Un bassin, des massifs de roses et un plaqueminier donnent
de quoi faire au jardinier d'une vieille dame qui, depuis la mort de son
mari, se sent très seule et en danger dans sa grande maison au
cur de la ville. Les fleurs donnent des fruits, les kakis mûrissent
et elle ne se prive pas den offrir, notamment à son locataire.
Des liens subtils se tissent entre eux, que vient troubler lapparition
dune fiancée
(En vidéo : Lecture de la nouvelle "L'harmonica" par le comédien Bernard Bollet, Musée Guimet, 7 décembre 2020, sur facebook) |
Zoyâ PIRZÂD
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DOC
autour du
livre en bas de page
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Nos 13 cotes
d'amour
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Monique L(avis
transmis)
Ces petites nouvelles sont bien écrites mais ne m'ont pas intéressée.
La question que je me pose : est-ce représentatif des couples iraniens
dans les années 60 ? Toutes ces personnes maniaques ? Le goût
pour des intérieurs surchargés ?...
Les deux nouvelles que j'ai malgré tout appréciées
sont celle de l'appartement et les deux femmes si différentes et
celle qui a donné son nom au recueil bien que la fin m'ait laissée
en suspens.
J'ouvre au ¼. Voici mon avis très rapide car je nai
pas goûté aux charmes iraniens (sil y en a ?)
de ces nouvelles.
Bonne soirée à vous tous.
Fanny(avis
transmis)
Avis partiel ce soir, j'ai lu "Les taches", "L'appartement"
et "Le Père-Lachaise".
Je suis très partagée sur mon ressenti. Je trouve le style
d'écriture agréable et à chaque début de nouvelle,
je suis saisie par l'accroche. Cependant au bout de quelques pages, il
se produit toujours le même phénomène : je perds le
fil, je m'emmêle dans le nom des personnages, je suis même
parfois dans la confusion entre les différentes nouvelles.
D'un point de vue personnel, beaucoup de relectures de travaux d'étudiants
impactent mon temps de lecture, mais aussi ma disponibilité pour
me laisser happer par le récit, mais justement je pensais que le
format nouvelles serait particulièrement adapté à
cette période.
Je me demande aussi s'il n'y a pas pour moi un problème de rythme,
comme si chacun des récits était soit trop long (l'intérêt
recule passé l'accroche du début) ou trop court (pour avoir
le temps de s'attacher aux personnages et d'être tenue en haleine
par le fil narratif).
Je vais poursuivre ma lecture jusqu'au bout, et sans déplaisir
pour autant. J'ouvre ½.
Bel échange virtuel à vous.
Manuel(avis
transmis)
Quel bonheur ces cinq nouvelles traversées dune forme de
mélancolie.
Ma préférée est "Le Père-Lachaise"
dont lintrigue se déroule sur plusieurs années. Proust
est cité (Minouche veut le lire en français) et une découverte
à faire, Sadegh Hedayat. Morad est cinéphile : Fellini
Roma, La Grande Illusion. Il se faisait une idée de Paris grâce
au cinéma (p. 122 : jai limpression quici
rien na changé depuis la Seconde Guerre mondiale !). Jaime
ce parallèle entre le cinéma et la littérature :
la possibilité de souvrir au monde. Sa femme rejette dune
certaine façon un fiancé traditionnel pour se tourner vers
Mourad. Serait-ce une forme de progressisme ?
Les saules, les plaqueminiers, la neige à Téhéran,
la nature est présente dans toutes les nouvelles.
Jaime que ces nouvelles naient pas dunité de
temps. Lauteure sen sort haut la main dans tous ces récits
de quelques pages. Voilà, jai aimé cette lecture dépaysante.
Jouvre aux ¾. Je vous invite à regarder le doc sur
Arte La Longue guerre Iran-Israël (1/2
et 2/2)
; le Shah nétait pas un tendre.
Quelquun connaît un bon resto iranien ?...
Séverine
C'est drôle parce que je ne savais pas que c'étaient des
nouvelles et j'avais seulement lu la deuxième de couverture, donc
je ne comprenais pas en lisant la première nouvelle pourquoi le
fameux jardinier évoqué dans cette deuxième de couverture
tardait à arriver
Bref, je dois dire que le temps passant,
les trois premières nouvelles se confondent, s'embrouillent, mais
il persiste une atmosphère, un lien entre toutes ces femmes sorte
de desperate housewives. On est dans une littérature de l'intérieur,
le "foyer", le monde ménager y est important. Je trouve
que l'auteure rend subtilement, par touches, le quotidien de ces femmes
iraniennes, coincées entre liberté et carcan familial. J'ai
beaucoup aimé la nouvelle "L'harmonica" qui se passe,
cette fois, avec des hommes ; je les ai trouvés touchants. Et pour
moi, la dernière nouvelle qui est très différente
est une version moderne du conte des Mille et une nuits, on ne
sait pas trop quand ça se situe : il y a un côté lointain
et par certains "indices", on comprend que c'est tout de même
contemporain. Et là encore, la maison, l'intérieur reviennent
comme le thème majeur.
Puis j'ai lu le roman C'est
moi qui éteins les lumières : j'ai été
absorbée par la lecture de ce livre qui raconte la vie d'une femme
au foyer dont le quotidien, rythmé par le départ au travail
de son mari, le retour des enfants de l'école, les visites de sa
mère et de sa sur en quête d'un mari, est bouleversé
par l'arrivée de nouveaux voisins : un collègue de son mari,
sa mère et sa fille, copine de ses enfants. Elle va être
attirée par ce veuf, intriguée par sa mère
C'est une belle découverte ! J'ouvre ¾ le livre de nouvelles,
qui a été balayé par le roman que j'adore et que
j'ouvre en grand. J'aime beaucoup la sélection de Zulma
et ça me confirme que l'on est rarement déçu
par leur catalogue.
Françoise
J'étais contente de lire un livre de chez Zulma
que j'aime beaucoup. Je n'avais pas vu non plus vu que c'étaient
des nouvelles et j'ai malheureusement été refroidie quand
je l'ai compris. Je ne suis pas très enthousiaste. Il ne va pas
me rester grand chose de ces histoires de couples.
J'ai été mal à l'aise du fait que ces histoires sont
hors contexte, cela m'a rappelé quand nous avions lu Ami
de ma jeunesse d'Amit Chaudhuri où il est bien gentil à
Bombay ; à part la mention du Taj, on ne sait rien, ignorant totalement
son environnement. Là j'ai eu la même impression, et ça
m'a posé problème, ces femmes d'une certaine classe sociale
avec aucune allusion à la condition de la femme en Iran. Je ne
comprends pas qu'elle ne voie que ça, qu'elle ignore le reste.
Je comprends que ce ne soit pas son projet mais ça semble tellement
"hors sol".
Ça se lit bien, mais aucun personnage n'est particulièrement
attachant. Je suis restée sur ma faim. Pourquoi ce livre, j'ai
pensé. Ouvrir un quart ? Mais non, je ferme.
Rozenn
Je n'ai lu que la première nouvelle, je ne sais pas pourquoi parce
que j'aime les nouvelles et la première nouvelle m'a beaucoup plu.
Elle m'a surtout déconcertée : je l'ai trouvée assez
fascinante, on ne sait pratiquement rien sur les personnages et pourtant
ils existent. Je n'ai pas trouvé que la femme était émancipée,
faisant tout ce que l'autre lui disait. Dans l'écriture, dire si
peu sur les personnages et arriver à ce qu'ils existent et qu'il
y ait des interactions, il y a quelque chose de très fort.
Après je me suis intéressée à la Commune et
aux échecs et avec la pandémie, je n'arrive pas à
gérer mon temps qui est élastique. Tout à coup je
me suis dit je vais le finir, ça va j'ai la journée et puis
la journée est passée... mais je vais certainement lire
le roman que tu as aimé : C'est
moi qui éteins les lumières.
