Thomas Hardy, photo de Clive Holland, 1900, National Portrait Gallery


La version en VO :

Far From the Madding Crowd, est en ligne, intégralement, sur le site Gutenberg ›ici

Les versions en VF :

Thomas HARDY, Loin de la foule déchaînée, trad. Mathilde Zeys, Archipoche, 471 p.

Quatrième de couverture : Gabriel Oak, jeune paysan du Wessex, est devenu propriétaire d’une bergerie. Il s’éprend de Barbara Everdene, venue s’installer au pays avec sa tante. Mais la belle repousse ses avances avec hauteur. Ayant perdu toutes ses bêtes par la faute d’un chien mal dressé, Gabriel, ruiné, est réduit à trouver du travail dans une ferme qu’il vient de sauver d’un incendie et dont la propriétaire n’est autre que… Barbara, qu’un héritage a rendue riche. Entretemps, la jeune femme subit les assauts d’un prospère exploitant, William Boldwood, mais aussi de son rival, le fringant sergent Francis Troy, qu’elle finit par épouser, sans savoir qu’une domestique, Fanny, est enceinte de ses œuvres… Gabriel ne parvient pas à lui cacher la mort en couches de la mère et de l’enfant, tandis que Troy, repentant, tente de se noyer. Alors que chacun le croit mort, il resurgit à la veille de Noël et est abattu par Boldwood, qui retourne l’arme contre lui. Lorsque enfin Barbara comprend qu’elle n’a jamais eu qu’un ami, Gabriel lui annonce qu’il quitte l’Angleterre pour la Californie… Le quatrième roman de Thomas Hardy (1874) fut son premier grand succès public et critique.


Loin de la foule déchaînée, trad. Thierry Gillybœuf, éd. Sillage, 2011, 432 p.

Quatrième de couverture : Jeune femme d’une grande beauté et au caractère impétueux, Batsheba Everdene hérite à vingt ans d’un beau domaine, qu’elle dirige seule. Quand un incendie se déclare dans sa propriété, un ancien soupirant ayant connu des revers de fortune, Gabriel Oak, apporte une aide précieuse pour sauver ses récoltes. Elle lui procure un emploi parmi ses gens, mais devient l’élue de deux autres prétendants, bien décidés à obtenir sa main. Oak s’avérera quant à lui d’une étonnante fidélité…

Publié en 1874, Loin de la foule déchaînée est le premier des grands romans de Thomas Hardy (1840-1928), à qui il apporte la notoriété. Il marque l’apparition dans son œuvre de la région imaginaire du Wessex, calquée sur son Dorset natal. C’est le texte fondateur d’un univers familier aux lecteurs de Tess d’Urberville ou Jude l’obscur.


Loin de la foule déchaînée, trad. Sophie Chiari, Le Livre de poche, 768 p.

Quatrième de couverture : Dans le comté rural du Wessex, Gabriel Oak demande en mariage la jolie Bethsabée Everdene, offrant à cette orpheline désargentée une situation confortable et la promesse d’une vie heureuse. Farouchement attachée à son indépendance, la jeune femme se refuse à lui. Elle hérite bientôt d’une propriété à Weatherbury, qu’elle décide de gérer seule, en maîtresse femme. Alors que tout semble lui sourire, Bethsabée se retrouve en proie aux désirs de Boldwood, un riche fermier, puis de Troy, un sergent sans foi ni loi, et enfin de son premier soupirant, le fidèle Oak, qui, par le plus grand des hasards, s’est fait engager par celle qu’il avait résolu d’oublier. Ce quatuor amoureux va se déchirer et semer le trouble dans le cœur et la vie de l’héroïne.

Loin de la foule déchaînée, chef-d’œuvre de Thomas Hardy, fait au gré des saisons le récit de vies tumultueuses et d’amours contrariées au sein d’une nature aussi spectaculaire qu’impitoyable.

Édition et traduction de Sophie Chiari.

