Joyce en 1915
par Alex
Ehrenzweig
Les 15 nouvelles
(certains titres varient selon
les traductions) :
1. Les surs
2. Une rencontre
3. Arabie
4. Eveline
5. Après la course
6. Deux galants / Les deux galants
7. La pension de famille
8. Un petit nuage
9. Contreparties / Correspondances
10. Cendres / Argile
11. Pénible Incident / Un cas douloureux / Une douloureuse affaire
12. On se réunira le 6 octobre / Ivy Day dans la salle des
commissions
13. Une mère
14. La grâce / De par la grâce
15. Les morts
GF-Flammarion, traduction et présentation de Benoît Tadié,
1994
« Le
temps pressait mais elle restait assise à la fenêtre, la
tête appuyée au rideau, respirant l'odeur de cretonne poussiéreuse.
Tout au fond de l'allée elle entendait un orgue de Barbarie. C'était
un air qu'elle connaissait. Etrange qu'il revienne précisément
ce soir-là lui rappeler la promesse qu'elle avait faite à
sa mère, cette promesse de tenir la maison aussi longtemps qu'elle
le pourrait. Elle se souvint de la nuit d'agonie de sa mère ; elle
se trouvait une fois de plus dans la pièce sombre et mal aérée
de l'autre côté de l'entrée et elle entendait au-dehors
un mélancolique air d'Italie. On avait ordonné au joueur
d'orgue de s'en aller en lui donnant une pièce de six pence. Son
père était revenu l'air bravache dans la chambre de la malade
:
-Fichus Italiens ! Venir jusqu'ici !
Tandis qu'elle songeait la vision pitoyable de l'existence menée
par sa mère l'envoûtait jusqu'au plus profond d'elle-même
cette existence faite de sacrifices ordinaires s'achevant
en démence finale. Elle fut prise d'un tremblement en entendant
à nouveau la voix de sa mère qui ne cessait de répéter
avec une folie insistante :
- Derevaun Seraun ! Derevaun Seraun ! »
Folio,
traduction de 1974 Jacques Aubert, préface de Valery Larbaud
«
Après la publication en 1907 de poésies
de jeunesse, James Joyce publie en 1914 un recueil de nouvelles commencé
dès 1902. Il s'agit de Dublinois. Quelle surprise pour les
lecteurs de découvrir ces quinze nouvelles, si sages, si classiques,
si claires.
Dans ce livre, Joyce décrit, avec un sens profond de l'observation,
les murs de la bourgeoisie irlandaise, l'atmosphère trouble
et le destin tragique de la société de l'époque.
Les thèmes favoris de Joyce, l'enfance, l'adolescence, la maturité,
la vie publique sont ici incarnés par divers types d'habitants
de Dublin, "ce cher et malpropre Dublin" que Joyce aimait tant. »
Coll. "Du
monde entier",
Pléiade, trad. Jacques Aubert, 1974, préface de Valery
Larbaud
« Ceux qui
venaient de recevoir, en lisant Ulysse, le choc de la révélation
d'une uvre géniale demeurèrent stupéfaits à
la lecture de ces quinze nouvelles, si sages, si classiques, si claires.
Ce n'était point encore "le flux de la conscience" mais
l'exploration intérieure de thèmes et de personnages chers
à Joyce, en un livre qui résume les stades de la vie individuelle
et collective de la cité de Dublin : l'enfance, l'adolescence,
la maturité et la vie publique. Joyce mit plus de sept ans (de
1907 à 1914) pour convaincre les censeurs anglais que les précisions
sexuelles d'"Une rencontre" et des "Deux galants",
ou que l'hommage à Parnell dans "On se réunira le 6
octobre", étaient des audaces légitimes, que contre-balancent
d'ailleurs dans "Les Morts", ou même dans un récit
tout simple comme "Eveline", la puissance transmutatrice du
regard et le don vertigineux de soi, qui sont la marque du poète.
Nul ne lira sans gratitude la préface de Valery Larbaud, chef-d'uvre
de finesse et de lucidité prophétique. »
Plon, traduction de 1926 de Jacques-Paul
Reynaud ("Les surs"),
Hélène Du Pasquier ("Une rencontre", "Arabie",
"Eveline", "Après la course", "Deux galants",
Yva Fernandez (les 10 autres nouvelles)
Cette traduction est en ligne ICI.
Pocket,
traduction de 1926 de Jacques-Paul
Reynaud ("Les surs"),
Hélène Du Pasquier ("Une rencontre", "Arabie",
"Eveline", "Après la course", "Deux galants",
Yva Fernandez (les 10 autres nouvelles)
« Jamais peut-être
l'atmosphère d'une ville n'a été mieux rendue, et
dans chacune de ces nouvelles, les personnes qui connaissent
Dublin retrouveront une quantité d'impressions qu'elles croyaient
avoir oubliées. Mais ce n'est pas la ville qui est le personnage
principal (...) ; c'est un portrait, ou un groupe, ce sont des individualités
bien marquées que Joyce se plaît à faire vivre. Nous
en retrouverons du reste quelques-unes, que nous reconnaîtrons,
autant à leurs paroles et à leurs traits de caractère
qu'à leurs noms, dans ses livres suivants.
