Tayeb SALIH, Saison de la migration vers le Nord, trad. de l'arabe Abdelwahab Meddeb et Fady Noun, Babel, 176 p.

Quatrième de couverture : Au jeune étudiant rentré au pays après un séjour en Europe, Moustafa Saïd entreprend de raconter son histoire : celle d´un destin déchiré entre la vie immémoriale de l´Afrique et le mouvement de l´Occident.
Moustafa Saïd en effet a passé de nombreuses années en Angleterre, où il a mené des études brillantes, séduit de nombreuses femmes, provoqué le suicide de deux d´entre elles, brisé le mariage d´une autre... Sur sa vie plane une ombre de mystère.
Peu de temps après son récit, inachevé, il meurt noyé dans le Nil, alors qu´il était excellent nageur : son confident tentera dès lors de remonter le cours d´une vie complexe, de comprendre qui fut réellement le fascinant Moustafa Saïd, et c´est avec une science dramatique extrême que l´auteur distille les éléments de cette envoûtante enquête.

Tayeb Salih est né en 1929 dans le Nord du Soudan. Après des études à Khartoum et à Londres, il a dirigé le département arabe de la BBC, puis les services de l´Information au Qatar, et exercé les fonctions de conseiller à l´Unesco. Il est décédé en 2009. Considéré comme l'un des plus grands écrivains arabes du XXe siècle, il a vu son œuvre traduite dans une dizaine de langues.

Première traduction :
Le Migrateur, traduction partielle Fady Noun, préface de Jacques Berque, La Bibliothèque arabe, coll. "Littératures", Sindbad, 1972 ; rééd. avec une traduction intégrale de Abdelwahab Meddeb et Fady Noun et un nouveau titre, Sindbad, La Bibliothèque arabe, coll. "Littératures", 1983

Tayeb Salih (1929-2009)
Saison de la migration vers le Nord (1966)

Nous avons lu ce livre pour le 20 septembre 2024 et le groupe breton en octobre.

Nous avons lu Port-Soudan..., mais c'est la première fois que nous lisons un livre soudanais. Voir doc autour du livre en bas de page.

Nos 17 cotes d'amour
Rozenn
Entre etClaire
BrigitteCatherine Christelle
FrançoiseJacquelineJérémy
Monique L
Richard
Sabine
EntreetRenée
Annick LClarisse Danièle
EtienneFanny

Sabine(avis transmis de Nîmes)
C'est un livre qui mérite - ou exige - une lecture en continu, sans trop d'interruptions, et j'ai malheureusement mis plus de dix jours à le lire, me perdant avec les narrateurs, volontairement mêlés par l'auteur.
J'ai été saisie par les premières pages et la façon dont on entre dans le récit très "sexué" : "Nous avions peur que tu nous ramènes une chrétienne, non excisée". Il y a plusieurs passages, notamment la fin avec Jean Morris, consacrés à la sexualité ; c'est souvent très cru, sanglant et morbide. Ce n'est pas du Sade, mais ce n'est pas loin. Les femmes ne sont pas en reste et s'apparentent à des succubes. La description que Moustafa Saïd fait de lui enfant est étonnante : les liens avec sa mère sont glaçants (p. 30-31) ; sa précocité nous tient en haleine. Le suspense alterne avec des moments très poétiques : "la lumière réfléchie sur son visage, ses yeux séducteurs au-dedans de lui-même, me sembla-t-il, les ténèbres alentour complotant, forces démoniaques, à étouffer l'éclairante lanterne" (p. 52). Et je saute directement à la page 145 où Moustafa séduit Ann : "Mais j'étais inspiré ce soir-là, je sentais les mensonges courir sur ma langue comme paroles consacrées." Il y a des passages très forts par l'intensité de l'histoire et par la force de l'écriture que je trouve vraiment poétique. Dans le même temps, je me suis sentie un peu perdue parfois. Ce qui me conduit à n'ouvrir le livre qu'aux trois-quarts, ce qui est déjà pas mal ! Je vous souhaite une bonne soirée et j'ai hâte de découvrir vos avis.
Fanny(avis transmis)
Au début de ma lecture, j'ai été saisie par l'intrigue, j'avais envie de découvrir quel complot ou vengeance avait pu conduire à la disparition de Moustafa Saïd. Je m'attendais à une sorte d'enquête à rebours qui permettrait aussi de découvrir un peu le Soudan. J'ai également trouvé le style poétique.
Cependant j'ai déchanté tout au long de ma lecture. Du parcours de Moustafa Saïd, tout est dit dès sa rencontre avec le narrateur. Je n'ai pas réussi à vraiment m'intéresser aux autres personnages dont le parcours est pour moi resté au stade d'intrigues secondaires, malgré des portraits de femmes parfois hauts en couleur.
Le style de poétique m'est vite apparu lourd et emphatique.
Je salue l'engagement du livre et son côté probablement subversif dans le contexte du Soudan, mais cet intérêt n'a pas suffi à satisfaire mon plaisir de lecteur.
J'ouvre ¼, et comme toujours hâte de vous lire à défaut de vous entendre.
Danièle
(avis transmis)
À toute vitesse, car je comptais venir, mais me voici pratiquement aphone et préfère donc vous communiquer quelques notes au sujet de ce livre.
Je relèverai tout d'abord ce qui fait à mon avis sa particularité : sa langue, son écriture, sans doute bien rendues par la traduction, un style relevé (au début, "Messieurs", comme dans un discours) mais déroutant pour nos oreilles occidentales, un emploi du passé simple étonnant, des structures de phrases incongrues ("d'impatience, je refusais le thé"), une grande élégance du narrateur qui prend ses distances… Tout cela donne un charme exotique à la lecture, on plonge dans un monde tout à fait autre.
Et pourtant, les deux narrateurs principaux (le narrateur et Mustafa Saïd) ont suivi un cursus occidental et cosmopolite. On oscille entre mentalité africaine et mœurs occidentales, spécialement en ce qui concerne la place de la femme dans la société. C'est l'un des grands intérêts du livre.
Souvent la chronologie est bousculée, on passe de la trame événementielle à des sortes de flashbacks. Le passage d'un narrateur à l'autre sans démarcation annoncée contribue à un certain flou qui parfois m'a perdue.
La multiplicité des personnages et quelques grands vides dans la chronologie m'ont aussi perturbée.
Je retiens l'idée d'une société un peu perdue, ou alors, c'est moi qui étais perdue !...
J'ouvre à moitié.
Monique L

Ce livre traite principalement du colonialisme et du conflit entre traditions locales et modèle occidental. Rien de très original donc, mais ce qui fait la grande force de ce roman est qu'il n'est pas théorique. Il décrit des situations et des faits vus par un Soudanais qui aime son pays et le connaît profondément. Ce n'est pas manichéen. L'auteur nous laisse le soin de se faire notre propre vérité. C'est très dépaysant. Il est question de divergences de visions entre deux univers : celui du Soudan traditionnel et celui de l'Occident, en l'occurrence l'Angleterre, mais aussi de fantasmes et de fascinations entre ces deux mondes. C'est à la fois critique et nostalgique.
L'auteur dresse une critique acerbe de la société traditionnelle soudanaise patriarcale et machiste. Il aborde le poids de la tradition et de la religion, la condition des femmes, la corruption, le clientélisme et une critique de l'époque postcoloniale du pays. C'est aussi un roman sur l'identité et l'altérité. "À tous ceux qui ne voient que d'un seul œil et parlent une seule langue, a ceux pour qui les choses sont blanches ou noires, orientales ou occidentales".
C'est très dépaysant de plonger dans la vie d'un clan du Nord Soudan, où les rites ont la peau dure. Cette confrontation entre modernité et tradition, entre émancipation et conservatisme, est décrite par le narrateur grâce à sa propre expérience, mais aussi à son enquête sur le personnage de Mustafa Saïd. J'ai été intéressée par ce personnage atypique, brillant et torturé qui nous est dévoilé petit à petit.
J'ai trouvé la construction de ce récit très efficace. Cela nous permet de changer d'angle de vue, on se retrouve avec les yeux d'un Soudanais. Bien qu'ils soient très différents, un parallélisme entre le narrateur et Mustafa Saïd saute aux yeux : le narrateur ressent et vit des expériences qui font écho à la vie de Mustafa.

Le récit met un certain temps à s'installer, avec des personnages abordés avec détachement par l'auteur, sans donner des justifications à leurs actes. J'ai aimé le ton du narrateur et sa façon très nuancée et pleine de sagesse de se positionner. Certains personnages m'ont spécialement intéressée : le grand-père, Mahjoub, Hasna.
Des passages m'ont spécialement marquée :
- la description pleine d'exotisme de l'appartement de Mustafa à Londres
- le voyage du narrateur à travers le désert en route vers Khartoum
- la discussion autour du mariage de Hasna
- la description du fossé grandissant entre le narrateur et son ami resté au village qui reste prisonnier de la tradition.
C'est un roman très bien écrit, avec une écriture travaillée, poétique, imagée, précise et pleine de métaphores. Ça a été un vrai plaisir de lecture.
À noter que le parallèle entre le narrateur et Saïd est mené jusqu'à la fin. Alors que Saïd meurt noyé dans le Nil, le narrateur qui risque de subir le même sort se ressaisit et rassemble ses dernières forces pour crier : au secours !
J'ouvre le livre aux ¾.
Catherine

