![]()  | 
  
![]()  | 
    ![]()  | 
    ![]()  | 
    ![]()  | 
    ![]()  | 
    ![]()  | 
    ![]()  | 
    
|  
       
 Quatrième 
        de couverture : Au jeune étudiant rentré 
        au pays après un séjour en Europe, Moustafa Saïd entreprend 
        de raconter son histoire : celle d´un destin déchiré 
        entre la vie immémoriale de l´Afrique et le mouvement de 
        l´Occident. Première traduction :  | 
     
      Tayeb Salih (1929-2009)
       | 
  ||||||||||||||||||
|  
             Nos 17 cotes 
              d'amour  | 
        
Sabine
(avis 
        transmis de Nîmes)
        C'est 
        un livre qui mérite - ou exige - une lecture en continu, sans trop 
        d'interruptions, et j'ai malheureusement mis plus de dix jours à 
        le lire, me perdant avec les narrateurs, volontairement mêlés 
        par l'auteur.
        J'ai été saisie par les premières pages et la façon 
        dont on entre dans le récit très "sexué" 
        : "Nous avions peur 
        que tu nous ramènes une chrétienne, non excisée". 
        Il y a plusieurs passages, notamment la fin avec Jean Morris, consacrés 
        à la sexualité ; c'est souvent très cru, sanglant 
        et morbide. Ce n'est pas du Sade, mais ce n'est pas loin. Les femmes ne 
        sont pas en reste et s'apparentent à des succubes. La description 
        que Moustafa Saïd fait de lui enfant est étonnante : les liens 
        avec sa mère sont glaçants (p. 
        30-31) ; sa précocité nous tient en haleine. Le suspense 
        alterne avec des moments très poétiques : "la 
        lumière réfléchie sur son visage, ses yeux séducteurs 
        au-dedans de lui-même, me sembla-t-il, les ténèbres 
        alentour complotant, forces démoniaques, à étouffer 
        l'éclairante lanterne" (p. 52). 
        Et je saute directement à la page 145 où Moustafa séduit 
        Ann : "Mais j'étais 
        inspiré ce soir-là, je sentais les mensonges courir sur 
        ma langue comme paroles consacrées." Il y a des 
        passages très forts par l'intensité de l'histoire et par 
        la force de l'écriture que je trouve vraiment poétique. 
        Dans le même temps, je me suis sentie un peu perdue parfois. Ce 
        qui me conduit à n'ouvrir le livre qu'aux trois-quarts, ce qui 
        est déjà pas mal ! Je vous souhaite une bonne soirée 
        et j'ai hâte de découvrir vos avis.
        Fanny
(avis 
        transmis) 
        Au début de ma lecture, j'ai été saisie par l'intrigue, 
        j'avais envie de découvrir quel complot ou vengeance avait pu conduire 
        à la disparition de Moustafa Saïd. Je m'attendais à 
        une sorte d'enquête à rebours qui permettrait aussi de découvrir 
        un peu le Soudan. J'ai également trouvé le style poétique. 
        
        Cependant j'ai déchanté tout au long de ma lecture. Du parcours 
        de Moustafa Saïd, tout est dit dès sa rencontre avec le narrateur. 
        Je n'ai pas réussi à vraiment m'intéresser aux autres 
        personnages dont le parcours est pour moi resté au stade d'intrigues 
        secondaires, malgré des portraits de femmes parfois hauts en couleur. 
        
        Le style de poétique m'est vite apparu lourd et emphatique. 
        Je salue l'engagement du livre et son côté probablement subversif 
        dans le contexte du Soudan, mais cet intérêt n'a pas suffi 
        à satisfaire mon plaisir de lecteur. 
        J'ouvre ¼, et comme toujours hâte de vous lire à défaut 
        de vous entendre. 
        Danièle
(avis 
        transmis) 
        À toute vitesse, car je comptais venir, mais me voici pratiquement 
        aphone et préfère donc vous communiquer quelques notes au 
        sujet de ce livre.
        Je relèverai tout d'abord ce qui fait à mon avis sa particularité : 
        sa langue, son écriture, sans doute bien rendues par la traduction, 
        un style relevé (au début, "Messieurs", comme 
        dans un discours) mais déroutant pour nos oreilles occidentales, 
        un emploi du passé simple étonnant, des structures de phrases 
        incongrues ("d'impatience, 
        je refusais le thé"), une grande élégance 
        du narrateur qui prend ses distances
 Tout cela donne un charme exotique 
        à la lecture, on plonge dans un monde tout à fait autre.
        Et pourtant, les deux narrateurs principaux (le narrateur et Mustafa 
        Saïd) ont suivi un cursus occidental et cosmopolite. On oscille entre 
        mentalité africaine et murs occidentales, spécialement 
        en ce qui concerne la place de la femme dans la société. 
        C'est l'un des grands intérêts du livre.
        Souvent la chronologie est bousculée, on passe de la trame événementielle 
        à des sortes de flashbacks. Le passage d'un narrateur à 
        l'autre sans démarcation annoncée contribue à un 
        certain flou qui parfois m'a perdue.
        La multiplicité des personnages et quelques grands vides dans la 
        chronologie m'ont aussi perturbée.
        Je retiens l'idée d'une société un peu perdue, ou 
        alors, c'est moi qui étais perdue !...
        J'ouvre à moitié.
        Monique L![]()
        Ce livre traite principalement du colonialisme et du conflit entre traditions 
        locales et modèle occidental. Rien de très original donc, 
        mais ce qui fait la grande force de ce roman est qu'il n'est pas théorique. 
        Il décrit des situations et des faits vus par un Soudanais qui 
        aime son pays et le connaît profondément. Ce n'est pas manichéen. 
        L'auteur nous laisse le soin de se faire notre propre vérité. 
        C'est très dépaysant. Il est question de divergences de 
        visions entre deux univers : celui du Soudan traditionnel et celui 
        de l'Occident, en l'occurrence l'Angleterre, mais aussi de fantasmes et 
        de fascinations entre ces deux mondes. C'est à la fois critique 
        et nostalgique. 
        L'auteur dresse une critique acerbe de la société traditionnelle 
        soudanaise patriarcale et machiste. Il aborde le poids de la tradition 
        et de la religion, la condition des femmes, la corruption, le clientélisme 
        et une critique de l'époque postcoloniale du pays. C'est aussi 
        un roman sur l'identité et l'altérité. "À 
        tous ceux qui ne voient que d'un seul il et parlent une seule langue, 
        a ceux pour qui les choses sont blanches ou noires, orientales ou occidentales".
        C'est très dépaysant de plonger dans la vie d'un clan du 
        Nord Soudan, où les rites ont la peau dure. Cette confrontation 
        entre modernité et tradition, entre émancipation et conservatisme, 
        est décrite par le narrateur grâce à sa propre expérience, 
        mais aussi à son enquête sur le personnage de Mustafa Saïd. 
        J'ai été intéressée par ce personnage atypique, 
        brillant et torturé qui nous est dévoilé petit à 
        petit.
        J'ai trouvé la construction de ce récit très efficace. 
        Cela nous permet de changer d'angle de vue, on se retrouve avec les yeux 
        d'un Soudanais. Bien qu'ils soient très différents, un parallélisme 
        entre le narrateur et Mustafa Saïd saute aux yeux : le narrateur 
        ressent et vit des expériences qui font écho à la 
        vie de Mustafa. 
        Le récit met un certain temps à s'installer, avec des personnages 
        abordés avec détachement par l'auteur, sans donner des justifications 
        à leurs actes. J'ai aimé le ton du narrateur et sa façon 
        très nuancée et pleine de sagesse de se positionner. Certains 
        personnages m'ont spécialement intéressée : le grand-père, 
        Mahjoub, Hasna. 
        Des passages m'ont spécialement marquée :
        - la description pleine d'exotisme de l'appartement de Mustafa à 
        Londres
        - le voyage du narrateur à travers le désert en route vers 
        Khartoum
        - la discussion autour du mariage de Hasna
        - la description du fossé grandissant entre le narrateur et son 
        ami resté au village qui reste prisonnier de la tradition. 
        C'est un roman très bien écrit, avec une écriture 
        travaillée, poétique, imagée, précise et pleine 
        de métaphores. Ça a été un vrai plaisir de 
        lecture. 
        À noter que le parallèle entre le narrateur et Saïd 
        est mené jusqu'à la fin. Alors que Saïd meurt noyé 
        dans le Nil, le narrateur qui risque de subir le même sort se ressaisit 
        et rassemble ses dernières forces pour crier : au secours !
        J'ouvre le livre aux 
        ¾.
        Catherine![]()
        Je ne connaissais sais pas cet auteur et n'ai d'ailleurs jamais lu d'auteur 
        soudanais. Je me suis laissé embarquer par l'histoire et je l'ai 
        lu d'une traite. C'est un roman intéressant, j'ai beaucoup aimé 
        l'écriture et la construction avec cette double narration. Mais 
        au fond, je ne sais pas très bien ce que j'en pense. 
        Moustafa est un personnage assez fascinant mais perturbant. Il quitte 
        le Soudan pour aller faire des études à Londres, il est 
        extrêmement brillant mais semble dénué de sentiments. 
        Il se venge des colonisateurs anglais à travers les femmes, en 
        usant des clichés et des fantasmes des Occidentaux sur l'Orient. 
        À cet égard, la description de la chambre à Londres 
        dans laquelle il emmène ses conquêtes est extraordinaire. 
        Il séduit ces femmes jusqu'à les conduire au suicide. Il 
        tombe ensuite sur une femme qui lui résiste, avec laquelle il a 
        une relation complètement sadomasochiste, qui se finit par un meurtre. 
        Celui-ci est décrit avec un luxe de détails. C'est donc 
        poussé assez loin, un peu au-delà de la vraisemblance, ce 
        qui m'a un peu gênée.
        On découvre son histoire petit à petit, à travers 
        le narrateur, plus jeune, qui a un destin assez similaire puisqu'il va 
        lui aussi étudier en Angleterre, mais à son retour retrouve 
        sa place dans sa famille et devient haut fonctionnaire. 
        J'ai beaucoup aimé la description du village, des habitants, du 
        Nil, du désert. Il y a des moments d'humour, en particulier la 
        soirée avec le grand-père, Bint Mahjoub et Wade Rayyes. 
        Et il y a aussi de la poésie, la traversée du désert 
        en voiture et la fête improvisée à l'arrivée 
        de la nuit est un des plus beaux passages. Il y a aussi une critique acerbe 
        des élites soudanaises, de leurs richesses et de leur éloignement 
        du quotidien du peuple. La place des femmes soudanaises, excisées, 
        mariées contre leur gré, à la merci de leurs maris, 
        frères et pères, est aussi largement évoquée. 
        J'ai appris beaucoup de choses sur le Soudan (je ne savais pas que Soudan 
        était de langue arabe donc je partais de loin !). 
        Il y a une vraie tension dramatique dans le récit qui m'a tenue 
        en haleine jusqu'à la fin, le mariage contre son gré, avec 
        un homme de 40 ans plus âgé, de Hasna, la femme de Moustafa, 
        qui veut lui rester fidèle et tue son mari avant de se suicider, 
        scène là aussi décrite avec un luxe de détails, 
        et la presque noyade du narrateur, dans une espèce de fascination 
        morbide avec son double Moustafa. La découverte de la chambre secrète, 
        remplie de livres occidentaux sans aucun ouvrage arabe, achève 
        la description du personnage de Moustafa écartelé entre 
        deux mondes. J'ai plutôt considéré que le narrateur 
        survivait, mais il reste une incertitude, de même que l'on n'est 
        pas tout à fait certain de la noyade de Moustafa. L'ensemble est 
        troublant. 
        Mais c'est un livre très dense et très riche, magnifiquement 
        écrit. Au final, après hésitation, je l'ouvre aux 
        ¾.
        Annick 
        L
(à 
        l'écran) 
        C'est un roman très intéressant, vraiment dépaysant, 
        qui nous fait adopter un point de vue insolite sur les effets de la colonisation, 
        mais aussi sur le poids des traditions dans ce paysà l'époque, 
        en particulier en ce qui concerne le statut des femmes.
        Les descriptions sont concrètes, imagées, voire poétiques..., 
        celles de la vie quotidienne dans les campagnes, du fleuve Nil avec ses 
        caprices, des relations sociales, voire de l'évolution de la société 
        soudanaise dans la capitale pour les élites. La scène du 
        retour en 4X4 à travers le désert jusqu'à Khartoum 
        est magistrale. Et les dialogues entre les personnages qui vivent encore 
        au pays complètent ce tableau. 
        Le narrateur ne manque pas lui-même de dénoncer tous les 
        travers qu'il peut observer, lui qui a fait ses études en Europe 
        et qui, du coup, a pris du recul.
        Mais j'ai été très gênée par la figure 
        de Moustafa Saïd, qui émerge peu à peu à travers 
        son propre récit et les témoignages de plusieurs témoins. 
        Je trouve qu'il est trop cynique, trop mégalomane, trop odieux, 
        ce brillant économiste qui gâche son talent, trop occupé 
        à enrichir son tableau de chasse de femmes blanches en quête 
        d'aventures exotiques. Ce personnage est presque une incarnation du Mal 
        - on dirait aujourd'hui qu'il est toxique - avec son cortège de 
        "victimes" féminines. Il ne tient que par la relation 
        de miroir qu'il entretient avec le narrateur, d'abord fasciné, 
        qui, lui, a su retrouver sa place parmi les siens. J'ai trouvé 
        enfin excessive la violence de la scène sado-maso avec Jean Morris, 
        ainsi que celle du massacre final au village entre Hasna et le vieux Wad 
        Rayyes. Qu'est-ce que ça apporte au récit ?
        J'ouvre donc à moitié, pour la découverte de ce "continent" 
        inconnu.
        Rozenn![]()
        J'ai lu le livre deux fois, quand il était question de le programmer 
        et pour cette séance. La première fois, il m'avait intéressée 
        et j'avais poussé à ce qu'on le programme. J'ai aimé 
        les dialogues au village entre les vieux, surtout la façon de parler 
        de la sexualité de la vieille femme. Agréable à lire, 
        intéressant, différent.
        Quand je l'ai relu, je l'ai découvert beaucoup plus subtil, plus 
        riche encore.
        Il est construit en miroir, avec deux personnages, avec les parcours du 
        narrateur et du héros ; et deux chambres à Londres et au 
        village. 
        Il met en scène l'opposition des deux cultures (occidentale et 
        orientale), les difficultés qu'elle suscitent chez les migrants, 
        l'impossibilité d'être pluriels. 
        Les articles 
        mis en ligne m'ont fait comprendre que l'exagération des deux chambres, 
        la violence des rapports du héros avec les femmes qu'il séduit 
        à Londres, dénoncent les préjugés sur l'orientalisme, 
        ce qui m'avait gênée, mais qui se justifie alors.
        Il faudrait peut-être le relire une troisième fois.
        J'ai commencé à lire ses nouvelles : pas assez pour avoir 
        un avis mais je continuerai certainement.
        Brigitte
(à 
        l'écran) 
        Je ne connaissais absolument pas cet écrivain du siècle 
        dernier. Bien que racontant des événements vieux de presque 
        cent ans, ce roman se lit quasiment comme un roman moderne. Il s'agit 
        du choc de deux cultures : celle de l'Occident (britannique) et celle 
        de l'Orient (Égypte, Soudan).
        L'intrigue n'a que peu d'importance ici, ce qui compte c'est l'écriture 
        tellement flamboyante, originale
 Elle prend beaucoup de libertés 
        avec les règles usuelles, mais le lecteur s'y retrouve.
        Quelques citations de passages qui m'ont particulièrement frappée 
        :
p. 40 : "Je la prenais et c'était prendre un nuage, cerner un météore, chevaucher un hymne militaire prussien."
p. 97 : "Malgré tous les efforts que nous avons fournis à vous éduquer, vous avez continuellement l'air de sortir pour la première fois de la forêt vierge."
p. 112 : "Où donc était l'ombre, ô mon Dieu ! Une pareille terre ne produit que des prophètes !"
p. 145 : "Mais j'étais inspiré ce soir-là, je sentais les mensonges courir sur ma langue comme paroles consacrées."
p. 146 : La rencontre entre Ann Hammond et Moustafa : Ann l'anglaise, orientaliste passionnée, et Moustafa le Soudanais, qui "rêve du Nord et de la blanche gelée" ; "Malgré la certitude de nos mensonges, je pressentais que, d'une certaine façon, nous disions la vérité."
Je remarque que les deux personnages 
        (Moustafa et le narrateur) qui ont pénétré profondément 
        la culture occidentale, considèrent comme normal que Hasna Bint 
        Mahmoud décide seule de la façon dont elle va organiser 
        son existence de veuve. On aurait pu attendre de leur ami Mahjoub une 
        semblable ouverture d'esprit, mais non !
        J'ouvre aux ¾.
        Clarisse
 