Gens de Dublin, qui constitue une excellente introduction à
l'uvre de James Joyce (...), est, par lui-même, un des livres
les plus importants de la littérature d'imagination en langue anglaise
publiés depuis 1900. » Valery Larbaud
ÉDITIONS
BILINGUES :
Dublinois : Les morts. Contreparties ! Dubliners : The Dead. Counterparts,
introduction par Hélène Cixous, traduction de Jean-Noël
Vuarnet, Aubier-Flammarion, 1974, deux nouvelles
Dubliners Gens de Dublin, traduction et présentation,
Pierre Nordon, Le Livre de poche, coll. "Les langues modernes. Bilingue",
six nouvelles, 1994
Un
cas douloureux/A Painful Case - Les morts/The Dead, trad. et
présentation Jacques Aubert, Folio "bilingue", 1995,
deux nouvelles
Gens de Dublin, traduction et présentation Lionel Dahan, Pocket
coll. "Langues pour tous", quatre nouvelles, 2015
|
|
James Joyce
Gens de Dublin (publié en 1914)
Nous avons lu ce livre pour
le 28 septembre 2018. Le groupe breton l'a lu pour
le 20 septembre et le nouveau groupe parisien
pour le 30 novembre.
Visionnage le 20
septembre du film Gens de Dublin,
réalisé par John Huston en 1988, adaptation de la dernière
nouvelle du "Les Morts" du recueil Gens de Dublin.
Quelques éléments
sur James Joyce, la traduction, la réception, le film Gens de
Dublin en bas de page.
Lisa
Je l'ai lu il y a quelques mois et déjà je n'ai plus que
de vagues souvenirs. Ce qui me fait dire que je ne trouve pas ce recueil
mémorable. Si l'auteur ne s'appelait pas Joyce, serait-il encore
lu aujourd'hui ? J'en doute.
Je me souviens avoir apprécié certaines nouvelles qui dépeignaient
le Dublin de l'époque. D'autres nouvelles m'ont laissée
de marbre. J'ouvre un quart : si c'était si bien que ça,
j'en aurais eu des souvenirs.
Depuis Belfast, je vous souhaite une bonne soirée !
Séverine(avis
transmis au retour de Dublin)
Il me reste deux nouvelles à lire mais je peux dores et déjà
dire que jaime beaucoup ce livre ! Jai eu un peu de mal
au début et puis je me suis laissé porter par cette balade
dans Dublin. Pour moi, ce livre cest comme si on prenait une carte
de la ville et comme avec Google Map ou Street View on zoomait sur des
quartiers, des rues, et même à lintérieur des
maisons. Toutes ces nouvelles sont des instantanés de vie, des
sortes de photos ou de tableaux qui défilent sous nos yeux. On
ne se souvient pas de tout mais on a un sentiment, une atmosphère,
quelque chose qui imprègne. On sent les lieux. Jaime beaucoup
tous les personnages. Je trouve que Joyce sait en peu de lignes créer
des personnages qui ont de lépaisseur. Et au final, on a
limpression quils font tous partie dune seule et même
histoire. Et je pense aussi quon pourrait développer des
romans autour de chaque nouvelle car Joyce installe à chaque fois
quelque chose de fort. Mais cest aussi très agréable
ces petits amuse-bouches ! Bref, je suis agréablement surprise
et jouvre au ¾.
Catherine
Mon avis sur Gens de Dublin est un peu succinct, car je l'ai lu
il y a 6 mois et, contrairement à ce que j'espérais, je
n'ai pas eu le temps de le relire au retour de Dublin.
J'ai ressenti, d'abord, je dois avouer, un sentiment de déception
à cette lecture. Je n'avais jamais rien lu de Joyce ; je sais
que c'est un grand écrivain, adulé par beaucoup en Irlande,
et je m'attendais à être subjuguée, ce qui n'a pas
été vraiment le cas. J'ai ensuite essayé de lire
Ulysse que j'ai abandonné assez vite.
Il m'en reste un patchwork d'images, de personnages, de situations, de
lieux (qui ne m'évoquaient rien à ce moment-là),
de situations souvent tristes ou tragiques ("Eveline") ou même
sordides ("Les deux galants") ; une peinture d'une époque,
d'une société, d'une ville. La lecture m'a laissé
sur une impression assez sombre. Je ne suis pas sûre d'avoir lu
une bonne traduction (celle de ma liseuse), ce qui ne m'a peut-être
pas permis d'apprécier le style à sa juste valeur.
Bref une première rencontre avec Joyce un peu ratée, mais
le séjour à Dublin m'a donné envie d'approfondir.
Après lecture des avis reçus,
nous commençons par parler d'Ulysse qu'aucun de nous n'a
lu ou réussi à lire (Ulysse
est en ligne, tome 1
et tome 2 :
bon courage...)
Évocation également du voyage de 11 participants de Voix
au chapitre revenus la veille de Dublin, ayant en particulier rencontré
de vrais fanas de Joyce. COMPTE RENDU DU VOYAGE
ICI
Richard (Écossais pourtant)
Le lecteur n'est pas habitué à lire un texte qui foisonne
de faits. J'ai compris que Joyce utilise un style d'écriture qu'on
appelle le stream of consciousness...
Annick L
comme Virginia Woolf...
Richard
... ou Proust. Ça me fatigue. Je n'ai pas dépassé
la dixième page.
Françoise D
Ça n'a rien à voir avec l'écriture des nouvelles.
Annick L, entreet
C'est narratif. J'ai été très déçue
par Gens de Dublin. Je voyais la lecture de ce livre comme un "rattrapage"
d'Ulysse. Je me suis ennuyée. J'ai trouvé ça
classique, suranné. Je n'ai pas trouvé de point d'ancrage.
Certes on se promène dans Dublin, on découvre une mosaïque
de personnages à travers quelques petites scènes très
ordinaires. Un peu comme dans Gens
de Pékin de Lao She, mais qui est génial. Ce qui
intéresse Joyce, ce ne sont d'ailleurs pas les faits, mais ce qui
se passe dans la tête des personnages. Et je n'ai pas envie de partager
leurs idéaux brisés. D'autant que les personnages sont antipathiques.
