Présentation éditeur :
Avec son nez refait, ses jambes interminables, ses airs de princesse sexy,
son job dans la presse de caniveau, ses aspirations à la célébrité
et sa facilité à briser les curs, Tamara Drewe est
lAmazone urbaine du XXIe siècle. Son retour à la campagne,
dans le village où a vécu sa mère, est un choc pour
la petite communauté qui y prospère en paix. |
Posy Simmonds (née en 1945)
|
Nos 13 cotes
d'amour |
Monique L(avis
transmis de Dordogne)
J'ai été assez déçue par cet ouvrage. Le parallèle
avec Loin de la foule déchainée
ne m'a pas vraiment sauté aux yeux. Oui Tamara Drewe, comme Bathsheba,
fille libre et instinctive et n'ayant pas froid aux yeux qui à
cause de sa beauté, déchaîne les passions, les jalousies,
les ragots, et malgré elle, précipite des drames. Elle est
courtisée par trois hommes son voisin écrivain (Boldwood,),
un jardinier (Oak) et Ben (Troy). Andy le jardinier, jeune homme courtois
et serviable comme Oak finira en couple avec Tamara. Les brebis sont remplacées
par des vaches.
J'ai tout de même apprécié ce roman graphique, indépendamment
de sa libre inspiration du roman de Thomas Hardy. J'ai aimé la
construction, la composition alternant dessins, extraits de journaux et
textes à la première personne qui nous font découvrir
les points de vue des différents personnages : Glen à la
recherche d'inspiration, Beth, femme aimante, tolérante et secrétaire
de Nicholas, ou encore Casey !
Le dessin est très précis et plein de détails.
Il s'agit avant tout de la peinture acerbe et caustique de la vie dans
un petit village anglais avec ses ados désuvrés, ses
villageois au chômage et ses néo-ruraux friqués. C'est
en même temps une critique du monde de l'édition et du monde
littéraire qui décrit également les affres et les
arcanes de la création littéraire.
Les personnages sont bien développés et leur psychologie
est bien rendue, aussi bien par le texte que dans les expressions de leurs
visages. J'ai apprécié le portrait des deux jeunes filles,
Jody et Casey, les affres de l'adolescence, leur avidité de sensations
fortes et d'émotions intenses, leurs fantasmes pour la star de
rock
: deux sensibilités différentes et attachantes.
L'ambiance, dans cet endroit paumé d'Angleterre, est bien décrite.
Les thèmes abordés sont nombreux : jalousie, échecs,
réussite, adultère, adolescence désuvrée.
Ma lecture n'a pas toujours été facile. Je n'ai pas ressenti
l'humour annoncé. J'ai passé un bon moment, certes. Mais
je ne l'ai pas trouvé aussi fantastique que les échos que
j'en avais eus. J'ouvre à moitié.
Annick
L(avis
transmis de Bordeaux)
J'ai découvert cette artiste, auteure-dessinatrice, il y a seulement
quelques mois. Je trouve qu'elle a beaucoup de talent et qu'elle a su
affirmer un style original, plutôt classique dans le dessin, dans
ce genre de livres qu'on appelle aujourd'hui des romans graphiques. J'aime
beaucoup son dessin, en noir et blanc, très précis, qui
va à l'essentiel et donne une présence forte aux personnages
et au décor. J'en ai lu deux où j'ai retrouvé le
même univers, le même type de personnages (des bobos confrontés
à des ruraux, un peu ploucs), entraînés dans des tribulations
amoureuses difficiles, avec un sens de l'observation psychologique et
social très fin, le tout doté d'un sens de l'humour (ironie
?) redoutable.
Il s'agit vraiment de romans (130 pages pour Tamara Drewe), qui
installent une intrigue complexe menée avec vivacité, pleine
de rebondissements, dans une temporalité longue (au fil des saisons
dans Gemma Bovery). J'ai pris grand plaisir à les lire.
J'ai particulièrement aimé Gemma Bovery, peut-être
parce que je découvrais l'univers de cette auteure, mais aussi
parce que j'y ai retrouvé au fil du récit plein d'échos
au roman de Flaubert (y compris à travers des références
assumées). Une seule différence majeure : l'ajout d'un narrateur
- qui va jouer un rôle-clé - Joubert, le boulanger, amoureux,
transi mais assez pervers, de la belle Anglaise. Autre différence
importante, qui change complètement l'impression générale :
un sens de l'humour et de l'absurde qui atténue le côté
mélodramatique de cette histoire. Comme dans Tamara Drewe :
la mort de l'écrivain célèbre écrasé
par un troupeau de vaches en folie ne peut que nous arracher un sourire.
