La série LArabe du futur est traduite dans 22 langues. Dans le premier tome (1978-1984), le petit
Riad est ballotté, de sa naissance à ses six ans, entre
la Libye de Kadhafi, la Bretagne de ses grands-parents et la Syrie de
Hafez Al-Assad (160 p.) : Le deuxième tome (1984-1985) raconte
sa première année décole en Syrie (160 p.) : Le troisième tome (1985-1987) est
celui de sa circoncision (160 p.) : |
Riad Sattouf
|
Lisa
J'ai un empêchement pour ce soir et j'en suis navrée. J'attendais
cette soirée depuis qu'elle a été programmée.
J'ai lu le 1er tome. Le lendemain je courais à la librairie acheter
les tomes 2, 3 et 4. Cette BD est addictive : je veux savoir ce qui
va se passer !
Mais... je le trouve profondément et absolument raciste. Si cette
BD avait été faite par Zemmour, tout le monde aurait crié
à la provocation à la haine raciale ! Son nom lui donne
un passe-droit, mais ce n'est pas parce qu'on est à moitié
arabe qu'on a le droit d'être raciste. Quel mépris transpire
dans ces pages ! Aucun arabe n'a de qualité : tous antisémites
sexistes racistes méchants, rien pour plaire. Cette BD est un tract
pour le front national.
Manuel (qui lit à haute voix l'avis de Lisa)
Elle a rien compris !
Claire
Tu ne peux pas dire ça ! C'est sa réaction au livre !
Lisa (toujours lue par Manuel)
Donc il y a des qualités (j'ai acheté les 4 !). Mais
aussi des défauts et il faut savoir prendre du recul.
Concernant le dessin j'ai bien aimé les jeux de couleurs (rouge/bleu
selon le pays).
J'ai hâte de lire vos avis et je regrette profondément de
ne pas être parmi vous. J'ouvre à moitié.
Catherine
Je ne pourrai pas être parmi vous ce soir. Jai lu LArabe
du futur, les trois premiers tomes, au fur et à mesure de leur
sortie. Je les ai offerts autour de moi ainsi que Les
Cahiers dEsther mais je ne pas eu le temps de les relire
et jaurais donc du mal à envoyer mon avis.
Séverine(avis
transmis)
J'ai lu les 3 premiers volumes de L'Arabe du futur. Je connaissais
de nom, mais n'aurais probablement pas lu sans le groupe. Je reconnais
un vrai plaisir de lecture, l'envie de dévorer les volumes. Il
y a un côté addictif comme pour les séries (enfin,
je n'en regarde pas, mais j'imagine que ça fait la même chose).
J'ai appris des choses, notamment l'existence du livre vert, sorte de
petit livre rouge version Moyen-Orient. C'est ça que je trouve
réussi dans ces livres, c'est l'association de la Grande et de
la petite Histoire. Et aussi la confrontation entre deux mondes. Je dois
dire que j'ai été franchement agacée par les parents
de Riad Sattouf : déjà je ne comprends pas leur union,
mais l'amour est parfois incompréhensible ()
entre cette mère bretonne qui va suivre bêtement son mari
pendant 3 volumes (peut-être que ça change au 4e car on sent
qu'elle commence à s'affirmer) comme une femme soumise, acceptant
une vie tout de même pas folichonne, et surtout ce père qui
est un pleutre fini, pétri soi-disant de convictions libérales
et démocratiques et qui va finir par reprendre les habitudes religieuses
du monde musulman, happé par son pays (hâte de lire le 4e
volume pour voir s'il se reconvertit). Je n'ai déjà pas
d'attirance particulière pour les pays du Moyen-Orient, mais là,
je dois dire que c'est assez flippant
surtout de s'imaginer que
la situation n'a pas évolué en trente ans, voire est partie
en marche arrière.
Sinon, je dois dire que c'est assez drôle. Mais en fait, j'ai du
mal à juger l'uvre : je juge plutôt l'histoire
et les attitudes des personnages
ce qui n'est pas bien. Peut-être
une remarque graphique sur l'utilisation des couleurs selon les ambiances.
Un bémol : je pense que l'on aurait pu condenser le volume
2 et 3
il rallonge un peu, et ça aurait pu être plus
ramassé. En tout cas, j'ai hâte de lire le dernier volume.