Cependant, la dernière nouvelle est magnifique, avec une fin sublime
et une portée que chacun peut ressentir. Alors que le reste est
étriqué. Je suis très déçue. J'ouvre
entre un quart et un demi en raison de la dernière nouvelle et
de l'intérêt intellectuel de ce projet littéraire.
Monique L
Je n'ai pas lu les nouvelles dans l'ordre. J'ai lu avant d'autres la dernière
car nous voyions le film. J'ai aimé cette nouvelle, mais tout en
étant frustrée. J'ai besoin d'une progression. Et de plus,
une fois lue, je ne m'en souviens pas. "Eveline", j'ai bien
aimé, avec le marin, la relance, j'ai plus accroché. Une
qui m'a saoulée, c'est "Grâce", cette histoire
de religion, fatiguante, et je n'ai pas bien compris.
C'est bien écrit, l'atmosphère est bien rendue. Mais ça
mène où ? C'est fait comme un devoir. Ils boivent beaucoup,
la religion est très présente, il y a des problèmes
économiques mentionnés, mais c'est abordé d'une manière
pas suffisante pour moi. La sensation, l'atmosphère sont bien rendues,
mais à quoi ça mène ? Je ne me souviens des
deux jeunes avec le pervers, ça ça me reste. J'ouvre à
moitié.
Françoise D
Je m'apprêtais à le lire en numérique en VO et avec
la traduction d'ailleurs épouvantable, mais en fait je n'ai pas
eu besoin de la traduction. J'ai trouvé cela agréable à
lire, sans difficulté. Mais je n'avais pas pigé que c'était
des nouvelles, or JE N'AIME PAS LES NOUVELLES. J'en ai lu six : la
première m'a bien plu ainsi que "Eveline" et l'histoire
du pervers, j'ai lu "The Dead" pour voir le film et puis je
ne suis pas revenue en arrière, cela m'a suffi. Ce sont des nouvelles
à lire comme ça, une fois de temps en temps. J'ai bien aimé,
il y a des milieux différents, mais je n'ai pas eu envie d'en voir
plus, tout en étant intéressée.
Claire
Mais pas au point de lire le reste.
Françoise D
Non. Pour ma part, je ne ferai pas de distinguo entre "Les morts"
et les autres nouvelles. J'ouvre en grand et j'ai un il nouveau
sur Joyce.
Fanny
Je suis partagée. J'ai été sensible à l'atmosphère,
j'étais dans Dublin. Monique, tu dis que tu n'as pas compris, moi
non plus. Il m'en reste deux et demi à lire, mais je n'avais plus
envie. Au début j'ai accroché, puis j'ai eu un sentiment
d'ennui. Je suis passée au "Mort", mais j'ai vu le film
avant la nouvelle, et j'ai préféré le film :
j'ai aimé le film pour la fin, malgré un sentiment d'ennui
vers le milieu ; la nouvelle ne m'a pas déçue, elle
est plus longue que les autres et laisse je trouve davantage d'espace
pour que les personnages puissent se déployer. Je n'ai pas lu la
quatrième de couverture et donc je n'avais pas vu moi non plus
que c'étaient des nouvelles... Tu parles d'"Eveline",
je ne m'en souviens pas. J'ouvre à moitié, avec le sentiment
d'être passée à côté.
Denis
Comme beaucoup, j'ai d'abord trouvé ça ennuyeux. Et le film ?
Ennuyeux aussi, surtout trop long. "Les deux surs", la
deuxième nouvelle, la troisième, la quatrième, la
cinquième, ça finit bien souvent en queue de poisson. Et
dans "après la course", on se dit qu'il va se suicider,
on attend du spectaculaire. Mais non ! Le soleil se lève !
Je me suis dit alors que peu importe l'intrigue, ce qui compte, ce qui
me plaît, c'est la manière dont les personnages sont caractérisés.
Les portraits sont comme des gravures à l'eau forte. Par exemple :
"Une personne ressemblant
à un clergyman dans l'indigence ou à un comédien
pauvre apparut dans l'encadrement de la porte. Ses vêtements noirs
étaient boutonnés serré sur sa petite personne et
il était impossible de dire si sa chemise était celle d'un
clergyman ou d'un laïc, car le col de sa redingote élimée,
dont les boutons maintenant dépourvus de tissu réfléchissaient
la lumière des bougies, était relevé tout autour
du cou. Il portait un chapeau rond et noir en feutre dur. Son visage brillant
de gouttes de pluie avait l'apparence d'un fromage jaune et humide, sauf
aux pommettes, marquées de deux taches roses."
(Folio p. 208)
Au fond, l'action dans ces nouvelles, c'est la caractérisation
des personnages. Dans "Ivy Day", par exemple, on a toute une
galerie de personnages entrant les uns après les autres, décrits
avec beaucoup d'humour.
Je reprendrai le livre avec plaisir. En m'attachant aux descriptions,
j'ai eu l'impression de passer un cap dans la compréhension du
texte et dans le plaisir que j'en tire. La littérature consiste
à mettre en mots ; ici, ce sont comme des tableaux, des gravures
à la pointe sèche.
J'ouvre en grand, pour encourager à lire un Joyce accessible
Etienne
J'ai beaucoup aimé. J'ai lu dans l'ordre. J'ai terminé donc
par la nouvelle qui est assez forte et qui met en relief le film ;
pour moi, elle est un cran au-dessus des autres.
Il y a une habileté à dépeindre une situation, des
gens, à rentrer dans les personnages. Contrairement à Annick,
je suis intéressé par leur âme, leur âme irlandaise.
