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Don DELILLO
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Séverine, à
Dinard
Bonnes retrouvailles ! Si mes lectures croisent les vôtres, je ne
manquerai pas denvoyer mon avis. Pour DeLillo, pas la peine de le
faire, jai stoppé ma lecture il y a longtemps et nai
pas eu envie de la reprendre. Je nai pas compris lintérêt
de cette histoire qui savérait pourtant fort engageante.
Je ferme.
Jacqueline
Radical ton avis ! Tu n'as pas été tentée d'en essayer
un autre d'un auteur si prolifique ? Pour moi Bruit
de fond a été une très bonne porte d'entrée.
Denis, en Bourgogne
Ça fait plaisir de voir le groupe redémarrer dans ses aises
traditionnelles... Je n'ai pas lu DeLillo. J'ai essayé... impossible.
Lisa, en cours d'installation
en Suisse
Zéro K ne minspirait pas du tout
mais jai
acheté Joueurs
et je ne lai pas encore lu
cest entre autres pour ça
que je ne suis pas venue. Je pensais avoir le temps de le lire et finalement
je suis bien occupée par le déménagement
Rozenn, hélas
au lit
Lu laborieusement à moitié. Pas envie de finir. Impression
d'un puzzle dont il manque des pièces. D'un labyrinthe énervant.
A priori ce que je croyais être le thème m'intéressait.
Bon
loupé pour moi. J'aurais bien aimé vous
écouter.
Avant, lu Le
silence. Déçue
par rapport à la critique que j'avais lue. Et il ne m'en reste
guère de souvenirs.
Passez une bonne soirée. Restez prudents.
Geneviève,
normande ce jour
Je viens de finir Zéro
K dans le train. Soyons clair : je me suis
vraiment accrochée. Il m'a fallu une bonne centaine de pages pour
commencer à comprendre qui était qui et où. A partir
de là j'ai commencé à trouver un intérêt
à la lecture mais sans jamais pouvoir me projeter dans un personnage.
Je dois reconnaître que l'écriture crée des images
frappantes, de plus en plus d'ailleurs notamment dans les représentations
de la guerre. Mais c'est pour moi un univers trop désincarné
et j'avoue être soulagée d'avoir fini et de pouvoir me plonger
dans des lectures plus substantielles... Bonne soirée à
tous.
Monique L (Zéro
K)
Cette lecture a été une expérience déroutante
mais captivante.
J'ai bien apprécié la première partie. Je n'ai pas
compris l'intérêt de la seconde partie et la place d'Emma
et de Stak dans ce récit.
C'est un roman philosophique sur la déshumanisation. Ce n'est ni
de la science fiction, ni de l'anticipation. On est vraiment dans le présent.
L'auteur admet la cryogénisation comme une évidence et fait
évoluer ses protagonistes dans ce nouveau monde sans jamais apporter
de jugement. La recherche de l'immortalité en est le thème
central ce qui renvoie aux questions essentielles du sens de la vie, du
pouvoir de l'argent, de l'inéluctabilité de la mort.
Ce qui m'a frappée, c'est surtout l'atmosphère qui règne
dans ce centre de recherche et le mystère qui s'en dégage.
Ce qui est troublant c'est que l'univers y est réaliste. C'est
un univers glacé, déshumanisé, effrayant. On y croise
des scientifiques, des simili-religieux, des "accompagnants",
tous dénués d'empathie, comme robotisés. Le récit
est très visuel : l'architecture complexe du centre, les vidéos
effrayantes du monde extérieur, la vision des corps "encapsulés"
et flottants.
Le monologue de la conscience d'Artis m'a vraiment intéressée.
Le narrateur Jeffrey cherche depuis toujours à échapper
au modèle de son père qui l'a élevé dans un
grand dénuement affectif et spirituel. Il mène une vie solidement
ancrée dans le présent et nous accompagne dans notre découverte
de cette utopie de la cryogénisation de personnes pour qu'elles
reviennent plus tard en humains augmentés. Il réfléchit
à ce qu'est la vie, la mort, notre société d'aujourd'hui,
les guerres, le désastre écologique, bref tous les maux
de notre société qui, éradiqués, pourraient
permettre une société plus juste. Ce roman interroge sur
la place de la mort et sur ce que pourrait être l'humain augmenté,
sur le triomphe de la technologie sur le sentiment, sur les aléas
de la vie surveillée. J'ouvre le livre à ½.
Monique L (Le
silence)
C'est un livre qui traite de la peur du silence lorsque l'on est face
à quelqu'un. Cela amène parfois à dire n'importe
quoi pour le combler, comme ce mari qui, alors que sa femme écrit
dans l'avion à côté de lui, répète à
voix haute les indications relatives au vol. Chacun parle mais nul n'écoute,
comme si on n'avait rien d'intéressant à se dire ou qu'on
ne savait plus s'écouter.
Face à l'arrêt de toutes communications électroniques,
DeLillo nous décrit l'hébétude des personnages que
l'inhabituel de la situation plonge dans une sorte de vide qui fait peur.
Chacun parle mais personne n'écoute. Les conversations ne sont
que des monologues qui n'attendent aucune réponse. Le comportement
de l'un des personnages, qui commente un match imaginaire devant son poste
de télé en panne, est d'une incroyable éloquence.
Les cinq personnages de ce roman ont pris l'habitude de ne plus écouter
les autres et cela donne des dialogues décalés. Cela amène
à une réflexion sur le monde d'aujourd'hui. Cela nous incite
à nous déconnecter un peu, à revenir à soi,
à écouter les autres et réapprendre la valeur du
silence, à prendre de la distance avec le flot d'informations en
continue
Le risque de l'hyper-connexion est de se déconnecter
de ses semblables et de ne plus partager nos émotions. Savoir faire
taire les écrans pour retrouver le silence permettant de réfléchir
calmement et de nous retrouver face à nous-mêmes.
Ce petit livre court se lit très facilement et m'a fait comprendre
le cheminement compliqué de DeLillo pour traiter un sujet. J'ouvre
le livre aux ¾.
Nathalie, de Nantes
Tout d'abord, bonsoir à toutes et à tous. Je suis bien contente
que les rencontres reprennent en présentiel et qu'on puisse de
nouveau boire un verre tout en bavardant littérature ! Alors, pour
la première fois depuis que je participe, il m'est arrivé
un truc incroyable : j'ai perdu le livre ! Cela fait quinze jours que
je cherche à remettre la main dessus sans succès. J'en ai
lu les ¾ ! C'est-à-dire que je me suis arrêtée
après le renoncement du père à passer de l'autre
côté et au tout début de l'ellipse temporelle qui
démarre deux ans plus tard. De toute façon, je peinais à
le finir car il m'a plongée dans une profonde période de
réflexion et une tristesse infinie qui ont pourri la partie de
l'été où je l'ai lu. C'est donc peut-être tout
simplement un acte manqué ? Heureusement pour moi, j'avais
décidé de m'y consacrer après avoir lu tout un tas
d'autres romans faciles et jouissifs.
Pour en revenir au roman de DeLillo, je suppose que je vais avoir du mal
à le mettre en perspective puisqu'il m'en manque un bout et que
je n'ai pas eu accès à la conclusion. Ma pause dans la lecture
n'était cependant qu'une pause pour prendre une respiration et
j'espère bien pouvoir remettre la main sur ce foutu bouquin.
C'est une lecture ardue ! J'ai rencontré une pratiquante de
DeLillo qui ne semblait pas déstabilisée par cette écriture
complexe et surtout cette difficulté que j'ai eue à essayer
de me créer des images mentales (lieux et personnages). Les descriptions
sont souvent fastidieuses et ne correspondent pas à des lieux que
nous pouvons facilement nous représenter. J'ai donc pris le parti
de ne pas chercher à comprendre la géographie du roman :
il me reste cependant une succession de portes, d'écrans et de
capsules transparentes et une idée d'immensité qui semblait
être une steppe ou un désert. Je me suis donc plutôt
concentrée sur le propos. Il est d'actualité. On sait dans
quel état la prolongation de l'espérance de vie peut dramatiquement
nous plonger. Manger de la compote tout en regardant d'un il torve
"cataracteux" l'écran grésillant de la salle de
convivialité n'a rien d'engageant. Et j'espère de tout cur
que d'ici vingt ans, il nous sera permis de mettre une fin à nos
vies de façon décente et autonome. Ce roman est intéressant
également car il pose de nombreuses questions : Que faire de sa
vie et quand l'arrêter ? Que faire de sa vie à la perte de
l'être aimé ? Ces questions me semblent relier une réflexion
sur plusieurs temps : celui qui n'existe pas encore, le temps révolu
et le temps présent et éternel.
La projection futuriste de DeLillo fait suite à un temps au cours
duquel on a pu demander à certaines femmes de suivre leur époux
dans la mort (en Inde). Il s'inscrit également dans un temps présent
et éternel celui du temps romanesque où l'on se suicide
pour le suivre dans la mort.
Éros et Thanatos : les deux fils conducteurs auxquels on peut ajouter
le pouvoir de l'argent et la folie de la manipulation scientifique. Bref,
une lecture qui interroge ! Et à chacun de répondre en son
for intérieur. Il procure également une réflexion
sur le deuil, qui, dans notre société, est complètement
nié et rayé de la carte sociale, (ce qui m'afflige profondément
!) et totalement différent des rites de deuils en Afrique subsaharienne
(je renvoie à un
article qui peut intéresser sur les rites de veuvage: "Nullement
proportionnés à l'intensité de l'affection pour le
défunt et exécutés indépendamment d'autres
rites funéraires, les rites évhé du veuvage semblent
destinés à prévenir des réactions d'auto-accusation
dépressive liée au sentiment de ne pas avoir rempli ses
devoirs envers le disparu").
J'ai été bouleversée par le passage de cette sorte
de d'esprit Sisyphe sans douleur qui pense sans réussir à
savoir ce qu'il est, où il est, et qui semble plongé dans
une répétition infinie. Un passage de torture et de frayeur
absolue pour moi. Car nous sommes nés plus ou moins avec l'idée
que la mort nous apaisera de tous nos doutes existentiels et là,
dans cette manipulation atroce plus ou moins volontaire et consciente,
voici que la prolongation d'une sorte de conscience de vie devient un
cauchemar perpétuel. Ça a été le pic vertigineux
de ma lecture. L'effet en est donc réussi : il ne m'a pas laissée
indifférente.
En conclusion, j'ai eu une lecture très lente pour deux raisons
: la difficulté à me représenter les actions, les
lieux, et le besoin de réfléchir très souvent à
ce qui était proposé. Je ne suis pas sûre de vouloir
lire un autre roman de cet auteur.
J'ouvre à moitié. Bonne soirée !
Catherine, entre et
Je regrette évidemment de ne pas être parmi vous ce
soir ; je reviens dès que je gambade à nouveau...
Globalement, j'ai un problème avec cet auteur que j'avais pourtant
très envie de découvrir et qui me laisse finalement perplexe
et plutôt déçue. Je dois être imperméable
à son génie ou alors c'est trop touffu et chaotique pour
moi.
J'en ai lu trois :
- Je commence par Zéro
K puisque c'est le livre commun. J'aurais
assez envie de dire qu'il m'a laissée de glace, mais ça
ne serait pas drôle du tout.
Le désir de survie à tout prix, l'homme augmenté,
les milliardaires qui investissent leur fortune dans l'espoir de l'immortalité,
c'est tout à fait d'actualité mais c'est aussi assez rebattu.
C'est l'occasion dans le livre de discussions et digressions philosophiques
niveau lycée assez lassantes, le comble étant les phrases
d'Artis rassemblées de la page 171 à la page 177 (je
pense que je suis quelqu'un. Qu'est-ce que ça signifie d'être
qui je suis, etc. etc. etc.)