        
        C'est amusant parce que je me souviens de la couverture du livre et je 
        suis persuadée d'avoir lu ce livre, sans en avoir aucun souvenir. 
        L'histoire n'est guère marquante et l'enchevêtrement des 
        récits l'un dans l'autre n'a pas d'intérêt particulier. 
        
        Néanmoins quel bonheur de lire un livre aussi court et concis après 
         La Storia de Morante ! 
        La langue de Tayeb Salih est douce comme les grains de sable des déserts 
        soudanais. 
        Mais la manière dont les femmes sont traitées dans le récit 
        de Moustafa Saïd fait froid dans le dos. Le traitement des femmes 
        à la fois en Angleterre et au Soudan, où finalement elles 
        sont vues comme des objets passifs de satisfaction. 
        Je ne comprends pas pourquoi certains personnages font ce qu'ils font 
        et l'obsession du narrateur pour Moustafa Saïd. Le lecteur en sait 
        finalement très peu sur la vie du narrateur, ce qui nous interroge 
        finalement sur son utilité. Il n'est que conteur et a un regard 
        semi-occidental sur les événements.
        Il est intéressant de noter à quel point les meurtres de 
        Moustafa Saïd sont dépénalisés alors que le 
        drame de son ancienne femme est tourné en une horreur macabre dont 
        elle est la seule responsable, alors qu'elle essayait simplement de se 
        dépêtrer d'un mariage forcé. Les horreurs de la Deuxième 
        Guerre mondiale à Rome nous manqueraient presque...
        Jacqueline![]()
        C'est un livre extrêmement 
        riche en peu de pages.
        J'ai été séduite par la langue, recherchée, 
        souvent poétique, avec des inversions inhabituelles. 
        Plus que l'affrontement entre deux cultures, "traditionnelle" 
        et occidentale, il m'a semblé que le livre traitait du mélange 
        des cultures, de leur évolution et de leur interpénétration 
        au fur et à mesure des rencontres
 
        Moustafa Saïd ne m'est pas apparu comme un personnage vraiment antipathique 
        et responsable du malheur des autres, mais plutôt comme un homme 
        sans racines ni attachement, jusqu'à son arrivée au village 
        où il mène une vie tout à fait traditionnelle avec 
        une femme et deux enfants. Dans le village, il n'est pas complètement 
        accepté, mais son expérience, ce qu'il a appris ailleurs, 
        lui permet de donner des conseils et de jouer un rôle social. Il 
        est intégré tout en restant étranger. 
        J'ai aimé la construction du roman, la quête du narrateur 
        qui m'a rappelé celle du narrateur de Mohamed Mbougar Sarr dans 
         La 
        plus secrète mémoire des hommes. Je me suis intéressée 
        au parallèle entre le parcours du narrateur et celui de Moustafa 
        Saïd : poussés par les Anglais, ils ont fait des études 
        un peu semblables, mais leur intégration dans la société 
        qu'ils avaient quittée est différente comme l'époque 
        où ils sont partis. 
        Il me paraît tout à fait injuste d'imputer à Moustafa 
        Saïd la mort de Hasna. Le narrateur aurait pu lui sauver la vie en 
        l'épousant après son veuvage, d'ailleurs on les sent un 
        peu amoureux, mais il a une femme et une vie plus occidentale. Par son 
        refus, serait-il lui aussi responsable de sa mort ?
        J'ai aimé la tension de ce récit qui se lit comme un conte. 
        D'ailleurs la chambre secrète n'est-elle pas une espèce 
        de chambre de Barbe bleue ? 
        Le titre parle de "migration vers le Nord". Vers la fin il y 
        a une très belle image d'oiseaux migrateurs sur le Nil. Au début, 
        j'ai pensé que le Nord c'était l'Angleterre, mais c'est 
        aussi Khartoum où le narrateur a des fonctions dont, au village, 
        on dit à juste titre : vous, vous êtes en dehors de notre 
        vie. Il me semble que l'action se passe au Sud du Soudan, Sud qui 
        n'était pas encore indépendant quand le livre a été 
        écrit. La différence de culture concerne la culture occidentale 
        et la colonisation européenne, mais aussi, il me semble, la culture 
        arabe qui, par une colonisation antérieure, s'est superposée 
        à l'ancienne culture tribale 
 