Thomas Hardy (1840-1928)
Loin de la foule déchaînée (1874)

Nous avons lu ce livre pour le 26 avril 2024 et le groupe breton pour le 27 juin (avec, donc, 26 réactions ci-dessous). Nous avions lu Jude l’obscur en 1998.

Voir documentation en bas de page.

Nous avons vu Loin de la foule déchaînée, le film de Thomas Vinterberg adapté du roman. Et nous lirons pour la séance suivante Tamara Drewe, roman graphique de Posy Simmonds, librement inspiré de Loin de la foule déchaînée.

Nos 19 cotes d'amour
CatherineSabine
EntreetClaireJacqueline
Annick ABrigitteDanièleFrançoiseMonique Rozenn
EntreetClarisse
EtienneFanny Thomas
Annick L Jérémy ManuelRenée
Odile

Etienne (par écrit depuis Rennes)
Je ne serai probablement pas là ce soir. Je ne suis pas venu à bout du challenge, il me reste encore deux cents pages…
La lecture est très agréable et je trouve qu'on ressent bien le format "feuilleton". Il est difficile de ne pas faire la comparaison avec Middlemarch lu en début d'année : si j'apprécie la dimension pastorale plus marquée que dans le roman de George Elliot (cette description grandiloquente de l'épisode de l'orage…), je suis un peu déçu par l'épaisseur psychologique des protagonistes qui me paraissent vraiment trop prévisibles. Pour l'instant j'ouvre à moitié.
Sabine
(par écrit depuis Nîmes)
Après deux départs loupés et avortés (j'ai acheté puis commandé le livre en "mauvaise traduction "), j'ai repris la lecture de Loin de la foule déchaînée avec bonheur. Je n'ai plus retrouvé mon avis sur
Jude l’obscur, mais je pense qu'il était plus que positif. J'ai lu Tess d'Urberville pour une étude comparative avec Effi Briest (que nous lirons bientôt) et Madame Bovary et j'en garde également un bon souvenir.
Bref, en dépit d'une trame narrative assez convenue, j'ai beaucoup aimé les descriptions pastorales : "Il alla vers la barrière du pré. Au-delà, le sol ondulait en courbes mélodieuses, comme les alouettes dans le ciel, on y entendait les bêlements graves du troupeau." (au ch. 18) ou plus loin, dans le ch. 37 sur l'orage : "Puis un troisième fracas se fit entendre. Les manœuvres les plus extraordinaires se déroulaient là-haut dans les vastes abîmes du firmament." Tous ces tableaux sont plus qu'un arrière-plan : ils participent vraiment à et de la narration. J'ai beaucoup ri des analyses psychologiques sur les comportements humains, surtout féminins : "Bien que trop perspicace pour se laisser entièrement guidée par sa féminité, Bethsabée avait en elle trop de féminité pour se montrer perspicace dans son propre intérêt. Peut-être que là où la femme surprend le plus son compagnon, c'est par sa faculté étrange à gober des flatteries qu'elle sait parfaitement être fausses alors qu'elle fait preuve du plus grand scepticisme face à des critiques qu'elle sait être fondées." Et enfin : "Elle était de l'étoffe dont sont faites les mères des grands hommes" (p. 679). J'y réfléchis encore. C'est vrai que je suis plus sensible à l'humour et l'ironie de Flaubert quand il parle d'Emma. Cela dit, je n'ai pas boudé mon plaisir et j'ai bien aimé la fin que j'avais un peu-beaucoup devinée ! Un collègue d'anglais va me passer la version ancienne de l'adaptation cinématographique avec Julie Christie et j'ai hâte de voir celle que vous avez vue hier. Bonne soirée à tous autour d'un thé anglais et de muffins avec de la marmelade…
Catherine
Je suis en route vers la Hague, une région qui ressemble pas mal au Dorset (avec beaucoup de moutons). Tess d'Urberville a d'ailleurs été tourné dans la Hague.
J'ai lu il y a longtemps Tess d'Urberville après avoir vu
le film. J'ai beaucoup aimé les deux, Tess d'Urberville étant encore plus romantique et tragique que Loin de la foule déchaînée.
J'ai aussi beaucoup aimé celui-là, pour de multiples raisons. D'abord, je me suis laissé happer par l'histoire et ses multiples rebondissements, même si parfois j'aurais aimé que ça avance un peu plus vite (j'ai lu l'édition de 700 pages). Ensuite, j'ai aimé les personnages, surtout celui de Bethsabée. Elle est parfois vaniteuse, hautaine, mais elle a une force de caractère étonnante ; elle conquiert sa place dans un monde d'hommes, elle n'est pas une victime comme beaucoup d'héroïnes de Thomas Hardy. C'est un personnage féministe avant l'heure. Pour tempérer ça, le livre est parsemé d'aphorismes sur les femmes très édifiants (j'en ai noté plein, mais pas le temps de les détailler). Je me suis demandé si le personnage de Bethsabée était vraiment réaliste au 19e. En revanche, Gabriel m'a un peu fatiguée, il est trop parfait dans son rôle d'ange gardien aimant en secret. Quant à Boldwood qui devient fou d'amour, bon... La galerie des personnages secondaires donne beaucoup de couleurs au roman, l'analyse psychologique des personnages est très fouillée. L'écriture est magnifique, les descriptions de la nature évidemment, il y a des scènes extraordinaires, la tonte, la démonstration de sabre de Troy (très ambiguë d'ailleurs), Bethsabée ouvrant le cercueil, la fête de Noël...
Bref pour moi un régal, j'ouvre en grand.
On a vu le film hier, très esthétique, mais très centré sur l'intrigue principale. Agréable à regarder, mais évidemment rien à voir avec le bouquin.
Jacqueline entre
(en direct)
Je l'ai lu vite, vite, car il se lisait très bien. J'ai même loupé mon métro en me replongeant dedans... C'est un texte plaisant avec un art du récit qui combine détails visuels précis et réflexions du narrateur. J'aime bien la description des personnages, de la nature ; au début, il y a un ciel d'été extraordinaire ; et toutes les descriptions de campagne m'ont beaucoup plu alors que d'habitude je saute.