J'ai eu l'impression de vivre avec les personnages. J'ai beaucoup aimé.
En quelques mots, on effleure quelque chose, mais on sent une profondeur,
quelque chose d'indescriptible ; c'est talentueux. Peut-être
certaines nouvelles auraient pu être enlevées et d'autres
développées. Mais "Une mère", "Un
petit nuage", "La pension", "Eveline", "Contreparties",
c'est très bien. Je ne suis pas encore au point avec les cotes
d'amour, eh bien j'ouvre aux ¾...
Claire,
entreet
J'ai eu du mal à faire abstraction que c'est Joyce ce qui
augmente la déception. Je partage beaucoup ce qui a été
dit dans ce sens. Mais de quoi s'agit-il ? : voilà la
question qui me revenait. J'ai lu quatre ou cinq nouvelles, puis la dernière
et le film, suis allée à Dublin et ai lu les autres. Autant
pour les premières, les noms ne me disaient rien et chargeaient
la barque, autant après les lieux m'intéressaient. J'ai
aimé la nouvelle avec le mec plan-plan et l'intimité avec
la femme mariée qui lui prend la main avec passion, puis tout est
fini. Sur les descriptions et l'humour vous me convainquez et je tombe
sur le portrait au début d'"Une mère" que je trouve
remarquable (pardon pour la longue citation) : "Miss
Devlin était devenue Mrs. Keamey par ressentiment. Elle avait été
élevée dans un couvent huppé où elle avait
appris le français et la musique. Comme elle était naturellement
pâle et qu'elle avait les manières raides elle se fit peu
d'amies à l'école. Lorsqu'elle arriva en âge de se
marier on l'envoya dans de nombreuses maisons où son jeu et le
poli de ses façons furent très admirés. Assise au
milieu du cercle austère de ses talents, elle attendait qu'un soupirant
le brave et lui offre une vie pleine d'éclat. Mais les jeunes gens
qu'elle rencontrait étaient ordinaires et elle ne les encouragea
pas, s'efforçant de consoler ses désirs romanesques en mangeant
en cachette un grand nombre de loukoums. Néanmoins, lorsqu'elle
approcha du seuil critique et que ses amies commencèrent à
jaser elle les réduisit au silence en épousant Mr. Kearneys,
qui était bottier à Ormond Quay."
La dernière nouvelle "Les morts", je l'ai lue attentivement,
avec même l'original et les trois traductions face à face
à certains moments, ce qui est instructif ; je la trouve disproportionnée
avec cette longue soirée assez barbante où je me disais
"mais alors, quoi ?" et pendant le film "mais de quoi
s'agit-il ?" ; il y a certes la magnifique scène
d'Angelica Huston dans l'escalier qui entend le chant, mais après
c'est vraiment sortez les kleenex (voir la scène ICI,
suivie d'un film d'ailleurs passionnant sur Joyce). "On dit"
que le film d'Huston est un très grand film, mais je l'ai trouvé
aussi ennuyeux que la nouvelle.
Rozenn
Je ne sais pas. Vous me rassurez. Je deviens alzheimerée. J'ai tout
oublié sauf la dernière nouvelle. Quand vous parlez des nouvelles,
cela me revient, quel plaisir. C'était délicieux. Mais je
m'interroge sur le fait qu'il ne reste rien. Au milieu de la nouvelle, je
ne comprends rien. Mais j'ai l'impression d'un plaisir marshmallow.
Claire
C'est quoi ?
Rozenn
C'est bien pendant et il ne reste rien. C'est trop glissant. Mais pourquoi
ça ne reste pas ? "Grace", ça fait chier.
Rien compris. Mais faut-il bouder ce plaisir Barbapapa ? J'aime humour,
la façon de rentrer. Il laisse entendre avant ce qu'on va comprendre
des personnages après. Par exemple, avec le discours dans "Le
mort". C'est subtil, presque trop subtil, évanescent. Je mets
quatre étoiles sur cinq. Je relirai et je donnerai à lire.
Christelle
J'ai mis un peu de temps à rentrer. Les deux premières nouvelles
ne donnaient pas envie d'aller de l'avant. Et alors que dans la séance
chinoise, on avait fait beaucoup de découvertes, là c'est
plus classique, on s'y retrouve même si c'est irlandais. Il y a
le rapport à l'Angleterre qui apparaît. Je me suis laissé
entraîner par l'écriture classique, les descriptions des
personnages, la lumière. Ce sont plutôt des intérieurs.
Je voyais tout marron, des lumières, des feux. J'ai beaucoup aimé
l'écriture. Comme Françoise, je trouve que ce serait à
lire une nouvelle de temps en temps, ce serait mieux. Je nai pas
encore lu les deux dernières nouvelles du recueil, jusquà
présent "La Mère" est ma préférée
Il y a un recul par rapport aux personnages. Tant mieux car c'est tragique.
Aussi, on ne s'y attache pas trop et tant mieux.
Annick
Tragique ou sordide ?
Christelle
Tragique, cruel, et en même temps il y a de l'humour. J'ouvre aux
trois quarts.
Jacqueline
J'étais contente de lire quelque chose de Joyce dont malgré
plusieurs tentatives je n'ai jamais réussi à lire Ulysse.
C'est un peu comme Nathalie Sarraute dont j'ai pu par contre lire plusieurs
romans mais dont Enfance
m'a laissé un souvenir très marquant. Je regrette de ne
pas avoir eu plus de temps pour déguster ces nouvelles dont chacune
est un petit bijou et dont j'ai l'impression que beaucoup de choses m'ont
certainement échappé... ça me donne une impression
un peu nébuleuse (y a-t-il du brouillard à Dublin ?