        Ce roman pose des questions passionnantes sur un pays que je ne connaissais 
        pas. 
        Il y a la poésie et la culture arabes, et j'ai pensé au 
        livre qu'on avait lu de Wauters, Mahmoud 
        ou la montée des eaux.
        J'aime et j'ai envie d'y revenir. J'ouvre aux ¾ car je n'ai pas 
        tout de suite su apprécier la construction. 
        Renée entre
et 
        
(à 
        l'écran) 
        Ce roman m'a énormément plu au début pour l'exotisme 
        et l'écriture qui est très poétique. Nous apprenons 
        à connaître la vie de ces gens : patriarcat, plusieurs épouses 
        facilement répudiées, excision, etc. L'analyse de la colonisation 
        pose des questions intéressantes.
        J'ai aimé les discussions entre eux sur l'excision..., loi de l'Islam 
        ou pas ? (P. 84 et 85). J'ai aimé la liberté avec laquelle 
        ils parlent de sexe. Un père peut marier sa fille sans son consentement, 
        avec un vieillard ! On sent les réticences du narrateur vis-à-vis 
        des coutumes de son pays natal. L'Europe lui a ouvert un autre monde moins 
        patriarcal.
        Mystères : concernant la noyade de Moustafa Saïd, s'est-il 
        réellement noyé ou a-t-il profité de la crue pour 
        disparaître et vivre une troisième vie ? Est-ce qu'il a été 
        agent secret à Londres ? Quel pouvoir exerçait-il sur son 
        épouse soudanaise, vu sa fidélité au-delà 
        de la mort, et la violence mise en uvre pour tuer son vieux mari, 
        puis se suicider ?
        Moustafa a choisi ce jeune qu'on dit poète pour perpétuer 
        sa légende d'homme tiraillé entre les deux mondes : l'Occident 
        et l'Afrique. MAIS le narrateur n'est pas dupe : "Sa 
        fatuité, son égocentrisme, me paraissaient sans limites 
        ? Il aurait voulu... être éternisé par l'Histoire".
        Mrs Robinson, comme tout le monde, adore Moustafa et pense qu'il est un 
        homme bien, même après avoir assassiné sa femme : 
        je pense que c'est un pervers (voir son attitude avec les femmes à 
        Londres) qui cache son jeu dans la vie courante.
        C'est un beau roman d'une grande richesse, qui pose des questions.
        Cependant, mon prosaïsme ne comprend absolument pas le meurtre de 
        Jean par son mari. D'accord, elle le torturait, leurs rapports étaient 
        sadiques, mais pousser des jeux érotiques jusqu'à la mort 
        ? "Je souffrais (...), 
        cela me procurait du plaisir. Je prenais goût à la souffrance" 
        Je veux bien le croire. MAIS Je doute qu'elle dise : 
        "Je t'aime, ô mon amant" avec un poignard dans 
        le cur. C'est trop pour mon mental étroit. Ça m'a 
        vraiment gâché le roman.
        J'hésite entre ½ et ¾.
        Jérémy![]()
        Avant la lecture : Je ne connaissais pas l'auteur, n'en avais pas 
        entendu parler et je ne suis pas intéressé spontanément 
        par la littérature africaine. Je n'avais pas d'apriori positif 
        ou négatif avant de commencer la lecture si ce n'est que la libraire 
        m'a dit que c'était un très beau livre quand je l'ai acheté 
        !
        Après la lecture : J'ai été agréablement 
        surpris. Je rejoins ce que disait Jacqueline. Oui, c'est un livre court 
        mais riche et dense, qui laisse beaucoup de questions en suspens, qui 
        ouvre beaucoup de pistes. Nos débats montrent que ce n'est pas 
        un livre univoque, c'est un livre qui laisse toute sa place au lecteur, 
        qui le laisse travailler. Il ne nous donne pas tout et laisse sa place 
        au mystère et à une multiplicité d'interprétations 
        possibles. Pour moi c'est le signe que c'est un bon livre. 
        Il y a des scènes à la fois belles et cruelles, notamment 
        celle du meurtre de Wad Rayyes. Mais je ne vous rejoins pas pour dire 
        que Moustafa Saïd est horrible et cruel. Oui, c'est un séducteur 
        impénitent, mais qu'est-ce qui nous permet de dire qu'il les pousse 
        au suicide ? C'est peut-être le cas, mais là encore je trouve 
        que ce n'est pas explicite, c'est une interprétation du lecteur. 
        Il y a un "faisceau d'indices" : il est le dénominateur 
        commun de ces suicides et cela arrive à plusieurs reprises. Mais 
        un faisceau d'indices ne fait pas une preuve. Et pour ce qui concerne 
        le meurtre de Jean, si j'étais l'avocat de Saïd, je plaiderais 
        le suicide par personne interposée. Il la "suicide" plus 
        qu'il ne la tue ! En tout cas, elle sait très bien ce qui est en 
        train de se passer, elle voit la mort arriver et ne se débat pas, 
        ne résiste pas, elle voit la mort arriver et la souhaite : "Mon 
        cher, j'ai pensé que jamais tu n'oserais. J'ai failli désespérer 
        de toi." Un peu plus loin : "Viens, 
        viens avec moi, ne me laisse pas partir seule
" Bref, 
        un bel exemple de relation toxique, dont on parle tant aujourd'hui ! 
        
        J'ai été un peu frustré, car j'aurais voulu en savoir 
        plus sur Moustafa. On sait que c'était un bel homme, qu'il était 
        brillant, mais on a tout de même un peu de mal à croire qu'elles 
        tombent toutes si facilement en pâmoison, enfin toutes sauf Jean 
        bien sûr.
        J'ai trouvé intéressant le rapport entre le narrateur parti 
        faire des études et son meilleur ami Mahjoub qui s'est arrêté 
        à l'instruction nécessaire à ses travaux agricoles 
        et à son commerce. Si le premier est devenu un haut fonctionnaire 
        frustré, ayant l'impression de ne pas avoir prise sur le cours 
        des choses et d'être inutile, le second semble frustré de 
        ne pas avoir eu le destin auquel il aurait peut-être lui aussi pu 
        prétendre : "Compare 
        un peu nos deux chemins. Tu es devenu haut fonctionnaire tandis que je 
        suis resté paysan dans un pays perdu. 
        Mais c'est toi qui as réussi, parce que tu agis sur la vie réelle 
        du pays. Nous autres, fonctionnaires, ne changeons rien à rien, 
        tandis que les gens comme toi sont les héritiers légitimes 
        du pouvoir. Vous êtes le centre nerveux de la vie, le sel de la 
        terre."
        Je trouve que cet échange a encore aujourd'hui une résonance 
        quant au "bon" niveau d'éducation, à celui qui 
        apporte réellement une richesse supplémentaire à 
        un pays. Intéressantes aussi les réflexions du narrateur 
        sur le pouvoir politique corrompu et sourd aux revendications et intérêts 
        légitimes du peuple. 
        Enfin, j'ai beaucoup aimé le personne de Bint Mahjoub, la vieille 
        du village qui boit, fume, discute d'égal à égal 
        avec les hommes et parle de sexe de manière aussi crue, si ce n'est 
        plus, qu'eux ! Elle est vraiment truculente. De manière générale, 
        quelqu'un a dit que les personnages secondaires n'étaient pas très 
        intéressants. Je ne suis pas d'accord, je trouve au contraire qu'ils 
        apportent tous quelque chose : que ce soit Wad Rayyes, le grand-père 
        du narrateur, son meilleur ami, Bint Mahjoub ou bien encore les époux 
        Robinson. 
        Je rejoins encore Jacqueline sur le fait qu'il faudrait relire ce livre, 
        car il mérite une analyse vraiment détaillée. Je 
        ne sais pas si je le ferais, mais quoi qu'il en soit j'ai vraiment eu 
        plaisir à le lire. 
        Je l'ouvre aux ¾ et non pas en entier car j'aurais parfois voulu 
        que l'auteur m'en donne un peu plus. Mais c'est aussi ce qui fait le charme 
        et l'intérêt du livre, la part de mystère qu'il recèle. 
        
        Claire entre 
et![]()
        J'ai beaucoup apprécié le livre que j'ai trouvé, 
        moi aussi, très riche, et en 
        un petit volume. Contrairement à plusieurs d'entre vous, c'est 
        le romanesque, moi, qui m'a plu :  
        la narration m'a impressionnée par son art de la tension, du suspense, 
        la façon de distiller les informations, les flashbacks habiles 
        ; et le rapport ex-colons/ex-colonisés, très nourri, faisait 
        partie de cette tension. La langue m'a souvent étonnée, 
        avec - tant pis si c'est un cliché - comme une musique des mots 
        et des tournures, comme une autre langue ; et les propos sur les femmes 
        allaient de surprise en surprise.
        Je me suis interrogée parfois : le récit oral dans le récit 
        super écrit (mais bon, Moustafa est génial), pourquoi il 
        se confie au narrateur, pourquoi le récit s'arrête tout à 
        coup, quel est le secret du grand-père du narrateur ; et ces Anglaises 
        qui tombent dingues... ; et la scène de violence avec la veuve (j'ai 
        essayé de visualiser comment elle avait pu avoir un bout de sein 
        arraché et avait pu lui donner des coups de couteau dans le sexe...) 
        et le journal de Moustafa vide (commençant pourtant par cette phrase 
        : "À ceux qui 
        ne voient d'un regard net, à ceux qui parlent d'une voix catégorique, 
        à ceux pour qui les choses sont blanches ou noires, orientales 
        ou occidentales")... La fin m'a paru bizarre et la première 
        phrase avec l'adresse "C'est 
        à la suite d'une longue absence, messieurs" m'a 
        fait attendre un retournement, indiquant qui étaient ces messieurs, 
        qui n'a pas eu lieu.
        Deux scènes m'ont frappée : le dialogue étonnant 
        entre ces musulmans sur les relations sexuelles, avec notamment la femme 
        Bint Mahjoub, et la scène dans le désert que j'ai trouvée 
        grandiose. 
        J'ai trouvé très fortes l'utilisation par un Africain des 
        clichés sur les Africains pour séduire, ainsi que la critique 
        virulente de la corruption des élites africaines.
        J'ai 
        ensuite écouté l'émission de  
        France Culture consacrée au roman qui 
        m'a vraiment étonnée sur deux aspects : 
        - on entend l'auteur dans une interview de 1997 dire en anglais : "En 
        fait, j'avais l'idée d'écrire un thriller. Au départ 
        mon intention c'était d'écrire une simple histoire de meurtre. 
        Mais c'est devenu une sorte de conflit entre différents mondes, 
        différentes cultures, différentes civilisations. Je pense 
        que l'histoire a pris le dessus durant l'écriture et j'ai dû 
        m'adapter. De nouveaux personnages sont apparus, de nouvelles dimensions, 
        de nouveaux angles. Donc c'était plutôt sérieux pour 
        moi." J'ai du coup compris pourquoi la narration était 
        tellement habile en termes de suspense.
        - La spécialiste évoque le réalisme magique, très 
        présente dans la littérature soudanaise et dans ce roman, 
        et là je suis tombée de haut, car j'ai tout pris pour du 
        réalisme. J'ai donc reconsidéré la scène sexuelle 
        de tuerie..., la chambre cachée, et tout ce qui était "trop".
        Je 
        me suis intéressée à la traduction, grâce à 
        l'article trouvé qui montre que la première traduction était 
        choquante par les passages enlevés exprès : l'article est 
        centré sur la disparition des critiques de lorientalisme. 
        J'ai regardé pour ma part la traduction d'excisée 
        qu'on trouve dans notre livre p. 12 : Bint Mahjoub 
        dit en riant : "Nous 
        avions peur que tu ramènes une chrétienne, non excisée". 
        Dans la première traduction, pas d'excision : "Nous 
        avions peur que tu ramènes une chrétienne" 
         