Comment j'ouvre ? Je n'ai donc pas lu jusqu'au bout alors que ça
me plaisait. J'ouvre en grand concernant un cinquième du livre
pour cette première nouvelle parce qu'elle me pose problème,
elle m'intrigue.
Geneviève
Toutes les conditions étaient réunies : j'aime les nouvelles,
j'aime le titre, j'apprécie les éditions Zulma
et je suis intéressée par l'Iran. Or je suis un peu déçue.
Je n'ai pas été accrochée du tout par la première
nouvelle. Je trouve ça décevant, un univers fade, un peu
désuet. Certes je m'attendais au thème de la domination
des femmes par les hommes, mais c'est traité de manière
très conventionnelle, sur le thème de de l'incommunication.
Je n'ai pas non plus été convaincue par le format, à
mi-chemin entre nouvelle et roman, avec un fil conducteur ténu.
J'ai été plus tenace que Rozenn puisque j'ai lu jusqu'à
la quatrième nouvelle. Les personnages d'hommes sont peu intéressants,
presque squelettiques, seule la relation mère-fille et l'univers
des relations entre femmes en général m'ont parfois paru
intéressants.
Et puis dans la traduction bien les choses m'ont gênée :
par exemple il y a une tache sur une robe de chambre et quand la tache
est enlevée, il s'agit en fait d'un manteau. On dégraisse
le jus d'hibiscus et ensuite on parle de détachage : détachage
n'est pas dégraissage ! La femme décrit ce qu'elle aime
chez son mari et ce sont ses cheveux à elle qu'on décrit !
Ces exemples sont comme de petits cailloux dans la lecture et discréditent
l'histoire, ce qui empêche de s'installer dans la lecture. Je n'ai
donc pas accroché, sauf pour l'atmosphère de femmes dans
le chapitre "L'appartement". J'ouvre ¼, ce qui est rare
pour moi ; j'en ai lu quatre, ayant eu l'impression d'avoir fait mon devoir.
Annick L
J'ai été très déçue aussi. J'étais
pourtant très heureuse de lire des nouvelles d'une Iranienne, j'adore
les nouvelles, je me réjouissais, à l'avance, de faire une
plongée en Iran.
Mais j'ai trouvé ce recueil un peu fade et j'ai rarement accroché,
à part la dernière nouvelle où il y a une cohérence,
dans ce petit monde à part, et une continuité autour de
cette vieille dame qui fait venir un locataire - on peut suivre son évolution,
rythmée par des personnages qui vont entrer et sortir de sa vie,
donc j'ai apprécié davantage.
Pourtant la première nouvelle commençait bien et j'ai souri
de ce stéréotype de femme obsédée par le ménage,
le nettoyage et les taches en tout genre, le personnage est campé
de façon efficace. Dans la seconde, "L'appartement",
j'ai été perturbée par la reprise de l'évocation
du saule pleureur, en relisant j'ai compris que deux personnages, très
contrastés, s'y croisaient. Mais cette difficulté éprouvée
me fait dire qu'il manque un élément dans la structuration
du récit : ça flotte.
En plus, comme Françoise, j'ai trouvé dommage qu'à
aucun moment ces histoires ne fassent écho au statut des femmes
en Iran et au poids de la dictature religieuse. J'ai lu un entretien dans
lequel cette auteure rejette tout ancrage politique. C'est son choix.
Mais ça m'a laissé sur ma faim, j'attendais autre chose.
J'ai pensé au film La
séparation où on était plongé dans
l'Iran actuel, avec ce conflit douloureux entre tradition et modernité,
j'avais beaucoup aimé et j'étais curieuse de replonger dans
ce monde-là. Mais ces histoires sont racontées sans ancrage
dans un contexte. Du coup je n'ai pas eu envie de lire un roman de cette
auteure parce qu'elle ne m'intéresse pas, je m'arrêterai
là
Pour la première et la dernière nouvelle et parce que c'est
facile à lire (une nouvelle chaque soir) j'hésite à
l'ouvrir entre ¼ et ½
Choisissez pour moi !
Séverine
Un demi ! Un demi !
Annick
Désolée Séverine mais, que ce soit sur le plan littéraire
ou sur le sujet des femmes en Iran, je vais m'arrêter à un
quart.
Rozenn
On peut pas reprocher à un auteur de ne pas traiter le livre qu'on
voudrait lire
Annick
Je suis d'accord, mais...
Françoise
Moi aussi je suis d'accord, mais c'est l'intérêt du lecteur
qui intervient.
Annick
Dans notre groupe on part de notre ressenti, c'est éminemment subjectif
ce que je dis. Et quand on commence un livre, on a des attentes.
Claire
Vous parlez Annick, Geneviève d'aspect désuet, vieillot,
vous pensez à quoi ?
Catherine
Quelqu'un a parlé des années 60, mais pour moi ça
se passe bien plus tard.
Geneviève
Oui, ça a été publié en 1997. Ça me
fait penser à un univers des Choses
de Perec, d'accumulation d'objets, malheureusement sans le talent de Perec !
Séverine
Des objets très kitsch à la mode orientale...
Laura, entre et
Je me disais justement il y a peu qu'il fallait que je lise des ouvrages
d'auteurs ou d'autrices étrangers, autre qu'américains ou
anglais. Ma phrase sonne un peu comme s'il fallait que je découvre
la partie "exotique" du monde. Mais c'est bien cela, d'une certaine
manière : ouvrir les yeux sur le monde, sortir de l'occident, se
faire une idée, même si minime, de ce qu'est l'art littéraire
d'une culture différente. Du coup, j'étais contente de lire
l'ouvrage, et j'en ai un peu parlé autour de moi. Surtout que je
trouve la forme assez intéressante : des nouvelles, courtes ou
longues selon les points de vue, permettent de s'attacher aux personnages,
de rentrer dans l'histoire, mais de nous en faire sortir aussi soudainement,
par force. Alors que, personnellement, j'y restais accrochée. Tellement
que j'ai confondu l'histoire de deux nouvelles : mon esprit était
encore dans "L'Appartement", alors que je lisais "Le Père-Lachaise".
J'ai mis du temps à comprendre cette nouvelle, car j'ai mis tout
autant de temps à me rendre compte que les deux protagonistes n'étaient
pas cousins. Mais mis à part ça (j'ai ri de mon étourderie),
j'ai vraiment apprécié les sujets, qui vont ce qui nous
est le plus connu (du moins le plus médiatisé), c'est-à-dire
une sorte de soumission des épouses aux maris, jusqu'au moins médiatisé,
comme la vieillesse et la solitude ; en passant par la pure gentillesse-douceur-acceptation
du mari pour sa femme. Le recueil a été publié en
1997, mais je me demande ce qu'il en est aujourd'hui, 24 ans après,
en Iran ; est-ce plus occidentalisé ? (Je ne dirai pas "évolué",
j'ai eu cours sur l'ethnocentrisme, même si je n'en pense pas moins
quant à la place des femmes). C'est étonnant comme beaucoup
ne semblent pas heureux dans les rôles qu'ils jouent. Je pense ici
à la dame de la cabine téléphonique (je ne sais plus
quelle nouvelle), qui explique qu'elle pense tout bien faire, le ménage,
le repas etc. Mais que son mari n'est jamais satisfait et crie toujours.