Je ne connaissais sais pas cet auteur et n'ai d'ailleurs jamais lu d'auteur soudanais. Je me suis laissé embarquer par l'histoire et je l'ai lu d'une traite. C'est un roman intéressant, j'ai beaucoup aimé l'écriture et la construction avec cette double narration. Mais au fond, je ne sais pas très bien ce que j'en pense.
Moustafa est un personnage assez fascinant mais perturbant. Il quitte le Soudan pour aller faire des études à Londres, il est extrêmement brillant mais semble dénué de sentiments. Il se venge des colonisateurs anglais à travers les femmes, en usant des clichés et des fantasmes des Occidentaux sur l'Orient. À cet égard, la description de la chambre à Londres dans laquelle il emmène ses conquêtes est extraordinaire. Il séduit ces femmes jusqu'à les conduire au suicide. Il tombe ensuite sur une femme qui lui résiste, avec laquelle il a une relation complètement sadomasochiste, qui se finit par un meurtre. Celui-ci est décrit avec un luxe de détails. C'est donc poussé assez loin, un peu au-delà de la vraisemblance, ce qui m'a un peu gênée.
On découvre son histoire petit à petit, à travers le narrateur, plus jeune, qui a un destin assez similaire puisqu'il va lui aussi étudier en Angleterre, mais à son retour retrouve sa place dans sa famille et devient haut fonctionnaire.
J'ai beaucoup aimé la description du village, des habitants, du Nil, du désert. Il y a des moments d'humour, en particulier la soirée avec le grand-père, Bint Mahjoub et Wade Rayyes. Et il y a aussi de la poésie, la traversée du désert en voiture et la fête improvisée à l'arrivée de la nuit est un des plus beaux passages. Il y a aussi une critique acerbe des élites soudanaises, de leurs richesses et de leur éloignement du quotidien du peuple. La place des femmes soudanaises, excisées, mariées contre leur gré, à la merci de leurs maris, frères et pères, est aussi largement évoquée. J'ai appris beaucoup de choses sur le Soudan (je ne savais pas que Soudan était de langue arabe donc je partais de loin !).
Il y a une vraie tension dramatique dans le récit qui m'a tenue en haleine jusqu'à la fin, le mariage contre son gré, avec un homme de 40 ans plus âgé, de Hasna, la femme de Moustafa, qui veut lui rester fidèle et tue son mari avant de se suicider, scène là aussi décrite avec un luxe de détails, et la presque noyade du narrateur, dans une espèce de fascination morbide avec son double Moustafa. La découverte de la chambre secrète, remplie de livres occidentaux sans aucun ouvrage arabe, achève la description du personnage de Moustafa écartelé entre deux mondes. J'ai plutôt considéré que le narrateur survivait, mais il reste une incertitude, de même que l'on n'est pas tout à fait certain de la noyade de Moustafa. L'ensemble est troublant.
Mais c'est un livre très dense et très riche, magnifiquement écrit. Au final, après hésitation, je l'ouvre aux ¾.
Annick L(à l'écran)
C'est un roman très intéressant, vraiment dépaysant, qui nous fait adopter un point de vue insolite sur les effets de la colonisation, mais aussi sur le poids des traditions dans ce paysà l'époque, en particulier en ce qui concerne le statut des femmes.
Les descriptions sont concrètes, imagées, voire poétiques..., celles de la vie quotidienne dans les campagnes, du fleuve Nil avec ses caprices, des relations sociales, voire de l'évolution de la société soudanaise dans la capitale pour les élites. La scène du retour en 4X4 à travers le désert jusqu'à Khartoum est magistrale. Et les dialogues entre les personnages qui vivent encore au pays complètent ce tableau.
Le narrateur ne manque pas lui-même de dénoncer tous les travers qu'il peut observer, lui qui a fait ses études en Europe et qui, du coup, a pris du recul.
Mais j'ai été très gênée par la figure de Moustafa Saïd, qui émerge peu à peu à travers son propre récit et les témoignages de plusieurs témoins. Je trouve qu'il est trop cynique, trop mégalomane, trop odieux, ce brillant économiste qui gâche son talent, trop occupé à enrichir son tableau de chasse de femmes blanches en quête d'aventures exotiques. Ce personnage est presque une incarnation du Mal - on dirait aujourd'hui qu'il est toxique - avec son cortège de "victimes" féminines. Il ne tient que par la relation de miroir qu'il entretient avec le narrateur, d'abord fasciné, qui, lui, a su retrouver sa place parmi les siens. J'ai trouvé enfin excessive la violence de la scène sado-maso avec Jean Morris, ainsi que celle du massacre final au village entre Hasna et le vieux Wad Rayyes. Qu'est-ce que ça apporte au récit ?
J'ouvre donc à moitié, pour la découverte de ce "continent" inconnu.
Rozenn
J'ai lu le livre deux fois, quand il était question de le programmer et pour cette séance. La première fois, il m'avait intéressée et j'avais poussé à ce qu'on le programme. J'ai aimé les dialogues au village entre les vieux, surtout la façon de parler de la sexualité de la vieille femme. Agréable à lire, intéressant, différent.
Quand je l'ai relu, je l'ai découvert beaucoup plus subtil, plus riche encore.
Il est construit en miroir, avec deux personnages, avec les parcours du narrateur et du héros ; et deux chambres à Londres et au village.
Il met en scène l'opposition des deux cultures (occidentale et orientale), les difficultés qu'elle suscitent chez les migrants, l'impossibilité d'être pluriels.
Les articles mis en ligne m'ont fait comprendre que l'exagération des deux chambres, la violence des rapports du héros avec les femmes qu'il séduit à Londres, dénoncent les préjugés sur l'orientalisme, ce qui m'avait gênée, mais qui se justifie alors.
Il faudrait peut-être le relire une troisième fois.
J'ai commencé à lire ses nouvelles : pas assez pour avoir un avis mais je continuerai certainement.
Brigitte(à l'écran)
Je ne connaissais absolument pas cet écrivain du siècle dernier. Bien que racontant des événements vieux de presque cent ans, ce roman se lit quasiment comme un roman moderne. Il s'agit du choc de deux cultures : celle de l'Occident (britannique) et celle de l'Orient (Égypte, Soudan).
L'intrigue n'a que peu d'importance ici, ce qui compte c'est l'écriture tellement flamboyante, originale… Elle prend beaucoup de libertés avec les règles usuelles, mais le lecteur s'y retrouve.
Quelques citations de passages qui m'ont particulièrement frappée :

p. 40 : "Je la prenais et c'était prendre un nuage, cerner un météore, chevaucher un hymne militaire prussien."
p. 97 : "Malgré tous les efforts que nous avons fournis à vous éduquer, vous avez continuellement l'air de sortir pour la première fois de la forêt vierge."
p. 112 : "Où donc était l'ombre, ô mon Dieu ! Une pareille terre ne produit que des prophètes !"
p. 145 : "Mais j'étais inspiré ce soir-là, je sentais les mensonges courir sur ma langue comme paroles consacrées."
p. 146 : La rencontre entre Ann Hammond et Moustafa : Ann l'anglaise, orientaliste passionnée, et Moustafa le Soudanais, qui "rêve du Nord et de la blanche gelée" ; "Malgré la certitude de nos mensonges, je pressentais que, d'une certaine façon, nous disions la vérité."

Je remarque que les deux personnages (Moustafa et le narrateur) qui ont pénétré profondément la culture occidentale, considèrent comme normal que Hasna Bint Mahmoud décide seule de la façon dont elle va organiser son existence de veuve. On aurait pu attendre de leur ami Mahjoub une semblable ouverture d'esprit, mais non !
J'ouvre aux ¾.
Clarisse