En revanche, j'ai aimé tous les passages et descriptions consacrés
à la Convergence, les écrans, les nacelles... C'est très
cinématographique, j'ai aimé l'écriture de cette
partie. Je n'ai pas été touchée ni convaincue par
les personnages qui me paraissent très artificiels (Jeffrey qui
cherche des définitions à tous les mots et attribue des
noms aux personnages qu'il croise, le fils ukrainien adopté qui
finit kamikaze..), de même que la fin du livre d'ailleurs. Je l'ouvre
entre ¼ et ½.
- J'ai lu aussi L'homme
qui tombe, qui a pour toile de fond les attentats de 2001 (c'est
plutôt d'actualité aussi). Celui-là m'a beaucoup intéressée,
au moins au début. Je l'ai lu au début de l'été
et il ne m'en reste finalement pas grand chose à part là
aussi des images très marquantes, du personnage qui erre dans les
décombres et la fumée, de la descente infernale des marches,
des personnes qui tombent des fenêtres, du comédien qui se
jette de divers bâtiments dans les semaines suivantes... Mais pour
le reste, idem, impossible de m'intéresser aux personnages et à
leur histoire. Il y a une atmosphère, mais ça part un peu
dans tous les sens. Je suppose que c'est voulu mais ça ne me touche
pas et au bout d'un moment ça m'ennuie.
- Je finis par Le
silence : un des plus récents et des plus courts (une centaine
de pages). L'idée initiale est aussi assez sympa, un grand bug
réduit tous les écrans au silence aux USA. Mais à
part cette idée, pas réellement originale non plus, le livre
est vide. Il ne se passe à peu près rien; les personnages
sont à peine ébauchés. Pour donner une idée
à ceux qui ne l'ont pas lu, ça démarre avec un couple
dans un avion, l'un des deux répète en boucle toutes les
informations données par l'écran de vol. Et c'est vrai qu'on
a très envie de le réduire au silence. L'avion atterrit
en catastrophe; le couple retrouve tant bien que mal des amis réunis
dans un appartement pour regarder le superbowl. Ils sont hébétés
devant leur télévision toute noire et se mettent eux aussi
à bugger complètement. C'est la troisième guerre
mondiale, les extraterrestres, on ne sait pas, ça n'est pas l'objet
du livre. J'imagine que c'est censé illustrer notre société
abreuvée en permanence d'informations, notre dépendance
aux écrans et l'absence de communication des individus et patati
et patata, mais au fond c'est très réchauffé et sans
grand intérêt ni sur le fond ni sur la forme assez décousue.
J'avais acheté Outremonde,
mais j'ai craqué au vu du nombre de pages et je ne l'ai pas lu
pour l'instant.
Je suis malgré tout contente d'avoir lu cet auteur ; peut-être
que la plage ne m'a pas aidée à l'apprécier à
sa juste valeur. J'attends donc vos avis pour m'éclairer. Bonne
soirée.
Jacqueline(en
chair et en os comme ceux qui suivent...)
J'avais lu Zéro
K dès qu'on en a parlé dans
le groupe. Je pensais, alors, fortement à Ubik
de Philip K. Dick que je venais de relire, un autre roman de cryogénisation
qui m'avait laissé autrefois une forte impression. Zero K
avait une atmosphère différente, beaucoup plus ancrée
dans une observation sociologique. Son univers, tout aussi inquiétant,
était moins paranoïaque, en tout cas la paranoïa s'y
situait ailleurs... Comme je ne connaissais pas du tout l'uvre de
DeLillo et que je découvrais son importance, j'ai proposé
qu'on élargisse en en faisant un auteur de l'été
En pleine découverte, j'ai emprunté et un peu lu L'homme
qui tombe qu'une amie de mon fils lui avait
recommandé et qui se passe le 11 septembre,
Cosmopolis,
une histoire de golden boy survolté qui m'évoquait un peu
American Psycho, mais, là aussi, plus ancrée
dans le réel... Body
Art que je n'ai pas eu le temps de finir
mais où assez rapidement il est question de mort et de deuil
Je suis partie en vacances pour des projets très familiaux. J'emportais
Bruit
de fond (le premier de ses romans à
avoir eu du succès) qu'un voisin avait providentiellement mis à
disposition dans l'entrée de mon immeuble... C'était une
histoire de prof, milieu qui m'est moins étranger que celui des
traders ou des galeristes... J'emportais aussi Zéro K puisque
c'était une lecture commune dont il me restait beaucoup d'images.
Mais en dehors de la cryogénisation, j'avais quasi tout oublié
de l'intrigue
En fait, je suis sensible à cette capacité d'imagination
de DeLillo, imagination au sens littéral de créer puis décrire
des images à partir de situations tirées du réel.
Je peux être prise dans ce défilé d'images qui va
me donner un plaisir de lecture et l'envie de poursuivre. J'y reconnais
des choses familières. Même s'il ne m'en reste ensuite que
des vagues impressions
Le narrateur de Bruit de fond qui venait de la publicité
(comme DeLillo, je crois) a obtenu de créer une chaire universitaire
sur Hitler. Après quelques mariages, il mène une vie heureuse
et équilibrée avec leurs nombreux enfants
Je l'ai
lu d'autant plus facilement que j'y retrouvais un milieu plus familier
avec cette capacité de DeLillo à évoquer avec précision
des choses vues, ici la vie quotidienne américaine, les supermarchés,
une petite université.... j'y vois peut-être une parenté
avec le Perec des Choses.
Ensuite, j'ai pris encore plus de plaisir à ma relecture de Zéro
K qui s'éclairait des correspondances que j'y trouvais :
- l'irruption de l'imprévu : dans Zéro K, c'est la
demande de rapprochement du père et la cryogénisation, dans
Bruit de fond ("bruit blanc" en anglais), c'est un nuage
toxique
; dans les deux romans, le récit appartient
à un narrateur "naïf" qui fait un pont entre cet
imprévu et le lecteur : le spectateur attentif dans Zéro
K, un américain moyen dont le monde lisse va être fissuré
dans Bruit de fond ;
- un questionnement sur la "recherche" ou l'avancée scientifique :
le nuage polluant accidentel et un médicament qui supprimerait
la crainte de la mort dans Bruit de fond, l'éventuelle possibilité
de supprimer la mort elle-même alors que les écrans rendent
la violence partout omniprésente dans Zéro K ;
- le couple uni ou chacun exprime sincèrement que survivre
à l'autre lui paraît impossible (en lisant cette déclaration,
je pensais à André Gorz dont nous avions lu Lettre
à D.). Dans Bruit de fond, il semble y avoir symétrie
de cette déclaration mais elle va être brisée au cours
du récit. Dans Zéro K, le narrateur n'est pas directement
impliqué. Il n'y a pas symétrie puisque Artis est condamnée.
Le père retarde une réalisation dont il a tout fait pour
la rendre possible... ;
- des personnages d'enfants que je trouve particulièrement significatifs
dans le récit :
dans Bruit de fond, ils sont nombreux. Chacun occupe harmonieusement
une place très différente dans cette heureuse famille recomposée.
Le plus jeune, par sa seule présence comble le narrateur. Deux
s'avèrent particulièrement révélateurs :
un jeune ado raisonneur qui questionne les présupposés de
ce monde lisse et une petite fille attentive, inquiète que sa mère
puisse être dépendante à des médicaments...
dans Zéro K, cet enfant "étranger"
adopté, qui, comme le narrateur, refuse le monde qui lui est proposé.
Jusqu'à la fin, il restera une énigme mais viendra donner
un poids de terrible réel au défilé incessant d'images
sur les écrans
Ces deux romans m'ont permis d'apprécier l'écriture de Don
DeLillo et sa capacité à me montrer des aspects de notre
civilisation. J'ai envie de lire Le
silence. J'irai certainement voir les films
qui ont été tirés de ses romans : Cosmopolis
de Cronenberg et À
jamais de Benoît Jacquot tiré de Body
Art... J'ouvre aux ¾.
Laura
et
J'ai lu au début de l'été Zéro
K et Cosmopolis.
J'ai commencé par Zéro
K, l'histoire me paraissait
engageante, intéressante, bien qu'un peu dans le style Ubik.
L'idée de lire de la science fiction me plaisait. J'ai donc commencé
la lecture très enjouée, refusant de m'arrêter sur
ce qui me déplaisait, le style d'écriture notamment, que
j'ai trouvé un peu direct. Mais finalement je m'y suis faite. Donc
j'étais enjouée : qui plus est, je suis tombée
sur quelques réflexions philosophiques venant d'Artis ou d'autres
: réflexion sur l'art p. 58 ; sur le moi et le masque p. 75
; et je crois bien qu'il y en a une sur la perception autre part. C'étaient
de petites réflexions, mais si justes et sans prétention
que j'ai été charmée ; au point de me dire que
je pourrais peut-être rendre un mini-mémoire à la
fac : "Don DeLillo et la philosophie" ou "La
philosophie de Don DeLillo", bien différents comme sujets
mais brefs. Sauf que. Tout s'est effondré. Déjà,
parce qu'en cherchant sur internet j'entends une émission France
Culture m'expliquant pourquoi Don
DeLillo fait de la philo pour lycéens. Donc mon ego en a pris
un coup. Ensuite, parce qu'une fois qu'Artis a disparu, je me suis ennuyée.
Mais alors
pfff. J'ai même des difficultés à
me rappeler la suite de l'histoire. Tout m'a paru stagner d'un coup, et
je suis sortie de mon illusion. Le personnage a beau retourner aux USA,
j'ai l'impression qu'il ne bouge pas, qu'il ne se passe rien. Il y a bien
des dialogues, mais j'ai eu une impression de vide. J'ai vraiment eu le
sentiment que l'auteur s'était lui-même essoufflé
de son histoire en cours de route. J'ai terminé le livre en espérant
du mouvement, mais je me suis vraiment forcée. Donc pour Zéro
K j'ouvre ¼ pour le début et son effet un peu surprenant.
Ensuite, je me suis lancée dans Cosmopolis
dont j'avais déjà visionné
l'adaptation de Cronenberg. Je me souviens un peu du film, ce qui a pollué
mon imaginaire au cours de la lecture. Tout comme Zéro K, je
partais avec un espoir, des attentes, qui ont été déçues.
Encore une fois je me suis ennuyée. Je me suis demandé quel
était l'intérêt d'écrire une histoire sur un
type riche qui se rapproche du monde d'en bas sans le vouloir et pourtant
reste aveugle. J'ai été choquée par ses deux ascenseurs
(quelqu'un sur Terre possède vraiment ça chez soi ??),
je me suis amusée de la monnaie en rat ; amusée à
imaginer l'acteur Robert Pattinson se faire examiner par le médecin
en voiture. Mais c'est tout, encore une fois. Et pire, je n'ai plié
aucune page, ce qui est mauvais signe. Après réflexion j'ai
vraiment l'impression que Don DeLillo aime écrire des histoires
qui ne voyagent pas, ni physiquement, ni psychologiquement. Les personnages
ont l'air de ne jamais évoluer. Et de fait, c'est très ennuyeux
et lassant bien que ça puisse s'éloigner de la littérature
commune (c'est une supposition, car en pensant à Oblomov,
Don DeLillo a tout raté). Je ferme Cosmopolis.
Après, j'ai tenté L'ange
Esmeralda, mais me suis arrêtée au premier chapitre.
Je ne suis pas rentrée dans l'histoire. Déçue dès
les premières pages.
Annick A
C'est un livre difficile à lire, assez hermétique.
