Quatrième de couverture :
Ainsi commence la première lettre dIlana
à son ex-mari, Alec, après sept ans de silence. Il est devenu
un intellectuel de renommée internationale et vit aux États-Unis.
Elle sest remariée à Michel Sommo, un juif sépharade
religieux, et vit en Israël. Leur correspondance prend dabord
pour sujet Boaz, leur fils, une graine de voyou. Mais bien vite leurs
échanges restituent leur vie passée : comme, après
une catastrophe aérienne, le contenu de la boîte noire. Éditions précédentes : Calmann-Lévy, 1988
|
Amos Oz (1939-2018)
|
DES
INFOS AUTOUR DU LIVRE Quelques repères biographiques Livres traduits en français Presse : vidéo, radio, articles |
Les
15 cotes d'amour de
l'ancien groupe parisien réuni le 9 juin 2023 |
Geneviève(avis
transmis)
Très perplexe, à différents niveaux. Tout est exceptionnel
: relations entre les personnages, leur rapport avec l'histoire, l'étrangeté,
l'amour et la haine. Sordide et poétique. Mais surtout la prise
de parole de chacun des personnages du plus abstrait et juridique au plus
concret sur la négociation financière et la menace, sans
jamais oublier le contexte politique et historique. Chaque personne est
unique, maniant haine et amour, pitié et incompréhension.
Le choix d'écriture a pour conséquence qu'à chaque
prise de parole, on connaît le destinataire et pas l'auteur de la
parole, dont l'avis change sans cesse. D'où pour moi des moments
troublants, où l'on ne comprend plus l'intention. J'ai donc eu
de vraies difficultés, mais l'uvre dans ce contexte est unique
et mérite probablement d'être lue et relue.
Le dernier du même auteur que nous avions lu ensemble m'avait fascinée
avec beaucoup moins de difficultés, mais l'ensemble de son uvre
mérite l'effort et la perturbation qu'il crée.
Je dirais ¾ à cause de la difficulté, mais sans aucun
doute quant à son intérêt dans un contexte si brûlant.
Fanny(avis
transmis)
Je regrette de ne pas pouvoir être avec vous en cette fin d'année
je suis en déplacement sur les dates du groupe.
Néanmoins j'ai lu bien sûr La boîte noire.
Tout d'abord j'ai trouvé vraiment plaisant de se replonger
dans un temps et un monde où l'on s'écrivait des lettres.
Pardon, je sens que je rentre dans un discours qui montre que je commence
à avoir passé depuis longtemps le cap de la jeunesse.
Blague à part, au-delà du support, c'est la question de
la différence de temporalité que je trouve intéressante
; il n'y a pas cette immédiateté d'Internet qui pousse parfois
à hausser le ton sans recul.
Les échanges sont plus dans la maîtrise et le calcul et je
trouve que l'auteur évite l'écueil du pathos dans lequel
il aurait facilement pu sombrer.
Pour autant, je n'ai pas éprouvé d'empathie pour les personnages.
Le moins fou (à part l'avocat opportuniste) me paraît être
le fils. J'ai d'ailleurs apprécié le réalisme des
fautes d'orthographe dans ses lettres.
Par contre lorsque les courriers deviennent de véritables chapitres
narratifs, je trouve que le subterfuge ne prend pas. Cela permet de comprendre
l'histoire de chacun, mais à mon sens, on sort du récit
épistolaire. J'ai trouvé ces passages, que je n'ai pas lus
comme des lettres, trop longs, et la fin m'a un peu ennuyée.
J'ouvre ½ dans la hâte de lire vos avis à défaut
de pouvoir vous entendre.
Passez une belle soirée.
Rozenn(avis
transmis)
Je ne pourrais encore pas être des vôtres ce soir. Je voulais
envoyer mon avis mais je n'ai pas fini le livre. J'avais commencé
à lire le suivant. Je recommence à avoir du plaisir à
lire de la fiction.
Arrivée p. 164.
Les personnages et leurs histoires sont complexes.
Ilana m'agaçait beaucoup jusqu'à la lettre sur laquelle
je m'arrête où elle raconte à Alec le début
de leur relation.
Cette lecture est fascinante.
Jeux réciproques. Stratégies complémentaires ou antagonistes.
Les temporalités mêlées des échanges de lettres
et des récits du passé toujours subjectifs plus ou moins
manipulateurs ou sincères.
En arrière-plan des enjeux politiques religieux financiers qui
évoluent et font évoluer les personnages.
Au fond de tout ça, tellement de mots maintenant pour ne pas se
dire les choses à temps sans doute même parce qu'on ne les
saisit pas complètement
Boaz victime et rebelle. Enfant otage. Que tous veulent s'approprier.
Vas-y, continue à faire des fautes d'orthographe. Résiste.
La religion dans tout ça. Présentée sous un aspect
mesquin et manipulateur.
Le style de chacun est particulier. Son style à elle au début
m'énervait et puis j'ai accepté qu'elle s'étale et
se perde en descriptions. Les notes d'Alec sont pédantes mais éclairantes
sur la question du fanatisme. Hier on poignarde des bébés
et on attaque le tueur, les deux au nom du Christ.
J'ouvre en grand sous réserve de la fin de la lecture.
Laura
Amos Oz était un auteur pour moi encore inconnu, mais la lecture
de son livre s'est révélée être une agréable
découverte. Je l'ai terminé plutôt rapidement, car
je n'arrivais pas à lâcher le livre. Je n'avais qu'une envie,
me replonger sans cesse dans cette atmosphère si particulière
faite d'amour, de haine et d'admiration réciproque. J'ai à
peu près tout apprécié : la forme épistolaire
qui insuffle du rythme à la lecture, et parfois une dose de comique
qui tranche avec le sérieux de la majorité des lettres -
à travers les échanges de télégrammes entre
Alec et Manfred notamment, ces premières insultes amicales m'ont
fait éclater de rire - mais aussi le fond, cet étrange amour
entre les ex-époux, amour sans limites, ni d'espace ni de temps,
qui excuse tout, et espère tout. L'auteur le crée et l'interprète
comme amour incestueux - être à la fois la femme, la fille
et la mère - mais à l'inverse j'y vois plutôt son
caractère absolu : il supporte tout, les tromperies, les machinations,
les transactions monétaires.
Ceci dit, je m'attendais en entendant le titre "La boite noire"
à faire face à des révélations plus atroces,
à des violences à chaque page. Il y en a pourtant : les
tromperies d'Ilana évidemment, mais surtout les coups, les viols.
Seulement, tout est déjà mêlé à une
étrange poésie qui amortit toute la violence et rend alors
ces perversions excusables, car elles avaient une cause et sont désormais
devenues négligeables. Pour moi, le livre est assez philosophique,
ce qui m'a beaucoup plu : il aborde le sujet de la religion et sa place
dans la société et la famille, l'importance du jugement
mais aussi du pardon, la manière d'élever les enfants, et
le rapport à l'argent. Si j'ai à peu près tout aimé,
mes passages préférés restent les notes d'Alec sur
l'anéantissement et la conjonction des temps (pp. 204-207)
et la philosophie très matérialiste de Boaz pour qui seul
le travail donne un vrai sens à la vie (p. 228).
Pour passer à ce que je n'ai pas apprécié, je mentionnerai
uniquement la fin du livre et les dernières lettres qui relatent
la vie de la famille dans la vieille maison. Tout m'a semblé traîner
atrocement en longueur, c'étaient peut-être les lettres de
trop. Je me suis un peu ennuyée lors de la lecture de la lettre
d'Alec notamment, alors que celle d'Ilana adressée à Michaël
est presque comique en étant une sorte de répétition
de la première lettre adressée à Alec : celui
qui la lit la brûlera sûrement etc.
Finalement pour moi Amos Oz a constitué ses personnages un peu
comme des idées : si Michaël est l'idée du jugement,
Alec est celle de répétition, de la circularité.
Il retrouve sa première femme, sa première maison désormais
repeuplée, il retrouve la maladie à l'image de son père.
Ilana quant à elle, m'a fait penser à Antigone, en moins
tragique. Dans les lettres à sa sur, on voit qu'elle est
tiraillée entre les convenances politiques et religieuses qui lui
ordonnent de rester auprès de son mari et de faire la cuisine,
d'élever ses enfants, et son désir de retrouver Alec, d'enterrer
avec soin celui qui a fauté par son départ, son silence
et son abandon, mais qui demeure comme la chair de sa chair. Je pense
que je risque d'oublier les détails de l'histoire avec le temps,
mais ce qu'il me reste c'est cette impression d'une grande richesse dans
l'écriture et dans les thématiques abordées, ce que
je trouve plutôt fascinant.
Bref, j'ouvre en grand.
Etienne
C'est un livre qui se lit aisément, avidement même, un peu
comme un sitcom où on veut savoir ce qui va se passer au prochain
épisode.
Je reconnais un grand talent de "storytelling" à Amos
Oz, je le trouve assez doué, il y a une tension narrative indéniable.
Au bout d'une centaine de pages, plusieurs choses m'ont paru artificielles
:
- la tournure des lettres, qui n'en sont en réalité pas
: elles font office de résumé, de compte rendu factuel de
ce qui se déroule dans le "réel" : tu m'as dit
je t'ai alors répondu
Comment croire à un vrai échange
épistolaire ? Amos Oz aurait dû introduire beaucoup plus
de non-dits, de sous-entendus
: en résumé, on voit
la main du marionnettiste
- un côté un peu trop bling-bling quand il s'agit de références
culturelles : un peu trop de name dropping aurait dit Henri : Dürer,
Bosch, cités un peu trop hors de contexte à mon goût
(ou alors il s'agissait peut-être de rendre détestable le
personnage d'Alex, le doute est permis)
- un style grandiloquent je-t'aime-moi-non-plus qui n'a pas très
bien vieilli
- le dernier point est purement subjectif et peut difficilement s'argumenter
: je n'ai pas cru à la relation sado-masochiste Alec/Ilana et c'est
peut-être ça qui fait principalement que La boîte
noire ne restera pas dans les annales pour moi. Le personnage d'Ilana
m'a semblé quand même bien fade. Peut-être que cette
forme épistolaire joue et que ça ne m'a tout simplement
pas peu crédible.