        (voir ici mes découvertes).
        Pour être dans l'ambiance, j'ai vu deux expositions qui m'ont vraiment 
        intéressée  : "Présences arabes : art moderne 
        et décolonisation. Paris 1908-1988" au Musée 
        d'art moderne (Comment 
        faire un art moderne et arabe ? Un vrai projet esthétique se met 
        en place au cours du 20e siècle : pensé à la fois 
        en rupture avec lart académique, en écho avec les 
        avant-gardes occidentales, dans le cadre dune identité nationale 
        propre, sans retour pour autant à un art islamique.) 
        et une exposition sur Etienne Dinet (1861-1929) à l'Institut 
        du monde arabe (un peintre français qui, passionné, 
        n'a peint que l'Algérie, s'y est installé, s'est converti, 
        a fait le pèlerinage à la Mecque... : étonnant !).
        Christelle
 
        
        C'est pour moi une très belle découverte d'un auteur et 
        d'un pays.
        L'ambiance est très prenante, le Nil contribue à l'atmosphère.
        J'ai aimé les contrastes entre la vie rurale et la ville, les éduqués 
        et les autres, la fascination entre les deux mondes, Angleterre et Soudan. 
        C'est à mon avis cette fascination, liée en partie au peu 
        de connaissance mutuelle de leurs cultures, qui pourrait rendre crédible 
        le magnétisme morbide et répété exercé 
        par Moustafa sur les femmes qu'il rencontre à Londres (car l'intrigue 
        paraît toutefois très étrange) !
        La construction est très habile, fluide et pourtant je n'ai pas 
        lu le livre très rapidement. Je ne me suis pas sentie perdue, mais 
        vraiment portée par la très belle écriture. 
        La manière de construire le récit sous la forme d'une enquête 
        m'a beaucoup plu, cela permet l'assemblage progressif d'informations, 
        mais aussi de laisser des zones d'ombre, des énigmes... À 
        mon avis, cela suffit pour suivre les personnages, appréhender 
        leur complexité, je n'aurais pas aimé en savoir plus, je 
        préfère pouvoir émettre des hypothèses sur 
        ce que devient le narrateur, Moustafa, ce qui s'est passé à 
        Londres...
        J'aurais d'ailleurs préféré avoir plus de mystère 
        à propos de la mort de Jean et de la tuerie finale, l'avalanche 
        de détails crus m'a semblé inutile et excessive (à 
        cause de cette réserve, je n'ouvre pas le livre en grand). 
        Enfin, je ne suis pas originale, car les deux scènes qui m'ont 
        le plus marquée sont la scène de la route dans le désert, 
        très poétique et où l'on sent la grande sensibilité 
        du narrateur, et le dialogue entre les "vieux" du village à 
        propos des relations hommes-femmes, bien plus terre à terre !
        Richard![]()
        Je ne suis pas allé à Oxford comme Moustafa, mais à 
        une autre fac anglaise.
        Le début de la lecture a été assez difficile, assez 
        hachuré.
        Une fois dedans, je me suis laissé prendre par l'action et la description 
        de cette société et de ce pays qui est tellement différent 
        du nôtre.
        (Mais il y a parfois des phrases qui n'ont rien à voir avec ce 
        qui vient d'être dit et va suivre, par exemple p. 60, entre le dialogue 
        : "En ce début 
        d'hiver, le ciel de Khartoum était constellé d'étoiles.")
        La lecture, en tant que document, fournit de magnifiques descriptions 
        et évoque les problèmes de la décolonisation : 
        je n'ai jamais lu de livre traitant de ce sujet avec autant d'intérêt.
        Maintenant se pose la question de l'interprétation : et si on lisait 
        ce livre comme une allégorie ? Et si les deux hommes n'étaient 
        qu'une seule personne ou un symbole ? On ne sait pas comment le narrateur 
        finit sa vie, mais il est possible qu'il se noie comme Moustafa. Si ce 
        n'est pas le cas, et qu'il soit sauvé (par ceux qui entendent ses 
        appels au secours), alors nous avons là tout le problématique 
        de l'avenir des deux mondes, traditionnels et colonisés. À 
        méditer 
        J'ouvre aux ¾, ce qui pour moi est exceptionnel.
(Les 
        deux avis suivants sont arrivés après la séance, 
        sans avoir eu connaissance de nos avis.)
        Françoise 
        
(avis 
        transmis)
        J'ai complètement zappé notre soirée, persuadée 
        que c'était la semaine prochaine !
        Et pourtant j'ai lu ce livre exotique, et même écouté 
        le podcast 
        signalé.
        J'ai trouvé ce livre intéressant et un peu brouillon, pas 
        surprise d'apprendre - de sa bouche - que son projet initial était 
        d'écrire un polar.
        Je pense que l'auteur a mis beaucoup de lui dans le narrateur, évidemment, 
        mais aussi dans le personnage terrible de Moustafa Saïd sur lequel 
        il est impossible de se projeter. Comment a-t-il fait pour se faire aimer 
        de toutes ces femmes et surtout la dernière apparemment ? 
        Une femme forte et courageuse. L'auteur met dans ce récit tout 
        ce qu'il a lui-même vécu, tiraillé entre tradition 
        et modernité, dont cette femme est la victime expiatoire. 
        Je trouve que c'est un livre courageux pour l'époque à laquelle 
        il a été écrit, mais même encore maintenant, 
        et l'écriture - dure, crue - est au diapason.
        Je l'ouvre aux ¾.
(C'est 
        Etienne qui a proposé le livre et il a osé n'être 
        pas présent à la séance...)
        Etienne
(avis 
        transmis)
        Mon avis sera assez bref : j'ai été globalement déçu 
        par le livre. Je suis complètement passé à côté 
        et n'ai pas vraiment réussi à saisir le fil rouge et les 
        enjeux (la colonisation ? La domination ? Le transfuge de classe ? Tout 
        m'a semblé effleuré). Alors que les première pages 
        m'ont semblé intéressantes, j'ai eu l'impression au fur 
        et à mesure de l'avancée que tout perdait en lisibilité 
        (volontairement ?). Pire, l'histoire de Mustafa Saïd a fini par 
        m'ennuyer, voire m'agacer (mention spéciale aux scènes érotico-sadiques 
        des dernières pages que j'ai trouvé ridicules). Une impression 
        globale d'éparpillement et de verbiage essentialisant a fini par 
        l'emporter. 
        Je suis un peu navré d'avoir suggéré ce livre, je 
        ne m'attendais pas du tout à ça, c'est une mauvaise pioche.
        Je garde ¼ ouvert les quelques pages de discussion savoureuses 
        entre villageois
(Justement, en fin de séance, nous avons conclu : de cet auteur qu'aucun.e d'entre nous ne connaissait..., eh bien son livre, dont aucun.e d'entre n'avait entendu parler, c'était bien "un-livre-pour-le-groupe" ! Une belle découverte, qu'on ait eu ou non des réserves, découverte que sans le groupe nous n'aurions pas faite...)
|  
             Les 
              8 cotes d'amour du groupe breton Entre 
                | 
        
Brigitte![]()
        Je dirais d'emblée que je n'arrive pas rapidement à saisir 
        le sujet du roman écrit par Tayeb Salih, écrivain saoudien. 
        Je cherche à situer l'écriture de ce livre dans l'histoire 
        du Soudan. Ce roman est écrit dix ans après l'indépendance 
        du Soudan qui a été colonisé en 1899 par les Britanniques 
        alliés des Égyptiens jusqu'en 1924. Année où 
        les Britanniques administrent alors seuls le Soudan : ils avaient des 
        vues sur le Nil et sur le canal de Suez pour des raisons économiques. 
        Je me perds à la fois dans la reconstitution fragmentée 
        de la vie de Mustafa Saïd, personnage tragique, tourmenté, 
        déchiré au plus profond de lui par son histoire douloureuse 
        de colonisé et je me perds dans la vie du narrateur. 
        J'ai lu que le livre a été interdit au Soudan en 1989, année 
        d'un coup d'État militaire soutenu par le Front national islamique. 
        Le Soudan mettra trente ans à retrouver un président démocratiquement 
        élu. 
        Sachant qu'aujourd'hui, ce livre est reconnu comme étant un des 
        grands romans de la littérature arabe, je cherchais à comprendre
 