(Annick A lève les yeux au ciel, genre pâmée par les descriptions.)

Jacqueline
J'ai aimé l'espèce de distance du narrateur, une sorte d'humour.

Thomas
Jane Austen le fait aussi.

Jacqueline
Jane Austen… oui, c'est caractéristique du roman anglais (il m'est arrivé de penser à Dickens), mais là j'ai envie de laisser couler l'intrigue. Il me semble avoir entendu le mot convenu, non ?

Annick L
Oui !

Jacqueline
Je ne suis peut-être pas futée, mais pour moi c'est loin d'être convenu !
J'ai beaucoup aimé la description du soldat : "C'était un homme pour qui les souvenirs étaient une chose encombrante, et la prévoyance superflue. Ne ressentant, ne considérant et ne se souciant que de ce qui se trouvait sous ses yeux, il n'était vulnérable que dans le présent. Il n'avait du temps qu'un aperçu passager, de loin en loin : cette projection de la conscience dans les jours enfuis et à venir, qui donne au passé quelque chose de pathétique et fait de l'avenir un appel à la prudence, était étrangère à Troy. Pour lui, le passé c'était hier, le futur demain et jamais, le jour d'après."
Son histoire m'a beaucoup plu, assez fidèle à ce portrait dressé d'emblée, avec ses découvertes et ses reniements.

Françoise
Ses reniements à elle ?

Jacqueline
Non, à lui. Disons plutôt ses revirements successifs…
J'ouvre un peu plus que ¾.

Claire
Pourquoi pas en grand ?

Jacqueline
Parce que je ne sais pas ce qui va me rester de ce livre en dehors du plaisir de lecture…

Françoise
C'est parce que tu n'es pas une midinette...