Brigitte
J'ai beaucoup aimé cette bande dessinée. Le
passage d'un univers à l'autre, vu à la hauteur d'un très
jeune enfant, sonne comme très véridique. Sans aucun préjugé,
l'enfant assimile tous les usages conscients ou inconscients des diverses
communautés auxquelles il participe, sans jamais les mettre en
opposition. J'ouvre aux ¾.
J'ai eu la chance de pouvoir lire les autres Arabe du futur (sauf
le n° 3). C'est vraiment intéressant et inquiétant
de voir comment le père de Riad sombre dans l'islam conservateur
et radical, par désespoir et manque de courage. J'ai été
terrifiée par l'assassinat par sa famille de la cousine parce qu'elle
est enceinte. Une autre remarque au sujet du Coran que l'on apprend par
cur, sans jamais se poser la question du sens des phrases toujours
répétées ! Et les élections où
l'on oublie complètement d'installer le moindre bureau de vote.
Et ne parlons pas des insultes concernant les Juifs...
Je note aussi l'importance du soutien économique et affectif des
grands-parents, qui me semblent très caractéristiques de
notre époque.
Pour moi, c'est très bien depuis le début, jusqu'à
la fin.
Après les débordements d'antisémitisme de l'actualité
récente, je voudrais ajouter à mon avis que le jeune héros
fréquente alternativement l'école maternelle, puis élémentaire
en France et en Syrie. Partout, il est victime d'une sorte de harcèlement :
traité de juif en Syrie, par de très jeunes
enfants qui devant sa blondeur l'assimilent à un juif, sans même
savoir de quoi il s'agit. C'est du même ordre en Bretagne, où
on le traite de pédé, sans plus savoir de quoi
il est question. Cela soulève une nouvelle fois le problème
de la violence dans les cours de récréation, et celui de
l'antisémitisme exacerbé. Nos sociétés sont
tout à fait démunies pour les enrayer.
Richard
Je n'ai pas de culture de la BD. Ma première BD a été
lue en France : Astérix puis Lucky Luke, et c'est
tout. J'ai aimé la construction. Riad voit le monde de façon
candide, y compris son père tellement con. J'ai lu seulement le
tome 1 et je n'ai pas envie de lire les autres. Ce qu'il décrit
semble être très typique de la Syrie. J'ouvre ¼.
Fanny
Je suis étonnée qu'on parle de BD, pour moi c'est un roman
graphique, dans cette alliance du dessin et du texte. Pour moi son projet
est de raconter ce qu'il a vécu enfant. J'ai appris beaucoup de
choses. Je suis touchée par le regard de cet enfant sur son père.
Sur la mère qui accepte ces allers-retours. J'ai lu seulement le
tome 1 et je vais lire les autres. J'ai commencé Les
Cahiers dEsther, j'ai du mal à y entrer. Un bémol
pour L'Arabe du futur, il m'a manqué des planches plus grandes,
un autre format de déploiement de l'image. J'ouvre en grand.
Rozenn
Je n'ai pas lu de BD dans mon enfance. Puis j'ai lu celle
avec la coccinelle. Il y avait surtout des images, ici il y a beaucoup
de texte. J'ai vraiment beaucoup aimé. Tous les détails
sont très parlants. La mère existe seulement par le dessin.
Au départ de Libye, j'ai cru que la mère allait quitter
le père. Il y a beaucoup de sous-entendus qui sont très
bienvenus. J'ai beaucoup aimé, j'ouvre en grand.
Annick L
J'ai lu les quatre et ne le regrette pas car, au fil des volumes, les
personnages s'étoffent, l'évocation de la société
syrienne se complexifie.