        il y a certes de la poésie lorsqu'il décrit son pays. 
        Je dois dire que certains passages crus me dérangent. Ma lecture 
        est poussive. Je résiste. Je l'ouvre à ¼ jusqu'à 
        ce que vers la page 100 j'écoute le podcast de France Culture. 
        J'y reviendrai.
        Deux mondes coexistent et la violence est omniprésente. La violence 
        n'est pas une fatalité Je retrouve d'un côté le Soudan, 
        pays colonisé de l'Afrique de l'Est, pays conservateur majoritairement 
        de confession musulmane (je note beaucoup d'atteintes à la liberté 
        des femmes) et de l'autre l'Angleterre, pays colonisateur où les 
        deux personnages principaux, tous deux surdoués, ont étudié.
        Ces personnages je ne les trouve ni sympathiques, ni attachants. Le narrateur 
        cherche à comprendre le secret de la disparition de Moustafa Saïd : 
        noyade ou plus vraisemblable suicide. Ou je pense, avant de lire les deux 
        derniers chapitres, qu'il a pu se faire passer pour mort et vit une troisième 
        vie ! Aucune envie de croiser son chemin.
        Qui dirais-je de Moustafa ? Un enfant orphelin de père recueilli 
        par un couple d'anglais (image du côlon paternaliste) qui repère 
        ses capacités intellectuelles et l'envoie étudier à 
        Londres après son lycée. Brillant, il devient professeur 
        d'université reconnue appréciée ses pairs, il s'intéresse 
        à l'économie britannique qu'il critique. À Londres, 
        il séduit quatre femmes blanches dont l'histoire amoureuse est 
        empreinte de violence, surtout avec Jean. Ces relations se terminent dramatiquement 
        : trois suicides et le meurtre de sa dernière femme. Même 
        après sa mort dans son village soudanais, son épouse se 
        suicide après une scène de violence inouïe dans un 
        contexte de remariage arrangé. Que recherchent ces femmes auprès 
        de Moustafa ? Pour les Blanches, l'exotisme du colonisé noir : 
        un maître, un seigneur pour lequel elles agissent en esclave ? 
        Est-ce pour Moustafa une revanche de "l'intrus colonisé" 
        ? Est-ce une réponse à la violence par la violence ? 
        Certaines relations sont malsaines, notamment Jean sadomasochiste. Le 
        retour de Moustafa au Soudan dans son village d'origine est-il en lien 
        uniquement au désir de revoir les siens après la prison ? 
        Est-ce une démarche intellectuelle bien plus profonde ? A 
        priori, il avait prémédité sa fin et inscrit ses 
        volontés qui protègent notamment ses deux garçons.
        Étrangement les chemins de Moustafa et du narrateur se croisent. 
        Leurs parcours se mêlent. Le narrateur après la mort de Moustafa 
        poursuit son chemin, mais ne peut oublier cet homme. Il essaie dans une 
        grande douleur de comprendre ce qui le lie à Moustafa, mais aussi 
        de rompre avec la violence. Il retrouve le Nil et décide de vivre.
        Tout au long du livre, les différences culturelles, l'héritage 
        de l'Histoire coloniale et de ses violences, les connaissances, l'éducation 
        scolaire et le savoir, malmènent la rencontre des hommes et des 
        femmes. Que recherchent les uns et les autres? J'ai le sentiment que cette 
        rencontre des deux mondes soudanais et britannique est présentée 
        comme inévitablement destructrice et ça me dérange. 
        Comment arriver encore aujourd'hui à reconstruire après 
        les stigmates de la colonisation ?
        Je reviens sur le podcast de France Culture, Sans 
        oser le demander. Géraldine Mosna-Savoye, journaliste qui 
        a fait entre autres des études de philosophie, me permet de mieux 
        comprendre que l'auteur, au-delà des meurtres ou assassinats, parle 
        de "réalisme magique" avec une critique postcoloniale. 
        Je retiens qu'il faudrait travailler le symbolisme. Par exemple, elle 
        parle de l'importance des éléments comme l'eau du Nil autour 
        duquel sont installés les villageois, le fleuve est "donneur 
        de vie" mais divise, tue ou rassemble
 c'est vrai encore aujourd'hui. 
        Les conflits violents perdurent au Soudan. Elle développe en quoi 
        l'ouvrage est la vive critique de la colonisation et de la violence.
        Éclairée par ce podcast, je reprends ma 
        lecture et j'ouvre pour finir le livre à ½ car le roman 
        fermé je ne sais toujours pas ce que j'en retiens réellement, 
        sinon des questions
 pour autant je ne ferai pas une seconde lecture.
        Cindy entre 
et![]()
        À ma première lecture, Tayeb Salih ne m'a pas emportée 
        dans son histoire ni dans cette littérature "africaine" 
        du Nord Soudan, alors que d'autres auteurs africains (lus depuis mon enfance 
        passée au Gabon) m'ont toujours émerveillée, fascinée 
        avec des expériences littéraires beaucoup plus intenses. 
        Je citerai Amadou 
        Hampâté Bâ, Léopold 
        Sedar Senghor ou plus encore Chinua 
        Achebe. Tous également romanciers, poètes
 
        Je m'attendais davantage à une histoire littéraire plus 
        ancrée dans le territoire et la culture de tradition orale. 
        Alors qu'ici, on en sort avec le principal personnage, Saïd, qui 
        raconte au narrateur, son histoire dramatique lourde de désillusions, 
        face à ses expériences, ses relations amoureuses occidentales 
        dans un régime politique colonial britannique. 
        Cette histoire dans l'histoire du narrateur nous éloigne du pays, 
        du village avec ses traditions et cultures si attachantes décrites 
        lors de passages savoureux, surtout dans les scènes de famille. 
        
        Mais dommage, peu de jolis tableau de murs africaines malgré 
        le talent de l'auteur à utiliser cette langue savoureuse et limpide 
        qui fait toutes les richesses, les couleurs et la vie du grand récit 
        oral africain comme "me 
        laissait heureux, au bruit du vent. Et par Dieu si je connais dans ce 
        pays, sa forme de joyeux murmure" 
        Le grand intérêt du livre ? Me donner l'occasion de rechercher 
        des documents sur l'histoire du Soudan (pas assez connue), de son époque 
        coloniale britannique et même aujourd'hui, avec un conflit, une 
        guerre terrible touchant tout un peuple en grande souffrance : 
        - "époque des 
        premières écoles et les gens s'en méfiaient. Les 
        agents gouvernementaux parcouraient le pays recrutant des écoliers" 
        (p. 27)
        - "quand 
        tu seras grand si tu réussis à l'école tu seras fonctionnaire 
        du gouvernement et tu porteras un chapeau" (p. 28) 
        
        - "J'ai connu les champs 
        au temps des norias (...) 
        la 
        grande sécheresse (...) 
        puis les pompes hydrauliques furent installées, des coopératives 
        s'organisèrent (...) 
        et la terre redevint fertile" 
        (p. 53)
        J'ai poursuivi la lecture sans être 
        "séduite" par la personnalité mystérieuse 
        de Mustapha Saïd, personnage clé du roman alors qu'étranger 
        au village ! 
        Roman de dialogues, dialogues des deux personnages : le narrateur enquêtant 
        sur le passé de Saïd et ses vies complexes, recherchant sa 
        vraie identité et l'on comprend aussi les décalages entre 
        l'Europe, l'Occident et ce pays d'Afrique. Dialogues également 
        avec le grand-père et le narrateur : "j'arrivai 
        à la maison de mon grand-père, l'entendis réciter 
        versets du Coran (...) enfant c'était la dernière voix que 
        j'entendais avant de m'endormir" (p. 54). 
        Le grand-père qui tient 
        ici un rôle protecteur, de régulateur, d'apaisement. 
        Avec aussi une volonté de la part du narrateur de surprendre, de 
        ne rien cacher, sans retenue : "tout 
        cela m'excita au point que je ne pus poursuivre ma lecture. Je levai vers 
        lui un regard impatient. Il (
) commença. " 
         (p. 25)
        Je n'ai pas été captée par toute cette histoire, 
        trop longue à mon avis, même si empreinte de récits 
        théâtraux et dramatiques, dont le narrateur reste sensible 
        tout en ayant "des idées noires" : "Soudain, 
        je me sentis revivre (...), je recouvrai ma sérénité, 
        et les idées noires venues du récit de Moustafa se dissipèrent."
        Je retiens surtout les premières pages : "L'absence, 
        la nostalgie et les songes, tels que ce fut merveilleux de me trouver 
        réellement parmi eux"  
        (p. 29)
        Je pense que ce qui me fait revenir à l'auteur, c'est que vivre 
        parmi la beauté de la nature, ici celle du Soudan, a rendu le narrateur 
        plus enclin à l'utopie, à ce qu'il soit plus sensible que 
        les autres. Il en a eu l'expérience et ça se lit : "À 
        travers la fenêtre, j'aperçus dans la cour notre vieux palmier 
        au tronc robuste (
) et ses palmes nonchalantes dont le bouquet vert 
        débordait la cime" (p. 10) 
        On peut imaginer que Tayeb Salih a vécu 
        son enfance dans cette imprégnation, pour devenir plus tard un 
        grand écrivain, poète, au destin sensible, humain (comme 
        le narrateur) : "nous 
        sommes tels que nous sommes, des gens ordinaires" (p. 55). 
        Ou encore : "Ainsi 
        ne suis-je pas plume au vent, mais créature, pareille à 
        ce palmier, de haut lignage et de sûre destinée." 
        (p. 10) 
        
        C'est avec cette force et sagesse en lui qu'il respectera la mémoire 
        et l'histoire de Moustafa en ne "brûlant" rien de sa vie 
        cachée : "Tout 
        le long de ma vie, je n'avais jamais choisi, ni décidé. 
        Mais je décide désormais de choisir la vie (
) j'ai 
        aussi des devoirs que je dois accomplir" (p. 171) 
        
        Il y a juste vers la fin du livre une prose magnifique et mystérieuse, 
        imprégnée du mysticisme, de croyances, et de "l'obligation 
        d'inventer pour survivre" qui offre une fin de tous les 
        possibles. La noyade dans le Nil est-elle réelle ? 
        Je retiendrai aussi une certaine modernité de la vision de l'auteur 
        soudanais, dans un contexte post-colonial, sa réflexion sur l'orgueil, 
        la perte d'identité, les statuts et la vie des femmes entre Afrique 
        et Occident. 
        Un roman basé sur une enquête qui m'a permis de rester jusqu'à 
        la fin, mais sans un grand plaisir de lecture. 
        J'ai cherché sans vraiment les trouver (comme dans la poésie 
        de Léopold Sédar Senghor) du symbolisme, des chants, des 
        ambiances, dont les mots et les rythmes, les bâtons de palabres 
        se lient à la pensée et au corps.
        Marie-Odile![]()
        Étrangeté et mystère du personnage 
        Moustafa Saïd. 
        Un parcours hors du commun, du Soudan à Londres, puis de Londres 
        au Soudan.
        Un rapport aux femmes plutôt choquant.
        Une mort/disparition inexpliquée.
        Le mystère, le secret symbolisé par la chambre rouge 
        Le narrateur, sorte de double de Saïd.
Regard complexe et multiple sur la colonisation. 
        