Bravo pour cette adaptation moderne très réussie !
Du coup, Tamara Drewe m'a paru un peu moins accrocheur, sans doute
parce que je m'étais familiarisée avec le ton de l'auteure,
avec le jeu subtil dans les relations entre le texte et les illustrations.
Et je n'ai pas pu m'empêcher de chercher des échos avec le
roman de Thomas Hardy
très lointains ! Mais je me suis beaucoup
amusée à travers ce portrait à charge, assez cruel,
de ce petit cercle de citadins bobos, avec des prétentions littéraires,
qui se retrouve dans cette résidence idyllique. Belle invention
également que celle des deux personnages d'adolescentes désuvrées,
dans cette campagne qui suinte l'ennui, prêtes à tout pour
mettre un peu de piment dans leur existence
jusqu'au drame final.
Posy Simmonds est une excellente scénariste qui sait ménager
ses effets et enrichir son récit grâce à l'alternance
des points de vue (essentiellement Beth, l'épouse trompée,
et Glen, l'universitaire frustré).
Ne boudant donc pas mon plaisir (pas si fréquent !), j'ouvre en
grand.
Jacqueline
Effet générationnel ? Les BD et les romans graphiques c'est
pas mon truc ! Je suis habituée aux "vrais livres". C'est
ce que j'aime depuis mon enfance.
J'ai eu du mal à m'y mettre : autrefois, je ne lisais que
les textes sans bien regarder les images ! J'ai dû apprendre à
m'y intéresser : dans ce groupe et aussi pour les enfants à
qui il m'arrive de présenter des livres sans texte.
Voix au chapitre m'a fait découvrir le roman graphique avec
Là
où vont nos pères. Six ans plus tard, je mesure
mieux comme je l'ai aimé ! En tout cas, ça m'a suffisamment
convaincue pour que je lise et offre la récente biographie
de García Lorca
Celui-ci ? Sa couverture est très alléchante : un joli visage
séduisant (malgré, me semble-t-il, une petite coquetterie
dans l'il : c'est peut-être la mèche !) De plus, il
a des traits communs avec la photo de Posy derrière. Par la suite,
je trouverai le regard aguicheur de Tamara fidèle à la Bethsabée
de Hardy. Il m'a un peu manqué dans le
film que j'ai pourtant beaucoup apprécié.
En arrière-plan, sur la couverture, un beau paysage de campagne
anglaise. Dans le film, on en voit beaucoup plus : un vrai bonheur
! Pour moi, quand même, rien ne vaut les descriptions merveilleuses
de Hardy. Dans ce paysage de couverture, on voit des moutons dont deux
copulent
: ce seront pratiquement les seuls moutons du livre. Sauf une case minuscule
p. 41 avec Andy, après les noces des chèvres
et avant la chronique de Tamara sur le sujet .
Par la suite, il n'y aura plus que des vaches. Mais elles seront responsables
de la catastrophe causée par le chien !
Ah ! le rôle du chien ! Dans le roman de Hardy, son portrait psychologique
m'enchante. Il est peu présent mais en poursuivant les moutons,
il joue un rôle essentiel dans l'intrigue amoureuse. Chez Posy,
il intervient beaucoup plus souvent avec des rôles divers. Vers
la fin, il fuit les vaches qui le chargent. Surprenant ! Mais je ne l'ai
pas remarqué tout de suite. Dans le film ? Je n'ai pas fait attention
; qu'il ait poursuivi les vaches me semble plus vraisemblable...
(Thomas opine du chef et confirme)
On ouvre le livre et, en exergue, une petite annonce : c'est la référence
à Loin de la foule déchaînée
! On apprend en même temps qu'il va être question de business
autour de la création littéraire. On est d'emblée
dans l'univers de Posy puisque c'est autour de l'écriture qu'elle
exerce son talent de créatrice.
J'ai beaucoup apprécié et je pourrais ouvrir en grand
Literary
Life, recueil de ses chroniques dans The Guardian
Review.
(Rozenn, qui a pris le livre et le feuillette, nous montre,
hilare et conquise, cette réunion de groupe de lecture)
(paru d'abord dans Le
Guardian)
Claire
Peut-être à la prochaine semaine lecture...
Jacqueline
Il y a des dessins de styles très variés, sans doute pastiches
d'autres dessinateurs. Je ne saurais pas reconnaître chacun. Pour
le travail journalistique, il m'est arrivé de penser à Plantu
en moins politique
Fanny
Et Sempé ?