Jacqueline
Ce n'est pas un livre de midinette !
Jérémy

Avant la lecture : Je n'avais rien lu de Thomas Hardy. En revanche, j'avais proposé de lire Tess d'Urberville qui n'avait pas été retenu. Après avoir raté une séance, j'étais revenu et avais appris que d'une part, La Maison aux esprits avait été déprogrammé (le drame !), d'autre part il avait été remplacé par Loin de la foule déchaînée (l'affront !).

Françoise
Eh oui, il vaut mieux toujours être présent...

Jérémy
Qui plus est, j'avais bien évidemment acheté le livre dans la mauvaise traduction et ai donc dû le racheter, une bien mauvaise opération financière. Enfin, en lisant la 4e de couverture, j'ai eu l'impression d'avoir déjà lu ce livre (Jane Austen, les sœurs Brontë, etc.). Bref, pour toutes ces raisons je ne l'ai pas abordé dans les meilleures dispositions !
Après la lecture : Cela s'est malheureusement confirmé, et ce pour plusieurs raisons, pêle-mêle :
les réflexions misogynes (les femmes sont comme ci, les femmes sont comme ça, ah, ce genre de réaction est bien typiquement féminin, etc.). Bien évidemment, il faut replacer le livre dans son époque, malgré tout cela m'a déplu et a ancré le livre en moi comme un livre n'ayant "pas bien vieilli".
•À cela s'ajoute le fait que les personnages féminins ne sont pas si bien servis que cela :
1. Certes Bethsabée est une femme "forte" et le fait d'être à la tête d'une exploitation agricole était certainement très "osé" et précurseur pour l'époque. Malgré tout, elle a besoin des hommes pour la soutenir et n'est pas si indépendante que cela : Gabriel sauve sa récolte du feu, puis de la pluie et sauve également ses moutons. Quand il sauve l'orge et le blé de la pluie, on note qu'il a une force physique qu'elle n'a pas et qui lui manque (elle fatigue bien vite et rentre à l'intérieur alors qu'il continue toute la nuit).

Claire, dans le genre vache
J'attends de te voir dans l'orage sauver toutes les meules sans l'aide de super Gabriel...

Jérémy
2. Elle répète plusieurs fois qu'elle ne veut pas se marier mais finit par le faire... deux fois. Je trouve cette fin bien convenue et conventionnelle ! Il faut bien se marier et rentrer dans le rang. À mon sens, ce qui aurait été vraiment en avance sur son temps et fait d'elle une femme libre et indépendante, eût été de la laisser célibataire. Et quelle est la "morale" de l'histoire ? Le mariage de passion est voué à l'échec ? Celui de raison et d'argent est inconcevable, donc il faut choisir un entre-deux ? Un brave gars solide, ni beau ni vilain, et qui commence à se refaire financièrement ? Cela ne fait pas rêver !
3. Cette femme volontaire et pugnace finit par céder à la passion (ah, le sexe faible... !). Elle a une conduite erratique, est incapable de prendre les bonnes décisions la concernant, alors que les hommes brillent par leur constance (Oak est solide comme un roc, Boldwood brille d'une flamme inextinguible et Troy est un goujat sur toute la ligne, même s'il tente à la fin de se racheter auprès de Fanny). Elle est passive : elle cède à Troy et Boldwood, sauf face à Oak (c'est elle qui va le chercher à la fin, ce qui est là aussi osé, il faut le reconnaître). Mais elle ne va le chercher que parce qu'elle est piquée dans son amour-propre : elle pense que Oak a vraiment tourné la page et ne lui est plus acquis.
4. De manière générale, elle a d'autres traits de caractère qui la rendent guère aimable : vaniteuse, capricieuse, ingrate, instable, irrésolue (aller voir Gabriel ou pas), hystérique, cassante, etc.
5. Les autres personnages ne sont guère mieux traités : celui de Liddy n'a pas d'autre existence et utilité que de permettre à Bethsabée de dialoguer avec quelqu'un et celui de Fanny est une sous-Fantine.
Le personnage de Gabriel est agaçant, pour ne pas dire exaspérant. C'est le bon saint-Bernard toujours là pour lui sauver la mise, qui attend bien sagement au pied de la table qu'on lui balance un os en récompense de sa loyauté. Ceci dit, il a raison d'attendre patiemment son heure, puisque la pomme mûre finit par tomber toute seule de l'arbre.
Le ton grandiloquent et pompeux. L'exemple le plus frappant étant celui de la description de l'orage. Et que dire des gouttes de pluie qui ont formé comme des larmes sur la vitre de Bethsabée la nuit où Troy est au cimetière ? Que c'est lourd et appuyé ! Même le titre en fait des caisses. Pourquoi ce "Loin de la foule déchaînée" ? "À la campagne" ou "Dans un trou paumé" aurait largement suffi, non ?
Le manque de profondeur, de réflexions, d'ampleur, de souffle, particulièrement marquant quand on compare ce roman à Middlemarch (mais le faut-il ?).
Le caractère bien trop prévisible du récit. On voit vraiment souvent ce qui va se produire et le drame arriver (les moutons de Oak, la récolte qui va prendre l'eau alors que Troy fait la fête, le fait que Troy soit un salaud (non seulement cet homme ne va pas à l'église, mais en plus il ment sur le fait d'y aller, quelle horreur !!).