C'est amusant parce que je me souviens de la couverture du livre et je suis persuadée d'avoir lu ce livre, sans en avoir aucun souvenir. L'histoire n'est guère marquante et l'enchevêtrement des récits l'un dans l'autre n'a pas d'intérêt particulier.
Néanmoins quel bonheur de lire un livre aussi court et concis après La Storia de Morante !
La langue de Tayeb Salih est douce comme les grains de sable des déserts soudanais.
Mais la manière dont les femmes sont traitées dans le récit de Moustafa Saïd fait froid dans le dos. Le traitement des femmes à la fois en Angleterre et au Soudan, où finalement elles sont vues comme des objets passifs de satisfaction.
Je ne comprends pas pourquoi certains personnages font ce qu'ils font et l'obsession du narrateur pour Moustafa Saïd. Le lecteur en sait finalement très peu sur la vie du narrateur, ce qui nous interroge finalement sur son utilité. Il n'est que conteur et a un regard semi-occidental sur les événements.
Il est intéressant de noter à quel point les meurtres de Moustafa Saïd sont dépénalisés alors que le drame de son ancienne femme est tourné en une horreur macabre dont elle est la seule responsable, alors qu'elle essayait simplement de se dépêtrer d'un mariage forcé. Les horreurs de la Deuxième Guerre mondiale à Rome nous manqueraient presque...
Jacqueline
C'est un livre extrêmement riche en peu de pages.
J'ai été séduite par la langue, recherchée, souvent poétique, avec des inversions inhabituelles.
Plus que l'affrontement entre deux cultures, "traditionnelle" et occidentale, il m'a semblé que le livre traitait du mélange des cultures, de leur évolution et de leur interpénétration au fur et à mesure des rencontres…
Moustafa Saïd ne m'est pas apparu comme un personnage vraiment antipathique et responsable du malheur des autres, mais plutôt comme un homme sans racines ni attachement, jusqu'à son arrivée au village où il mène une vie tout à fait traditionnelle avec une femme et deux enfants. Dans le village, il n'est pas complètement accepté, mais son expérience, ce qu'il a appris ailleurs, lui permet de donner des conseils et de jouer un rôle social. Il est intégré tout en restant étranger.
J'ai aimé la construction du roman, la quête du narrateur qui m'a rappelé celle du narrateur de Mohamed Mbougar Sarr dans La plus secrète mémoire des hommes. Je me suis intéressée au parallèle entre le parcours du narrateur et celui de Moustafa Saïd : poussés par les Anglais, ils ont fait des études un peu semblables, mais leur intégration dans la société qu'ils avaient quittée est différente comme l'époque où ils sont partis.
Il me paraît tout à fait injuste d'imputer à Moustafa Saïd la mort de Hasna. Le narrateur aurait pu lui sauver la vie en l'épousant après son veuvage, d'ailleurs on les sent un peu amoureux, mais il a une femme et une vie plus occidentale. Par son refus, serait-il lui aussi responsable de sa mort ?
J'ai aimé la tension de ce récit qui se lit comme un conte. D'ailleurs la chambre secrète n'est-elle pas une espèce de chambre de Barbe bleue ?
Le titre parle de "migration vers le Nord". Vers la fin il y a une très belle image d'oiseaux migrateurs sur le Nil. Au début, j'ai pensé que le Nord c'était l'Angleterre, mais c'est aussi Khartoum où le narrateur a des fonctions dont, au village, on dit à juste titre : vous, vous êtes en dehors de notre vie. Il me semble que l'action se passe au Sud du Soudan, Sud qui n'était pas encore indépendant quand le livre a été écrit. La différence de culture concerne la culture occidentale et la colonisation européenne, mais aussi, il me semble, la culture arabe qui, par une colonisation antérieure, s'est superposée à l'ancienne culture tribale …
Ce roman pose des questions passionnantes sur un pays que je ne connaissais pas.
Il y a la poésie et la culture arabes, et j'ai pensé au livre qu'on avait lu de Wauters, Mahmoud ou la montée des eaux.
J'aime et j'ai envie d'y revenir. J'ouvre aux ¾ car je n'ai pas tout de suite su apprécier la construction.
Renée entreet
(à l'écran)
Ce roman m'a énormément plu au début pour l'exotisme et l'écriture qui est très poétique. Nous apprenons à connaître la vie de ces gens : patriarcat, plusieurs épouses facilement répudiées, excision, etc. L'analyse de la colonisation pose des questions intéressantes.
J'ai aimé les discussions entre eux sur l'excision..., loi de l'Islam ou pas ? (P. 84 et 85). J'ai aimé la liberté avec laquelle ils parlent de sexe. Un père peut marier sa fille sans son consentement, avec un vieillard ! On sent les réticences du narrateur vis-à-vis des coutumes de son pays natal. L'Europe lui a ouvert un autre monde moins patriarcal.
Mystères : concernant la noyade de Moustafa Saïd, s'est-il réellement noyé ou a-t-il profité de la crue pour disparaître et vivre une troisième vie ? Est-ce qu'il a été agent secret à Londres ? Quel pouvoir exerçait-il sur son épouse soudanaise, vu sa fidélité au-delà de la mort, et la violence mise en œuvre pour tuer son vieux mari, puis se suicider ?
Moustafa a choisi ce jeune qu'on dit poète pour perpétuer sa légende d'homme tiraillé entre les deux mondes : l'Occident et l'Afrique. MAIS le narrateur n'est pas dupe : "Sa fatuité, son égocentrisme, me paraissaient sans limites ? Il aurait voulu... être éternisé par l'Histoire".
Mrs Robinson, comme tout le monde, adore Moustafa et pense qu'il est un homme bien, même après avoir assassiné sa femme : je pense que c'est un pervers (voir son attitude avec les femmes à Londres) qui cache son jeu dans la vie courante.
C'est un beau roman d'une grande richesse, qui pose des questions.
Cependant, mon prosaïsme ne comprend absolument pas le meurtre de Jean par son mari. D'accord, elle le torturait, leurs rapports étaient sadiques, mais pousser des jeux érotiques jusqu'à la mort ? "Je souffrais (...), cela me procurait du plaisir. Je prenais goût à la souffrance" Je veux bien le croire. MAIS Je doute qu'elle dise : "Je t'aime, ô mon amant" avec un poignard dans le cœur. C'est trop pour mon mental étroit. Ça m'a vraiment gâché le roman.
J'hésite entre ½ et ¾.
Jérémy
Avant la lecture : Je ne connaissais pas l'auteur, n'en avais pas entendu parler et je ne suis pas intéressé spontanément par la littérature africaine. Je n'avais pas d'apriori positif ou négatif avant de commencer la lecture si ce n'est que la libraire m'a dit que c'était un très beau livre quand je l'ai acheté !
Après la lecture : J'ai été agréablement surpris. Je rejoins ce que disait Jacqueline. Oui, c'est un livre court mais riche et dense, qui laisse beaucoup de questions en suspens, qui ouvre beaucoup de pistes. Nos débats montrent que ce n'est pas un livre univoque, c'est un livre qui laisse toute sa place au lecteur, qui le laisse travailler. Il ne nous donne pas tout et laisse sa place au mystère et à une multiplicité d'interprétations possibles. Pour moi c'est le signe que c'est un bon livre.
Il y a des scènes à la fois belles et cruelles, notamment celle du meurtre de Wad Rayyes. Mais je ne vous rejoins pas pour dire que Moustafa Saïd est horrible et cruel. Oui, c'est un séducteur impénitent, mais qu'est-ce qui nous permet de dire qu'il les pousse au suicide ? C'est peut-être le cas, mais là encore je trouve que ce n'est pas explicite, c'est une interprétation du lecteur. Il y a un "faisceau d'indices" : il est le dénominateur commun de ces suicides et cela arrive à plusieurs reprises. Mais un faisceau d'indices ne fait pas une preuve. Et pour ce qui concerne le meurtre de Jean, si j'étais l'avocat de Saïd, je plaiderais le suicide par personne interposée. Il la "suicide" plus qu'il ne la tue ! En tout cas, elle sait très bien ce qui est en train de se passer, elle voit la mort arriver et ne se débat pas, ne résiste pas, elle voit la mort arriver et la souhaite : "Mon cher, j'ai pensé que jamais tu n'oserais. J'ai failli désespérer de toi." Un peu plus loin : "Viens, viens avec moi, ne me laisse pas partir seule…" Bref, un bel exemple de relation toxique, dont on parle tant aujourd'hui !
J'ai été un peu frustré, car j'aurais voulu en savoir plus sur Moustafa. On sait que c'était un bel homme, qu'il était brillant, mais on a tout de même un peu de mal à croire qu'elles tombent toutes si facilement en pâmoison, enfin toutes sauf Jean bien sûr.
J'ai trouvé intéressant le rapport entre le narrateur parti faire des études et son meilleur ami Mahjoub qui s'est arrêté à l'instruction nécessaire à ses travaux agricoles et à son commerce. Si le premier est devenu un haut fonctionnaire frustré, ayant l'impression de ne pas avoir prise sur le cours des choses et d'être inutile, le second semble frustré de ne pas avoir eu le destin auquel il aurait peut-être lui aussi pu prétendre : "Compare un peu nos deux chemins. Tu es devenu haut fonctionnaire tandis que je suis resté paysan dans un pays perdu.
Mais c'est toi qui as réussi, parce que tu agis sur la vie réelle du pays. Nous autres, fonctionnaires, ne changeons rien à rien, tandis que les gens comme toi sont les héritiers légitimes du pouvoir. Vous êtes le centre nerveux de la vie, le sel de la terre.
"
Je trouve que cet échange a encore aujourd'hui une résonance quant au "bon" niveau d'éducation, à celui qui apporte réellement une richesse supplémentaire à un pays. Intéressantes aussi les réflexions du narrateur sur le pouvoir politique corrompu et sourd aux revendications et intérêts légitimes du peuple.
Enfin, j'ai beaucoup aimé le personne de Bint Mahjoub, la vieille du village qui boit, fume, discute d'égal à égal avec les hommes et parle de sexe de manière aussi crue, si ce n'est plus, qu'eux ! Elle est vraiment truculente. De manière générale, quelqu'un a dit que les personnages secondaires n'étaient pas très intéressants. Je ne suis pas d'accord, je trouve au contraire qu'ils apportent tous quelque chose : que ce soit Wad Rayyes, le grand-père du narrateur, son meilleur ami, Bint Mahjoub ou bien encore les époux Robinson.
Je rejoins encore Jacqueline sur le fait qu'il faudrait relire ce livre, car il mérite une analyse vraiment détaillée. Je ne sais pas si je le ferais, mais quoi qu'il en soit j'ai vraiment eu plaisir à le lire.
Je l'ouvre aux ¾ et non pas en entier car j'aurais parfois voulu que l'auteur m'en donne un peu plus. Mais c'est aussi ce qui fait le charme et l'intérêt du livre, la part de mystère qu'il recèle.