En tout cas de la neige !).
J'ai beaucoup aimé l'humour du récit, la nostalgie qui s'en
dégage et surtout le regard aigu et mélancolique sur ces
personnages pitoyables.
J'ai eu l'impression de retrouver quelque chose du théâtre
d'O'Casey
que j'aimais beaucoup dans ma jeunesse, peut-être l'Irlande.
Je suis contente d'avoir vu le film d'Huston, mais par contre il m'a un
peu ennuyée et déçue. Bien que fidèle au récit,
il n'a pas le pouvoir de l'uvre littéraire : dur de
voir au cinéma Freddy l'alcoolique et les réactions qu'il
suscite ! Gabriel et l'évolution de ses sentiments m'ont paru
mal rendus. Je trouve que le film manque de profondeur par rapport à
la richesse et la subtilité du récit.
J'ouvre le livre en grand.
Richard
J'ai eu un dilemme. Mon premier commentaire serait de descendre le livre
car je n'aime pas les nouvelles. Et ce livre ne m'aide pas à les
apprécier. J'ai remarqué qu'en arrivant à la fin
d'une nouvelle, on ne s'y attend pas. Dans "Les deux galants",
qu'est-ce qu'il cherche ? Un plan pour sauter la fille ? Mais
non c'est pour l'argent ! Et avec la liseuse (pour 3,40€ j'ai
pu télécharger l'uvre complète de Joyce :
2400 pages en anglais...), je ne sais pas où j'en suis, puisqu'on
ne connaît que mal la longueur de la nouvelle (avec un livre en
papier c'est plus facile). On arrive à la chute sans le voir, c'est
le médium digital qui fait ça.
L'humour, les descriptions, j'ai apprécié. Mais il y a beaucoup
trop de détails : par exemple on s'en fiche de connaître
le chemin suivi par les personnages dans la pléthore de rues de
Dublin. Le seul moment où un plaisir a été durable,
c'est la dernière nouvelle. Mon dilemme est que tout en délarant
que je n'aime pas les nouvelles, j'apprécie énormément
les quatre nouvelles de mon auteur fétiche Stefan Zweig.
Fanny
Mais les nouvelles de Zweig sont plus longues.
Richard
Ceci explique cela. Merci Fanny d'avoir résolu mon dilemme !
Claire
On a appris que ce sont des novellas...
Richard
C'est pour ça que j'ai aimé. J'ouvre à moitié.
J'ouvre à moitié cela veut dire que je tends le livre à
quelqu'un. J'ouvre aux ¾ : j'oblige cette personne à
le lire. Je n'aime pas les nouvelles.
Etienne
À
bicyclette lu pour la séance chinoise, c'était très
court et ça m'a laissé de marbre : ici je suis rentré
dans la tête des personnages.
Annick
Gens
de Pékin, ce sont des nouvelles mais qui marchent bien,
d'ailleurs c'est un auteur de théâtre, il y a un sens dramatique.
C'est ici ce qui manque, il n'y a pas de dramaturgie.
Rozenn
Il n'y a pas assez de narratif !
Monique L
Il n'y a pas d'évolution. Par narratif, je ne veux pas dire narrer
une histoire. Il me manque quelque chose qui avance, le projet, ce sont
plutôt des instantanés.
Rozenn
Et pourtant il y a des longueurs
Etienne
Il y a des chutes.
Christelle
Ce sont dans les dialogues où on a du mal à suivre. Et la
campagne électorale n'en parlons pas.
Denis
Moi, je m'imagine assis dans un coin de la salle, les regardant défiler
et cherchant à deviner qui ils sont.
Annick
Les enjeux des nouvelles, on voit bien qu'ils sont aussi politiques ou
religieux, mais ça ça me passe au-dessus de la tête.
Richard
Certains des personnages on les retrouve dans Ulysse. Je m'engage
à lire quelques pages chaque jour et je vous tiendrai au courant
de beaucoup de mon avancée...
Françoise (du nouveau groupe parisien dont
les avis suivent)
J'ai lu les cinq premières nouvelles, cela n'a pas fonctionné,
traduction plate, peu intéressant, goût de déjà
vu, sans relief, assez ennuyeux.
Je venais de lire La
Bâtarde de Violette Leduc, autobiographie très haute
en couleur et excellemment écrit, la comparaison en a pâti.
Je n'ai pas joué le jeu à fond mais bon
Ana-Cristina
J'ai lu la première, la seconde, quelques autres, j'ai eu du mal
notamment avec "Ivy Day".
Ce qui me fait aimer, c'est cette faculté de James Joyce de parler
de personnages de petite envergure, qui ne prennent pas de volume bien
qu'étant dans le roman. Tout reste petit même en passant
par la trame du roman ; j'ai eu l'impression d'être serrée,
comme dans un corset, il y a un côté étouffant. Il
m'en reste une à lire, "Grâce". Ce qui me plaît
dans les premières nouvelles, c'est comme si James Joyce tissait
une toile d'araignée où il piège son personnage et
à la fin de la nouvelle son aspect négatif ressort brusquement ;
c'est comme ça dans quelques nouvelles, une façon d'enfermer.
Par exemple dans "les Surs" la nouvelle se termine par :
"Ils pensèrent
qu'il avait quelque chose de fêlé" et dans
"Une rencontre" par : "Au
fond de mon cur, je l'avais toujours un peu méprisé".
Tout reste petit, même à la fin.