Avec beaucoup de répétitions et pas mal de phrases que j'ai
trouvées parfois incompréhensibles et la deuxième
partie du livre "Au temps de Kostiantynivka" avec Jeffrey et
sa compagne est superflue. On est plongé dans un no man's land
spatial et temporel sans repère. Mais malgré cette difficulté,
j'aime assez ces romans qui me déstabilisent et me désorientent
et je trouve ce livre très original par son écriture.
J'ai été intéressée par beaucoup d'aspects.
La réflexion philosophique sur le transhumanisme
et l'immortalité, mais surtout par la place de la science.
Sa toute-puissance, très d'actualité. Ces
milliardaires qui s'achètent un monde nouveau sont pris dans une
croyance quasi religieuse où Dieu est remplacé par la science.
Ce n'est pas les 72 vierges qu'ils recherchent quand ils mettent fin à
leurs jours, mais un monde tout aussi illusoire d'un paradis où
les hommes deviendront des surhommes et vivront heureux et en paix.
Le rapport entre l'art et le corps
"C'était du spectacle à l'état pur, une entité
unique, des corps majestueux dans leur être chrionique. C'était
une forme d'art visionnaire, du body art à longue portée."
(p. 278). Cette réflexion sur l'utilisation du corps humain
renvoie aux polémiques autour des expos d'art qui l'utilisent.
Notamment l'expo "Our
Body" de Pascal Bernardin sur le cycle de la vie et les mystères
de l'organisme qui utilise des cadavres humains par plastination, technique
de préservation du corps dépecé, fournis par des
labos scientifiques chinois. Et en 2005 une uvre d'un artiste chinois
Xiao Yu exposée au musée des Beaux-Arts de Berne intitulée
"Tête
de ftus corps de mouette" utilisant une tête de ftus
humain greffée sur un corps de mouette, conservé dans du
formol qui a été interdite.
Le rapport à la langue et au langage
L'importance de la nomination chez
Jeffrey qui a besoin de nommer les personnes pour leur donner une identité
et les rendre vivants. Il leur invente une vie, nomination d'autant plus
importante pour lui que son père a changé de nom.
Et chez les scientifiques qui visent la suppression totale des langues
existantes, leur effacement, pour créer une nouvelle langue, créer
des hommes nouveaux.
La relation père fils
Son père est milliardaire
et avec son argent il peut tout se permettre et tout acheter. Il tient
une place dans la société très importante. Il décide
de renoncer à son histoire générationnelle en changeant
de nom et est dans la toute-puissance en s'achetant la vie éternelle.
Il est attaché à son fils et lui demande de l'accompagner
dans sa démarche et veut lui léguer ses richesses. Jeffrey
découvre tardivement ses origines. Il rejette ce père qui
a abandonné sa mère et son mode de vie. Écrasé
par cette puissance paternelle, il n'arrive pas à habiter sa propre
vie. Cependant il est attaché à son père et accepte
de l'accompagner dans sa démarche malgré son désaccord.
L'analyse qu'il fait de la démarche de son père est intéressante.
"Mais était-ce seulement l'amour qui l'avait incité
à la rejoindre ? Peut-être préférais je
penser qu'il était mû par quelque sombre désir, un
besoin d'être débarrassé de ce qu'il était
et de ce qu'il possédait, dépouillé de tout, évidé
de ses organes stockés , le corps calé avec les autres dans
une colonie de nacelles. C'était cette même lame de fond
d'auto - répudiation qui l'avait poussé à changer
de nom, mais seulement plus profonde, plus puissante." (p. 157)
La dimension écologique
Les écrans qui montrent
à répétition les actualités sur la destruction
des hommes et de la planète m'ont fait penser à l'exposition
sur Artavaz Pelichian à la Fondation Cartier ou était
projeté son film Nature
en noir et blanc. Durant une heure, des images glanées sur internet
et retravaillées : film sans parole, d'un esthétisme magnifique,
et où l'on voit le déchaînement de la nature et la
destruction de l'homme et de son habitat.
J'ouvre aux ¾.
Brigitte
Je n'ai pas lu le livre en raison du titre, mais je suis venue retrouver
le groupe.
Danièle
Comme Séverine, j'ai plusieurs fois failli lâcher le livre.
L'étrangeté de l'ambiance, dans la première partie,
curieusement, ne me séduisait pas. J'avais plutôt l'impression
d'être dans un mauvais livre de science fiction, sans profondeur
littéraire.
Puis tout a changé à partir du moment, vers la fin de la
première moitié, où le père, Ross, revient
sur sa décision de suivre sa femme dans la cryogénisation.
D'abord c'était un soulagement pour moi qui aime les histoires
qui finissent bien
Mais surtout, dans cette deuxième partie,
j'ai été très intéressée par les passages
visionnaires sur l'état de nos sociétés et de la
planète. Parmi les catastrophes annoncées : disparition
des forêts, raréfaction de l'eau, et tant d'autres qui commencent
à être bien connues, mon attention a été attirée
par la dernière de la liste, p. 138 : "propagation
des virus sur de vastes étendues géographiques".
Je me suis obligée à vérifier la date de parution
du livre. Pas de doute, Don DeLillo fait preuve ici (encore une fois,
me disent ceux qui ont lu les autres romans) d'un talent visionnaire et
précède l'actualité ! D'ailleurs, plus loin
dans le livre, il parlera des Talibans : "Comment
se fait-il qu'ils soient si nombreux à échouer ici, ceux
qui fuient la terreur et ceux qui l'appliquent ?"
J'ai aimé aussi, dans cette seconde partie, les réflexions
sur le sens de la vie, de la mort, la cryogénisation comme suicide
ou comme attente d'une nouvelle vie. L'attitude du narrateur m'a plu :
discrètement sceptique sur les expériences de cryogénisation,
et tenté de voir dans les organisateurs une bande de gourous assoiffés
d'argent ou la réactualisation "des
anciennes dévotions et superstitions". Mais il
se montre aussi sensible à l'argument "de
tenter de contrer un futur décimé". C'est
sans doute d'ailleurs l'un des objectifs du roman.
Contrairement à la plupart d'entre vous, j'ai aimé le magnifique
soliloque d'Artis Martineau, où, à mon avis, se rejoignent
philosophie et poésie. "Suis-je
quelqu'un ou sont-ce seulement les mots eux-mêmes qui me font penser
que je suis quelqu'un." Ce raisonnement a quelque chose
de cartésien, mais met en avant les mots, ce qui paraît être
typique de l'auteur pour cerner une réalité.
Mon intérêt s'est de nouveau émoussé à
partir du chapitre "Au temps de Kostyantynovka", avec son changement
total de tonalité et de point de vue. On passe à la vie
ordinaire, avec l'introduction de nouveaux personnages, tout en se demandant
quel lien il y a avec le début.
Les passages suivants se passent de nouveau dans les couloirs de la Convergence,
ce lieu isolé du monde où se pratique la cryogénisation.
Et de nouveau surgissent des murs et du plafond des scènes vidéo
et ses visions apocalyptiques de guerre évoquant la nécessité
de quitter ce monde, marqué par la guerre et la violence. Comment
ne pas penser au vidéaste américain Bill
Viola dont les installations vidéo fascinantes provoquent à
la fois effroi et admiration (vidéo ici
et là).
La question est peut-être de savoir lequel des deux a inspiré
l'autre, ou si cette façon d'exposer les problèmes vient
naturellement avec les nouvelles techniques.
À l'issue de ma lecture, je me suis demandé si le thème
de l'art qui traverse tout le livre à travers les images proposées
(beauté des corps sans vie promis à une vie future, visions
apocalyptiques comme thèmes de réflexion
) n'était
pas finalement un objectif en soi : faire de sa vie ou de sa fin
de vie une uvre d'art, comme le ferait un démiurge. Sans
atteindre ce rêve (ou ce cauchemar ?), De Lillo nous donne
du moins à voir de l'art et de la beauté dans tous les phénomènes.
Claire
Tout compte fait, tu ouvres comment ?
Danièle
Jen reste à moitié ouvert, à cause de lennui
provoqué une trop grande partie du temps.
Etienne
Je l'ai lu il y a trois mois et j'ai beaucoup oublié. C'est un
espoir déçu pour moi, à partir d'un projet ambitieux
qui me plaisait. Je garde une impression mitigée. Il y a beaucoup
de sujets, mais cela manque de consistance. L'auteur ne se mouille pas
beaucoup. Les personnages désincarnés sont préoccupés
par la mort, ne vivent pas leur vie et le fils trouve sa part d'éternité
dans la création de mots. La réflexion est intéressante,
mais décevante. C'est un auteur un peu poussif quoique brillant.
Il n'empoigne pas le lecteur. J'ouvre à moitié. Je reste
sur ma faim.
Manuelet
J'ai lu et ouvert plusieurs livres. Zéro
K m'a donné une impression d'ennui, avec une lecture laborieuse,
il y a trop de thèmes, c'est du gloubi-boulga, avec trop d'épisodes
qu'on ne relie pas à l'ensemble du livre. La science y devient
une religion. J'ai traîné à le finir. Je n'ai pas
compris le projet du livre.
J'ai lu aussi Point Oméga
qui s'inspire d'une installation vidéo. J'ai adoré ce livre,
passionnant, qui part d'une uvre d'art en mouvement, le film Psychose
étiré sur 24 heures, c'est magistral. Il y a une réflexion
remarquable sur le temps.
J'ai délaissé Great
Jones Street et quant à Cosmopolis
c'est toujours noir et pessimiste j'ai arrêté la lecture.
J'ouvre Point Oméga en grand et Zéro K ¼.
Fanny et
J'ai lu Zéro
K et Bruit
de fond. Zéro K, je
l'ai trouvé trop long, ennuyeux ; à quelques moments
j'ai cependant apprécié l'écriture et mon sentiment
est contrasté. Le monologue d'Artis est ridicule, pas crédible.
Mais c'est un livre très visuel, il me reste des images. J'ai été
frappée par cette vision de la mort aseptisée
Hasard
: j'ai lu ce livre au cours d'un voyage en Pologne durant lequel j'ai
été à Auschwitz, ce contraste dans la vision de la
mort en a été d'autant plus saisissant
Quant à la seconde partie du livre, j'ai trouvé très
intéressante l'idée de poursuivre en racontant la vie de
ceux qui restent tandis qu'Artis est morte ou à tout le moins en
suspens. mais j'ai trouvé cela trop long, il y a à mon sens
trop de digressions, en particulier lorsqu'il parle de l'adolescent fasciné
par l'islam. Ce serait un autre sujet, j'ai trouvé que cela n'apportait
rien au roman. l'auteur surfe, je trouve, sur trop de thématiques
et reste trop superficiel dans sa manière de les traiter.
Zéro K, je l'ouvre à moitié.
Et quant à Bruit de fond, ce fut l'ennui, j'ouvre ¼.
L'ennui reste dominant. J'ai essayé de trouver du sens, de comprendre
l'intention de l'auteur, notamment lorsqu'il relate des échanges
banals du quotidien, qui font justement que les personnages sont en vie,
des êtres de chair. Mais il y a à mon goût trop de
ces passages au fil des 460 pages. au moment où ils sont rattrapés
par ce nuage toxique, mon envie qu'il se passe enfin quelque chose a provoqué
chez moi une forme de plaisir sadique à la lecture (ils vont être
intoxiqués, il va enfin y avoir de l'action)...
Françoise D
Je serai brève : jai commencé
Zéro
K qui mest tombé des mains : cest
long, artificiel. Je n'ai pas accroché, n'étant pas du tout
attirée par la science-fiction. je suis venue pour le plaisir de
vous revoir.
Christelle
Je me suis forcée au départ, car j'ai un a priori négatif
sur ce qui m'est apparu de la science-fiction. Les thèmes m'ont
paru peu approfondis, mais ça ne m'a pas gâché les
vacances.
