Gallimard, coll. Blanche, 1991
"Il poussa la porte qui donnait sur
la balustrade et le jardin de derrière et il vit soudain l'ombre
de sa femme morte qui se tenait à ses côtés. Ils marchèrent
sur la pelouse.
Quatrième de couverture : Le violiste Marin Marais, au crépuscule
de sa vie, se souvient de son maître, Sainte Colombe. Janséniste
austère et intransigeant, Monsieur de Sainte Colombe cherche la
perfection en tout. À ses côtés, le jeune Marin Marais
apprend la viole de gambe bien sûr, mais aussi l'amour avec Madeleine. Dans Folioplus classiques, le texte intégral,
enrichi d'une lecture d'image, écho pictural de l'uvre, est
suivi de sa mise en perspective :
"Il poussa la
porte qui donnait sur la balustrade et le jardin de derrière et
il vit soudain l'ombre de sa femme morte qui se tenait à ses côtés.
Ils marchèrent sur la pelouse. Exposition
à la BNF "Pascal
Quignard Fragments d'une écriture" du 30 septembre au
29 novembre 2020
|
Pascal Quignard (né en 1948)
|
|
Fanny (avis
transmis)
Il sera bref car je me rends compte que je n'ai pas grand chose à
en dire. J'ai aimé cette lecture dont le format s'apparente davantage
à une nouvelle. Je lui ai trouvé un charme un peu désuet
à l'unisson avec l'époque du roman.
J'avais déjà lu un roman de Quignard, mais je n'ai pas réussi
à retrouver le titre, je me rappelle que j'avais aimé le
style mais que le contenu était plus que sibyllin.
Malgré son caractère très entier, j'aime bien le
personnage de Sainte Colombe, et de manière un peu manichéenne
celui de Marin Marais m'est moins sympathique, de par ce qu'il représente
de son rapport aux fastes et au superficiel.
Je me suis surtout rendu compte que j'ai été tout au long
de ma lecture envahie par l'image de Marielle. Décidément
je me dis que le rôle était vraiment taillé sur mesure.
J'ai dû voir le film à sa sortie, je ne me rappelle plus
des autres prestations des acteurs, uniquement de Marielle et de la musique,
mais il m'a été impossible de détacher l'acteur du
récit. Je vais profiter de la rediffusion du film pour le regarder
cette semaine et comparer mes ressentis.
Bel échange à vous tous. Hâte de vous lire. Prenez
soin de vous.
Catherine(avis
transmis)
Ça sera bref. J'ai déjà ce livre, il y a pas mal
d'années, puisque c'était en 91, après avoir vu le
film d'Alain Corneau. Je n'avais lu le livre qu'après (alors que
je préfère nettement l'inverse). J'avais beaucoup aimé
ce film, surtout le personnage de Sainte Colombe (très bien joué
par Jean-Pierre Marielle) et, surtout, ce film m'avait fait découvrir
la viole de gambe et la musique de Marin Marais et de Sainte Colombe,
compositeurs que je ne connaissais pas. Je suis tombée sous le
charme de cette musique, que j'écoute depuis. La lecture du livre
m'évoque immédiatement le film, et la musique. Du coup je
l'ai beaucoup beaucoup aimé mais j'ai du mal à dissocier
l'ensemble. J'ai relu le livre, tout en écoutant la Rêveuse,
les Pleurs, le Tombeau des regrets... Je n'ai pas eu le temps de revoir
le film mais je le ferai.
Finalement, le livre est plutôt un scénario de film qu'autre
chose. Les personnages sont évoqués, mais on reste un peu
sur sa faim. De même, Port-Royal apparaît de façon
très fugitive, mais rien de plus n'est dit. On apprend en deux
lignes que Madeleine est enceinte et que son enfant est mort-né ;
un peu plus loin, elle se pend... On ne sait presque rien de Marin Marais.
Seul le personnage de Sainte Colombe est un peu plus étoffé ;
son amour pour son épouse défunte, amour qu'il a été
incapable d'exprimer de son vivant et qu'il exprime après sa mort
à travers sa musique, est assez émouvant. La musique tient
une place essentielle dans le livre (et le film) et il y a plusieurs beaux
passages à ce sujet.
Je l'ouvre aux 3/4 ou plutôt aux 2/3. Je suis très curieuse
d'avoir vos avis.
Annick L
J'ai une relation très personnelle
avec ce livre et avec Pascal Quignard dont j'ai suivi en 1973 un
cours à la fac de Vincennes, consacré à un poète
méconnu du XVIe siècle, Maurice
Scève, sur lequel il était en train d'écrire
un essai (publié en 1974). C'était un professeur remarquable,
à la fois d'une grande érudition, passionné de transmission
et d'une grande simplicité relationnelle. Il était aussi
musicien, spécialiste de musique baroque, et nous étions
allés assister à un concert avec quelques autres étudiants.
OH et AH très envieux...
20 ans plus tard, lorsque le film adapté
de ce film est sorti, ce souvenir a refait surface et je me suis plongée
dans son uvre : j'ai lu Tous les matins du monde et
deux ou trois autres romans de lui, avec un plaisir certain. J'apprécie
beaucoup cet écrivain.
En tout cas j'ai aimé Tous les matins du monde pour son
écriture singulière, très dépouillée
et très charnelle en même temps, suscitant l'évocation
immédiate de scènes et des personnages. Un vrai voyage dans
cette époque révolue et cette musique dont j'ignorais tout.
Ce n'est pas étonnant qu'il ait été adapté
au cinéma, de façon très réussie d'ailleurs !
J'ai été fascinée aussi par cette histoire de rivalité
entre les deux musiciens, le maître et son élève :
Monsieur de Sainte Colombe, veuf inconsolable, un janséniste excentrique
qui vit à l'écart du monde, plongé dans les affres
de la création et la quête d'une musique sublime ; face
à Marin Marais, un jeune virtuose fasciné par la musique
de Sainte Colombe, mais attiré aussi par les plaisirs de la vie
mondaine, un ambitieux qui veut intégrer l'orchestre de la Cour
royale. La scène où Marin Marais vient espionner son maître
en train de jouer dans le secret de sa cabane est assez mémorable
Quant au personnage de Sainte Colombe, il est, par certains côtés,
odieux (il sacrifie sur l'autel de la musique le bonheur de ses filles),
mais il est également touchant par l'amour qu'il voue à
son épouse défunte, au point de faire ressurgir son fantôme
à ses côtés. Une histoire étrange pour des
lecteurs contemporains qui pourront se sentir déphasés,
même si ce qui nous est raconté est intemporel : l'amour,
la mort et le deuil, la relation à l'art
J'étais donc très heureuse de relire ce livre mais, cette
fois, le charme n'a pas fonctionné : je suis restée à
distance.
J'ouvre aux ¾.
Monique L
J'avais lu ce livre il y a un certain temps après avoir vu le film
avec Jean-Pierre Marielle et Guillaume Depardieu. J'en avais gardé
un bon souvenir, mais le film restait plus présent à ma
mémoire. Je l'ai donc relu pour pouvoir en parler ce soir. Je l'ai
relu avec plaisir, mais les images du film sont encore trop présentes.
C'est assez étrange car c'est un phénomène que je
n'ai pas souvenir d'avoir déjà ressenti : ma lecture
est distraite par les images qui me reviennent.