Jacqueline
La libraire de cet album a une vague ressemblance avec Glen,
le narrateur, qui me paraît le portrait craché de la
narratrice
de Cassandra Darke, comme celui du boulanger
narrateur de Gemma Bovery. Il y a un style de la dessinatrice,
un peu comme, quelquefois, au fil des romans d'un même auteur, on
retrouve un même type de personnage...
J'apprécie ces histoires bien menées qui jouent ironiquement
avec les romans qui les ont inspirées. Ce ne sont pas des pastiches
puisque Posy dessine et met en scène une société
différente, celle d'aujourd'hui. J'apprécie son travail
de composition analogue à celui d'un bon romancier.
Seulement, moi qui aime les textes et leur musique, je n'ai pas trouvé
mon compte dans le roman : p. 127 par exemple le flux de pensée
de Glen ne m'a pas paru crédible et de même p. 129 quand
Beth parle paysage, c'est très mal dit, en désaccord avec
le personnage, là encore. Contrairement aux dialogues des bulles...
J'ouvre à moitié.
Thomas
La BD et le roman graphique sont des univers qui me sont familiers. Et
j'étais d'autant plus content de me plonger dans Tamara Drewe
que j'avais apprécié Cassandra Darke quelques années
plus tôt.
Je craignais seulement qu'il ne s'agisse que d'une transposition modernisée
du roman
de Hardy.
Finalement ce n'était pas du tout le cas. Même s'il y a quelques
parallèles, c'est réellement une nouvelle histoire à
part entière.
Mais j'y ai retrouvé les mêmes défauts que dans le
roman de Hardy : personnages caricaturaux et un peu lisses ; on reste
un peu en surface, on ne va pas dans la profondeur. Par exemple, Tamara
reste cette bimbo aguicheuse, dont on ne cerne pas très bien les
motivations (notamment lors de sa première apparition où
elle séduit tout le monde, Glen compris). À certains moments,
on se dit qu'il y a plus que cela, elle veut écrire, elle a du
caractère, mais finalement ce n'est que peu exploré. Quant
à l'histoire d'amour entre Nicolas et Tamara, je n'y crois pas
du tout. Enfin, je ne sais pas trop quoi faire du personnage de Glen,
qui pourrait paraître sympathique, mais s'efface trop souvent pour
que je m'y attache réellement.
Pour ce qui est du graphisme, je n'ai pas eu de coup de cur, et
j'ai été un peu désarçonné par l'omniprésence
du texte, qui pourrait parfois suffire, alors que j'ai été
habitué à des romans graphiques donnant une place plus importante
au dessin. Cette technique aurait pu être intéressante d'un
point de vue humoristique en créant volontairement un décalage
entre le texte (qui reprend le point de vue, ou plutôt le récit,
des personnages) et le dessin (qui montre ce qu'il s'est réellement
passé a priori), mais il me semble que cette possibilité
a été assez peu exploitée.
J'ouvre ¼ pour cette comédie romantique avec cette fin assez
feel-good, pas désagréable mais pas totalement satisfaisante
non plus. On dirait du Aurélie
Valognes en moins bien !
Catherine
Je connaissais Posy Simmonds de nom, mais n'avais jamais
lu ses albums. J'ai commencé par Cassandra
Darke. J'ai ensuite lu Tamara Drewe puis
Gemma
Bovery et pour compléter vu les deux films, très
réussis et fidèles aux albums ; c'est la même actrice
d'ailleurs dans les deux et elle s'appelle Gemma ! J'ai aussi assisté
à la
table ronde avec Riad Sattouf, très intéressante, mais
j'ai raté l'expo.
J'ai aimé la mise en page qui mélange des pavés de
texte, des journaux, des messages, les changements de narrateur, les retours
en arrière. C'est très original ; elle a vraiment un style
qui lui est propre. Il ne s'agit pas d'adaptation ou une transposition
de romans à l'époque moderne ; elle crée quelque
chose de nouveau, de contemporain. Mais bien sûr on retrouve des
thèmes, des clins d'il (les vaches qui remplacent les moutons,
pourchassées par un chien ; la campagne anglaise ; les trois soupirants
autour de Tamara qui succombe aux charmes du mauvais garçon ; les
amants de Gemma).