(Rires)
J'ai aimé les descriptions de l'endroit, de l'atmosphère,
c'est très visuel. J'ai eu du mal à comprendre cette ambiance
sectaire : c'est du flan, ils soutirent de l'argent. Heureusement,
il n'y a pas d'emprise sur le fils. C'est très inhumain :
les personnages ne sont pas des humains. J'ai aimé la recherche
de la place du fils par rapport à son père, mais je suis
restée sur ma faim. J'ouvre à moitié Zéro
K. J'ai commencé Le
silence.
Claire
Un mot sur la science fiction, c'en est pas puisque ça existe déjà :
ainsi en Arizona, grâce à une fondation "pour lextension
de la vie", 145 "patients" congelés attendent depuis
des années déjà une hypothétique résurrection,
voir
ici).
J'ai lu pour ma part cet auteur progressivement... : un mince, un un peu
plus gros... et puis celui que nous avions choisi... :
Après ça, j'ai découvert l'auteur, son parcours,
ce qu'on dit de lui, etc. et voyant qu'il avait aussi une carrière
au théâtre, j'ai lu deux pièces, Le
mot pour dire neige suivi de La salle de jour. Oui, les
thèmes sont intéressants, oui les premières pages
sont formidables, toujours in medias res - pour faire ma pédante.
Mais quel ennui ! De quoi ça vient donc ? Je n'y crois pas ; les
personnages me semblent des marionnettes et les situations me semblent
vite invraisemblables. En découvrant des pièces, je me suis
dit que là, les personnages ne pouvaient rester sans chair : c'est
pire !
N'est-ce pas l'équivalent de certaines installations ? Ne
serait-ce pas du roman conceptuel ? Un carré blanc là,
un roman blanc ici ! Et quand on lit ou entend les critiques, l'impression
que j'ai est qu'il convient de l'admirer, le terme de difficile
étant utilisé à la place d'ennuyeux.
On attendrait un auteur super intello avec un parcours à l'avenant,
eh bien non, il sort d'un milieu d'immigrés italiens pauvre, un
parcours
d'écrivain à l'américaine ; ça, ça
calme.
En dépit du plaisir réduit, je suis contente d'avoir découvert
cet auteur (toujours un plaisir) et ne regrette nullement l'expérience,
surtout après vous avoir entendus (encore plus de plaisir).
Annick L
Je suis d'accord avec Claire. J'ai bien aimé
l'évocation de ce lieu étrange et mystérieux au début
du roman. Mais je me suis vite lassée car j'ai trouvé cette
première partie bien trop longue... J'ai détesté
le passage sur les cogitations supposées d'Artis, si artificiel.
Et j'attendais un peu mieux du retour à la vraie vie du fils, mais
non. Le roman ne fonctionne pas pour moi, les personnages sont désincarnés.
C'est trop démonstratif cette réflexion sur les vertiges
de notre société, les problèmes d'identité,
le désir d'immortalité... qui plombe le récit. Ce
fut un vrai pensum. J'ouvre ¼ (pour le début).
Renée
Zéro
K, ce n'est pas une uchronie, ce n'est pas de la science fiction,
le futur de Don DeLillo, c'est demain.
Ce livre est un questionnement sur notre époque qui idéalise
la science et la technologie.
Je suis d'accord avec tout ce qui a été dit de positif sur
ce livre dans lequel je me suis plongée avec délectation.
Je suis en empathie totale avec cet auteur ; il met en question les
angoisses de tout être humain devant la finitude de la vie et les
solutions absurdes proposées à des riches :
- fantasme de vaincre la mort
- critique des mirages de la science
- interaction homme-technologie (la cryogénisation + écrans
qui rappellent les horreurs de la réalité : guerres, immolations)
- interaction homme-art : la Convergence est présentée
comme une catacombe high tech, mais aussi comme une installation artistique
- petitesse de l'être humain par rapport à l'univers (eau
qui ruisselle
)
- relations père-fils : nous
étions "mange et dors", nous étions "apporte
le costume de papa au pressing", "J'aimais lire des livres
qui m'écrasaient, qui m'aidaient à m'affirmer, moi, le fils
qui, en lisant de tels livres méprisait son père"
: cette phrase est terrible et révélatrice !
- problèmes d'identité : changement de nom par le père ;
d'où "est ce
que je suis moi ?". Artis : "suis-je
qui j'étais ?" Moi je pose la question : "serai-je
qui j'étais ?" "Et
serai-je encore un humain au réveil ?". Transhumanisme ?
Pour moi, Don DeLillo est un observateur attentif de notre société
et il va à contre-courant des discours de l'idéologie dominante.
Claire
Quelle est cette idéologie dominante et en quoi va-t-il à
contre-courant ?
Renée
Pour moi, il est un observateur attentif de notre société
uniformisée, où l'argent et la bourse dominent le monde,
où les armes sont en vente libre et accessibles à des enfants,
et où les médias exploitent la naïveté des gens
et leur tendance à privilégier "l'entre-soi" et
l'égocentrisme... Don DeLillo dénonce tous ces phénomènes
et appelle à résister contre eux.
Il est très concerné par l'art surtout celui qui est en
rapport avec la violence. Dans Outremonde
(le plus difficile à lire), Klara, performeuse, peint en
plein désert un escadron de B52 lanceurs de missiles.
J'ai beaucoup aimé Cosmopolis
qui est une tragédie classique. Unité de lieu : une voiture
bureau-cabinet médical. Unité de temps : une journée
de manifestation à New-York. Unité d'action : la mort
annoncée du jeune golden boy.
Dans L'homme
qui tombe, c'est la confrontation d'un peuple que se croyait invulnérable
avec le MAL absolu. Le jeu de poker joue ici le symbole des enjeux mondiaux.
Annick L
Cette séance était vraiment particulièrement représentative
de ce qu'est le groupe, avec cette diversité de points de vue qui
éclairent notre propre lecture.
Claire
Après nous avoir tous entendus, Brigitte, as-tu envie de lire Don
DeLillo ?
Brigitte
Pas du tout...
COTES D'AMOUR du nouveau groupe parisien |
Françoise H
L'auteur met en place un dispositif très lourd pour nous mettre
en face d'une réalité de cryogénisation pour une
autre vie. Le narrateur attend, et nous avec, dans une atmosphère
déshumanisée, techno, débarrassée de tout
affect. L'auteur met en uvre cette situation narrative pour nous
faire comprendre ce que veut dire exister, c'est-à-dire être
avec des personnes, faire l'amour... Il a l'outrecuidance de penser qu'il
peut nous expliquer ce que veut dire exister. C'est une montagne qui accouche
d'une souris. Il ne dénonce que des platitudes. Ça m'a fait
un peu penser à 1984
de George Orwell avec des individus atomisés dans un univers déshumanisé.
Ma lecture fut laborieuse. Je ferme.
Inès
Le thème abordé dans ce livre ne me plaît pas, voire
me met très mal à l'aise. Je l'ai relié au transhumanisme.
Je savais donc de prime abord que je n'allais pas apprécier ce
livre. C'est ennuyeux, ennuyant. Le style et la lenteur de la plume ont
achevé de me convaincre de le fermer. Il m'a fait penser à
un roman que j'avais beaucoup aimé en revanche, La
nuit des temps de Barjavel.
Monique M
J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans cette histoire à l'atmosphère
glacée, artificielle, morbide. Le livre m'est plusieurs fois tombé
des mains. Impossible d'adhérer à cette supercherie que
propose la "gouvernance" à ses patients : être
placés dans des flacons éprouvette, réfrigérés
à zéro kelvin, le cur et les organes dans des vases
séparés (on pense aux vases canopes des rites funéraires
de l'Égypte antique), afin de renaître un jour avec "une
vie d'une intensité lyrique sans commune mesure avec l'existence
normale !" Comment croire à ça ? J'avais
l'impression d'être dans une secte, un lieu étrange, perdu,
désincarné, aux cellules obscures, aux couloirs interminables
où circule un personnel mutique, des mannequins en tchador, où
des écrans géants déroulent des scènes d'exactions
plus horribles les unes que les autres, allant jusqu'au cannibalisme
Ce sont deux mondes parallèles, le monde d'aujourd'hui celui de
l'argent (le père est gestionnaire de richesses, propriétaire
de collections d'art, expert en finance, homme respecté, conférencier
reconnu) et des désordres planétaire (climat, pollution,
attentats, guerres
) et un monde à venir, créé
de toutes pièces de façon artificielle dont rien ne dit
qu'il sera meilleur. Tout le chapitre sur Artis qui s'interroge dans sa
capsule sur son existence, m'a semblé insupportable, artificiel,
convenu : "Suis-je
quelqu'un ou seulement les mots qui désignent que je suis quelqu'un
?" Cette interrogation stérile revient en boucle !
Même chose avec Emma et son fils Stak faisant semblant de parler
pachtoune avec le chauffeur de taxi. Et l'histoire du chat devant lequel
il fallait parler à voix basse pour "ne
pas le trahir !". Tout cela est inintéressant
au possible et sent le remplissage inutile. Les pages 282 à 288
décrivent bien les exactions qui sévissent dans le monde
en faisant alterner scènes d'émeutes, de combats, de kamikazes,
avec des scènes d'exode de personnages hagards, estropiés,
errant dans des paysages de ruines ; peut-être l'auteur en
ressent-il une telle angoisse qu'il échafaude ce plan pour trouver
un échappatoire, mais l'ensemble du livre est écrit dans
un style journalistique basique sans chair, sans souffle susceptible d'accrocher
le lecteur. Je n'ai eu aucun plaisir de lecture, juste la curiosité
de savoir où il voulait en venir. Curieusement il y a ce revirement
à la fin avec l'enfant qui pointe le doigt sur les rayons du soleil
couchant qui, à Manhattan, entre deux gratte-ciel, inondent les
rues. À part ça, c'est froid et peu convaincant. Je voulais
ouvrir au quart, mais finalement je le ferme.
Margot
À fermer tout à fait et pour toujours. Très ennuyeux,
très mal écrit, je ne comprends pas le succès de
cet auteur qui n'a pas grand chose d'un écrivain. Ce lieu du nulle
part où se tient le récit contribue à désincarner
l'histoire. Volontaire sans doute. La sensation d'être en permanence
derrière un écran et de ne jamais être en direct d'une
vie réelle, est-elle aussi volontaire également ? Ce
livre m'évoque l'obsession des GAFA (Microsoft et Google en tête)
d'investir des milliards dans les recherches de cryogénisation
et de vie éternelle. L'ouvrage m'évoque aussi le roman de
Robert Antelme, L'espèce
humaine, qui énonce que le plus grand crime des nazis n'a
pas été de supprimer la vie des millions de déportés,
mais de les priver de leur mort. Ici les personnages sont bien privés
de leur mort. En échangeant vendredi soir, j'ai également
réalisé que c'est la présence des jumeaux qui m'avait
fait penser aux camps de la mort. (Deux petites jumelles, Eva et Miriam,
roumaines, avaient été objet des horribles expériences
du docteur Joseph Mengele au block 11 du camp d'extermination d' d'extermination
d'Auschwitz.)
Nathalie B
Je n'ai pas commencé par Zéro K, ce qui explique
peut-être que j'ai pu en lire plusieurs. J'ai commencé par
Le silence,
son dernier roman. Court roman. Qui ne m'a pas particulièrement
emballée. Cela se passe dans un futur proche : 2022. Il arrive
quelque chose, on ne saura pas quoi, qui a pour conséquence qu'un
avion tombe, qu'il n'y a plus d'électricité, plus de téléphone,
plus d'internet... Cinq personnes sont censées se réunir
ce soir-là pour regarder un match de foot américain. Ce
sont donc obligatoirement des amis mais on sait fort peu de choses sur
leurs relations. Il y a un couple qui était dans l'avion, qui a
quand même réussi à se poser. Ils ne sont pas blessés,
mais en état de choc. Ils font au moins deux fois l'amour pour
vérifier qu'ils sont bien vivants, une fois à l'hôpital
où ils ont été amenés après l'atterrissage
en catastrophe et une fois chez leurs amis qu'ils ont quand même
réussi à rejoindre, semble-t-il avec beaucoup de difficultés.