J'aime beaucoup les récits d'enfance, qui sont aussi des récits
d'initiation au monde. Et cet enfant est un fin observateur, d'autant
qu'il se sent en permanence isolé, à cause de son statut
d'étranger, en Syrie comme en Bretagne. On le lit comme un petit
théâtre permanent, une succession de scénettes courtes
et très vivantes. Le récit est bien mené, on s'attache
au destin de cette famille disparate. Les dessins facilitent bien sûr
la représentation, même si parfois on aimerait avoir des
plans plus larges. Et puis le petit Riad ne juge jamais, il se contente
de regarder et de chercher à assembler les pièces de ce
puzzle compliqué. Par exemple le père qui est un personnage
assez antipathique, enfermé dans ses aspirations sociales insatisfaites,
coupé de ses proches : on sent qu'il aime son fils, sur lequel
il a projeté tous ses espoirs déçus. En particulier
lorsqu'ils se séparent. Mais quelle violence dans les rapports
sociaux au sein de la société syrienne ! Entre les
membres de la famille paternelle, entre les enfants, à l'égard
des femmes, de la part des enseignants à l'égard de leurs
élèves... Un tableau très sombre. Heureusement que
le narrateur, en faisant revivre ses souvenirs, plutôt tristes,
sait rester à distance, voire souligne avec humour le ridicule,
l'aberration de certains comportements. Une forme de résilience ?
Bienvenue pour le lecteur en tout cas !
J'aime bien les romans graphiques aussi, mais je n'aime pas le dessin
de celui-ci, que je trouve trop simpliste, trop caricatural (par rapport
au très beau Persepolis
de Marjane Satrapi, tout en noir et blanc, par exemple), sans parler de
la palette de couleurs très réduite. Et j'ai été
très dérangée par le personnage de la mère,
sans aucune épaisseur, comme un fantôme dans le tableau.
J'ouvre aux trois quarts.
Danièle
Je ne suis pas une habituée des BD. Je connais Riad Sattouf par
Les
Cahiers dEsther qui paraissent en feuilleton dans le Nouvel
Obs. Jamais je n'en manquerais une page. Je retrouve ici le même
esprit, le même traitement graphique, le même rendu de la
langue parlée de tous les jours, dans un milieu social bien ciblé.
Avec Les cahiers dEsther, nous sommes dans lunivers
dune petite fille issue dune famille bobo. Ici, cest
essentiellement une caricature de la vie en Syrie à cette époque,
mais aussi de la Bretagne profonde, le choc des cultures bretonnes et
arabes, observées chacune par lenfant Riad. Oui, Jai
trouvé LArabe du futur très drôle. Le
graphisme souligne discrètement les intentions de lauteur,
qui montre toujours le père de bas en haut, en contreplongée,
comme le voit son enfant, qui accepte tout ce qui vient de son père,
sans jugement. Il porte son regard sur ce/ceux qui lentourent, simplement.
Et il est très observateur. La mère est toujours représentée
dans les dessins, donc toujours présente dans la configuration
familiale, mais toujours en arrière-plan, sauf exception significative,
surtout dans les tomes suivants, lorsque quelquefois elle sinsurge.
Lenfant retient aussi les explications de son père, qui font
office de vérité absolue. Les lignes de commentaire de lauteur
adulte donnent une explication bienvenue à limbroglio politique
de lépoque. On peut se demander comment lenfant Riad
est devenu ce quil est. Les tomes suivants donneront peut-être
une explication. Dans le tome 1, en tout cas, le père paraît
sûr de lui, et toujours de bonne humeur, si bien que certaines scènes
de violence verbale et physique sont dédramatisées aux yeux
de lenfant. Cest comme ça ! Ce qui est naturel
pour le père est naturel pour l'enfant, qui avoue même y
trouver du plaisir quelques fois. Ça ne veut pas dire que l'auteur
devenu adulte pense la même chose. Mais la critique est bienveillante.
Il prend ses parents tels quils sont, avec leurs travers et leurs
défauts, et les décrit avec une certaine distance, sur le
mode humoristique. Dailleurs, le graphisme népargne
personne, même le si bel enfant. Le père, malgré une
certaine sensibilité, cumule les défauts et les maladresses,
et peut nous paraître odieux, de même que le comportement
violent de son maître à lécole, mais je ne trouve
aucun racisme dans ce livre. Cest une histoire vécue, tout
simplement, et retracée à travers le regard dun enfant.
On sent que le fils assiste impuissant à lévolution
de son père, tiraillé entre ses opinions antireligieuses
du début et son retour à la tradition, comme dans la scène
de la circoncision. Jai donc bien aimé ce livre, même
si jai trouvé quil manque un peu de consistance. Cest
dû sans doute à mon inculture en matière de bande
dessinée.
J'ouvre aux trois quarts.