C'est un éloge de la musique qui met en exergue l'exigence
et la rigueur nécessaires pour la servir au mieux. La musique est
une grâce, c'est un don. Marin Marais s'obstine à rechercher
désespérément ce qui fait que Sainte Colombe est
un virtuose, sans comprendre que tout ne réside pas seulement dans
la technique... Cela ne s'enseigne pas vraiment, ce qui fait vraiment
écho à mon expérience. Certains interprètes
jouent sans fautes musicales, mais ne font pas vraiment de la musique.
C'est aussi un éloge de l'amour inconditionnel au-delà de
la vie qui fait revenir le fantôme de l'être aimé.
J'ai trouvé cela très beau. Je trouve à ce livre
un charme suranné que j'ai apprécié.
Le bémol est le destin de la pauvre Madeleine.
Pascal Quignard aime les mots, la littérature, la musique, la peinture.
Il m'a fait découvrir les natures mortes du peintre Lubin Baugin.
L'écriture est très belle.
J'ouvre aux ¾.
Séverine V
J'ai eu l'impression de me retrouver des années en arrière
quand javais découvert le film au cinéma. Javais
tellement aimé ce film que javais acheté la cassette
de la BO qui doit encore être chez mes parents. Jétais
fan de cette musique ! Je ne connaissais pas alors le livre.
J'ai lu le livre et revu le film en même temps, et comme Fanny et
Monique, j'ai du mal à parler du livre, car je n'arrive pas à
dissocier la lecture du film, qui a une telle fidélité,
c'est comme si on écoutait le livre. Comme tu as dit Annick, le
style est simple, fluide : c'est sans doute pour cela que le film a si
bien marché car il était déjà bien écrit
pour raconter cette histoire en film.
À l'époque, Marin Marais mavait marquée et
maintenant je pense que cest Sainte Colombe qui a pour moi plus
d'intérêt. Le livre nous montre bien les deux visions de
lart : lart pour lart (avec Sainte Colombe) et lart
pour la reconnaissance (avec Marin Marais). C'est pour cela que Sainte
Colombe est attachant, il ne veut pas être célébré.
Le film avait raflé tous les Césars, il est vraiment très
beau.
Hormis le plaisir, j'ai du mal à en dire plus. J'ouvre à
moitié car le livre n'est quand même pas une découverte
littéraire. Et je pense que le film prend tellement le dessus quil
nest pas simple de juger le livre.
Sinon, j'avais aussi lu et vu Villa
Amalia (adapté de Villa
Amalia), film de Benoît Jacquot avec Isabelle Huppert. Cest
un style totalement différent. Ce livre ma plus marquée,
le personnage principal est très intéressant.
Annick A
C'est un livre dont le sujet principal porte sur la musique et la passion
qu'elle suscite.
Le film qui en a été tiré est magnifique, mais dans
le livre l'auteur ne sait pas nous faire entendre cette musique. La vie
des personnages est centrée sur la création musicale et
sur l'émotion qu'elle provoque en eux, mais cette émotion
on ne la ressent pas. Les personnages sont sans relief. Sainte Colombe
est un homme violent replié sur lui-même, peu intéressé
par les autres. Il s'enferme dans sa douleur aux dépens de ses
filles. La relation qu'il établit avec le fantôme de sa femme
m'a agacée. Marin Marais est davantage dans la vie et se sert de
ses dons musicaux pour s'élever socialement. C'est un libertin.
La vie amoureuse de Madeleine et Toinette est assez banale.
Je n'aime pas non plus l'écriture que je trouve fade. Bref je n'ai
pas aimé ce livre. Seule exception, le chapitre 12, lorsque Sainte
Colombe va voir le peintre. Il initie alors son élève à
la musique des bruits journaliers et là j'avais réellement
l'impression de les entendre. :
"Écoutez le son que rend le pinceau de Monsieur Baguin."
Ils fermèrent les yeux et ils l'écoutèrent peindre. Puis Monsieur de Sainte-Colombe dit :
"Vous avez appris la technique de l'archet." (p. 61)Ou encore :
Monsieur de Sainte Colombe arrêta son disciple en lui prenant le bras : devant eux un petit garçon avait descendu ses chausses et pissait en faisant un trou dans la neige. Le bruit de l'urine chaude crevant la neige se mêlait au bruit des cristaux de la neige qui fondaient à mesure. Sainte Colombe tenait une fois encore le doigt sur ses lèvres.
"Vous avez appris le détaché des ornements, dit-il.
- C'est aussi une descente chromatique", rétorqua Monsieur Marin Marais. (p. 63)
J'ouvre ¼ pour ce passage-là.
(Annick nous montre ce livre à lécran)
La
nuit sexuelle est un livre
magnifique, très érudit, avec une approche psychanalytique.
Ainsi présente-t-il trois nuits : avant la naissance, c'est
la nuit utérine ; une fois nés, c'est la nuit terrestre
; enfin, après la mort l'âme se décompose dans une
troisième sorte de nuit.
Danièle
J'ai beaucoup aimé ce livre, sans toujours savoir pourquoi. J'ai
bien sûr été sensible tout d'abord, comme Annick A,
aux passages sur la musique, qui surgissent, dès la page 58, en
fin de chapitre XI. Monsieur de Sainte Colombe et Marin Marais, marchent
dans la tourmente. Sainte Colombe lui fait signe de se taire, puis dit
: "Vous entendez, Monsieur,
comment se détache l'aria sur la basse ?". Cette
remarque inattendue, en fin de chapitre, m'a plongée dans le ravissement.
Rare privilège que d'entendre de la musique dans les sons ordinaires
qui nous entourent ! Ce festival continue dans le chapitre suivant,
y compris le son du pinceau sur la toile, assimilé à un
coup d'archet sur les cordes du violon, ou de l'urine qui troue la neige...
En fait tout est musique pour Sainte Colombe et la musique est tout pour
lui.
Mais pour autant, je ne crois pas que le livre se limite à nous
faire entrer dans l'univers de la musique. Il s'agit d'entrer dans une
souffrance, de faire entrer dans la naissance d'une émotion. Par
le thème de la musique, certes, mais aussi par l'écriture.
Avec une certaine économie de moyens Pascal Quignard montre un
être plein de pudeur, par exemple en choisissant de clore le chapitre
XV par ces paroles : "Je
ne sais comment vous dire, Madame. Douze ans ont passé, mais les
draps de votre lit ne sont pas encore froids". Lors de
la visite au peintre Baugin, on pourrait croire en apparence que Sainte
Colombe et Marin Marais arrivent à communiquer par la musique,
mais on comprend par cette seule phrase : "Monsieur
de Sainte Colombe haussa les épaules" que, non,
Marin Marais n'est pas jugé digne d'être l'élève
de Sainte Colombe. Les phrases simples sujet-verbe-complément -
exactement ce qu'on nous déconseillait de faire à l'école
- ont un effet étonnant. Elles ont du poids, de la résonance.
J'ai lu le livre deux fois, et, décidément, à la
relecture, j'ai ressenti encore davantage cette impression, et même
dès la première phrase du livre : "Au
printemps de 1650, Madame de Sainte Colombe mourut". En
fait, nous ne le savons pas encore, mais tout est dit. On a l'impression
de quelque chose d'important, non pas au niveau du quotidien, mais au
niveau de l'être au monde. J'imagine que Pascal Quignard procède
à une épuration constante de son écriture pour parvenir
à la simplicité et à ce poids. Et en même temps
son érudition, que l'on retrouve dans toute son uvre, se
fait sentir ici aussi, au hasard d'un imparfait du subjonctif ou d'un
mot suranné, et dans le choix même du sujet, des personnages
et de l'époque. Il n'est pas étonnant que le film y ait
puisé ces magnifiques images inspirées de la peinture de
Baugin, sur fond de musique baroque, bien sûr.