Monique M
Je trouve au contraire que James Joyce brosse des portraits et des tableaux
de la société de son époque exceptionnels. Non seulement
il décrit les personnages dans leur aspect physique mais sa description
permet au lecteur de deviner leur caractère, leur personnalité ;
c'est transparent et en même temps progressif, tout n'est pas dit
tout de suite, quelques page plus loin, on découvre un nouveau
trait sur l'aspect ou la personnalité du personnage. C'est comme
dans la vie, on va pas à pas. Ainsi dans "Une rencontre",
le personnage apparaît à distance, "passe
lentement près du talus, tout en mâchonnant une de ces tiges
vertes
une main sur la hanche , l'autre tenant une canne avec laquelle
il donnait de petits coups sur le gazon
vêtu d'un habit élimé
d'un noir verdâtre et d'un chapeau vase de nuit à haute calotte."
Et, lorsqu'il s'approche : "Je
vis qu'il y avait de grands trous dans sa bouche entre des dents jaunes".
L'intérieur de la bouche est aussi malsain que le personnage. Le
malaise, l'embarras et la peur de l'enfant sont perceptibles. Il y a une
grande maîtrise dans ce récit, un trouble et une étrangeté
face à ce pervers que Joyce restitue à merveille. Quant
aux personnages secondaires, ils servent à gonfler le récit,
à donner de l'épaisseur aux personnages principaux, à
les encadrer, les mieux situer.
Le style est très élégant (j'ai lu la traduction
de Jacques Aubert). Ce qui est formidable aussi, c'est d'être plongé
dans le Dublin de l'époque, pétri de catholicisme :
collèges de Jésuites, cérémonies religieuses,
kermesses, sens de l'honneur et du devoir (la plupart des nouvelles restituent
ce thème), mais aussi ses métiers, ses coutumes, sa misère.
J'aime l'habileté et les trouvailles de style comme dans "Les
deux galants" où "Deux
jeunes gens descendaient la côte de Rutland Square. L'un d'eux achevait
à l'instant un long monologue. L'autre qui marchait sur le bord
du trottoir et que la muflerie de son compagnon obligeait parfois à
faire un pas sur la chaussée, avait une expression attentive et
amusée". D'emblée, on voit la scène
et la mentalité des personnages. De nombreux tableaux sont très
imagés comme dans "La pension de famille" où "un
clair dimanche matin
où soufflait une brise fraîche,
toutes les fenêtres de la pension étaient ouvertes et par-dessous
leurs cadres relevés les rideaux de dentelle se gonflaient doucement
vers la rue. Le beffroi de St Georges carillonnait sans trêve et
les fidèles, seuls ou en groupes, traversaient le petit rond-point
situé devant l'église, leur but révélé
autant par leur attitude recueillie que par les petits volumes serrés
dans leurs mains gantés" : c'est admirable
d'élégance et de concision. La nouvelle "Ivy Day"
m'a un peu ennuyée ; en revanche, j'ai été très
touchée par l'histoire de l'enfant et du vieux prêtre qui
décède dans "Les surs" et j'ai beaucoup
aimé la dernière nouvelle, "Les morts", à
la progression admirable, puisqu'on passe par la description détaillée
de la réception donnée par deux dames âgées
à l'occasion de leur bal annuel, à une réflexion
sur la condition humaine, la vie, la mort. C'est très subtil, on
sent l'atmosphère désuète de la réception,
les morceaux de bravoure joués au piano par la nièce, les
applaudissements de circonstance, le buffet où trône l'oie
à découper, le discours convenu du neveu, et l'on glisse
lentement par l'écoute imprévue d'une mélodie d'autrefois,
La fille d'Aughrim, à la nostalgie des souvenirs et à
l'évocation des morts. C'est du grand art, une grande maîtrise
du récit.
Ana-Cristina
La maîtrise est si précise que cela en devient sec. Je n'imagine
pas un auteur qui aime l'enfant, qui soit compatissant envers la jeune
femme qui n'arrive pas à partir ("Eveline"). L'auteur
est toujours à distance et son ironie apparaît dans des nouvelles
truffées de clichés Par exemple dans "Pénible
incident" : "Il
sentit qu'il avait été proscrit du festin de la vie".
Cela sent l'éculé.
Monique M
Je ne sens pas l'ironie, il se met à distance pour mieux décrire
ceux qui l'entourent.
Nathalie B
Je l'avais lu quand je suis partie en Irlande, à Dublin, ville
grise par la pierre, les rues étroites. Je n'avais pas été
emballée plus que ça à l'époque. Ecriture
très classique. Je me souvenais de l'ambiance et aujourd'hui, je
l'ai retrouvée. C'est un champion de la communication non verbale.
C'est la patte d'un grand auteur. Il a réussi à m'accrocher
sur chaque nouvelle et les chutes donnent une profondeur, une réflexion
finale qui prolonge le récit. Sur les commissions ("Ivy Day"),
ils se battent pour une cause et on sent l'ironie de James Joyce. Il y
a des références inaccessibles, mais on sent que c'est bien
vu, que c'est juste. On sent bien les personnages et les secondaires ont
aussi une épaisseur ; l'auteur fait cela excellemment bien.
J'ai aimé toutes les nouvelles, elles sont différentes.
Par exemple dans "Arabie", un jeune garçon amoureux d'une
jeune fille veut aller à la kermesse pour lui rapporter quelque
chose et finalement y va pour rien et la phrase finale remarquable :
"Levant les yeux, je
scrutai ces ténèbres et me vis : un être mené
par la vanité, jusqu'à la dérision ; et mes yeux
se mirent à brûler de désespoir et de colère".
Léonard
C'est difficile de lire des nouvelles, il faut que chacune ait une chute
réussie. Or James Joyce, dans Gens de Dublin, n'a pas de
chute réussie. Les nouvelles sont sans intérêt, c'est
saccadé, les personnages sans importance, serrés, sans empathie.