Quel rôle doit-elle jouer alors ? Si elle prend de l'indépendance,
cela n'ira pas, et ce qu'elle fait ne convient pas non plus. En réalité,
ce qu'elle est ne convient pas et ne conviendra, semble-t-il, jamais ;
car, d'une certaine manière, chercher à savoir ce qu'il
faut faire pour que le mari cesse d'hurler, c'est encore une fois agir
selon ses ordres et ses désirs. Bref, il y a tiraillement entre
ce que la femme est et ce qu'elle doit être. Être femme au
foyer et s'y sentir bien ne convient pas (Simine), être indépendante
et avoir un boulot ne convient pas non plus (Mahnaz). C'est vraiment une
sorte de gêne que j'ai ressenti tout au long du bouquin, sauf pour
la dernière nouvelle, que d'ailleurs je n'ai pas apprécié,
contrairement aux autres. Mes propos sont bien entendu à améliorer,
affiner, je ne suis pas spécialisée en philosophie de la
culture et encore moins en philosophie féministe. En bref, c'est
un ouvrage que j'ai apprécié, il n'est pas transcendant,
mais reste un bon moment de lecture et de découverte.
J'ouvre entre ½ et ¾, car je ne me vois pas l'ouvrir aux
¾, ce qui est beaucoup, mais ½ ce n'est pas assez.
Catherine
(qui n'avait lu qu'une nouvelle et demie lors de nos échanges et
qui, deux jours après notre séance, en a lu quatre sur cinq)
J'ai récupéré le livre la veille de notre rencontre
et donc je ne l'ai pas fini, il me manque la dernière nouvelle.
Dommage car c'est elle qui donne le titre du livre et dont parle le quatrième
de couverture. Mais même ainsi, globalement j'ai aimé ce
livre. J'apprécie les nouvelles, mais c'est un art difficile ;
et ici je trouve qu'ici c'est assez réussi. Les nouvelles successives
nous permettent de pénétrer dans l'intimité de couples
modernes d'Iran, sans doute d'un milieu plutôt bourgeois, vivant
à Téhéran. J'ai bien aimé le côté
esquissé, l'atmosphère ; les chutes des histoires. Beaucoup
de choses sont suggérées plutôt que dites ; il faut
être un peu attentif pour ne pas perdre le fil. Les personnages
sont plus caricaturaux au début ; ce qui les rend plutôt
drôles ; en particulier celui de la femme qui devient de plus en
plus experte dans l'art de détacher les vêtements alors que
son couple se détériore ; et celui du mari maniaque qui
met des gants blancs pour traquer la poussière. C'est drôle
mais assez grinçant en même temps, voire un peu flippant.
Il y a un chassé croisé entre les deux couples qui se succèdent
dans l'appartement, le saule pleureur les reliant entre eux ; et j'ai
trouvé cette transition assez réussie. La nouvelle que j'ai
préférée est "le Père-Lachaise"
; c'est d'ailleurs le couple qui fonctionne le mieux et la femme la plus
autonome. J'ai bien aimé la petite escapade parisienne, assez inattendue
; je ne connaissais pas du tout, même de nom, l'écrivain
Sadegh Hedayat, et je savais encore moins qu'il était enterré
au Père Lachaise.
C'est un livre intimiste, les personnages féminins sont traités
avec beaucoup de subtilité. Je l'ai trouvé bien écrit;
je suis contente d'avoir découvert cette auteure et Séverine
m'a donné envie de lire le roman C'est
moi qui éteins les lumières. J'ouvre aux ¾.
Renée
La première nouvelle "Les taches" m'a exaspérée
: je déteste cette écriture cinématographique et
cette fée du logis, Leila, est exaspérante aussi. Ça
commençait mal, je me suis dit je suis tombée dans un piège,
ça ne ma plaît pas du tout.
Après ça s'arrange un petit peu heureusement. Elle nous
présente divers types d'Iraniennes, des femmes un peu tiraillées
entre tradition et modernité. Ce qui m'a plu, c'est que c'est divers,
c'est agréable à lire, avec des fins ouvertes.
Mais c'est une description de femmes iraniennes de milieu petit-bourgeois
et qui ne s'occupent absolument pas de ce qui se passe en Iran. Je voudrais
paraphraser Bertrand Blier qui a dit "Hilter
connais pas", là c'est "ayatollahs connais pas".
La loi islamique elle sait pas ce que c'est, les fillettes voilées
et mariées à 9 ans elle sait pas ce que c'est, les femmes
répudiées elle sait pas ce que c'est, les quatre épouses
autorisées elle sait pas, les femmes provisoires pour quelques
jours ou quelques mois elle connaît pas, l'homosexualité
réprimée elle connaît pas.
Claire
Tu aurais voulu qu'il y ait une nouvelle par thématique que tu
viens d'énoncer ?...
Renée
Peut-être pas, mais au moins des allusions. Elle veut être
éditée, donc elle se censure elle-même ; aucune allusion
aux vrais problèmes. J'ai été très très
déçue. Je l'ouvre quand même à ¼, parce
que, bon, c'est pas mal écrit, mais non, j'ai pas accroché
du tout du tout, un quart donc.
Jacqueline
Je l'ai lu d'une traite il y a plus de 8 jours et j'ai déjà
beaucoup oublié, J'aime bien le format de la nouvelle. Je n'ai
guère le souvenir qu'il y ait des chutes étonnantes, sauf
pour "Le père-Lachaise", alors que c'est un des charmes
de la nouvelle. Il s'agit plutôt de tranches de vies de femmes persanes
(Comment
peut-on être persan ? Je me souviens d'un voyageur, relativement
récemment en Iran, qui s'étonnait de l'impression qu'il
avait eue de gens comme tout le monde !)
De ce livre il me reste le sentiment de quelque chose de délicat,
où les sentiments sont plus suggérés qu'énoncés
mais il faudrait vérifier.
Les notes du traducteur, qui est un universitaire (merci Claire pour la
doc !) sont parfois très intéressantes
(par exemple ils permettent d'appréhender ce qu'il y a de traditionnel
un peu suranné dans l'aménagement du sous-sol et du jardin
du pavillon de la nouvelle-titre).
J'aurais cependant aimé qu'il soit plus au fait du vocabulaire
français de l'environnement ménager. J'ai un peu tiqué
sur réclame pour publicité, un terme qui m'a rappelé
mon enfance mais un peu vieillot. Je me suis interrogée sur cette
"banque" qui revient plusieurs fois dans l'univers de la cuisine
en imaginant d'après le contexte qu'il s'agissait de "plan
de travail", peut-être de "paillasse". Comme je ne
parle pas du tout anglais, je me suis demandé si c'était
un anglicisme, j'ai trouvé que "bank" pouvait être
le rivage, mais rien sur les éviers, pourtant ça pourrait
être une jolie métaphore de ses bords
Toujours dans la nouvelle-titre, j'ai eu un peu l'impression que la description
de la maison, comme "l'escalier en colimaçon qui s'envolait"
relevait un peu d'une rédaction de cours moyen, genre appliquée
quand on évite les répétitions. Je me suis demandé
si cette impression tenait à l'écriture de l'auteur ou relevait
de la traduction envers laquelle j'avais déjà quelques reproches
.
J'ai lu facilement, avec empathie pour ces femmes. J'ouvre à moitié.