On trouve aussi ces aphorismes qui émailleront toute son uvre.
P. 46 : "vous faites
de la musique, Monsieur, vous n'êtes pas musicien !"
ou "ils l'écoutèrent
peindre" ou encore : "qu'est-ce
qu'un instrument, ce n'est pas la musique ! ".
Quignard sait montrer aussi la souffrance de Sainte Colombe quand elle
se dévoile dans ses accès de colère. J'irais jusqu'à
dire que c'est un côté attachant de ce personnage taiseux
et devenu misanthrope depuis la mort de sa femme. Il refuse les paillettes
de la Cour. Comment le lui reprocher ?
J'ai été étonnée par la fin optimiste du roman,
plutôt sombre dans le fond. Et je constate que je n'ai pas parlé
des autres personnages du roman, emportée par la personnalité
de Monsieur de Colombes et l'écriture de Monsieur Pascal Quignard.
Après réflexion, j'ouvre en entier.
Manuel
J'ai vu le film 5 ou 6 fois. J'ai le DVD qui a un bonus très intéressant.
Jordi Savall explique comment Marielle jouait face à lui
; quant à Depardieu qui joue de la guitare, il n'a pas eu de difficulté
à jouer. Ils ne savaient pas qu'ils auraient tant de succès.
Christelle
Comment se fait-il que le livre et le film soient sortis la même
année ?
Manuel
Corneau a fait une sorte de commande à Quignard, ce qui explique
que le livre et le film soient si proches (voir
un extrait du bonus).
Claire
J'ai cru comprendre que La
leçon de musique contenait le livre en germe.
Manuel
En effet. J'ai regretté qu'il n'y ait pas de neige dans le film.
Claire
L'important est qu'il fait quand même pipi, pour qu'on entende la
musique pissante...
Manuel
J'avais
l'édition avec dossier et les éclairages sur le jansénisme
m'ont beaucoup intéressé. J'ai mieux compris en quoi s'opposent
Marin Marais (la cour) et Monsieur de Sainte Colombe (hors de la cour).
La musique m'apparaît un peu instrumentalisée. Sainte Colombe
refuse de servir le pouvoir par la musique.
J'ai beaucoup aimé les apparitions de sa femme, avec ce regret
de n'avoir pas été présent lors de sa mort, et le
pardon qu'elle lui adresse en apparaissant.
Il y a aussi une autre dualité, celle des deux surs :
Madeleine plus proche du père et de la mort, Toinette plus près
du pouvoir et de la vie.
L'écriture ne m'a pas gênée, j'ai aimé ses
phrases courtes, simples, qui m'ont fait penser à Annie Ernaux.
D'ailleurs Marin Marais est un transfuge de classe, fils de cordonnier.
Le livre est très riche, complémentaire du film. J'ai davantage
aimé Sainte Colombe dans le livre, Marielle le surjoue.
J'ouvre aux ¾.
Etienne
Je suis le premier à n'avoir pas vu le film. J'ai énormément
aimé. Je remercie qui l'a proposé car c'est un gros coup
de cur.
Les ressemblances, la parenté avec Annie Ernaux, est troublante.
C'est brut, sobre à la fois, une écriture pleine de mystère.
Et ce flirt avec le surnaturel. Merci pour la référence
au jansénisme qui est éclairante.
Contrairement à Annick et Danièle, ce qui domine pour moi
n'est pas la musique, mais les hommes qui vivent pour la musique, la façon
dont ils la vivent.
Je n'ai pas beaucoup de choses à dire, je l'ai lu hier, sans avoir
le temps de laisser décanter ma lecture.
J'ouvre en grand et je relirai des Quignard.
Claire, entreet
J'avais lu ce livre en 2014 choisi lors des 10 ans de Voix au chapitre-Morbihan
et je faisais partie de l'unanimité positive, constaté-je
en regardant le compte rendu.
Lorsque ce livre a été programmé, je n'étais
pas du tout - in petto - emballée. Bon un petit livre, ça
c'est chouette.
J'ai été vraiment charmée, par la langue, par l'univers
délicatement reconstitué, je l'ai lu d'une traite et me
suis interrompue aux trois quarts pour le finir quelques jours plus tard
: le charme était rompu, ça m'a semblé poussif, un
conte pour enfants pas plus pas moins. Un bonbon rassis. Je ne sais pas
comment l'ouvrir, entre ¼ et ¾.
J'ai revu le film, y est beaucoup aimé les scènes avec décor :
architecture, nature, intérieurs d'époque. La musique crincrin
m'a barbée et j'ai avancé dans le film qui m'ennuyait un
peu pour voir comment les scènes étaient traitées.
Richard
Je nai pas encore vu le film, c'est peut-être pour cela que
mon avis est moins positif que les vôtres. Le livre est facile à
lire, avec ses phrases courtes. Cest un petit livre qui laisse penser
que lauteur ne souhaite pas entrer dans lexamen des personnages.
Je suis frustré quand il sagit de la musique, frustré
que ne soit pas développée la différence entre ce
qui est musique et ce qui ne l'est pas. Du fait de la brièveté,
les personnages sont assez plats : il leur arrive des choses qui peuvent
engendrer des émotions, car on passe vite d'un état psychologique
d'un personnage à un autre événement, et la frustration
en découle ; je reste sur ma faim après cette suite d'événements.
Je me suis dit vers la fin : OK cest un conte, une nouvelle
qui n'est pas de notre temps ; est-ce que cela justifie leffort
de lecture ? Peut-être mon avis serait-il modifié par le
film ? Pour l'instant mon avis reste assez négatif. Jouvre
¼. Quand même... Je suis venu pour appréhender ce
que vous avez trouvé dans ce livre.
J'ajoute quelque chose qui n'a rien à voir : en tant quÉcossais,
je suis très content que le Booker
Prize revienne à un auteur écossais : Douglas Stuart,
pour son premier roman Shuggie
Bain qui se passe à Glasgow et sera certainement difficile
à traduire en raison de l'argot écossais, voire de Glasgow
même. Un livre qui devrait être très intéressant,
je vous dirai.
Christelle
J'avais vu le film il y a quelques années, j'ai lu le livre récemment,
j'ai revu le film hier soir. J'ai beaucoup apprécié les
deux. Le film dont je gardais un bon souvenir, ancien, ne m'a pas "gâché"
la lecture.
C'est en effet une écriture concise, très efficace. Même
si le livre est court, il y a beaucoup de formules qui restent : la phrase
contenant le titre ou bien quand il renvoie Marin Marais, en lui disant
que ce n'est pas de la musique, c'est une phrase qui marque, le dialogue
avec l'émissaire du roi...
Je n'ai pas ressenti la musique au centre ; c'est pour moi la passion
qui envahit tout et le rapport de l'art avec la souffrance : ce sont
les deux choses pesantes ; toute la maison, y compris les filles, vivent
à travers cette passion du père et, en même temps,
la vie a peu de place et la souffrance est palpable.
Le film enrichit la lecture, grâce à la musique et au jeu
des acteurs qui est fabuleux. Marin Marais, je le connaissais de nom,
sans détails, mais en lisant sa biographie, je ne suis pas sûre
qu'il soit aussi salaud qu'il apparaît dans le film qui donne l'impression
qu'il n'a pas de talent, qu'il est surtout opportuniste ; or il a
fait une grande carrière et laissé un nom et des uvres.
