|
|
Macmillan,
1922
|
|
The
Life and Death of Harriett Frean,
rééd. Penguin Books, Virago Modern Classics, 1986
|
|
Des
couvertures particulières :
|
Il
y a eu plusieurs éditions : celle-ci reproduit le portrait
de Natalie Clifford Barney par Romaine Brooks de 1920 qui se trouve
au musée Carnavalet. Nous connaissons
bien entendu la célèbre Natalie... voir notre lecture
récente ici |
Portrait
de Catherine Chase Shapley, par John Singer Sargent, 1870, musée
d'art Worcester (Massachusetts).
Qui est donc Katherine Chase Pratt (1875-1942) ?
Une sacrée nana aussi, qui eut des aventures en Chine... voir ici |
Quatrième
de couverture de la dernière édition française
: Bébé, Harriett était déjà
adorable. Puis, de charmante enfant, elle est devenue une ravissante
jeune femme. Quoi de plus normal, puisque Harriett est la fille
de Mr. et Mrs. Hilton Frean, un couple qui se distingue par son
élégance et sa moralité irréprochable.
Au fur et à mesure que les années passent et se ressemblent,
Harriett se laisse bercer par la douce torpeur de son foyer, entourée
de ses deux parents adorés, image idyllique dune famille
parfaite.
Mais un jour, Harriett se retrouve face à un choix dont les
conséquences pourraient bien finir par ébranler ses
certitudes. Derrière le rôle de petite fille modèle
quelle a jusquici docilement endossé se cache
peut-être une réalité moins séduisante.
Avec une ironie douce-amère, May Sinclair brosse le portrait
implacable dune Angleterre victorienne et bourgeoise, au conservatisme
délétère, particulièrement impitoyable
pour les femmes de son époque.
Écrivaine et suffragette, May Sinclair (1863-1946) est lautrice
dune uvre romanesque considérable.
|
Qui
était Mary Sinclair (1863 - 1946) |
Autant
les traductions de ses nombreuses publications anglaises sont peu nombreuses,
autant des présentations variées sont accessibles :
-
La présentation en quelques lignes sur le site
de l'éditeur du livre :
Née
à Rock Ferry, dans le nord-ouest de lAngleterre, May Sinclair
(1863-1946) est lautrice dune vingtaine de romans, de six
recueils de nouvelles et trois de poésie. Elle fut aussi critique
littéraire et écrivit notamment sur Platon, Descartes et
les surs Brontë. Mais Sinclair fut également une figure
féministe importante de son époque : suffragette, elle signa
le pamphlet Feminism, dans lequel elle prit fait et cause pour
le vote des femmes. Un engagement militant et intellectuel, qui transparaît
dans bon nombre de ses romans, qui dissèquent avec précision
les différentes trajectoires des femmes de son époque.
- Une
notice biographique rédigée en 1907-1908 par elle-même
pour son éditeur, Otto Kyllman, qui donne bien le ton de l'écrivaine
:
Mais
on ne sait finalement pas grand-chose de cet animal au demeurant curieux
et intéressant. [
] Elle a pour habitude de se terrer en
matinée, loin de toute agitation, dans un studio par exemple
où elle sapplique avec une rage ridicule à construire
et entasser des manuscrits afin de subvenir
à ses besoins et se protéger. [
] Lorsque le climat
est propice, elle va jusquà produire un ouvrage tous les
trois ans. Durant sa prime jeunesse, elle est capable dingurgiter
de la métaphysique en quantité prodigieuse.
- La notice du Dictionnaire
universel des créatrices, dir. Béatrice Didier, Antoinette
Fouque, Mireille Calle-Gruber, éd. des femmes- Antoinette Fouque,
2013, notice signée Michel Remy :
Mary Amelia
SAINT-CLAIR, dite May SINCLAIR [Rock Ferry, Cheshire 1863 - Aylesbury
1946] - Écrivaine britannique.
Née dans une famille religieuse, d'une mère très
pratiquante et autoritaire et d'un père propriétaire de
bateaux mais qui, ayant perdu sa fortune, sombra dans l'alcoolisme,
May Sinclair fréquente le Cheltenham Ladies' College pendant
un an. Elle doit ensuite s'occuper de ses cinq frères, tous atteints
d'une maladie cardiaque congénitale. À partir de 1896,
elle commence à écrire afin de subvenir aux besoins de
la famille, d'abord de la poésie philosophique, puis un roman,
Audrey Craven (1897).
Vers 1913, elle s'intéresse à la psychanalyse, qu'elle
utilise dans ses romans. Volontaire pour uvrer sur le front des
Flandres pendant la Première Guerre mondiale, elle est atteinte
d'un syndrome commotionnel. Dans ses premiers livres, elle traite de
la situation des femmes et du mariage, des bouleversements du début
du xxc siècle et, dans des essais philosophiques, de l'idéalisme
allemand. Dès 1915, cependant, épousant les crises et
contradictions de cette période, elle s'intéresse à
l'imagisme d'Ezra Pound, Hilda
Doolittle* et Richard Aldington, et elle écrit plusieurs
articles sur la poésie de T.S. Eliot et Dorothy
Richardson* - inventant à cette occasion l'expression "courant
de conscience". Ses romans portent alors tous la trace de l'écriture
moderniste, comme dans son roman autobiographique Mary Olivier, une
vie (1919) où elle expérimente de nouvelles formes narratives.
Toute son uvre témoigne d'une grande indépendance
intellectuelle et d'un refus radical de tout conformisme.
-
La page wikipédia
présente le parcours et les nombreuses publications de May Sinclair.
- La présentation
de May Sinclair par Ursula de Young sur
son site ici.
-
La présentation en anglais sur le site de Society
May Sinclair.
Ces photos figurent dans ses uvres
complètes.
La ville, Rock Ferry en 1895, où elle est née en 1863
:
Elle avait 32 ans quand cette photo a été prise en 1895.
En
1908 :
Cette photographie surprenante figure dans The
World's Work,
volume XI, 1905-1906, New York, Doubleday Page & Company
Mai
2010 : May Sinclair entre dans la boutique Women's Social and Political
Union de Kensington (photo extraite de The
Women's Library collection)
Elle
porte ici une affiche :
Partisan du mouvement pour le droit de vote des femmes, May Sinclair
était membre de l'Union sociale et politique des femmes
(WSPU : Women's Social and Political Union)
En
1922 (on ne connaît pas le nom du minet) :
Textes
de May Sinclair traduits en français |
Romans
- L'Immortel Moment, trad. Clément Mottot, éd. Taillandier,
1913
- Un romanesque,
trad. Marc Logé, Plon-Nourrit, 1922
- Les trois surs,
trad. Marc Logé, éd. A. Redier, 1932 ; rééd.
Les
trois surs, trad. Mary-Cécile Logé, préface
Olivier Philipponnat, Le Livre de poche, coll. Classiques d'hier et d'aujourd'hui,
2019
- Mary Oliver
: une vie en ligne sur Gallica, trad. et introduction Marc Logé,
Nouvelles éditions latines, 1949
- Vie
et mort de Harriet Frean, Flammarion, 1982 ; rééd.