        Les liens entre l'Afrique et l'Occident.
        Mépris envers le colonisé. Saïd = "le 
        meilleur exemple de l'échec de notre mission civilisatrice en Afrique".
        Critique sévère du colonialisme "Les 
        Anglais apprirent aux gens à nous haïr, nous les enfants du 
        pays, et à les aimer eux, les colonisateurs, les intrus."
        Opposition de celui qui est passé par l'Occident (et son baratin 
        appris dans les écoles) à celui qui est resté au 
        pays.
Une succession de pages aux tonalités 
        différentes.
        Des événements londoniens plutôt glauques.
        Des moments de procès déconcertants.
        Des événements tragiques concernant Hasna.
        Des pages pittoresques correspondant à une vision plutôt 
        habituelle de l'Afrique parfois légères, parfois poétiques. 
        Par exemple : les différents rires p. 74, l'habitat, les portraits 
        (grand-père et Bint Mahjoub)/
        Les échanges sur la polygamie, la domination de l'homme, le rapport 
        à la femme blanche....
Tout ça forme contraste, car il y a de l'attendu et de l'inattendu dans ce roman qui entraîne loin et porte à réfléchir.
J'ouvre à moitié ce texte qui me laisse perplexe, même 
        après la séance.
        Soaz![]()
        Livre qui me bouscule, questionne, dérange.
        Il nous plonge dans la vie d'un village soudanais, à l'atmosphère 
        parfois étouffante, mais aussi poétique (de magnifiques 
        descriptions de paysage), avec les détails de la vie quotidienne 
        et l'humour des vieilles femmes (discussion sur le sexe en toute liberté).
        Difficile de rester indifférente au comportement des hommes envers 
        les femmes, notamment aux agissements de Saïd, manipulateur par le 
        sexe et son pouvoir de domination.
        Ce livre nous permet de nous pencher sur les raisons, l'impact, le meilleur 
        et le pire de la colonisation, le devenir des enfants envoyés en 
        Europe...
        On y retrouve l'arrivisme, la luxure, la faiblesse, la haine, la soumission 
        des femmes, une certaine liberté sexuelle, les mariages forcés, 
        la place prépondérante de dieu, le pouvoir de la passion 
        jusqu'à la folie...
        Présent et passé se mêlent, narrateur et Saïd.
        Est-ce que Saïd est la main de la vengeance contre les colonisateurs 
        ? 
        Ce livre nous tient en haleine, jusqu'au bout, jusqu'à la chambre 
        oblongue qui nous révélera tous les mystères de cette 
        vie si particulière. Il nous donne l'envie d'explorer la civilisation 
        soudanaise et de s'informer sur la période de colonisation de cette 
        contrée. 
        Chantal![]()
        Première lecture : je n'arrivais pas à voir clairement l'histoire. 
        Je mélangeais les noms, les époques, je ne lisais que par 
        bribes (étant en famille), ce qui ne facilitait pas la tâche.
        Donc relecture, et là, je me suis régalée.
        Par les thèmes abordés bien sûr :
        - l'exil des jeunes pour suivre des études, donc l'arrachement 
        au sol natal
        - le choc de la rencontre avec l'Europe et l'impossible réelle 
        intégration 
        - les traditions - ancestrales - au Soudan de cette époque, et 
        la place des femmes.
        Je trouve l'écriture de ce texte très forte, puissante, 
        brutale ou poétique, mais toujours efficace.
        La construction du livre rend sans doute la lecture un peu ardue : allers-retours 
        d'un personnage à l'autre, d'une époque à l'autre..., 
        mais elle donne un rythme, une musique au texte, brutal et violent, puis 
        doux et poétique ; les séquences se succèdent 
        comme des vagues, et je me suis laissé emporter avec plaisir.
        J'avoue que Moustafa Siad m'a émue, cet enfant sans émotion 
        (sans signes d'amour maternel ?), son exil à cause de son 
        intelligence exceptionnelle, sa revanche de Noir sur les "cuisses 
        blanches écartées"... je l'ai re-fabriqué 
        en lui trouvant toutes les excuses à ses "mensonges"..., 
        comme Mme Robinson !
        Je pourrais continuer d'évoquer tous les passages qui m'ont touchée, 
        enchantée, mais je ne cite ici que celui qui m'a amusée. 
        La première épouse de Wad Rayyes qui, après le crime 
        commis par Hasna sur Rayyes : "Rayyes 
        a creusé sa tombe de sa propre main. Bint Mahmoud (Hasna), Dieu 
        ait son âme, nous a soulagées toutes, les anciennes et les 
        nouvelles. C'est bien fait, si ça ne vous plaît pas, 
        vous pouvez boire la mer. "
        Enfin, ce texte nous incite à une réflexion très 
        actuelle, je trouve, sur le colonialisme, le nôtre, et ses conséquences 
        qui n'en finissent pas, même après des décennies, 
        de cogner encore et encore dans les consciences...
        Voilà : je l'ouvre en grand.
        Annie
 
        
        J'ai lu assez vite ce petit roman des années 60, dont l'histoire 
        se passe entre le Soudan et l'Angleterre, et qui m'a totalement dépaysée. 
        Je me suis laissé embarquer au Soudan, dans la vie quotidienne 
        des habitants, dans leurs discussions à l'ombre, dans la beauté 
        du Nil
        J'ai ressenti une impression de contrastes permanents, à commencer 
        par les sensations physiques : la chaleur écrasante de ce grand 
        pays, le désert, les terres arides, les animaux faméliques... 
        Et la fraîcheur du Nil dont on imagine les abords verdoyants et 
        vivants, ses crues régulières.
        Il nous décrit aussi bien la vie simple et difficile des villageois 
        soudanais que les plaisirs dans les salons anglais, les coutumes et la 
        vie paisible des uns (où la religion tient une grande part) et 
        la vie agitée et plus facile des autres. Contraste également 
        entre ce très grand pays d'Afrique (pour rappel le Soudan du sud 
        est indépendant depuis 2011) et cette île qu'est l'Angleterre 
        (soit plus de 2000 fois plus grande au moment de la sortie du livre). 
        Et sous-jacent le contraste entre colonisés et colonisateurs.
        Les personnages sont eux aussi surprenants : le narrateur (mémoires 
        de l'auteur ?) recueille l'histoire de Moustafa Saïd que l'on prend 
        au départ pour un ingénieux agronome qui a voué sa 
        jeunesse à apprendre pour apporter du progrès à son 
        pays. Mais très vite la révélation de son secret 
        donne une autre dimension au personnage et le récit de ses nombreuses 
        conquêtes en Angleterre avec les drames associés (suicides 
        et meurtre) accentue le fait que les apparences sont encore une fois trompeuses. 
        J'ai aimé cette perte de repères et me demander ce qu'il 
        y avait au bout de la page.
        J'ai trouvé très drôles les conversations totalement 
        débridées des vieux. Je les imaginais tellement bien avec 
        leur canne, leur bouche édentée, leurs éclats de 
        rires, leur tranquillité et leurs propos salaces ! Là encore, 
        quel contraste entre l'apparent et le réel !
        Et Moustafa qui meurt noyé (est-ce vrai ?) alors qu'il était 
        un très bon nageur.
        J'ai aimé également la poésie des descriptions des 
        paysages, des sentiments et des corps. Une lecture agréable qui 
        m'a fait voyager, un roman original à mes yeux.
        J'ouvre aux trois quarts.
        Edith entre
et![]()
        Je viens donc de terminer le livre. Besoin de relire l'introduction : 
        ce roman est le texte intégral, afin de rester fidèle à 
        l'enchainement et à la temporalité texte arabe, c'est-à-dire 
        son rythme et sa musicalité dit le traducteur Abdelwahab Meddeb.
        Puis je vais relire la quatrième de couverture
 Comme si j'avais 
        besoin d'encadrer ce roman des intentions et propos (le traducteur et 
        l'éditeur) pour pouvoir me situer dans ce texte.
        J'ai lu rapidement sur deux jours : je ressens bien la force du texte, 
        ses différents niveaux de lectures et reste très impatiente 
        tout au long de la lecture de connaître le secret de Mustafa Saïd. 
        Je ne suis pas déçue !!!
        Ouvert ½ pour le plaisir car d'une lecture difficile.
        Ouvert ¾ pour la qualité littéraire.
        C'est un texte à "l'ambiance" poétique, métaphorique, 
        avec des tournures de phrases quelquefois déstabilisantes, à 
        la construction des chapitres non chronologique, m'obligeant à 
        revenir à la fin du chapitre précèdent pour me "rétablir", 
        avant de comprendre que l'auteur développait un autre aspect de 
        sa vie, de ses rencontres, évoquant pour cela les personnes familières 
        de son village (le grand-père Bakri important) et ses voisins dont 
        la veuve Hasna (anglaise) de Mustafa, Wad Rayyes et Bint Mahjoub.
        L'auteur, par la forme de son récit, se réserve de nous 
        amener aux différents époques de la vie de Mustafa Saïd 
        et de la sienne donc : ainsi les deux courriers laissés par Mustafa 
        et la clé de sa chambre mystérieuse - longtemps fermée 
        après sa mort -, chambre loin du village de l'auteur et qui révélera, 
        lors de son ouverture, l'homme lettré et l'amoral pervers (c'est 
        ainsi que je traduis le caractère de Mustafa Saïd), avec un 
        contenu extravagant (livres, documents, objets) censé donner une 
        réponse à l'auteur. Et à moi !
        Si je classe mes propos : j'ai le récit magistral du meurtre orchestré 
        par les deux époux amants Jean Morris et Mustafa Saïd, la 
        violence du lien orchestre pour chacun la mort, meurtrier l'un par l'autre. 
        Le suicide probable de Mustafa noyé dans le Nil, mort souhaitée 
        par celui-ci et - farce de la vie ? - refusée autrefois par le 
        tribunal après les deux suicides suspects de Isabella Seymour Sheila 
        Greenwood dont il est soupçonné. Et puis la scène 
        du meurtre tout aussi surréaliste par Hasna (mère de ses 
        fils), la veuve convoitée par Wad Rayyes, vieillard concupiscent 
        et dominateur. Il y aurait du Georges Bataille là-dedans ? Violence 
        physiques, viol de Hasna, folie des rapports passionnels et destructeurs 
        de Jean Morris, chantage et provocation outranciers par elle, dominatrice 
        en miroir avec Mustafa, des situations destinées sinon décidées 
        à une mort certaine de l'un ou l'autre. Victime et bourreau sont 
        chacun consentants dans leurs mises en scène et dans l'exacerbation.
        Mustafa semble avoir trouvé "son maître" auprès 
        de la femme Jean Morris. Les deux autres mortes ne le sont que par faiblesse, 
        la leur ! J'assiste, par la lecture, au récit d'un féminicide, 
        littérairement réussi !
        La progression du récit est déconcertante : Mustafa est 
        vivant dans le dialogue, sorte de révélation à l'auteur 
        ; puis Mustafa est raconté, évoqué, comme mort dans 
        les chapitres suivants, son destin dévoilé par touches rapides, 
        qui définissent le meurtrier pervers et amoral, cynique et froid 
        dont la seule personne compatissante fut Mrs Robinson sa nourrice.
        C'est toujours un peu compliqué de me repérer. Le côté 
        malsain, énigmatique (il n'est pas originaire du village que borde 
        le Nil bien que soudanais) de Mustafa apparaît dès la description 
        qu'en fait l'auteur : son regard et son silence, les mouvements de son 
        visage.
        On voit aussi le colonialisme, la puissance de la langue du colonisateur 
        (l'anglais) pour s'imposer, la puissance de la culture soudanaise et une 
        de ses formes, dérangeante pour une européenne : la place 
        accordée aux femmes. Il y a aussi la tranquille assurance accordée 
        à qui s'y conforme (l'auteur) malgré son choix d'une seule 
        épouse : "l'absence, 
        la nostalgie et les songes, tels que ce fut merveilleux de me trouver 
        réellement parmi eux (
) Telles était bien la chaleur 
        du clan" ; ce sont des propos affirmés dès 
        la première page du récit. Il est des leurs malgré 
        ses diplômes et la pratique de la langue anglaise.
        C'est le genre de livre tellement dense et elliptique que je suis persuadée 
        d'avoir passé à côté de nombreux aspects. L'auteur, 
        Tayeb Salih, et sa culture européenne (cf. la 4e de couverture) 
        me fait penser qu'il y a beaucoup de lui dans le "récitant", 
        de même que dans le personnage (double inversé ?) de 
        Mustafa.
        Khartoum, le Nil, la présence de la nature : sont évoqués 
        des repères géographiques et historiques à rechercher.
        Plaisir de la découverte de la doc VAC pas encore lue au moment 
        de l'écriture. Je consulte après le point final.
        Après discussion j'attribue ¾, la densité du texte 
        m'y oblige.
        Marie-Thé
 