Claire entre et

J'ai beaucoup apprécié le livre que j'ai trouvé, moi aussi, très riche, et
en un petit volume. Contrairement à plusieurs d'entre vous, c'est le romanesque, moi, qui m'a plu : la narration m'a impressionnée par son art de la tension, du suspense, la façon de distiller les informations, les flashbacks habiles ; et le rapport ex-colons/ex-colonisés, très nourri, faisait partie de cette tension. La langue m'a souvent étonnée, avec - tant pis si c'est un cliché - comme une musique des mots et des tournures, comme une autre langue ; et les propos sur les femmes allaient de surprise en surprise.
Je me suis interrogée parfois : le récit oral dans le récit super écrit (mais bon, Moustafa est génial), pourquoi il se confie au narrateur, pourquoi le récit s'arrête tout à coup, quel est le secret du grand-père du narrateur ; et ces Anglaises qui tombent dingues... ; et la scène de violence avec la veuve (j'ai essayé de visualiser comment elle avait pu avoir un bout de sein arraché et avait pu lui donner des coups de couteau dans le sexe...) et le journal de Moustafa vide (commençant pourtant par cette phrase : "À ceux qui ne voient d'un regard net, à ceux qui parlent d'une voix catégorique, à ceux pour qui les choses sont blanches ou noires, orientales ou occidentales")... La fin m'a paru bizarre et la première phrase avec l'adresse "C'est à la suite d'une longue absence, messieurs" m'a fait attendre un retournement, indiquant qui étaient ces messieurs, qui n'a pas eu lieu.
Deux scènes m'ont frappée : le dialogue étonnant entre ces musulmans sur les relations sexuelles, avec notamment la femme Bint Mahjoub, et la scène dans le désert que j'ai trouvée grandiose.
J'ai trouvé très fortes l'utilisation par un Africain des clichés sur les Africains pour séduire, ainsi que la critique virulente de la corruption des élites africaines.
J'ai ensuite écouté l'émission de France Culture consacrée au roman qui m'a vraiment étonnée sur deux aspects :
- on entend l'auteur dans une interview de 1997 dire en anglais : "En fait, j'avais l'idée d'écrire un thriller. Au départ mon intention c'était d'écrire une simple histoire de meurtre. Mais c'est devenu une sorte de conflit entre différents mondes, différentes cultures, différentes civilisations. Je pense que l'histoire a pris le dessus durant l'écriture et j'ai dû m'adapter. De nouveaux personnages sont apparus, de nouvelles dimensions, de nouveaux angles. Donc c'était plutôt sérieux pour moi." J'ai du coup compris pourquoi la narration était tellement habile en termes de suspense.
- La spécialiste évoque le réalisme magique, très présente dans la littérature soudanaise et dans ce roman, et là je suis tombée de haut, car j'ai tout pris pour du réalisme. J'ai donc reconsidéré la scène sexuelle de tuerie..., la chambre cachée, et tout ce qui était "trop".
Je me suis intéressée à la traduction, grâce à l'article trouvé qui montre que la première traduction était choquante par les passages enlevés exprès : l'article est centré sur la disparition des critiques de l’orientalisme. J'ai regardé pour ma part la traduction d'excisée qu'on trouve dans notre livre p. 12 : Bint Mahjoub dit en riant : "Nous avions peur que tu ramènes une chrétienne, non excisée". Dans la première traduction, pas d'excision : "Nous avions peur que tu ramènes une chrétienne" (voir ici mes découvertes).
Pour être dans l'ambiance, j'ai vu deux expositions qui m'ont vraiment intéressée  : "Présences arabes : art moderne et décolonisation. Paris 1908-1988" au Musée d'art moderne (“Comment faire un art moderne et arabe ? Un vrai projet esthétique se met en place au cours du 20e siècle : pensé à la fois en rupture avec l’art académique, en écho avec les avant-gardes occidentales, dans le cadre d’une identité nationale propre, sans retour pour autant à un art islamique.”) et une exposition sur Etienne Dinet (1861-1929) à l'Institut du monde arabe (un peintre français qui, passionné, n'a peint que l'Algérie, s'y est installé, s'est converti, a fait le pèlerinage à la Mecque... : étonnant !).

Christelle

C'est pour moi une très belle découverte d'un auteur et d'un pays.
L'ambiance est très prenante, le Nil contribue à l'atmosphère.
J'ai aimé les contrastes entre la vie rurale et la ville, les éduqués et les autres, la fascination entre les deux mondes, Angleterre et Soudan. C'est à mon avis cette fascination, liée en partie au peu de connaissance mutuelle de leurs cultures, qui pourrait rendre crédible le magnétisme morbide et répété exercé par Moustafa sur les femmes qu'il rencontre à Londres (car l'intrigue paraît toutefois très étrange) !
La construction est très habile, fluide et pourtant je n'ai pas lu le livre très rapidement. Je ne me suis pas sentie perdue, mais vraiment portée par la très belle écriture.
La manière de construire le récit sous la forme d'une enquête m'a beaucoup plu, cela permet l'assemblage progressif d'informations, mais aussi de laisser des zones d'ombre, des énigmes... À mon avis, cela suffit pour suivre les personnages, appréhender leur complexité, je n'aurais pas aimé en savoir plus, je préfère pouvoir émettre des hypothèses sur ce que devient le narrateur, Moustafa, ce qui s'est passé à Londres...
J'aurais d'ailleurs préféré avoir plus de mystère à propos de la mort de Jean et de la tuerie finale, l'avalanche de détails crus m'a semblé inutile et excessive (à cause de cette réserve, je n'ouvre pas le livre en grand).
Enfin, je ne suis pas originale, car les deux scènes qui m'ont le plus marquée sont la scène de la route dans le désert, très poétique et où l'on sent la grande sensibilité du narrateur, et le dialogue entre les "vieux" du village à propos des relations hommes-femmes, bien plus terre à terre !
Richard

Je ne suis pas allé à Oxford comme Moustafa, mais à une autre fac anglaise.
Le début de la lecture a été assez difficile, assez hachuré.
Une fois dedans, je me suis laissé prendre par l'action et la description de cette société et de ce pays qui est tellement différent du nôtre.
(Mais il y a parfois des phrases qui n'ont rien à voir avec ce qui vient d'être dit et va suivre, par exemple p. 60, entre le dialogue : "En ce début d'hiver, le ciel de Khartoum était constellé d'étoiles.")
La lecture, en tant que document, fournit de magnifiques descriptions et évoque les problèmes de la décolonisation : je n'ai jamais lu de livre traitant de ce sujet avec autant d'intérêt.
Maintenant se pose la question de l'interprétation : et si on lisait ce livre comme une allégorie ? Et si les deux hommes n'étaient qu'une seule personne ou un symbole ? On ne sait pas comment le narrateur finit sa vie, mais il est possible qu'il se noie comme Moustafa. Si ce n'est pas le cas, et qu'il soit sauvé (par ceux qui entendent ses appels au secours), alors nous avons là tout le problématique de l'avenir des deux mondes, traditionnels et colonisés. À méditer …
J'ouvre aux ¾, ce qui pour moi est exceptionnel.

(Les deux avis suivants sont arrivés après la séance, sans avoir eu connaissance de nos avis.)
Françoise (avis transmis)
J'ai complètement zappé notre soirée, persuadée que c'était la semaine prochaine !
Et pourtant j'ai lu ce livre exotique, et même écouté le podcast signalé.
J'ai trouvé ce livre intéressant et un peu brouillon, pas surprise d'apprendre - de sa bouche - que son projet initial était d'écrire un polar.
Je pense que l'auteur a mis beaucoup de lui dans le narrateur, évidemment, mais aussi dans le personnage terrible de Moustafa Saïd sur lequel il est impossible de se projeter. Comment a-t-il fait pour se faire aimer de toutes ces femmes et surtout la dernière apparemment ? Une femme forte et courageuse. L'auteur met dans ce récit tout ce qu'il a lui-même vécu, tiraillé entre tradition et modernité, dont cette femme est la victime expiatoire.
Je trouve que c'est un livre courageux pour l'époque à laquelle il a été écrit, mais même encore maintenant, et l'écriture - dure, crue - est au diapason.
Je l'ouvre aux ¾.

(C'est Etienne qui a proposé le livre et il a osé n'être pas présent à la séance...)
Etienne(avis transmis)
Mon avis sera assez bref : j'ai été globalement déçu par le livre. Je suis complètement passé à côté et n'ai pas vraiment réussi à saisir le fil rouge et les enjeux (la colonisation ? La domination ? Le transfuge de classe ? Tout m'a semblé effleuré). Alors que les première pages m'ont semblé intéressantes, j'ai eu l'impression au fur et à mesure de l'avancée que tout perdait en lisibilité (volontairement ?). Pire, l'histoire de Mustafa Saïd a fini par m'ennuyer, voire m'agacer (mention spéciale aux scènes érotico-sadiques des dernières pages que j'ai trouvé ridicules). Une impression globale d'éparpillement et de verbiage essentialisant a fini par l'emporter.
Je suis un peu navré d'avoir suggéré ce livre, je ne m'attendais pas du tout à ça, c'est une mauvaise pioche.
Je garde ¼ ouvert les quelques pages de discussion savoureuses entre villageois…

(Justement, en fin de séance, nous avons conclu : de cet auteur qu'aucun.e d'entre nous ne connaissait..., eh bien son livre, dont aucun.e d'entre n'avait entendu parler, c'était bien "un-livre-pour-le-groupe" ! Une belle découverte, qu'on ait eu ou non des réserves, découverte que sans le groupe nous n'aurions pas faite...)