Vie et mort de Harriett Frean, trad. et préface Diane
de Margerie, Cambourakis poche, 2023
- La
Véritable Histoire de Tasker Jevons suivi
de Monsieur Waddington de Wyck, trad. Leslie de Bont, Classiques
Garnier, 2023.
Nouvelles
- Là ou leur feu ne s'éteint pas (1922, Where Their
Fire Is not Quenched), trad. Éric Jourdan, in Entre
chien et loup : anthologie de la peur,
Maren Sell & Cie, 1986 ; in Anthologie de la peur : entre
chien et loup, Le Seuil, Points, 1989
- La Villa désirée (1921, The Villa Désirée),
trad. Jean-Daniel
Brèque, in Nouvelles
histoires de fantômes anglais,
Gallimard, 1939 ; in Le Coche fantôme - Histoires de fantômes
anglais, Folio Junior, 1981 ; in 22 histoires de sexe et d'horreur,
Albin Michel, 1993
- Rosamund (1923, The Nature of the Evidence), trad. Thierry Sandalijan,
in 21
nouvelles histoires de sexe et d'horreur, Albin Michel, 1998.
- L'Intercesseur (1911, The Intercessor), trad. Owen Cox, La
Porte ouverte : histoires de fantômes d'enfants, Losfeld,
2000.
- La Victime (1922, The Victim), trad. Jean-Louis Corpron, in Le
Visage Vert n° 29, 2017.
- Si les morts savaient (1923, If the Dead Knew), trad. Elvire Arnold,
in Le
Novelliste n° 3, 2018.
La première traductrice
: un homme ou une femme ? Marc Logé, qui a traduit trois romans
de May Sinclair à partir de 1922, est le pseudonyme de Mary Cécile
Logé (1887-1949). Son père, Henri Edouard Logé (1854-1912),
était compositeur de musique et pianiste belge, et sa mère,
Mary Ennis Woodruff, d'origine américaine.
Elle est née à Londres en 1887 et meurt à Barbizon
en 1949 (voir un
article sur sa tombe disparue puis retrouvée...)
Britannique à la naissance, elle acquerra également la nationalité
française par son mariage en 1911 avec Henri
Verne, qui deviendra directeur des Musées nationaux et du Musée
du Louvre. Elle divorce, à peine cinq années après
son mariage.
Elle a vécu dans le quartier des Batignolles à Paris 17e
et à Barbizon en Île-de-France.
Elle est traductrice d'auteurs anglo-saxons sous le nom de Marc Logé
: Agatha Christie, Nathaniel
Hawthorne, Lafcadio
Hearn.
La
traductrice du livre que nous lisons, Diane
de Margerie, est née en 1927. Son père était
le neveu de l'écrivain Edmond Rostand, sa mère était
amie de l'écrivain autrichien Rainer Maria Rilke. Elle épouse
d'abord le prince Ricardo Pignatelli della Leonessa (1927-1985), puis
en 1961 l'écrivain Dominique
Fernandez, qui fera son coming out ; le couple aura deux enfants avant
de divorcer en 1971.
Romancière, critique littéraire, nouvelliste, biographe,
traductrice, Diane de Margerie est l'auteur d'une uvre diverse,
membre de prix (Femina). Elle a vécu en Chine et en Italie. Elle
a traduit Le
Temps de l'innocence d'Edith Wharton, que nous avions lu avec
Lirelles, et est auteure d'une biographie de celle ci- : Edith
Wharton : lectures d'une vie, Flammarion, 1999 et Aurore
et George (sur George Sand), Albin Michel, , 2004. Voir ici
la liste de ses publications.
Elle reçoit la légion d'honneur en 2015, avec un discours
de François Cheng (vidéo
ici).
Parmi les nombreux traducteurs
de ses nouvelles, Éric
Jourdan se distingue... : il est adopté à l'âge
adulte par l'écrivain américain Julien
Green, homosexuel, et collabore à son uvre sous les noms
de Didier Mesnil et Giovanni Lucera. Il vit au domicile de son père
adoptif rue Vaneau à Paris, jusqu'à la mort de ce dernier
en 1998. Il crée une vive polémique en 2011 en tentant de
vendre aux enchères lessentiel des manuscrits de son père
adoptif ; on craint alors une dispersion irrémédiable de
ce fonds unique, finalement sauvé et déposé à
la BNF après sa mort. Il est inhumé à côté
de son père adoptif, dans la chapelle
de la Vierge de l'église Saint-Egid de Klagenfurt en Autriche,
en 2015.
Leslie
de Bont LA spécialiste
Elle est auteure du seul livre consacré en français à
May Sinclair et facilite l'accès à son uvre. Elle
exerce actuellement à l'Université
de Nantes.
- L'article très
vivant de Vincent Giroud, "May
Sinclair, figure méconnue de la modernité littéraire",
Nonfiction, 16 juin 2019, nous évite de lire tout l'essai
: Le modernisme singulier
de May Sinclair, Leslie de Bont, Presses de la Sorbonne Nouvelle,
2019, publié à la suite à la thèse
de Leslie de Bont : "Like anecdotes from a case-book" : dialogues
entre discours théoriques et représentations du singulier
dans les romans de May Sinclair,
thèse soutenue en 2015, ainsi résumée :
À l'image
des cas exposés par Freud, les romans de May Sinclair sont des
objets déconcertants. Souvent qualifiés de textes hybrides
qui se tiendraient à mi-chemin entre les écritures victoriennes
et modernistes, ils se distinguent également par la place qu'occupent
les discours théoriques, incitant les critiques à s'interroger
sur leur statut d'uvre. Esprit curieux au parcours singulier,
May Sinclair est en effet également une essayiste prolifique,
dont les publications sur le vote féminin et la condition des
femmes, les articles de psychologie et de psychanalyse (issus de son
implication auprès de la pionnière Medico-Psychological
Clinic), les critiques littéraires ou les développements
sur le néo-idéalisme sont en effet en dialogue constant
avec ses écrits de fiction. Ceux-ci ne sont jamais pour autant
des romans à thèses. Bien au contraire, la prose sinclairienne
s'attache systématiquement à remettre en question le cadre
de référence, à prolonger le questionnement ou
à affiner l'analyse, et propose ainsi un contrepoint intéressant
aux modèles woolfiens de représentation du féminin.
Afin de saisir ce qui fonde la démarche sinclairienne et de la
situer dans son contexte intellectuel et artistique immédiat,
ce travail propose une étude du dialogue intertextuel transdisciplinaire
entre les différents travaux décriture Sinclair.
Il sagit plus précisément de montrer comment la
pensée par cas et la pratique de létude de cas,
telle quelle était pratiquée par Freud au tournant
du XXe siècle, vient influencer la fiction sinclairienne, placée
sous le signe dune négociation singulière entre
lénigme et le modèle, entre labstrait et linconnu.
(Afin de saisir ce qui fonde la démarche sinclairienne et de
la situer dans son contexte intellectuel et artistique immédiat,
ce travail propose une étude du dialogue intertextuel transdisciplinaire
entre les différents travaux décriture Sinclair.
Il sagit plus précisément de montrer comment la
pensée par cas et la pratique de létude de cas,
telle quelle était pratiquée par Freud au tournant
du XXe siècle, vient influencer la fiction sinclairienne, placée
sous le signe dune négociation singulière entre
lénigme et le modèle, entre labstrait et linconnu.