J'ai par contre été séduit par :
- une description assez fine et intéressante de la société
israélienne, bien que j'eusse aimé entendre plus parler
des Palestiniens, des Arabes israéliens
- la mise en forme puissante de l'idée corruptrice et maudite de
l'argent
- les personnages de Michel (de loin le meilleur personnage) et Boaz que
j'ai trouvés justes.
Je l'ouvre à demi.
Jacqueline
J'ai chez moi depuis longtemps un autre roman d'Oz : Seule la mer
que je n'ai pas encore pu lire
Il y a plus de dix ans, j'avais beaucoup aimé Une histoire
d'amour et de ténèbres. J'en ai presque tout oublié
sauf d'y avoir découvert, sous une forme sensible, un éclairage
sur les débuts de l'État d'Israël (je les connaissais
mal !) et aussi l'existence d'auteurs dont j'ignorais même les noms :
Agnon,
Peretz
J'étais contente de lire un autre roman d'Oz qui parle d'une période
plus récente
Je crains de n'y avoir pas compris grand-chose : la forme par lettre
m'a assez vite parue peu crédible mais, au début, j'étais
sensible au désarroi de Ilana et à son inquiétude
de mère
En même temps, j'étais déroutée
par ce qu'elle racontait de son passé avec Alexandre Gédéon
: de son récit, je jugeais que tous deux étaient assez immatures
lorsqu'ils s'étaient rencontrés et qu'Ilona ne semblait
guère avoir changé depuis
Assez vite, Alex m'est apparu comme le personnage central
Je n'ai
pas bien suivi les histoires d'argent et leur trame. Je n'ai pas non plus
eu envie de m'appesantir sur les notes d'Alex pour chercher à comprendre.
Mickaël m'a fait penser à une espèce de Tartuffe et
cependant, j'avais plutôt envie de croire à sa bonne foi
Son activisme, ses appuis, son recours à des "directeurs de
conscience", me rappelaient un peu ce que nous avions lu des hassidiques
de Shulem
Deen, un comble pour un Sépharade !
Je me demandais aussi s'il ne fallait pas voir dans ce roman une espèce
d'allégorie de la situation d'Israël engagé dans une
spirale destructrice
En tout cas, j'ai été intéressée par cette
peinture de personnages différents et sensible au regard apporté
sur cette société
Et puis, j'ai aimé l'indépendance de Boaz pour qui sa mère
s'inquiétait, et le voir, au fil du livre faire son chemin
Après avoir trouvé assez invraisemblable l'écriture
de ces lettres, il m'a semblé que ce pouvait être un procédé
intéressant pour nous faire entrer dans les points de vue des personnages
différents, dans leurs échanges ou au contraire les échecs
de leurs tentatives de communication, comme pour suivre leur évolution.
En même temps, cela crée une certaine distance dans la narration
et oblige le lecteur à s'impliquer différemment.
Je n'ouvre qu'à moitié à cause de cette impression
constante de ne pas tout comprendre mais ça a été
une belle expérience de lecture
Claire
Tu dis, Jacqueline, n'avoir pas lu Seule la mer : Voix au chapitre
m'oblige à te dire que si, tu l'as lu ; d'ailleurs ton avis
est en ligne ici...
C'est aussi avec le groupe que tu as lu Une histoire d'amour
et de ténèbres
: ton avis est en ligne ici...
Monique L(à
l'écran depuis la Dordogne)
C'est un livre dont j'ai trouvé la construction très intéressante.
J'ai apprécié l'approche de l'histoire et des personnages
par touches du fait de cette suite de lettres entre personnes qui se connaissent
et n'ont donc pas besoin de tout expliciter.
Cela permet des accélérations, des arrêts sur image
et des retours dans le temps de façon très naturelle.
Nous découvrons ainsi progressivement les différents protagonistes,
leurs histoires et ce qui s'est joué entre eux.
Je n'ai pas assez de connaissance sur la réalité de la vie
en Israël pour juger la vision qu'en a l'auteur et sur ses critiques
de certaines politiques.
J'ai été interpellée par une des dernières
lettres de Michel Sommo sur la discrimination des mizrahi par les ashkénazes.
Je n'ai pas été surprise par Michel Sommo qui correspond
à la vision que j'avais du juif intégriste, ni par Boaz,
sa révolte intérieure, son indécision, son immaturité
et sa communauté hippie, ni par Alec intellectuel critique cynique
et désabusé, ni par le notaire-administrateur des biens
qui sert de boîte aux lettres et parfois même de détective
privé et qui fait affaires avec tout le monde. Mais je l'ai été
par le père d'Alec et Ilana pour des raisons différentes.
J'ai du mal à saisir cette dernière qui se décrit
comme victime de son mari dont elle dresse un portrait psychologique assez
terrifiant. Mais cela ne l'empêche pas d'achever certaines de ses
interminables lettres par des déclarations d'amour et de soumission
intégrale.
Quant au père d'Alec, il correspond à un genre d'homme que
je n'arrive pas à situer en Israël.
J'ai été surprise par l'importance du sexe car dans ma vision
sans doute stéréotypée c'était assez tabou.
C'est une bonne étude sur la manipulation entre les êtres,
sur l'importance de l'argent.
C'est aussi le récit d'une désillusion sur Israël qui
nécessiterait l'engagement de tous en faveur du pays.
Curieusement, c'est dans la bouche de Boaz, jeune homme rebelle et réfractaire
à toute règle, que l'auteur place ces réflexions
sur la nécessité de cet engagement.
Le mépris, voire la haine, pour les arabes s'affiche sans vergogne.
Cela ne m'a guère surprise par contre l'existence d'une corruption
semble-t-il acceptée m'a surprise. Que des individus puissent aisément
faire libérer qui ils veulent d'une garde à vue ou contribuer
au classement d'un dossier de plainte me paraissait impensable dans un
pays où la loi a une telle importance.
La correspondance venimeuse entre les époux m'a lassée et
j'ai trouvé leurs lettres beaucoup trop bavardes et longues. Malheureusement
je ne pouvais pas pour autant passer vite sur cette logorrhée sans
risquer manquer un détail, un état d'âme, un indice
qui permet de mieux comprendre. J'ai trouvé cela pénible.
En résumé le style larmoyant et lyrique des deux divorcés
m'a laissée plutôt indifférente. Ce sont les charges
religieuses de Sommo qui pour moi donnent de l'attrait au livre. Sa mauvaise
foi, son fanatisme, son rapport à l'argent qu'il maudit mais qu'il
use sans retenue, pas pour lui mais pour le pays, son côté
moralisateur, manipulateur, menaçant et insultant m'ont rendu ce
personnage intéressant et savoureux malgré ses défauts
ou à cause d'eux.
J'ouvre à moitié.
Catherine
Ce livre m'a laissée un peu perplexe et pas complètement
convaincue.
Je vais commencer par ce que j'ai aimé : la construction et l'écriture
; le format épistolaire permet de comprendre l'histoire petit à
petit ; la complexité des personnages progresse ; ils gagnent en
épaisseur et ça renforce l'intérêt du livre.
Il y a une tension dramatique et on ne lâche pas le livre avant
la fin. L'arrière-plan est intéressant même s'il est
indiqué par petites touches, ce qui peut parfois laisser sur sa
faim : Israël et la société israélienne ; les
religieux et les laïcs, les territoires occupés, le mépris
envers les palestiniens (les arabes) par certains des protagonistes.
Pour les points négatifs, je n'ai pas été très
convaincue par l'histoire d'amour/haine, assez sado-maso, entre Alec et
Ilana; pour moi, on n'y croit pas vraiment et finalement c'est un peu
ennuyeux ; les scènes d'amour sont ratées. Je n'ai pas aimé
le personnage d'Ilana d'ailleurs qui m'a paru assez peu crédible,
qui passe de séductrice, à victime et épouse dévouée
à la fin du roman, passant ses nuits au chevet de son ex-mari,
à la tamponner le front et à changer ses draps pour expier
ses péchés...
Je me suis demandé s'il n'y avait pas des points communs entre
Alec et Amos Oz, personnage, laïc, intellectuel, défenseur
des Palestiniens, mais assez cynique, peu empathique et violent.
Le personnage qui m'a paru le plus intéressant est Michel Sommo,
de religieux un peu benêt, donneur de leçons et prêcheur,
il devient homme d'affaires, et de ce fait beaucoup plus ambigu, très
antipathique à mon sens.
Au bout d'un moment, on ne sait plus qui manipule qui, Alec veut se racheter
ou démontrer la fausseté de Michel, manuvrer par sa
femme ou la manuvrant. Et ces incertitudes sont un des intérêts
du roman.
J'ai écouté la compagnie des uvres et au fond, les
livres d'Amos Oz que j'aurais aimé lire avant celui-ci sont Une
histoire d'amour et de ténèbres et Judas. Mais je n'ai pas
encore eu le temps.
Je l'ouvre à moitié mais très contente de l'avoir
lu.
Annick A
Ce livre m'a beaucoup ennuyée, mais je l'ai lu jusqu'à la
fin. La situation politique en Israël où se déroule
ce roman aurait mérité d'être davantage développée.
C'est un roman intimiste dans un jeu de relations amoureuses sans grand
intérêt entre trois personnages, Ilana, Alec et Michaël
où dominent mépris, toxicité et manipulation. Michaël
est le personnage le plus intéressant du livre par la complexité
de son comportement. Juif, séfarade intégriste, il est très
à l'écoute de sa femme et de Boaz qu'il cherche à
aider, mais d'une grande cupidité, manipulateur, verbeux et pleurnichard
et il est difficile de repérer quel réel pouvoir il a politiquement.