J'ai adoré l'humour de Posy Simmonds, le boulanger obsédé
par Emma Bovary, Gemma mourant étouffée par une bouchée
de pain, Tamara qui devient sublime parce qu'elle se fait refaire le nez,
le langage des adolescentes. J'ai aimé le regard qu'elle porte
sur le monde qui l'entoure, sur les Anglais comme sur les Français,
sur les auteurs et le monde de l'art, les écrivains, sur les femmes,
les hommes et les rapports amoureux. Son regard sur ses personnages est
aussi assez tendre. Même le personnage de Cassandra est très
attachant et sa méchanceté, sa radinerie, son égocentrisme
et sa malhonnêteté m'ont fait beaucoup rire. Elle s'adoucit
et s'humanise d'ailleurs à la fin de l'album. Il y a aussi toute
une galerie de personnages secondaires, souvent féminins, Beth,
les deux adolescentes, mais aussi Glenn.
Pour finir, j'ai beaucoup aimé le graphisme, même s'il est
assez classique, la précision du dessin, les détails que
l'on découvre petit à petit. Des trois albums, mon préféré
est Gemma Bovery, je l'ai trouvé plus riche et j'ai adoré
le personnage du boulanger, obsédé par Flaubert et madame
Bovary ; j'ai un peu moins aimé Tamara Drewe, mais au total,
un régal. J'ouvre aux ¾ (un peu de mal à ouvrir
en grand, ça m'apporte moins qu'un roman même s'il ne faut
évidemment pas comparer).
Fanny
Ça me fait sourire d'entendre que c'est une question de génération,
la familiarité avec les BD. Car pour ma part, j'ai été
baignée dans la BD par mon père, qui est justement de la
génération qui dit que c'est une question de génération...
Je rebondis aussi sur la perception qu'un roman graphique, c'est un roman,
mais un peu en moins bien. Pour moi il ne faut pas comparer, c'est un
autre genre littéraire qui permet de combiner textes et dessins
dans une composition spatiale que permet l'agencement des planches : par
exemple, quand Glen est dans les toilettes et qu'est juxtaposée
la scène qu'il surprend. Le film apporte une autre dimension dans
le fil narratif grâce au jeu des acteurs, mais il peut plus difficilement
réaliser cette perception simultanée que ne le montre la
BD.
J'ai lu Tamara Drewe et pensais finir Gemma
Bovery, mais ça ne se lit pas si vite. J'ai trouvé
que Tamara Drewe était plus près du livre que Gemma
Bovary qui est plus une création en écho au roman de
Flaubert.
J'ai aimé l'humour. Il y a dans le livre un côté foutraque
: on ne sait pas où lire et ça donne de la force. Gemma
Bovary, avec les chapitres, ça peut donner un aspect brouillon,
mais c'est construit. Dans Gemma Bovery, j'aurais aimé un
peu plus de couleur.
Sur ces deux romans graphiques, Posy Simmonds met en scène des
personnages féminins qui ont des similitudes dans leur profil (femmes
libérées qui se laissent tout de même prendre dans
des relations avec des séducteurs superficiels). Par ailleurs,
plusieurs personnages se ressemblent beaucoup. Si je trouve l'ensemble
talentueux dans les deux cas, je me demande si elle est capable de plus
de diversité ou si ces redondances montrent une limite à
sa créativité. Ce qui me donne envie, d'autant plus à
vous entendre, de lire d'autres créations de Posy Simmonds.
Dans le film Tamara
Drewe, j'ai aussi été saisie par la ressemblance
des acteurs avec les personnages du roman graphique, et j'ai très
envie de voir le film Gemma
Bovery avec Luchini dans le rôle du boulanger.
J'ouvre aux ¾, en raison d'un petit bémol
dû au dessin.
Claire
Ça
faisait un bout de temps que je n'étais pas venue les mains dans
les poches sans avoir noté mon avis, et je me rappelle ainsi qu'avant
j'étais incapable de commencer la première car mon avis
n'était pas encore "constitué". Ainsi, aujourd'hui,
j'ai été successivement d'accord avec chacun des avis formulés.
Ai-je donc un avis personnel ? Va falloir se décider...
J'ai aussi son Literary
Life, plutôt à feuilleter, et j'ai lu les trois romans
graphiques de Posy Simmonds. Non seulement on a un roman, mais en
plus, y a des dessins ! C'est Cassandra Drake que j'aime le moins
et Gemma Bovary que j'aime le plus ; mais j'apprécie Tamara
Drewe, même si je suis d'accord avec toutes les critiques.
Je trouve chaque livre très construit. Et quand on voit le parcours
de Posy Simmonds, on constate qu'elle a inventé le roman graphique
: elle crée, elle n'imite pas un genre existant.