Les trois autres les attendent dans l'appartement d'un couple. Elle est
professeur de philo. Son mari est féru de foot américain
et le troisième est un des anciens élèves de la prof
de philo devenu prof de philo à son tour. Le mari est catastrophé
devant son écran noir qu'il ne quittera pas de tout le roman. Il
fait même la retransmission du match qu'il ne voit pas (je reconnais,
c'est un peu drôle). Sinon pratiquement aucun dialogue entre ces
personnages qui n'ont rien à se dire à part des banalités !
Même les deux profs de philo ! Ce roman m'a aussi fait penser
à Barjavel, Ravage.
Mais j'ai vraiment aimé Ravage.
J'ai poursuivi par Point
Oméga, que j'ai un peu plus apprécié. Ce
sont deux histoires parallèles qui ne semblent avoir aucun lien
entre elles : un homme à New York qui passe ses journées
devant la projection au ralenti du film Psychose de Hitchcock (étiré
au maximum sur 24 heures) sur écran géant. Aucun siège.
Véritable exposition du plasticien Douglas
Gordon. Ailleurs dans une région désertique, un type
qui veut faire un documentaire sur un universitaire à la retraite,
tente de le convaincre d'accepter sa proposition de film sur lui qui parlerait
de ce qu'il veut, autant de temps qu'il veut, avec en arrière-plan
un simple mur de briques. Il reste des semaines, sans succès. Il
rencontrera la fille de l'universitaire qui disparaîtra sans qu'on
sache s'il s'agit d'une fugue, d'un enlèvement..., ce qui désespère
l'universitaire qui perd donc de son aura dans son désespoir. Les
questions du temps, de l'espace et du peu de relations entre les uns et
les autres sont posées. Le rythme est quand même intéressant.
Mais bon, pas plus que ça.
J'ai quand même poursuivi avec
Great Jones Street, que j'ai abandonné à mi-parcours
tellement il m'ennuyait et ne m'intéressait vraiment pas. C'est
un roman écrit dans les années 70 dont le héros est
une rock star qui s'est retiré de la scène, épuisé
par sa musique qu'il a amené au bout du bout de la déconstruction,
du rien dire, du désespoir. Tout le monde s'attend à ce
qu'il se suicide d'ailleurs. Lui sans doute aussi. Finalement non. Du
moins à la moitié du récit. J'ai abandonné :
le monde psychédélique du narrateur ne me parlait vraiment
pas.
J'ai donc abordé très tardivement Zéro
K. Dont je n'ai finalement pas eu le courage de lire plus de 30
pages. Je n'aime pas l'écriture de Don DeLillo qui m'avait été
conseillé par une libraire. Il est reconnu comme un grand écrivain
américain, il est d'ailleurs étudié à l'université.
On le compare parfois avec Philip Roth, auteur que j'aime beaucoup. Mais
moi, Don DeLillo me laisse froide et m'ennuie. Je n'aime pas son écriture
sèche, le monde qu'il décrit sans chaleur avec des interactions
humaines vides de sens. Je ferme.
Christine(avis
transmis ainsi que les avis suivants)
J'avais écouté plusieurs podcasts sur DeLillo, j'attendais
donc beaucoup de ce livre. Lecture facile et rapide mais décevante.
Des poncifs sur les risques d'une vie éternelle, des litanies sur
la fin de notre monde. Un homme qui doit nommer êtres et choses
pour qu'elles existent. Mais Artis n'est plus que mots et doute de son
existence. Une secte qui cryogénise des morts mais aussi des vivants.
J'ouvre le livre à moitié.
Ana-Cristina
LA Super question : "À
quoi sert de vivre si nous ne mourons pas tous à la fin ?"
(p. 47). Amusant : "La
mort est une habitude difficile à vaincre." (p.
82) Beaucoup d'humour. Belle idée : c'est le narrateur
(Jeffrey) qui nomme les scientifiques de Convergence. Réflexion
sur l'identité. Peut-être aussi sur le pouvoir de l'écriture ?
Le romancier nomme. Les auteurs du nouveau roman supprimant les noms des
personnages opéraient une révolution dans le genre romanesque.
Ce site est une mascarade. (Définition sur Wikipédia :
"une mascarade est,
dans la culture occidentale, une manifestation festive au caractère
satirique rassemblant des personnes masquées et déguisées.")
J'en suis venue à ce terme car je ne pouvais pas prendre au sérieux
tout ce qui s'y dit et s'y fait. C'est je pense l'effet recherché
par l'auteur. Et c'est réussi. Ce lieu où l'on nie la mort
est un cauchemar (cauchemar pas incompatible avec la mascarade). Son jardin
est artificiel, "immuable". Je pense : pour ne pas mourir,
une des solutions est de ne pas vieillir, voilà la solution !
Donc à l'image de ce jardin, il faut être "immuable"
donc être en plastique. Toutefois, et voilà qui me rassure,
"il y a des nuances"
dans ce jardin (p. 144), provoquées par
une partie de la nature que l'on ne peut pas répliquer, remplacer
par un ersatz. Ouf ! Arrivée p. 100,
mon attention devient flottante
Les réflexions finissent
par être noyées comme un grain de riz dans un grand bol de
soupe. P 121 : "Les
moments ordinaires font la vie.", "J'inhale
les détails bruineux du passé et je sais qui je suis."
(p. 121) : oui, bon, d'accord
Résumé de mes impressions : 20-30 premières pages
: bof bof, puis humour : pas mal foutu. Sympathie pour l'auteur (petit
détour par Internet pour l'entendre et le voir : sympathie
augmentée). Puis le livre ne tient pas ses promesses. Je perds
de vue l'humour. Je m'ennuie de plus en plus souvent. J'atteins le sommet
de l'ennui avec "Artis Martineau" (p. 169)
: ah la la stop ! Pitié ! Deuxième partie :
ma lecture redevient supportable. De nouveau plongée dans "Convergence".
Je suis hermétique, définitivement, à cet imaginaire
que je trouve laid. Est-ce le but recherché ? Très
très belles deux dernières pages. Elles sont ma récompense
pour avoir lu le livre jusqu'au bout. Conclusion : Jonathan Coe était
au programme de VAC en 2018, avec Testament
à l'anglaise. J'avais détesté au point de
n'avoir pas pu aller au-delà je crois des 30 premières pages,
me promettant de ne plus jamais approcher cet auteur. Eh bien, je viens
de lire Billy
Wilder et moi et j'ai eu du plaisir à le lire (je vous
le conseille). Je n'ai pas aimé Zéro K, mais je l'ai
lu en entier, alors peut-être, dans l'avenir, cryogénisation
ou pas, j'aimerais certains de ces livres
à la folie. J'ouvre
¼.
Valérie
Zéro K m'a laissée de marbre. Je n'ai pas accroché
et n'ai lu que 80 pages. Je n'ai pas d'avis.
Olivier
Ayant déjà lu l'auteur qui ne me plaisait pas, j'ai préféré
ne pas lire le roman choisi.
Marie-Thé
Je ne serai pas des vôtres : l'univers morbide de Don DeLillo ne
m'intéresse pas.
L'homme
qui tombe, sur le 11 septembre, m'a un peu tentée, mais
m'est vite tombé des mains. Je vous souhaite une bonne séance.
Chantal, entre et
Je l'ai "expédié" la première semaine de
juillet pour avoir des vacances tranquilles. Certaine que j'oublierais
tout très vite. Je n'aime pas l'histoire, l'univers, l'atmosphère,
je n'aime pas grand chose et je ne comprends pas tout des personnages
que je juge tarés ou malades... Oui; mais en septembre je me dis :
tout de même ce Don DeLillo, quel talent ! Pour que ces personnages
soient toujours là dans ma tête, pour que je "vois"
Jeffrey errer dans ces couloirs sans fin, avec des portes qui ouvrent
sur nulle part. Ce bâtiment au fin fond du Kazakhstan je le vois,
je vois ces films catastrophe qui défilent sur des écrans
géants... cette Artis en attente de cryogénisation...
Et surtout je sens le froid dans les lieux, dans les gens... et dans le
fond de l'histoire que je ne peux prendre pour de la fiction puisque des
expériences de ce type existent ou sont envisagées par les
transhumanistes, avec d'autres tout aussi terribles...
Où se cache ce talent ? Les mots qu'il adore, la puissance
des descriptions, l'architecture des bâtiments est vraiment présentée
en professionnel.
Les personnages, ils ont des sentiments... oui, mais ils restent pour
moi de glace comme les statues dans le jardin... même quand ils
vivent à New York...
Voilà. Je l'ouvre donc entre ½ et ¾ et j'attends
vos avis !
Cindy(avis
transmis en navigation pleine mer !)
Après Lhomme
qui tombe, j'ai retrouvé Don DeLillo et Zéro
K avec curiosité et plus de difficultés à
le lire dans les toutes premières pages à cause de cette
histoire de mort programmée
Don DeLillo n'est peut-être pas un auteur à lire en été,
saison propice aux lectures plus légères et douces, et encore
moins en navigation hauturière. Mais je me suis accrochée
au livre, bercée par la houle.
Je me suis attachée à l'auteur, ex-publicitaire qui a choisi
de ne plus travailler à 35 ans pour se consacrer à l'écriture,
à décrire comme ici tous les travers d'une société,
avec une histoire digne d'un roman de science fiction. Je me suis posé
la question : qu'aurait-il écrit à d'autres époques
beaucoup plus troublées ?
Les 50 pages ont été éprouvantes, mais je me suis
dit : allez, va au bout ! Don DeLillo aime les mots, mais ici les
mots égratignent, l'écriture est dure, corrosive et si belle,
et plaquée avec le cadre et l'histoire de cette famille. Le père
milliardaire avec une deuxième femme plus jeune (un peu cliché)
qui choisit de la "cryogéniser" par amour. Et là
Don DeLillo nous plonge dans un univers étrange entre la mort et
la vie éternelle. Dans ce temple de non retour, on a pour guide
le fils de passage, en visiteur, pour dire au revoir à Artis. Quel
bel échange avec elle :
Vous
pensez au genre de monde dans lequel vous allez retourner ?
Je pense à des gouttes d'eau. (p. 25)
À travers ces couloirs gris aux portes en couleur, il est en quête
d'amour et de reconnaissance auprès de ce père si éloigné
de lui. Il y rencontre des personnages fantasmagoriques avec lesquels
il échange :
Vous
rencontrez le froid, l'humidité de l'air, le manque d'espace ?
Je regarde à travers vous.
Et à propos du père : "Accordez-lui
la dignité du choix. Oubliez son argent. Il a une vie qui dépasse
les limites de votre expérience. Reconnaissez-lui le droit au chagrin"
(p. 136).
Au fil des pages, Jeffrey nous apporte (ouf) un peu d'humanité
et de réalité dans ce monde de fou ! Ça fait du bien
de le suivre plus loin dans la seconde partie dans un quotidien et une
vie normale avec Emma et son fils : "Si
je n'avais pas Emma, que verrais-je en me promenant au hasard dans les
rues" (p. 213) Cette deuxième
partie du livre a apporté à ma lecture du plaisir et des
réflexions philosophiques. Il y a aussi de beaux passages "amoureux"
dans le quotidien avec Emma.