Claire
J'ai commencé Le goût des kakis avec appétit
et ai rencontré immédiatement de grandes difficultés
: je n'ai rien compris à la première nouvelle, n'ai pas
été intéressée par la deuxième ;
j'ai démarré sur les chapeaux de roue avec la troisième,
"Le Père-Lachaise", j'ai fini le livre conquise, puis
suis revenue au début et ma lecture a été alors complètement
différente. J'ai aimé :
- la longueur des nouvelles (ni trop, ni trop peu), et ces chapitres à
l'intérieur, sobrement numérotés
- un certain humour
- l'aspect elliptique qui oblige le lecteur à s'investir (c'est
ce qui a fait obstacle au début pour moi, le livre m'a saisie dans
toute ma bêtise passive), à capter l'implicite (l'humour
en fait partie), à construire le récit : ainsi, la première
nouvelle avance à travers le dialogue, impossible de se laisser
aller
- les ruptures temporelles sont nombreuses, sans prévenir, d'un
temps à l'autre, d'un espace à l'autre - j'ai trouvé
cela remarquable - avec quelques indices parfois, comme le corbeau qui
ponctue la nouvelle "L'appartement" ou encore quand on saute
d'une scène d'un film à une scène de la réalité
sans aucune transition
- les chutes sont pour certaines agréablement frustrantes, laissées
en suspens, comme dans "Le Père-Lachaise" ou "L'harmonica"
- les personnages des femmes ont pour moi du relief : compagnes,
mères ; des hommes aussi sont attachants, dans "L'harmonica"
- ce qui m'a étonnée aussi, c'est la modernité par
rapport aux représentations que nous pouvons avoir de l'Iran :
comme dit Jacqueline, ils sont "comme nous". On est aussi bien
dans un jardin traditionnel qu'avec Fellini Roma, Alain Delon,
La Grande Illusion, la maison de Balzac et la tombe de Proust.
J'ai été étonnée de ne pas voir mentionné
le voile ou la religion ; si quand même, mais peu : on évoque
le pèlerinage d'une femme et le tchador d'une autre ; mais on se
trouve beaucoup à l'intérieur où les femmes peuvent
être "en liberté". La polygamie aussi est mentionnée,
un homme ayant une deuxième épouse. Il est irréaliste
de penser comme Renée qu'elle aurait pu mener ses nouvelles sur
les ayatollahs, l'homosexualité, le mariage des petites filles
à 9 ans..., sauf à se retrouver en prison. J'ai entendu
il y a quelques mois au Festival
vo-vf l'écrivain iranien Ghazi
Rabihavi (qui fut incarcéré et interdit par lAssociation
des Écrivains dIran), expliquer que la censure (des murs)
empêche de faire dire à un personnage
à son épouse "je te fais un café",
donc ces critiques à l'intention de notre auteure me semblent choquantes.
Il s'est exilé à peu près quand Zoyâ Pirzâd
écrivait les nouvelles que nous avons lues :
"Quand j'ai quitté le pays, je n'étais pas seulement interdit de publication mais menacé physiquement, et six mois après mon départ, des assassinats d'écrivains ont eu lieu en chaîne, les corps de mes amis disparus étaient jetés dans le désert." (voir ici)
L'écriture est centrée sur la vie des femmes et pas dans une démarche victimaire dénonciatrice ; j'aime bien quand Zoyâ Pirzâd dit dans une interview (ci-dessous) :
"Certains pensent quil faut écrire de la littérature féministe pour libérer des femmes ! Moi, je n'y crois pas ! Au contraire, à mon avis, il faut écrire au sujet de la vie ordinaire de femmes normales. Des femmes qui ne sont pas Jeanne d'Arc. C'est beaucoup plus efficace."
J'ai aussi aimé découvrir cette autre forme de nouvelles,
des micronouvelles, dans Comme
tous les après-midi (18 nouvelles dans un petit
livre), avec de petits tableaux, des miniatures. Mais les femmes m'ont
semblé plus enfermées que dans Le goût des kakis,
il n'y a pas d'humour et donc j'ai préféré l'autre
livre où l'on sent un souffle de liberté personnelle : femme
qui divorce, femme sans enfant, femme seule, femme qui travaille.
Bon, c'est moi la coupable qui ai proposé ce livre qui a fait ce
flop auprès d'Annick, Françoise, Geneviève, Monique,
Renée : je pensais que la forme que j'ai trouvée remarquable
en faisait un livre "pour le groupe lecture". Je l'ai lu et
découvert dans un autre groupe où, tout au contraire de
nous, il y a eu quelques réserves, mais la majorité fut
conquise ; donc, c'est pas gagné d'avance...
Annick
Je reviens sur la façon de décrire ces couples divers qui
ne m'a pas intéressée. Je cherche à comprendre pourquoi
je ne trouvais rien à saisir, pourquoi je trouvais ça si
lisse. C'est peut-être c'est un problème de traduction, avec
des dissonances qui ont perturbé ma lecture.
Renée
Oui, moi c'est pareil, c'est trop lisse, ça n'accroche sur rien.
Annick
C'est de la soft littérature
Catherine
Elle suggère plutôt qu'elle ne dit, elle crée une
atmosphère où on entre ou pas.
Séverine
C'est très subtil.
Rozenn
On m'avait offert une tasse où était écrit "Un
maison propre est le signe d'une vie gâchée" et je trouve
que ça résume très bien ce que j'ai ressenti à
la lecture de la première nouvelle.
Laura
Les tâches m'ont intéressée, car il s'agit d'une façon
d'effacer quelque chose dans le couple.
Catherine
Oui, il y a certainement quelque chose de symbolique.
Plus on sent le malaise dans son couple, plus elle devient performante
question taches, c'est drôlement bien fait.
Séverine
C'est ce que je disais : des desperate housewives...
Catherine
Tout à fait !
Rozenn
Quant aux kakis, il y a quelques années au marché, j'ai
glissé sur un kaki, j'ai fait un grand écart et je me suis
trouvée immobilisée pendant plusieurs mois... et après
j'ai voulu goûter des kakis.
Claire
Pas rancunière !
Rozenn
Au contraire, c'était pour me venger. Et c'est pas bon.
Séverine
Ça dépend !
Claire
Moi j'adore ça... c'est sûrement pour ça qu'on aime
cette auteure Séverine.
Séverine
La subtilité des kakis, c'est qu'il faut qu'ils soient très
mûrs...
Rozenn
C'est très glissant en tout cas...
Séverine
On peut dire que pour toi, Rozenn, c'est vraiment âpre, le goût
des kakis...
Catherine
Amer !
Renée, témoignant des murs du sud
Toute ma vie, j'ai vu jeter des kakis, alors que maintenant on en voit
sur les marchés à des prix fous. Chez nous, on ne les mange
pas. On les laisse sur les arbres, toutes les feuilles tombent, cela fait
comme des lanternes en hiver, c'est très joli...
Claire
Manu demande si on connaît un restau iranien. Il y a un quartier
iranien dans le 15e.
Jacqueline, habitante de l'arrondissement
Il y a plein de restaurants rue
des Entrepreneurs, mais que je n'ai jamais essayés... j'ai
acheté des choses dans les épiceries...
Claire
Pour imiter les personnages de la nouvelle "Le Père-Lachaise",
je suis allée pour la première fois de ma vie au cimetière
en question (voir mon petit reportage ICI).
J'y ai rencontré Ivan, guide sur mesure depuis 10 ans uniquement
dans le cimetière, prêt à faire une visite pour
Voix au chapitre uniquement littéraire...
(Après la soirée)
Le kaki de Chine est un arbre d'origine chinoise dit aussi plaqueminier
du Japon. Les Européens ont pris connaissance de l'existence de
ce fruit au XVIIe siècle par la description du Jésuite Matteo
Ricci qui vécut 18 ans en Chine (1552-1610).
C'est Joseph Banks,
botaniste participant au premier voyage du Capitaine
Cook autour du monde (1768-1771), qui serait à l'origine de
l'introduction du kaki en Europe. (Il fut aussi le premier à ramener
un kangourou...). Nous avions lu Le
retour d'Anna Enquist, dont la narratrice est la femme de James
Cook, mais elle ne semble pas avoir goûté aux kakis...
À Paris, on peut voir l'un de ces arbres au Jardin
des Plantes, au Parc
Monceau, devant le square
Héloïse et Abélard dans le 13e, au parc
des Buttes-Chaumont...