Henri
Que vais-je bien pouvoir dire ? Je lis peu de BD. Le titre L'Arabe
du futur annonçait quelque chose de décalé par
rapport aux poncifs qu'on a sur les Arabes. Je n'ai pas trouvé
ce décalage. Pourquoi ne lui coupe-t-on pas ses cheveux blonds ?
La Lybie de Kadhafi est assez bien représentée. Le dessin
sert le texte. J'aime les oiseaux sur les fils de barbelés. On
attend de voir le point de vue de l'auteur dans une sorte de retournement.
Mais on attend. J'ouvre à moitié. Peut-on l'ouvrir à
n'importe quelle page et le relire avec plaisir, ce qui est mon critère ?
Pour moi c'est non.
Jacqueline
J'ai été interpellée par le titre. Je n'ai jamais
pu l'emprunter en bibliothèque, j'ai lu finalement le premier tome
puis les autres qui appartenaient à mes petits-enfants. C'est complètement
addictif. Le tome 1 m'a bien plu, j'ai trouvé beaucoup de choses
intéressantes et notamment le parti pris du décalage des
cultures. J'ai lu les autres avec plaisir, mais ça tourne un peu
au système. C'est écrit pour le public. Il y a un décalage
de civilisation, mais c'est écrit pour nous les Parisiens. Je ne
suis pas choquée par un côté raciste par exemple,
les enfants le traitent de juif, mais ce sont les enfants dans la guerre !
J'ai été très sensible à l'histoire du père.
Il n'exprime pas de jugement négatif sur lui. Dans quoi est-il
pris ce père, il a mis ses espoirs dans son fils qui est l'Arabe
du futur. Ça se lit très bien. J'ouvre à moitié/à
moitié+.
Françoise
Je veux connaître la différence entre BD et roman graphique,
car je ne la vois pas. Riad Sattouf a un côté addictif. Le
père c'est un connard fini. Certes on peut lui trouver des circonstances
atténuantes, même s'il est coincé dans sa culture
raciste antisémite. On attend de savoir quand la mère va
le quitter. Il y a une violence permanente entre enfants, entre adultes
: les instits, vis-à-vis des animaux et en même temps il
y a l'humour. L'ambiance est très bien restituée avec le
recul que Sattouf a acquis qui fait que c'est drôle. J'attends le
cinquième avec impatience. C'est un talent qui accroche le lecteur.
J'aime beaucoup les BD, mais je place Guy
Delisle au-dessus ; je préfère à la fois
son graphisme et le fond très informatif ; mais les deux projets
sont totalement différents. J'ouvre aux trois quarts.
(Pour répondre à la question de Françoise, voici
des différences entre roman graphique et
bande dessinée ICI.)
Katell
Beaucoup de choses ont été dites. J'aime bien les BD et
les romans graphiques. J'ai trouvé le tome 1 de L'Arabe du futur
en bibliothèque. L'auteur a beaucoup de talent et vit dans
une famille hors norme dont il fait des choses. J'aime les dessins de
Pompidou, j'aimerais de grandes images. Le père est un vrai connard
des années 70, la mère est une mère des années
70 qui ne disait rien. C'est très addictif. Pour moi
Satrapi est au-dessus. J'ouvre trois quarts.
Claire
J'ai lu les 4. J'aimerais après qu'on reparle du message "provocateur"
de Lisa. Pour moi c'est un livre pour le groupe lecture (un ou plusieurs
tomes).
J'ai aimé qu'il y ait plusieurs points de vue, plusieurs voix :
quand on est au ras de l'enfant, quand tout à coup on a petit exposé
documentaire ; je trouve ça très fluide, bien mêlé.
J'aime les petites phrases calligraphiées en commentaire avec une
flèche
Etienne
Ça c'est sa marque !
Claire
J'aime les passés simples en "âmes".