Mais aussi au tout début : "À
quoi sert de vivre si nous ne mourons pas à la fin ?"
(p. 47)
J'ai beaucoup aimé l'échange avec Stak p.
232 : "seul
l'homme existe. Les pierres sont, mais elles n'existent pas (
)
Dieu est, mais il n'existe pas."
L'auteur veut finalement nous dire que le progrès technologique
ne constitue pas une solution à la vie éternelle en étant
congelé et là on peut sourire (tout comme la religion dans
son esprit). Don DeLillo pose aussi des questions que nous nous posons
tous : Qui sommes-nous ? Qui y-a-t-il après la mort ?
Je ferme le livre avec des envies de relire certains passages, car on
y puise un vocabulaire et une écriture d'une grande beauté
littéraire.
Pour moi Don DeLillo est à lire dans un parcours littéraire
! Moi deux fois avec L'Homme qui tombe !
Jeanen
direct (comme pour les suivants)
Je ne conseillerai pas de lire ce livre. Pourquoi dailleurs parler
dun livre qui ne mintéresse pas ! Un livre qui
a des prétentions philosophiques sur la mort. Et des prétentions
scientifiques sur la cryogénie. Ce livre nélargit
aucunement ma façon de penser. Il est dérisoire.
Suzanne
Avec Lhomme
qui tombe, dès les premières pages, on voit quil
a saisi quelque chose de ce que les personnes ont vécu dans leur
parcours dépouvante, sans plus aucun repère.
Avec Zéro
K, jai pensé au Meilleur
des mondes par rapport auquel je suis déçue, car
Aldous Huxley propose une construction et une cohérence que je
ne trouve pas là, superficiel, pas assez approfondi.
On connaît les spermatozoïdes congelés, mais des corps
entiers congelés cest autre chose ! À travers les
films que le fils, Jeffrey, voit avec fascination, cest du présent,
notre présent, dont il sagit, et non pas de science fiction.
La technologie souffle sur la planète et on ne peut, par rapport
à cela, se réfugier nulle part : je le ressens dans le livre.
Et si dans la réalité, moi, je peux me réfugier quelque
part, jai limpression cependant que nos champs se restreignent.
Il sagit du couloir de notre vie vers la mort. Avec cette déshumanisation,
quest-ce quil en advient, de lêtre ? Le moi, on
ne sait pas ce quil devient, une fois le corps cryogénisé.
On leur enlève la tête... je nai pas rêvé ?
Cest de la haute imagination... Et pour ce qui est des hommes "augmentés",
peut-on parler dhommes ?
Dans la façon décrire, Don DeLillo nous fait partager
une émotion esthétique. Jai pensé à
cet Allemand, Gunther
von Hagens, et ses corps plastinés. Ça vous touche,
ça renvoie à des questions essentielles qui sont bien mises
en valeur dans le livre.
Les histoires damour dans le livre, elles, m'ont semblé des
pis-aller.
Quant à ce lieu, la Convergence, il ma rappelé une
secte avec un rejet du monde, un langage propre et le grand
prêtre Stenmark. Le moine, je ny ai pas trop cru...
Il y a des formulations que jaime bien :
- la mort est une habitude difficile à vaincre
- nous naissons sans choisir dêtre, devons nous mourir ainsi
?
- un jour où la mort sera acceptable...
Moi je réponds : surtout pas léternité !
Il y a une belle écriture. Mais Lhomme qui tombe que
je vais finir ma davantage satisfaite.
Yolaine
(qui a lu Libra
et prévoit de lire les 1000 pages qui lui restent du tome 1 des
uvres
romanesques comportant cinq romans de Don DeLillo : Americana,
Joueurs, Les Noms, Bruit de fond, Libra)
Désolée de ne pas avoir trouvé le temps, lors de
ces grandes vacances, de me plier à la discipline collective en
commençant par Zéro
K. La fiction autour de l'assassinat de Kennedy m'a paru plus
alléchante pour aborder la découverte de cet écrivain,
mais j'avais surestimé ma capacité de lecture rapide, et
je viens tout juste de la terminer.
J'ai en effet éprouvé des difficultés et mis du temps
à apprivoiser les nombreux personnages qui gravitent autour de
cet événement historique. Le titre "Libra" désigne
le signe de la balance sous lequel est né Lee Harvey Oswald, et
c'est à l'éclairage du vécu du meurtrier présumé
de JFK que sont évoqués les faits, depuis son enfance dans
le Bronx jusqu'au drame final. Bien que les différents chapitres
semblent organisés par ordre chronologique, ce récit n'a
rien de linéaire, et fait intervenir en parallèle dans des
espaces et des périodes distincts de multiples acteurs, depuis
les agents du FBI et de la CIA jusqu'à l'enquêteur archiviste
enfermé depuis 15 ans dans une pièce bourrée de dossiers
qui ne cessent de s'empiler et de rendre cette affaire plus embrouillée.
Cette architecture sophistiquée nous fait prendre conscience de
l'incroyable complexité des circonstances de cet attentat et de
l'impossibilité de mettre fin au doute et au mystère. Tout
en s'appuyant sur un matériau historique très documenté,
l'auteur a "emmené des êtres réels dans un
espace et un temps imaginaires" afin que les lecteurs puissent
"peut-être y trouver un refuge". La littérature
lui semble plus à même de s'approcher de la vérité
historique que les éléments factuels, dont l'abondance finit
par annihiler la pertinence. À l'heure du Big Data, le retour à
l'imaginaire et à l'humain a une portée philosophique.
C'est aussi une immersion dans une Amérique très peu glamour,
plutôt violente et glauque, mais d'une humanité bouleversante.
On s'attache aux différents protagonistes et l'on se prend à
tourner les dernières pages avec frénésie, alors
même que la fin ne réserve aucune surprise, puisqu'elle est
connue dès le début. La description des dernières
heures de Lee est éblouissante. La rencontre explosive des destinées
de cet être désespéré devant sa vie ratée
et ses idéaux déçus et d'un des personnages apparemment
les plus puissants du monde est racontée de façon magistrale.
Encore une belle découverte de la littérature américaine.
Sylvie
J'ai abordé ce livre sans connaître l'auteur ni le sujet.
J'aime les surprises. Je n'aime pas tellement les sujets de projection
futuriste, je les trouve trop en décalage et loin de l'humain.
Alors je suis entrée dans ce livre avec un peu de méfiance.
Oui c'est un projet glacial dont il s'agit, dans un lieu inconnu, froid
et gris, bâti de couloirs et de portes, sans fenêtres, où
des gens attendent la mort pour être cryogénisés.
Ces couloirs et dédales, antichambres d'un process pour une vie
future; mettent entre parenthèses la vie présente et font,
dans ce centre de cryogénisation, de la mort non pas une fin, mais
un début.
Pour moi, c'est un livre sur le temps, la notion de temps, qui s'arrête,
se dilate, se comprime suivant ce qu'on en fait :"ça
rend le temps plus précieux", "le
temps n'existe pas", "nous
nous en remettons à lui".
"Les couloirs vides,
l'arrangement des couleurs, les portes de bureaux qui donnaient ou non
sur des bureaux. Les moments labyrinthiques, le temps suspendu, les contenus
cachés, l'absence d'explication"..."je
me diluai dans l'indifférenciation". L'absurdité
des choses, la perte de des repères fait perdre la notion du temps.
Ces images violentes diffusées dans les couloirs, ce crâne
géant exposé au milieu d'une salle, tout cela parle du temps
et de sa fragilité, fugacité : "êtes-vous
encore humain sans la notion du temps ?"
On situe mal le lieu, on devine les liens familiaux petits à petit,
l'espace est réduit presque à néant par l'enfermement
et sa neutralité, le temps est-il lié à l'espace ?
Réduire la notion de temps, est-ce réduire la capacité
de penser ? Est-ce perdre le libre arbitre ? On le sait, priver
de la notion du temps est une pratique courante dans les méthodes
d'endoctrinement de structure totalitaire. Mais ici, les gens viennent
par choix, sauf les accompagnants...
La mort devient une solution à la vie, une vie future pleine de
promesses, une vie éternelle ! Le temps ne sera pas compté !
Une vie où il n'y aura plus le même langage, plus de souvenirs,
où l'on sera autre en étant pleinement soi-même...
La perte de la notion du temps, des souvenirs, est-ce la perte de son
identité ? De nos identités de groupe ? "Qu'arrivera-t-il
à l'histoire ? À l'argent ? À
Dieu ?"
Et puis il y a le narrateur, le fils, la couleur du livre... Lui ne comprend
pas, ne rentre pas dans "le process", lui vit le temps présent.
Il met de la distance en attribuant un nom à tous ces organisateurs
de ce qui nous paraît être une secte, une manipulation. Le
décor n'a pas englouti son libre arbitre... : "Tu
transformes Artis en mirage.". Car Ross, son père
en bonne santé, au bout d'un certain temps, souhaite accompagner
sa femme malade dans ce projet contre l'avis de son fils : "c'est
un meurtre caractérisé ? C'est une forme de suicide
assisté horriblement prématuré ? Ou bien un
crime métaphysique requérant une analyse philosophique ?
Il dit 'Assez. Mourir un moment et vivre pour toujours'. Je ne savais
qu'ajouter, que faire, où aller. Trois, quatre, cinq jours, quoi
qu'il en fût de la durée de mon séjour... un temps
comprimé, un temps rétréci, un
temps superposé, sans journée, sans nuit, des portes, pas
de fenêtres".
Le narrateur, Jeffrey, c'est la couleur, la pensée, le dehors,
le paysage, le jour, le soleil, c'est la vie, car il admet un début,
un milieu et une fin.
Pour tout cela, j'aime ce livre que je n'ai pas encore fini. Il est à
la fois une sorte de conte philosophique sur la valeur du temps, de nos
existences et de la vie, tout cela en parlant de la mort... Je trouve
parfois que l'absurde dans lequel nous sommes plongés nous fait
sourire "le site est
stabilisé. Nous ne sommes pas dans une zone sujette aux tremblements
de terre... Artis sera en sécurité, et Ross aussi s'il choisit
de l'accompagner. Le site est stabilisé, nous sommes stabilisés."
Pour arriver à la vie éternelle, il va falloir affronter
les dommages du temps !
J'aime l'écriture de Don DeLillo, c'est fluide et il nous tient
en haleine... Je pense lire d'autres ouvrages de lui. Je l'ouvre aux ¾.
Édith
J'ai découvert cet auteur avec VAC et j'ai tout de suite acheté
Le silence
et Zéro K
Puis,
chez un bouquiniste, L'homme
qui tombe. Autant dire que les quatrièmes de couverture m'attiraient...
J'ai commencé par Le silence et... rideau blanc... comme
l'écran de télé dont il est question dans le texte
! Intriguée par l'effet produit sur moi avec si peu d'histoire
Actes Sud c'est du bon en général
alors j'ai lu, début
juillet, Zéro K, attirée aussi par la couverture
très intrigante et le texte au dos.
Je remarque plusieurs temps dans le récit : Tcheliabinsk, Artis
Martineau, et ensuite les chapitres, Emma, Stark son fils adoptif (un
génie)
!
L'histoire pour moi : un homme encore jeune qui rencontre un père
méconnu, ou plutôt inconnu, du fait de l'histoire du couple
de ses parents, un homme convié à vivre, sur invitation
de son père, la fin programmée de sa belle-mère Artis
qui précédera celle de son père Ross Lockard ! Voilà
de quoi m'attirer : j'en ai eu pour ma curiosité en lisant p. 126
"Mourir
un moment. Vivre pour toujours", et la suite dans le même
esprit.