Trois ans plus
tard, le nouveau groupe parisien lira
On
s'y fera, trad. du persan Christophe
Balaÿ
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Les 9 cotes
d'amour du nouveau groupe
réuni le 26 avril 2024 |
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Audrey(avis
transmis)
Je n'arrive décidément pas à avancer dans la lecture
du livre que je vous ai proposé, le livre iranien... Il me tombe
des mains à chaque tentative, et je jure qu'elles sont nombreuses
! Et en plus je ne serai pas là le jour où nous nous réunirons.
Je vous présente doublement mes excuses...
Monique M
Je n'ai pas aimé ce livre à l'écriture banale, décrivant
la vie de femmes iraniennes, d'un milieu bourgeois, où règne
une mère autoritaire entourée de ses domestiques. Il faut
atteindre la moitié du livre pour que l'intérêt s'éveille
un peu avec le récit du jeune homme traumatisé par la mort
de son frère, puis tout retombe, le sujet n'étant pas utilisé
ou si peu.
Le livre décrit essentiellement l'univers de ces femmes, leur vie
quotidienne, l'obligation du port du voile, certaines le tchador, mais
le style décourageant ôte tout intérêt au récit.
Le personnage d'Arezou a une belle autorité, c'est une femme d'affaires
avertie, intelligente, sensible, qui navigue entre son agence immobilière,
sa mère frivole et autoritaire, sa fille exigeante et capricieuse,
sa sur complice, aidante.
Curieusement en dépit de l'écriture insipide, je suis restée
accrochée à l'histoire d'Arezou, sa façon de se dépêtrer
avec sa vie de femme iranienne, son travail et ses tentations de refaire
sa vie, espérant en vain que quelque chose surgirait. On sent bien
l'atmosphère de la ville, les réactions des gens, leurs
préoccupations, la vie des femmes écrasées sous le
poids des grossesses, la domination masculine et la police des murs
; il y a une vitalité chez ces femmes dont la vie est centrée
sur le quotidien, la maison, les enfants, la cuisine
une grande
sororité aussi qui ira jusqu'à prendre le pas sur la volonté
d'Arezou d'épouser Zardjou, homme dont elle apprécie les
qualités et l'humanité, mais la fin en queue de poisson
est décevante comme l'ensemble du livre. Je ferme le livre.
Nathalie
Je n'ai aucune excuse car je n'ai pas lu ce livre alors que je connais
l'Iran où je me suis rendue à plusieurs reprises et que
j'ai appris à aimer ce pays. Je ne peux donc rien en dire.
Lahcen
Je l'ai lu complètement. L'histoire et les personnages manquent
de profondeur. Il n'y a aucune approche intime des personnages. En revanche
l'intrigue par l'approche de la nourriture iranienne m'a un peu intéressé.
Je l'ouvre au ¼.
Jean-Paul
Roman tellement insipide qu'il en devient facile à lire. Il est
bourré de dialogues qui ne sont pas des dialogues : "apporte-moi
le café", "ferme
la porte". Nous voyageons également de restaurant
en restaurant un top chef iranien avec le détail des plats servis.
Il n'y a que deux moments où l'Iran apparaît : lorsque la
police des murs débarque dans un bar et la scène du
bus ou les femmes discutent entre elles séparées des hommes.
Je le ferme complètement.
Anne-Marie
J'ai lu péniblement 80 pages. Toutes les femmes sont extrêmement
superficielles. Tout ce qui les intéresse sont les minauderies.
La seule chose digne d'intérêt est la référence
à Paris sur la mode. Je le ferme complètement.
Margot
Eh bien contre toute attente je m'y suis faite à "On s'y fera",
avec quelques efforts au début c'est vrai, mais l'écriture
est aisée, parfois avec un certain éclat, même si
je me suis surtout demandé dans quel Iran nous nous trouvions.
À part deux ou trois éléments un peu costauds, mais
dont au moins deux pourraient être issus de n'importe quel autre
contexte de guerre, je me sentais plutôt dans une sorte de paradis
cosmopolite et autre univers de Prince charmant ou d'Aladin. Mais avec
un prince charmant sans aucune épaisseur. Ce qui m'a gonflée
est la version contemporaine du chevalier servant. C'est un conte de fées
sans saveur. Le côté maître des portes et des serrures
m'a énervée. La fin est d'un classicisme incroyable, car
ces femmes ne peuvent être heureuses sans un homme. Un bon point
tout de même : ces senteurs parfumées et ces mets délicats.
Ceci étant, je rejoins ce que dit Jean-Paul, où est l'Iran
? Je le ferme totalement.
Anne
Je me suis trouvée au pays des imbéciles dans l'Iran, un
pays que j'aurais aimé découvrir dans ce livre. Je l'ai
fermé au bout de 30 pages.
Antoine
Ce livre était inintéressant, illisible et insipide. J'ai
l'impression que nous avons tous perdu du temps. On peut se demander pourquoi
il a été traduit et pourquoi il a été recommandé.
Je le ferme.
Nathalie B(avis
transmis après la séance)
Je n'avais donc pas lu ce livre pour la séance à laquelle
je me suis pourtant rendue. Vos avis négatifs ainsi que vos interrogations
"Où est l'Iran ?" m'ont poussée à le lire.
Et j'en suis ravie. J'ai beaucoup aimé ce livre. Moi qui connais
un peu l'Iran bien que je n'y sois pas retournée depuis une vingtaine
d'années maintenant, je m'y suis totalement retrouvée. C'était
comme si je parcourais les rues de Téhéran, me retrouvant
au Bazar, déjeunant dans divers restaurants, me régalant
en pensée des nombreux plats évoqués. J'ai eu la
nostalgie de Téhéran. Ce roman a été écrit
en 2004, et la dernière fois que j'y suis allée c'était
à peu près à cette période. On y voit le vieux
Téhéran disparaître derrière tous ces nouveaux
immeubles parfois assez farfelus (coupoles, couleurs...). La capitale
de l'Iran est l'une des villes les plus peuplées du monde, une
des plus denses ; elle a connu et connaît encore une activité
de construction d'immeubles très importante qui a profondément
changé la ville. Les immeubles poussent comme des champignons.
Cela traverse le roman : "D'ici
une semaine il aura détruit la jolie maison et avant six mois,
il aura construit une tour à colonnes grecques.",
"Dieu merci
on
n'a pas encore rien construit sur tes pentes", en parlant
à la montagne - depuis toutes les pentes du mont Damavand
sont recouvertes de constructions. Le foulard est bien présent,
mais juste par touche. On y parle de sa couleur (blanc, fleuri
),
il doit être réajusté
On imagine bien qu'elle
ne va pas écrire les méfaits du foulard alors qu'elle vivait
en Iran ! Le tchador également traverse les pages, notamment dans
les milieux populaires, que Arezou (prénom rare pouvant être
féminin ou masculin, qui se traduit par espoir, attente
comprenant le désir) rencontre en prenant le bus dans lequel les
femmes sont derrière et les hommes devant. La police des murs.
La guerre Iran/Irak qui a tué entre 800 000 et 1 million
de personnes (sur 50 millions d'habitants) et qui a traumatisé
les Iraniens ; ils ont tous connu quelqu'un qui y est mort ou y a été
blessé. Le rapport des femmes aux hommes. La drogue. Même
le thème de l'opposition et l'exécution de ceux qui militent
contre le régime est abordé. Certes, juste comme ça,
l'air de rien. Mais c'est écrit quand même. L'autrice nous
parle aussi d'amitié, dans toute la première partie du roman,
puis d'amour qui évince le temps de l'amitié. Mais tout
reprendra sa place, à n'en pas douter. Les derniers mots du roman
"Il pleuvait"
nous le font pressentir. La pluie en Iran est signe de renouveau, renaissance
; elle lave ce qui doit l'être. C'est un roman subtil où
une femme iranienne, divorcée, hésite à se remarier
avec l'homme gentil et attentionné, dont elle s'est éprise.