J'ai mis dans ma pile de livres à lire La
leçon de musique que j'ai à la maison et qui semble-t-il
a inspiré Tous les matins du monde, j'ai bien envie de me
replonger dans cet univers.
J'ouvre aux ¾.
Jacqueline
Comme Danièle, j'aime beaucoup l'écriture de Pascal Quignard.
Sa langue est pour moi un enchantement, elle exerce une espèce
d'effet hypnotique et moi aussi je me suis demandé pourquoi :
parce qu'il me donne l'impression de retrouver les "petits classiques de mon enfance", avec une langue sobre et directe du 17e siècle, mais aussi la brièveté des résumés d'intrigue ?
parce qu'à travers sa simplicité et son apparente sécheresse, transparaît la richesse de ce qui sous-tend le récit, la sensibilité et la grande culture de Quignard ?
J'avais lu plusieurs de ses romans, j'ai été
très contente qu'il reçoive le Goncourt avec Les
Ombres errantes, qui m'avait beaucoup plu bien que j'étais
loin de tout comprendre. En le reprenant maintenant, je m'interroge sur
ce plaisir à lire quelque chose dont une grande partie m'échappe
mais qui, par la forme, pourrait s'apparenter aux Pensées
de Pascal, la transcendance s'y trouvant dans la littérature...
J'avais gardé du film Tous les matins du monde l'image poignante
de quelqu'un qui noie son chagrin dans l'alcool et je reste fidèle
à cette interprétation rationaliste de l'histoire. Je ne
suis pas sûre de vouloir le revoir, bien que je me le rappelle comme
très émouvant et que j'en garde aussi le souvenir de très
belles images et d'éclairages évoquant la peinture du 17e
siècle.
J'avais lu, sans doute auparavant, le livre qui m'avait aussi beaucoup
émue et j'ai été très contente de le relire
en mesurant mieux son arrière-plan.
"Tous les matins du monde sont sans retour" : cette phrase
qui débute le chapitre 26 renvoie au titre du livre et tout le
récit me paraît une illustration du sentiment d'inéluctable
qui en fait la beauté.
La gaufrette à peine entamée, la disparition de Mme de Sainte
Colombe, la voix de Marin Marais qui change, son désir de ne pas
être cordonnier, le dessèchement de Madeleine, autant d'éléments
parmi d'autres qui illustrent la fragilité des choses. Ce livre
pourrait être une "vanité" comme le
tableau de Baugin visible au Louvre ou un exercice autour de ce tableau.
En même temps à la relecture, je découvre tout
un arrière-plan culturel et j'aimerais pouvoir l'approfondir :
une paraphrase de Britannicus pour illustrer ce qu'est une phrase musicale ;
un conte chinois repris sans qu'il en soit question (quand Yourcenar écrit Comment Wang Fô , elle garde le conte lui-même, la situation, le lieu ) en le transposant dans le Paris du 17e siècle
un tableau d'un peintre peu connu à partir duquel, le livre entier pourrait être le fruit d'un exercice...
le jansénisme qui imprègne tout le récit au travers du positionnement des personnages, des lieux proches de Port-Royal, des personnages réels cités
Tout cela dans une fiction où ce qui est raconté prend
un caractère de vérité
Par contre, ayant vu des mûriers dans les Cévennes, je doutais
fort que l'on puisse y construire une cabane sous laquelle se cacher !
J'ai appris depuis que cet arbre pouvait devenir très grand, qu'Olivier
de Serres l'avait bien introduit en France du temps de Sully et j'ai vu
des photos de mûriers dont les
branches étalées en plan horizontal auraient peut-être
pu supporter une petite cabane. Sans compter que ce détail figure
dans le récit
de Titon du Tillet écrit environ un siècle plus tard
et qui fournit une trame au récit de Quignard...
J'ouvre en grand
Laura
"Tous les matins du monde sont sans retour."
Curieux petit ouvrage d'une douceur infinie. Quignard a su m'emmener loin,
dès les premières pages, les premières lignes. Il
a su me faire voyager, sans fatigue aucune, ni lassitude qui aurait pu
pointer le bout de son nez. C'est une lecture qui arrive à point,
le début de l'hiver, c'est l'aurore d'une mélancolie judicieuse.
Dans quelques années, j'aurais certainement oublié l'histoire
de Monsieur de Sainte Colombe, mais après tout cela importe peu ;
il restera toujours ce sentiment langoureux, une insondable tristesse
peut-être, toujours inexprimable par le langage humain, que la musique,
seule, pourra partager et faire comprendre. Quignard, à travers
son style simple et limpide, presqu'enfantin (accusé bien rapidement
de ma part de trop simple), dépasse l'écriture elle-même.
Ce petit ouvrage n'est en rien qu'une juxtaposition de mots, il est un
sentiment profond à lui seul, un poème, une déclaration
d'amour. On pourrait parler, en jargon philosophique, de méta-écriture.
"Je ne sais comment dire, Madame. Douze ans ont passés
mais les draps de notre lit ne sont pas encore froids." (p. 80).
Qu'y a-t-il à dire de plus ? Aucune analyse ne semble nécessaire,
seul un cur qui souffre est susceptible d'effleurer la fragile harmonie
des termes. Auprès de Sainte Colombe, il semble presque doux de
mourir.
L'impression a donc été forte. Toutefois, il y a quelques
petits détails qui m'ont dérangée, mais qui ont rajouté
du charme à l'uvre. Par exemple : "le sexe épais
et poilu entre mes cuisses" (p. 43). J'ai été
étonnée et choquée, avec une seule question en tête
: "mais pourquoi ??" Ces détails tranchaient presque
trop avec la poésie de l'uvre. Pourtant, ils soulevaient
l'innocence de Marin Marais, homme totalement perdu et sans véritable
but.
Innocence, amour et souffrance, voilà comment je pourrais résumer
mon voyage dans cette uvre.
Grand ouvert.
Rozenn
Je vous préviens, je ne sais pas comment je louvre.
Annick L
C'est bien, tu ménages le suspense...
Rozenn
J'avais vu le film autrefois. À lépoque, on étaient
tous fans de cette musique. Le film m'avait plu. Je ne sais plus si j'avais
lu le livre.
Jai une grande réticence vis-à-vis de Quignard
(le bonhomme) sans savoir pourquoi. Peut-être me paraît-il
un peu vaniteux.
Je nai pas lu le livre, je l'ai écouté,
avec un peu de musique, cétait agréable, tellement
agréable que je me suis endormie à certains moments
Donc, j'ai des petits trous dans ma "lecture".
Cest très joli, ces phrases très simples avec un mot
quon nattend pas de temps en temps, qui étonne.
Je viens de voir le film ; je me suis dit c'est pas possible ils n'ont
pas pris Depardieu pour jouer Monsieur de Sainte Colombe ! Ça
c'est remis en place assez vite. Contrairement au livre, le film est à
la première personne, du point de vue de Marin Marais, et cest
très lourd par rapport au livre.
Dans le livre, cest délicat, suggéré, esquissé,
avec des paysages très doux comme dans le film, et avec des choses
tragiques : deux filles complètement abandonnées, des relations
entre elles deux abominables, dans une grande souffrance. Il y a une grande
souffrance dans une douceur exquise ; ça donne envie de donner
un coup de pied dans la fourmilière : regardez ce père malade
qui se complaît dans son chagrin et qui abandonne ses filles, c'est
trop facile. Marin Marais nest pas un goujat, mais un gamin.
