman écrit bien. J'ai avalé
chaque page, mais je suis assez mauvais juge étant donné
ma fascination pour cet artiste. En tout cas, j'ai eu du mal à
croire qu'il avait déjà soixante-dix ans. Dans son livre,
il se rappelle qu'à l'âge de 10 ans, on lui avait offert
une lanterne magique qui projetait des ombres sur les murs. Cette lanterne
a été le point de départ de son amour du cinéma.
Maintenant qu'il est mondialement connu et retiré du cinéma,
il écrit ces quelques lignes : "Mon
fauteuil est confortable, la pièce douillette, il fait sombre,
déjà une première image apparaît, tremblante,
sur l'écran. Tout est calme, le projecteur ronronne doucement.
Les ombres bougent, et me regardent. Soixante ans ont passé, mais
la passion est intacte."
Woody
ALLEN, traduction Marie COLMANT
©The New York Times Book Review/Libération
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