D'autant que son entourage lui fait durement payer le changement que cela
va irrémédiablement apporter à leur équilibre.
Avec les interrogations et angoisses que cette nouvelle situation aura
pour elle, femme indépendante, autonome, qui porte à bout
de bras son monde. C'est un beau personnage de femme. En Iran, ces inquiétudes
de femmes, jeunes, comme moins jeunes, sont importantes. Une fois mariée,
l'époux ne se transformera-t-il pas en diktat alors qu'elles ont
eu le temps de savourer leur indépendance ? La beauté des
serrures parle de l'artisanat iranien traditionnel (les serrures ont longtemps
été fabriquées à la main avec des motifs complexes
et esthétiques) évoque la richesse de la culture iranienne
passée. Sans compter que cela peut symboliser à la fois
la protection de l'homme envers la femme et l'enfermement de celle-ci
par l'homme. Donc oui, définitivement, ce roman est bien un roman
iranien, écrit par une autrice iranienne, dans une société
en mutation, où la liberté de la femme reste à conquérir.
Il n'est pas écrit pour faire une leçon de choses aux occidentaux.
Ce n'est pas un essai sociologique. C'est un roman qui porte sur les relations
interpersonnelles où l'autrice m'a fait ressentir des émotions,
des souvenirs, m'a fait sourire. Sa prose est subtile et nuancée.
Je l'ouvre aux ¾. Je viens de découvrir que j'avais également
dans ma bibliothèque un autre roman d'elle : C'est
moi qui éteins les lumières. Je vais le lire tout
de suite pour rester encore un peu en Iran.
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ZOYÂ PIRZÂD et ses PUBLICATIONS |
Née
en 1952 à Abadan
dun père iranien dorigine russe et dune mère
arménienne, mariée et mère de deux garçons,
Zoyâ Pirzâd
débute sa carrière littéraire après la Révolution
de 1979.
Outre son uvre de fiction, elle a aussi fait des traductions, dont
celles d'Alice au pays des merveilles ou de poèmes japonais.
Les publications de
Zoyâ Pirzâd
Deux recueils de nouvelles et trois romans sont tous publiés aux
éditions Zulma,
certains repris en Livre
de poche :
- 1991 (en Iran) : Comme
tous les après-midi, 18 nouvelles, Zulma, 2007
- 1997 (en Iran) : Le
Goût âpre des kakis, 5 nouvelles, 2009, Prix Courrier
international du meilleur livre étranger 2009 ; deux nouvelles
sont également publiées à part, en numérique :
"L'appartement"
et "Le
Père-Lachaise".
- 1998 (en Iran) : Un
jour avant Pâques, roman, 2008
- 2001 (en Iran) : C'est
moi qui éteins les lumières, roman, 2011 ; obtient
quatre récompenses en Iran, dont celle du meilleur livre de lannée
; gros succès en Iran.
- 2004 (en Iran) : On
s'y fera, roman, 2007.
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Pour avoir un éventail de l'uvre
de Zoyâ
Pirzâd, on peut lire :
- le livre programmé : cinq longues nouvelles (Le
Goût âpre des kakis)
- un recueil assez court de 18 micro-nouvelles (Comme
tous les après-midi)
- et un roman (C'est
moi qui éteins les lumières, par exemple).
Le traducteur
Christophe Balaÿ a été
professeur de langue et littérature persanes de 1989 à 2014
à lInstitut National des Langues et Civilisations Orientales
("Langues O").
Il a dirigé lInstitut français
de recherche en Iran à Téhéran, de 1998 à
2003.
Il a publié plusieurs ouvrages sur lhistoire de la littérature
persane, par exemple La
genère du roman persan moderne ou Aux
sources de la nouvelle persane.
Et a traduit de nombreux écrivains iraniens contemporains et tous
les livres de Zoyâ Pirzâd.
LE CONTEXTE IRANIEN : politique et littéraire |
La révolution iranienne
Également appelée révolution islamique ou révolution
de 1979, a transformé l'Iran en république
islamique, renversant l'État impérial d'Iran.
L'ayatollah Khomeiny, après son exil de Neauphle-le-Château,
revient à Téhéran prendre le pouvoir.
La guerre Iran-Irak (1980-1988) a fait environ 800 000 morts et a
énormément marqué la vie iranienne.
La situation des
femmes
Les conséquences du régime islamique sont très contraignantes
: port du voile, âge du mariage, possibilité de divorce,
polygamie, adultère, éducation... voir le
détail ici.
L'impact du régime sur
la littérature
Il s'exerce par la censure : chaque livre
avant impression devant obtenir l'autorisation de publication, les maisons
d'édition par conséquent examinent minutieusement chaque
ouvrage. Par conséquent, les romanciers iraniens évitent
les sujets risqués (politiques) et les scènes problématiques
: par exemple, les détails d'une relation intime n'ont pas de place
dans le roman iranien.
La
littérature persane
- L'Iran est renommé pour sa poésie,
qui peut être épique, historique, philosophique, amoureuse,
mystique...
Les poètes Saadi
(1210-1292), Hafez
(1325-1389) et Rûmi
(1207-1273) sont révérés.
Goethe,
que nous avons lu il y a quelques semaines, découvrit Hafez l'auteur
du Divan, à 65 ans et, inspiré de sa poésie
persane à thèmes soufis, écrivit Le Divan occidental-oriental
(en
ligne ici).
- Le
roman est un genre importé d'Europe, et tout particulièrement
de France : les premiers romans persans paraissent au début du
XXe siècle. Les premières nouvelles sont publiées
en 1921. La nouvelle se développe
râce aux revues littéraires.
Le classique iranien évoqué dans
la nouvelle "Le Père-Lachaise" est La
chouette aveugle, publié en 1936 par Sadegh Hedayat,
considéré comme l'un des plus grands écrivains de
l'Iran moderne : on lui doit pour la première fois une véritable
écriture romanesque. Ce n'est pas une fiction, il est bien enterré
au cimetière du Père-Lachaise... (voir
précisions et images ici).
Des écrivaines
iraniennes
- Des poétesses célèbres
: Fatemeh (1817-1852),
appelée aussi Tâhereh la Pure,
Parvin Etesâmi (1907-1941),
Forough Farrokhzad (1935-1967).
- La première romancière : Simine
Daneshvar publie en 1969 le premier roman dont à la
fois l'auteur, le narrateur et le personnage principal sont... une femme.
- Une héroïne des lettres : Shahrnoush
Parsipour, née en 1946, emprisonnée quatre fois durant
plus de cinq ans, a une uvre remarquable, avec 10 romans, des nouvelles,
des Mémoires de prison.
- Relevant du témoignage plus que de
la littérature, voici d'autres livres de femmes sur l'Iran,
dont certains furent des best-sellers ; aucun n'est écrit en persan,
aucun par une femme vivant en Iran (contrairement à Zoyâ
Pirzâd) :
- Persepolis (2000) de Marjane Satrapi, franco-iranienne vivant à Paris : elle a adapté Persepolis, BD autobiographique, à l'écran.
- Désorientale (2016) de Négar Djavadi, scénariste, réalisatrice et écrivaine franco-iranienne, vivant à Paris.
- Lire Lolita à Téhéran (2003) de Azar Nafisi, professeure, romancière iranienne exilée, devenue américaine.
- Vivre et mentir à Téhéran (2014) de Ramita Navai, journaliste anglo-iranienne vivant à Londres.
- Jamais sans ma fille (1988) de Betty Mahmoody, américaine, connue surtout pour ce livre et sa lutte pour les droits des enfants.
Pour des détails sur le contexte littéraire iranien, voir ICI.