On n'a pas envie de les rejoindre, cela manque de couleur, de saveur.
Je me demande si c'est un grand écrivain ; si cela était,
il aurait dû faire l'unanimité. Par exemple, un grand film,
c'est un grand scénariste et un grand réalisateur, on a
le scénario, le récit, les couleurs. Là, on a de
grandes qualités de rédaction, mais dans la musicalité
du livre il y a des manques.
Nathalie B
La couleur existe.
Monique M
L'émotion aussi.
Léonard
C'est trop obscur. On arrive dans des endroits étriqués,
il n'y a pas d'échappatoire pour tous ces personnages. Le seul
passage, c'est quand les enfants font l'école buissonnière
("Une rencontre"), on les sent remplis de liberté, d'audace,
de courage. Le personnage principal du livre, c'est la ville de Dublin.
J'aime beaucoup Paul Auster qui décrit admirablement New-York et
notamment Brooklyn. Ici ce sont les intentions d'un grand écrivain
qui n'arrive pas à ses fins.
Nathalie B
Paul Auster est un écrivain d'aujourd'hui, James Joyce du début
du 20e siècle, Gens de Dublin a été écrit
en 1907, publié en 1914, la nouvelle "Une rencontre"
a fait scandale. Les émotions sont suggérées :
par exemple, on sent dans "Les surs" que Nannie n'a pas
eu une vie facile, elle n'en tire cependant aucune gloire. Quant au vieux
prêtre, Eliza dit : "Il
avait toujours été trop scrupuleux. Les devoirs du prêtre
c'était trop pour lui. Et puis il y avait eu pour ainsi dire des
traverses dans sa vie."
Ana-Cristina
Je n'arrive pas à sentir la dimension affective, humaine ;
il n'y a pas de pathos, tout est contenu. Les clés ne sont pas
données pour comprendre le récit.
Monique M
Dans l'édition Folio, il y a beaucoup de notes explicatives en
bas de page.
Ana-Cristina
Ça fonctionne trop bien. J'ai aimé la première et
la dernière nouvelle et me suis forcée à lire les
autres. J'aime bien les fins, mais tout est construit, il ne laisse pas
de place.
Monique M
Il laisse beaucoup au lecteur dans les silences, les non-dits, les chutes
qui prolongent la réflexion.
Nathalie B
Prenons l'exemple de "La Grâce" : le personnage ivrogne,
tombe dans l'escalier, ses copains décident de l'obliger à
se reprendre un peu et l'emmènent faire une retraite. A l'église,
où ils sont réunis, le prêtre monte en chaire et dit :
"Car
les enfants de ce monde ci sont plus avisés avec leurs semblables
que les enfants de lumière. En vérité je vous le
dis : faites-vous des amis avec l'argent malhonnête afin qu'au jour
où il viendra à manquer, ceux-ci vous reçoivent dans
les demeures éternelles. Le père développa
ce texte
l'un des plus difficiles à interpréter
adressé aux hommes d'affaires
et il souhaitait que ses auditeurs,
tous autant qu'ils étaient ouvrissent leurs livres, les livres
de leur vie spirituelle, pour voir s'ils concordaient avec leur conscience
d'admettre la vérité et de dire en homme : Eh bien,
j'ai regardé mes comptes. Je découvre que telle ou telle
chose ne va pas. Mais avec la grâce de Dieu, je rectifierai telle
ou telle chose. Je mettrai mes comptes en règle".
C'est une façon très fine de donner à voir. On a
l'impression d'approcher l'époque.
Synthèse
des AVIS DU GROUPE BRETON rédigée par Yolaine (suivie de
2 avis détaillés)
Marie-Thé¾ :
Édith
½ :
Annie, Chantal, Marie-Claire,
Suzanne, Yolaine
Une majorité de déçues, et deux lectrices enthousiasmées
par cette pépite de la littérature irlandaise. A noter qu'on
trouve dans les deux groupes des mauvais élèves n'ayant
pas lu toutes les nouvelles de ce recueil, ce qui s'explique par le caractère
assez inégal des différents récits.
Certaines nourrissaient l'ambition de faire de cette lecture un apéritif
avant de s'attaquer à Ulysse, la tâche étant
réputée moins difficile. Ces nouvelles sont effectivement
écrites dans un style limpide, concret, réaliste, un peu
suranné, et nous proposent une galerie de portraits des habitants
de Dublin d'une précision presque hallucinante.
Le caractère plat, conventionnel, ennuyeux de beaucoup de ces récits
concernent de fait plus le fond que la forme, qui est en adéquation
parfaite avec le sujet traité. Si nous avons été
sensibles à l'atmosphère mystérieuse et mélancolique
de ces histoires qui nous rappelle à bien des égards la
Bretagne du siècle dernier, le poids de l'insularité, de
la misère, de la religion, du non-dit, de l'alcoolisme, de la violence
et du mal-être permanent ont fini par venir à bout de notre
optimisme et de notre patience.
Parmi les nouvelles qui ont le plus retenu l'attention et nourri les échanges
ont été citées "Les morts", "Eveline",
"Les surs", "Correspondances", "Pénible
incident".
Tout en reconnaissent que ce livre est extrêmement bien écrit
et intéressant autant sur le plan sociologique (on a cité
Maupassant, on pourrait y ajouter La comédie humaine de
Balzac) qu'historique, seules deux inconditionnelles ont vécu un
véritable orgasme littéraire...
Chantal
J'ai "soufflé", soupiré, une bonne partie de l'été,
sur ces gens de Dublin, sur James Joyce. J'ai lu, relu... peut-être
la période n'était-elle pas la bonne... J'ai eu l'impression
d'être "passée à côté" de James
Joyce, sans savoir précisément ce que j'attendais.