On y décèle le mépris des fanatiques religieux pour
les Arabes, en opposition avec la position d'Alec qui défend les
Palestiniens, soulignant la complexité de la situation politique.
Les échanges entre Zaichem et Alec sont alertes et drôles.
Le choix de la construction du livre sur des échanges de lettres
ne me semble pas très judicieux car pas toujours crédible.
J'aurais aimé un livre beaucoup plus centré sur le contexte
politique.
Je le ferme.
Manuel(à
l'écran depuis les bords de Marne)
Il me restait une centaine de pages lors de notre séance. J'ai
peiné à terminer ma lecture. Les lettres sont de plus en
plus longues. Le post scriptum de la lettre de Michel n'en finit plus,
mais il contient une charge contre les Juifs qui ont colonisé les
territoires "libérés". J'ai regardé le
documentaire (poignant) sur Arte avec les dernières moment
d'Amos Oz
La boîte noire est un livre controversé
dans l'uvre de Oz. C'est un bon choix pour le groupe !
J'ai trouvé que Michel a été "facilement"
perverti par l'argent d'Alex. Les terres "libérées"
sont un enjeuéconomique sous couvert de mission messianique et
religieuse. Il n'y a pas un seul des personnages qui me soit sympathique.
La compétition entre Juifs d'Europe et Juifs d'Afrique est violente
et pathétique. Il y a comme une espèce de racisme. D'ailleurs
Michel en souffre et Alex ou le notaire ont cette remarque cruelle : il
porte une calotte pour ne pas être confondu (pris pour un Arabe).
J'ai beaucoup aimé les descriptions de Jérusalem ! Les notes,
j'ai passé. Je n'avais pas compris qu'il y parlait de fanatisme.
Annick L
J'ai découvert Amos Oz comme auteur d'un très beau récit-conte
pour la jeunesse, Soudain
dans la forêt profonde. Puis j'ai lu ce magnifique roman
autobiographique Une
histoire d'amour et de ténèbres, qui se lit aussi
comme une fresque historique et culturelle sur les débuts de l'État
d'Israël. Mais je garderai une impression plus mitigée de
ce livre.
J'ai été gênée au début par la forme
épistolaire, techniquement (il faut chercher la fin de chaque lettre
pour savoir qui en est l'auteur) et pour trouver des repères :
comprendre qui sont les protagonistes et quels sont les enjeux de leur
relation. Cette gêne a disparu progressivement. Mais ça casse
la dynamique du récit !
Et puis je n'ai pas été convaincue par la vraisemblance
de ce triangle amoureux, ni par le personnage d'Ilana. Je suis restée
à distance de l'intrigue et me suis même parfois agacée
de certains retournements psychologiques. Mais les deux figures masculines
centrales, Alec et Michel (Sommo), auxquelles s'ajoutent, bien sûr,
le jeune Boaz et l'ami avocat, sont d'une complexité crédible.
Ils permettent de se représenter la diversité et les contradictions
de la société israélienne, vivant dans le pays ou
dans la diaspora. Les parti-pris religieux et nationalistes de Michel
sont pourtant représentatifs de toutes les dérives contre
lesquelles Amos Oz s'est engagé dans son combat politique personnel.
Et pourtant ce personnage a une véritable stature humaine. Quant
à Boaz, ce jeune hippie issu d'une histoire familiale compliquée,
il apporte une note de fraîcheur, d'épicurisme, sympathique
(on revient au bon vieux temps des Kolkhozes ?).
C'est cette dimension qui m'a le plus accrochée, comme une fenêtre
ouverte sur un pays dont l'histoire et l'actualité me paraissent
souvent difficiles à comprendre. Les fragments d'étude d'Alec
sur le fanatisme apportent un éclairage intéressant de ce
point de vue mais elles sont mal intégrées.
J'ouvre donc à demi.
Muriel
J'ai été un peu surprise et favorablement étonnée
par ce roman par lettres, bien que je me sois un peu perdue entre les
personnages quand je commençais une nouvelle lettre. Je me suis
demandé d'où venait tout cet argent qui joue un grand rôle
entre les personnages.
Le livre m'a plu, avec cette histoire d'amour qui recommence, on a envie
de savoir la suite. Je me suis souvenue des nombreuses années où
j'avais chanté pour les fêtes juives... C'est bien écrit.
Et on respire à voir un Israélien qui se préoccupent
des Palestiniens. J'ouvre ½ parce que ce n'est pas un grand chef-d'uvre
mais j'ai apprécié cette découverte.
Brigitte (à
l'écran)
J'ai lu plusieurs livres d'Amos Oz. Je les ai beaucoup appréciés.
Cette fois-ci, je suis un peu déçue. Est-ce dû au
choix du roman épistolaire.
En effet, les lettres sont souvent interminables. Bien sûr, c'est
à travers elles qu'avance le roman. Je pense que ce procédé
rend la lecture un peu fastidieuse.
J'ai cependant apprécié cette plongée en Israël
à un moment où l'intégrisme religieux occupe une
place de plus en plus importante dans le pays ; cela nous aide à
suivre un peu mieux l'actualité.
J'ai trouvé intéressant le personnage d'Ilana : une femme
très complexe qui se trouve au centre des relations entre tous
les protagonistes.
De son côté, Michel est un personnage très particulier,
au début, j'ai apprécié son aptitude à communiquer
avec Boaz, l'adolescent difficile. Par la suite, il quitte l'image falote
qu'il donnait pour celle d'un fondamentaliste actif et convaincu, certainement
très présente en Israël de nos jours.
J'ouvre à moitié.
Claire entre
et
J'ai eu tout de suite de l'appétit pour le défi du procédé
: un roman par lettres de 400 pages ! J'ai apprécié la gymnastique
mentale que ça entraîne : il faut repérer qui écrit
à qui, la variété des points de vue, le déplacement
mental car la lettre rapproche vraiment le lecteur du personnage.
J'ai été intéressée comme plusieurs par les
relations qui évoluent. Etienne et Manuel ont parlé de sitcom
ou télénovela : mais justement, la midinette en moi a pu
suivre avec plaisir les histoires d'amour. Tous les personnages sont extraordinaires
: Ilana est pour moi une super nana, Michel n'est pas pourri mais est
un saint, si, si, etc. Je me suis souvenue du livre
de Shulem Deen que nous avions lu et qui m'avait marquée :
on n'a pas ici l'étouffement de la religion.
J'ai aimé un certain suspense : Boaz qui disparaît, le voyage
mystérieux de Michel à Paris, le test génétique...
J'ai trouvé les voix bien différentes et ça c'est
littérairement réussi. Il y a des passages drôles
: les lettres outrancières de l'homme d'affaires - une espèce
de clown -, celles de les lettres de Michel truffées de citations
religieuses, vraiment rigolotes. Il y a des morceaux de choix : par exemple
la description du vieillissement p. 148 ou la caricature de l'état
d'épouse.
Mais mais mais
: le titre "La boîte noire" m'a paru
bof (avec trois allusions p. 148, 230, 265 pour nous faire un clin d'il
appuyé) ; j'ai été gênée par les artifices,
comme en a parlé Etienne (on raconte au lecteur ce que les personnages
savent et n'ont pas à raconter dans une lettre) - problème
dont l'auteur montre d'ailleurs qu'il a conscience (voir ici).
Je me suis moi aussi demandé d'où venait cet argent sans
limite. Et la fin, surtout, est interminaaaable. Ilana en garde-malade
limite mystoc, je n'en pouvais plus... Quant aux moments érotiques,
pitié ! Malheureusement ce n'est pas du second degré (voir
ici)
Je n'ai pas été tellement intéressée par l'arrière-plan
politique, historique qu'Annick aurait voulu plus développé
car c'est ça qui l'intéressait ; pour moi c'est juste un
décor avec quelques types (Alec fils d'un colon de la Palestine,
Ilana fille de Polonais immigrés d'après-guerre, Michel
vient d'Algérie, méprisé par les Ashkénazes
européens et vire à l'orthodoxie politique).
Bon, mais je suis très contente d'avoir découvert cette
réponse israélienne au défi du genre épistolaire.
Françoise D
J'ai été à fond dans le livre pour ma part que j'ai
trouvé super, avec ces télégrammes qui entrecoupent
les lettres et qui montrent aussi les rapports, celles de Rachel qui s'immiscent.
J'ai beaucoup ri. J'ai pris mon pied.
Mine de rien, il nous donne une image de la société israélienne,
en toile de fond, comme un tableau : chapeau !
J'ai apprécié l'évolution de chaque personnage qui
se découvre. Par exemple, Michel, avec l'argent, pète les
plombs. Alec finit par une sorte de rédemption. Et Ilana aussi
évolue. Michel est le plus abject. Et j'ai vraiment aimé
la façon dont les personnages progressent.
Il peint un tableau qui est vraiment savoureux. J'avais hâte de
retrouver le bouquin. J'ouvre en grand.
Jérémy (qui avait proposé le
livre)
Avant la lecture
Un ami israélien m'a fait découvrir Oz il y a 7 ou 8 ans.
Je n'avais me semble-t-il jamais entendu parler de lui avant. C'est depuis
lors l'un des auteurs dont j'ai lu le plus de livres. Celui-ci m'avait
particulièrement plu, mais je ne me souvenais de la trame que dans
ses grandes lignes : un couple divorcé échangeant des lettres
au sujet de leur fils "à problèmes". Je l'ai proposé
au groupe car j'avais envie de le relire, tout simplement, c'était
donc une suggestion purement égoïste !
Après la lecture
Au début de la lecture, je me suis un peu demandé pourquoi
je l'avais proposé. Je crois que ce n'est pas un livre dont on
tombe "amoureux" d'emblée, mais en avançant dans
la lecture, car les personnages se complexifient et évoluent, les
relations également, les intrigues se diversifient.