Cliché
de femme iranienne chez un poète français
Vous aimez le kitch ? Vous aimerez, de Leconte de Lisle, "Les
roses d'Ispahan"...
ARTICLES au sujet de Zoyâ Pirzâd |
"Le
Goût âpre des kakis", de Zoyâ Pirzâd : des
kakis en guise de chaînon manquant, Nils
C. Ahl, Le Monde, 18 juin 2009.
Vu
d'Iran. Hommes, femmes, rendez-vous manqués, Hassan
Mahmoudi, Courrier international, 22 octobre 2009.
Scènes
de la vie de couple en Iran, Xavier Lapeyroux, Le Monde diplomatique,
novembre 2009.
Le
jeu des identités : mère, grand mère, fille, femme
divorcée, femme au foyer ou femme indépendante dans les
textes de Zoyâ Pirzâd, Katâyoun
Vaziri, La Revue de Téhéran (mensuel iranien consacré
à la culture et aux traditions iraniennes en langue française),
n° 83, octobre 2012.
L'alchimie
délicate de la littérature persane. PORTRAIT. Les petits
riens de Zoyâ Pirzâd, Agnès Rotivel, La Croix,
7 mai 2015 ("Je ne suis pas une personne politique, la seule chose
qui m'intéresse ce sont les gens.")
Mal-être persan, David Fontaine,
Le Canard enchaîné, 8 juillet 2009.
"Proust
en voisin nous rejoint", Courrier international, 30 juillet-19
août 2015 : Zoyâ Pirzâd envoie
une carte postale
du Père Lachaise (voir la nouvelle "Le
Père-Lachaise").
INTERVIEWS de Zoyâ Pirzâd |
Rencontre : Zoyâ Pirzâd : "Les mots dépendent des personnages", Le Monde, 18 juin 2009, propos recueillis par Nils C. Ahl :
"Les cinq textes correspondent à cinq façons différentes de considérer une même expérience à travers des personnages autonomes. Elle voulait cinq tons, cinq registres de langue sans rapport entre eux."
Portrait : Zoyâ Pirzâd ou lécriture fragmentée Lucie Geffroy, L'Orient Littéraire, novembre 2009 :
"Ma mère, Arménienne à 100 %, a épousé un musulman et est devenue musulmane. À lécole arménienne, on me regardait de travers parce que mon nom ne finissait pas en ian."
"Jai la hantise dennuyer le lecteur, si un de mes personnages parle trop, je lui rabats le caquet sans états dâme."
Interview vidéo sur le site de la Librairie Mollat, 22 juillet 2011, 5 min : très intéressante, elle explique ses influences, son intérêt pour les femmes ("Les femmes sont plus intéressantes que les hommes"), l'universalité des réactions...
Entretien par Naghmeh Tarjoman Porshkoh, réalisé le 24 juillet 2015 pour sa thèse soutenue en 2018, dont voici quelques extraits.
La censure
Zoyâ Pirzâd : "Cette question n'a jamais changé ma manière d'écrire. J'écris pour moi-même et même au moment d'écrire, je ne pense jamais au fait que mon oeuvre est publiable ou pas. Si le livre obtient son droit de publication et est distribué, tant mieux ; sinon j'attends. (...) Mes oeuvres n'ont jamais subi la censure. Je tiens toujours ma parole. Je ne change jamais le récit que j'écris. Je préfère qu'il ne soit pas publié."Le lien vie/fiction
"Tout influence un auteur. Toute une vie, cette nappe, toi-même, même ton collier ! Moi, j'oublie tout, j'oublie le nom des gens, j'oublie tout. Je suis souvent dans la lune. Pourtant, c'est très bizarre, quand je me mets à écrire, le moindre détail ressurgit dans ma tête. Par exemple, il est possible que je me souvienne de ton collier et que je le mette au cou d'un personnage."
"Moi, je travaillais, à l'âge de dix-huit ans, dans une agence de voyages. [ ] Aussi ai-je créé un personnage qui travaille dans une agence de voyages. Dans la nouvelle "Père Lachaise", il existe un jeune couple dont la femme, Taraneh, travaille dans une agence de voyages. Effectivement, les gens t'influencent. Globalement, la vie, cet arbre, cet endroit t'influencent au moment de l'écriture."Une écriture féminine ?
"À mon avis, cette question n'a pas d'importance. Tout dépend de qui tu es et de ta manière d'écrire. Par exemple, Balzac était un homme, pourtant il portait beaucoup d'attention aux détails des couleurs. Certainement, il existe des différences entre homme et femme, mais peu importe quelle est la différence. Un livre est bien écrit ou mal écrit. Peu importe qu'il soit rédigé par un homme ou par une femme."Le féminisme
"Certains pensent quil faut écrire de la littérature féministe pour libérer des femmes ! Moi, je n'y crois pas ! Au contraire, à mon avis, il faut écrire au sujet de la vie ordinaire de femmes normales. Des femmes qui ne sont pas Jeanne d'Arc. C'est beaucoup plus efficace."L'écriture : la non-description
"Tu peux rencontrer quelqu'un qui t'influence, au bout d'un certain temps tu peux complètement oublier son visage mais sa personnalité et son caractère resteront gravés dans ton esprit".
La création du personnage ressemble à une esquisse : "Je présente l'idée générale puis chaque lecteur le dessine selon son goût. Il n'est pas nécessaire de préciser tous les détails. Moi, je me limite à certaines particularités générales comme la couleur des yeux ou la forme des cheveux et c'est tout."
Entretien dans Courrier international, 3 novembre 2009
Le prix Courrier international du meilleur livre
étranger a couronné cette année l'écrivaine
iranienne Zoyâ Pirzâd pour son recueil de nouvelles Le
Goût âpre des kakis, paru aux éditions Zulma. Entretien
avec cette auteure qui occupe une place atypique dans la littérature
persane.
Vous venez de recevoir le prix Courrier international
pour Le
Goût âpre des kakis et vous avez également
reçu de nombreuses récompenses en Iran, notamment pour votre
dernier roman C'est
moi qui éteins les lumières (à paraître
en 2011 aux éditions Zulma). Est-ce très important pour
vous de voir vos uvres diffusées à l'étranger
et récompensées par des prix ?
Zôya Pirzâd : C'est un véritable encouragement
de voir que mon travail est reconnu, que des gens l'ont lu et aimé.
C'est pour cette raison que cela m'a fait plaisir de recevoir le prix
Courrier international. J'aime quand des gens viennent me voir
pour me parler des livres, ou quand je lis des commentaires sur des blogs.
Mais je n'aime pas trop m'asseoir avec des intellectuels pour parler littérature.
Je n'ai pas vraiment le sentiment de faire partie d'une lignée
ou d'un groupe d'auteurs iraniens, parce que le genre de la nouvelle et
ma manière d'écrire sont totalement
différents de ce qui s'est fait et se fait en Iran. Je pense qu'être
un écrivain c'est tout simplement écrire. L'autre volet
du métier, le contact avec les lecteurs, est très intéressant.
Le lecteur ne ment pas, il a aimé ou pas !
Vos personnages principaux sont
souvent des femmes. La femme iranienne telle qu'on la découvre
à travers vos uvres semble coincée entre la pression
familiale, la nécessité de travailler et ses désirs
d'épanouissement personnel.
J'écris beaucoup sur les femmes car
elles sont au centre de mes préoccupations en ce moment. Le fait
que les femmes soient considérées comme forcément
dépendantes des hommes, c'est quelque chose qui me dérange.