Certaines nouvelles m'ont parlé, m'ont touchée : "Les
deux surs", "Une rencontre", "Eveline",
"Les morts".
J'ai apprécié l'atmosphère qui baigne tout le livre,
grise, sombre, mystérieuse parfois, j'ai pensé à
Maupassant par moments...
J'ai aimé la façon dont, dans le "non dit", dans
son texte comme dans cette société irlandaise, il fait ressortir
avec force les faits non avouables à cette époque : le comportement
du prêtre envers les enfants, la perversité du Monsieur dans
"Une rencontre", la pièce d'or dans "Les deux galants"...
J'ai aimé, à travers son style : les descriptions extrêmement
précises des personnages, des situations, la façon dont
il nous assène le poids de la religion sur toute la société,
de l'alcoolisme et de la violence ; l'enfermement insulaire : cette
Eveline écartelée entre le désir de partir vers une
autre vie et "l'obligation" qu'elle se donne de rester dans
son enfer...
Les autres nouvelles, que j'ai lues, relues, m'ont "barbée" !
Je l'ouvre à moitié.
Marie-Thé
J'ouvre ce livre en grand.
J'ai beaucoup aimé "Gens de Dublin" pour différentes
raisons que je donnerai tout à l'heure, mais je suis incapable
d'expliquer mon fort attrait pour ce livre. Il y a ce "je ne sais
quoi" que je ressentais aussi en lisant Les
vestiges du jour, peut-être l'attrait pour les terres d'Irlande
ou de Cornouailles, etc., proches des terres de Bretagne.
Bref, je dirai que j'ai aimé l'atmosphère de ces pages,
la description des situations, les portraits tels des peintures, les maisons
et tous ces lieux sous la pluie ou sous la neige formant un cadre à
tant de vies qui s'opposent. L'écriture m'a aussi fascinée.
J'ai été effarée par les ravages de l'alcool. L'importance
de la religion qui ne m'était pas inconnue, d'une certaine morale,
le souci du "qu'en dira-t-on", sont ici très présents,
et sous la plume de Joyce mènent vers bien des tragédies.
A noter les secrets, les sous-entendus aussi. J'ai aimé les personnages
se remettant en question comme James Duffy après la mort de Mrs
Sinico, ou Gabriel apprenant la mort tragique de l'être aimé
de sa femme. La dernière nouvelle est ma préférée.
Et je retiendrai ceci, à la fin du livre : "le
monde solide que ces morts eux-mêmes avaient jadis érigé,
où ils avaient vécu, se dissolvait, se réduisait
à néant".
C'est de ce genre de livre qu'il m'est le plus difficile de parler, chaque
page ou presque a retenu mon attention, d'où la frustration à
la rédaction de mon avis. Par ailleurs, c'est pour moi un livre
qui se "ressent", difficile aussi d'exprimer précisément
un ressenti...
QUELQUES INFORMATIONS
SUR JOYCE ET SES LIVRES
Un documentaire
de 2017 formidable passé sur Arte Anjelica Huston raconte James
Joyce : on suit le déroulement de la vie et de l'uvre
de Joyce, avec nombre d'écrivains irlandais qui donnent leur point
de vue : Anne Enright, Colm Tóibín, John Banville, Edna
O'Brien, Ruth Gilligan, Frank McGuinness, Eimear McBride... (52 min, réalisation
David Blake Knox, Kieron J. Walsh, à voir
ICI)
LES TRADUCTIONS
Trois traductions de
l'ensemble du recueil sont disponibles, aucune n'étant récente :
- 1926 traduction
d'Hélène Du Pasquier, Yva Fernandez, Jacques-Paul Reynaud,
éd. Plon : Gens
de Dublin, préface Valery Larbaud, éd. Plon-Nourrit
1926, Plon DLI 1950, Le
Livre de poche 1963 ; Pocket 1980,
rééd.
2003
- 1974 traduction de Jacques Aubert, éd. Gallimard : Gens
de Dublin, coll. "Du
monde entier" 1974 et "La
Pléiade" 1982 ; Dublinois, "Folio" 1993
- 1994 traduction de Benoît Tadié : Gens
de Dublin, GF-Flammarion.
On trouve d'autres traductions de quelques nouvelles
en éditions bilingues
de Lionel Dahan, Pierre Nordon Jean-Noël Vuarnet, mais pas de l'ensemble
du livre (qui forme un tout constitué par l'auteur).
Voici ICI
une comparaison des trois premières phrases de la nouvelle "Les
morts" d'où est adapté le film de John Huston.
LA RÉCEPTION DU LIVRE
Un article savant de Régis Salado (Université
Paris VII) : "Dubliners,
Gens de Dublin, Dublinois
Questions de réception et de traduction",
Joyce's Dubliners : Lectures critiques - Critical approaches, Presses
universitaires François-Rabelais, Tours, 2000
LE FILM
Le film Gens
de Dublin est une adaptation de la nouvelle
"Les morts", visionné
ensemble par Françoise, Monique, Denis, Etienne, Danièle,
Fanny, Annick A, Claire, qui estiment que le film est d'une grande fidélité
à la nouvelle.
C'est le dernier film tourné par John Huston en 1987, avant sa
mort, dans lequel joue sa fille Anjelica
Huston.
Le texte de la nouvelle est en ligne : ICI.
Sur le film, un bel article :
"Gens de Dublin", l'adieu bouleversant de John Huston, de
Franck Nouchi, Le Monde des livres, 21 juillet 2005
Nos
cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie, beaucoup,
moyennement, un peu, pas du tout
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens
|