Quant à l'adaptation du roman de Hardy,
qui n'en est pas une, j'apprécie la transposition, je trouve originale
l'actualisation qu'elle en fait.
C'est le quatrième album que nous
lisons dans le groupe : nous avons fait très fort pour commencer
en 2018 avec un album sans
texte (Là
où vont nos pères de Shaun TAN), suivi
d'une autobiographie (L'Arabe
du futur de Riad SATTOUF), un essai
(Et
à la fin, ils meurent : la sale vérité sur les contes
de fées) et maintenant une
transposition d'un roman (Tamara
Drewe) : c'est pas génial cette diversité
?...
Je suis complètement Florence Noiville (venue parmi nous pour un
de ses livres) : "Tout
l'art de Posy Simmonds consiste à mettre en bulles l'air du temps.
Elle sait parler comme les ados des années 2000, restituer les
états d'âme d'un vieil écrivain sur le retour, décrire
une séance de dédicace aussi narcissique que pathétique
dans une librairie de province, un dialogue au pub The Rick ou une page
de journal très intime. Toute son habileté consiste aussi
à mélanger les genres - un bloc de texte comme un chapeau
journalistique, des cases de bande dessinée, un SMS, des reproduction
de tabloïds ou de petites annonces
- et à faire de tout
ça le reflet morne et fascinant d'un certain quotidien anglais."
Intéressantes aussi les précisions données
sur sa façon de travailler : "L'impression
de justesse tient aussi à la manière de travailler de Posy
Simmonds. Ouvrant un cahier noir, l'illustratrice montre les centaines
de croquis et de notes, de flèches et de renvois, qui ont présidé
à l'élaboration de Tamara Drewe. Des esquisses d'une précision
inouïe, à l'encre, au crayon, à la gouache, au feutre
"Je travaille
comme un cinéaste, explique-t-elle. Quand j'ai la trame
de l'histoire, je fais mon casting, je dessine tous les personnages, je
décide des lieux de l'action mais aussi de la marque de leur voiture,
de la taille de leurs chaussures ou de la couleur de leur brosse à
dents. À la fin, ils sont tellement vrais que j'entends leur voix
dans ma tête."
Le résultat : deux ans et demi de travail et un parfait équilibre
entre texte et images, tendresse et causticité. Une chronique à
la fois pertinente et impertinente du monde moderne. Une manière
très personnelle, aussi, de revisiter un texte classique
(voir l'article entier ici
sur Tamara Drewe).
Le film
de Stephan Frears est vraiment une réussite ; il enrichit d'ailleurs
le rapport avec le roman de Thomas Hardy puisque l'un des personnages
essaie d'écrire un livre sur cet auteur.
Chapeau à la traductrice pour sa traduction, notamment du langage
des ados ; dans une intéressante interview
ici, elle dit : "le
texte sinscrit vraiment dans une époque : les deux adolescentes
parlent un anglais prolétarien des années 1990, que Posy
a butiné au cours de ses balades, en écoutant les jeunes
filles parler dans le bus. Jai donc dû mappuyer sur
mes souvenirs et faire des recherches, dans les magazines, les livres,
les disques de lépoque, pour trouver le mot juste et le ton
approprié".
Quant à Posy Simmonds, elle est sidérante, avec son air
de ne pas y toucher. Dans la rencontre
à Beaubourg avec Sattouf, on voit à quel point celui-ci
l'admire.
J'ouvre aux ¾, à cause de ceux qui n'ont pas aimé...
Manuel
Mon avis va être plus nuancé que ce
que j'ai dit pendant la soirée. Je suis comme Riad Sattouf, admiratif
devant la qualité des dessins et surtout la palette de type de
dessins : gouache, dessins au stylo ou changements de typographie,
reproduction de coupures de presse, etc.
J'ai aussi aimé les pages qui sont toutes très différentes
dans leur narration par exemple p. 99 et les pensées de Tamara
en pleine page ou p. 49 avec les mels vachards. J'aime sa virtuosité
et son inventivité dans la narration.
En revanche je n'ai pas adhéré à cette histoire.
J'ai eu l'impression de perdre mon temps. Cela manque de fond. L'antagonisme
ville/campagne est montré avec de gros traits. Je ne suis pas bouleversé
par l'histoire que je trouve superficielle.
Jérémy
J'ai
dû tomber dans une faille spatio-temporelle et j'ai lu Gemma
Bovery et
non
Tamara
Drewe...,
pas du tout alerté par le fait que le film à "l'affiche"
était bel et bien Tamara
Drewe.