(suivent des citations de Nathalie sur l'impropriété
de l'emploi du passé simple suivi immédiatement d'un passé
composé)
Claire
Ça fait une rupture réussie. Très vite j'ai aussi
pensé à Marjane Satrapi dont je trouve le dessin plus esthétique :
là les personnages sont moches, le môme (le plus beau du
monde) est moche de chez moche, la grand-mère a un bec, etc. Mais
c'est extrêmement expressif : par exemple là (Claire
montre sans qu'on puisse le voir un dessin), le môme allongé
jouant aux petites voitures pendant que les adultes se disent des choses
gravissimes et on comprend tout ce qu'il sent). Le projet ? Mais
c'est comme Annie Ernaux - il s'extrait du monde de son enfance dont il
sera à des années-lumière culturelles ; c'est fort
comme La place qu'on a lu. Je trouve les
personnages tous attachants, père compris. La mère, j'adore :
oui elle est dépendante matériellement, mais elle a une
forte personnalité, le père la craint à certains
moments, elle est étonnante. Tu parlais Jacqueline de bienveillance
: oui, il n'y a pas de jugement.
Je trouve les albums plus riches que ceux de Satrapi, disant plus de choses
autour de sa propre histoire.
(Désapprobations grommelées assez nombreuses...)
Monique
J'ai lu 3 tomes sur les 4. J'aime bien cette analyse à hauteur
d'enfant, il décrit ce qu'il voit sans porter de jugement, mais
sans concession. Sur un ton anecdotique, c'est la confrontation entre
une culture européenne et une culture arabo-musulmane. C'est très
fort.
Le dessin lui-même est intéressant, expressif, efficace en
ne mettant l'accent que sur l'essentiel ; mais j'ai moins aimé
la composition des planches, monotone et austère, ainsi que la
monochromie. C'est le seul bémol que je mettrai au plaisir que
j'ai eu à lire ces albums.
(J'ai apprécié la mise en page d'un autre album de Sattouf,
Ma
circoncision.)
Dans le 1er tome, on découvre la Lybie de Kadhafi avec ses portraits
partout, où l'approvisionnent dans les magasins est étonnante
avec parfois que des bananes, où les logements n'ont pas de clés...
Ces descriptions légères et comme anodines sont intéressantes.
Lors de la découverte du village natal de son père en Syrie
et la famille de celui-ci, il décrit avec force et densité
les gens qui l'entourent. Il porte un regard critique mais plein de tendresse
sur son père. Sa mère est en retrait, même si elle
sait par moments dire ce qu'elle pense.
Dans le deuxième tome, qui couvre la première année
d'école en Syrie (1984-1985), le ton est le même, c'est bourré
d'anecdotes croustillantes, drôles ou émouvantes. L'auteur
porte un regard à la fois critique et attendri sur la société
et l'enfant qu'il était. Il raconte les faits sans porter de jugement
(violence faite aux femmes, pauvreté, antisémitisme...)
et sans mièvrerie, avec la candeur et la brutalité de son
âge. Des anecdotes à la fois touchantes, drôles et
intéressantes. Il fait preuve d'autodérision. Il note les
contradictions du monde qui l'entoure. C'est plein d'un humour distancié.
Riad a gagné en assurance, il a des copains ; il a appris
à se préserver des insultes de ses camarades et à
éviter les coups ; il a trouvé son équilibre
entre ses cousins.
Dans le tome 3, on ressent l'écart qui se creuse entre les parents
de Riad. Elle, moins effacée, n'aspire qu'à rentrer en France
et offrir une vie plus décente à ses enfants ; elle
oscille entre colère terrible et déprime profonde. Lui,
a d'autres projets, il réinvesti même les aspects les plus
visibles de l'islam, lui qui se proclamait athée dans les volumes
précédents. Ouvrage moins léger que les précédents.
C'est la fin de l'innocence enfantine ! Riad Sattouf démontre
encore son talent pour rendre compte des observations et ressentis d'un
enfant avec candeur mais sans mièvrerie. C'est instructif, parfois
émouvant et souvent drôle. Toujours très juste, en
tout cas. J'ouvre en grand.
Etienne
La BD c'est ma culture, comme la littérature. L'Arabe du futur,
j'ai beaucoup aimé, c'est une très belle uvre. J'aime
le contexte historique, qui m'intéresse beaucoup, le panarabisme,
l'utopie laïque des années 70-80 de l'Arabe du futur. C'est
aussi la double culture avec donc un tiraillement pour l'enfant. Les personnages
sont très bien construits, le père, la mère taiseuse
et qui d'un coup explose. Avec le quatrième tome, c'est l'épanouissement
du personnage de la mère. Le dessin n'est pas esthétique,
mais très efficace. C'est plus dans le réel que Marjane
Satrapi. Il a un talent de croquis, avec le détail un peu moche.
Et la cruauté du monde des enfants. J'ai un bémol pour le
numéro trois, il a trouvé la formule qui gagne ! Le quatrième
c'est un renouvellement : Riad devenant adolescent, le père et
la mère se transforment. J'ouvre aux trois quarts.
Manuel
Je suis un fan inconditionnel de Riad Sattouf depuis L'Arabe du futur.
Le livre m'a beaucoup fait penser à Marjane
Satrapi. C'est aussi une autobiographie avec en filigrane l'histoire
des pays arabes : le Libye, la Syrie. En quelques vignettes, on comprend
la situation complexe en Syrie (p. 70 vol. 1).
Je suis du même avis que Claire, les personnages sont attachants.
Riad est bienveillant, il raconte je pense fidèlement son enfance
entre la Lybie, la Syrie et la Bretagne. Avec la figure du père,
je me suis souvenu d'Annie Ernaux et La place.
Le père est coincé dans son déterminisme social et
culturel. Il est antisémite, raciste malgré son séjour
en France. Il est un thésard médiocre, mais malgré
tout il n'a pas changé. La violence des enfants en Syrie est physique
alors qu'en France elle est morale. Chaque volume est riche de rebondissements.
Contrairement à toi Henri, je peux l'ouvrir n'importe où
et le relire avec plaisir. Je n'ai pas compris l'avis de Lisa. Est-ce
qu'on ne peut plus raconter une certaine réalité ?
J'ouvre trois fois en grand.
Nathalie
J'ai lu la BD avec beaucoup de plaisir, mais pour moi ce n'est pas un
livre pour le groupe lecture. Je ne peux pas le voir comme une uvre
littéraire à part entière. D'autant plus que seul
le premier tome était programmé et que je n'y vois pas l'intention
de l'auteur. Je suis très étonnée (au sens propre)
par la réception de cette uvre par le grand public et j'essaie
de comprendre ce que le lecteur peut y trouver. On pourrait établir
une comparaison avec la réception de Persepolis
qui inaugure un genre à part entière ; L'Arabe du
futur en reprend certains codes et pour moi, ça perd de son
intérêt. Je n'avais donc jamais eu envie d'acheter. Donc
ma question est bien de comprendre pour quelles raisons on aime lire cette
uvre. Je retiens le portrait du père qui agit de façon
très violente, c'est un sale con mais ce qui est intéressant
c'est que la façon dont il est montré reste neutre et il
me semble (en tous les cas dans le tome 1) que l'auteur-narrateur
ne commente pas les actions du père ; mais pour moi, la mère
est tellement silencieuse que c'en est gênant. Il ne lui donne presque
aucune place dans ce tome. Quel est le projet de Sattouf ? Comment
faire acte d'écriture autobiographique en réduisant ainsi
la place de la mère ? S'il fait découvrir un monde
qu'on ne connaît pas, vu à sa façon "réductrice",
qu'est-ce qui emballe dans cette lecture ? Que découvre le
lecteur dans ce texte ? Ce qui me gêne, c'est cet enthousiasme
qui pourrait faire croire aux lecteurs qu'ils savent quelque chose de
général sur ce monde, ce moment historique et qu'ils oublient
de prendre en compte le filtre de la subjectivité. Ce que montre
Sattouf c'est une vision en forme de "longue vue" propre à
l'enfance, propre à l'adulte qu'il est devenu, on ne peut pas le
prendre pour argent comptant. Ce n'est pas "LA Libye", ce n'est
pas "LA Syrie", mais une Libye, une Syrie à une époque
précise, un endroit précis, et dans une famille particulière.
Et je crains moi que les lecteurs généralisent... Et je
répète que ce n'est pas un livre pour le groupe lecture
parce qu'en fin de compte on n'a pas grand chose à dire à
part "raconter" ce qu'on y a trouvé !! Et donc,
du narratif..... J'ouvre ¼.
Danièle
En tout cas, il y a débat. Cest donc bien un livre pour le
groupe lecture.
Claire
Je pense comme Danièle, quel bon choix pour le groupe lecture !
Quant à LA Libye, LA Syrie..., Sattouf n'a pas réalisé
un documentaire, mais une autobiographie. Pour ce qui est de ce que nous
en disons, peut-être notre manque d'expérience concernant
le partage de lectures graphiques joue-t-il ?
Manuel
Je conseille d'aller voir l'expo à Beaubourg.
Claire
J'ai vu l'expo et je pense qu'on peut s'en passer. Ce qui m'a le plus
intéressée, ce sont les films (extraits de ses films, entretiens
avec lui ou avec des spécialistes tout ça on peut
le trouver sur Internet). Si, ce qui est intéressant c'est de voir
comment il conçoit ses histoires : ce n'est pas un scénario
ensuite illustré ; il fait ensemble dessin et texte, la planche
s'écrit au fur à mesure. Et par ailleurs, je trouve l'homme
extrêmement sympathique et intéressant, nuancé. C'est
pour ça que je trouve le point de vue de Lisa incompréhensible.
Discussion sur le racisme du livre selon Lisa. D'abord glose sur son avis : trouve-t-elle que c'est le livre ou l'auteur qui est raciste ? Nous relisons le passage et concluons c'est l'auteur.
"Cette BD est addictive : je veux savoir ce qui va se passer !
Mais... je le trouve profondément
et absolument raciste. Si cette BD avait été faite par Zemmour,
tout le monde aurait crié à la provocation à la haine
raciale ! Son nom lui donne un passe-droit, mais ce n'est pas parce
qu'on est à moitié arabe qu'on a le droit d'être raciste.
Quel mépris transpire dans ces pages ! Aucun arabe n'a de
qualité : tous antisémites sexistes racistes méchants,
rien pour plaire. Cette BD est un tract pour le front national."
Nous tombons d'accord sur le fait que le livre peut apporter de l'eau
à un moulin. Quel moulin ? Il peut renforcer des stéréotypes,
mais en cela échappe à son auteur. L'auteur écrit
une autobiographie et rend compte de ce qu'il a vécu, sans présenter
une généralisation. Nous ne voyons pas de racisme de l'auteur
dans le livre. Aucun mépris. Mais nous admettons que la vision
du contexte (celui vécu par l'enfant) peut faire plaisir à
certains, voire faire jouir ceux-ci. Nous concluons donc par deux questions
:
- de quoi jouis-je ?
et
- qui jouis-je ?...
Lisa (découvrant nos avis)
Effectivement, mon message n'était peut-être pas clair. Je
ne juge pas l'auteur dans sa globalité, dans sa vie, etc. Mais
dans cette uvre je le trouve raciste. Si on me demande des phrases
exemples de racisme, je ne trouve pas ça pertinent.
Tintin au Congo est jugé raciste, pourtant on ne trouve
pas de phrases disant "les noirs sont inférieurs". Il
n'y a pas besoin de phrases, le dessin, et ce qui est montré suffit.
Tout comme Black et Mortimer Le
secret de l'espadon. Un exemple quand même : la saleté
des personnes (les adultes ont des mouches qui leur tournent autour,
de la morve, etc., entre autres).
Manu dit que j'ai rien compris... Bon, c'est pas parce que nos avis sont
différents que j'ai rien compris.
Je suis tout à fait d'accord avec Nathalie : "Ce
qui me gêne, c'est cet enthousiasme qui pourrait faire croire aux
lecteurs qu'ils savent quelque chose de général sur ce monde,
ce moment historique et qu'ils oublient de prendre en compte le filtre
de la subjectivité." Elle a mis des mots sur ce
que je ressens : les lecteurs français qui disent "c'est
super de découvrir la Syrie, la Lybie", en faisant
de ce bouquin une généralité. Et effectivement, là
je suis d'accord avec vous, ça échappe à l'auteur.
Synthèse
des AVIS du GROUPE BRETON réuni le 13 juin 2019
(pour deux livres : L'arabe
du futur et/ou Le
météorologue),
rédigée par Yolaine.
Cindy,
Marie-Claire, Yolaine
|
Marie-Thé
|
Chantal
|
Pas lu : Édith
|
Aucune d'entre nous n'appartenait
au monde des passionnés de bandes dessinées ou de romans
graphiques, et deux d'entre nous n'ont pas eu envie de s'y mettre, ou
n'ont pas aimé les dessins, trop simplistes ou trop répétitifs
: "toujours la même tête" au fil des pages, même
si l'enfant grandit quand même un peu à la fin du premier
tome.
Celles qui ont poursuivi l'initiation ont constaté que l'écriture
avait au moins autant d'importance que les dessins. L'équilibre
entre l'image et le texte améliore le confort et le plaisir de
la lecture. La simplicité du trait de crayon donne un côté
spontané à ce récit enfantin plein de fraîcheur
et d'humour. C'est très drôle, savoureux, irrésistible.
En même temps cet ouvrage autobiographique, joyeux et sérieux
à la fois, relate avec beaucoup de justesse des situations souvent
cocasses, parfois difficiles. C'est aussi un récit de voyage en
Libye, en Syrie et en Bretagne, aussi voyage dans le temps (celui de notre
jeunesse
) basé sur des souvenirs étonnamment précis
et documentés. L'auteur décrit, avec un regard d'enfant
honnête et bienveillant, parfois craintif, souvent émerveillé,
mais aussi subtil et averti, une foule de situations vécues qui
ont une résonance avec notre propre vécu ; c'est ce
qui lui permet de sublimer le temps et l'espace dans lequel s'inscrit
ce récit, pour atteindre une dimension universelle. On a adoré.
QUELQUES REPÈRES SUR RIAD SATTOUF
Famille : Né en 1978
à Paris d'un père syrien et d'une mère française,
il est, par sa grand-mère maternelle, issu d'une famille de Terre-neuvas
et descendrait du corsaire et capitaine au long-cours Vincent François
Tranchant (1769-1854).
Enfance : Il passe son enfance en Libye et
en Syrie où il reçoit une éducation musulmane dans
une école de village. À l'âge de 12 ans, il revient
en France avec ses parents, d'abord au cap Fréhel chez sa grand-mère
maternelle, puis à Rennes après le divorce de ses parents.
Études : Il poursuit ses études
jusqu'au bac à Rennes, puis entre à Nantes dans une école
d'arts appliqués, avant de réussir le concours d'entrée
à l'École des beaux-arts de Rennes. Il entre à l'École
Pivaut et par la suite à l'École
des Gobelins, dans la section animation.
uvres : BD (albums et presse : de 2004
à 2014 il publie chaque semaine dans Charlie Hebdo "La
Vie secrète des jeunes") et cinéma (scénariste,
réalisateur, compositeur, acteur, producteur).
Parcours : pour parcourir avec lui sa
vie/son uvre à l'occasion de la sortie du tome 4, voir
un entretien vidéo publié par la librairie Mollat ICI
(39 min) ou un bel article de Elodie Drouard analysant le phénomène
sur le site de France
Info avec plein de photos et d'extraits des albums.
CE QUI NOUS A DÉCIDÉS...
Outre la sortie du tome 4, c'est
L'EXPOSITION
"Riad Sattouf, l'écriture dessinée" à la
BPI du Centre Pompidou (du 11 novembre 2018 au 11 mars 2019).
Pour montrer les facettes et les évolutions d'un travail graphique
et narratif complexe, l'exposition est organisée en trois parties
:
1. L'observation du réel : le journal de Riad Sattouf sur plusieurs
décennies a une valeur sociologique
2. L'art graphique de Riad Sattouf : ses maîtres et son style propre
3. L'autobiographie dessinée : L'Arabe du futur
On
peut consulter UN DOSSIER du
magazine de la BPI De
ligne en ligne avec en particulier :
- un article d'Haude Rivoal, sociologue, sur le genre, les codes de la
virilité chez Riad Sattouf : "Bolos
et beaux gosses"
- le point de vue des éditeurs de Sattouf : "Riad
Sattouf et les éditions Allary : passé, présent et
futur"
- "Riad
Sattouf en 5 bandes dessinées" : Les Pauvres Aventures
de Jérémie, Retour au collège, La Vie secrète
des jeunes, L'Arabe du futur, Les Cahiers d'Esther.
Et voici un entretien savoureux avec Riad Sattouf sur l'exposition : Les bibliothèques sont parmi les lieux que jaime le plus au monde, par Éric Delhaye, Télérama, 11 décembre 2018.
Nos cotes
d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie - beaucoup-
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grand ouvert - ¾
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