Malgré tout, cela se lit facilement et le récit est bien mené. J'en retiens que la beauté est un fléau et que Bethsabée aurait eu moins de problèmes si elle avait été laide.
Enfin, je renommerais bien le livre "Bal tragique à Weatherbury, 1 mort" ! Je l'ouvre au quart !
Claire entre et
À l'issue de cet assassinat, je note que Jérémy convient que le récit est bien mené, ce qui m'empêche de n'être que souffrances concernant ce livre que j'ai beaucoup aimé...
Je me suis souvenue de l'expression de Katell disant d'un livre "il y a trop de narratif"... Enfin du narratif, beaucoup de narratif, du romanesque quoi ! Avec un montage formidable de rebondissements qui créent des émotions : par exemple, quand Troy revient, ressuscité, j'avais vraiment les chocottes... ouf, il est tué. Bref, de l'intensité émotionnelle pendant la lecture.
J'ai aimé l'art des formules succulentes, le style, le brio et l'humour ! Par exemple quand Bethsabée a sa robe prise dans les éperons : "Elle tira encore, et les fronces de sa robe commencèrent à se défaire en faisant le bruit d'une fusillade à Lilliput" ou dans les portraits, celui de Gabriel dont les traits "étaient à mi-chemin entre la beauté de saint Jean et la laideur de Judas Iscariote" ou de la confidente : "Tel un petit ruisseau, Liddy avait peu de profondeur mais était toujours agitée de vaguelettes ; sa présence n'avait pas assez de poids pour faire naître la pensée, mais ne la bloquait pas non plus."