Je l'aime pour plusieurs raisons :
- Les différents niveaux de lecture qui font sa densité
et sa richesse : c'est l'histoire d'un amour passionnel, destructeur,
immarcescible et impossible. C'est aussi une histoire d'amour filial,
entre Ilana et Boaz, Boaz et Alec, Boaz et Ilana, Michel et Boaz, Michel
et Yifat, Ilana et Yifat, etc. C'est donc l'histoire d'une famille recomposée,
très moderne pour l'époque je pense, avec les difficultés
que cela comporte. C'est également, en creux, une histoire ou en
tout cas une mosaïque de la société israélienne.
Les débats politiques qui la traversent sont bien présents
au travers des échanges entre Alec, Michel et Zakheim. On remarque
que les femmes en sont complètement absentes et restent cantonnées
à la sphère affective/privée. La guerre des Six Jours
ou la colonisation ne sont jamais loin. Enfin, le livre donne également
à penser sur la religion, le pouvoir de l'argent, la vie bonne
ou les fanatismes.
- Sa profonde humanité : c'est pour moi le fil directeur des romans
d'Oz. Par humanité, j'entends la complexité des personnages,
leur évolution, leurs ambiguïtés et leur ambivalence.
Boaz, d'adolescent impétueux et violent, devient un jeune homme
sage et posé. Après avoir traité sa mère de
putain et n'avoir rien voulu avoir à faire avec son père,
il les recueille "chez lui" et s'occupe d'eux à sa manière,
discrètement mais avec douceur et bonté. Certains l'ont
qualifié de hippie. Je ne le reconnais pas dans ce terme. S'il
a manifestement une vraie liberté sexuelle, il ne consomme ni drogue
ni alcool et il dit que chacun est libre de faire ce qu'il veut à
condition de ne blesser personne et de travailler dur toute la journée,
ce qu'il fait. Il a par ailleurs un sens aigu de la valeur des choses
et de l'argent. Il souhaite investir dans un bateau pour lancer une affaire
et dit qu'il est certain d'amortir rapidement son capital, il achète
du matériel pour retaper la maison et non pour fumer de l'herbe
ou prendre de l'ecsta. Cela me semble donc assez loin de ce que l'on entend
par "hippie" ! Michel est aussi très intéressant.
J'ai ressenti pour lui une profonde empathie. Certains l'ont dit d'extrême-droite,
juif ultra-orthodoxe. Politiquement peut-être. Mais dans son cercle
familial on en est loin. Il prend pour épouse une femme divorcée.
À mon sens il ne peut pas ne pas savoir qu'elle avait trompé
son mari à de multiples reprises (même si l'auteur n'en dit
rien). L'enquête du détective privé révèle
que le couple mène une vie d'observance modérée,
qu'il suit la casherout, mais ne s'interdit pas d'aller au cinéma.
Il accepte que Boaz dorme sous son toit avec une fille à laquelle
il n'est pas marié. Michel est un époux aimant et plein
d'attentions, un papa poule pour sa fille et un père de substitution
présent, exigeant mais juste et indulgent envers Boaz. La lettre
dans laquelle il supplie Alec de lui rendre sa fille est particulièrement
émouvante. Les humiliations qu'il raconte avoir subies et son côté
rabat-joie le rendent également sympathique. Oz signe là
un vrai tour de force : nous faire aimer un homme qu'on voudrait pouvoir
détester en raison de ses positions politiques. L'inverse d'Alec.
Le personnage de Zakheim est également ambivalent. Défenseur
des intérêts d'Alec mais finalement associé de Michel.
Pour mieux le contrôler ou par pur opportunisme financier ? La relation
qu'il entretient avec Alec est savoureuse et drôle, à base
de je t'aime moi non plus, et de "si tu reviens j'annule tout".
Deux vraies dramaqueens !
- Les questions qu'il laisse en suspens : Pourquoi Ilana a-t-elle trompé
Alec avec tout un régiment ? Pour le faire descendre de sa tour
d'ivoire et de sa froideur marmoréenne, parce qu'il l'avait délaissée
et pour le ramener à elle, par mesquinerie pour le blesser, par
pure nymphomanie ? Pourquoi Alec déverse-t-il son argent sur Michel
? Pour le corrompre et le détruire, pour racheter l'abandon d'Ilana
et de Boaz, par volonté de se "délester" avant
de mourir, par atavisme ? Que connaît Michel de l'histoire d'Ilana
et d'Alec ? Sait-il qu'elle l'a trompé ?
- Oz ne juge pas ses personnages et ne les accable pas. Tous ont des facettes
les rendant à la fois attachants et agaçants voire antipathiques.
- Sa poésie, son caractère mélancolique et drôle
à la fois. La saillie d'Alec sur l'odeur de figues flétries
qui émane d'Ilana est cruelle mais terriblement drôle !
Enfin, oui il y a certaines lettres un peu longues que l'auteur aurait
certainement pu "couper", oui il y a certaines redondances mais
cela n'enlève que trop peu à la puissance globale du livre
pour qu'il puisse être autre chose que grand ouvert !
Les 8 cotes d'amour du nouveau groupe parisien réuni le 2 juin 2023 EntreetNathalie B |
Julien
Pour moi, le cur du livre c'est la relation entre Alex et Ilana
et on découvre au fil des pages pourquoi ils ont eu cette relation
si forte et on sait que ça va s'effondrer. Boaz est la boule d'énergie
qui subsiste au couple. Il en est la double facette. La construction du
livre est très bien faite ; d'une lettre à l'autre, on voit
qu'Ilana est passée à autre chose tout en restant attachée
à Alex. Ce qui est intéressant, c'est comment chacun, Alex
et Ilana, a son style, sa personnalité, sa syntaxe, sa grammaire
propre. Les télégrammes sont obscurs. Dans le triangle Alec,
Ilana, Sommo, on ne sait jamais ce qu'Ilana pense de Sommo. C'est difficile
pour nous de rentrer dans cette culture et on se perd beaucoup dans cette
forme épistolaire, notamment les télégrammes auxquels
je n'ai rien compris. J'ouvre aux ¾ car la relation Alec/Ilana
est bien ficelée.
Christine
J'avais un a priori favorable en dépit de la forme épistolaire
et puis j'ai été happée. J'ai beaucoup apprécié
la forme, avec les télégrammes qui ponctuent et montrent
les revirements, les lettres qui s'allongent et entrent dans la vie plus
intime des personnages. L'histoire d'amour Alex/Ilana persiste, la boite
noire. C'est plein de non-dits ; il ne se voyait pas père, l'avait
annoncé, d'où sa relation au fils avec lequel il renoue
au fil des lettres.
Ce que j'ai beaucoup aimé, c'est la découverte de Michel,
car il y a une opposition qui va crescendo entre Alex qui est pour la
tolérance, l'ouverture d'esprit et Michel, dictateur, manichéen,
prend l'argent pour acheter les territoires arabes etc. Et on voit bien
cette dualité entre ceux qui veulent acheter les territoires et
les autres. Et Michel l'orthodoxe, qui se targue de ne jamais avoir répandu
le sang d'un autre alors qu'Alec lui l'a fait. On comprend tout à
la fin avec la découverte de la maladie d'Alex. C'est un livre
que j'ai beaucoup aimé, je l'ouvre en grand.
Audrey entreet
Je n'ai pas du tout aimé la forme épistolaire qui pour moi
ne fonctionnait pas. Elle est très laborieuse, pauvre au possible,
maladroite. On apprend les choses de façon très lourde.
J'aimais bien les choses de la vie quotidienne, les paysages qui m'ont
un peu emmenée en Israël. J'étais déçue
que le fond politique ne soit pas plus présent ; il n'y a pas d'action
politique, mais j'ai aimé la description des soirées, leur
douceur, mais rapportées dans des lettres cela perd de son charme.
Je ne vois pas ce qui les lie, cela est pauvre, vulgaire, il était
puceau. Cela ne m'intéresse pas. J'ai aimé la citation sur
Tolstoï :"Toutes
les familles heureuses se ressemblent, les familles malheureuses aussi"
; celle de Pascal aussi. Il y a quelque chose d'incandescent chez Boaz,
il rompt avec les codes, s'invente une vie. J'ouvre entre zéro
et un quart.
Margot
La première phrase du livre est magnifique : "Bonjour
Alec, si tu n'as pas détruit cette lette à l'instant même...",
avec un ancrage immédiat dans le présent de la lecture ;
hélas, je me suis très vite ennuyée.
Le choix épistolaire devient beaucoup trop narratif, de manière
assez artificielle, avec souvent une accumulation de détails rétroactifs
à mon sens inutiles, et pléthore de lieux communs dans les
jugements, tout comme dans la description des paysages.
Si Oz réussit très bien à donner à chaque
personnage sa couleur de langue et son style, ce qui permet une reconnaissance
immédiate malgré l'imbroglio sentimental, en revanche l'ensemble
demeure dans le registre de la plainte, de l'aveu et de la confession,
ce qui donne pleinement raison à Michel Foucault sur la teneur
confessionnelle de la littérature occidentale. Ici l'envergure
est biblique !
Pour contourner l'ennui et par curiosité, j'ai donc regardé
qui était cette Rahab, à
laquelle Gidéon assimile son ex-femme Ilana : elle est une prostituée
de Jéricho dans le Livre de Job, qui accueille des espions
israélites ce qui lui vaut la vie sauve. Tirant alors le fil de
la pelote, j'ai pu constater que chacun des personnages par le choix du
prénom était l'incarnation littéraire d'un personnage
biblique :
- Gidéon : un des célèbres grands juges d'Israël
durant la période qui sépare la conquête de Palestine
lors des premières royautés. Marqué par des faits
de guerre éclatants dans le Livre des Juges.
. Michaël : signifie en hébreu " qui est comme
Dieu". Prénom théophore d'origine hébraïque,
il incarne l'Archange Saint Michel, prince des anges, qui joue un rôle
décisif dans le Livre de l'Apocalypse (qui signifie "dévoilement").
Il est la figure qui traverse les trois Livres des trois monothéismes
: Torah, Coran et Ancien Testament.