Je ne sais pas comment jouvre : il faudrait que j'ouvre, je ferme,
jouvre, je ferme, j'ouvre, je ferme, j'ouvre, je ferme...
Geneviève
J'ai vu le film il y a longtemps, seul restait le souvenir de Guillaume
Depardieu et, donc, l'image de Marin Marais jeune. En lisant le livre,
c'est Sainte Colombe qui a focalisé mon attention : je me
suis représenté quelqu'un de sec.
Je l'ai lu facilement, rapidement. C'est très beau, bien écrit,
j'aime les écritures simples.
Par exemple, le début du chapitre 5 renvoie tout à fait
au conte : "Le
roi était mécontent de ne pas posséder Monsieur de
Sainte Colombe. Les courtisans continuaient de vanter ses improvisations
virtuoses. Le déplaisir de ne pas être obéi ajoutait
à l'impatience où se trouvait le roi de voir le musicien
jouer devant lui. Il renvoya Monsieur Caignet accompagné de l'abbé
Mathieu." Tout comme Le chat botté..., ça
fonctionne très bien.
Si la musique me restait aussi du film, là, c'est l'amour, ce qu'est
la vie, qui domine. L'allusion au jansénisme oppose au rapport
à la chair, à la réussite, au bonheur, la pureté
que recherche le jansénisme. Et c'est très fort qu'apparaît
la relation charnelle, et comme Laura, je ressens son irruption dans le
récit - jusqu'à évoquer la masturbation ; en opposition
à un monde épuré, la rivière... on a la chair,
les poils.
C'est très court, simple, très complémentaire du
film que je n'ai pas revu avant de lire le livre, car le film est écrasant.
Comme d'habitude, je suis très contente d'avoir lu le livre. J'ouvre
aux ¾, car il y a quelque chose de fugace, de fugitif...
Renée de Narbonne
Je suis une amoureuse de Quignard. Et mon idole est Marin Marais.
Quoi !? Il avait un maître ? Heureusement, c'est inventé
(à partir de personnages réels), ce qui m'a permis d'adorer
le livre sans réserve.
L'écriture est simple, mais recèle en fait une extrême
sophistication. Comme Jacqueline, j'aime aussi ne pas tout comprendre
et je succombe au charme.
Quant au film, tous les plans sont des tableaux, des natures mortes ;
il est baigné par une ambiance caravagesque, tout en clair-obscur.
Je pense que Corneau est féru de peinture et qu'il a volontairement
intégré des "tableaux" de Georges de la Tour ou
des Frères le Nain ou d'autres peintres que nous ne reconnaissons
pas. Et pour ce qui est de la musique, j'avais avant le film vu une dizaine
de fois Jordi Savall
qui est catalan (je suis catalane) : comme Obélix, je suis tombée
dans la marmite lorsque j'étais jeune, je ne sais même pas
pourquoi cette musique me prend aux tripes. Le film est une merveille,
les acteurs m'ont plu, je ne me suis même pas occupée de
l'histoire.
Les
6 cotes d'amour du nouveau groupe parisien
réuni le 27 novembre Anne-Marie Monique M Nathalie B Valérie Séverine G Olivier |
Séverine G
Habituellement je suis toujours déçue par les adaptations
d'un roman que j'ai préalablement lu. J'étais donc d'autant
plus intéressée de lire ce livre que cette fois j'en avais
vu au préalable, à deux reprises tant je l'avais aimée,
l'adaptation cinématographique d'Alain Corneau en 2007. Comme je
n'avais rien lu sur la genèse de ce film, ni du livre, avant de
le lire, j'ai été très surprise d'y retrouver le
découpage scénique quasiment identique, les dialogues, les
postures, dont je me souvenais assez bien ! Comme cet écrivain
avait une plume "cinématographique" ! Puis j'en ai su
la genèse et tout s'est évidemment éclairé !
La commande de Corneau, l'adaptation de Quignard d'un épisode de
son premier récit La
leçon de musique, les emprunts biographiques faits à
un certain Evrard Titon du Tillet sur la vie de Marin Marais et d'autres
musiciens du temps de Louis XIV
Que dire ? J'ai eu a postériori
l'impression d'une sorte de supercherie à nous présenter
ce récit comme un roman, alors qu'il s'agit plutôt d'une
sorte de scénario, de script. Que les effets "cinématographiques"
qu'on pourrait admirer chez un auteur lorsqu'ils ne sont pas sciemment
là pour le cinéma, sont de ce fait "étudiés
pour" et semblent de ce fait moins "littéraires",
moins "honnêtes" ? Ce serait peut-être aller
un peu loin, mais il y a de ça quand même
Disons que
j'ai retrouvé la magie et l'atmosphère du film, mais
rien de plus. Et cela m'a laissé un petit goût de frustration.
D'autant que du coup, la bande-son du film m'a énormément
manqué ! Néanmoins cette histoire m'a toujours autant
fascinée, l'intransigeance, la pureté janséniste
de Monsieur de Sainte Colombe, ses saillies et saintes colères
contre les mondains m'ont réjouie, le style épuré
et sobre de Quignard entrant magnifiquement en résonance avec l'âme
exigeante de son personnage. Tout en accompagnant parfaitement sa douce
folie née de sa profonde mélancolie. J'ai donc beaucoup
aimé ; mais je n'ouvre qu'aux ¾, pour les réserves
mises au procédé d'écriture "de commande"
un peu trop "visible".
Olivier
Je ne connaissais pas ou peu la musique de Marin Marais, n'ai pas vu le
film de Corneau, n'ai lu aucun des livres de Pascal Quignard. Je lis donc
un livre sans en connaître ni le contexte, ni le contenu, découvre
que c'est un tout petit livre. J'aime beaucoup le titre. Le livre ?
Est-ce vraiment un livre ? À mes yeux, c'est clairement un
script, car, renseignements pris, le livre est sorti en novembre 1991
et le film au même moment. Film et petit livre au même moment,
c'est un choix commercial qui a bien fonctionné. Le script se lit
en une heure et le film dure deux heures. Le film doit évidemment
permettre d'exprimer bien plus que ce petit livre, à commencer
par la musique (et grâce au jeu des plus grands acteurs français
de l'époque). Souvent c'est l'inverse, quand on lit un livre adapté
au cinéma, on regrette le livre qui dit beaucoup plus que le film !
Mais nous avons sélectionné TOUS LES MATINS DU MONDE
en tant que LIVRE... Est-ce le portrait d'un Maître ? Mais
non ! Un Maître est exigence, échange, bienveillance !
Ce Monsieur de Sainte Colombe ne devrait pas enseigner ! Il jette
à Marin : "Vous
faites de la musique, Monsieur, vous n'êtes pas musicien !"
Ce genre de formule ne me dit rien ni sur la musique, ni sur ce qu'est
ou ne serait pas un musicien. Cela montre que l'auteur n'est pas dans
la littérature, il est dans le script ! "Revenez
dans un mois, je vous dirai alors si vous avez assez de valeur pour que
je vous compte au nombre de mes élèves".
Un mois plus tard, Sainte Colombe accepte que Marin devienne son élève
: "Je vous garde pour
votre douleur, non pour votre art". Encore une formule !
Ou alors il faudrait expliquer, débattre, est-ce qu'il faut souffrir
pour créer ? De mon point de vue, la relation Maître-élève
fait partie des belles choses de la vie. Ici, quelle violence de cet homme
complètement perturbé ! Trop perturbé pour enseigner
(il brise l'instrument de son élève, on ne sait pas trop
pourquoi, car il a dit : "jouez,
jouez, jouez" et il se met en colère...) J'ai conscience
que l'ego de l'élève doit s'atténuer s'il veut apprendre.