D'abord les lieux décrits : je ne pouvais m'empêcher de les
visualiser presque comme dans un rêve cauchemardé
,
des portes sans relief qui s'ouvrent sur un vide, rien, des images troublantes
violentes et sans sons.
Les personnages énigmatiques : aucun moyen de communiquer, des
personnages rencontrés mais muets ou discourant sans lien avec
la réalité du héros ou avec un discours décalé,
équivoque ou "demeuré"
Le personnage du
moine et sa description tant physique que psychologique m'intriguent.
Que doit penser ce personnage, le moine, qui accompagne les futurs "voyageurs
cryogénisés" sans émotions à ses dires.
Fonction qui se résume à rappeler leur vie
l'au-delà
c'est plus tard, au moment du retour à la vie.
J'ai réfléchi en relisant : "Artis
avait dit qu'elle se sentait artificiellement elle-même
(
) Qu'advient-il
de l'idée de continuum
- passé présent futur -
dans la chambre cryogénique ? Comprendrez-vous les jours, les années
les minutes ? Cette faculté diminuera-t-elle jusqu'à
mourir ? Êtes-vous encore humain sans la notion du temps ?
Plus humains que jamais ? Redevenez-vous ftus, chose non née ?"
(p. 75-76).
Mais je n'ai pas tout saisi. Par exemple les questions autour de la dénomination :
nom propre, prénom ou tout simplement des mots usuels... ; intriguée
je suis et le reste. Nommer est-ce faire exister ?
Jeffrey évoque son désir de lire Gombrowicz en polonais.
Cela me renvoie à notre
lecture dans ce groupe et à la stupéfaction engendrée
par les situations des héros et notamment j'ai en mémoire
l'homme qui parlait en déformant les mots (invention parfois)
et le délitement des événements. Déstabilisant !
Oui, ce livre distille une impression étrange. J'aime et n'aime
pas en même temps. Je suis agacée car j'imagine qu'il y a
un message que je ne saisis pas mais qu'en même temps je pressens.
La volonté de ne pas mourir me questionne ; alors, quoi du temps,
de la création sous toutes ses formes pour ne pas mourir ? (p.
77) Et c'est quoi que d'accepter de mourir refroidi dans un espoir
(vain ?) de revivre
mais alors qu'est devenue la personne à
l'heure, la seconde, du fait de cryogénisation ? Le continuum
Sa mère Madeline serait la réalité et son père
le virtuel, le dénommé et renommé Ross Lockard
un autre homme par la force du dire ? L'évocation de sa mère
par des détails fixés (détacher une étiquette
en la roulant avec l'ongle), la précision du moment de sa mort,
la vieille avec sa canne p. 269. Pour en dire plus à propos de
la deuxième partie "ARTIS MARTINEAU" (nom et prénom).
Femme du second mariage de son père, l'énigmatique malade,
amoureuse
il faudrait que je la relise. Trop loin dans ma mémoire.
PARCOURS DE L'AUTEUR : enfance, lectures, études, politique, travail, potins |
En quelques lignes :
né en 1936 à New York. Études de communication.
Début de carrière : rédacteur publicitaire. Marié
en 1975, sans enfants. Écrit des romans, des pièces
de théâtre, des essais et reçoit de nombreuses
récompenses.
Mais son parcours mérite des détails, surtout s'ils
viennent de lui...
Enfance
- Il naît en 1936 de parents italiens
émigrés et passe son enfance dans le Bronx
: "Mes parents sont nés en Italie. Mon père
est arrivé dans ce pays en 1916, je crois, alors qu'il n'avait
que neuf ans. Il y avait ma grand-mère, mon père et
ses frères et surs ; il y avait au total environ sept
personnes, dont un nain, ainsi qu'un enfant que ma grand-mère
avait ramassé à Naples en cours de route".
Son père travaille comme
commis à la paie dans une compagnie d'assurance : "un
col bleu, qui a fini par porter une cravate au travail".
Il n'y avait pas d'argent.
- C'était une enfance de sports, de famille et de jeux (de
cartes, de billard, de ballon) : "Personne autour de nous
n'avait de ballon de foot. Nous avions coutume d'envelopper un tas
de journaux avec du ruban adhésif et de l'utiliser ainsi. C'était
notre ballon de foot". Son goût du baseball a perduré :
"Je dois dire qu'aller voir un match de baseball avec Don
est un grand événement", dit Salman Rushdie
après avoir assisté à un match des Yankees
avec DeLillo, "parce qu'il y va avec son gant, et il est prêt
à attraper chaque balle de volée".
- La famille était catholique : - "Être élevé
en tant que catholique était intéressant parce que le
rituel comportait des éléments d'art et cela a suscité
des sentiments que l'art nous inspire parfois. Je pense que j'y ai
réagi comme je réagis aujourd'hui au théâtre.
Parfois c'était génial ; parfois c'était drôle.
Les grandes messes funéraires étaient un peu des deux,
et elles font partie de mes souvenirs d'enfance les plus chaleureux."
Lectures
"Pas grand-chose au début.
Dracula à
quatorze ans. ... Et oui, la trilogie Studs
Lonigan, qui m'a
montré que ma propre vie, ou quelque chose comme ça,
pouvait faire l'objet d'un examen minutieux par un écrivain.
C'était une chose incroyable à découvrir. Puis,
quand j'avais dix-huit ans, j'ai obtenu un job d'été
en tant que gardien de terrain de jeu. Et on m'a dit de porter un
tee-shirt blanc et un pantalon marron et des chaussures marron et
un sifflet autour du cou - qu'ils m'ont fourni - le sifflet. Mais
je n'ai jamais acquis le reste de la tenue. Je portais un jean bleu
et des chemises à carreaux et j'ai gardé le sifflet
dans ma poche et je suis juste resté assis sur un banc de parc
déguisé en citoyen ordinaire. Et c'est là que
J'ai lu Faulkner, Tandis que j'agonise et Lumière
d'août. Et j'ai été payé pour ça.
Et puis James Joyce : et c'est à travers Joyce que j'ai appris
à voir quelque chose dans le langage qui portait un rayonnement,
quelque chose qui me faisait ressentir la beauté et la ferveur
des mots, au sens où un mot a une vie et une histoire. Et il
m'arrivait de regarder une phrase dans Ulysse ou dans Moby
Dick ou dans Hemingway - peut-être que je n'étais
pas arrivé à Ulysse à ce moment-là,
que c'était Portrait de l'artiste - mais c'était
certainement Hemingway et l'eau qui était claire et coulait
rapidement et la manière dont les troupes marchaient le long
de la route en soulevant de la poussière qui poudraient les
feuilles des arbres. Tout cela dans une aire de jeux dans le Bronx."
Études
Il a fréquenté l'école
secondaire Cardinal Hayes ("J'y ai dormi quatre ans") et
plus tard l'Université Fordham,
où, dit-il : "Je n'ai pas étudié grand-chose.
Je me suis spécialisé dans ce qu'on appelle les arts
de la communication" (y furent élèves : la
romancière Mary Higgins Clark qui a obtenu un diplôme
de philosophie et Donald Trump... qui y a étudié sans
obtenir de diplôme).
Il n'aimait pas l'école, mais repère ses premières
influences. "Je pense que New York lui-même a eu une
énorme influence. Les peintures du Museum of Modern Art, la
musique de la Jazz Gallery et du Village Vanguard, les films de Fellini
et Godard et Howard Hawks. Et il y avait une anarchie comique dans
l'écriture de Gertrude Stein, Ezra Pound et d'autres. Bien
que je ne veuille pas nécessairement écrire comme eux,
pour quelqu'un qui a 20 ans, ce genre de travail suggère la
liberté et la possibilité. Il peut vous faire voir non
seulement l'écriture mais le monde d'une manière complètement
autre."
Par conséquent, déduit-il : "Je pense que plus
que les écrivains, les influences majeures sur moi ont été
les films européens, le jazz et l'expressionnisme abstrait."
Politique
DeLillo est resté à l'écart
de la politique. "J'ai participé à un certain
nombre de manifestations contre la guerre, mais uniquement comme une
sorte de marcheur dans les rangs arrière", a-t-il
déclaré. "J'étais très intéressé
par la musique rock. En même temps, je dois dire que je n'ai
pas acheté un seul disque. Je l'ai écoutée à
la radio. Je laisse la culture me submerger. J'ai consommé
de la marijuana, pas fréquemment mais plus ou moins régulièrement.
J'ai trouvé les années 60 extrêmement intéressantes,
et, en même temps que tout cela se produisait - énorme
bouleversement social - je sentais aussi qu'il y avait un ennui curieux,
un ennui, qui fait peut-être partie de mon premier roman. Je
pense que c'est quelque chose que j'ai ressenti autour de moi, qui
semblerait complètement en contradiction avec ce que vous voyiez
et entendiez dans les rues. Je suppose que ce que j'ai ressenti pendant
une grande partie de cette période était un sentiment
de non-appartenance, de ne faire partie d'aucune sorte de système
officiel. Pas comme une forme de protestation mais comme une sorte
de séparation. C'était une aliénation, mais pas
une aliénation politique, principalement. C'était plus
spirituel."
En 1994, Don DeLillo et Paul Auster ont rédigé
la brochure ci-dessous, dans le but de sensibiliser le public au sort
de Salman Rushdie :
ZEIT en 2007 - Quelle est votre orientation politique ?
Don DeLillo - Je suis indépendant. Et je préfère
ne rien en dire de plus.
ZEIT - Pourquoi pas ?
Don DeLillo - Eh bien, dans le Bronx où j'ai grandi, nous l'aurions
dit à sa manière : parce que ce ne sont pas tes putains
d'affaire.
ZEIT - Pour les lecteurs de cette conversation, nous devons
ici ajouter que vous êtes en train de rire.
Travail
En 1959, après l'université, DeLillo a déménagé
dans un petit appartement à Murray Hill, le genre où
le réfrigérateur se trouve dans la salle de bain. Au
début, il avait un emploi à temps plein en tant que
rédacteur publicitaire chez Ogilvy, Benson & Mather. Ses
amis étaient d'autres rédacteurs, drôles et sophistiqués
"comme une combinaison de Jerry Lewis, Lenny Bruce et Noël
Coward". Ils sont allés ensemble au Musée d'Art
Moderne et au Village Vanguard, et voir les films de l'époque
qui venaient d'Italie et de France.
Il avait publié quelques nouvelles ; en 1960 sa première
histoire "The River Jordan," paraît dans Epoch,
le magazine littéraire de Cornell University.
Pendant qu'il travaille dans la publicité, DeLillo commence
à travailler sur "Americana" sur lequel il travaillera
quatre ans - travail qui le convainc qu'il est écrivain
- En 1964 : il quitte Ogilvy, Benson & Mather et habite dans un
modeste appartement près du Queens-Midtown
Tunnel. Pour gagner un peu d'argent, il rédige des textes
pour des catalogues de meubles, des dialogues pour un dessin animé,
un scénario pour une publicité télévisée.
- En 1971, Americana est publié (il a 35 ans). De 1971
à 1978, il publie six romans.
- En 1978, DeLillo reçoit une bourse
Guggenheim qui lui permet de financer un voyage au Moyen-Orient
avant de s'installer en Grèce, où il écrit deux
romans. "Mon séjour en Grèce s'est avéré
crucial pour mon écriture. La langue, les gens, l'histoire,
les murs et les monuments avec leurs lettres et mots inscrits - tout
cela m'a donné une idée de l'implication plus profonde
que je devais trouver dans la formation d'une phrase, et de la composante
visuelle, le « architectural » élément présent
dans les lettres et les mots. Dans un sens, ce que je faisais était
de redécouvrir l'alphabet."
- En 1985, c'est avec la publication de Bruit
de fond qu'il rencontre le succès et devient un romancier
important ; il reçoit le National Book Award.