. Ilana : signifie Arbre en hébreu ; lors de la célébration
du nouvel an, chacun plante un arbre et consomme les produits de la terre.
A la fin du roman, ce personnage incarne parfaitement la signification
de son prénom, retour à la terre, aux sources, dans le jardin
recomposé de son ex-mari, à la simplicité du vent
dans les feuillages, et à son fils qui courre désormais
la canopée. Confirmation d'une filiation supposée paternelle.
. Boaz : il est le fils engendré par Salomon et Rahab. Bibliquement,
il n'est pas le fils de Gidéon, mais du Roi Salomon. Éclairage
qui jette un trouble sur la reconnaissance qu'Ilana demande à Gidéon
de faire. Le prénom signifie la force.
. Zakheim enfin, est le nom d'une des deux colonnes du temple de
Salomon, à Jérusalem. A sa fonction ornementale, s'ajoute
qu'il marque le seuil entre le profane et le sacré, soit l'entrée
dans l'espace de Dieu, en soutenant des coupelles d'encens. Il s'agirait
d'un acronyme de "They are of the holly seed", ils sont de la
semence sacrée, descendant des Rabbins d'Israël. Et la racine
du nom serait originaire de la Biélorussie, fil à creuser
pour les curieux dans les liens qui l'unissait au père de Gidéon,
en partie russe, et qu'il parvient à faire interner pour assurer
la transmission de l'héritage à Gidéon. Avec le père
de Gidéon et Gidéon, il donne l'envergure financière
internationale à tout le roman, incarnant ainsi peut-être
le principe de Diaspora du peuple juif ?
Dans une approche plus moderne, le livre de Oz est bien l'histoire d'une
transaction qui n'en finit pas et qui se recompose à chacune des
évolutions : la mère et ex-épouse/ le fils/le supposé
père et ex-mari ; puis l'ex-épouse/le nouveau mari/l'ex-mari
; puis, le nouveau mari/la mère/le fils de la mère ; puis
Zakheim/Gidéon/le supposé fils ; puis Zakheim/Michaël/Ilana,
etc. Le tout toujours autour de transactions financières et de
la circulation de la fortune et des biens. Ces triangulations soulignent
presque à chaque fois la haine comme principe d'agissement, et
principalement au moment de faire le bien.
Livre de Josué, Livre des Juges, Livre de l'Apocalypse, Torah,
Bible, Coran... En somme La boîte noire est une prouesse
culturelle, délibérée, d'inscrire le roman dans Le
Livre, ou l'inverse, ajoutant ainsi une dimension biblique à
la dimension politique du récit.
"Nous sommes le peuple
du livre" dit Michael à Boaz, et ici Oz devient
l'écrivain du livre. Tous les personnages sont en effet partie
prenant du Livre(s) :
. Michaël ne parle qu'à travers des citations bibliques
. Alex Gideon a lui-même écrit des livres
. Ilana, entre ces deux hommes, va donc d'un livre à l'autre
De fait, ils passent leur temps chacun à écrire et à
s'écrire...
Quant à Boaz, sur le plan biblique, il fait la synthèse
de l'ensemble du Livre avec une évolution personnelle qui le conduit
à un retour au Paradis, début de la Genèse d'avant
la Chute, avec la figure centrale de l'arbre qu'il ne quitte plus et de
la terre qu'il laboure.
Très savant, très ancré dans les voix bibliques,
ce roman reste néanmoins profondément ennuyeux. Une exception
: la figure du père, très baroque comme le souligne très
justement Monique, et aussi très énigmatique.
Je ferme le roman tout à fait ; la culture d'un écrivain
n'étant pas suffisante pour réaliser un grand livre.
Anne
Avec ce livre, je me suis sentie comme au pays des Dieux au temps de l'Olympe
où l'amour vire à la haine, à la jalousie, à
la vengeance, où la toute-puissance doit l'emporter. Les plaintes
sont excessives, contradictoires, paradoxales, pavées de mauvaise
foi, d'accusation, de défi, de revanche. Pourtant, de mesquins
et intéressés, les caractères deviennent grandioses,
perdus dans les tourments qui habitent la littérature depuis toujours.
Ilina, la mère, désir défendre son enfant lorsqu'elle
écrit à Alec pour lui demander de l'aide, mais on comprend
vite que c'est sa flamme amoureuse qui s'est rallumée, qu'elle
croyait éteinte depuis leur divorce. Rien, en fait, n'est réglé,
ni d'ailleurs de leur enfance, car les échanges épistolaires
font revenir les souvenirs. Ilina écrit à propos de leur
fils, (un doute plane sur la paternité d'Alec qui s'estompera finalement),
et celui-ci a un très beau rôle dans cette histoire, il est
le seul à être intègre et psychologiquement beau en
dépit de sa violence. Il fallait un innocent. J'ai été
sensible à chacun de ces acteurs du jeu passionnel, ils deviennent
touchants dès lors qu'ils aiment malgré leur haine, leur
violence. Quoique l'un d'entre eux ne le soit pas. Il faut bien un mauvais
Michel, le raciste et moraliste, pourtant très structurant pour
Boaz, l'enfant, qui saura d'ailleurs se dégager de son emprise.
La description des paysages est magnifique, celle des détails de
la vie quotidienne aussi, qui se placent comme des mosaïques dans
la constellation plus large des sombres sentiments. Ces petits soins du
quotidien m'ont rassurée et aussi Ilina qui pense ainsi que la
vie est tout de même humaine : les matins qui se lèvent,
les chaudes soirées où l'amour met de la tendresse, masquant
l'histoire pervertie des liens que les générations ont introduits
parmi eux en déformant la réalité par le mensonge,
on peut faire semblant de dire plus vrai que vrai.
J'ai particulièrement apprécié la technique épistolaire
de la narration qui théâtralise la structure du récit.
Chacun dit, par longues tirades (chaque lettre), sa douleur, ses mensonges,
sa vérité psychique aux désirs tourmentés
et contradictoires. Chacun à son tour entre en scène et
les relations duelles sont protégées par un tiers représenté
par des hommes de loi (l'avocat) ou hommes d'affaires, car l'argent prend
place au premier plan. On n'est pas intéressé mais
Par ce biais, Amos Oz développe la commedia del arte où
les individus, dépassés par la fausseté des sentiments,
se débattent dans de vraies douleurs. Tout cela est formidablement
bien écrit, on sent la lourdeur du pays d'Israël, sa beauté
aussi, on sent la politique raciale, la religion, le monde des affaires,
et les judicieux échanges épistolaires font évoluer
l'histoire car certain suspens des liens affectifs ne sera révélé
que dans les toutes dernières lettres. La boîte noire, qui
seule pourrait dire le vrai sur les accidents de la vie, ne révèle
que par fragments pourquoi les individus sont ivres de la vie, presque
fous et ils m'ont touchée, agacée, permise de me sentir
avec eux dans ce pays d'Israël, de percevoir la politique dont j'ignore
tout, la religion qui m'est étrangère, le destin des rescapés
de la Shoah que j'imagine ici par les survivants. Ces personnages sont
tout à la fois terriblement humains, et comme l'a judicieusement
remarqué Margot, ils sortent tout droit de la bible. Bien vu !
On est transporté dans un théâtre des passions mythologiques.
Il fallait à l'auteur un talent particulier pour rendre émouvants
ses personnages si peu sympathiques, et réussir par me capter malgré
un texte parfois trop long. Je l'ouvre en entier.
Nathalie B entreet
J'ai beaucoup aimé ce roman alors que je ne suis pas une grande
fan des romans épistolaires. La forme utilisée offre un
regard intime sur leurs pensées et leurs émotions qu'elle
nous permet de deviner. Cette structure permet à Oz d'explorer
la profondeur psychologique de ses personnages et de créer une
atmosphère d'intimité et de suspense où amour, manipulation
et trahison s'entrecroisent. Les personnages que l'on y rencontre ne sont
pas fréquents dans la littérature et j'ai aimé les
croiser. Ils sont décrits de façon nuancée et complexe.
Ilana, sorte d'Emma Bovary++ à l'orientale, est dépeinte
comme une figure à la fois attirante et agaçante, capable
de manipuler ceux qui l'entourent mais aussi vulnérable à
ses propres faiblesses et désirs. Alex et Michel sont deux types
très différents d'Israéliens. Alex, charismatique,
incarne le désir de liberté et d'émancipation, mais
aussi les limites de ces aspirations. Son parcours personnel reflète
les dilemmes moraux et existentiels auxquels sont confrontés les
personnages du roman. Son lien avec Ilana est empreint de passion, de
désir et de complexité. Le personnage de Michel m'est particulièrement
désagréable. Son apparence extérieure, massive, reflète
sa nature autoritaire et rigide. Sur le plan psychologique, Michel est
caractérisé par ses convictions politiques radicales et
sa rigidité morale et son côté Moi je fais le bien,
les autres sont sataniques m'exaspère
Michel agit également
comme un révélateur des divisions sociales et politiques
au sein de la société israélienne. Son caractère
extrême met en lumière les tensions politiques et idéologiques
qui persistent dans le pays, ajoutant une dimension sociale et politique
au roman, ce qui m'intéresse. Le rôle de l'argent, qui transforme
les gens, montre également la violence des relations des Israéliens
par rapport aux territoires. J'ai trouvé ce roman très juste
sur la psychologie des personnages et sur ce qui se passe dans le pays.
J'ouvre entre ¾ et grand.
David
Je ne l'ai pas lu en entier. J'ai eu un relatif plaisir à le lire,
ce n'est pas un chemin de croix. Dans la société israélienne,
la littérature est atypique ; c'est un peuple de la pensée,
de gens qui aiment intellectualiser, se détacher du prosaïque
; il y a une rudesse, de la confrontation, de l'érotisme ; ça
écorche, ça racle par rapport à notre monde policé.