Les 8 cotes d'amour du groupe breton
réuni le 17 octobre 2024

Chantal
Annie Marie-ThéSoaz

Entre et Édith
BrigitteMarie-Odile
Entre etCindy

Brigitte
Je dirais d'emblée que je n'arrive pas rapidement à saisir le sujet du roman écrit par Tayeb Salih, écrivain saoudien. Je cherche à situer l'écriture de ce livre dans l'histoire du Soudan. Ce roman est écrit dix ans après l'indépendance du Soudan qui a été colonisé en 1899 par les Britanniques alliés des Égyptiens jusqu'en 1924. Année où les Britanniques administrent alors seuls le Soudan : ils avaient des vues sur le Nil et sur le canal de Suez pour des raisons économiques. Je me perds à la fois dans la reconstitution fragmentée de la vie de Mustafa Saïd, personnage tragique, tourmenté, déchiré au plus profond de lui par son histoire douloureuse de colonisé et je me perds dans la vie du narrateur.
J'ai lu que le livre a été interdit au Soudan en 1989, année d'un coup d'État militaire soutenu par le Front national islamique. Le Soudan mettra trente ans à retrouver un président démocratiquement élu.
Sachant qu'aujourd'hui, ce livre est reconnu comme étant un des grands romans de la littérature arabe, je cherchais à comprendre… il y a certes de la poésie lorsqu'il décrit son pays.
Je dois dire que certains passages crus me dérangent. Ma lecture est poussive. Je résiste. Je l'ouvre à ¼ jusqu'à ce que vers la page 100 j'écoute le podcast de France Culture. J'y reviendrai.
Deux mondes coexistent et la violence est omniprésente. La violence n'est pas une fatalité Je retrouve d'un côté le Soudan, pays colonisé de l'Afrique de l'Est, pays conservateur majoritairement de confession musulmane (je note beaucoup d'atteintes à la liberté des femmes) et de l'autre l'Angleterre, pays colonisateur où les deux personnages principaux, tous deux surdoués, ont étudié.
Ces personnages je ne les trouve ni sympathiques, ni attachants. Le narrateur cherche à comprendre le secret de la disparition de Moustafa Saïd : noyade ou plus vraisemblable suicide. Ou je pense, avant de lire les deux derniers chapitres, qu'il a pu se faire passer pour mort et vit une troisième vie ! Aucune envie de croiser son chemin.
Qui dirais-je de Moustafa ? Un enfant orphelin de père recueilli par un couple d'anglais (image du côlon paternaliste) qui repère ses capacités intellectuelles et l'envoie étudier à Londres après son lycée. Brillant, il devient professeur d'université reconnue appréciée ses pairs, il s'intéresse à l'économie britannique qu'il critique. À Londres, il séduit quatre femmes blanches dont l'histoire amoureuse est empreinte de violence, surtout avec Jean. Ces relations se terminent dramatiquement : trois suicides et le meurtre de sa dernière femme. Même après sa mort dans son village soudanais, son épouse se suicide après une scène de violence inouïe dans un contexte de remariage arrangé. Que recherchent ces femmes auprès de Moustafa ? Pour les Blanches, l'exotisme du colonisé noir : un maître, un seigneur pour lequel elles agissent en esclave ? Est-ce pour Moustafa une revanche de "l'intrus colonisé" ? Est-ce une réponse à la violence par la violence ? Certaines relations sont malsaines, notamment Jean sadomasochiste. Le retour de Moustafa au Soudan dans son village d'origine est-il en lien uniquement au désir de revoir les siens après la prison ? Est-ce une démarche intellectuelle bien plus profonde ? A priori, il avait prémédité sa fin et inscrit ses volontés qui protègent notamment ses deux garçons.
Étrangement les chemins de Moustafa et du narrateur se croisent. Leurs parcours se mêlent. Le narrateur après la mort de Moustafa poursuit son chemin, mais ne peut oublier cet homme. Il essaie dans une grande douleur de comprendre ce qui le lie à Moustafa, mais aussi de rompre avec la violence. Il retrouve le Nil et décide de vivre.
Tout au long du livre, les différences culturelles, l'héritage de l'Histoire coloniale et de ses violences, les connaissances, l'éducation scolaire et le savoir, malmènent la rencontre des hommes et des femmes. Que recherchent les uns et les autres? J'ai le sentiment que cette rencontre des deux mondes soudanais et britannique est présentée comme inévitablement destructrice et ça me dérange. Comment arriver encore aujourd'hui à reconstruire après les stigmates de la colonisation ?
Je reviens sur le podcast de France Culture, Sans oser le demander. Géraldine Mosna-Savoye, journaliste qui a fait entre autres des études de philosophie, me permet de mieux comprendre que l'auteur, au-delà des meurtres ou assassinats, parle de "réalisme magique" avec une critique postcoloniale. Je retiens qu'il faudrait travailler le symbolisme. Par exemple, elle parle de l'importance des éléments comme l'eau du Nil autour duquel sont installés les villageois, le fleuve est "donneur de vie" mais divise, tue ou rassemble… c'est vrai encore aujourd'hui. Les conflits violents perdurent au Soudan. Elle développe en quoi l'ouvrage est la vive critique de la colonisation et de la violence.
Éclairée par ce podcast, je reprends ma lecture et j'ouvre pour finir le livre à ½ car le roman fermé je ne sais toujours pas ce que j'en retiens réellement, sinon des questions… pour autant je ne ferai pas une seconde lecture.
Cindy entre et
À ma première lecture, Tayeb Salih ne m'a pas emportée dans son histoire ni dans cette littérature "africaine" du Nord Soudan, alors que d'autres auteurs africains (lus depuis mon enfance passée au Gabon) m'ont toujours émerveillée, fascinée avec des expériences littéraires beaucoup plus intenses. Je citerai Amadou Hampâté Bâ, Léopold Sedar Senghor ou plus encore Chinua Achebe. Tous également romanciers, poètes…
Je m'attendais davantage à une histoire littéraire plus ancrée dans le territoire et la culture de tradition orale.
Alors qu'ici, on en sort avec le principal personnage, Saïd, qui raconte au narrateur, son histoire dramatique lourde de désillusions, face à ses expériences, ses relations amoureuses occidentales dans un régime politique colonial britannique.
Cette histoire dans l'histoire du narrateur nous éloigne du pays, du village avec ses traditions et cultures si attachantes décrites lors de passages savoureux, surtout dans les scènes de famille.
Mais dommage, peu de jolis tableau de mœurs africaines malgré le talent de l'auteur à utiliser cette langue savoureuse et limpide qui fait toutes les richesses, les couleurs et la vie du grand récit oral africain comme "me laissait heureux, au bruit du vent. Et par Dieu si je connais dans ce pays, sa forme de joyeux murmure"
Le grand intérêt du livre ? Me donner l'occasion de rechercher des documents sur l'histoire du Soudan (pas assez connue), de son époque coloniale britannique et même aujourd'hui, avec un conflit, une guerre terrible touchant tout un peuple en grande souffrance :
- "époque des premières écoles et les gens s'en méfiaient. Les agents gouvernementaux parcouraient le pays recrutant des écoliers" (p. 27)
- "quand tu seras grand si tu réussis à l'école tu seras fonctionnaire du gouvernement et tu porteras un chapeau" (p. 28)
- "J'ai connu les champs au temps des norias (...) la grande sécheresse (...) puis les pompes hydrauliques furent installées, des coopératives s'organisèrent (...) et la terre redevint fertile" (p. 53)
J'ai poursuivi la lecture sans être "séduite" par la personnalité mystérieuse de Mustapha Saïd, personnage clé du roman alors qu'étranger au village !
Roman de dialogues, dialogues des deux personnages : le narrateur enquêtant sur le passé de Saïd et ses vies complexes, recherchant sa vraie identité et l'on comprend aussi les décalages entre l'Europe, l'Occident et ce pays d'Afrique. Dialogues également avec le grand-père et le narrateur : "j'arrivai à la maison de mon grand-père, l'entendis réciter versets du Coran (...) enfant c'était la dernière voix que j'entendais avant de m'endormir" (p. 54). Le grand-père qui tient ici un rôle protecteur, de régulateur, d'apaisement.
Avec aussi une volonté de la part du narrateur de surprendre, de ne rien cacher, sans retenue : "tout cela m'excita au point que je ne pus poursuivre ma lecture. Je levai vers lui un regard impatient. Il (…) commença. " (p. 25)
Je n'ai pas été captée par toute cette histoire, trop longue à mon avis, même si empreinte de récits théâtraux et dramatiques, dont le narrateur reste sensible tout en ayant "des idées noires" : "Soudain, je me sentis revivre (...), je recouvrai ma sérénité, et les idées noires venues du récit de Moustafa se dissipèrent."
Je retiens surtout les premières pages : "L'absence, la nostalgie et les songes, tels que ce fut merveilleux de me trouver réellement parmi eux" (p. 29)
Je pense que ce qui me fait revenir à l'auteur, c'est que vivre parmi la beauté de la nature, ici celle du Soudan, a rendu le narrateur plus enclin à l'utopie, à ce qu'il soit plus sensible que les autres. Il en a eu l'expérience et ça se lit : "À travers la fenêtre, j'aperçus dans la cour notre vieux palmier au tronc robuste (…) et ses palmes nonchalantes dont le bouquet vert débordait la cime" (p. 10) On peut imaginer que Tayeb Salih a vécu son enfance dans cette imprégnation, pour devenir plus tard un grand écrivain, poète, au destin sensible, humain (comme le narrateur) : "nous sommes tels que nous sommes, des gens ordinaires" (p. 55). Ou encore : "Ainsi ne suis-je pas plume au vent, mais créature, pareille à ce palmier, de haut lignage et de sûre destinée." (p. 10)
C'est avec cette force et sagesse en lui qu'il respectera la mémoire et l'histoire de Moustafa en ne "brûlant" rien de sa vie cachée : "Tout le long de ma vie, je n'avais jamais choisi, ni décidé. Mais je décide désormais de choisir la vie (…) j'ai aussi des devoirs que je dois accomplir" (p. 171)
Il y a juste vers la fin du livre une prose magnifique et mystérieuse, imprégnée du mysticisme, de croyances, et de "l'obligation d'inventer pour survivre" qui offre une fin de tous les possibles. La noyade dans le Nil est-elle réelle ?
Je retiendrai aussi une certaine modernité de la vision de l'auteur soudanais, dans un contexte post-colonial, sa réflexion sur l'orgueil, la perte d'identité, les statuts et la vie des femmes entre Afrique et Occident.
Un roman basé sur une enquête qui m'a permis de rester jusqu'à la fin, mais sans un grand plaisir de lecture.
J'ai cherché sans vraiment les trouver (comme dans la poésie de Léopold Sédar Senghor) du symbolisme, des chants, des ambiances, dont les mots et les rythmes, les bâtons de palabres se lient à la pensée et au corps.
Marie-Odile
Étrangeté et mystère du personnage Moustafa Saïd.
Un parcours hors du commun, du Soudan à Londres, puis de Londres au Soudan.
Un rapport aux femmes plutôt choquant.
Une mort/disparition inexpliquée.
Le mystère, le secret symbolisé par la chambre rouge
Le narrateur, sorte de double de Saïd.