- Le livre sur May
Sinclair est présenté également dans cet article
de Florence Marie, "DE
BONT Leslie, Le modernisme singulier de May Sinclair", Études
britanniques contemporaines, n° 60, 2021 ; ou encore celui de
Christine Reynier, "Leslie
de Bont, Le modernisme singulier de May Sinclair", e-Rea,
2020.
-
L'introduction par Leslie de Bont à La
Véritable Histoire de Tasker Jevons suivi
de Monsieur Waddington de Wyck, Classiques Garnier, 2023 (2€
en ligne)
- "Les
femmes et la 1ère guerre mondiale : May Sinclair, journaliste,
engagée, volontaire"?, Leslie de Bont, TV5 Monde,
30 décembre 2014 : contrairement à nombre d'intellectuels
enclins au pacifisme, elle soutint, dès les premiers jours du conflit,
l'effort de guerre britannique.
Autres
articles
Très peu d'articles dans la presse "grand public" récents
sont disponibles, car May Sinclair est oubliée. Les premières
traductions avant-guerre ont eu alors des échos très positifs.
- "Vie et mort de Harriet
Frean de May Sinclair", Le Quotidien de Paris, 3 mai
1983
- "L'impitoyable miroir
de May Sinclair", Bernard Géniès, Le Monde,
28 janvier 1983
- "L'expérience
de la modernité", Le Magazine littéraire,
n°476, juin 2008, dossier "Les romancières anglaises :
dans cet article, Catherine
Bernard met en regard plusieurs autrices anglaises que nous avons
lues avec Lirelles : Virginia Woolf, Katherine Mansfîeld, Jean Rhys...
- Un article de Leslie
de Bont présente et analyse le roman de May Sinclair non traduit
The Creators (1910) qui semble fort intéressant car il :
"donne
à voir le parcours de Jane Holland, romancière à
succès, et dun cénacle de personnages dartistes,
masculins et féminins. Dans le roman, la création artistique
au féminin implique systématiquement une transgression
des normes sociales, sexuelles, statistiques ou médicales. Cependant,
le texte représente léventail des réactions
atypiques des personnages dartistes féminines, confrontées
à la conflictuelle dialectique de lart et des normes sociales
: à la très moderne tentative de conciliation entre vie
familiale et vie professionnelle de Jane Holland soppose landrogynie
radicale de Nina Lempriere, impliquant sur une relation inédite
à la notion de norme, au temps et à la nature."
("I was the only one
of the family who wasn't quite sane " : être femme, épouse,
mère et artiste dans The Creators (1910) de May Sinclair",
Cahiers victoriens et édouardiens, printemps 2014).
-
On constatera que Jonathan Coe est mis contribution avec ce bandeau qui
l'entoure : "Un parfait petit joyau". Pourquoi et d'où
vient cet éloge ?
D'un article de fond remarquable, "My
literary love affair", The Guardian, 6 octobre 2007 où
Jonathan Coe valorisent les autrices, et notamment May Sinclair, publiée
dans la collection "Modern Classics" de Virago, collection qui
l'amène, étudiant, à s'interroger :
"Modern
Classics" : voilà l'expression qui m'a laissé
perplexe. "Les classiques modernes de Virago." Il y
avait là quelque chose de très étrange. Je savais
ce qu'était un classique. Je savais ce qu'était un classique
moderne. Je savais même qui étaient les auteurs des classiques
modernes : James Joyce, bien sûr, et Virginia Woolf, et Evelyn
Waugh, et tous ces autres noms familiers. Mais qui donc étaient
ces gens ? Dorothy
Richardson, FM
Mayor, May Sinclair, Rosamond
Lehmann... Je ne pouvais voir que deux choses que ces mystérieux
écrivains avaient en commun. C'étaient toutes des femmes,
et je n'avais jamais entendu parler d'aucune d'entre elles. (...)
Qui, était
par exemple, May Sinclair, qui avait écrit
avec une telle perspicacité sur Pilgrimage
alors que cette série n'en était encore qu'à
ses balbutiements ?
Je
l'ai découvert assez tôt, lorsque j'ai acheté l'édition
Virago du roman de Sinclair de 1922 Life and Death of Harriett Frean.
Ce parfait petit bijou de livre pourrait
presque être considéré comme l'antidote au Pilgrimage.
(Et de fait, je suis enclin à me demander si Sinclair a en partie
décidé de l'écrire pour cette raison - et si sa
description du projet de Richardson comme ressemblant simplement à
"la vie qui continue et continue" était destinée
à être un éloge sans réserve.) Il ne fait
que 159 pages (avec beaucoup de pages blanches entre les chapitres),
mais en aussi peu de temps, il parvient à retracer tout l'arc
de la vie de son héroïne de la naissance à la mort,
en retenant dans son enfance - caractérisée par une
dévotion mièvre envers ses parents - son rejet désastreux
du seul homme qui l'a aimée, la faillite de son père et
la maladie qui s'en est suivie, et sa propre descente dans une vieillesse
de plus en plus vaine et bercée d'illusions. Le narrateur regarde
sans ménagement la dégénérescence morale
d'une femme alors que son cur se durcit dans une amertume protectrice,
mais cela n'en fait pas, en soi, un roman amer. Ce qui donne au livre
sa force tragique, c'est la réserve de compassion de l'auteur
que nous pouvons sentir dans les intervalles entre chaque épisode
fragmentaire et chaque phrase laconique et elliptique.
Pour cette raison, c'est un livre profondément douloureux à
lire. Les scènes qui suscitent tout particulièrement le
malaise sont celles mettant en scène la meilleure amie de Harriett,
Priscilla, alors qu'elle succombe à la paralysie et devient de
plus en plus dépendante des soins de son mari Robin (le même
homme qui a demandé Harriett en mariage et qu'elle a rejeté)
:
À
neuf heures, il la leva de sa chaise. Harriett le vit se pencher ; elle
vit la puissance ramassée et tendue de son dos, tandis qu'il
la soulevait. Prissie pendait dans ses bras, comme disloquée,
les membres inertes, telle une poupée. Alors qu'il la portait
en haut pour la coucher, son visage s'illumina d'une étrange
lueur de jouissance triomphale.
L'économie
impitoyable de ce passage est typique du remarquable roman de Sinclair.
Son esthétique était l'inverse absolue de celle de Richardson
: là où Richardson déversait des centaines de milliers
de mots dans une tentative radicale, brillante, mais finalement vouée
à l'échec, de reproduire l'expérience féminine
vécue de manière aussi exacte que possible, Sinclair a
montré que le véritable pouvoir romanesque réside
généralement dans la volonté de l'auteur de sélectionner,
de réduire et d'omettre. Certaines des phrases les plus émouvantes
de Life and Death of Harriett Frean sont aussi les plus insipides
- celles qui nous rappellent, dans un langage simple, l'effrayant et
implacable passage du temps :
"Deux,
trois, cinq ans passèrent à une vitesse accrue et perceptible.
Soudain Harriett avait trente ans."
"Les mois passèrent, puis les années, chacune
d'elle s'enfuyant un peu plus vite que la précédente.