C'était mon premier roman graphique. Ce n'est pas du tout un genre
vers lequel je me dirige naturellement. Je ne suis pas très BD,
je ne l'étais déjà pas enfant, ni roman graphique.
Je ne sais donc pas si j'aurai le courage de lire Tamara Drewe.
Je ne connaissais rien de Posy Simmonds et je n'attendais pas grand-chose
du livre. À ce titre-là je n'ai pas été déçu.
Ça m'a excité autant qu'une camomille. C'est à la
littérature ce qu'une pastille Vichy est à un restaurant
gastronomique. Cela fond sous la langue, cela dure 3 minutes, ce n'est
pas désagréable du tout, mais qu'en garde-t-on ? Je
n'ai pas été particulièrement emballé par
les dessins, ni subjugué par le texte ou emporté par l'histoire.
Bref, je l'ai lu sans difficulté mais cela n'a pas "imprimé"
plus que cela.
Je parlerais plutôt de BD romancée, le terme de roman ne
me paraît pas approprié. L'ouvrage a peut-être aussi
souffert de la comparaison avec Le
Barrage contre le Pacifique que j'avais fini juste avant et qui
m'a tant enthousiasmé et avec Portnoy
et son complexe que je suis en train de lire.
Sabine
Imagine le dessin en BD par Simmonds.
Jérémy
J'ouvre ¼.
Sabine
J'ai été longtemps fermée à la BD, jusqu'à
Maus.
J'ai connu Posy Simmonds après avoir vu le film Gemma
Bovery : elle est subtile, il y a un jeu de poste sur le
profil des personnages.
J'ai adoré le dessin.
L'insertion des pauses narratives est réussie.
Claire
C'est quoi les pauses narratives ?...
Sabine
Je mesure moins le travail fait sur Loin de la
foule déchaînée pour Tamara Drewe.
J'aime le triptyque : roman/roman graphique/film.
Claire
Avec le film adapté du roman, ça fait pour certains d'entre
nous un tétraptyque et avec l'exposition un pentaptyque...
Sabine
À travers nos échanges, on pourrait faire partie de la BD
de Simmonds...
Comme Annick, je ne boude pas mon plaisir et j'ouvre en grand.
Odile
Je n'ai pas réussi à rentrer dans
cette histoire.
Il est vrai que j'avais un handicap car je n'avais pas du tout aimé
le roman
de Thomas Hardy et en plus je l'ai lu dans la traduction
déconseillée. J'ai pourtant abordé le roman graphique
avec l'espoir qu'il apporte un peu de légèreté et
d'humour que je n'ai pas trouvés ou pas suffisamment. Le cadre
de la résidence d'écrivains et les rapports ruraux-urbains
m'ont paru assez caricaturaux pour être ennuyeux et pas assez pour
être comiques.
Je ne m'attendais pas à autant de texte et il m'a paru plat et
inutilement bavard.
Quant aux dessins, bof. En plus, d'après ce que certains viennent
de dire et de montrer, les représentations de personnages sont
un peu toujours les mêmes d'un album à l'autre, un peu comme
dans les mangas...
J'ai écouté ce que vous avez dit en espérant mettre
de l'eau dans mon vin, mais non, je n'y arrive pas. Les personnages ne
m'intéressent pas plus que ceux de Thomas Hardy, je ne trouve pas
l'influenceuse particulièrement audacieuse, ni les prétendants
distrayants.
J'ai aimé les deux gamines qui me feraient ouvrir le livre
à 10%.
Rozenn
Je
suis d'accord avec tout ce qui a été dit.
Le groupe
!?!?!?!?!?!?!?...
Rozenn
entre et
Intérêt et difficultés de prendre la parole la dernière...
J'ai lu Gemma
Bovery au milieu des Démons
de Dostoïevski et interrompue par la découverte du Disciple
de Mikhail Rudy. Un contexte difficile, exigeant.
J'aime bien le personnage du boulanger dans Gemma
Bovery et Glen dans Tamara
Drewe, tous deux si humains : à la fois gentils et à
fuir.
Le lieu, résidence d'écrivains (plus ou moins autoproclamés
et avec plus ou moins d'assurance), m'a fait rire en me rappelant les
colloques de Cerisy.
Mais qu'est-ce qui m'en reste ? Pas grand-chose.
Un peu de plaisir pour le premier (Gemma Bovery) et moins pour
le deuxième (Tamara Drewe). Par contre, j'ai bien aimé
le film
de Stephan Frears.