Je n'ai pas vu la dimension mystique, c'est un couple défait dont
on fait le récit post-mortem. Boaz est la charnière. Il
y a une polysémie des langues. Les protagonistes du couple, Michel,
Boaz sont des personnages secondaires. Je n'ai pas vu le côté
manipulateur de Michel ; j'aime bien Gidéon et ne me laisserais
pas, à sa place, manipuler par Ilana. Je pense que ça n'est
pas extraordinaire.
Monique M
C'était passionnant de vous écouter, de voir comme chacun
apporte une facette à la compréhension du livre ; merci
Margot pour ta recherche biblique qui éclaire sur le choix des
noms des personnages. Je n'avais pas mesuré à quel point
le rôle de l'argent et la perversité des relations entre
personnages sont prédominants dans ce livre. J'ai surtout été
impressionnée par la relation érotico-passionnelle entre
Alex et Ilana et la façon dont l'auteur décrit avec justesse
et talent, les personnalités profondes et complexes de chacun des
personnages.
J'ai eu un peu de mal à entrer dans le livre ; ces histoires de
couple, de manipulations, ne m'intéressaient pas vraiment, mais
j'ai été très vite prise par cet univers tumultueux,
ces personnages passionnés, rebelles, baroques : je pense
au père, Volodya Goudonski, cet homme fascinant au comportement
extravagant que son fils appelle le tsar, ce grand séducteur qui
demande à sa belle-fille de passer avec lui une nuit divine dont
l'acmé serait de contempler à l'aube un lever de soleil
métaphysique, ce bâtisseur qui a créé ce domaine
somptueux, dilapide son argent en projets extravagants, pour se barricader
à la fin de sa vie dans sa cuisine avec pour compagnon de billard
un domestique arménien qu'il abreuve de discours alors que la maison
s'envahit peu à peu de ronces et d'herbes folles. J'aime aussi
beaucoup Boaz le hippie, l'indocile que l'on voit se construire après
avoir échappé à l'enfer du couple. On vit dans l'atmosphère
passionnée, tumultueuse, fascinante de ces couples tout en entrant
dans la complexité dans laquelle vit l'Etat d'Israël, ses
problèmes politiques et religieux, l'écartèlement
entre l'extrémisme des ultra-orthodoxes et les tentatives de plus
tolérants qui essaient de trouver des solutions pacifiques au conflit
israélo-palestinien... On ne vit plus l'histoire d'Israël
à travers la lecture des journaux, mais à travers celle
de ceux qui la vivent chaque jour dans leur chair, en sont les protagonistes,
les acteurs majeurs ou anonymes. Les personnages se dessinent peu à
peu, oscillent entre amour et haine, sont extrêmement vivants et
attachants (Boaz, Ilana et même Alex en sa fin de vie), tous très
bien campés par l'auteur, avec une réflexion puissante sur
la façon dont chacun vit sa relation à l'autre, à
la religion, à l'argent, à la politique, et à leur
place dans le monde. Le style est magnifique, teinté d'ironie,
d'humour ; il y a à la fois beaucoup de violence et une extrême
douceur, de la délicatesse aussi (Boaz avec la petite Yifat). La
lettre d'Alex Gideon à Sommo à la fin du récit où
il lui apprend sa maladie et le peu de temps qui lui reste à vivre
est très belle. Les mots de cet homme vieillissant, ce guerrier,
qui galopait avec ses blindés, ne laissant derrière lui
que destruction et douilles vides, va mourir et le dit en termes sobres,
poignants. Les lettres d'Ilana remplies de sensualité et de poésie
sont également superbes. Tous deux n'ont de cesse de revenir sur
ce lien indestructible qui les lient, cette boite noire de leur vie. "Tu
es la plus forte, comme le soleil qui fait fondre la neige, comme la plante
carnivore." Il y a toutes ces lettres, la violence de
ces invectives, ces rappels du passé et en même temps la
présence palpable des lieux d'où ils écrivent. On
voit l'univers d'Alex à Chicago, ses vêtements, le lac où
la nature fait écho au tumulte de ses sentiments : "Un
vent violent vient du lac et souffle de petits nuages sur la silhouette
sombre des gratte-ciels. La lumière du soleil mourant envahit les
nuages, l'eau, les tours, selon une alchimie particulière : une
nuance de violet diaphane, trouble et transparent à la fois. Pas
un signe de vie
De temps à autre, la bourrasque se déchaine
et les vitres frémissent comme si l'immeuble claquait des dents.
La mort ne m'apparaît plus aujourd'hui comme une menace en suspens
mais comme un événement en uvre depuis déjà
longtemps. Un oiseau étrange vient de se cogner à la fenêtre,
ses battements d'ailes convulsifs tracent dans l'air diverses sortes de
cercles et entrelacs comme s'il voulait écrire quelque chose dans
l'espace- peut-être le texte de la réponse que je cherche
à te donner." Et elle de son côté décrit
un soir d'été à Jérusalem :"<les montagnes
flamboient au soleil couchant. Une dernière lueur semble dissoudre
les ruelles en les dépouillant de leurs pierres. Le gémissement
d'une flute arabe s'élève du Wadi par-delà peines
et joies
Deux heures plus tard, quand apparaissent les étoiles
dans le ciel de Judée, la silhouette du minaret de la mosquée
se détache entre les ombres des cabanes. Tes doigts tâtonnent
sur la tapisserie rugueuse du fauteuil devant la fenêtre. La lampe
du bureau de la chambre éclaire un olivier argenté et, par
instants, se dissipe la frontière entre le bout de tes doigts et
le tissu ; ce qui touche devient ce qui est touché"
Le problème politique israélo-palestinien n'est pas traité
directement, mais est palpable d'un bout à l'autre du récit
à travers les réactions et comportements des personnages
et est imbriqué à leur vie intime. J'ouvre aux ¾.
DES
INFOS AUTOUR DU LIVRE Quelques repères biographiques Livres traduits en français Presse : vidéo, radio, articles |
Quelques mots du genre épistolaire...
Il peut se catégoriser par son nombre de correspondants :
- un seul : La lettre au père de Kafka
- deux : Julie ou La Nouvelle Héloïse de Rousseau
- plusieurs : Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos ou,
par courrier électronique, Cher connard de Virginie Despentes.
Distinguons les livres publiant la correspondance et les romans épistolaires.
Et à Voix au chapitre ?
Nous avons lu des lettres :
- Correspondance
à trois, entre Rilke, Pasternak et Tsvetaïeva
- Des lettres de Madame de Sévigné quand nous avons
visité sa
maison à Vitré
- Lettres à son frère Théo de Vincent Van
Gogh quand nous sommes allés à Auvers-sur-Oise
Et des romans épistolaires :
- Lettres portugaises de Guilleragues
- La Vie de Marianne de Marivaux
- Inconnu à cette adresse de Kressman Taylor
- Le fusil de chasse d'Inoué
- Lettre
à D. : histoire d'un amour d'André Gorz
- Les
Souffrances du jeune Werther de Goethe
QUELQUES REPÈRES BIOGRAPHIQUES |
En écoutant
et regardant
- Biographie en moins d'une minute, #litterature
Arte, 2023.
- Premier épisode sur
la vie d'Amos Oz, La Compagnie des auteurs, France Culture,
18 février 2019, 58 min.
- Un portrait sur Arte : Amos Oz, la quatrième fenêtre, documentaire de Yair Qedar, 2020, 58 min (sur Arte.tv jusquau 15 juillet 2024).
En lisant les événements
liés à quelques dates
- 1939 : naissance d'Amos Klausner à Jérusalem,
fils unique ; ses parents avaient émigré en Palestine sous
mandat britannique au début des années 1930, fuyant la montée
de l'antisémitisme. Son père travaille comme bibliothécaire
à Jérusalem et sa mère donne des leçons d'histoire
et de littérature. Sa grand-mère maternelle possédait
un moulin en Pologne de l'Est (actuelle Ukraine). Il grandit rue Amos,
dans le quartier de Kerem Avraham. Sa mère se suicide alors qu'il
a 12 ans.
- 1954 : fuyant son père, il rejoint à 15 ans le kibboutz
de Hulda, dans le centre d'Israël, et adopte le patronyme d'Oz, qui
signifie "force, courage" en hébreu. Après son
service militaire, le kibboutz l'a envoyé étudier la philosophie
et la littérature à l'Université de Jérusalem.
Il a enseigné la littérature et les sciences sociales au
lycée du kibboutz. Il écrit dans le journal des kibboutzim
et le quotidien Davar.
Son premier texte est publié quand il a 20 ans dans Keshet,
la revue littéraire d'Aharon Amir (voir
un entretien avec lui sur sa revue dans Liberté, 1972)
- 1965 : premier livre publié, des nouvelles,
Les Terres du chacal
- 1966 : premier roman,
Ailleurs peut-être
- 1967 : participe à la guerre des Six jours dans une unité
de chars.
Geneviève Bessis : Vous racontez comment, à la veille de la bataille, les soldats débattent de Guerre et Paix de Tolstoï [Dans Les deux morts de ma grand-mère et autres essais]
Amos Oz : Dans lenfer de la guerre des Six Jours où je servais comme réserviste, nous étions quelques hommes autour dun feu de camp et nous discutions de Guerre et Paix. Nous étions dans la même situation que les Russes pendant les guerres napoléoniennes car la guerre des Six Jours était une guerre de défense. Cétait vrai il y a quarante ans. Mais après cette guerre les Israéliens sont tombés amoureux des territoires quils occupaient et ont développé un appétit pour ces territoires. Cet appétit est devenu, je crois, la tragédie dIsraël. ("Le livre survivra, cest un bon partenaire au lit", entretien avec Geneviève Bessis, Bibliothèque(s), n° 37, 2008, p. 48-50)
- 1968 : Mon Michaël, roman qui le fait connaître (40 000 exemplaires vendus en huit mois, ce qui constitue un record en Israël) ; lors de la sortie américaine du livre en 1972, l'article du New York Times, "An Israeli Madame Bovary", fait un malheur. Le succès d'Amos Oz et ses livres rapporteront à son kibboutz. Il est interviewé par Le Monde, alors qu'aucun de ses livres n'est encore traduit ; extraits :
J'enseigne quatre jours par semaine au lycée et je dispose de deux jours ouvrables pour écrire. Tout l'argent que je reçois pour mes conférences, mes interviews à la radio, mes droits d'auteur, va à la caisse du kibboutz qui me paye en échange tout ce dont j'ai besoin : livres, documentation, voyages, séjours au-dehors pour écrire tranquillement. (...)