Tout à coup, Harriett eut trente-neuf ans."
"Les années passèrent. Elles passèrent avec
une rapidité incroyable. À présent, Harriett avait
cinquante ans."
Il
n'y a aucune tentative ici, comme dans la série de Richardson,
d'élaborer une prose uniquement féminine. Si les lectures
de romans ont tendance à se diviser selon le genre (et je crois
que c'est le cas, indiscutablement, même s'il y aura toujours
de fréquentes exceptions), il est facile d'imaginer que Life
and Death of Harriett Frean offrirait une expérience de lecture
plus facile pour les hommes que ne le fait Pilgrimage. Si quelque
chose va dissuader les lecteurs modernes du roman, ce sont ses hypothèses
de classe. Harriett Frean grandit dans une famille prospère dont
les privilèges vont de soi : les domestiques sont omniprésents,
les bébés sont gardés par la "Nurse",
la maison familiale dispose d'un jardin clos avec une belle pelouse,
une véranda verdoyante, des cèdres et un verger.
Afin de pouvoir prendre
connaissance de l'ensemble de l'article, le voici entièrement traduit :
"Mon histoire d'amour
littéraire".
La
May Sinclair Society
La May
Sinclair Society a été fondée en 2013 :
- son site : https://maysinclairsociety.com/may-sinclair-and-psychology/
- sur facebook : https://www.facebook.com/maysinclairsociety
- sur Twitter :
https://twitter.com/MaySinclair
Textes
publiés par May Sinclair par genre |
Leur nombre est considérable
:
- 21 romans (dont 4 romans de guerre)
- près de 40 nouvelles, fantastiques et réalistes
- 3 recueils de poèmes
- diverses pièces de théâtre
- 4 traductions
- des dizaines de textes d'essais critiques, philosophiques ou psychanalytiques.
Les
uvres complètes sont disponibles
en anglais : Complete
works, Delphi Classic, 2021, et contiennent :
Les
romans
- Audrey Craven (1897)
- Mr and Mrs Nevill Tyson (1898)
- The Divine Fire (1904)
- The Helpmate (1907)
- The Immortal Moment (1908)
- The Creators (1910)
- The Flaw in the Crystal (1912)
- The Combined Maze (1913)
- The Three Sisters (1914)
- The Belfry (1916)
- The Tree of Heaven (1917)
- Mary Olivier (1919)
- The Romantic (1920)
- Mr. Waddington of Wyck (1921)
- Life and Death of Harriett Frean (1922)
- Anne Severn and the Fieldings (1922)
- A Cure of Souls (1924)
- Arnold Waterlow (1924)
- The Rector of Wyck (1925)
- Far End (1926)
- The Allinghams (1927)
- History of Anthony Waring (1927)
Les
romans courts
- Two Sides of a Question (1901)
- The Judgment of Eve (1907)
- The Return of the Prodigal (1914)
- Uncanny Stories (1923)
- Tales Told by Simpson (1930)
- The Intercessor and Other Stories (1931)
Les
nouvelles
- List of Short Stories in Chronological Order
- List of Short Stories in Alphabetical Order
Les
recueils de poèmes
- Nakiketas and Other Poems (1886)
- Essays in Verse (1892)
- The Dark Night (1924)
La
non fiction
- The Three Brontës (1912)
- Feminism (1912)
- A Journal of Impressions in Belgium (1915).
Textes
publiés par May Sinclair liés aux événements
biographiques |
En cliquant sur les
titres en anglais, vous pouvez accéder aux textes intégraux
en ligne.
- Née
en 1863 à Rock Ferry, Cheshire (Nord-Ouest de lAngleterre)
- 1881-1882 : études au Cheltenham Ladies College, découvre
lidéalisme ; rencontre de Dorothea
Beale qui dirige l'établissement : elle a une influence importante
dans l'éducation des filles en Angleterre ; pionnière du
mouvement suffragiste et fondatrice du St Hilda's College d'Oxford (pour
femmes). elle encourage May Sinclair dans sa vocation décrivain
et son intérêt pour la pensée philosophique
Mort de son père
- 1886 : Nakiketas and other poems (sous le pseudonyme de Julian
Sinclair)
- 1892 : Essays in Verse
- 1896 : emménage à Londres
- 1897 : Audrey Craven
(premier roman)
- 1898 : The Tyson:
Mr. and Mrs. Nevill Tyson
- 1901 : Two Sides of a Question mort de sa mère
- 1904 : The Divine
Fire, une critique de l'industrie de la librairie, fut son premier
grand succès, établissant sa réputation non seulement
en Grande-Bretagne, mais en Amérique, où c'était
un best-seller. Comme beaucoup de ses romans, il traite de la vie émotionnelle
et psychologique des artistes.
- 1905 : succès et tournée promotionnelle aux États-Unis
Rencontre Ralph Waldo Emerson, Charles Eliot Norton, Annie Fields,
Sarah Orne Jewett et William James, figure pionnière de la psychologie
scientifique, ainsi que Mark Twain : elle est invitée à
l'anniversaire de ses 70 ans.... :
Maintenant écrivain à succès, elle n'a plus de problèmes
d'argent.
- 1907 : The Helpmate
The Judgment of
Eve
- 1908 : The Immortal
Moment Rejoint les mouvements suffragistes Rencontre
avec Thomas Hardy, Ezra Pound, H. D., Richard Aldington (jeunes poètes
de lavant-garde imagiste) - À son retour en Angleterre, May
Sinclair, fortune faite, sinstalle à Kensington. Thomas Hardy,
rencontré en 1908, lui voue une admiration amicale, doublée
dune passion commune pour le cyclisme, quils pratiquent ensemble
sur les chemins de Cornouailles.
- 1910 : The Creators:
A Comedy
- 1912 : The Three
Brontës - Elle rencontre Henry James
- 1913 : The Combined
Maze Fondation de la Medico-Psychological Clinic avec Jessie
Murray et Margaret Turner
- 1914 : The Three
Sisters part 20 jours sur le front belge
- 1915 : A
Journal of Impressions in Belgium
- 1916 : Tasker Jevons: The Real Story Élection à
la Royal Society of Literature
- 1917 : The Tree
of Heaven A Defence of Idealism Élection
à la Aristotelian Society
- 1919 : Mary Olivier:
A Life Sinstalle à Stow-on-the-Wold avec Florence
Bartrop, sa compagne et gouvernante Florence Bartrop
- 1920 : The Romantic
- 1921 : Mr Waddington
of Wyck Apparition probable des premiers signes de la maladie
de Parkinson
- 1922 : The New Idealism Life
and Death of Harriet Frean Anne
Severn and the Fielding
- 1923 : Uncanny Stories
- 1924 : Arnold Waterlow: A Life A Cure of Souls
- 1925 : The Rector of Wyck
- 1926 : Far End
- 1927 : The Allinghams History of Anthony Waring
- 1929 : Fame
- 1930 : Tales Told by Simpson
- 1931 : The Intercessor and Other Stories
Vers
1920, des symptômes de la maladie de Parkinson apparaissent. Elle
fut prise en charge par Florence Bartrop à partir de 1919, jusqu'à
la fin de sa vie en 1946, soit 27 ans, d'abord à Stow-on-the-Wold,
puis à Cornwall (à côté de Dorothy Richardson),
puis à nouveau à Stow, puis dans le Buckinghamshire.