J'ai croisé Dissident
club : chronique d'un journaliste pakistanais exilé en France
de Taha Siddiqui et j'ai apprécié : il relate en détail
l'histoire du Pakistan, avec beaucoup d'informations politiques ; et des
images qui servent le propos lui permettent d'en dire peu et d'alléger.
Mais pour revenir à la question de la lecture de BD : quand j'étais
enfant, elles étaient interdites à la maison et je ne sais
pas les lire, aller du texte à l'image et inversement. J'ai été
un peu déçue que ma petite fille se mette à en lire,
mais elle m'a fait découvrir Astérix - même
si nous ne rions pas des mêmes passages. Je pense que c'est plus
éducatif que générationnel.
Comment j'"ouvre" ? ½ pour Tamara Drewe
et ¾ pour Gemma Bovery.
Après la lecture d'un texte critique par Claire, j'ai réalisé
qu'il ne faut peut-être pas comparer avec des romans, mais avec
d'autres BD ou romans graphiques.
Françoiseentre
et
(après la séance)
Je rejoins beaucoup d'avis déjà exprimés. Ce fut
pour moi une lecture agréable. C'est à la fois sérieux
par certains des sujets abordés, comme l'environnement, les adolescentes,
le village, et drôles comme la description du milieu littéraire,
certains personnages (surtout les mecs) ; je pense que c'est assez
bien vu.
Le graphisme est sympa. La référence à Thomas Hardy
est très lointaine, trop subtile pour moi sans doute, comme Gemma
Bovery, sans le titre je n'aurais sans doute pas pensé à
notre Emma nationale.
Posy Simmonds n'est pas dans la top liste de mes auteurs de BD préférés,
elle vient après Tardi, Bilal, et surtout Sattouf et Guy Delisle
que j'adore.
J'ouvre entre ½ et ¾.
Les BD ou romans graphiques cités pendant la séance
- De
cape et de crocs, une série d'AYROLLES de 12 tomes d'aventures
dans la veine des romans de cape et d'épée, avec de nombreuses
références littéraires, Delcourt, de 1995 à
2016 ; l'intégrale
fait 664 p.
- L'incroyable
histoire de la littérature, éd. Les Arènes,
Catherine Mory, Philippe Bercovici, 2022, 352 p.
- Les
culottées de Pénélope BAGIEU, Gallimard,
2016, 312 p.
- Dissident club : chronique
d'un journaliste pakistanais exilé en France de Taha SIDDIQUI,
2023, Glénat, 264 p.
- Federico García Lorca- biographie
de García Lorca
Ilu ROS, trad. Carole Fillière,
Robert Laffont, 2023, 360 p.
- La
route, Manu LARCENET, Dargaud, 2024, 160 p., adaptation du roman
de Cormac McCarthy,
La route, que nous avions lu
- Et
à la fin, ils meurent : la sale vérité sur les contes
de fées, Delcourt, 2021, 400 p.
- L'Arabe
du futur de Riad SATTOUF, Allary éditions, 5 tomes de 2014
à 2020, 1080 p.
- Là
où vont nos pères de Shaun TAN, Dargaud, 2014, 128
p.
Un peu de doc autour de Posy Simmonds
UN
PRIX
Nous avions déjà
choisi de la lire, et hop ! Posy Simmonds a reçu le Grand
Prix d'Angoulême 2024.
Pour rester à Angoulême et écouter
un entretien de fond, écoutez Posy
Simmonds dans 9e art, le podcast de la Cité Internationale
de la Bande Dessinée et de l'Image d'Angoulême, 17 janvier
2024, 24 min
UNE EXPOSITION
L'exposition "Posy
Simmonds, dessiner la littérature"
s'est tenue à la BPI du Centre Pompidou du 22 novembre 2023 au
1er avril 2024. On peut consulter :
- le livret
d'exposition
- le dossier
de presse de l'expo
- des articles
et entretiens du magazine de la BPI, Balises.
Dans le cadre de l'exposition, a eu lieu une
rencontre Posy Simmonds / Riad
Sattouf au Centre Pompidou le 26 février 2024. Voix au chapitre
avait lu L'Arabe
du futur et on a pu voir lors de la rencontre l'admiration que
Riad porte à Posy...
DES VIDEOS
- excellente et brève : le passé et l'actualité de
Posy Simmonds, France
TV arts, 21 janvier 2024, 4 min 30
- à la Grande
Librairie, 30 novembre 2023, 3 min 28
- à la
Maison de la poésie avec Coco, 28 novembre 2023, 1h
- si vous l'avez manquée, visite
de l'exposition en anglais avec Paul Gravett, commissaire scientifique
associé, 11 min.