Regard complexe et multiple sur la colonisation.
Les liens entre l'Afrique et l'Occident.
Mépris envers le colonisé. Saïd = "le meilleur exemple de l'échec de notre mission civilisatrice en Afrique".
Critique sévère du colonialisme "Les Anglais apprirent aux gens à nous haïr, nous les enfants du pays, et à les aimer eux, les colonisateurs, les intrus."
Opposition de celui qui est passé par l'Occident (et son baratin appris dans les écoles) à celui qui est resté au pays.

Une succession de pages aux tonalités différentes.
Des événements londoniens plutôt glauques.
Des moments de procès déconcertants.
Des événements tragiques concernant Hasna.
Des pages pittoresques correspondant à une vision plutôt habituelle de l'Afrique parfois légères, parfois poétiques. Par exemple : les différents rires p. 74, l'habitat, les portraits (grand-père et Bint Mahjoub)/
Les échanges sur la polygamie, la domination de l'homme, le rapport à la femme blanche....

Tout ça forme contraste, car il y a de l'attendu et de l'inattendu dans ce roman qui entraîne loin et porte à réfléchir.

J'ouvre à moitié ce texte qui me laisse perplexe, même après la séance.
Soaz
Livre qui me bouscule, questionne, dérange.
Il nous plonge dans la vie d'un village soudanais, à l'atmosphère parfois étouffante, mais aussi poétique (de magnifiques descriptions de paysage), avec les détails de la vie quotidienne et l'humour des vieilles femmes (discussion sur le sexe en toute liberté).
Difficile de rester indifférente au comportement des hommes envers les femmes, notamment aux agissements de Saïd, manipulateur par le sexe et son pouvoir de domination.
Ce livre nous permet de nous pencher sur les raisons, l'impact, le meilleur et le pire de la colonisation, le devenir des enfants envoyés en Europe...
On y retrouve l'arrivisme, la luxure, la faiblesse, la haine, la soumission des femmes, une certaine liberté sexuelle, les mariages forcés, la place prépondérante de dieu, le pouvoir de la passion jusqu'à la folie...
Présent et passé se mêlent, narrateur et Saïd.
Est-ce que Saïd est la main de la vengeance contre les colonisateurs ?
Ce livre nous tient en haleine, jusqu'au bout, jusqu'à la chambre oblongue qui nous révélera tous les mystères de cette vie si particulière. Il nous donne l'envie d'explorer la civilisation soudanaise et de s'informer sur la période de colonisation de cette contrée.
Chantal
Première lecture : je n'arrivais pas à voir clairement l'histoire. Je mélangeais les noms, les époques, je ne lisais que par bribes (étant en famille), ce qui ne facilitait pas la tâche.
Donc relecture, et là, je me suis régalée.
Par les thèmes abordés bien sûr :
- l'exil des jeunes pour suivre des études, donc l'arrachement au sol natal
- le choc de la rencontre avec l'Europe et l'impossible réelle intégration
- les traditions - ancestrales - au Soudan de cette époque, et la place des femmes.
Je trouve l'écriture de ce texte très forte, puissante, brutale ou poétique, mais toujours efficace.
La construction du livre rend sans doute la lecture un peu ardue : allers-retours d'un personnage à l'autre, d'une époque à l'autre..., mais elle donne un rythme, une musique au texte, brutal et violent, puis doux et poétique ; les séquences se succèdent comme des vagues, et je me suis laissé emporter avec plaisir.
J'avoue que Moustafa Siad m'a émue, cet enfant sans émotion (sans signes d'amour maternel ?), son exil à cause de son intelligence exceptionnelle, sa revanche de Noir sur les "cuisses blanches écartées"... je l'ai re-fabriqué en lui trouvant toutes les excuses à ses "mensonges"..., comme Mme Robinson !
Je pourrais continuer d'évoquer tous les passages qui m'ont touchée, enchantée, mais je ne cite ici que celui qui m'a amusée. La première épouse de Wad Rayyes qui, après le crime commis par Hasna sur Rayyes : "Rayyes a creusé sa tombe de sa propre main. Bint Mahmoud (Hasna), Dieu ait son âme, nous a soulagées toutes, les anciennes et les nouvelles. C'est bien fait, si ça ne vous plaît pas, vous pouvez boire la mer. "
Enfin, ce texte nous incite à une réflexion très actuelle, je trouve, sur le colonialisme, le nôtre, et ses conséquences qui n'en finissent pas, même après des décennies, de cogner encore et encore dans les consciences...
Voilà : je l'ouvre en grand.
Annie

J'ai lu assez vite ce petit roman des années 60, dont l'histoire se passe entre le Soudan et l'Angleterre, et qui m'a totalement dépaysée. Je me suis laissé embarquer au Soudan, dans la vie quotidienne des habitants, dans leurs discussions à l'ombre, dans la beauté du Nil…
J'ai ressenti une impression de contrastes permanents, à commencer par les sensations physiques : la chaleur écrasante de ce grand pays, le désert, les terres arides, les animaux faméliques... Et la fraîcheur du Nil dont on imagine les abords verdoyants et vivants, ses crues régulières.
Il nous décrit aussi bien la vie simple et difficile des villageois soudanais que les plaisirs dans les salons anglais, les coutumes et la vie paisible des uns (où la religion tient une grande part) et la vie agitée et plus facile des autres. Contraste également entre ce très grand pays d'Afrique (pour rappel le Soudan du sud est indépendant depuis 2011) et cette île qu'est l'Angleterre (soit plus de 2000 fois plus grande au moment de la sortie du livre). Et sous-jacent le contraste entre colonisés et colonisateurs.
Les personnages sont eux aussi surprenants : le narrateur (mémoires de l'auteur ?) recueille l'histoire de Moustafa Saïd que l'on prend au départ pour un ingénieux agronome qui a voué sa jeunesse à apprendre pour apporter du progrès à son pays. Mais très vite la révélation de son secret donne une autre dimension au personnage et le récit de ses nombreuses conquêtes en Angleterre avec les drames associés (suicides et meurtre) accentue le fait que les apparences sont encore une fois trompeuses. J'ai aimé cette perte de repères et me demander ce qu'il y avait au bout de la page.
J'ai trouvé très drôles les conversations totalement débridées des vieux. Je les imaginais tellement bien avec leur canne, leur bouche édentée, leurs éclats de rires, leur tranquillité et leurs propos salaces ! Là encore, quel contraste entre l'apparent et le réel !
Et Moustafa qui meurt noyé (est-ce vrai ?) alors qu'il était un très bon nageur.
J'ai aimé également la poésie des descriptions des paysages, des sentiments et des corps. Une lecture agréable qui m'a fait voyager, un roman original à mes yeux.
J'ouvre aux trois quarts.
Edith entreet
Je viens donc de terminer le livre. Besoin de relire l'introduction : ce roman est le texte intégral, afin de rester fidèle à l'enchainement et à la temporalité texte arabe, c'est-à-dire son rythme et sa musicalité dit le traducteur Abdelwahab Meddeb.