Mais par l'admiration pour le Maître, pas par l'humiliation. Est-ce
un livre sur la musique ? L'auteur veut nous séduire avec
des trouvailles, du genre "Le
vent qui vient fouetter les visages", c'est, je cite :
"l'aria qui se détache
par rapport à la basse". Le son du pinceau sur
la toile... c'est : "vous
avez appris la technique de l'archet". L'urine chaude
crevant la neige : "vous
avez appris le détaché des ornements". Tout
cela à mes yeux "ne fait pas pipi loin". Monsieur de
Sainte Colombe "murmure" à l'oreille de Marin : "la
musique aussi est une langue humaine". Faut-il faire le
choix de murmurer à l'oreille de son élève pour dire
cette banalité ? Marin ose une question : "peut-être
la véritable musique est-elle liée au silence ?"
réponse : non. Pascal Quignard ne prend pas la peine de développer,
et il fait dire à Monsieur de Sainte Colombe, juste un "Non"
et "je vous donne mon
salut". Dommage ! C'est encore un beau sujet qui nous
passe sous le nez ! Et puis enfin LA confidence du Maître : "Quand
je tire mon archet, c'est un petit morceau de mon cur que je déchire".
Monsieur Pascal Quignard, n'auriez vous pas pu faire dire à Monsieur
de Sainte Colombe des choses plus profondes, moins égocentriques,
plus universelles, plus sublimes ? Le choix d'un tel personnage à
ce point irascible facilitait sans doute la tâche pour seulement
effleurer tous les sujets. À la fin du livre, Marin pose une série
de questions déterminantes (un vrai pot pourri !) ; Marin
demande si c'est la gloire ? Réponse : non. Le silence ? Non.
Les musiciens rivaux ? Non. L'amour ? Non. Le regret de l'amour ?
Non. L'abandon ? Non et non. On ne saura pas. Je trouve que toutes les
belles questions que le livre aurait pu aborder sont traitées avec
des procédés "gadget", des formules tape à
l'il. Il y a bien le style qui est simple et très agréable
à lire. Mais ce livre ne m'apporte rien, ne me dit rien. C'était
sans doute un bon script pour faire un bon film, lequel a fait plus de
deux millions d'entrées. Je ne l'ouvre pas. Mais j'ai enfin écouté
la musique de Marin Marais...
Valérie
Je suis en total désaccord avec Olivier. "Tous
les matins du monde sont sans retour". Cette phrase donne
la tonalité de l'écriture de ce magnifique petit livre.
Pascal Quignard est violoncelliste lui-même, celui lui confère-t-il
ce pouvoir presque magique de rendre et de donner tant d'émotions
à la musique ? Je le crois... "Que
recherchez-vous dans la musique ? Je cherche les regrets et les pleurs."
Le violoncelle ou la viole nous inspire la mélancolie, la fuite
du temps. On comprend que l'épouse morte de Monsieur de Sainte
Colombe lui apparaisse, jamais le fil ne s'est rompu entre eux. J'ai vu
bien sûr le film magnifique qui a été tiré
de ce livre avec l'interprétation époustouflante de Jean-Pierre
Marielle. Alors pour nous consoler de ces temps où il est impossible
d'aller écouter un bon concert, relisons Tous les matins du
monde, une fois encore... J'ouvre en grand.
Nathalie B
J'ai lu ce roman pour la première fois après avoir savouré
le film, en 1991, que j'avais trouvé très beau. La musique
avec la découverte de Marin Marais et l'image qui faisait référence
à certains tableaux de l'époque, notamment de Georges de
La Tour avec ses clairs-obscurs, m'avaient totalement séduite.
J'avais beaucoup aimé le roman, ayant encore viole et images en
tête. J'avais gardé en mémoire une écriture
musicale, qui se voulait le reflet de celle du 17ème siècle,
donc classique et pourtant bien de notre temps. J'ai trouvé le
roman totalement complet et n'ai pas été gênée
comme Olivier ou Séverine.
Question : 30 ans plus tard, ma lecture serait-elle la même ?
Eh bien en fait oui. Je ne peux pas lire ce livre sans avoir à
l'esprit images et musique de ce film que je n'ai pourtant vu qu'une fois.
La lecture de cette histoire qui fait resurgir le 17e siècle, des
personnages comme Marin Marais, mais aussi Jean de Sainte Colombe, célèbre
compositeur du 17e siècle puis oublié, nous fait entendre
une musique, pas seulement celle des musiciens que je viens de citer,
mais aussi celle de Quignard. Et c'est une musique que j'aime, sobre,
retenue et intense. Cette écriture précise qui nous conte,
avec en toile de fond le jansénisme, une époque qui n'est
plus, nous parle de musique, d'amour, d'âme, avec nostalgie. Ce
récit que l'on ne peut réduire à un simple scénario
m'a offert un très joli moment de lecture. Pour la deuxième
fois. J'ouvre en grand.
Monique M
"Tous les matins du
monde sont sans retour", nous dit Pascal Quignard dans
ce livre. Un livre entre rêve et réalité, entre la
chaleur de la vie et le froid de la mort, avec la musique comme une vibration
de l'âme, l'amour comme une nostalgie, un tombeau des regrets, un
torrent impétueux des sens. Ce voyage à rebours, au cur
du 17e siècle est un voyage magnifique. C'est avec une grande érudition
que l'auteur nous plonge dans l'époque. On y sent la force d'une
nature encore vierge, la douceur ou l'âpreté des saisons,
les murs du siècle : Monsieur de Sainte Colombe porte
parfois la fraise ; on entend le grincement des essieux des carrosses,
le fer des charrettes, le cliquetis des éperons sur les pavés
; on joue de la viole, du luth, de la théorbe ; les filles vont
à la chapelle, nettoient les statues, ôtent les toiles d'araignées,
disposent les fleurs ; leur précepteur, un janséniste, leur
apprend les lettres, les chiffres, l'Histoire sainte et les rudiments
de latin qui permettent de la comprendre. On évoque Lully, Couperin,
Champaigne, Baugin
Le style même de Pascal Quignard, le vocabulaire,
les tournures de phrases semblent être de l'époque : "Il
s'était retrouvé chez lui passé minuit. Sa femme
était déjà revêtue et entourée de cierges
et de larmes". La passion court dans les pages de ce livre
comme une exaspération des sens. Passion de la musique et passion
dans le cur des hommes. L'auteur porte un regard lucide sur l'humanité,
un regard où la beauté d'une voix qui se brise l'emporte
sur la virtuosité d'un jeu, où les personnages sont campés
dans leur force et leur faiblesse : l'exigence et la rigueur pour
Monsieur de Sainte Colombe, l'ambition de Marin Marais, la sensualité
de Toinette, la constance et l'intégrité de Madeleine, avec
la musique en trait d'union, qui les tient ensemble comme un envoûtement.