- Jusqu'à son décès en 2014, il avait pour agente
littéraire la célèbre Lois
Wallace.
- En 2021, il utilise
toujours une vieille machine à écrire, en très
gros caractères d'imprimerie...
Potins
Aucun potin à se mettre sous la dent.
2004=> <=2012
En 1975, à 39 ans, il épouse Barbara Bennett. Ils n'ont
pas d'enfants.
Ils vivent à une
demi-heure de train de New York dans le comté de Westchester,
un endroit calme et verdoyant habité par des avocats, des médecins,
des éditeurs et des banquiers...
Ils travaillent tous les deux à la maison : DeLillo en tant
que romancier dans son bureau à l'étage, Bennett en
tant que paysagiste (elle était auparavant cadre dans une banque).
Zéro K lui est dédicacé... Une confidence
quand même... : "Quand je vivais seul dans les années
60 et au début des années 70, je ne cuisinais que du
bacon et des ufs. On m'a finalement fait remarquer que c'était
assez malsain. Je suis un mauvais cuisinier. Je n'aime pas cuisiner.
C'est contre ma religion. J'aime manger, mais je ne sais pas cuisiner.
Voilà, c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles
je suis marié depuis 40 ans."
DeLillo n'enseigne pas, il donne rarement des lectures et réduit
au minimum les entretiens.
(Sources nombreuses : New
Yorker, Guardian,
site américain consacré
à l'écrivain...)
LES UVRES TRADUITES EN FRANCE |
16 romans, un recueil de nouvelles, 4 pièces
de théâtre : à l'exception de deux romans chez
Stock, tous les autres ont été publiés chez Actes
Sud, y compris les pièces dans la collection Papiers, et le
premier tome des uvres complètes dans la collection Thesaurus.
En ordre chronologique avec les dates de première publication
aux USA, suivie de la date de publication en France :
- 1971 : AMERICANA,
1992 ; Poche/Babel, 2000
- 1973 : GREAT
JONES STREET, 2011 ; Babel 2014
- 1976 : L'ÉTOILE
DE RATNER, 1996 ; Babel, 2011
- 1977 : JOUEURS,
1993 ; Babel, 2002
- 1978 : CHIEN GALEUX,
1991 ; Babel, 1993
- 1982 : LES NOMS,
1990 ; Babel, 2008
- 1985 : BRUIT
DE FOND, Stock, 1986 ; Babel, 2001 (National Book Award 1985
- ses autres prix
ici)
- 1986 (première représentation) : LA
SALLE DE JOUR, 2018
- 1988 : LIBRA,
Stock, 1989 ; Babel, 2001
- 1991 : MAO II,
1992 ; Babel, 2001
- 1997 : OUTREMONDE,
1999 ; Babel, 2003
- 1999 (première représentation) : VALPARAISO,
2001
- 2001 : BODYART,
2001 ; Babel, 2003 ; 2010 : au programme de français en Terminale...
- 2003 : COSMOPOLIS,
2003 ; Babel, 2005
- 2005 (première représentation) : CUR-SAIGNANT-D'AMOUR,
2006
- 2007 (première représentation) : LE
MOT POUR DIRE NEIGE, 2018
- 2007 : L'HOMME
QUI TOMBE, 2008 ; Babel, 2010
- 2010 : POINT OMÉGA,
2010 ; Babel, 2013
- 2011 (nouvelles) : L'ANGE
ESMERALDA, 2013 ; Babel, 2017 (voir la liste
et présentation de ses nouvelles non traduites)
- 2016 : ZÉRO
K, 2017 ; Babel, 2019
- 2020 : LE
SILENCE, 2021.
- UVRES
ROMANESQUES, tome 1, 2008 (cinq romans de Don DeLillo : Americana,
Joueurs, Les Noms, Bruit de fond, Libra qui couvrent la période
1971 1989).
TRADUCTEURS |
Le premier chapitre de Zéro K traduit par Francis Kerline | |
Everybody
wants to own the end of the world. This is what my father said, standing by the contoured windows in his New York office - private wealth management, dynasty trusts, emerging markets. We were sharing a rare point in time, contemplative, and the moment was made complete by his vintage sunglasses, bringing the night indoors. |
Tout
le monde veut posséder la fin du monde. C'est ce que déclara mon père, debout près des fenêtres à petits carreaux de son bureau de New York - gestion de fortune, transmission de patrimoine, marchés émergents. Nous partagions un moment rare, contemplatif, impression parachevée par ses lunettes de soleil à l'ancienne, qui faisaient entrer la nuit. |
(voir la
suite du chapitre)
|
Marianne Véron
a traduit la plupart de ses livres (13) :
- Americana
- Great Jones Street
- L'Étoile de Ratner
- Joueurs
- Chien galeux
- Les Noms
- Mao II
- Outremonde
- Body Art
- Cosmopolis
- L'Homme qui tombe
- Point Oméga
- L'Ange Esmeralda
Interview de
Marianne Véron (qui a arrêté ses traductions
pour des raisons familiales, après avoir traduit près
de 300 livres, dont Doris Lessing) sur France Culture à propos
du dernier roman Le silence, 14 juin 2021, 27 min.
Michel Courtois-Fourcy a traduit deux
romans publiés chez Stock : Bruit de fond et Libra
: Marianne Veron raconte que ça n'a pas marché et
que Stock en est resté là. Plus tard, c'est Paul Auster
qui a parlé à son éditeur français Actes
Sud de Don DeLillo qui, depuis, y a publié toute son uvre...
- Francis Kerline a traduit seulement
Zéro K
- Sabrina Duncan a traduit le dernier
roman : Le Silence.
Quatre pièces de théâtre ont été
traduites par deux autres traducteurs :
- Adélaïde Pralon : La
Salle de jour et Le Mot pour dire neige
- Dominique Hollier : Valparaiso
et Cur-saignant-d'amour.
DES LIVRES SUR DON DELILLO |
-
Un essai de Florian Treguer, Don
DeLillo : une écriture paranoïaque de l'Amérique,
Presses Universitaires de Rennes, 2021, 671 p. (!) : voir le
chapitre
d'introduction (auteur d'une thèse
en 1999 L'espace critique de la représentation dans
l'uvre romanesque de Don DeLillo).
- Un livre répondant à la question : Pourquoi
je lis BRUIT DE FOND de Don DeLillo, par le romancier
Juan Francisco Ferré, éd. Feu sacré, 2016, 72
p.
- François Happe, Don
DeLillo : la fiction contre les systèmes, Belin, 2000,
128 p., extrait
ici.
ARTICLES ET INTERVIEWS |
Sur
Zéro K (quelques-uns des nombreux articles) :
- "Don DeLillo trompe la mort",
Florence Noiville, et "Don
DeLillo : Je suis prêt à disparaître",
propos recueillis par Florence Noiville, Le Monde, le 30 août
2017.
- "Don
DeLillo donne des sciences à la vie", Mathieu Lindon,
Libération, 1er septembre 2017.
- "Le
degré zéro de Don DeLillo", Didier Jacob, L'Obs,
12 septembre 2017.
- "Don
DeLillo pose la question: peut-on encore être humain si l'on
vainc la mort?", Le Temps, André Clavel, 15
septembre 2017.
-
Entretien avec Don DeLillo, Steven Sampson, En attendant Nadeau,
26 septembre 2017.
- "Zéro
K
: limmortalité selon Don DeLillo", Christine
Bini, La Règle du jeu, 27 septembre 2017.
- "Tromper
la mort", Yann Fastier, Le Matricule des Anges, octobre
2017.
Entretiens (quelques-uns)
:
- Don
DeLillo et le 11 Septembre: un entretien exclusif avec Sylvain
Bourmeau, Mediapart, 5 avril 2008.
- "L'écriture est
une chute métaphysique. On tombe à l'intérieur
de soi", propos recueillis par Marine Landrot, Télérama,
4 avril 2008.
- Entretien
avec Don DeLillo, l'écrivain le plus secret d'Amérique,
par Philippe Azoury, Nouvel Obs, 30 mai 2014.
- Entretien
avec Don DeLillo, par Steven Sampson, En attendant Nadeau,
26 septembre 2017.
- Interview récente à la sortie de Silence
: "L'Amérique vue par
DeLillo", L'Obs, 8 avril 2021.
Et aussi :
- L'art contemporain pour écrivains
d'aujourd'hui, Christophe Domino, Journal des arts, 8 octobre
2010 : une mise en relation entre La
carte et le territoire de Houellebecq que nous avons lu et
Point Oméga.
RADIO |
À
la sortie de Zéro K :
- France Inter, L'Heure bleue par Laure Adler : Qui
êtes-vous Don DeLillo ?, 21 septembre 2017, 53 min
(sur le site de l'émission, on peut visionner un document de
l'INA datant de 1985 sur un médecin qui a "cryonégisé"
son épouse).
- France Culture, Le Temps des écrivains par Christophe
Ono-dit-Biot, "Un
petit gars qui a grandi dans le Bronx, voilà qui je suis",
Don DeLillo,
23 septembre 2017, 58
min.
- France Inter, Le
Masque et la Plume, 1er octobre 2017, à partir de 35 min 19.
- France Culture, La Dispute, par Arnaud Laporte : "Don
DeLillo fait de la philosophie pour lycéens", 5 octobre
2017, les 19 premières minutes de l'émission.
- France Culture, Le Réveil culturel, par Tewfik Hakem
: "J'observe
les mots sur la page comme un peintre les coups de pinceau sur la
toile", 20 novembre 2017.
Et aussi :
- France Culture, Hors-Champs
par Laure Adler,
Don DeLillo : "Plus javance en âge et plus je me
pense comme un gamin du Bronx", 3 mai 2016, 44 min.
-
Entretien (audio) à l'Odéon, Don
DeLillo : un parcours, avec Florence Noiville et la traductrice
Marianne Véron, 11 décembre 2018, 23 septembre 2017,
1h
10.
- France Inter, L'Heure bleue, 4 émissions de 52 min
de Laure Adler du 1er au 4 juin 2020 : 1. "Le
vieux maître" : Don DeLillo - 2. Don
DeLillo et son uvre
- 3. Les
mots avec Don DeLillo - 4.
Cinéma et "Zéro" avec Don DeLillo (avec
un comédien lisant Outremonde la première partie
des 4 émissions, la deuxième partie étant soit
un entretien avec DeLillo, soit avec Julien Gosselin qui l'a adapté
au théâtre).
CINÉMA |
- 2005 : Don DeLillo écrit le scénario
de Game 6 de
Michael Hoffman.
- 2016 : À
jamais de Benoît Jacquot avec Mathieu Amalric,
Julia Roy, Jeanne Balibar, est une adaptation du roman Body
Art (2001) - bande
annonce ici.
- 2012 : Cosmopolis
de Cronenberg avec Robert Pattinson, Juliette Binoche, Sarah Gadon,
est une adaptation du roman Cosmopolis
(2003) - bande
annonce ici.
- Un entretien avec Don DeLillo par Jean-Michel Frodon, Slate,
25 mai 2012 (à la suite de l'adaptation de son 13e roman) :
"Avec
Cosmopolis, "mes mots ont pris une autre vie".
THÉÂTRE |
Don DeLillo a écrit pour le
théâtre. Voici 4 pièces traduites en français :
Certains de ses romans ont été adaptés au théâtre
:
- 2018, Julien Gosselin présente
au Festival d'Avignon, en dix heures trente de spectacle visibles
en trois soirées ladaptation de trois romans de
Don DeLillo : Joueurs,
Mao II et Les Noms. Puis l'Odéon
redonne la pièce.
- 2021 : Simon Mauclair adapte L'homme
qui tombe ainsi que L'ange
Esmeralda
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
||||
à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
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