Elle
a acquis une
voiture pour la première fois en 1919 et a continué
à en posséder une jusqu'à sa mort en 1946. May Sinclair
aimait être conduite par son chauffeur, Ernest Williams, et elle,
Florence et Ernest ont fait au moins trois longs voyages dans les années
1930, un autour du Pays de Galles, un autour du Yorkshire et un sur l'île
de Wight. Le plaisir particulier de May Sinclair était de rouler
très vite, car, selon son médecin, les secousses d'une voiture
qui roule la rendait moins consciente des tremblements causés par
sa maladie de Parkinson.
Au moment
du recensement
national de 1939, May Sinclair vivait avec son "Companion &
Housekeeper", Florence Ada Bartrop, 53 ans, et Ernest W. Williams,
"Chauffeur & Mechanic" âgé de 30 ans, à
The Gables, Burcott Lane, Bierton, Buckinghamshire. May Sinclair a eu
peu de contacts avec ses amis pendant cette période. Atteinte de
la maladie de Parkinson dans les dernières années de sa
vie, elle disparaît de la vie publique. Elle vit jusqu'au bout avec
sa compagne et gouvernante Florence Bartrop dans le Buckinghamshire. Harold
Lumley St. Clair Sinclair (son neveu) sera l'un des exécuteurs
testamentaires.
Le premier texte de May Sinclair
est publié sous un pseudonyme masculin
en 1886 : Julian Sinclair, pour Nakiketas and other poems.
La première traductrice
de May Sinclair en français, adoptera un pseudonyme
masculin : Mar Logé.
Deux femmes ont particulièrement
compté dans la vie de May Sinclair :
-
Dorothea Beale qui dirige l'établissement où elle passera
une année : elle a une influence importante dans l'éducation
des filles en Angleterre ; pionnière du mouvement suffragiste et
fondatrice du St Hilda's College d'Oxford (pour femmes). Elle encourage
May Sinclair dans sa vocation décrivain et son intérêt
pour la pensée philosophique
- Florence Bartrop,
sa gouvernante et compagne, avec qui elle vivra jusqu'à sa mort
pendant 27 ans.
Pourquoi donc le portait de
Natalie Clifford Barney figure-t-il sur une des éditions anglaises
de notre livre ? Enquête à mener...
NOS RÉACTIONS sur le livre
Ce 25 juin 2023, 13 lectrices ont réagi à cette découverte
(May Sinclair), chez Rosa
Bonheur Est où nous sommes retrouvées en ce jour de
chaleur :
- en chair et en os (12) : Agnès,
Aurore, Brigitte, Claire, Felina, Joëlle L, Laetitia, Muriel, Nathalie,
Nelly, Patricia, Véronique
- par son avis écrit (1) : Léna
Ne nous ont pas rejointes (8) : Flora, Joëlle M, Lucie, Marie-Claire,
Marion, Sandra, Sophie, Stéphanie.
Les tendances concernant
le livre
|
N'ont pas aimé, banalité et ennui
au rendez-vous (3)
: Joëlle L,
Laetitia,
Nelly.
N'ont pas détesté, n'ont
pas aimé non plus ou plutôt ne peuvent
pas vraiment aimer en raison de la tristesse ressentie, noir c'est
noir (2) : Nathalie,
Véronique
Ont
vraiment beaucoup aimé (8)
:
Agnès, Aurore,
Brigitte, Claire, Felina,
Léna, Muriel, Patricia
Une découverte (de
plus) pour toutes...
La succession des réactions
|
Nelly
Ce livre ne m'a ni intéressée ni plu. Après quelques
pages, j'ai eu l'impression de me retrouver dans une ambiance Comtesse
de Ségur du côté des petites filles obéissantes,
puis d'aborder un semblant de roman de la collection Harlequin. Mais malheureusement
il ne se passe rien dans la vie sentimentale d'Harriett Frean ; et dans
l'évolution de sa psychologie, ni émotion ni réflexion.
"Comment passer à côté de sa vie ?" aurait
pu être son titre alternatif et la conclusion est d'une tristesse
infinie.
Le style est sans relief, à l'image du reste.
On ne peut même pas parler de roman noir, tant c'est ennuyeux.
J'éviterais de le conseiller à quelqu'un ou quelqu'une dans
la déprime.
Bonne séance quand même !
Léna (dont
les réactions sont lues à haute voix)
J'ai été happée par ce roman
dès les premières pages. De l'affection éprouvée
pour l'enfant, je suis passée à la pitié pour l'adolescente
et, les années passant, à l'antipathie puis au mépris.
Pour moi, le tour de force de ce livre a été de faire grandir
en moi un sentiment de malaise sur lequel je n'ai pu mettre le doigt qu'après
avoir refermé le livre.
J'empathisais avec sa condition de femme victorienne, époque dont
le conformisme entravait les moindres faits et gestes et ne laissait que
très peu de place au libre arbitre. Mais je n'ai pas tout de suite
décelé le plaisir d'Harriett à se complaire dans
ce que Diane de Margerie qualifie très justement dans sa préface
de fausse vertu.
Bien que le livre soit très court, sa noirceur m'a marquée,
et même bien après l'avoir fini, il m'en reste quelque chose.
Joëlle L
Je n'aime pas être négative, mais là j'ai du mal à
trouver du positif dans cette lecture.
Quel est l'intérêt de raconter l'histoire d'un personnage
sans intérêt ? À peu près 120 pages pour quoi
? Pour me raconter qu'il a failli se passer quelque chose dans la vie
d'Harriett, mais que finalement il n'arrive rien et qu'elle meurt sans
avoir vécu.
Est-ce qu'elle a une vie intérieure intense ? Des points de vue
personnels intéressants ? Une pensée originale ? Je ne les
ai pas vus. Je n'ai vu qu'un personnage éteint, effacé,
soumis et conformiste.
Au fond, cette Harriet m'a énervée. Je n'ai pas apprécié
l'histoire et je conteste la construction. C'est un récit complètement
chronologique : on prend l'héroïne à ses débuts
dans la vie et on l'accompagne, sans qu'il y ait ces changements de plan,
retours en arrière ou démarrage du récit à
un moment particulier à partir duquel l'histoire va rayonner, en
avançant dans le temps ou en revenant en arrière. Dans une
uvre de fiction, j'aime bien qu'on chahute les moments du récit,
que l'histoire se construise avec un point de vue, un point de départ,
qui n'est pas spécifiquement la naissance, mais plutôt un
moment choisi par l'auteur pour orienter ma lecture. C'est un artifice
qui donne du relief. Ici on est complètement plat. C'est construit
comme des mémoires.
Je me suis demandé si c'était de l'humour, s'il y avait
un second degré que je n'aurais pas vu. Peut-être que j'ai
pris l'histoire au pied de la lettre et qu'il fallait être un peu
plus léger que je ne l'ai été ? Mais rien ne m'invitait
à la légèreté !
Je tiens cependant à préciser que j'ai lu le livre intégralement.