LES ROMANS GRAPHIQUES DE POSY SIMMONDS
Son amour de la littérature
la conduite à choisir trois chefs-duvre du XIXe
siècle, non pour en produire des adaptations modernes, mais pour
sen servir comme inspiration et bâtir des histoires qui lui
sont propres et parlent à notre époque.
Les deux premiers romans, Gemma Bovery et Tamara Drewe,
ont d'abord été publiés en feuilletons d'une centaine
d'épisodes, dans un format défini par The Guardian,
le grand journal de référence
au Royaume Uni.
Elle y fut dessinatrice de presse pendant 30 ans, où, tel Plantu
dans Le Monde, son dessin y était quotidien : "Je
me rendais au journal le matin, pour chercher les informations, et je
devais remettre le dessin au journal à 5 heures de l'après-midi".
Le troisième roman graphique, Cassandra Darke, a lui, été
publié directement en volume.
Ses romans graphiques lui ont apporté une importante reconnaissance
à létranger. Ils ont été publiés
en plusieurs langues, deux dentre eux ont été adaptés
au cinéma, et Gemma Bovery a donné lieu à
une sérialisation radiophonique pour France Culture.
DES ROMANS GRAPHIQUES EN LIEN AVEC DES
ROMANS ET DES FILMS
Voici les trois romans graphiques et les romans et films
qui y sont liés :
"Jai lu Madame Bovary en français pour la première fois vers quinze ans", explique Posy Simmonds. Gemma Bovery en est une adaptation libre, qui transpose la trame narrative de nos jours. Gemma Bovery raconte l'installation d'un couple d'Anglais dans un petit village normand, l'illustratrice Gemma Bovery et son mari Charlie Bovery, ébéniste. Le roman de Flaubert est cité par Joubert, voisin de Gemma et narrateur principal, dès que les Bovery emménagent : "Madame Bovary est notre voisine !!! Sans blague !". Il poursuivra les parallèles entre le roman et la vie de ses voisins, jusquà sinquiéter de la fin tragique qui attendrait Gemma. Pour interrompre la liaison adultère de celle-ci, il lui envoie anonymement un extrait du roman, etc.
Gemma Bovery a été adapté au cinéma : Gemma Bovery par Anne Fontaine (2014), avec Fabrice Luchini, Gemma Arterton, Jason Flemyng. Bande annonce ici.
Sur France Culture, en 2018, 10
épisodes sont adaptés à partir du roman graphique.
Tamara Drewe et Loin de la foule déchaînée se situent dans un décor semblable : le Wessex imaginaire de Hardy est inspiré de son Dorset natal, région où se déroule Tamara Drewe. Les personnages principaux se ressemblent : une jeune héroïne, belle et indépendante, et trois hommes autour delle. Tous·tes sont obsédé·es par la célébrité, et séparé·es par un fossé social. L'intrigue de Tamara Drewe renvoie à l'actualité, sappuyant notamment sur la presse people, des échanges de courriels et le désuvrement de la jeunesse rurale.
L'album a été adapté au cinéma
en 2010, Tamara
Drewe, par Stephan Frears, avec Gemma Arterton. Bande annonce
ici.
Ne manquez pas l'interview de
Posy Simmonds à propos du film l'année de sa sortie.
"Jai emprunté certaines humeurs et motifs du livre, mais en les gardant en arrière-plan", explique Posy Simmonds. Comme le Scrooge de Dickens, l'héroïne est pingre et solitaire, aime le froid hivernal, déteste Noël, et rencontre un fantôme rédempteur. Les histoires se passent à Londres et le sous-sol de Cassandra, comme la cave de Scrooge, y joue un rôle déterminant. Les deux récits comportent en outre une dimension sociale, évoquant la stratification dune société fondée sur les privilèges. Cependant, le roman graphique est ancré dans le monde contemporain, racontant par exemple le sort dune prostituée clandestine. Cassandra Darke se déroule dans le milieu de lart.
Par ailleurs, Posy Simmonds publie en 2003
Literary Life, trad. Lili Sztajn & Corinne Julve, Denoël
Graphic, 2014 :
Folio
BD, 2015 :
Elle y caricature toutes les étapes de la vie dun livre,
depuis les affres que traverse lauteur pour le concevoir, jusquà
sa promotion, ses ventes et son accueil par les critiques, les libraires
et les lecteurs..., nous, quoi !
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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