J'aime la force et le réalisme de ces personnages, y compris les
personnages annexes comme l'abbé Mathieu, valet de cour caressant
sa croix de diamants
Tous sont présentés par petites
touches, au cours d'un récit qui tient en haleine par son intrigue,
son imaginaire et son style à la prose fluide, vivante, élégante,
érudite, qui nous emporte, nous submerge, comme une vague, un océan
de poésie. Dans ce récit flotte la vie et la mort. Il y
a la Cour de Versailles et ses mondanités, et la vallée
de la Bièvre et son austérité, sa quête d'absolu,
sa créativité et son drame. C'est très bien construit,
très subtil, d'une grande sobriété ; les apparitions
de Madame de Sainte Colombe, comme un glissement dans l'espace, un souffle,
un effleurement des sens, un regret, sont d'une grande douceur :
"Donnez-moi plutôt
un peu de ce vin cuit
Oh Madame, pardonnez-moi !"
Superbe. Mais surtout on entend la musique, la musique comme un art sacré,
une communion avec les dieux, un chemin vers l'extase. L'âme de
Monsieur de Sainte Colombe s'est glissée dans sa viole, elle est
son seul moyen de communication, sa vie, son destin ; la cabane où
il joue en est le refuge ; la chapelle, il y compose ses plus beaux airs.
"La parole ne peut jamais
dire ce dont je veux parler ; voilà la cabane où je parle"
dit-il. Il fallait à ce voyage imaginaire une autre époque,
le 17e siècle ; un être hors du commun, Monsieur de Sainte
Colombe ; un art majeur, la musique baroque ; une spiritualité,
la musique encore, comme une immersion divine attirant la présence
fantomatique de Madame de Sainte Colombe ; une intrigue ou s'exprime le
tumulte des passions ; et surtout le talent, l'érudition,
l'écriture et la créativité de Pascal Quignard pour
faire de chaque chapitre de ce livre un véritable bijou et de ce
récit un petit chef-d'uvre littéraire que j'ouvre
en grand.
Anne-Marie
Je n'ai pas vu le film, et peut-être est-ce préférable
pour ne garder que la littérature. Je ne suis donc pas influencée
par le personnage à l'écran. En revanche, j'ai eu le tort
de lire l'avis de Monique et comme je m'y attendais un peu, elle a tout
dit, et magnifiquement. Que raconter après cela ? Moi aussi
j'ai aimé ce livre que j'interprète comme une histoire d'amour,
la musique sublimant l'amour. Sainte Colombe, cet homme terrible, entier,
se consume de chagrin et la mort de sa femme l'a rendu plus misanthrope
que jamais. Il déteste la cour, et tous ceux qui ont approché
le roi sont atteints de la même détestation farouche et violente,
car il est violent cet homme, qui sait pourtant tirer de sa viole des
sons qui imitent les inflexions de la voix humaine. Il vit hors du temps
et dans le souvenir de la femme aimée qu'il parvient à faire
revenir le temps de quelques apparitions alors qu'il joue pour elle. Finalement,
il ne vit plus que pour la musique qui envahit tout. Tout le reste est
accessoire, même si l'accessoire est raconté avec talent
et harmonie. J'ouvre en grand.
Notre dernière
séance s'est encore tenue en petit comité : Ana,
Manuela, Lourdes, José Luis et Nieves qui commente
ainsi : on peut dire qu'on se sent très bien ensemble
et on s'est bien réjoui en parlant de Tous les matins
du monde qu'on a bien aimé et qui nous a fait réfléchir
à propos de ce qu'on entend par créer, soit une pièce
de musique, soit un tableau, soit un roman...
Pour Manuela et Ana, le fait créateur implique toujours de la souffrance, autrement le produit créé est tout simplement une exhibition de technique... et on a été tous d'accord... Cette remarque nous a amenés à parler de ce qu'on entend par uvre d'art. Bref, un sujet difficile sur lequel on ne peut avoir que des impressions très floues... |
José-Luis apporte
son point de vue enthousiaste Nieves n'est pas en reste... Manuela non plus. |
José Luis
Quelle belle nouvelle - on en peut pas dire que nous soyons là,
dans ce récit d'à peine 70 pages, devant un roman - que
ce petit livre ! De la pure poésie, un peu à la manière
- même si, bien sûr, les thèmes et leur abordage sont
très différents, mais dans les deux cas la préoccupation
pour le choix des mots et le rythme de la phrase sont semblables - des
Petits poèmes en prose de Baudelaire. Dès les premières
lignes, on se sent immergé dans une atmosphère d'une grande
sérénité, dans un poussif appel d'air embaumé
de bonheur simple, sans que les événements douloureux et
tragiques qui émaillent le récit et la personnalité
rocheuse du protagoniste principal - de mentalité janséniste
-, n'enlèvent en rien le plaisir de vivre et de jouir de ces expériences
de lecture tellement merveilleuses. Contentons-nous d'un seule exemple,
un peu long peut-être, mais cela vaut la peine :
Le jour où l'humeur et le temps qu'il faisait lui en laissaient le loisir, il allait à sa barque et, accroché à la rive, dans son ruisseau, il rêvait. Sa barque était vieille et prenait ce l'eau [ ] La barque avait l'apparence d'une grande viole que Monsieur Pardoux aurait ouverte. Il aimait le balancement que donnait l'eau, le feuillage des branches des saules qui tombait sur son visage et le silence et l'attention des pêcheurs plus loin. Il songeait à sa femme, à l'entrain qu'elle mettait en toutes choses, aux conseils avisés qu'elle lui donnait quand elle les lui demandait, à ses hanches et à son grand ventre qui lui avait donné deux filles qui étaient devenues des femmes- Il écoutait les chevesnes et les goujons s'ébattre et rompre le silence d'un coup de queue ou bien au moyen de leurs petites bouches blanches qui s'ouvraient à la surface de l'eau pour manger l'air. L'été, quand il faisait très chaud, il faisait glisser ses chausses et ôtait sa chemise et pénétrait doucement ans l'eau fraîche jusqu'au col puis, en se bouchant avec les doigts les oreilles, y ensevelissait son visage.
"Tous les matins du monde sont sans retour", lit-on au début du XXVIe chapitre. Belle déclaration de principes que, pourtant, la réalité s'échine à démentir. Pour preuve : le retour, même imaginaire ou fantasmé - à plusieurs reprises dans le récit - de la femme morte du Monsieur de Sainte Colombe ; l'insistance de celui-ci à refuser jour après jour, au jeune Martin Marais le droit de devenir son disciple ; l'entêtement de ce dernier à profiter - même en cachette, au risque de sa santé et d'endurer la colère terrible de Sainte Colombe - des enseignements du maître ; et, à la fin du récit, la réconciliation inattendue entre les deux musiciens, où les deux trouvent chacun leur compte, pouvant se considérer, l'un et l'autre, vainqueurs du long et épuisant combat. La conversation, dans les toutes dernières pages du livre, entre Monsieur de Sainte Colombe et Monsieur Marais, qui clôt cette bataille jusqu'alors sans trêve, est un morceau anthologique dans lequel le lecteur ne peut éviter de se laisser entraîner et s'émouvoir jusqu'aux larmes et, du même coup, d'avoir l'impression de comprendre, ce ne soit qu'un petit peu, le mystère de la musique qui est, en fin de compte, le thème du livre.
Nieves
Que puis-je dire de cette nouvelle ? On y trouve beaucoup de poésie,
beaucoup de musique et des aspects plutôt philosophiques, comme
le lien trop fort et vraiment exceptionnel de Monsieur de Sainte Colombe
avec les émotions et les sonorités.