Ce qui n'était pas un gros effort, puisque le livre n'est pas très
long, mais qui était tout de même un bel effort dans la mesure
où je ne suis jamais entrée dans cette histoire que j'ai
trouvée globalement sinistre et d'un ennui mortel.
(À l'issue de la séance)
Après avoir écouté les différents avis, et
notamment ceux qui étaient positifs, je comprends mieux l'intention
de l'autrice, mais je confirme mon rejet !
Claire
C'est tout d'abord un joli petit livre, qui tient agréablement
dans la main, avec ce
bandeau "Un parfait petit joyau." Jonathan Coe
Ce qui m'a vite frappée, c'est la bizarrerie : la petite
fille qui pose une question bizarre avec une réponse bizarre de
la mère, le baiser-endors-moi de la mère et le baiser-réveille-moi
du père, le chemin noir mystérieux avec l'interdiction bravée,
la révélation mystérieuse du secret à l'héroïne
mais pas au lecteur.
Bien ultérieurement, il y a deux passages sur les livres frivoles,
faciles, que lit l'héroïne, définis au contraire du
livre qu'on lit :
"Elle aimait les histoires qui finissaient
bien, dénuées de tout ce qui était difficile,
déplaisant, exigeant. (...) Un roman devait répondre
à ses désirs. Un romancier (elle y pensait avec une
certaine irritation) n'avait pas le droit d'être obscur,
déprimant, d'ajouter une souffrance gratuite à toutes
celles qui existaient déjà." (p.
80) "
Cet homme n'a pas le droit de s'exprimer de façon incompréhensible
pour moi". (p. 103)
Avec cet exemple, on a la preuve que le livre comporte du second
degré (clin d'il à Joëlle).
Je serai longue avec quelques citations pour montrer pour quoi j'ai
aimé le style, la façon de narrer, avec des juxtapositions
brusques :
"Sa véritable amie était Priscilla. Tout
datait de ce troisième trimestre où Priscilla avait
commencé à fréquenter l'école, timide
et malheureuse, fuyant les visages nouveaux. Harriett la fit entrer
dans sa chambre." (p. 28)
J'aime beaucoup ce "la fit entrer dans sa chambre"
sans prévenir.
J'aime comment elle fait sinistrement ou cyniquement
passer le temps :
"Cinquante-cinq ans. Soixante. Dans sa soixante-deuxième
année, Harriett fut malade pour la première fois."
(p. 111)
"Les années passèrent. Soixante-trois, soixante-quatre,
soixante-cinq qans - la monotonie de la durée étant
comme annulée par des gouffres de torpeur ou la rapidité
inhérente au temps. Son esprit était emporté
par l'envol de la durée - une durée vide."
(p. 119)
De même, j'aime comment elle amène
la mort :
"Il n'y avait rien qu'elles puissent faire. Il n'y
aurait plus de répit. Il pouvait mourir n'importe quel
jour, affirma le docteur. Il peut mourir d'une minute à
l'autre. Il ne passera pas la nuit." (p.
65)
Des descriptions ne sont pas banales ; le chapitre 3
s'ouvre ainsi efficacement :
"Connie Hancock était son amie. Elle avait commencé
par être une enfant mince, avec une grande bouche, la tête
lourdement couronnée de cheveux un peu luisants. Elle s'épaississait
à présent, devenant hommasse, ressemblant à
son père. Auprès d'elle, Harriett se sentait longue,
élégante et svelte."
Encore un exemple de ces juxtapositions, qui clôt
un rapide dialogue :
"J'ai peur de ton père et de ta mère, Hatty.
Ils ne m'aimeront pas. Je sens qu'ils ne m'aimeront pas.
- Mais si, ils t'aimeront", la rassurait Harriett.
Et ils l'aimèrent. Ils eurent pitié de cette pauvre
petite chose palpitante et pâle."
(p. 30) Là, la traductrice a ajouté des
allitérations bien envoyées.
Contrairement à Laetitia qui n'a pas apprécié
la rencontre entre l'héroïne (l'anti-héroïne)
et la nièce, j'ai trouvé formidable cette scène
avec la jeune qui lui prouve par a+b et une révélation
qu'elle a tout faux et, comme le souligne Léna, qu'elle est
une fausse vertueuse : pan ! dans les dents de cette orgueilleuse.
J'ai aimé ce retournement de la moralité.
J'ai aimé la perversité des relations - père,
mère compris -, l'aspect malsain du livre, et le tout raconté
avec une froideur jouissive pour moi, un point de vue bien distancié
qui fait le sel de cette histoire l'air de rien. Encore un exemple
de cette froideur :
"Son affection se fixa sur deux points :
Maggie et la maison. La maison et Maggie. La maison faisait partie
d'elle à présent ; elle était un prolongement
de son corps, une coquille protectrice." (p.
117)
Mon
intérêt est resté constant. Et ensuite, j'ai découvert
l'auteure, de surprise en surprise : son parcours, son énorme uvre,
sa vie personnelle.
Le livre a été publié en 1922. Florence Bartrop,
sa gouvernante et compagne à partir de 1919, restera avec elle
jusqu'à la fin de sa vie en 1946, soit pendant 27 ans. Vers 1920,
des symptômes de la maladie de Parkinson apparaissent ; elle la
prend en charge, telle Maggie prend en charge Harriett dans le livre...
Enfin, ce qui m'a bien intéressée, c'est de trouver d'où
était sorti la
phrase bandeau sur le livre de Jonathan Coe "Un parfait petit
joyau" : elle vient d'un long article dans le Guardian,
véritable déclaration d'amour aux autrices : il figure
ci-dessus dans la doc (traduit par Google corrigé par Brigitte).
Je me retrouve dans
ce qu'il dit du narrateur (ou trice) de notre livre qui "regarde
sans ménagement la dégénérescence morale d'une
femme alors que son cur se durcit dans une amertume protectrice,
mais cela n'en fait pas, en soi, un roman amer. Ce qui donne au livre
sa force tragique, c'est la réserve de compassion de l'auteur que
nous pouvons sentir dans les intervalles entre chaque épisode fragmentaire
et chaque phrase laconique et elliptique.
Pour cette raison, c'est un livre profondément douloureux à
lire."
Il évoque aussi le "malaise". Il dit que May Sinclair
montre "que
le véritable pouvoir romanesque réside généralement
dans la volonté de l'auteur de sélectionner, de réduire
et d'omettre" et
qu'ici il s'agit d'une "économie
impitoyable"
: c'est justement ce qui m'a plu.
Laetitia
Je vais commencer par le positif : j'ai découvert
un nom.
J'ai trouvé un peu classique cet univers de la société
victorienne.
L'auteure s'est intéressée à la psychanalyse, ce
qui se ressent à travers les relations des personnages.
J'ai trouvé le livre fade, avec un décalage avec la quatrième
de couverture qui crée une attente. "Mais un jour, Harriett
se retrouve face à un choix dont les conséquences pourraient
bien finir par ébranler ses certitudes."
L'histoire est assez classique, pas très originale.
Le dialogue avec sa nièce qui lui annonce ses fiançailles
p. 88 m'a paru plaqué, du fait du parallélisme avec la situation
du début : "Vous m'avez dit qu'il allait épouser
votre jeune camarade Amy (
) vous n'hésitez pas à fonder
votre bonheur sur le malheur de cette pauvre enfant".