        
        Après quelques hésitations, j'ouvre ce livre aux ¾, 
        j'ai beaucoup aimé les cent premières pages (environ), mais 
        ensuite le côté morbide qui m'apparaissait m'a amenée 
        à lui ôter ¼ .
        Dès la première phrase : "C'est 
        à la suite d'une longue absence, messieurs, que je revins dans 
        ma famille", j'ai pensé aux griots écoutés 
        en Afrique (de l'Ouest ) il y a bien longtemps, aux conteurs de Martinique 
        aussi.
        Le retour du jeune homme au pays de ses racines, "créature 
        pareille à ce palmier", m'a tout de suite interpelée, 
        c'est intense ; quel contraste avec la fin où celui-ci "flotte" 
        sur le fleuve, entre deux rives (à la dérive ?), choisissant 
        la vie cependant. Je ne peux m'empêcher de penser ici à cette 
        phrase du Deuteronome : "J'ai 
        mis devant toi la vie et la mort, tu choisiras la vie." 
        Déracinement, transmission, j'en remarque l'importance, mais le 
        narrateur ne sera pas le passeur des paroles de Moustafa Saïd : "Je 
        l'avais laissé parler et j'étais sorti. Je ne l'avais pas 
        convié à achever son récit." Je vois 
        en M. Saïd un personnage brillant, d'un remarquable talent, mais 
        aussi un prédateur redoutable, destructeur, un être dépourvu 
        d'émotion, insensible, qu'aucun trouble ne semble atteindre : 
        "expier, non sa mort, 
        mais le mensonge de ma vie", dira lors de la disparition 
        d'une de ses victimes, celui dont la vie peut finalement apparaître 
        comme une farce.
        Je note encore la condition de la femme africaine, la toute-puissance 
        de l'homme, les bienfaits et méfaits de la colonisation, etc. Il 
        y aurait tant et tant à dire ! Et puis, le cheminement vers la 
        tragédie avec Hasna et son vieillard de mari, avec Jean, l'épouse 
        à propos de qui Moustafa Saïd dira : "J'étais 
        chasseur, je devins proie." Ce cheminement m'a fait penser 
        au fleuve : "il est 
        ramené vers son irrévocable destinée (...) vers la 
        mer, vers le nord". 
        J'ai aimé le voyage vers Khartoum, les étendues désertiques, 
        les épineux... : "Pas 
        un nuage, promesse d'ombre, dans ce ciel de feu, couvercle de l'enfer."
        "C'est la terre du désespoir 
        et de la poésie." J'ai pensé à ces 
        lointaines années que j'ai passées en Afrique de l'Est : 
        même paysages, même chaleur étouffante. Beaucoup de 
        passages du livre m'y ont d'ailleurs fait penser, ceux concernant les 
        femmes de là-bas en particulier.
        À noter encore dans cet avis réducteur, le regard critique 
        de l'auteur, ou du narrateur, ou de Moustafa Saïd (les trois se superposent) 
        sur les ministres corrompus, redoutant les intellectuels, plus dangereux 
        à leurs yeux que le colonialisme... sur l'exploitation scandaleuse 
        du peuple, etc.
        Je terminerai par quelques associations comme j'aime le faire. J'ai quelquefois 
        pensé à Frantz 
        Fanon, à M. M'Bougar Sarr pour son personnage erratique dans 
        La 
        plus secrète mémoire des hommes, même si celui-ci 
        ne ressemble pas à Moustafa Saïd, à Alain 
        Mabanckou, et bien sûr à Abdourhaman Wabiri pour Le 
        pays sans ombre, livre sur Djibouti qui vaut vraiment le détour, 
        que je me suis lassée de proposer.
        Et tout à fait autre chose, j'ai même osé faire un 
        petit lien avec Mrs Robinson du film Le 
        Lauréat, pour une certaine ambiguïté que j'ai 
        ressentie.
Claire
        À propos de ce recueil de nouvelles que tu proposes, Marie-Thé, 
        réponse a déjà été donnée : 
        il n'est guère possible de le programmer tant qu'il est épuisé...
      
 Quelques 
        repères biographiques
        Les formes du nom de l'écrivain varient : Tayeb Salih, Tayeb Saleh, 
        Salah Tayeb, Salih Ak-Tayyib, Tayyib Muhammad Salih Ahmad al...
        Il est né en 1929 dans un village du nord du Soudan, pays qui accède 
        à l'indépendance en 1956. État le plus étendu 
        d'Afrique, le Soudan compte, au moment de son indépendance, environ 
        un million d'habitants.
        Tayeb Salih fait des études d'agronomie à l'université 
        de Khartoum, avant d'aller compléter sa formation en Grande-Bretagne 
        et de s'y installer.
        Après avoir brièvement enseigné au Soudan, il devient 
        journaliste au service arabe de la BBC à Londres, puis au siège 
        de l'Unesco à Paris ; il est ensuite représentant de l'UNESCO 
        pour les États arabes du golfe Persique. Pendant plus de 10 ans, 
        il écrit une chronique hebdomadaire pour le journal arabe Al 
        Majalla, basé à Londres. 
        Il publiera quatre romans et des nouvelles. 
"J'avais eu une enfance très heureuse. Le fait de vivre à l'étranger, de vivre l'isolement et la nostalgie m'ont poussé à écrire. À Londres, je réalisais la perte que je venais de subir. L'hiver était atroce, et je ne connaissais personne... J'ai écrit pour communiquer avec les miens." (Hebdomadaire égyptien Ahram Hebdo, 2005).
- Une interview de 1997 restitue le contexte d'alors 
        : 
        
        Que veut dire être écrivain sous un régime islamiste 
        comme celui de Khartoum ? 
Il y a huit ans que je ne suis pas retourné au Soudan. Les quelques écrivains qui y sont restés subissent les effets du verrouillage islamiste : harcèlement moral, autocensure, etc. Il est donc impossible de penser et de créer librement dans un tel climat, les intellectuels et les artistes soudanais qui vivent en exil sont également pénalisés : leurs livres, disques, etc. ne parviennent pas aux lecteurs soudanais. Aujourd'hui, le régime de Khartoum cultive l'uniformisation. Le Soudan, qui est le produit d'un brassage ethnique et culturel, offrait, avant l'arrivée des islamistes, l'exemple d'un pays tolérant. Le régime actuel a tourné le dos à cette tradition, dont les savants et les mystiques ont été les leviers.
Vos romans font l'objet d'une censure déguisée. Pourquoi?
Les autorités soutiennent que mes écrits ne sont pas censurés. La vérité, c'est qu'ils font les frais d'une lutte de clans entre les "modérés" et les ultras du FNI, Front national islamique, que dirige l'éminence grise du régime, Hassan al-Tourabi. Mais dans l'ensemble, le régime considère mes romans comme des écrits vains, sexuellement et moralement incorrects. Aux yeux des autorités, la "bonne littérature" est celle qui ne fait place ni à la fable, ni à la fiction, ni au sexe. Or ces éléments ont fécondé l'islam et le patrimoine arabo-islamique.
Cette censure touche également des chansons dont les paroles sont jugées "licencieuses".
Sur le plan culturel, le régime de Khartoum fait preuve d'une médiocrité sans égale ; cette décision rappelle celle d'un ancien ministre de l'Information qui avait suggéré la destruction de statuettes anciennes, sous prétexte que l'islam interdit les idoles ! Interdire les chansons dites de la "valise", c'est jeter un voile de plus sur le peuple soudanais, le priver d'oxygène.
Votre participation à cette manifestation ne risque-t-elle pas d'être exploitée par le régime de Khartoum ?
J'ai répondu à l'invitation de l'Institut du monde arabe et non à celle du gouvernement soudanais. À l'étranger, je saisis toutes les occasions pour rencontrer mes compatriotes et dénoncer le régime en place. ("Loin de Khartoum. Rencontre avec Tayeb Salih, exilé à Londres et censuré au Soudan", Maati Kabbal, Libération, 3 avril 1997. L'institut du monde arabe a organisé en 1997 une exposition intitulée "Soudan : royaumes sur le Nil").
Il sera enterré en 2009 au Soudan, où la cérémonie funéraire a été suivie par un grand nombre de personnalités et d'écrivains arabes, ainsi que par le président soudanais de l'époque, Omar Al-Bashir, au demeurant peu recommandable...
Montrant sa renommée, le 12 juillet 2017, Google Doodle a commémoré le 88e anniversaire de Salih Tayeb :
 Les trois livres traduits en France
Saison de la migration vers le Nord est le deuxième 
        volet dun polyptique précédé dun recueil 
        de nouvelles, Les noces de Zeyn, publié en 1966, dix ans 
        après l'accession de son pays à l'indépendance, suivi 
        de deux récits, "Daw el-Beyt" et "Meryoud", 
        réunis sous le titre de Bandarchâh. 
        Tous ont pour décor le même village, Wad Hâmid, entre 
        Nil et désert, et habité par les mêmes personnages. 
        Mais temporalités et genres littéraires diffèrent.
        