Ce récit est pour moi l'expression de ce que pour Pascal Quignard
représente la musique : ce n'est pas seulement interpréter
avec perfectionnement et talent une partition, il s'agit d'aller plus
loin, de faire que l'instrument dégage l'âme du musicien,
l'émotion ressentie au moment même de jouer. Ce n'est pas
facile de décrire cette fusion d'instrument-musicien chez M. de
Sainte Colombe avec la parole, mais il me semble que l'essentiel dans
cette nouvelle, c'est la confrontation de deux modèles d'exécution
du métier : le sien, celui du maître, qui refuse de s'exhiber
dans la Cour et de recevoir les honneurs mondains, vivant reclus à
la campagne avec ses deux filles et le fantôme de sa femme morte
depuis 12 ans, et celui de Martin Marais, jeune musicien attiré
par l'art du maître, mais que celui-ci refuse tout au long du récit
jusqu'à la dernière minute où il aperçoit
chez lui la capacité d'exprimer de véritables sentiments,
se posant alors la possibilité de planifier sa relève.
Sa façon de s'adresser à l'élève dévoile
même une certaine perversité, jusqu'au moment où il
reconnaît qu'il y a quelque chose qui lui plaît chez Monsieur
Marais :
Avez-vous un cur pour sentir ? Avez-vous un cerveau pour penser ? Avez-vous idée de ce à quoi peuvent servir les sons quand il ne s'agit plus de danser ni de réjouir les oreilles du roi ?
Cependant votre voix brisée m'a ému. Je vous garde pour votre douleur, non pour votre art.
C'est donc, un récit curieux, écrit avec une grande acuité,
fruit de quelqu'un qui veut nous dire comment la musique est une partie
indélébile de sa vie.
Manuela
Le lecteur se sent immédiatement séduit par ce musicien
misanthrope à qui rien n'importe sauf son art, ni la renommée
ni l'argent ; tout le gêne. Il est béni par un don, il le
sait, et ne voulant pas le gâcher, il consacre sa vie à créer
de la beauté. Marin Marais, l'autre personnage important du roman,
incarne, cependant, l'ambition et la persévérance, mais
ne possède pas le génie de son maître.
À mon avis, le sujet principal du récit, si bien sous-jacent,
est l'angoisse et la souffrance provoquées par l'acte de créer.
Parfois, cette frayeur est nécessaire et constitue une valeur pour
la création qui exige un travail dur et ingrat jusqu'à l'obtention
du chef-d'uvre que l'artiste poursuit. Mais la beauté, nous
la trouvons dans le texte lui-même, épuré, précieux
et empreint de poésie.
J'ai été particulièrement touchée par la manière
dont il amène le lecteur à imaginer les natures mortes qu'il
décrit si magistralement. C'est changer un art pour un autre, ou
comment raconter un tableau à un aveugle.
De la même façon, j'avoue que la dernière conversation
entre maître et élève m'a émue par sa profondeur,
sa beauté et son lyrisme.
J'ouvre en grand.
SUR
ET AUTOUR DE PASCAL QUIGNARD |
Le
film
d'Alain Corneau adapté du roman eut un grand succès (César du meilleur film en 1992) et contribua à la renaissance de la musique baroque. => Le film à louer 3,99€ ICI sur Arte. Un extrait de 4 min LÀ. |
Tous les matins du monde : fiction ou réalité historique
?
Le site Lettres volées fournit des documents très
intéressants et notamment une
reconstitution
chronologique : la biographie de Marin Marais par Pascal Quignard
est en partie inspirée de celle
d'Evrard Titon du Tillet, en partie imaginaire. D'où un savant
entrelacs de données historiques et de faits inventés mais
présentés comme historiques, selon l'habitude du romancier
érudit. En constatant l'impossibilité chronologique de certaines
rencontres et de certaines scènes, les spécialistes concluent
que le but de Quignard n'est pas "de ressusciter le passé"
mais que son travail consiste plutôt en "une invention du passé".
De la biographie Marin Marais à Tous les matins du monde,
voici un
cheminement de réécritures.
Tous les matins du monde et le jansénisme
Port-Royal et l'ambiance janséniste
sont clairement évoqués.
Voir le jansénisme dans Tous
les matins du monde : rappel
sur le jansénisme : le jansénisme dans le livre ; les personnages
jansénistes ; et dans le film.
Tous les matins du monde et la peinture
Dans le livre
"Il posa sur le tapis bleu clair qui recouvrait
la table où il dépliait son pupitre la carafe de vin garnie
de paille, le verre à vin à pied qu'il remplit, un plat
d'étain contenant quelques gaufrettes enroulées et il
joua le Tombeau des Regrets" (Folio, p. 36)
Le dessert de gaufrettes - Nature
morte à l'échiquier
Lubin Baugin (v. 1631), Musée
du Louvre
"Le peintre était occupé à peindre une table : un verre à moitié plein de vin rouge, un luth couché, un cahier de musique, une bourse de velours noir, des cartes à jouer dont la première était un valet de trèfle, un échiquier sur lequel étaient disposés un vase avec trois illets et un miroir octogonal contre le mur de l'atelier" (p. 60)
Dans le film
Le site Lettres volées
repère l'inspiration picturale dans le film,
avec la comparaison entre
des tableaux et des plans du film
et en particulier Le
Dessert aux gaufrettes et la
Nature morte à l'échiquier.
Le tableau
des gaufrettes
Dans le cadre du Printemps du baroque à lauditorium du Louvre,
Sophie Nauleau, écrivain et productrice radio, explore en une heure
le rôle de la nature morte Le
dessert de gaufrettes dans le roman de Pascal Quignard et dans
le film d'Alain Corneau (titre d'ailleurs discutable sur lequel elle revient...).
Peinture, littérature et cinéma sont ainsi convoqués :
quelle influence un tableau de musée peut bien avoir, à
des siècles de distance, sur l'imagination d'un romancier ? Comment
un cinéaste, donnant vie à l'inanimé, parvient à
en faire le décor d'une résurrection ?
Par ailleurs, docteure en littérature française et diplômée
de l'École du Louvre, Sophie Nauleau est l'auteure d'un récit
La
main d'oublies (Galilée, 2007) inspiré justement
par Le Dessert de gaufrettes de Lubin Baugin.
À ne pas manquer, donc, une vidéo passionnante à
partir de Tous les matins du monde, dont des extraits sont lus
par Jacques Bonnafé (3 min au début) et les "clés"
du tableau révélées par Sophie Nauleau : "Lubin
Baugin loublieux" est un véritable spectacle dans la
série "L'uvre
en scène" au Louvre, le 17 février 2010, à
voir ICI (56 min).
Repères biographiques
Les
parents de Pascal Quignard étaient tous deux professeurs de lettres
classiques. "Ces grands connaisseurs de la langue vous piétinaient
à la moindre faute". Quant au goût pour le latin
et le grec, il lui vient des jeux étymologiques qu'affectionnait
sa mère. "Il n'y avait pas un repas qui ne soit interrompu
par des recherches dans les dictionnaires. C'était à la
fois fascinant et un peu effrayant de voir les lèvres de ma mère
prononcer des mots cabalistiques, des dérivations dépourvues
de sens pour un enfant." (suite
de la chronologie de Pascal Quignard
ICI).
À l'occasion de l'exposition à la
BNF "Pascal
Quignard Fragments d'une écriture" du 30 septembre au
29 novembre 2020, la BNF a produit une brochure
très complète présentant des repères biographiques,
une bibliographie structurée
et des ressources diverses, dont des émissions de radio :
Concernant l'exposition, voici ICI
certains des documents exposés.
Visite chez Pascal Quignard (dans
le 19e arrondissement à Paris) : Lire
magazine littéraire, octobre 2020.
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
||||
à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens