Ourika
de Madame de DURAS
, p
résentation de Benedetta Craveri, trad. de l'italien Isabel Violante, GF Flammarion, 128 p.

Quatrième de couverture
 : Amie de Chateaubriand et de Mme de Staël, Claire de Duras fut le premier écrivain à donner sa voix à une femme de couleur victime des préjugés raciaux. Ourika (1823) retrace l’histoire saisissante d’une jeune Sénégalaise : ramenée en France à la veille de la Révolution pour être offerte à la princesse de Beauvau, qui l’élève comme sa fille, elle découvre en grandissant que l’éducation, la morale, la religion ne suffisent pas à rendre les individus égaux. Goethe avait été bouleversé par ce roman. Si, deux siècles après sa parution, il continue de nous émouvoir, c’est, comme le suggère l’écrivain britannique John Fowles, parce qu’il "touche vraiment un des points les plus profonds de l’art, le désespoir de ne jamais atteindre la liberté dans un milieu déterminé et déterminant. Voilà pourquoi Ourika d’un côté plonge ses racines dans le XVIIe siècle français, chez Racine, La Rochefoucauld, Mme de La Fayette, tandis que de l’autre côté il regarde vers Sartre et Camus. C’est l’examen clinique d’une outsider, de l’éternel étranger dans la société humaine".

(Duchesse) Claire de Duras (1777-1828)
Ourika (1824)
Nous avons lu ce livre pour le 2 décembre 2022 et le groupe de Tenerife pour le 13 décembre.
AUTOUR DU LIVRE
Quelques repères biographiques
Les textes de Claire de Duras
Différentes éditions du livre Ourika
Au théâtre

Name dropping
Des images

Benedetta Craveri, auteure de l'introduction

Renouveau universitaire

Des articles
Correspondance
Des émissions de radio

Nos 17 côtes d'amour pour Ourika

Nathalie
Annick A
José Luis
EtienneFannyJacquelineLisa
Entre et BrigitteCatherine
FrançoiseMaëvaMurielSabine
ClaireMonique L NievesRenéeRozenn

Jacqueline(avis transmis)
Très occupée, je l'ai lu dans l'édition scolaire que j'ai trouvée en passant à la bibliothèque. Un livre court, qui se lit bien et vite. La dénonciation du racisme ne m'a pas vraiment convaincue en tant que telle. Peut-être plus à cause des canons romanesques de l'époque (la conversation entendue qui déclenche la prise de conscience des préjugés et l'écroulement d'une illusion) qu'à cause d'une réelle invraisemblance : la situation d'Ourika est comparable à bien des situations, plus proches dans le temps, d'enfants transplantés "pour leur bien". Le choc de voir son identité confrontée brutalement à un fait culturel incompréhensible, la solitude d'Ourika, m'ont évoqué la situation du héros de Sauer dans L'ancêtre, à son arrivée comme à son retour…
Que Madame de Duras ait pu fréquenter les mêmes salons que Stendhal m'a donné envie de relire Armance qui aurait été inspiré de son roman Olivier ou le secret.
Je regrettais de ne pas avoir lu Ourika dans la "bonne édition". Au dernier moment, elle n'était pas disponible chez mon libraire, qui m'a envoyé à la librairie Gallimard. C'en était encore une autre avec trois courts romans dont justement Olivier ou le secret. Je vais pouvoir comparer…
Nathalie(avis transmis de Nantes)
Je traîne la patte depuis quelques semaines pour lire les livres proposés par le groupe. J'ai passé mon tour pour Antoine Wauters malgré un début de lecture assez passionnant et j'ai définitivement renoncé à mettre le nez dans Proust. En fait, je n'arrive plus à trouver suffisamment de temps pour lire, d'autant plus que j'ai inauguré un club lecture dans mon collège.
Bref, j'ai fait un effort pour Ourika, compte tenu du peu de pages à lire. Mais j'avoue tout de suite que je n'y ai pas trouvé mon compte.
L'écriture et le contenu me semblent assez conventionnels pour une écriture "soignée" du XVIIIe siècle telle que nous en étudions au lycée. De fait, je n'ai pas réussi à me passionner pour cette "religieuse" qui, à la veille de sa mort, nous partage son histoire. Je crois que je ne suis pas idéaliste : Cette idée de sacrifier ses désirs en se tournant vers Dieu et en se retirant du monde me laisse de marbre. L'amour qu'elle porte à ce jeune homme reste très platonique et je préfère cent fois une Princesse de Clèves ou la Roxane de Cyrano.
Je ne dis pas que l'idée n'est pas originale. Le problème pour moi est que Mme Duras se sert d'un fait attesté pour le tourner au discours qu'elle a envie de tenir. Mourir à 16 ans et mourir d'amour ne sont pas la même chose. À aucun moment, je n'ai eu l'impression que le propos permet de rendre compte de la pensée de la "véritable" Ourika.
Pour moi, Ourika porte les paroles de sa maîtresse (ou de l'auteur) Ce n'est pas une étrangère qui s'exprime, c'est une femme qui a été formatée par la pensée de celle qui l'a adoptée et qui lui a permis de s'élever intellectuellement. Certaines remarques insistent sur la destinée d'Ourika. Les propos de Mme de... dénoncent le fait qu'Ourika aurait "brisé l'ordre de la nature", qu'elle se serait "placée dans la société sans sa permission", que pour la rendre heureuse "il eût fallu en faire une personne commune". Ourika renchérit elle-même sur les propos de celles qui l'ont aliénée.
Ourika elle-même se compare à un singe, elle renie sa couleur ! Quelle femme noire libre d'esprit pourrait affirmer cela si elle n'a pas subi un lavage de cerveau ? Elle en va jusqu'à masquer par des gants et des vêtements sa couleur de peau.
L'idée également que le corps et l'esprit peuvent être séparés, occultant ainsi les mouvements involontaires du cœur, me renvoie à des principes de morale judéo-chrétienne qui font d'Ourika, non pas un modèle de femme noire, intégrée dans une société française, mais une femme dont l'identité s'est perdue au fil des années et un simple modèle de pensée de son époque.
En quoi le questionnement de savoir si les chagrins inspirent plus d'intérêt par leurs résultats ou par leurs causes est-il intrinsèquement lié à la personnalité d'Ourika ?
Ce questionnement est lié aux préoccupations de l'époque, pas à son statut d'étrangère. Ourika est assimilée, pas intégrée. Elle ne semble pas avoir conscience de ce qu'elle est devenue par le biais de l'éducation qu'on lui a imposée. Elle annonce vouer un "culte" sans réaliser que celle qui l'a adoptée pourrait être considérée comme un bourreau. Son identité a complètement disparu et elle se met à juger son peuple comme des barbares et des assassins. Je ne reviendrai pas non plus sur la mascarade de la danse de salon.
En réalité, le texte me semble plus intéressant sur la vision qu'il donne de son époque que sur le personnage présenté.
Je ferme entièrement par rejet.

Claire
J'informe Maëva qui n'a pas encore repéré, car on ne l'affiche pas..., que nous avons deux profs dans le groupe, Nathalie dont on vient de lire l'avis et Sabine qu'on va lire. L'une, en dépit de sa distance professorale, plonge la tête la première dans l'identification et l'autre ne peut avoir un avis hors de la référence scolaire. On les aime quand même...
Sabine (avis transmis de Nîmes)
Ourika a été exhumée grâce à Olympe de Gouges, programmée depuis deux ans pour l'épreuve du bac de français. Après la Princesse de Clèves et Joséphine Baker au Panthéon, les gonzesses sont à l'honneur dans les couloirs des ministères.
C'est formidable que cette nouvelle ait été rééditée. L'arrière-plan historique est riche, l'histoire sympathique. L'écriture est convenue (en droite ligne après les pièces d'' Olympe et la Manon L'Escaut de l'abbé Prevost) et pour les élèves, c'est parfait. Ce n'est pas ma tasse de thé. L'étude faite en préambule m'a bien plus intéressée.
J'ouvre aux ¾.

Brigitte entreet (à l'écran)
C'est une lecture que j'ai trouvée rafraîchissante car différente. J'ai trouvé étonnant l'accord entre un sujet moderne et cette écriture très marquée par son époque.
Il y a beaucoup de choses convenues au niveau du procédé, notamment cette présentation par un jeune médecin, ainsi que le fait qu'Ourika surprenne la conversation entre sa "bienfaitrice" et Mme de…, qui la confronte à la réalité de sa situation de jeune fille très éduquée, mais noire.
Le sujet est intéressant, d'autant plus qu'il est traité avec la mentalité début XIXe. Mme de Duras essaie de traiter de l'influence de l'éducation sur l'avenir de celui (ou celle) qui en bénéficie. C'est presque un cas d'école. En effet, il me semble peu vraisemblable que dans la réalité, même dans ce milieu très préservé, Ourika n'ait jamais été confrontée à la moindre remarque, ou attitude, en lien avec sa couleur de peau.
J'ai beaucoup apprécié aussi de lire comment la Révolution est vue par Ourika, pour qui il n'y a pas d'enjeu personnel : elle ne fait partie d'aucune classe sociale française. Rien ne la concerne, hormis peut-être le thème de l'esclavage. J'ai été amusée par ces personnages de salon, dont l'esprit est très ouvert aux idées nouvelles, qui changent de point de vue sur la Révolution quand ils se trouvent atteints directement.
Cette lecture me donne envie de découvrir un peu plus cette Clalre de Duras, dont j'avais entendu parler, sans jamais aller plus loin.
Ouvert entre ½ et ¾.
Monique L(en chair et en os comme les suivants)
J'ai commencé ma lecture par la préface de Benedetta Craveri que j'ai trouvée passionnante et qui introduit bien le texte de Mme de Duras.
Pour apprécier ce court texte, il faut avoir en tête qu'à l'époque de Mme de Duras, les "nègres" étaient au mieux des bibelots de luxe et surtout le plus souvent maltraités.
La princesse de Beauvau se montre novatrice en considérant et élevant Ourika comme sa propre fille et non comme un amusement. Ourika reçoit une éducation brillante et raffinée. Ses capacités intellectuelles lui permettent de profiter pleinement de cette éducation et elle n'a aucun mal à se conformer au milieu dans lequel elle vit. Cette constatation me paraît déjà une nouveauté à l'époque.
Mme de Duras décrit l'intolérance de la société et son rejet de l'altérité. Elle fait preuve d'une grande sensibilité et d'une compréhension surprenante de ce que pouvait ressentir une femme noire vivant en France.
Le récit est bien construit avec l'intervention du jeune médecin qui écoute Ourika. On passe du je du médecin au je d'Ourika avec un retour du je du médecin, dans les dernières lignes de l'œuvre pour un effet coup de poing : "Ici la jeune religieuse finit brusquement son récit. Je continuai à lui donner des soins : malheureusement ils furent inutiles ; elle mourut à la fin d'octobre ; elle tomba avec les dernières feuilles de l'automne".
La modernité du récit réside dans le fait d'avoir donné la parole à une femme "noire". C'est un récit concis et dense sous la forme d'une longue confidence d'Ourika, devenue religieuse à son médecin : un positionnement thérapeutique qui devait être assez original en ce début de XIXe siècle.
L'auteur y analyse avec justesse l'autodépréciation d'Ourika, intériorisant la dévalorisation que lui fait subir le regard de l'autre ; Ourika en vient à masquer son corps. Elle se réfugie un temps dans l'amitié de Charles pour échapper aux regards de dédain qu'elle ne voit que trop désormais. Tout s'enchaîne alors : le mariage de Charles, la naissance d'un enfant, la mort souhaitée, le regret de n'avoir pas été une "vraie" esclave parmi les siens et le retour de la marquise de… - son électrochoc du début -, qui la met sur la voie de la solution : accepter son sort, se consacrer à Dieu et se laisser mourir.
Mme de Duras n'adopte pas le ton vengeur des écrivains engagés dans une lutte idéologique, son roman n'en est que plus percutant.
J'ouvre en entier (en prenant en compte l'époque où il a été écrit).
Fanny
Le style m'a un peu gênée dans ma lecture.
Je n'ai pas eu envie de lire l'introduction.
Le texte est court mais m'a quand même lassée.
J'ai bien aimé quand elle prend conscience qu'alors qu'elle est élevée comme tout le monde, elle ne sera jamais de ce monde. C'est bien amené, c'est assez fort et cela m'a touchée.
J'ai trouvé exagéré qu'elle prenne aussi difficilement conscience qu'elle est amoureuse.
Mais c'est le style, les phrases ampoulées - même si c'est l'époque - qui m'ont empêchée d'apprécier.
J'ouvre à moitié car le thème est intéressant et l'histoire touchante. Mais le procédé (on sait depuis le début qu'elle va mourir) et le style ont cassé mon empathie.
Rozenn
J'aime justement l'aspect vieilli. J'ai beaucoup aimé le style, qui m'est familier, que j'ai plaisir à retrouver. Et j'ai aimé les procédés "classiques".
Et je trouve audacieux d'écrire ce qu'elle écrit.
Je n'ai pas aimé la présentation, je me fous des salons... mais c'est pas vrai, j'ai abandonné quand il restait 10 pages, c'est long avec les citations, et en y revenant j'ai vu que c'était intéressant. Elle aurait pu faire plus rapide, surtout avec ce texte si fluide.
Il y a un décalage entre l'aspect des salons et le sujet, les éclairés et le dédain manifesté.
J'ai aimé le personnage, le style, la dénonciation. J'ouvre en grand.
Etienne(à l'écran depuis Rennes)
Je ne serai pas très long. Je suis assez partagé, car des choses me plaisent, d'autres me déplaisent.
J'admire Mme de Duras d'arriver à broder si habilement, de parler de tout et de rien. Les pages se lisent très bien, mais comme Fanny, le coté ampoulé m'a gêné. Avec ce côté convenu, on a lu des choses moins sages.
Cette ancienne esclave qui s'intègre à ce point, c'est assez troublant. Il y a un côté tragédie, de par cet aspect insoluble.
J'ai beaucoup aimé l'introduction, très très longue, et sa très bonne mise en situation.
Je me rappelle avoir lu dans la Maison de Châteaubriand à la Vallée-aux-loups le portrait de Mme de Duras.
(photo de ce portrait
au mur de la demeure de Chateaubriand
prise en octobre 2022 par Annick L)
Maëva
J'aimerais commencer avec un petit mot rapide sur la préface que j'ai trouvé fascinante. L'éclairage que Benedetta Craveri donne sur la vie et l'œuvre de Mme de Duras offre une seconde lecture très intéressante pour Ourika afin de situer ce texte dans le contexte social et politique de l'époque, mais aussi dans la vie de cette "femme auteur".
J'ai envie de partager une citation de cette introduction qui m'a fait sourire, lorsqu'elle relate les propos du duc de Duras au sujet de sa nouvelle épouse après la mort de Claire : "c'était difficile de comprendre le bonheur de se sentir plus intelligent que sa femme" (p. 67).
Au sujet du texte, je l'ai trouvé particulièrement contemporain puisqu'il peut se transposer à d'autres questionnements d'identité actuels. Ourika parle d'une discrimination raciale, pourtant elle porte les mêmes problématiques que toutes les discriminations sociales : l'invisibilisation et le mépris. Le traitement du racisme n'a rien de révolutionnaire, il est pourtant novateur pour l'époque, même s'il est imparfait à l'heure actuelle.
D'autre part, le texte soulève un aspect sur la condition féminine qui continue à exister de nos jours, celui de la maternité et du couple : "moi qui ne devais être la sœur, la femme, la mère de personne" (p. 90). Aujourd'hui, les femmes peuvent exister sans mari ou enfants, pourtant ce choix reste largement controversé et la marginalisation demeure d'actualité.
Ourika ne peut se défaire de son sort, il y a une forme d'inéluctabilité dramatique dans cette histoire comme le dit Mme de … : "elle s'est placée dans la société sans sa permission, la société se vengera" ou "elle ne peut vouloir que de ceux qui ne voudront pas d'elle" (p. 86). Nous assistons à cette chute bouleversante en sachant parfaitement qu'il n'y a pas d'issue. Nous sommes aussi impuissants qu'Ourika puisque nous savons dès les premières lignes qu'elle finira au couvent dans un isolement total.
Plus généralement, la description du chagrin est si palpable qu'elle est pesante et tangible, je pense notamment à la succession de questions culpabilisantes qu'Ourika s'adresse à elle-même : "Qu'importait au monde qu'Ourika vécût ? Pourquoi était-elle condamnée à la vie ?" (p. 101) ou le passage d'une infinie tristesse lorsque Charles déclare : "je n'ai commencé à vivre que depuis deux mois" (p. 100) rendant leur passé commun anecdotique ou "il était donc bien facile de tromper ceux dont l'intérêt était ailleurs" (p. 102).
La durée du récit m'a semblé adaptée ; au départ je me suis demandé si le désespoir d'Ourika quant à sa condition n'arrivait pas bien vite, mais après coup je trouve qu'il s'inscrit plutôt justement dans la narration. Comme Rozenn, les tournures classiques ne m'ont pas gênée, bien que l'introduction de la préface ait certainement contribué à me plonger dans l'ambiance.
Même si la rédemption d'Ourika ne se trouve que dans les mains d'une intervention divine, et que la piété religieuse est quelque chose qui me laisse assez insensible, j'ai été émue par ce récit et touchée par son caractère intemporel.
J'ouvre aux ¾ .
Muriel
J'ai lu un peu des deux, la moitié de la présentation (mais ça va finir quand ?), la moitié du texte (ah tiens je vais revenir à la préface), la moitié de la présentation (ah oui c'est bien finalement) et enfin la fin du texte.
J'ai trouvé très bien l'introduction. Et le style ? Ben évidemment, y a pas de phrases sans verbe à l'époque...
Le sujet est intéressant. Et la découverte de la fille au hasard d'une écoute qu'elle est noire et foutue dans cette société-là n'est pas invraisemblable.
Ce qui m'a plu aussi est de voir de l'intérieur, du côté des nobles, que la Révolution est une catastrophe... on n'est pas habitué à ce point de vue.

Brigitte
Tu dois connaître Le dialogue des Carmélites ?

Muriel
Le texte de Bernanos non, mais l'opéra oui.

Brigitte
Elles vont à l'échafaud... (voir ici).
Renée(à l'écran depuis Narbonne)
J'ai beaucoup aimé la présentation qui montre qu'on mettait sur le même plan un cheval, une poule, une autruche et une petite captive. Elle met très bien dans l'ambiance, la vie de Mme de Duras est très bien racontée, on comprend la place des femmes à cette époque et c'est grâce à son intelligence qu'elle a su imposer un salon. Comme l'a fait remarquer Maëva en citant M. de Duras se remariant (et ressentant enfin "le bonheur de se sentir plus intelligent que sa femme"), intelligence dont son mari était fier, mais dont il se sentait écrasé (ça n'a pas trop changé de nos jours).
Quant à l'écriture, il faut la mettre dans son contexte. Certaines choses sont très modernes, par exemple :
- le médecin qui lui permet de se libérer par la parole et espère la guérir, tel un psy
- le prêtre qui ne l'invite pas particulièrement à rencontrer Dieu, mais à trouver sa voie ("ce bonheur était entre vos mains"), comme dans le développement personnel d'aujourd'hui...
Oui c'est un peu désuet, mais j'ai beaucoup aimé, alors qu'au départ j'étais réticente, plus intéressée par le roman contemporain, par l'envie de me confronter à des problèmes de société actuels.
Cependant, je suis tombée sous le charme. J'ai eu beaucoup de plaisir, j'ouvre aux ¾, et même en grand.
Catherine entreet
C'est une histoire qui a suscité chez moi une réflexion davantage qu'un plaisir de lecture. Un avantage certain à ce livre : il est court. L'histoire est émouvante mais je n'ai pas été très touchée car j'ai été plutôt rebutée par le style trop emphatique pour moi ; je sais bien que c'est le style de l'époque, mais j'ai du mal.
J'ai bien aimé le début, Ourika amenée en France en même temps que des objets et des animaux. J'ai aimé aussi la brutalité de la prise de conscience d'Ourika de sa condition qui la condamne à rester seule et à part. Elle ne pourra jamais se marier dans la société dans laquelle elle a été élevée et donc, étant une femme, le seul avenir possible lui est interdit. Certes, elle est bien traitée, elle reçoit une éducation, elle est même aimée par sa protectrice qui veut son bien, se donne bonne conscience, mais fait plutôt son malheur. Le racisme n'est jamais exprimé, mais est en toile de fond. Il est tout simplement inimaginable pour tout le monde qu'un Blanc puisse aimer et épouser une femme noire.
Le thème et le contexte sont très intéressants : la transplantation brutale d'un enfant d'un monde à un autre, comme un objet ou un animal, un sujet de curiosité, l'éducation dans un milieu duquel elle sera inévitablement rejetée, une fois adulte et après la disparition de sa protectrice. C'est un sujet qui reste très actuel : on continue à transplanter des enfants d'un continent à un autre, théoriquement pour leur donner une vie meilleure, mais sans se poser la question du mal que l'on peut leur faire en les arrachant à leur milieu. L'arrière-plan historique donne une dimension supplémentaire au texte, même s'il est seulement évoqué. La Révolution, qui a aboli l'esclavage, ne change au fond pas grand-chose sur l'acceptation d'une femme noire par la société.
J'ai beaucoup aimé la préface, peut-être plus que le texte lui-même. Je ne l'ai lue qu'après avoir lu la nouvelle car je préfère ne pas être influencée. Le personnage de Claire de Duras est assez fascinant. Les héros ou le sujet de ses textes sont franchement inhabituels pour l'époque : une femme noire, l'impuissance masculine. C'est courageux. Et la préface donne un éclairage nouveau à la nouvelle ; on trouve des points communs entre l'histoire de Madame de Duras et celle d'Ourika, la déception sentimentale, le côté passionné, sans concession. Mais Ourika n'a pas la possibilité de créer un salon et de côtoyer Chateaubriand et Madame de Staël.
Je l'ouvre entre la moitié et ¾ pour l'ensemble. Je ne connaissais pas du tout Madame de Duras et je ne regrette pas cette lecture.
Annick A

Je suis beaucoup plus intéressée par la présentation et la biographie de Madame de Duras que par le roman. La dimension historique de la Révolution, vue sous l'angle peu courant de la noblesse et son immigration, ses peurs, ses souffrances et son courage, est très bien décrite. On y voit aussi la vie des salons et les nombreux échanges littéraires.
Concernant Ourika, pour moi ce n'est pas un roman sur le racisme. À part l'introduction qui raconte comment, pour épargner l'esclavage à certains enfants, il était de bon ton pour les protéger de les offrir en cadeau au même titre que les objets ou les animaux, on n'y voit aucune trace de racisme à l'égard d'Ourika qui, offerte dans ce contexte à Madame la maréchale de B, est au contraire choyée et élevée comme une Blanche.
Le cœur du roman est la souffrance intime d'une femme qui ne peut sortir de la place où elle est assignée par la société. Durant des pages, elle s'apitoie sur son sort à la manière des romantiques, et le côté larmoyant m'a agacée, bien qu'elle ait vraiment des raisons de se sentir mal. Par contre, j'ai été intéressée par la façon dont elle s'est construite à travers ses identifications. Venue du Sénégal à l'âge de deux ans, elle se vit comme Blanche en s'identifiant à travers ses modèles, des Blancs, nobles, riches et cultivés. Brutalement, elle découvre qu'elle ne l'est pas. Elle est donc atteinte dans sa construction identitaire et n'a aucune possibilité de se raccrocher à d'autres modèles. Elle s'effondre, et ne peut plus se reconnaître dans la glace. Elle n'a plus de semblables car les Noirs, de son point de vue, sont des barbares et des assassins. Au moment de la Révolution, son état s'améliore car elle se reconnaît dans les autres par la souffrance : "Je ne me sentais plus isolée depuis que le monde était malheureux". La Révolution, décevante, ne résout en aucune façon sa situation, et son issue est de se créer une famille d'appartenance, le couvent, en s'identifiant aux religieuses. Il y a d'intéressants passages au moment de la Révolution vu sous un angle peu abordé.
J'ouvre un quart.
Claire(attention avis épouvantablement long)
J'ai découv
ert ce livre par hasard en cherchant de "petits" livres.
La plupart du temps, j'aime découvrir un texte sans en rien savoir. Dans ce cas, j'ai apprécié la présentation de Benedetta Craveri et sa place avant Ourika.
J'ai été d'emblée enthousiasmée par l'esprit de cette préface, par la densité d'information, par l'élégance de la plume, par le fait qu'il s'agit moins d'une préface que d'un véritable roman, constitué de la vie romanesque de Madame de Duras. J'ai applaudi la maîtrise de l'insertion des citations nombreuses qui donne la parole aux personnages du roman, et notamment en direct à Mme de Duras dans sa correspondance, et qui jamais n'alourdissent le récit. J'ai admiré l'art de restituer une époque, une vie, et le contexte d'Ourika. Ainsi permet-elle de rendre vraiment stupéfiant ce récit.
Où d'emblée me frappe, tout comme dans la présentation, la plume ciselée, et le plaisir des formules dès qu'Ourika entre en scène : "me sauver de l'esclavage, c'était me donner deux fois la vie", "il faut payer le bienfait de savoir par le désir d'ignorer", "on louait tout ce qui prêtait à la louange, on excusait tout ce qui prêtait au blâme". Et l'hommage exquis à la bienfaitrice : "On valait auprès de Mme de B tout ce qu'on pouvait valoir, et peut-être un peu plus, car elle prêtait quelque chose d'elle à ses amis sans s'en douter elle-même."
J'ai admiré son audace à faire parler à la première personne une Noire (ce qui serait impossible aux États-Unis maintenant dans une partie de l'édition), à affirmer l'égalité en montrant le rôle de l'éducation, à mettre en scène des êtres bons et égalitaires, comme l'abbé (pour qui il n'y a pour Dieu "ni nègres ni blancs : tous les cœurs sont égaux devant ses yeux" - faut le faire à l'époque !), à montrer les limites de la Révolution soucieuse des droits, mais ni des Noirs, ni des femmes. Mme de Duras est vraiment étonnante ! (Elle a deux raisons familiales d'être concernée par les Noirs : son père guillotiné qui valorisait leurs droits, sa mère ayant des liens avec les Antilles).
J'ai trouvé intéressante la réaction de Nathalie, qui pourtant rejette le livre : Mme de Duras a parfaitement réussi son coup en lui faisant apparaître l'aliénation complète d'Ourika qu'elle (Nathalie) ne peut supporter. Je suis Annick dans son démontage identitaire (Ourika n'a plus aucune identification possible) et Maëva qui en montre l'actualité.
J'ai trouvé intéressant l'arrière-plan historique qu'Ourika nous fait vivre de l'intérieur : prémisses de la Révolution, Terreur, Restauration, révolte de Saint-Domingue.
J'ai trouvé intéressants les personnages : Mme de B, l'abbé, Charles, la marquise qui joue deux fois le rôle de révélation avec clairvoyance et une forme de bonté aussi. La révélation de sa couleur m'a fait penser à Americanah de la Nigériane Chimamanda Ngozi Adichie que nous avions lu, où l'héroïne prend conscience de sa couleur aux USA.
On a une avancée narrative intéressante avec des événements qui créent une tension et l'artifice du récit emboitée fonctionne très bien. Un art de narrer, quoi !
J'ai lu le roman de Mme de Duras Olivier et le secret, bien plus long, un roman épistolaire qui joue à cacher et subtilement dévoiler le secret (l'impuissance de l'amoureux).
J
e reviens à la présentation qui crée un double emboîtement, tel un écrin pour cette histoire, avec les histoires d'amour et d'amitié de Mme de Duras, vraiment très bien racontées. On sent l'admiration de l'historienne, sa jubilation à la présenter.

Apparemment possédée par le démon des lieux d'écrivains à notre programme (le hasard joue beaucoup quand même...), je suis allée à Lübeck pour Thomas Mann lu cet été, à Bath pour Jane Austen, à Illiers bien sûr pour Proust, et j'ai donc vu les cèdres du Liban que Chateaubriand a offerts à Mme de Duras dans le parc du délicieux château d'Ussé près de la Loire où elle a vécu aussi.
J'étais déjà fascinée par les salonnières et j'ai une petite collection à ce sujet.
Je me suis donc passionnée par Mme de Duras : sa personnalité, l'art de la conversation que pointe l'introduction, qui n'est pas que mondanité - Benedetta Craveri la préfacière a d'ailleurs écrit un gros livre sur ce sujet, L'âge de la conversation . J'ai craqué pour l'aura qu'elle eut auprès de personnalités remarquables (d'où le name dropping que j'ai listé) : Chateaubriand of course, mais Humboldt qui est un génie et dont les Lettres à Claire de Duras (1814-1828) que j'ai feuilletées ont vraiment attiré ma curiosité. Le succès international de Mme de Duras m'a ébaubie... Je me suis rappelé le roman que nous avions lu concernant Humboldt, Les arpenteurs de Daniel Kehlmann.

Brigitte
Il y a eu aussi Le procès des étoiles.

Claire
Ah oui !

(Saisissant les volumes...) Entichée donc de salonnières, j'ai des livres sur ces femmes extraordinaires :
- Les grands salons féminins, un vieux livre aux pages à découper qui évoque 23 salons

- Salons européens : les beaux moments d'une culture féminine disparue de Verena von Der Heyden-Rynsch, avec une page aussi sur Rachilde
- ou encore L'esprit de conversation de Chantal Thomas
- et
L'âge de la conversation de Benedetta Craveri de notre préfacière. J'adore Madame de Staël, qui est une Grande, une femme politique, et dont j'ai visité le château de Coppet en Suisse : toute l'Europe intellectuelle s'y retrouvait. J'avais avant de le visiter, lu, ne connaissant rien d'elle, une biographie patapouf qui m'avait transportée.
Mon coup de cœur va à Madame Geoffrin qui est le sujet d'un tableau célèbre (montrant la reproduction...) :


Lecture de la tragédie de L'orphelin de la Chine de Voltaire dans le salon de Madame Geoffrin par Gabriel Lemonnier, 1812, musée national du Château de Malmaison
Commandé par l’impératrice Joséphine, ce tableau de 1812 avait pour but est de réunir en une scène pour la postérité ceux qui ont compté sur la scène mondaine, philosophique et artistique au cours du siècle des Lumières.
Il s'agit d'une composition imaginaire car ces 53 personnes ne se sont jamais retrouvées ensemble chez Mme Geoffrin.
On peut reconnaître des hommes : Marivaux, d'Alembert et Diderot (qui firent tous deux le projet de l'Encyclopédie chez Madame Geoffrin), Montesquieu, Jean-Jacques Rousseau, Soufflot, le duc de Choiseul, Jean-Philippe Rameau, Helvetius (dont l'épouse Anne-Catherine tenait un salon réputé), Crébillon, Fontenelle, Turgot, Soufflot, Jussieu, Buffon, Pigalle, Daubenton, Réaumur (que de rues...).
Et il y a des femmes : outre Mme Geoffrin, l'actrice Mlle Clairon, Mlle de Lespinasse autre salonnière célèbre, la comtesse d'Houdetot salonnière qui perça le cœur de J.J. Rousseau, la duchesse d'Enville, Mme de Graffigny et Mme du Bocage, écrivaine elle aussi....

Lisa (avis transmis de Suisse après la soirée)
Je ne connaissais pas du tout avant que le livre soit programmé ici. Je partais avec une bonne impression, j'avais envie d'aimer.
J'ai été vraiment très intéressée par la préface. Et je l'ai même préférée au récit…
Sur Ourika, je n'ai que peu de choses à dire. Je n'arrive pas à me former une opinion sur ce livre : intéressant, mais je me suis un peu ennuyée, court mais avec des longueurs… J'ai trouvé le style un peu lourd. Donc j'ouvre à moitié car je ne sais qu'en penser.
En incluant la préface, j'ouvre aux ¾ car c'est ce qui m'a le plus intéressée.

Françoise(avis transmis)
La préface est très intéressante, peut-être même plus que la narration, en ce qu'elle nous fait connaître Claire de Kersaint puis de Duras.
Il n'est pas anodin évidemment qu'elle soit métissée. C'est une période historique importante, entre Révolution, Lumières et salons littéraires.
Mais il ne faut pas oublier que cette période - qui se prolonge tout le 19e - fait les femmes sans aucun droit, soumises entièrement à leur mari, et dont les salons littéraires pour l'élite, sont un décor illusoire.
Ça m'a rappelé un film vu récemment sur Arte The Duchess, adapté d'une histoire vraie de Georgiana Cavendish, Duchesse de Devonshire, femme brillante au charisme lumineux, coqueluche de la haute société londonienne, et cependant totalement soumise à son mari qui l'humilie et la fait souffrir.
Mais Claire est une combattante, et elle fait preuve d'une grande clairvoyance.

J'aime beaucoup l'écriture qui me rappelle celle de Choderlos de Laclos que j'adore, entre autres. Là encore je me suis régalée de la correspondance.
Quant au fond, ça reste un sujet d'actualité, hélas, racisme mâtiné ou non de paternalisme, où l'on voit plus généralement qu'on ne peut faire le bonheur de quelqu'un sans tenir compte de la personne, quelles que soient ses bonnes intentions.
Finalement j'ouvre aux ¾.

Claire (non pas de Duras, mais de Voix au chapitre, réagissant à l'avis écrit transmis par Françoise)
Attention, Claire de Duras n'est pas métis ! Elle a un aïeul, gouverneur de la Martinique, mais qui n'est pas noir.

Françoise
Je croyais que sa mère l'était.

Claire
Des Îles, oui, mais d'une famille riche, de colons.
Au fait, voilà ce que j'ai apporté pour résumer l'histoire
d'Ourika, en 4 images à boire et manger... :

Ourika est vraiment née en Afrique
et offerte à la maréchale de B.
Son histoire est écrite par Madame de Duras :

La maréchale élève tendrement Ourika, c'est une véritable mère…

Mais le destin d'Ourika est bouché : ne lui reste que le couvent...

Le groupe de Tenerife s'est réuni le 13 décembre 2022

Nieves donne ainsi un écho de la réunion : on était huit à y participer. La lecture d'Ourika a plu, a intéressé tout le monde. Or, comme il était prévisible, on est tout de suite passé aux questions du racisme et de l'esclavage, et là, j'aurais bien aimé en parler davantage, car il me semblait qu'on avait des approches différentes. Pourtant on s'est plutôt arrêté au sujet de "la pomme" (plusieurs textes ont été lus).


Nieves
J'ai bien aimé ce court roman écrit dans un style très élégant et abordant un sujet fort attachant. Situé à une époque où l'esclavage n'était pas encore aboli, je trouve que Madame Duras a été très courageuse en choisissant une Noire comme protagoniste de son premier roman.
Mais a-t-elle voulu questionner l'esclavage ? Et le modèle de société où elle a vécu ? Pourquoi situer au premier plan ce personnage ? On était libre de s'exprimer, de pas suivre les standards sociaux dominants ?
En revenant à l'histoire, cette fille, à la peau noire, est née au Sénégal où elle a été achetée par le gouverneur Bouffleur à l'âge de deux ans, pour être offerte à des gens huppés de l'époque, fin du XVIIIe, où on pouvait offrir en cadeau un enfant aussi bien qu'un animal ou une plante exotique. Elle arrive à Paris chez une famille de l'aristocratie, les Beauvau. Ils l'accueillent comme si c'était leur fille, en particulier, Madame de B., donc, elle va recevoir une éducation privilégiée : manières et savoirs indispensables à une fille de la haute société. Bonne élève, elle réussit très bien en jouissant de tous ces bienfaits qui la font oublier la couleur de sa peau.
Cependant, on sait que cela ne va pas marcher, Ourika c'est un élément qui brise ce monde féerique. En effet, ça arrive un jour où une amie de Madame de B. lui fait voir l'incompatibilité de la situation. Ourika, écoutant de loin la conversation prend conscience sur le coup de son anomalie, tombant ainsi dans une dépression qui la conduit petit à petit à la mort. Sa famille d'accueil est incapable de comprendre l'origine de son changement de caractère, son angoisse et son malheur visibles sur sa figure. Elle se sent de plus en plus à l'écart "négresse, dépendante, méprisée, sans fortune, sans appui, sans un être de mon espèce à qui unir mon sort", et décide de se laisser mourir.
Or, elle ne questionne pas son entourage, vivant une contradiction entre la gratitude envers la famille d'accueil dont elle a reçu tout ce qu'elle a, ce qui va être plutôt qu'un bienfait, un écueil. C'est pourquoi elle arrive à penser que sa couleur de peau est le vrai problème et cela la mène à accepter le rejet dont elle est la victime. "Elle n'a pas remplie sa destinée : elle s'est placée dans la société sans sa permission (…) et au lieu de combattre la douleur, elle s'allie avec elle et se laisse emporter jusqu'à la mort".
À vrai dire le seul geste humain envers cette jeune femme lorsqu'elle est grièvement malade vient du médecin qui va la soigner au couvent où on l'a installée. Ce n'est qu'à lui qu'elle se sent capable de vider son cœur. D'ailleurs, l'usage du JE par les deux personnages, Ourika et le jeune étudiant en médecine, contribue à accentuer chez le lecteur, la sensation de profondeur et d'authenticité de la souffrance irréparable qui l'a déchirée.
Or, si bien le roman a fait scandale dans les classes cultivées européennes par le fait que Claire Duras ait créé une protagoniste à la peau noire, il ne s'agit pas d'un récit antiraciste. N'oublions pas que l'esclavage n'a été aboli définitivement en France qu'en 1848. Malgré l'essor des idées révolutionnaires, l'aristocratie qui a accueille Ourika échappe à la révolution, vit de loin la révolte de Saint Domingue et de plus près la Terreur de Robespierre, mais, tout de suite arrive la Restauration. Madame de B, tout en étant malade Ourika, accepte d'immédiat d'épouser son petit-fils Charles, avec une riche héritière sans se demander l'effet que ce mariage pouvait avoir sur Ourika, Charles étant son meilleur ami et confident. Au fait, comme Madame de B. paraît ne pas trouver d'explication ni de solution à sa souffrance, on ne voit pas qu'elle ait mauvaise conscience, puisqu'elle part au mariage en laissant Ourika alitée.
Très belle écriture et très belle histoire qui n'approfondit pas les questions formulées plus haut : pourtant elle y fait réfléchir en étant toujours d'actualité. Pour moi, le message principal serait : ce n'est pas (encore ?) dans les normes d'accepter la différence, la seule issue est la disparition du différent.

José Luis
Livre bien étrange que ce petit roman Ourika. D'une écriture plus proche du XVIIe que du XVIIIe siècle, il fait aussi penser aux livres à finalité morale et même religieuse à l'adresse des filles de bonne famille. C'est sans doute la raison pour laquelle je n'ai pas réussi à l'aimer, même si dans le rapport collectif qu'on en avait fait, on peut lire quelque chose comme : "Nous l'avons tous aimé". J'avais pourtant dit bien clairement et à voix haute que, en le lisant, je m'étais énormément ennuyé. Mais on sait bien - et tout enseignant de n'importe quel niveau éducatif, ou tout parent, ou tout membre d'un couple, etc., en a l'expérience - que ce qu'on dit ou qu'on demande de faire à ses élèves ou à ses enfants, etc., est très souvent mal compris, voire de manière contraire au sens attendu par les producteurs du discours à eux adressé. Il ne faut donc pas s'étonner que dans le cas présent il y eut confusion, surtout si on n'a pas eu l'occasion de négocier le sens du discours. Parce que, comme j'avais l'habitude de dire à mes étudiants, une langue n'est pas un instrument de communication, mais un instrument de production et construction partagée de sens, comme résultat de la négociation entre les intervenants dans l'acte langagier. Et, pour compliquer les choses, ajoutais-je, au terme, toujours provisoire, de cette négociation, on ne peut jamais être sûr du sens du message. Bref, je n'ai pas aimé ce petit livre ni du point de vue du contenu, ni du point de vue de la forme, si toujours est-il possible de séparer ces deux dimensions, ce que je ne crois pas.
Pour avouer cette indifférence au sujet d'Ourika, il faut sans doute être ou très ignorant ou très osé puisque, d'après la note de "Présentation de l'éditeur", Goethe en avait été bouleversé par sa lecture, l'écrivain John Fowles affirme qu'il "touche vraiment un des points les plus profonds de l'art, le désespoir de ne jamais atteindre la liberté dans un milieu déterminé et déterminant". La note de l'éditeur conclut que cette nouvelle regarde vers Sartre et vers Camus car, en fin de comptes, il s'agit de "l'examen clinique d'une outsider, de l'éternel étranger dans la société humaine".
Je n'ai ni les connaissances ni la formation suffisante pour contredire l'avis de l'éditeur de cette édition du roman (Garnier Flammarion, 2010), aussi je me contenterai d'exprimer mes sentiments après ma lecture de ces pages, pas plus longues qu'une brochure :
1. D'un côté je ne peux que rester admiratif devant le personnage de l'autrice : son intelligence, son courage, sa capacité à dénoncer hypocrisie de la haute société dont elle fait partie.
2. Mais d'un autre côté, je n'arrive pas à comprendre la naïveté, et même l'égoïsme, de l'une des héroïnes du roman, M. de B., cette âme apparemment généreuse, qui pris en charge l'éducation de la petite Sénégalaise Ourika, qu'elle éleva comme si c'était sa propre fille. Mais en lui cachant qu'elle ne pourrait jamais être ni son égale ni celle de son fils, ni celle des courtisans et courtisanes à la peau blanche parmi lesquels elle la fait évoluer, comme un joli caniche ou un quelconque exotique animal de foire, ce qui lui causa un malheur dont Ourika ne se récupérera point.
3. Moins critiquable, et même digne d'être applaudie, me semble l'attitude de Mme de... qui est consciente de ce qui est en train de se passer et de ce qui inévitablement se passera. D'ailleurs elle en avertit Mme de B…, qui ne peut qu'accepter le bien-fondé des points de vue de son amie :

"Pendant que nous sommes seules, dit Mme de ... à Mme de B., je veux vous parler d'Ourika : elle devient charmante, son esprit est tout à fait formé, elle causera comme vous, elle est pleine de talents, elle est piquante, naturelle ; mais que deviendra-t-elle ? et enfin qu'en ferez-vous ? – Hélas ! dit Mme de B., cette pensée m'occupe souvent, et, je vous l'avoue, toujours avec tristesse : je l'aime comme si elle était ma fille ; je ferais tout pour la rendre heureuse ; et cependant, lorsque je réfléchis à sa position, je la trouve sans remède. Pauvre Ourika ! je la vois seule, pour toujours seule dans la vie !"

Mais Mme de B. ne fera rien pour arracher Ourika à son malheureux destin. Mme de…, par contre, et c'est pour cela que c'est le seul personnage que j'admire dans cette petite nouvelle, prend les choses en main au risque de se faire haïr et consciente qu'elle fera nécessairement mal à la jeune fille, mais un mal nécessaire, le mal que la vérité cause souvent, le mal qui lui rendra sa liberté, au prix fort de quitter le milieu douillet - mais qui n'était pas le sien - dans lequel elle avait été élevée. "Je lui veux plus de bien que vous", dit Mme de… à Mme de B. "Je désire son bonheur et vous la perdez".
Des années devront encore passer pour qu'une autre Ourika quelconque puisse être vraiment libre sans passer par les mêmes souffrances que celle-ci !

Voici donc quelques éléments d'interprétation à partir desquels ceux proposés par d'autres lecteurs pourront, après négociation, construire ensemble un sens partagé qui devra nécessairement n'être que provisoire.


QUELQUES REPÈRES BIOGRAPHIQUES

Elle est l'auteure de trois romans sur l'inégalité, se révélant dans les situations amoureuses : inégalité noirs-blancs, inégalité sociale, impuissance. Est-elle une autrice militante intersectionnelle d'aujourd'hui ? Euh... Claire Louisa Rose Bonne, duchesse de Duras, née Claire de Coëtnempren de Kersaint, est née en 1777 à Brest et morte en 1828 à Nice.

Qui connut des produits dérivés de son livre Ourika, tant le succès fut grand, avec des éditions pirates à l'étranger ? La duchesse de Duras !

Avec Papa et Maman
Elle était comme Germaine Necker (Madame de Staël) la fille d'un homme intelligent et libéral, Guy de Coëtnempren, comte de Kersaint et contre-amiral. Il avait épousé, suite à une mission en Martinique une riche Créole (=d'ascendance française, d'une famille de colons), Claire Louise Françoise de Paul d'Alesso d'Eragny, cousine germaine du gouverneur de la Martinique : un mariage convenu, un couple peu harmonieux ; la Révolution permit le divorce en 1792. Peu après, l'amiral de Kersaint, qui appartenait à cette noblesse avancée caractéristique du XVIIIe siècle et n'avait pas hésité à soutenir la cause de la Révolution, et qui, en tant que député girondin opposé à la condamnation de Louis XVI, avait renoncé volontairement à son immunité parlementaire, fut guillotiné.
Claire a quinze ans, sort à peine de deux ans au couvent du Panthémont rue de Grenelle où sont placées les filles de la haute société et elle est quasiment chef de famille : sa mère n'a jamais eu la moindre initiative et il s'agit d'aller récupérer à la Martinique les biens de l'amiral.
Les voilà en 1794 aux Etats-Unis où Claire retrouve son amie de couvent, Anne de La Tour du Pin, devenue fermière, qui marque à ses armes ses mottes de beurre, se lie d'amitié avec les Indiens.... (voir Les Mémoires de la marquise de La Tour du Pin). On comprend qu'une telle jeunesse ait rendu Claire de Kersaint assez peu conformiste...
Après leur séjour à Philadelphie puis à la Martinique, et une fois les questions de fortune réglées (en possession d'une fortune considérable léguée par un parent établi aux Colonies), mère et fille reviennent en Europe et séjournent à Londres où sont volontairement réfugiés nombre de nobles soucieux d'éviter la répression s'exerçant en France.

Une fois mariée
À Londres, elle rencontre en 1795, à 18 ans donc, Amédée-Bretagne-Malo de Durfort, duc de Duras, qu'elle épousera deux ans plus tard. Elle est mère aussitôt, de Félicie en 1797 et de Clara en 1799. Ils acquièrent le château d'Ussé en Touraine, où à leur retour en France en 1808 ils séjourneront jusqu'en 1815.
Son mari sera admis à la cour de Louis XVIII et la renommée, dans le Paris post-révolutionnaire, de son salon, fera de la maison des Duras un des centres de la vie littéraire parisienne, que ce soit au 22 rue de Varenne, ou aux Tuileries. Ils acquièrent un pied-à-terre en région... : le château d'Ussé.
L'amitié de Chateaubriand lui ouvrira les milieux littéraires.

Les langues parlées par Madame de Duras
Claire de Duras appartient à une génération où l’on étudie l’anglais, l’italien, le latin : elle parle donc anglais (d'où le vers en exergue de Byron dans Ourika), lit l’italien dans le texte, traduit des textes latins...
Sa fille cadette parlera elle, allemand : bien qu’élevée par une bonne anglaise et habituée par sa mère à pratiquer tous les jours la langue de son pays de naissance, elle s’intéressera davantage à la langue et à la littérature d’outre-Rhin... Humboldt, pour compléter ses connaissances lui fera parvenir les "plus jolies éditions d’auteurs allemands", que son frère Guillaume, le grand philologue, aura choisies lui-même. Quand Goethe écrit à Mme de Duras, il sait que c'est sa fille qui lui traduira sa lettre écrite en allemand. Madame de Duras s’était passionnée pour Werther, mais en traduction.

La littérature
Claire de Duras ne comptait pas faire carrière dans la littérature et c’est à contrecœur qu’elle céda aux pressions de Chateaubriand et publia anonymement, en 1823, Ourika, un des trois brefs romans qu’elle avait écrits alors qu’elle s’était retirée à la campagne lors d’une maladie contractée vers 1820.
Les deux autres sont Édouard, écrit en 1825 et Olivier ou le Secret, écrit en 1822, mais publié seulement en 1971 !
En outre, elle compila Les Pensées de Louis XIV, extraites de ses ouvrages et de ses lettres manuscrites, publiées en 1827.
Les Mémoires de Sophie et Amélie et Pauline furent publiés en 2011.
Le Moine du Saint-Bernard
reste inédit.

Le contexte "noir" d'Ourika
Voici les premiers mots d'Ourika : "Je fus rapportée du Sénégal, à l'âge de deux ans, par M. le chevalier de B."
L'esclavage, supprimé par la Convention, est rétabli en 1802. La traite est interdite par Napoléon en 1815, mais l'esclavage ne sera définitivement aboli qu'en 1848. L’esclavage étant interdit sur le territoire français, une mode étrange se répandit dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
Ainsi, en 1785
le chevalier de Boufflers, gouverneur du Sénégal, fit don à Delphine, future marquise de Custine, et Elzéar de Sabran, son frère, futur comte (emprisonné en 1812 à Vincennes après que sa correspondance avec Madame de Staël eut été détournée et lue...), d'un enfant noir qu'ils appelèrent Vendredi. La duchesse d'Orléans reçoit une petite fille. Le chevalier expédie à sa tante, Marie-Charlotte de Rohan-Chabot, épouse du maréchal de Beauvau-Craon, qui n’avait pas d’enfant, une petite fille, Ourika, qui mourut à 16 ans et dont elle parle dans ses Mémoires de façon émouvante ; le maréchal, alors âgé de 65 ans, et son épouse, au lieu de la destiner à la domesticité, la firent élever comme la fille qu’ils n’avaient pas eue, dans le somptueux hôtel de Beauvau qui abrite depuis 1861, sur la place du même nom, à Paris, le ministère de l’Intérieur, qui gère les questions d'immigration...
En 1787, le chevalier offre à la reine Marie-Antoinette Jean Amilcar ; lorsque Marie-Antoinette sera emprisonnée en 1792, elle continuera à se préoccuper du sort de son protégé depuis sa prison...
Bien plus tard, Chateaubriand a lui-même reçu un petit négrillon, nommé Morgan, de son ami Drovetti, consul général de France à Alexandrie. Morgan vit dans l’entourage de Chateaubriand et celui-ci demande en 1826, à l’auteur d’Ourika : "Voulez-vous servir de marraine à Morgan ? Je serai le parrain". Mme de Duras accepte et lui annonce que l'archevêque de Paris fera le baptême...

On pourra lire avec intérêt voire stupéfaction "Des Européens au marché aux esclaves : stade suprême de l’exotisme ? Égypte, première moitié du XIXe siècle", Roger Botte, Journal des africanistes, 2016.

Le succès d'Ourika
7000 exemplaires d'Ourika s'envolent, sans compter les éditions pirates, les traductions et les contrefaçons belges !
Ce phénomène exceptionnel, affirme Marie-Bénédicte Diethem dans son introduction à Ourika, doit être replacé dans le contexte du temps où le tirage d'un roman dépasse rarement 1500 exemplaires (ce fut le cas de textes de Balzac, Stendhal, Dumas).
Le succès est tel que les produits dérivés se multiplient : on vend au magasin les Trois-Sultanes rue Vivienne des rubans à l'Ourika. Les femmes portent des blouses à l'Ourika, une des couleurs les plus en vogue, une sorte de gris foncé, est l'"Ourika", on fabrique des pendules et des vases à l'Ourika dont l'un subsiste encore au château d'Ussé (voir ci-dessous).

LES TEXTES DE CLAIRE DE DURAS

Publications
Ourika
, Ladvocat,
1824, en ligne sur gallica (voir ci-dessous les nombreuses éditions, antérieures car privées, et ultérieures) ou wikisource
Édouard, Ladvocat, 1825, puis 1879 (sur gallica) et enfin un siècle plus tard : Édouard, Mercure de France, 1983, en ligne sur wikisource et gutenberg
Pensées de Louis XIV, extraites de ses ouvrages et de ses lettres manuscrites, Firmin Didot, 1827.


Publications posthumes

Réflexions et prières inédites, Débécourt, 1839 (sur gallica), puis Hachette-BNF, 2022
Olivier ou le Secret, Éditions José Corti, 1971
Le sujet de ce roman (l'impuissance) - aurait servi de modèle à l’Armance de Stendhal sur gallica
Mémoires de Sophie suivi de Amélie et Pauline : romans d’émigration, éditions Manucius, 2011, présentation et notes Marie-Bénédicte Diethelm.
Mémoires de Sophie avait été auparavant partiellement publié par Agénor Bardoux dans sa biographie de Claire de Duras, La Duchesse de Duras, Calmann Lévy, 1898, en ligne sur gallica.


Œuvre inédite

Le Moine du Saint-Bernard (évoqué dans une lettre à Rosalie Constant, datée du 15 mai 1824).

Correspondance
L'amante et l'amie : lettres inédites 1804-1828, François-René De Chateaubriand, Delphine De Custine, Claire De Duras, édition de Bernard Degout et Marie-Bénédicte Diethelm, préface de Marc Fumaroli, Gallimard "Collection Blanche", 2017.

DIFFERENTES EDITIONS D'Ourika

Les éditions d'Ourika sont nombreuses - un "best seller sous Louis XVIII", dira Lucien Scheler dans Le Bulletin du bibliophile, 1988.

Au XIXe siècle

• 1823, à l'Imprimerie royale

• 1823 sur gallica ; édition reprise par Hachette-BNF

• 1824, chez Ladvocat, sur gallica

<=Édition originale ayant appartenu à Pierre Bergé
, hors commerce, tirée à une quarantaine d'exemplaires non mis dans le commerce. Élégante impression sur papier vélin, exécutée par l'Imprimerie royale qui n'avait encore jamais publié de romans. Dans une lettre à Rosalie de Constant, Madame de Duras évoque l'édition comme un “tirage d'essai” limité à 30 exemplaires réservés à ses amis : demi-percaline marbrée à la Bradel, dos orné de filets dorés, pièce de titre de veau rouge (reliure de la seconde moitié du XIXe siècle).

• 1824 : d'autres éditions
- traduit (de façon pirate) à Londres aux éd. Longman, Hurst, Rees, Orme, Brown, and Green, sous le nom d'auteure de Claire Louise Rose Bonne de Coëtnempren de Kersaint ; voir le livre en ligne ici ou sur le site Gutenberg
- édition pirate belge, Imprimerie P.J. Voglet à Bruxelles
- mise en vente d'une édition russe par un libraire de Saint-Petersbourg avec l'appui de Ladvocat
- publié en français à Berlin par la Librairie de Duncker et Humblot ; voir le livre en ligne ici (l'éditeur existe toujours)
- traduit à Paris par Ozama d'Esménard en espagnol, Imprimerie de Bobée.

• 1824 : plusieurs imitations du roman sont portées à la scène :
- Ourika ou la Négresse, drame en un acte, par Ferdinand de Villeneuve et Charles Dupeuty, représentée au théâtre du Gymnase le 25 mars 1824 en ligne ici
- Ourika ou l'orpheline africaine, drame en un acte, par Frédéric de Courcy et Jean-Toussaint Merle, joué au théâtre de la Porte Saint-Martin le 3 avril 1824, en ligne ici
- Ourika ou la petite négresse de Carmouche et Mélesville au Théâtre des Variétés
- Alexandre Duval, auteur dramatique qui fréquentait le salon de Mme de Duras, qui deviendra directeur du théâtre de l'Odéon, en écrit une adaptation, mais qui reste dans ses cartons.

• 1824 : publication de La nouvelle Ourika ou les avantages de l'éducation, Mme M.-A. Dudon, Libraires Ponthieu et Martinet : Ourika n'est pas de couleur noire dans ce roman, en ligne gallica ; édition reprise par Hachette-BNF, tome 1 et tome 2 ; rééd. L'Harmattan, 2021.

• 1824 : le tableau du baron Gérard est exposé au Salon, au Louvre, Ourika raconte son histoire et ses malheurs, tableau dont on perdu la trace, connu par la représentation gravée d'Alfred Johannot. Louis XVIII commande un vase représentant Ourika (voir ci-dessous).

• 1826 : déjà la troisième édition chez l'éditeur Ladvocat, sur gallica.

• 1853 : publié par Hachette dans la collection "Bibliothèque des chemins de fer", avec deux autres textes Ernestine de Marie-Jeanne Riccoboni et Caliste d'Isabelle de Charrières (publiée comme Ourika par Claudine Hermann aux éditions des Femmes) ; voir le livre de 1853 avec Ourika en ligne ici.

• 1857 : Ourika et Edouard sont publiées dans Les veillées littéraires illustrées, un choix de romans, nouvelles, poésies, pièces de théâtre etc., etc., des meilleurs écrivains anciens et modernes, orné de deux cents dessins par Edouard frère, gravés sur bois par Rouget, publié par J. Bry ainé, en ligne ici.

• 1861 avec un autre roman Edouard chez Renault et Cie, sur gallica, édition d'Ourika reprise sur wikisource.

• 1878, à la Librairie des bibliophiles, avec une notice de M. Lescure, sur gallica, et en ligne sur le site Gutenberg.

Au XXe siècle

En France :
• 1950 : Ourika suivi de Édouard, éd. Stock, Delamain et Boutelleau, préface Jean Giraud, étude Joë Bousquet "Madame de Duras et Stendhal"

1979 : éd. des Femmes, "une édition féministe" de Claudine Herrmann, rééd. Mercure de France, 1983 • 1996 : Robert Laffont, "Bouquins", Ourika est incluse dans le volume Romans de femmes du XVIIIe siècle, édition de Raymond Trousson
Dans le monde anglo-saxon :
1993 : University of Exeter Press, Angleterre, présentation de Roger Little, édition bilingue augmentée en 1998

• 1995 : Ourika: The Original French Text, New York, MLA Texts and Translations

• 1995 : Ourika: An English Translation, trad. de John Fowles, New York, MLA Texts and Translations

Au XXIe siècle

• 2006, éd. Bleu autour, préface Christiane Chaulet Achour

• 2010, éd. GF Flammarion, dossier de Benedetta Craveri, trad. Isabel Violante

 

• 2010, Gallimard Folio classique, avec deux autres romans, Édouard et Olivier ou le Secret, édition Marie-Bénédicte Diethelm, préface Marc Fumaroli

• 2013, éd. Hachette-BNF : Ourika et Édouard

tome 1

tome 2

Trois éditions scolaires en France :
2010 : Gallimard, "Folioplus classiques", dossier Virginie Belzgaou
2019 : Hatier, dossier de Nathalie Laurent

 

 

• 2022 : Gallimard, "Folio+Lycée", dossier de Rachel Boucobza


Aux USA
2009
: Approaches to Teaching Duras’s Ourika, Mary Ellen Birkett, Christopher Rivers, New York: Modern Language Association of America

AU THEÂTRE

Peu après la publication d'Ourika

Comme signalé ci-dessus, le succès incroyable du roman vit fleurir en 1824 de nombreuses adaptations d'Ourika pour les théâtres de la capitale, dont trois sont rééditées dans Les Ourika du boulevard, Sylvie Chalaye, L'Harmattan, 2003.

Contrairement au roman, ces trois pièces furent accueillies "par des bâillements et des sifflets". Aux yeux des spectateurs parisiens de l'époque, la sémillante Ourika était beaucoup trop éloignée de l'image avilissante du "bon-nègre" pour plaire. Contrairement au roman qui permet "de se faire illusion en lisant", disait la presse, grimer nos jolies actrices en négresse nuit à leur réputation car "la couleur noire ne plaît pas au théâtre".

Récemment

- En 2011 : Ourika, Théâtre de la Tempête, mise en scène Philippe Adrien. Extrait sur youTube
- En 2016 : création au Théâtre de Nesle, Paris 8e, d'Ourika d'hier à aujourd'hui, mise en scène Elisabeth Tamaris. Jouée en mai 2022 au Théâtre Darius Milhaud, Paris 19e.

NAME DROPPING

Ses copines
- Anne de La Tour du Pin, connue au couvent
- Joséphine de Damas, marquise de Sainte-Maure, autre amie de couvent
- Rosalie de Constant, cousine de Benjamin Constant
- Anne-Sophie Swetchine, d’origine russe, amie de Joseph de Maistre, qui tient un salon 71 rue Dominique
- Germaine de Staël : aaaah, quelle femme !

Les participants au salon de Madame de Duras
- Des écrivains ou philosophes : Chateaubriand, Madame de Staël, Benjamin Constant, Lamartine, Joseph de Maistre, le vicomte de Bonald, le marquis de Custine...
- Des savants : Humboldt, particulièrement fidèle, Arago, Cuvier, dont la duchesse suit les cours au Collège de France, l'astronome Arago, le sinologue Abel de Rémusat,...
- Des puissants :
le duc de Richelieu, le maréchal Soult, le duc de Raguse, le comte Molé, Talleyrand...
- Des personnalités étrangères fréquentent le salon de Claire de Duras lors de leurs séjours à Paris : le duc de Wellington (le vainqueur de Waterloo), le chevalier Stuart ambassadeur d'Angleterre, le comte Pozzo di Borgo ambassadeur de Russie...

Ce qu'ils disent d'elle

Chateaubriand, le premier lecteur d'Ourika :

"En lisant les premières pages, j'ai pleuré".
"Je suis tout ému d'
Ourika".

Chateaubriand dira de Madame de Duras, dans Les Mémoires d’outre-tombe, qu’elle était dotée “d’un esprit qui réunissait quelque chose de la force de la pensée de Mme de Staël à la grâce du talent de Mme de La Fayette”.

Sainte-Beuve (1804-1869) lui consacrera une étude en 1855 dans Portraits de femmes (rééd. par les Classiques Garnier, 2014). C'est clair, Sainte-Beuve fait partie des groupies :

"Ce serait bien incomplètement connaître Mme de Duras que de la juger seulement un esprit fin, une âme délicate et sensible, comme on le pourrait croire d'après son influence modératrice dans le monde (…) Elle était plus forte, plus grande, plus passionnément douée que ce premier aspect ne la montre ; il y avait de puissants ressorts, de nobles tumultes dans cette nature, que toutes les affections vraies et toutes les questions sérieuses saisissaient vivement ; comme l'époque qu'elle représente pour sa part et qu'elle décore, elle cachait sous le brillant de la surface, sous l'adoucissement des nuances, plus d'une lutte et d'un orage."

Voici là comment naît Ourika, raconte Sainte-Beuve :

"En 1820 seulement, ayant un soir raconté avec détail l’anecdote réelle d’une jeune négresse élevée chez la maréchale de Beauvau, ses amis, charmés de ce récit (car elle excellait à raconter), lui dirent : 'Mais pourquoi n’écririez-vous pas cette histoire ?' Le lendemain, dans la matinée, la moitié de la nouvelle était écrite. Édouard vient ensuite ; puis deux ou trois autres petits romans non publiés, mais qui le seront avant peu, nous avons lieu de le croire. Elle s’efforçait ainsi de se distraire des souffrances du corps en peignant celles de l’âme ; elle répandait en même temps sur chacune de ces pages tendres un reflet des hautes consolations vers lesquelles, chaque jour, dans le secret de son cœur elle s’acheminait.
L'idée d'
Ourika, d'Édouard, et probablement celle qui anime les autres écrits de Mme de Duras, c'est une idée d'inégalité"

Mais, nous dit Sainte-Beuve :

"On lui en voulait en certains cercles fanatiques pour l’éclat de son salon, pour ses opinions libérales, pour l’espèce de gens, disait-on, qu’elle voyait : ses amis recevaient quelques fois d’odieuses lettres anonymes" (parmi de nombreux portraits littéraires, Madame de Duras, Revue des Deux Mondes, 2e quinzaine, juin 1834)

Balzac dans Illusions perdues (Un grand homme de province à Paris) met en scène devant Madame de Bargeton qui joue un rôle déterminant dans le destin de Lucien de Rubempré, la marquise d'Esnard qui invite ainsi le poète Canalis :

"Hé ! bien, faites-moi le plaisir de venir dîner lundi chez moi avec monsieur de Rubempré, vous causerez plus à l'aise qu'ici des affaires littéraires ; je tâcherai de racoler quelques-uns des tyrans de la littérature et les célébrités qui la protègent, l'auteur d'Ourika et quelques jeunes poètes bien pensants."

Victor Hugo dans Les Misérables, tome 1, situe l'époque :

"L'émotion parisienne la plus récente était le crime de Dautun qui avait jeté la tête de son frère dans le bassin du Marché-aux-Fleurs. On commençait à faire au ministère de la marine une enquête sur cette fatale frégate de la Méduse qui devait couvrir de honte Chaumareix et de gloire Géricault. Le colonel Selves allait en Égypte pour y devenir Soliman pacha. Le palais des Thermes, rue de la Harpe, servait de boutique à un tonnelier. On voyait encore sur la plate-forme de la tour octogone de l'hôtel de Cluny la petite logette en planches qui avait servi d'observatoire à Messier, astronome de la marine sous Louis XVI. La duchesse de Duras lisait à trois ou quatre amis, dans son boudoir meublé d'X en satin bleu ciel, Ourika inédite."

Trois ou quatre amis ? Plutôt quinze à trente "bienheureux du Paradis" (Le Frondeur, 30 janvier 1826, précise Marie-Bénédicte Diethelm dans son introduction à Ourika)

Stendhal qui rend compte dans New Monthly Magazine de publications étrangères, chronique longuement Ourika dès juin 1824 :

"L'auteur en est la duchesse de Duras. Et pour un premier essai dans la profession, elle a fait preuve de beaucoup de savoir-faire pour préparer les moyens de son succès (...) dans l'ensemble, pour un premier essai, et celui d'une duchesse, c'est un ouvrage qui lui fait honneur."

En 1826, Stendhal expose à Mérimée les difficultés du roman qu'il projette sur l'impuissance (Armance) dont le thème lui est inspiré par ce qu'il sait du roman non publié de Mme de Duras Olivier et le secret et dont provisoirement il nomme le héros Olivier...

Toujours cette année-là, Stendhal s'inquiète :

"la duchesse de Duras, dont le talent est si célèbre, est en ce moment dangereusement malade. […] La duchesse est l’auteur de quelques très jolis romans, dans lesquels elle a peint les impossibilités de l’amour, si je puis m’exprimer ainsi. Ourika ne peut pas se marier avec son amant parce qu’elle est de couleur, et Édouard ne peut pas devenir le mari de la duchesse de Nevers parce qu’il n’est pas noble. La duchesse de Duras a lu à quelques intimes un roman intitulé Olivier que l’on dit supérieur à ses premiers ouvrages, mais qui n’a point été imprimé". (Chronique publiée en décembre 1826 dans La Revue britannique)

En 1828, Stendhal rend compte de la disparition de Claire de Duras :

"la perte de la duchesse de Duras, qui mourut à Nice voici quelques mois, est un événement profondément déploré dans le grand monde de Paris […]. C’était une femme d’un talent supérieur […]. Mme de Duras a peint les tableaux les plus touchants de l’amour en lutte contre les difficultés et les malheurs. Comme si elle voulait démontrer que 'le chemin de l’amour véritable n’est jamais facile', elle a pris pour thème de ses romans les obstacles insurmontables qui menacent le bonheur des amoureux" (dans une chronique du 20 avril 1828).

George Ticknor, un Américain qui rédigea ses Mémoires, donne un aperçu du salon de Claire de Duras :

"ardente, enthousiaste, extraordinairement instruite, bien que toujours simple et sans prétention, elle ne pouvait parler sans captiver tous ses auditeurs, même les plus célèbres […]. C’était surtout dans les petites réunions intimes qu’on pouvait juger le charme magique de sa parole. Un soir qu’elle n’avait à sa table que sa plus jeune fille, M. de Humboldt et moi, je fus littéralement soulevé en l’écoutant" (cité par Georges-François Pottier, "Des femmes à l’honneur : Claire de Duras (1777-1828), écrivaine", 2014).

Humboldt à propos de Claire de Duras :

"vous parler de ce qui vous est ravi, de celle qui faisait le plus bel ornement de la France, dont la bienveillance de caractère égalait pour le moins l’élévation du plus noble talent, ce n’est pas vous rappeler la douleur dans une calamité si grande, c’est un besoin de l’âme de s’occuper sans cesse de ce qui a fait le bonheur de notre vie […]. Je serais le dernier des hommes si je ne lui conservais un culte dans mon cœur". (Lettre à la duchesse de Rauzan, fille de Mme de Duras, le 19 février 1828)

Lorsque, à la fin de l’année 1823, Madame de Duras fait paraître Ourika, la sensation est générale en France et en Europe. En 1825, la publication d’Édouard, le deuxième roman de la duchesse, rencontre également un succès international.
La cour de Prusse est enthousiaste. La princesse Louise Radziwill, née Louise de Prusse, écrit à Humboldt pour le remercier de lui avoir fait découvrir les ouvrages de Madame de Duras. Le roi Frédéric-Guillaume III, porte aux nues Madame de Duras dont il est un grand lecteur. À Paris, il se rend volontiers dans le salon de la duchesse, rue de Varenne, en compagnie de ses fils et de ses neveux.
Le baron James de Rothschild, qui est originaire de Francfort, déclare que Madame de Duras est une femme de génie...

Et puis Goethe, dont la réaction à la cour de Weimar est rapportée par Humboldt dans une lettre à la duchesse :

"J’entre chez Goethe. “Je sais, me dit-il, que vous connaissez la Duchesse de Duras, l’auteur d’Ourika et d’Édouard. Que vous êtes heureux ! Elle m’a fait cependant bien du mal. À mon âge, il ne faut pas se laisser émouvoir à ce point. Parlez-lui de mon admiration : remerciez sa fille de ce qu’elle chérit notre langue et Schiller, Votre ami et le mien.” Puis, à la Cour, on m’a raconté qu’un autre roman (de Walter Scott) ayant été placé sur sa table, il le fît ôter avec ces mots : “qu’en trois mois on n’ose me placer un livre là où se trouve Ourika wo Ourika liegt”. / Je ne vis que de Votre gloire."

Madame de Duras transmettra à Goethe un exemplaire magnifiquement relié d’Ourika. Goethe en remercie la duchesse par une lettre en 1827. Il lui dit entre autres que ses "ouvrages si pleins d’esprit et de goût, si profondément sentis, sont au nombre des fleurs les plus belles et les plus gracieuses dans le jardin de la vie."

Il dit aussi : "Il est un point sur lequel toutes les belles âmes sympathisent entre elles : c’est en voyant l’esprit né libre et le cœur avec ses inspirations se heurter aux barrières étroites que leur oppose le monde extérieur, et leur élan arrêté par des obstacles qui réagissent dans tous les sens.
C’est sous ce point de vue que je trouve une haute signification dans le charmant livre d’
Ourika, que j’aime depuis longtemps, et que son extérieur élégant rend maintenant encore bien plus précieux pour moi. Ce n’est pas le tableau d’une âme humaine luttant contre des usages consacrés par le temps, ou d’autres empêchements conventionnels, c’est le combat de deux natures opposées. Une séparation, établie par le créateur lui-même, on veut la franchir et la faire disparaître ; et un être aimant et digne d’être aimé périt dans cet effort. Tout ce qu’une position élevée peut y ajouter de difficultés n’est pas d’une haute importance ; dans la position sociale la plus simple, le mal est aussi radical, et ses funestes résultats sont aussi inévitables."

DES IMAGES


Au château d'Ussé, deux cèdres offerts par Chateaubriand à Madame de Duras

Le peintre François Gérard (1770-1837) avait alors une grande renommée, non seulement française, mais aussi européenne : surnommé "le peintre des rois, le roi des peintres", il fut en effet le portraitiste de toutes les familles souveraines européennes... (Il avait un atelier au Louvre, comme le stipula le ministère de l'Intérieur). Il avait des relations suivies avec Humboldt et Mme de Duras. On lit ici sur gallica certaines de leurs lettres.

Deux images en témoignent, illustrant Ourika : un vase et une gravure. La duchesse de Duras confiera au baron François Gérard :

"En vérité je me sens, depuis ce matin, un peu d'orgueil d'être l'auteur d'Ourika. M. de Duras, qui est venu chez moi en rentrant, partage mon admiration pour votre charmante composition. Je voudrais bien, monsieur, que vous n'eussiez pas d'engagement à dîner pour après-demain dimanche, et que vous puissiez venir recevoir de nouveaux remerciements et l'assurance qu'on sent dans cette maison tout le prix du petit chef-d'œuvre que vous y avez placé. Malheureusement vous n'aurez pas M. de Humboldt. M. de Chateaubriand me l'a pris."

ou encore :

"Vous croyez bien, monsieur, que je ne pense qu'à ma chère Ourika. Je suis dans un grand embarras ; je voudrais bien faire faire la vignette, je voudrais bien ne pas me détacher du tableau. Serez-vous assez bon pour me donner quelques renseignements sur les meilleurs graveurs de ce genre ? J'avais pensé à envoyer le tableau en Angleterre, mais s'il est possible de trouver ici un artiste aussi habile dans ce genre, je le préférerais ; ce que je veux avant tout, c'est que la vignette ne soit pas indigne de votre charmant ouvrage, et c'est beaucoup demander."

Finalement, Ourika a été gravée par Tony Johannot. Théophile Gautier disait de lui :

"Tony Johannot est sans contredit le roi de l’illustration. Il y a quelques années, un roman, un poème ne pouvait paraître sans une vignette sur bois signée de lui ".

Il s'agit d'une gravure, façonnée d'après un tableau perdu du baron Gérard, premier peintre du roi. Il met en scène une scène d'Ourika où le personnage du roman, devenu nonne, raconte l'histoire de sa vie à un médecin venu veiller sur sa santé.


Gravure d'Alfred Johannot, 1824, d'après le baron François Pascal Simon Gérard,
Ourika, jeune négresse, raconte son histoire et ses malheurs
, peinture, 1823
reproduite dans Ourika, édition de Roger Little, University of Exeter Press, 1998

Louis XVIII a chargé Gérard de peindre la même scène pour le vase ci-dessous, donné à Madame de Duras et qui se trouve encore aujourd'hui au château d'Ussé, où Duras a vécu à l'époque.


Vase de Sèvres, 1823, Château d'Ussé qui appartenait aux Duras


Gravure dessinée par Marie Marguerite Françoise Jaser, 1840
représentant Mme de Duras

BENEDETTA CRAVERI

Elle est l'auteure de la présentation très développée d'Ourika, en édition GF, publiée l'année précédente en italien en 2009, éditions Adelphi.

Professeure de littérature française à l'Université, auteure de nombreux livres, travaillant également dans la presse (radio, presse écrite).

Petite-fille du grand philosophe, historien et homme politique Benedetto Croce, mère de deux filles nées du mariage avec le critique, essayiste, scénariste Masolino d'Amico, elle épouse ensuite un diplomate français, Benoît d'Aboville et vit entre Naples, Rome et Paris.

Ses livres traduits en français :
- Madame du Deffand et son monde, préface de Marc Fumaroli, trad. Sibylle Zavriew, Seuil, coll. Points Essais, 1999, réédité par Flammarion, 2017.
- L'âge de la conversation, trad. Éliane Deschamps-Pria, Gallimard, 2002 (prix du Mémorial-grand prix littéraire d'Ajaccio, prix Saint-Simon), coll. Tel, 2005
- Marie-Antoinette et le scandale du collier, trad. Éliane Deschamps-Pria, Gallimard, coll. "Hors-série Connaissance", 2008, 93 p.
- Reines et favorites : le pouvoir des femmes, trad. Éliane Deschamps-Pria, Gallimard, 2009, 484 p., Folio, 2009.
- Les derniers libertins, trad. Dominique Vittoz, Flammarion, 2016, 672 p.
- La contessa, trad. Dominique Vittoz, Flammarion, 2021 (il s'agit de Virginia Verasis, comtesse de Castiglione).

Elle a reçu de nombreux prix. Citons le Prix du Rayonnement de la langue et de la littérature françaises attribué par l'académie française en 2006 à une étrangère..., en 2017 le prix mondial Cino-Del-Duca, juste après Sylvie Germain, et avant Philippe Jaccottet, Kamel Daoud, Joyce Carol Oates, Maryse Condé, Haruki Murakami...

RENOUVEAU UNIVERSITAIRE

2010 : Historienne, Odile Métais-Thoreau publie Une femme rare : dans les pas de la duchesse de Duras, Odile Métais-Thoreau, éd. du Petit Pavé, 2010.

Les colloques témoignent de la résurrection de Claire de Duras :

2014 : Claire de Duras, née à Brest en 1777, est mise à l'honneur dans sa ville d'origine : "De la Révolution à la restauration : Claire de Duras (Brest 1777-Nice 1828), une femme de lettres et de pouvoir", colloque international, Université de Bretagne-Occidentale, 27-28 novembre 2014 (direction Eric Francalanza) Faculté des Lettres, Langues et Sciences humaines et sociales Victor-Segalen.

2015 : Un séminaire fut consacré à "Claire de Duras (1777-1828), romancière de la Restauration" à la Sorbonne le 3 avril 2015, sous la direction de Marie-Bénédicte Diethelm, dont voici ici le programme et dont on peut écouter les interventions. Si Marie-Bénédicte Diethelm est la grande prêtresse, Marc Fumaroli en est le grand prêtre... :
- Introduction par Marc Fumaroli, de l'Académie française
- Bertrand Degout (Maison de Chateaubriand-Vallée-aux-loups) : "Claire de Duras et Chateaubriand"
- Marie-Bénédicte Diethelm (Paris IV) : "Claire de Duras, écrivain majeur"
- Jean Balcou (Université de Brest) : "Claire de Duras, fiction et politique"
- Éric Francalanza (Université de Brest) : "Le mariage dans les romans achevés de Madame de Duras (Ourika, Olivier ou le Secret, Mémoires de Sophie)".

Le séminaire donne lieu à la publication des interventions suivantes dans la Revue d'histoire littéraire de la France, Presses Universitaires de France, n° 3, 2016 :
- "Avant-propos", Marc Fumaroli
- "Madame de Duras et Chateaubriand : temps cyclique et temps de la politique", Bernard Degout
- "Goethe et Claire de Duras", Marie-Bénédicte Diethelm.

DES ARTICLES

Dans la presse

- Racisme, lactification, exclusion : Ourika de Madame de Duras, 1823, Christiane Chaulet Achour, Diacritik, 6 février 2017.

- Histoire de Brest : "Claire de Duras, la littéraire" (1/2), "Claire de Duras, l’antiraciste" (2/2), Rédaction Côté Brest, Actu.fr, 10 et 16 novembre 2019.

- "Claire de Duras, romancière de l’altérité", Morgane Avellaneda pour la Bibliothèque nationale de France, Libération, 6e chronique "Fières de lettres", 5 novembre 2020
.

Dans les publications spécialisées

- "Madame de Duras, cette inconnue", R. Tezenas du Montcell, La Revue des deux mondes, 1er août 1968.

- "Ourika ou les couleurs de la mémoire", Anne Chamayou, maîtresse de conférences, Cahiers Saint Simon, "Des Mémoires au roman : le roman de la mémoire", n° 29, 2001.

- "La Galathée noire ou la force d’un mot : Ourika de Claire de Duras, 1823", Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo, Orages, n° 2, mars 2003.

- "Douceur de la vengeance : portraits masculins dans Ourika de Claire de Duras", Mary Donaldson-Evans, Itinéraires, numéro inaugural, 2008
.

- "Claire de Duras : grande dame et 'femme auteur'", Marie-Bénédicte Diethelm, La Littérature en bas-bleus : romancières sous la Restauration et la monarchie de Juillet (1815-1848), dir. Marie-Bénédicte Diethelm, Classiques Garnier, 2010, p. 239-257.

- "Des femmes à l’honneur : Claire de Duras (1777-1828), écrivaine", Georges-François Pottier, Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, t. 27, 2014.

- "La réception des romans de Claire de Duras : un exemple de la place faite à une femme auteur dans l’histoire littéraire", Amélie Legrand, Une "période sans nom" : les années 1780-1820 et la fabrique de l’histoire littéraire, Classiques Garnier, 2016, p. 223-239.

- "Ourika de Claire de Duras (1824), un roman de la conversion à l’aube du XIXe siècle", Eric Francalanza, Revue d'histoire littéraire de la France, n° 33, 2017

- "Fiction et politique chez Madame de Duras", Jean Balcou, Revue d’Histoire littéraire de la France, n° 3, 2017.

- "Claire de Duras, Chateaubriand et l’année des quatre romans, 1822", Marie-Bénédicte Diethelm, Femmes artistes et écrivaines dans l’ombre des grands hommes, dir. Hélène Maurel-Indart, Classiques Garnier, 2019, p. 65-83.

Et pour terminer, deux mémoires récents :
- "Les personnages et leurs modèles de Prévost à Chateaubriand dans les fictions achevées de Claire De Duras", Irène-Olive Larney, mémoire de Master 2, Université de Bretagne Occidentale, 2020.
- Par une étudiante au Swarthmore College, une université réputée à 30 km de Philadelphie : "Qui est Ourika ? Méditations sur une figure littéraire et la condition de la femme noire", Abigail Ximena Young, mémoire universitaire, Département Langues et Littérature modernes, 2021.

CORRESPONDANCE

Entretemps, deux types de correspondance avec Madame de Duras sont publiées, celle avec Chateaubriand et celle avec Humboldt qui est objet d'un prix :

Lettres à Claire de Duras (1814-1828), correspondance inédite, présentée, établie et annotée par Marie-Bénédicte Diethelm, préface de Marc Fumaroli de l’Académie française, éd. Manucius, 2016.
Le Prix Sévigné avec le soutien de la Fondation La Poste a été attribué à la publication de la correspondance d'Alexandre de Humboldt à Claire de Duras. FloriLettres (revue littéraire de la Poste), n° 182, 2016, comporte les articles suivants : "Édito : Alexandre de Humboldt Lettres à Claire de Duras", "Entretien avec Marie-Bénédicte Diethelm", "Lettres choisies d'Alexandre de Humboldt", "Portrait croisé Humboldt et Claire de Duras".

• L'amante et l'amie : lettres inédites, François-René De Chateaubriand, Delphine De Custine, Claire De Duras, édition de Bernard Degout et Marie-Bénédicte Diethelm, préface de Marc Fumaroli, Gallimard "Collection Blanche", 2017.

Notons que la correspondance avec Chateaubriand intéressait depuis longtemps, comme le montre cette article ancien : "Une Amitié féminine de Chateaubriand - Madame de Duras : lettres inédites", Revue des Deux Mondes, Victor Giraud, 1909.

RADIO

Vraiment pas grand-chose à se mettre sous la dent...

Du côté des autrices : Claire de Duras, 12 mars 2020, 5 min 16, une émission de Mathilde Doiezie, en partenariat avec l'association Le Deuxième texte.

Ourika ponctue tout du long l'émission d'une série documentaire de 4 épisodes d'une heure consacrés à la naissance du racisme, intitulée "Dans l'ombre des Lumières, la construction de la race", avec Sarga Moussa, directeur de recherche CNRS, LSD, France Culture, 15 juin 2022.



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