        - Les 
        noces de Zeyn et autres récits, trad. Anne Wade Minkowski, 
        Actes sud, 2013.
        - Bandarchâh, 
        trad. Anne Wade Minkowski, Sindbad, 1995 ; rééd. Actes Sud, 
        2022.
        - Le Migrateur, traduction partielle en français de Fady 
        Noun, préface de Jacques Berque, La Bibliothèque arabe, 
        coll. "Littératures", Sindbad, 1972 ; rééd. 
        avec une traduction intégrale de Abdelwahab Meddeb et Fady Noun 
        et un nouveau 
        titre, Sindbad, La Bibliothèque arabe, coll. "Littératures", 
        1983 ; rééd. Actes Sud, coll. "Babel", 1996 
        : Saison 
        de la migration vers le Nord.
 Le roman Saison de la migration vers le Nord : publication et traduction
Tayeb Salih publie dabord son récit en plusieurs 
        épisodes dans le magazine libanais Hiwâr en 1966. 
        
        Rapidement remarqué par la maison dédition arabophone 
        Dar Al-Awdah, le roman sort la même année sous le titre 
        Mawsim al-hijra ilâ ash-shamâl (Saison de la migration 
        vers le Nord). Le livre connaît un succès immédiat 
        et sera traduit dans de nombreuses langues.
        Plus tard, il sera interdit au Soudan dans les années 1990, en 
        raison de son contenu en partie sexuel et malgré le fait qu'il 
        lui ait valu une renommée internationale. 
        L'académie 
        arabe de Damas l'a désigné en 2001 "roman arabe 
        le plus important du XXe siècle". 
        
        Il est traduit en anglais un an après sa publication en arabe, 
        par celui qui sera un grand traducteur de l'arabe, Denys Johnson-Davies 
        (Season of Migration to the North). Johnson-Davies, d'abord collègue 
        de Tayeb Salih à la BBC, entreprit ainsi les premières traductions 
        de ses textes. 
        Le roman est traduit en 
        français trois ans après sa publication, par Fady Noun en 
        1972, sous le titre Le migrateur.
        Le livre est précédé d'une 
        préface de Jacques Berque (voir =>ici). 
        Jacques Berque (1910-1995) est un sociologue et anthropologue orientaliste 
        français, titulaire de la chaire d'histoire sociale de l'Islam 
        contemporain au Collège de France de 1956 à 1981, et membre 
        de l'Académie de langue arabe du Caire à partir de 1989. 
        Il est l'auteur de nombreuses traductions, dont celle du Coran.
        Cette caution inspire confiance. Hélas, un 
        article récent met les pieds dans le plat... :
"La première version traduite en français, de Fady Noun, offre au lecteur français une vision complètement édulcorée de limaginaire oriental sur lOccident, gommant presque systématiquement les critiques de lorientalisme qui rythment le texte arabe. Mais la seconde version, dAbdelwahab Meddeb, rétablit les passages coupés et permet de se rendre compte du rôle important jouée par la fiction arabe dans la déconstruction du savoir orientaliste" (Ridha Boulaâbi, "De Tayeb Salih à Abdelwahab Meddeb : Saison de la migration vers le Nord ou vers lorientalisme ?", Recherches & Travaux, n° 95, 2019).
L'article mérite la lecture car il donne des exemples 
        édifiants, choquants même.
        
Pour ce qui est de la traduction des uvres en anglais, Johnson-Davies se fixe des règles que peu de traducteurs de la littérature arabe semblent respecter. Le traducteur doit dabord préserver lintégralité du texte choisi, cest-à-dire éviter les changements et les omissions pouvant affecter sa nature (voir l'hommage "Denys Johnson-Davies : figure de la traduction de la littérature arabe", Mustapha Ettobi, revue TTR : Traduction, Terminologie, Rédaction, vol. 19, n°1, 1er semestre 2006).
Le traducteur en français aurait gagné à l'imiter : Fady Noun, né à Beyrouth en 1946, a fait des études de sociologie à Paris. Il est journaliste depuis 1980 à L'Orient-Le Jour, le grand quotidien francophone du Liban, et auteur de recueils de poésie.
Lorsquen 1983, les éditions Sindbad décident de publier une nouvelle traduction du roman soudanais en la confiant à Abdelwahab Meddeb, écrivain et essayiste, celui-ci, sans faire table rase de la version de Fady Noun, décide dêtre plus proche du texte source. Il justifie ce travail de remaniement dès louverture du livre, de la manière suivante :
Sindbad a publié ce roman en 1972, sous le titre Le Migrateur. Cette première traduction, de Fady Noun, nétait pas intégrale. Jai donc transmis lampleur et lintégralité du texte original. Mon souci étant de rester fidèle à lenchaînement et à la temporalité du texte arabe, cest-à-dire à son rythme, sa musicalité. Le roman est rendu à son titre littéral : Saison de la migration vers le Nord. Le texte arabe utilisé pour ce travail a été publié à Tunis, en 1978, par Sud Éditions.
- "Tayeb Salih, écrivain soudanais", Robert Solé, Le Monde, 25 février 2009.
- "Adieu à Tayeb Saleh", Tirthankar Chanda, Jeune Afrique, 29 février 2009.
- "Saison de la migration vers le Nord de Tayeb Salih", Littérature classique africaine, Tirthankar Chanda, RFI, 26 avril, 2020, 4 min.
- "Saison de la migration vers le nord de Tayeb Salih : quel est lun des plus grands romans du Soudan ?", Géraldine Mosna-Savoye, Sans oser le demander, France Culture, 29 juin 2023, 58 min.
- (Pour les mordus de Marguerite) "Le 
        thème de létranger chez Marguerite Duras et Tayeb 
        Salih : quelques aperçus", Mattias Aronsson, Presses universitaires 
        de Rennes, 2013.
        
        - (Un autre article prise de tête) "De 
        l'exil géographique à l'exil identitaire ou l'impossible 
        reterritorialisation dans Saison de migration vers le Nord", 
        Mohamed-Racim Boughrara, Carnets, 2017.
- Un hommage à Salih Tayeb est organisé en 2013 à l'Institut du monde arabe, sous forme d'interventions successives de personnalités ou spécialistes (voir le programme), visibles =>ici, vidéo, 1h 41 ; il faut prendre le temps, en raison des salamalecs... ; mais l'ambiance vaut le détour.
- Peau noire, masques blancs, Frantz Fanon, Seuil, 1952 ; rééd. Points Essais, 2015.
- L'essai qui fait autorité dans le domaine : L'Orientalisme : l'Orient créé par l'Occident d'Edward W. Said, Seuil, 2005 ; rééd. Points Essais, 2015.
- Marcella Rubino, une des rares universitaires en France avec Zaïneb Ben Lagha à intervenir sur Tayeb Salih (France Culture, Institut du monde arabe), réalise, dans le cadre d'une mission de terrain en 2022, un état des lieux des espaces littéraires à Khartoum.
- 
        D'où venait notre idée d'un livre soudanais ?
        D'Etienne qui nous a en avril dernier fait de la pub pour une ouverture 
        soudanaise que lui a inspirée un article du Monde 
        indiquant que "vue 
        de létranger, la littérature soudanaise arabophone 
        sest longtemps résumée au nom de Tayeb Salih (1929-2009) 
        et à son chef-duvre Saison 
        de la migration vers le nord" 
        (1966). L'article se centrait sur un auteur plus jeune et très 
        primé, Abdelaziz Baraka Sakin (né en 1963), auteur du Messie 
        du Darfour, Les 
        Jango et La 
        Princesse de Zanzibar (tous chez Zulma).
        Nous 
        avions aussi 
        remarqué 
        que le livre que nous avons choisi notre livre figurait dans la Bibliothèque 
        idéale de Pivot. 
        
 - Leila Aboulela est un autre nom de la littérature 
        au Soudan. Rapide portrait : sa grand-mère a étudié 
        la médecine dans les années 1940 ; de mère égyptienne 
        professeure d'université et de père soudanais, Leila Aboulela 
        est née en Égypte et grandit à Khartoum. Elle fait 
        des études d'économie à l'Université de Khartoum, 
        puis en Angleterre comme Salih Tayeb, où elle obtient un doctorat 
        en statistique. Elle vit plusieurs années en Écosse, puis 
        au Qatar.
        Son uvre reflète en partie cette vie entre l'Europe et les 
        pays arabes : par exemple, le roman Le Musée décrit 
        les abîmes séparant deux étudiants, l'une soudanaise, 
        l'autre écossais. Le Minaret est consacré à 
        une femme soudanaise d'origine aristocratique contrainte à l'exil 
        en Grande-Bretagne à la suite d'un coup dÉtat.
        Publications traduites en français :
        - La Traductrice, 
        trad. de l'anglais Christian Surber & Nida, éd. Zoé, 
        2003.
        - Le Musée, 
        trad. de l'anglais Christian Surber, éd. Zoé, 2004.
        - Le 
        Minaret, trad. Aline Azoulay, Flammarion, 2006.
Le nouveau groupe parisien a lu ce livre pour le 6 septembre.
|  
               Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme 
                au rejet : 
             | 
          ||||
|         | 
          ||||
|  
               à 
                la folie 
            grand ouvert  | 
             
               beaucoup 
            ¾ ouvert  | 
             
               moyennement 
                 
            à moitié  | 
             
               un 
                peu 
            ouvert ¼  | 
             
               pas 
                du tout 
            fermé !  | 
          
 
 
    Nous écrire
    Accueil | Membres 
    | Calendrier | Nos 
    avis | Rencontres | Sorties 
    | Liens