L'héroïne, centrée sur elle-même, n'est pas attachante.
Certes, il y a de l'ironie par rapport au père. Mais c'est pour
moi un roman pas indispensable. Je ne m'y suis pas amusée, je m'y
suis ennuyée. Il n'est heureusement pas long
Felina
J'ai
beaucoup aimé. Moi non plus, je ne connaissais pas l'auteure.
J'aime bien l'époque victorienne. Mais là, on n'est pas
dans un roman standard.
J'ai trouvé l'écriture efficace. Et pour ma part, la quatrième
de couverture a bien fonctionné : quelle erreur fatale a donc bouleversé
sa vie ?... J'ai cherché.
La chronologie est un bon choix pour montrer la vacuité de la vie
de cette femme : on ne raconte pas tout parce que rien ne se passe.
L'analyse de l'inconscient de la protagoniste apparaît à
travers les anecdotes. Ce qui peut sembler superficiel va vraiment en
profondeur.
Le livre nous montre comment, sous des dehors acariâtres - par exemple
- une personne peut être passée à côté
de la vie. Oui, l'histoire est noire.
Quant à la biographie de l'auteure, elle est impressionnante. Sa
dimension féministe éclaire le message fort, contenu en
creux dans le livre : osez vivre ! Osez désobéir !
J'ai trouvé ce livre, toute en subtilité, atypique, créant
un malaise que j'ai bien aimé.
Brigitte
(qui a lu dans la version originale de 1922 rééditée
par Mint Editions en
2021)
Une
vraie joie de lecture.
Pour l'écriture d'abord, d'entrée de jeu, puis pour la manière
neutre et détachée de présenter cette Harriett Frean,
élevée dans la plus belle moralité victorienne par
des parents (apparemment) intègres et bien sous tous rapports,
tellement bien élevée dans cette moralité sans tache
qu'elle en fera le malheur de ses proches.
La construction est tout aussi subtile, dans une superbe boucle cyclique
où la fin ("Maman !") nous ramène aux prémices
qui l'avaient déjà conditionnée.
Nous sommes là à contre-courant des romans de Jane Austen,
par exemple, où l'idéal de la jeune fille est de faire un
beau mariage. Voire de tout faire pour s'en évader quand il est
imposé par les parents.
Ici May Sinclair satirise à plaisir ; aucun des personnages n'est
tel qu'il paraît, mais c'est normal puisqu'ils ne vivent que pour
les apparences.
Et le temps passe, régulièrement noté par un bref
rappel chiffré, il passe imperceptiblement et la vie avec, morne
et sans faille, sans que rien ne change beaucoup dans la vie bien réglée
de Harriet Frean, à peine touchée par la mort du père,
ruiné.
Un petit chef-d'uvre qui arrive par la magie même de sa prose
à tenir en haleine, sans que rien dans la narration ne vienne apporter
de suspense au sens classique du terme. On est juste terriblement mal
à l'aise, ce qui est l'objectif évident de l'auteure. Elle
a gagné. Et sans en avoir l'air, offre un pamphlet féministe
(à l'envers).
Muriel
J'ai bien aimé le livre.
En raison de la situation, de cette histoire d'amour qui met en scène
l'héroïne, sa meilleure amie et l'amoureux de celle-ci : c'est
intéressant qu'il tombe amoureux de la première, ne veuille
plus de la seconde, que l'héroïne Harriett, donc, décide
de ne pas le prendre par loyauté.
Je trouve ça original, et surtout le fait que la morale ne l'emporte
pas. Car elle se croit d'une grande force morale. Et finalement tous les
trois sont malheureux.
C'est bien raconté, c'est prenant et tout à fait vraisemblable
: son conformisme l'a rendue malheureuse.
Véronique
C'est un roman de l'époque victorienne, certes, mais ce qui me
frappe est qu'il pourrait se dérouler aujourd'hui, et ça
c'est intéressant. Elle montre l'état d'esprit qui sévit
pour Harriett : la vénération du père, personne ne
parle, ne communique. Même à l'heure des réseaux sociaux,
on peut retrouver l'équivalent, avec l'importance du paraître.
Elle se croit la plus intelligente.
C'est noir. Je n'ai pas détesté le livre dans la façon
d'analyser, mais ce n'est pas très gai.
C'est bien écrit.
Je ne peux pas dire que je me suis ennuyée. Elle met le doigt oùça
fait mal. J'ai aimé cette analyse de la façon dont vivent
les gens.
Aurore
J'ai beaucoup aimé.
J'ai
ressenti un malaise, une tristesse à passer ainsi à côté
de sa vie.
J'ai aimé la relation avec la mère ; comme rien n'est dit,
la fille ne devine pas le désir de sa mère.
J'ai beaucoup aimé le regard sur Robin, jeune puis plus tard, avec
une nostalgie.
Avec la servante Maggie et son bébé qu'Harriett refuse,
j'ai atteint le comble du malaise...
J'ai aimé le style, avec les courts chapitres.
Agnès
J'ai beaucoup aimé ce livre.
Avec plusieurs plaisirs : celui de la découverte d'une nouvelle
autrice dont je n'avais pas entendu parler pendant mes études de
littérature anglophone, le plaisir de lire en anglais et le plaisir
de l'histoire.
J'ai pensé à une vision idyllique d'Emily Brontë ou
d'Emily Dickinson : on se désole de leur vie recluse, qui au contraire
moi me fascine. Je pensais que Harriett allait avoir ce destin, refusant
celui victorien : j'étais heureuse qu'elle refuse le mariage, pensant
qu'elle allait avoir un autre destin, et peut-être l'écriture
Or pas du tout : c'est le grand manque ; et la fin est d'une grande tristesse.
Je me suis retrouvée au début, en tant que fille unique.
Puis le mur, le danger, les interdits de l'enfance m'ont aussi parlé.
J'ai aimé cette identification dès le départ.
J'ai beaucoup aimé l'écriture, le style.
Et l'autrice porte le plus beau nom du monde : Sinclair...
Patricia
(qui avait pris le risque de nous proposer ce livre...)
J'ai trouvé ce livre par hasard à
Gibert Jeune le jour où j'ai acheté le
livre de Natalie Clifford Barney. Ils étaient côte à
côte. J'ai été attirée car c'était un
joli petit livre avec une belle couverture cartonnée avec inscrit
dessus "Un
parfait petit joyau" de Jonathan Coe, ainsi qu'une critique du
Monde ("May
Sinclair nous tend un miroir impitoyable") et traduit par Diane
de Margerie.
Finalement,
ce fut une double belle découverte, d'abord celle de l'auteure
May Sinclair, qui était avant ce livre totalement méconnue
en France, mais aussi celle de ce roman, très avant-gardiste pour
l'époque (psychanalyse, musée, voyages, etc.).
Sur l'autrice : May Sinclair était une femme moderne et
féministe, suffragette née en 1863. Son époque se
situe entre Jane Austen et Virginia Woolf. Jane Austen est décédée
en 1813. Virginia Woolf est née en 1882. Elle a fait des études
de philosophie mais n'a commencé à écrire qu'à
33 ans après la mort de sa mère. Elle s'intéresse
à la psychanalyse et Freud.