En Iran, en Arménie, en Inde, dans beaucoup de pays de culture
non occidentale, la fille est d'abord, lorsqu'elle naît, la fille
de son père, puis elle est la femme de son mari, puis la mère
de son fils. Le sort de la femme est toujours lié à celui
d'un homme. Voilà ce que la société attend des femmes :
travailler à la maison, se marier, puis avoir des enfants. C'était
le cas en France il y a une cinquantaine d'années. Néanmoins,
la situation a évolué en Iran. Les nouvelles du Goût
âpre des kakis reflètent largement la réalité,
à savoir que certaines femmes travaillent et que d'autres restent
à la maison, comme dans beaucoup de pays. La particularité
en Iran, c'est que la famille est encore très envahissante. Dans
mon roman On
s'y fera par exemple, on m'a souvent demandé comment il
était possible qu'Arezou, une femme de caractère, qui dirige
une entreprise et qui a des hommes sous ses ordres, soit si soumise aux
exigences de sa mère et de sa fille. Beaucoup m'ont dit que cela
n'était pas crédible. Mais la relation mère-fille
est vraiment spéciale, et on en a une double preuve dans ce roman.
On voit beaucoup de femmes très fortes aux prises avec leur mère.
Elles sont coincées entre leurs obligations et leurs aspirations.
Arezou est obligé de travailler, de subvenir aux besoins de sa
famille, mais, dans son cur, elle veut être amoureuse, vivre
une vie simple.
Vous avez le sens du détail, une écriture très
minutieuse, et pourtant on ne sait pas grand-chose sur vos personnages.
Anton Tchekhov a dit que lorsqu'on décrit
une pièce au début d'un roman, si l'on parle d'un fusil
accroché à un mur, alors il faut que ce fusil revienne à
un moment donné de l'intrigue, qu'il ait un sens. On ne fait pas
une description de musée. Lorsque l'on décrit une maison,
on montre le caractère de son personnage. Si on trouve dans mes
nouvelles un appartement surchargé, où il y a par exemple
et un chauffage électrique et une cheminée, on sait que
l'on se trouve dans une famille de nouveaux riches de Téhéran.
Les choses ont davantage d'impact lorsqu'on les dit de manière
indirecte. Les personnages peuvent aussi donner des informations sur eux-mêmes
à travers les dialogues. Je pense que pour le lecteur c'est plus
intéressant. Je souhaite surtout qu'il ne s'ennuie pas. Pour moi,
c'est le plus important, car moi-même en tant que lectrice, si ça
ne m'intéresse pas, je me lasse très vite.
Vous dites vous inspirer beaucoup des films classiques
et vous avez une écriture très cinématographique,
où l'on peut même imaginer les gros plans.
Quand j'écris, je vois la scène
qui se déroule. Je veux que mon lecteur la voie aussi. Cela vient
sans doute aussi beaucoup du fait que mon écriture est fondée
sur l'observation. J'observe beaucoup, les gens qui me parlent ou quand
je fais la queue à la banque par exemple, et je saisis forcément
quelque chose. Lorsque j'écris, je me projette moi-même dans
la scène, c'est ainsi que cela fonctionne.
Votre écriture est très
simple, contrairement à ce qu'on peut lire dans la majorité
de la littérature persane.
Je pense que chaque écrivain écrit
comme il est. Moi-même je ne suis pas quelqu'un de trop compliqué,
c'est pour cela que j'écris comme ça ! Ce que je n'aime
pas dans la littérature iranienne, c'est que les personnages ne
parlent pas comme dans la vie quotidienne. Quand j'ai commencé
à écrire, les mots se sont présentés comme
ça, et je me suis dit oui, je suis proche de cette écriture,
c'est ma langue. Le dialogue est très important, surtout dans la
langue persane, il peut vite être d'un style très lourd.
Les auteurs iraniens tentent d'écrire en style direct ou indirect.
Moi, tout mon effort est de n'écrire ni en style direct ni indirect.
Autant que je peux, j'essaie de rapprocher la langue écrite de
l'oral. Mon obsession est de simplifier la langue. De plus, quand on écrit
une nouvelle, les mots doivent correspondre au cadre et au rythme de la
nouvelle. Dans la nouvelle "Le Goût âpre des kakis",
en persan, le rythme est totalement différent de celui de la nouvelle
"Les Taches". Pourquoi ? Parce que, dans "Le Goût
âpre", la femme est une aristocrate qui vit seule dans une
grande maison. Le temps passe lentement. Dans "Les Taches",
le rythme est très rapide, comme la vie d'un couple qui se délite.
C'est particulièrement frappant dans On
s'y fera. Lorsque j'ai écrit ce livre, on m'a dit : "Mais
étiez-vous si pressée de terminer ce livre ?" Je n'étais
pas pressée, je l'ai écrit au rythme de Téhéran,
très rapide de nos jours. Dans C'est
moi qui éteins les lumières, tout est très
lent, car Abadan [la ville natale de Zôya Pirzâd, dans le
sud-ouest de l'Iran], dans les années 1960, était une ville
très calme. Dans "Le Goût âpre", il y a des
mots ne sont jamais utilisés dans "Les Taches", parce
que cela ne correspond pas aux personnages. Je recherche la simplicité
et la justesse. Et c'est très difficile d'écrire simplement.
Dans votre roman
Un jour avant Pâques, vous situez la trame au sein de la
communauté arménienne. Vous êtes vous-même d'origine
arménienne. Comment conciliez-vous les cultures arménienne
et persane ?
La culture arménienne est très
différente. Les Arméniens vivent depuis quatre cents ans
en Iran mais ils ont conservé beaucoup de leur culture, même
s'ils ont emprunté beaucoup à la culture persane. Je possède
les deux cultures, et je suis confrontée aux problèmes qui
résultent de chacune d'elles. Les Arméniens sont très
chatouilleux sur leur langue et leur culture. Au début, je n'étais
pas favorable à cette forme d'intolérance. Moi-même
je l'ai subie. Ma mère, arménienne à 100 %, a épousé
un musulman. Cela a été très difficile pour elle,
sa famille l'a rejetée. Je me suis toujours fait importuner à
l'école arménienne, parce que mon nom ne finit pas en "ian".
Tant que je n'étais pas allée en Arménie, je n'avais
pas de proximité avec les Arméniens. En y allant, je me
suis rendu compte que si les Arméniens n'étaient pas comme
ça, ils n'existeraient plus. Dans Un
jour avant Pâques, c'est en quelque sorte de moi que je
parle même si l'histoire est fictive.
Dans vos livres, les personnages partent souvent
aux États-Unis ou en reviennent. Peut-on parler d'une fascination
iranienne pour les États-Unis ?
Les États-Unis ont un rôle très important pour les
Iraniens. Tout ce qui vient d'Amérique, la culture américaine,
exerce un grand attrait. Surtout depuis la révolution [islamique
de 1979], beaucoup veulent partir et vivre le rêve américain,
ils pensent que tous leurs problèmes vont s'arranger, ce qui n'est
souvent pas le cas, c'est même pire. En Iran, les gens qui vivent
aux États-Unis ou qui y vont régulièrement aiment
bien le montrer. Ils regardent les autres Iraniens avec une certaine condescendance.
Dans On
s'y fera, il y a une femme qui discute avec sa fille chez le coiffeur
et qui s'évertue à ponctuer ses phrases persanes de mots
anglais. Cette scène s'est réellement produite, je l'ai
mise telle quelle dans le livre ! C'est ce que nous appelons la culture
losangelesi [de Los Angeles, où vit une très importante
communauté iranienne]. Un jour, une Iranienne naturalisée
américaine m'a dit : "Je suis tellement fière de mon
passeport américain !" Je lui ai répondu que, de mon
côté, j'étais très fière de mon passeport
iranien. Je ne suis jamais allée aux Etats-Unis et je n'ai pas
du tout envie d'y aller !
Propos recueillis par Hamdam Mostafavi
Courrier
international, 3 novembre 2009
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
||||
à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
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