Puis je vais relire la quatrième de couverture… Comme si j'avais besoin d'encadrer ce roman des intentions et propos (le traducteur et l'éditeur) pour pouvoir me situer dans ce texte.
J'ai lu rapidement sur deux jours : je ressens bien la force du texte, ses différents niveaux de lectures et reste très impatiente tout au long de la lecture de connaître le secret de Mustafa Saïd. Je ne suis pas déçue !!!
Ouvert ½ pour le plaisir car d'une lecture difficile.
Ouvert ¾ pour la qualité littéraire.
C'est un texte à "l'ambiance" poétique, métaphorique, avec des tournures de phrases quelquefois déstabilisantes, à la construction des chapitres non chronologique, m'obligeant à revenir à la fin du chapitre précèdent pour me "rétablir", avant de comprendre que l'auteur développait un autre aspect de sa vie, de ses rencontres, évoquant pour cela les personnes familières de son village (le grand-père Bakri important) et ses voisins dont la veuve Hasna (anglaise) de Mustafa, Wad Rayyes et Bint Mahjoub.
L'auteur, par la forme de son récit, se réserve de nous amener aux différents époques de la vie de Mustafa Saïd et de la sienne donc : ainsi les deux courriers laissés par Mustafa et la clé de sa chambre mystérieuse - longtemps fermée après sa mort -, chambre loin du village de l'auteur et qui révélera, lors de son ouverture, l'homme lettré et l'amoral pervers (c'est ainsi que je traduis le caractère de Mustafa Saïd), avec un contenu extravagant (livres, documents, objets) censé donner une réponse à l'auteur. Et à moi !
Si je classe mes propos : j'ai le récit magistral du meurtre orchestré par les deux époux amants Jean Morris et Mustafa Saïd, la violence du lien orchestre pour chacun la mort, meurtrier l'un par l'autre. Le suicide probable de Mustafa noyé dans le Nil, mort souhaitée par celui-ci et - farce de la vie ? - refusée autrefois par le tribunal après les deux suicides suspects de Isabella Seymour Sheila Greenwood dont il est soupçonné. Et puis la scène du meurtre tout aussi surréaliste par Hasna (mère de ses fils), la veuve convoitée par Wad Rayyes, vieillard concupiscent et dominateur. Il y aurait du Georges Bataille là-dedans ? Violence physiques, viol de Hasna, folie des rapports passionnels et destructeurs de Jean Morris, chantage et provocation outranciers par elle, dominatrice en miroir avec Mustafa, des situations destinées sinon décidées à une mort certaine de l'un ou l'autre. Victime et bourreau sont chacun consentants dans leurs mises en scène et dans l'exacerbation.
Mustafa semble avoir trouvé "son maître" auprès de la femme Jean Morris. Les deux autres mortes ne le sont que par faiblesse, la leur ! J'assiste, par la lecture, au récit d'un féminicide, littérairement réussi !
La progression du récit est déconcertante : Mustafa est vivant dans le dialogue, sorte de révélation à l'auteur ; puis Mustafa est raconté, évoqué, comme mort dans les chapitres suivants, son destin dévoilé par touches rapides, qui définissent le meurtrier pervers et amoral, cynique et froid dont la seule personne compatissante fut Mrs Robinson sa nourrice.
C'est toujours un peu compliqué de me repérer. Le côté malsain, énigmatique (il n'est pas originaire du village que borde le Nil bien que soudanais) de Mustafa apparaît dès la description qu'en fait l'auteur : son regard et son silence, les mouvements de son visage.
On voit aussi le colonialisme, la puissance de la langue du colonisateur (l'anglais) pour s'imposer, la puissance de la culture soudanaise et une de ses formes, dérangeante pour une européenne : la place accordée aux femmes. Il y a aussi la tranquille assurance accordée à qui s'y conforme (l'auteur) malgré son choix d'une seule épouse : "l'absence, la nostalgie et les songes, tels que ce fut merveilleux de me trouver réellement parmi eux (…) Telles était bien la chaleur du clan" ; ce sont des propos affirmés dès la première page du récit. Il est des leurs malgré ses diplômes et la pratique de la langue anglaise.
C'est le genre de livre tellement dense et elliptique que je suis persuadée d'avoir passé à côté de nombreux aspects. L'auteur, Tayeb Salih, et sa culture européenne (cf. la 4e de couverture) me fait penser qu'il y a beaucoup de lui dans le "récitant", de même que dans le personnage (double inversé ?) de Mustafa.
Khartoum, le Nil, la présence de la nature : sont évoqués des repères géographiques et historiques à rechercher.
Plaisir de la découverte de la doc VAC pas encore lue au moment de l'écriture. Je consulte après le point final.
Après discussion j'attribue ¾, la densité du texte m'y oblige.
Marie-Thé
Après quelques hésitations, j'ouvre ce livre aux ¾, j'ai beaucoup aimé les cent premières pages (environ), mais ensuite le côté morbide qui m'apparaissait m'a amenée à lui ôter ¼ .
Dès la première phrase : "C'est à la suite d'une longue absence, messieurs, que je revins dans ma famille", j'ai pensé aux griots écoutés en Afrique (de l'Ouest ) il y a bien longtemps, aux conteurs de Martinique aussi.
Le retour du jeune homme au pays de ses racines, "créature pareille à ce palmier", m'a tout de suite interpelée, c'est intense ; quel contraste avec la fin où celui-ci "flotte" sur le fleuve, entre deux rives (à la dérive ?), choisissant la vie cependant. Je ne peux m'empêcher de penser ici à cette phrase du Deuteronome : "J'ai mis devant toi la vie et la mort, tu choisiras la vie." Déracinement, transmission, j'en remarque l'importance, mais le narrateur ne sera pas le passeur des paroles de Moustafa Saïd : "Je l'avais laissé parler et j'étais sorti. Je ne l'avais pas convié à achever son récit." Je vois en M. Saïd un personnage brillant, d'un remarquable talent, mais aussi un prédateur redoutable, destructeur, un être dépourvu d'émotion, insensible, qu'aucun trouble ne semble atteindre : "expier, non sa mort, mais le mensonge de ma vie", dira lors de la disparition d'une de ses victimes, celui dont la vie peut finalement apparaître comme une farce.
Je note encore la condition de la femme africaine, la toute-puissance de l'homme, les bienfaits et méfaits de la colonisation, etc. Il y aurait tant et tant à dire ! Et puis, le cheminement vers la tragédie avec Hasna et son vieillard de mari, avec Jean, l'épouse à propos de qui Moustafa Saïd dira : "J'étais chasseur, je devins proie." Ce cheminement m'a fait penser au fleuve : "il est ramené vers son irrévocable destinée (...) vers la mer, vers le nord".
J'ai aimé le voyage vers Khartoum, les étendues désertiques, les épineux... : "Pas un nuage, promesse d'ombre, dans ce ciel de feu, couvercle de l'enfer."
"C'est la terre du désespoir et de la poésie." J'ai pensé à ces lointaines années que j'ai passées en Afrique de l'Est : même paysages, même chaleur étouffante. Beaucoup de passages du livre m'y ont d'ailleurs fait penser, ceux concernant les femmes de là-bas en particulier.
À noter encore dans cet avis réducteur, le regard critique de l'auteur, ou du narrateur, ou de Moustafa Saïd (les trois se superposent) sur les ministres corrompus, redoutant les intellectuels, plus dangereux à leurs yeux que le colonialisme... sur l'exploitation scandaleuse du peuple, etc.
Je terminerai par quelques associations comme j'aime le faire. J'ai quelquefois pensé à Frantz Fanon, à M. M'Bougar Sarr pour son personnage erratique dans La plus secrète mémoire des hommes, même si celui-ci ne ressemble pas à Moustafa Saïd, à Alain Mabanckou, et bien sûr à Abdourhaman Wabiri pour Le pays sans ombre, livre sur Djibouti qui vaut vraiment le détour, que je me suis lassée de proposer.
Et tout à fait autre chose, j'ai même osé faire un petit lien avec Mrs Robinson du film Le Lauréat, pour une certaine ambiguïté que j'ai ressentie.

Claire
À propos de ce recueil de nouvelles que tu proposes, Marie-Thé, réponse a déjà été donnée : il n'est guère possible de le programmer tant qu'il est épuisé...


Quelques repères biographiques
Les formes du nom de l'écrivain varient : Tayeb Salih, Tayeb Saleh, Salah Tayeb, Salih Ak-Tayyib, Tayyib Muhammad Salih Ahmad al...
Il est né en 1929 dans un village du nord du Soudan, pays qui accède à l'indépendance en 1956. État le plus étendu d'Afrique, le Soudan compte, au moment de son indépendance, environ un million d'habitants.
Tayeb Salih fait des études d'agronomie à l'université de Khartoum, avant d'aller compléter sa formation en Grande-Bretagne et de s'y installer.
Après avoir brièvement enseigné au Soudan, il devient journaliste au service arabe de la BBC à Londres, puis au siège de l'Unesco à Paris ; il est ensuite représentant de l'UNESCO pour les États arabes du golfe Persique. Pendant plus de 10 ans, il écrit une chronique hebdomadaire pour le journal arabe Al Majalla, basé à Londres.
Il publiera quatre romans et des nouvelles.

"J'avais eu une enfance très heureuse. Le fait de vivre à l'étranger, de vivre l'isolement et la nostalgie m'ont poussé à écrire. À Londres, je réalisais la perte que je venais de subir. L'hiver était atroce, et je ne connaissais personne... J'ai écrit pour communiquer avec les miens." (Hebdomadaire égyptien Ahram Hebdo, 2005).

- Une interview de 1997 restitue le contexte d'alors :

Que veut dire être écrivain sous un régime islamiste comme celui de Khartoum ?

Il y a huit ans que je ne suis pas retourné au Soudan. Les quelques écrivains qui y sont restés subissent les effets du verrouillage islamiste : harcèlement moral, autocensure, etc. Il est donc impossible de penser et de créer librement dans un tel climat, les intellectuels et les artistes soudanais qui vivent en exil sont également pénalisés : leurs livres, disques, etc. ne parviennent pas aux lecteurs soudanais. Aujourd'hui, le régime de Khartoum cultive l'uniformisation. Le Soudan, qui est le produit d'un brassage ethnique et culturel, offrait, avant l'arrivée des islamistes, l'exemple d'un pays tolérant. Le régime actuel a tourné le dos à cette tradition, dont les savants et les mystiques ont été les leviers.

Vos romans font l'objet d'une censure déguisée. Pourquoi?

Les autorités soutiennent que mes écrits ne sont pas censurés. La vérité, c'est qu'ils font les frais d'une lutte de clans entre les "modérés" et les ultras du FNI, Front national islamique, que dirige l'éminence grise du régime, Hassan al-Tourabi. Mais dans l'ensemble, le régime considère mes romans comme des écrits vains, sexuellement et moralement incorrects. Aux yeux des autorités, la "bonne littérature" est celle qui ne fait place ni à la fable, ni à la fiction, ni au sexe. Or ces éléments ont fécondé l'islam et le patrimoine arabo-islamique.

Cette censure touche également des chansons dont les paroles sont jugées "licencieuses".

Sur le plan culturel, le régime de Khartoum fait preuve d'une médiocrité sans égale ; cette décision rappelle celle d'un ancien ministre de l'Information qui avait suggéré la destruction de statuettes anciennes, sous prétexte que l'islam interdit les idoles ! Interdire les chansons dites de la "valise", c'est jeter un voile de plus sur le peuple soudanais, le priver d'oxygène.

Votre participation à cette manifestation ne risque-t-elle pas d'être exploitée par le régime de Khartoum ?

J'ai répondu à l'invitation de l'Institut du monde arabe et non à celle du gouvernement soudanais. À l'étranger, je saisis toutes les occasions pour rencontrer mes compatriotes et dénoncer le régime en place. ("Loin de Khartoum. Rencontre avec Tayeb Salih, exilé à Londres et censuré au Soudan", Maati Kabbal, Libération, 3 avril 1997. L'institut du monde arabe a organisé en 1997 une exposition intitulée "Soudan : royaumes sur le Nil").