En littérature, j'ai été influencé par Melville, Sherwood Andersen, Faulkner, Gogol, Tchékhov, Dostoïevski (plus que par Tolstoï ou Gorki) ; je dois aussi beaucoup à Agnon et à Berditchewsy. (Amos Oz, jeune écrivain israélien et "sioniste critique", entretien avec Erwin Spatz, Le Monde, 19 avril 1969)
- 1973 : participe à la guerre de Yom Kippour.
- 1978 : cofondateur de "La Paix maintenant", mouvement opposé
à la colonisation dans les Territoires palestiniens, prônant
la réconciliation israélo-arabe, le partage du territoire
(avec des "arrangements particuliers pour les sites sacrés")
par la création de deux états indépendants :
l'un israélien, l'autre palestinien.
- 1986 : il s'installe avec Nili, son épouse avec qui il a vécu
au kibboutz, dans le nord du désert du Néguev, à
Arad, en raison de l'asthme de leur fils.
- 1987 : La
boîte noire est son sixième roman.
- 2003 : son roman autobiographique Une
histoire d'amour et de ténèbres est salué
comme une uvre majeure de la littérature mondiale.
- 2018 : il meurt des suites d'un cancer à l'âge de 79 ans
; il est enterré au kibboutz Hulda.
Un écrivain reconnu
- Il a reçu de nombreux prix et distinctions
dans différents pays, y compris en France :
- 1984 : officier de l'Ordre des Arts et des Lettres
- 1988 : Prix Femina étranger
- 1997 : Légion d'honneur remise par Jacques Chirac.
Il a exercé à l'université Ben Gourion du Néguev pendant plus de 30 ans au sein du département de littérature hébraïque où il donnait une fois par semaine des cours de littérature.
LIVRES TRADUITS EN FRANÇAIS |
Oz a publié une quarantaine de livres : romans,
nouvelles, livres pour enfants, essais, recueils d'articles ou conférences
et des centaines d'articles. Ils sont presque tous traduits en français.
Les éditeurs français
Après avoir été publiés par
Calmann-Lévy où plus aucun livre n'est disponible, tous
les livres d'Amos Oz sont disponibles chez Gallimard, sauf :
- un roman pour la jeunesse épuisé : Mon
vélo et autres aventures (Stock puis Le Livre de poche)
- un reportage publié dans le journal Davar : Les
Voix dIsraël (Calmann-Lévy, épuisé)
- un texte issu de deux conférences, Jésus
et Judas, préface de Delphine Horvilleur (Grasset, 2021).
Les livres traduits en français
(avec la date de publication en Israël)
- 1965 : Les
Terres du chacal (nouvelles)
- 1966 : Ailleurs
peut-être (roman)
- 1968 : Mon
Michaël (roman)
- 1971 : Jusqu'à
la mort (deux longues nouvelles)
- 1973 : Toucher
l'eau, toucher le vent (roman)
- 1976 : La
Colline du Mauvais-Conseil (trois nouvelles)
- 1978 : Mon vélo et
autres aventures (pour la jeunesse)
- 1982 : Les Voix dIsraël
- 1986 : La
boîte noire, prix Femina étranger 1988
- 1989 : Connaître
une femme (roman)
- 1994 : La
Troisième Sphère (roman)
- 1994 : Ne
dis pas la nuit (roman)
- 1995 : Une
panthère dans la cave (roman)
- 1995 : Les
deux morts de ma grand-mère et autres essais
- 1996 : Un
juste repos (roman)
- 1996 : L'histoire
commence (essai)
- 2002 : Seule
la mer (roman)
- 2003 : Une
histoire d'amour et de ténèbres (roman autobiographique).
Le livre sera adapté
au cinéma et présenté au Festival de Cannes en
2015 ; scénario, réalisation et rôle de la mère
d'Amos Oz : Natalie
Portman ; 2,99€ en
vod ici
- 2003 : Aidez-nous
à divorcer ! Israël Palestine : deux États maintenant
(conférence suivie d'un post-scriptum aux "Accords de
Genève"), republié dans le livre suivant : Comment
guérir un fanatique (trois conférences)
- 2005 : Soudain
dans la forêt profonde (conte pour enfants et adultes)
- 2007 : Vie
et mort en quatre rimes (roman)
- 2010 : Scènes
de vie villageoise (huit nouvelles) et Chanter
et autres nouvelles (quatre nouvelles extraites de Scènes
de vie villageoise)
- 2013 : Entre
amis (huit nouvelles)
- 2014 : Judas
- 2012 : Juifs
par les mots, entretien avec Fania Oz-Salzberger, trad. de l'anglais
(Israël) par Marie-France de Paloméra
- 2017 : Chers
fanatiques : trois réflexions
- 2018 : Conversations
sur l'écriture, l'amour, la culpabilité et autres menus
plaisirs, entretien avec Shira Hadad
- 2019 : Rien
n'est encore joué : la dernière conférence
- 2021 : Jésus
et Judas, texte issu de deux conférences données
en 2017 à l'Église luthérienne de Berlin et à
l'Abbaye de la dormition à Jérusalem, trad. de l'anglais
par Sylvie Cohen, Grasset, 2021, préface de Delphine Horvilleur.
uvres,
coll. Quarto, 2022 : ce volume de 1728 pages et 98 illustrations a été
conçu avec lécrivain avant sa disparition comme une
traversée de son uvre, reprenant un choix de romans et de
nouvelles publiés entre 1965 et 2014, clos par un ensemble de conférences
qui constituent son "testament" politique et moral. Il contient
: Refaire le monde - Le Roi de Norvège - Mon Michaël suivi
de "Ma Hannah"- La Boîte noire - Une panthère dans
la cave - Seule la mer - Une histoire damour et de ténèbres
- Judas - Chers fanatiques - Rien nest encore joué -
"Mon ami Amos Oz" - "À propos de mon père"-
Vie et uvre
Les traducteurs
Entre le premier roman traduit en 1971 et La boîte noire
traduit en 1988, divers traducteurs se succèdent. À partir
de La boîte noire, Sylvie Cohen devient la traductrice attitrée
de Amos Oz (y compris certains textes de l'anglais), pendant 30 années
de publications.
Le premier roman traduit en France en 1971 est
traduit de l'hébreu par Judith Kauffmann :
- 1966 : Ailleurs
peut-être
Traduits de l'hébreu par Jacques Pinto :
- 1965 : Les
Terres du chacal
- 1976 : La
Colline du Mauvais-Conseil
- 1978 : Mon vélo et
autres aventures
Traduits de l'hébreu par Rina Viers::
- 1968 : Mon
Michaël
- 1971 : Jusqu'à
la mort
- 1973 : Toucher
l'eau, toucher le vent
Traduit de l'hébreu par Jacques Benaudis :
- 1971 : une nouvelle "Les pays du chacal", dans Omer : cahiers
de la littérature hébraïque contemporaine, Jérusalem,
Département de l'éducation et de la culture en diaspora.
Traduit de l'hébreu par Guy Seniak :
- 1982 : Les Voix dIsraël
- 1996 : Un
juste repos
Traduit de l'hébreu et de l'anglais par Flore
Abergel et Anne Rabinovitch :
- 1995 : Les
deux morts de ma grand-mère et autres essais
Traduit de l'anglais par Marie-France
de Paloméra :
- 2012 : Juifs
par les mots, entretien avec Fania Oz-Salzberger
Traduits de l'hébreu par Sylvie Cohen, qui est
donc LA traductrice d'Amos Oz :
- 1986 : La
Boîte noire
- 1989 : Connaître
une femme
- 1994 : La
Troisième Sphère
- 1994 : Ne
dis pas la nuit
- 1995 : Une
panthère dans la cave
- 1996 : L'histoire
commence
- 2002 : Seule
la mer
- 2003 : Une
histoire d'amour et de ténèbres
- 2003 : Comment
guérir un fanatique
- 2005 : Soudain
dans la forêt profonde
- 2007 : Vie
et mort en quatre rimes
- 2010 : Scènes
de vie villageoise
- 2013 : Entre
amis
- 2014 : Judas
- 2017 : Chers
fanatiques : trois réflexions
- 2018 : Conversations
sur l'écriture, l'amour, la culpabilité et autres menus
plaisirs
- 2019 : Rien
n'est encore joué : la dernière conférence
Sylvie Cohen, professeure d'hébreu à l'origine,
a été introduite auprès de Calmann-Lévy par
l'attaché culturel israélien d'alors à Paris, Emmanuel
Halperin, pour traduire La Boîte noire d'Amos Oz. Devenue
la traductrice d'Oz, elle est aussi celle en hébreu de la maison
Gallimard.