Son roman Vie et mort de Harriett Frean est l'un des derniers
qu'elle a écrits. Elle le considérait comme le plus abouti.
Visiblement, elle s'est inspirée de sa vie sur plusieurs points
(père qui devient alcoolique et plonge sa famille dans des difficultés
matérielles après avoir fait faillite, mère stricte
et religieuse, vie tardive après la mort de sa mère, elle
doit subvenir aux besoins de la famille en écrivant).
Mon avis sur le livre : L'histoire est une sorte d'étude de
cas psychanalytique, c'est aussi une critique de la société
de l'époque. Je trouve que c'est un roman original par la façon
dont il est traité, et d'une grande modernité pour l'époque,
le thème étant universel. Il s'agit d'un roman très
court qui relate la vie d'Harriett Frean, de sa petite enfance jusqu'à
sa mort, de façon très concentrée et très
synthétique, permettant de décrire les mécanismes
psychanalytiques qui conduisent inconsciemment cette femme à la
névrose.
Dans ce roman elle décrit en particulier le tableau clinique des
effets dévastateurs du "surmoi" sur Harriet, dus à
la moralité excessive de son éducation, à la névrose
de sa mère (elle-même due à son éducation et
à son viol), du non-dit sur le viol de sa mère, à
la honte et la culpabilité de ce qu'elle n'a pas fait (c'est son
père qui en est responsable), avec renoncement de ses désirs
et de la jouissance, de ses envies réelles
ce qui provoque
dans un premier temps une dépression, dont elle se guérit
par une haute estime d'elle-même (se croyant parfaite et forte),
puis aigrie, ayant des actes et pensées horribles dont elle n'a
pas conscience, et qui finalement la mènent à une vie solitaire
et sans intérêt, méprisant les autres malgré
le fait qu'elle fait croire qu'elle s'intéresse/aime les gens.
Note Wikipédia : "Le surmoi est l'une des trois instances
de la personnalité (selon Freud), il agit sur le moi comme moyen
de défense contre les pulsions, et se développe à
partir des interdits parentaux. Le surmoi ne représente pas la
disparition du désir mais la renonciation absolue à la
réalisation de son désir et donc à la jouissance."
Plus en détail :
- D'abord, la mère d'Harriet, d'une moralité irréprochable,
était aussi une grande névrosée, à cause du
viol qu'elle a subi. Harriet était influencée inconsciemment
par le non-dit autour de ce viol. Sa mère non plus n'a jamais vraiment
joui de la vie, toujours à s'inquiéter et à interdire
la jouissance (comme d'aller courir sur le chemin interdit où sa
mère s'était fait violer). Harriett avait une relation d'emprise
de la part de sa mère, elle la trouvait parfaite moralement. Toute
sa vie elle a cherché à protéger et imiter sa mère.
- Puis son père, qu'elle pensait bon père, bon mari, mais
en fait pas si bon à l'extérieur car il jouait en bourse.
Il a été ruiné et a entraîné dans sa
perte sa famille et le père de sa meilleure amie. Choquée,
elle a hérité de la culpabilité due à ce que
son père a fait à la famille de sa meilleure amie, en plus
de la honte jusqu'à la fin de sa vie. Son père sur son lit
de mort va jusqu'à lui dire pour enfoncer le clou : "il
faut penser aux autres, il ne faut pas être égoïste".
Un autre père lui aurait dit : "vis ta vie ma fille. Sois
heureuse".
- C'est ce qu'on peut appeler des parents toxiques. C'est triste, elle
était une petite fille sage, obéissante, qui n'a jamais
posé problème. En fait, tous ses malheurs viennent de ses
parents et de l'éducation qu'elle a reçue.
- Elle a dû renoncer à son amour pour un homme, pour épargner
sa meilleure amie qui lui avait pourtant promis qu'elle ne se marierait
jamais. Mais, elle, elle était parfaite, forte, elle a tenu promesse.
- Elle a d'abord fait une dépression. Puis ils ont quand même
voyagé, Rome, Florence, son père a écrit un livre
L'ordre social. Ils ont beaucoup lu, vu des musées, etc.
- Un autre cas typique : le choix de la nouvelle habitation après
la mort du père. Avec sa mère, elles choisissent toutes
deux un endroit qu'elles n'aiment pas, en pensant faire plaisir à
l'autre, plutôt que d'avouer ce dont elles avaient chacune réellement
envie.
- Après la mort de sa mère, elle finit sa vie seule, aigrie,
ne supportant plus rien. Elle mène une vie sans intérêt,
où aucun de ses désirs n'a été assouvi, mais
n'acceptant pas le bonheur des autres.
Morale de l'histoire : une psychanalyse aurait pu sauver Harriett
si elle avait pris conscience de la fausseté de sa vie. C'est ce
qu'a essayé de faire Mona, la nièce de Robin, en voulant
lui ouvrir les yeux, mais il était déjà trop tard.
En fin de compte à cause de son mauvais choix au départ,
4 personnes ont été malheureuses et sont devenues aigries
et névrosées. Je me dis que May Sinclair a peut-être
été sauvée d'une triste fin comme celle-là
grâce à la découverte de Freud et de la psychanalyse,
pourquoi pas
Selon le même schéma, cette histoire pourrait être
transposable sur une histoire d'amour homosexuelle contrariée.
Nathalie
Je
ne connaissais pas May Sinclair et j'ai été bluffée
par sa vie. Elle fut avant-gardiste, par exemple concernant la psychanalyse,
le flux de conscience et elle était féministe à fond
les ballons.
L'histoire m'a coupé les ailes ; c'est démoralisant au possible,
limite morbide.
L'Angleterre victorienne, je ne connais pas trop.
Je ne m'attendais pas à ça : passer sa vie à correspondre
à ce qu'on attend de soi !
Je suis un peu déçue et ai envie de lire autre chose d'elle.
Claire
J'ai recherché ce qui est disponible (parmi les traductions anciennes
et récentes) pour que tu nous dises tes futures impressions : en
dehors de
la réédition toute récente
Vie
et mort de Harriet Frean (publié en 1922) :
- Pas disponible
: L'Immortel Moment (publié en 1908), trad. Clément
Mottot, éd. Taillandier, 1913.
- Pas disponible : Un
romanesque (publié en 1920), trad. Marc Logé, Plon-Nourrit,
1922.
- Disponible, mais pas facile à lire car scanné sur Gallica
: Mary Oliver
: une vie (publié en 1919) en ligne sur Gallica, trad.
et introduction Marc Logé, Nouvelles éditions latines, 1949.
- Disponible : Les
trois surs (publié en 1914), trad. Mary-Cécile
Logé, préface Olivier Philipponnat, Le Livre de poche, coll.
Classiques d'hier et d'aujourd'hui, 2019 (première édition
et traduction : Les
trois surs, trad. Marc Logé, éd. A. Redier,
1932).
- Disponibles, deux romans (publiés en 1916 et 1921) : La
Véritable Histoire de Tasker Jevons suivi
de Monsieur Waddington de Wyck, trad. Leslie de Bont, Classiques
Garnier, 2023.
|
|