Il sera enterré en 2009 au Soudan, où la cérémonie funéraire a été suivie par un grand nombre de personnalités et d'écrivains arabes, ainsi que par le président soudanais de l'époque, Omar Al-Bashir, au demeurant peu recommandable...

Montrant sa renommée, le 12 juillet 2017, Google Doodle a commémoré le 88e anniversaire de Salih Tayeb :

Google précise que le dessin rend hommage à son sens du décor, en incorporant des éléments récurrents de certaines de ses histoires les plus populaires, comme Saison de migration vers le Nord, Les noces de Zeyn et Une poignée de dattes. À travers la fenêtre de Salih Tayeb, nous pouvons voir un garçon et son grand-père bien-aimé, l'ombre d'un palmier et le Nil
(voir =>ici).

Les trois livres traduits en France

Saison de la migration vers le Nord est le deuxième volet d’un polyptique précédé d’un recueil de nouvelles, Les noces de Zeyn, publié en 1966, dix ans après l'accession de son pays à l'indépendance, suivi de deux récits, "Daw el-Beyt" et "Meryoud", réunis sous le titre de Bandarchâh.
Tous ont pour décor le même village, Wad Hâmid, entre Nil et désert, et habité par les mêmes personnages. Mais temporalités et genres littéraires diffèrent.

- Les noces de Zeyn et autres récits, trad. Anne Wade Minkowski, Actes sud, 2013.
- Bandarchâh, trad. Anne Wade Minkowski, Sindbad, 1995 ; rééd. Actes Sud, 2022.
- Le Migrateur, traduction partielle en français de Fady Noun, préface de Jacques Berque, La Bibliothèque arabe, coll. "Littératures", Sindbad, 1972 ; rééd. avec une traduction intégrale de Abdelwahab Meddeb et Fady Noun et un nouveau titre, Sindbad, La Bibliothèque arabe, coll. "Littératures", 1983 ; rééd. Actes Sud, coll. "Babel", 1996 : Saison de la migration vers le Nord
.

Le roman Saison de la migration vers le Nord : publication et traduction

Tayeb Salih publie d’abord son récit en plusieurs épisodes dans le magazine libanais Hiwâr en 1966.
Rapidement remarqué par la maison d’édition arabophone Dar Al-‘Awdah, le roman sort la même année sous le titre Mawsim al-hijra ilâ ash-shamâl (Saison de la migration vers le Nord). Le livre connaît un succès immédiat et sera traduit dans de nombreuses langues.
Plus tard, il sera interdit au Soudan dans les années 1990, en raison de son contenu en partie sexuel et malgré le fait qu'il lui ait valu une renommée internationale.
L'académie arabe de Damas l'a désigné en 2001 "roman arabe le plus important du XXe siècle".

Il est traduit en anglais un an après sa publication en arabe, par celui qui sera un grand traducteur de l'arabe, Denys Johnson-Davies (Season of Migration to the North). Johnson-Davies, d'abord collègue de Tayeb Salih à la BBC, entreprit ainsi les premières traductions de ses textes.
Le roman est traduit en français trois ans après sa publication, par Fady Noun en 1972, sous le titre Le migrateur.
Le livre est précédé d'une préface de Jacques Berque (voir =>ici). Jacques Berque (1910-1995) est un sociologue et anthropologue orientaliste français, titulaire de la chaire d'histoire sociale de l'Islam contemporain au Collège de France de 1956 à 1981, et membre de l'Académie de langue arabe du Caire à partir de 1989. Il est l'auteur de nombreuses traductions, dont celle du Coran.
Cette caution inspire confiance. Hélas, un
article récent met les pieds dans le plat... :

"La première version traduite en français, de Fady Noun, offre au lecteur français une vision complètement édulcorée de l’imaginaire oriental sur l’Occident, gommant presque systématiquement les critiques de l’orientalisme qui rythment le texte arabe. Mais la seconde version, d’Abdelwahab Meddeb, rétablit les passages coupés et permet de se rendre compte du rôle important jouée par la fiction arabe dans la déconstruction du savoir orientaliste" (Ridha Boulaâbi, "De Tayeb Salih à Abdelwahab Meddeb : Saison de la migration vers le Nord ou vers l’orientalisme ?", Recherches & Travaux, n° 95, 2019).

L'article mérite la lecture car il donne des exemples édifiants, choquants même.

Pour ce qui est de la traduction des œuvres en anglais, Johnson-Davies se fixe des règles que peu de traducteurs de la littérature arabe semblent respecter. Le traducteur doit d’abord préserver l’intégralité du texte choisi, c’est-à-dire éviter les changements et les omissions pouvant affecter sa nature (voir l'hommage "Denys Johnson-Davies : figure de la traduction de la littérature arabe", Mustapha Ettobi, revue TTR : Traduction, Terminologie, Rédaction, vol. 19, n°1, 1er semestre 2006).

Le traducteur en français aurait gagné à l'imiter : Fady Noun, né à Beyrouth en 1946, a fait des études de sociologie à Paris. Il est journaliste depuis 1980 à L'Orient-Le Jour, le grand quotidien francophone du Liban, et auteur de recueils de poésie.

Lorsqu’en 1983, les éditions Sindbad décident de publier une nouvelle traduction du roman soudanais en la confiant à Abdelwahab Meddeb, écrivain et essayiste, celui-ci, sans faire table rase de la version de Fady Noun, décide d’être plus proche du texte source. Il justifie ce travail de remaniement dès l’ouverture du livre, de la manière suivante :

Sindbad a publié ce roman en 1972, sous le titre Le Migrateur. Cette première traduction, de Fady Noun, n’était pas intégrale. J’ai donc transmis l’ampleur et l’intégralité du texte original. Mon souci étant de rester fidèle à l’enchaînement et à la temporalité du texte arabe, c’est-à-dire à son rythme, sa musicalité. Le roman est rendu à son titre littéral : Saison de la migration vers le Nord. Le texte arabe utilisé pour ce travail a été publié à Tunis, en 1978, par Sud Éditions.

Articles, radio, vidéo

- "Tayeb Salih, écrivain soudanais", Robert Solé, Le Monde, 25 février 2009.

- "Adieu à Tayeb Saleh", Tirthankar Chanda, Jeune Afrique, 29 février 2009.

- "Saison de la migration vers le Nord de Tayeb Salih", Littérature classique africaine, Tirthankar Chanda, RFI, 26 avril, 2020, 4 min.

- "Saison de la migration vers le nord de Tayeb Salih : quel est l’un des plus grands romans du Soudan ?", Géraldine Mosna-Savoye, Sans oser le demander, France Culture, 29 juin 2023, 58 min.

- (Pour les mordus de Marguerite) "Le thème de l’étranger chez Marguerite Duras et Tayeb Salih : quelques aperçus", Mattias Aronsson, Presses universitaires de Rennes, 2013.

- (Un autre article prise de tête) "De l'exil géographique à l'exil identitaire ou l'impossible reterritorialisation dans Saison de migration vers le Nord", Mohamed-Racim Boughrara, Carnets, 2017.

- Un hommage à Salih Tayeb est organisé en 2013 à l'Institut du monde arabe, sous forme d'interventions successives de personnalités ou spécialistes (voir le programme), visibles =>ici, vidéo, 1h 41 ; il faut prendre le temps, en raison des salamalecs... ; mais l'ambiance vaut le détour.

D'autres livres

- Peau noire, masques blancs, Frantz Fanon, Seuil, 1952 ; rééd. Points Essais, 2015.

- L'essai qui fait autorité dans le domaine : L'Orientalisme : l'Orient créé par l'Occident d'Edward W. Said, Seuil, 2005 ; rééd. Points Essais, 2015.

- Marcella Rubino, une des rares universitaires en France avec Zaïneb Ben Lagha à intervenir sur Tayeb Salih (France Culture, Institut du monde arabe), réalise, dans le cadre d'une mission de terrain en 2022, un état des lieux des espaces littéraires à Khartoum.

- D'où venait notre idée d'un livre soudanais ?
D'Etienne qui nous a en avril dernier fait de la pub pour une ouverture soudanaise que lui a inspirée un article du Monde indiquant que "v
ue de l’étranger, la littérature soudanaise arabophone s’est longtemps résumée au nom de Tayeb Salih (1929-2009) et à son chef-d’œuvre Saison de la migration vers le nord" (1966). L'article se centrait sur un auteur plus jeune et très primé, Abdelaziz Baraka Sakin (né en 1963), auteur du Messie du Darfour, Les Jango et La Princesse de Zanzibar (tous chez Zulma).
Nous avions aussi remarqué que le livre que nous avons choisi notre livre figurait dans la Bibliothèque idéale de Pivot.

- Leila Aboulela est un autre nom de la littérature au Soudan. Rapide portrait : sa grand-mère a étudié la médecine dans les années 1940 ; de mère égyptienne professeure d'université et de père soudanais, Leila Aboulela est née en Égypte et grandit à Khartoum. Elle fait des études d'économie à l'Université de Khartoum, puis en Angleterre comme Salih Tayeb, où elle obtient un doctorat en statistique. Elle vit plusieurs années en Écosse, puis au Qatar.
Son œuvre reflète en partie cette vie entre l'Europe et les pays arabes : par exemple, le roman Le Musée décrit les abîmes séparant deux étudiants, l'une soudanaise, l'autre écossais. Le Minaret est consacré à une femme soudanaise d'origine aristocratique contrainte à l'exil en Grande-Bretagne à la suite d'un coup d’État.
Publications traduites en français :
- La Traductrice, trad. de l'anglais Christian Surber & Nida, éd. Zoé, 2003.
- Le Musée, trad. de l'anglais Christian Surber, éd. Zoé, 2004.
- Le Minaret, trad. Aline Azoulay, Flammarion, 2006.


Le nouveau groupe parisien a lu ce livre pour le 6 septembre.


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
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