L'écouter sur Amos Oz est très intéressant, dans
l'émission La
Compagnie des auteurs, France Culture, 21 février 2019
La France et la littérature
publiée en hébreu
Gisèle Sapiro, spécialiste de sociologie
de la littérature, et auteure du très intéressant
Peut-on
dissocier l'uvre de l'auteur ? (Seuil, 2020) situe l'arrivée
d'Amos Oz dans l'édition française, dans son article "L'importation
de la littérature hébraïque en France : entre
communautarisme et universalisme" (Actes de la recherche en
sciences sociales, 2002) :
On peut faire lhypothèse que lintérêt des éditeurs français pour la littérature hébraïque est apparu à la suite du prix Nobel décerné à Agnon en 1966. En plaçant Israël au centre de lactualité, la guerre des Six Jours aura-t-elle activé lattention portée aux nouvelles tendances qui se font jour dans cette littérature ? Toujours est-il que la consécration dAgnon semble en effet avoir entraîné une vague de traductions. Elle concerne dabord le lauréat lui-même, dont Albin Michel entreprend de traduire luvre (Le Chien Balak, 1971 ; LHôte de passage, 1973 ; etc.), dans la collection "Les Grandes Traductions" cette fois. Mais lannée 1971 voit aussi paraître simultanément les livres de trois autres auteurs israéliens : Yoram Kaniuk (Himmo, roi de Jérusalem), Amos Oz (Ailleurs peut-être) et David Shahar (La Colombe et la lune), respectivement chez Stock, Calmann-Lévy et Gallimard. À ceux-ci sajoute, dès 1974, Avraham B. Yehoshua, découvert par Maurice Nadeau, qui le lance avec un recueil de nouvelles, Trois Jours et un enfant, dans la collection "Les Lettres nouvelles" quil dirige chez Denoël. Son uvre est traduite à partir de 1979 chez Calmann-Lévy.
Voix au chapitre n'a pas lu grand-chose,
à savoir 4 auteurs traduits de l'hébreu :
- Amos Oz : Seule la mer,
Comment guérir un fanatique,
Une histoire
d'amour et de ténèbres.
- Aharon Appelfeld :
Histoire d'une vie
- David Grossman : Une
femme fuyant l'annonce
- Michael Handelzalts : Histoires
d'en lire
La littérature et la politique
Zohar Shavit, universitaire mais
aussi responsable de politique culturelle, fait les remarques suivantes
dans son étude de "La
réception de la littérature hébraïque en France",
Yod, n° 14, 2009 :
En 2002, au moment où je menais ma recherche, jai participé à plusieurs événements organisés en lhonneur des écrivains israéliens. La parution dun livre servait aussi de prétexte à un débat politique et toute rencontre avec des auteurs israéliens tournait autour de lactualité. Plusieurs journalistes et écrivains ont été conviés par Élie Barnavi, alors lambassadeur dIsraël en France, à un dîner avec Amos Oz : Alexandre Adler, Jean Daniel, Pierre Assouline, Michel Rocard, Jean-Luc Allouche, Olivier Nora, lactrice Anouk Aimé, le directeur littéraire de Gallimard Jean Mattern, ainsi que Sylvie Cohen, la traductrice de Seule la mer, le livre qui était à lorigine de cette invitation. La discussion portait sur des sujets politiques, sans la moindre référence au roman (ne serait-ce que pour faire semblant). Tous les participants interrogeaient lauteur sur la situation et Jean Daniel a même provoqué une mini tempête en rappelant, très poliment, le "massacre à Djenin".
PRESSE : vidéo, radio, entretien et articles |
Vidéo
Amos Oz, la quatrième fenêtre,
documentaire de Yair Qedar, 2020, 58 min (sur Arte.tv
jusquau 15 juillet 2024), est un portrait en mosaïque, avec
de nombreux témoignages damis écrivains, de relations
issues du monde de lédition, de la famille, des politiques.
Les interviews sont entrecoupées de textes lus, darchives
filmées et de la voix de lauteur, recueillie telle une ultime
"confession". Parce quAmos Oz passait son temps à
regarder par la fenêtre comme le faisait sa mère, Yair Qedar
a invité chaque intervenant.e à sexprimer dans leur
cadre de vie, à côté
dune fenêtre.
Radio
- La Compagnie des auteurs, 4 émissions
d'une heure par Matthieu Garrigou-Lagrange, France Culture, du 18 au 21
février 2019
1/4 : Une
problématique dipienne : la vie de l'écrivain,
avec Marc Laurent, psychanalyste, qui a co-dirigé la publication
des actes d'un colloque consacré à Amos Oz à Reims
en novembre 2018 : Amos
Oz, écrivain d'une langue et d'une terre : Israël
(ACSIReims éditions, 2018)
2/4 : L'uvre
d'Amos Oz, avec Jean Mattern, écrivain et éditeur, et
Michèle Tauber, maître de conférences en langue et
littérature hébraïque à la Sorbonne-Nouvelle
Paris 3.
3/4 : La
terre et les mots d'Amos Oz, avec Avraham B. Yehoshua, écrivain
israélien (1936-2022) et Gilles Rozier éditeur et écrivain
4/4 : Lire
et traduire, avec Sylvie Cohen, traductrice des uvres d'Amos
Oz en français, et Olivier Barbarant, poète, critique et
essayiste.
- Hommage à Amos Oz, L'Heure
Bleue, Laure Adler, France Inter, 4 janvier 2019, 54 min
- Amos Oz, L'humeur
vagabonde, Kathleen Evin, France Inter, 18 février 2013,
54 min
- Émission spéciale Amos Oz, Le
Temps des écrivains, Christophe Ono-dit-Biot, France Culture,
1er octobre 2016, 58 min.
- "Le métier décrivain", entretien-fleuve, propos recueillis par Helit Yeshurun, La règle du jeu, 31 août 2015. En voici deux extraits concernant La boîte noire :
Helit Yeshurun : Comment jugez-vous Les Voix dIsraël par rapport à vos romans et à vos récits ?
Amos Oz : Pourquoi devrais-je mettre ce livre en rapport avec mes romans ? Les Voix dIsraël est un livre de voyage. Cest ainsi que sappelle le genre. Ce nest pas un document social. Je nai pas travaillé avec un magnétophone. Ce nest pas un tableau de la situation car dès le départ jai exploré toutes sortes dendroits marginaux, je suis allé vers la frange et non vers le centre. Je voulais faire une uvre polyphonique et jespère que les romans et les récits que jai écrits avant et depuis sont aussi des uvres polyphoniques. Voilà ce quelles ont de commun. Ce qui ma intéressé dans la Boîte noire cest de voir comment, dune lettre à lautre, des gens si différents avouent lattraction incestueuse quils éprouvent lun pour lautre : il est clair que la femme désire être à la fois la mère, la fille et la maîtresse de son second mari ; la mère, la maîtresse et la femme de son premier mari ; que chacun deux veut assumer dans la vie de lautre tous les rôles féminins et tous les rôles masculins. Mais ce qui ma intéressé plus encore, cest de voir comment ces gens veulent devenir une seule chair, ne faire quun avec lautre. Sommo voudrait être Alex et Alex voudrait être Sommo, et ils ne peuvent le faire quà travers une femme qui elle-même voudrait ne faire quun avec eux deux. Il ny a rien de pareil dans les Voix dIsraël. (...)
Avec votre roman épistolaire, La boîte noire, jusquà quel point votre but était-il de vous libérer des techniques conventionnelles du roman ? Pourquoi avez-vous choisi la forme épistolaire ?
Amos Oz : Je ne suis pas parti avec lintention de faire de La boîte noire un roman épistolaire. Je savais quil contiendrait des lettres, ce nétait pas la première fois. Mais alors que je travaillais à ce livre, il me devint de plus en plus évident que la situation des personnages les uns vis-à-vis des autres était une situation épistolaire. Pourquoi ? Parce quils étaient distants dun côté, et très intimes de lautre. Et quest-ce qui peut être à la fois distant et intime ? Une lettre. Plus intime quune conversation, mais aussi à des années-lumière de distance ; on na plus besoin de se regarder dans les yeux. Tous ces gens étaient de grands bavards mais ils ne savaient pas écouter. Je me suis dit : espèce didiot, quest-ce que tu fais, à lère du téléphone ? Mais où donc vis-tu ? Eh bien, non. Quand on a un homme et une femme, lun à Chicago et lautre à Jérusalem, qui ne peuvent vivre lun sans lautre mais qui ne peuvent pas non plus se rapprocher par peur de ce qui pourrait arriver, alors il reste les lettres. Bref, étant donné cette configuration, des lettres mont paru subitement être la solution. Cela sest passé en cours de travail. Je ne lavais pas prévu. Cela a commencé par une lettre quune femme écrit à son mari après sept années de silence. Je ne pensais pas alors ne faire que des lettres. Jai du mal à revoir maintenant à quel moment de cette première lettre il ma paru clair quune réponse viendrait. Cest plus tard seulement que jai pris conscience des problèmes techniques auxquels jallais être confronté. Introduire de linformation dans un roman épistolaire cest la chose la plus difficile au monde. Elle ne peut évidemment pas lui écrire : "Comme tu ten souviens, nous nous sommes mariés en 1958", ni : "Il y avait trois pièces dans notre maison, et le lit était installé à cet endroit-là", et pourtant je veux que le lecteur sache ces choses-là. Jai eu des problèmes techniques compliqués. Je ne pense pas les avoir tous biens résolus. Il y a un prix à payer pour chaque convention. Pour le théâtre. Pour un récit où le narrateur est omniscient. Le livre et sa structure ont poussé ensemble.
- "Liaisons
dangereuses en Israël" : La boîte noire, un
roman épistolaire d'Amos Oz, Le Monde, 18 novembre 1988
- "Amos
Oz's Black Box", Avraham Balaban, Revue belge de Philologie
et d'Histoire, 1992 : une étude en anglais sur La boîte
noire.
Hélas, pour finir...
Amos Oz a trois enfants : un garçon, Daniel,
et deux filles Galia et Fania. Scandale récent, trois ans après
la mort de leur père, à la suite de la publication d'un
livre par Galia Oz, Something Disguised As Love (Quelque chose
déguisée en amour - livre non traduit en français).
Quelques échos :
- "La
fille de lécrivain israélien Amos Oz affirme avoir
été battue par son père", Louis Imbert,
Le Monde, 24 février 2021
- "Mon
crime c'était moi, la punition était donc sans fin"
: la fille d'Amos Oz dénonce la violence de l'écrivain",
Lou Fritel, Le Figaro, 25 février 2021
- "En
Israël, l'affaire Amos Oz", Affaire à suivre,
France Culture, 8 mars 2021, 5 min.
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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