Et les scènes ! Celle
s des moutons se jetant de la falaise ou ressuscités par la piquouze de Gabriel, le cercueil avec un clandestin, la plaisanterie de la Saint-Valentin, la scène de cirque avec le sabre dans la forêt, Gabriel surpris lisant un livre puis priant, etc. Ces scènes font monter la tension, j'adore les montagnes russes...
C'est vrai qu'il y a des remarques sur les femmes, du genre : "Les sentiments de Bethsabée dépendaient toujours jusqu'à un certain point de ses lubies, comme c'est le cas chez beaucoup de femmes", mais bon les mecs ne sont pas toujours à leur avantage, ce qui permet de jouissives formules : "Il se trouve que des hommes ordinaires se marient parce que, sans le mariage, il est impossible d'aimer charnellement une femme, et que des femmes ordinaires se résolvent à prendre un mari parce que, sans union charnelle, le mariage n'est pas possible ; même si les buts diffèrent radicalement, la méthode aboutit au même résultat."
Mais, surtout, alors, ai-je compris, que Hardy était un conservateur, quelle modernité avec son héroïne, libre, forte, audacieuse, non conformiste ! Oui, elle se fait avoir avec Troy, ses sens et sa jalousie l'ont égarée : et alors ! On a aussi des variations sur l'amour avec Boldwood fou d'amour, Troy séducteur, puant avec Bethsabée et mystico-stroumpf avec Fanny, et Gabriel aaaahhhh Gaaaaabriiiiiieeeel ! Quelle belle page finale sur la forme d'amour à laquelle ils accèdent, exceptionnelle "parce que les femmes et les hommes ne s'associent pas dans leur travail mais essentiellement dans leurs plaisirs".
J'ai deux petites réserves liées : les innombrables références inconnues des lecteurs d'aujourd'hui dont je me demande si elles étaient si familières au lecteur lambda du feuilleton d'origine - sans doute que oui ; en tout cas, elles ôtent un zeste d'éternité au livre, car parfois la phrase, saturée de références, est incompréhensible ; d'où la nécessité de notes, si le traducteur conserve la référence, et dans l'édition du Livre de poche, on en est envahi - c'en devient parfois comique.
Quant au
film que nous avons regardé, c'est un bel album d'images, dépourvu de la subtilité du livre ; les animaux y jouent très bien - jusqu'au crapaud quand l'orage menace... Ce que le film m'a apporté, c'est de pouvoir visualiser les bâtiments que je n'imaginais pas à la lecture, notamment ces fermes très bourgeoises dont nous n'avons pas vraiment l'équivalent en France.
Tout compte fait, je me suis vraiment régalée à lire ce livre.

Annick L
Je serai brève… Je me suis beaucoup ennuyée avec ce roman conformiste. Je ne m'intéresse pas à l'histoire de ces personnages.
L'évocation de la vie rurale, c'est très beau. Mais je m'ennuie.
J'ouvre ¼ car le personnage féminin est intéressant. Mais l'enjeu du récit ne m'intéresse pas. C'est très réaliste. Mais ce n'est pas un roman qui m'apporte quelque chose.
Je suis allée jusqu'au bout, certainement parce que c'est bien écrit.
Monique L

J'ai apprécié les belles descriptions de la vie de la ferme au rythme des saisons, de la campagne verdoyante dans laquelle galopent des chevaux et paissent des brebis. L'auteur nous fait partager son amour de la terre et du monde paysan et ses connaissances sur le sujet. La vie s'écoule tranquillement, au rythme des saisons et des intempéries. On a les pieds dans la terre, dans la boue, les mains dans la paille ou dans la laine de moutons. On partage la vie des fermiers et des bergers de cette fin du 19° siècle, vie si âpre et si dure.
J'ai été sous le charme de l'écriture, de sa beauté et de sa fluidité, et du style narratif employé.
J'ai nettement préféré tout ce qui touche à la vie de la ferme qu'à l'intrigue amoureuse entre les trois prétendants et la maîtresse des lieux. La campagne anglaise est sublimée par Thomas Hardy et est bien plus qu'un décor.
Ma lecture a été facile et sans ennui.
Les personnages principaux et même secondaires sont décrits avec pertinence, en faisant ressortir leurs forces et leurs faiblesses, leurs qualités et leurs défauts, ce qui nous les rend attachants. Les trois héros sont réussis, chacun dans son genre.
J'ai apprécié le caractère de Bathsheba qui ne correspond pas au standard féminin de l'époque, son côté déterminé, indépendant, son sale caractère, mais aussi sa vulnérabilité qui la rend attachante. Elle est fière, indépendante, vaniteuse, coquette, orgueilleuse, inconséquente… Elle aime à voir tous les yeux braqués sur elle, mais jamais ne se donne. Elle ne veut pas perdre son indépendance. Elle évoque la condition d'une femme indépendante et affranchie, très en avance sur son temps.
Gabriel et son abnégation sont à la limite du crédible, ainsi que la perte de la faculté de jugement de Batsheba face à Troy. Mais bon….
La folie de Boldwood n'a pas été une surprise, mais la fin ne m'est pas apparue aussi réussie que le reste. La dernière phrase du roman résume bien la tonalité de l'ensemble : "Enfin, c'est comme ça et ç'aurait pu être pire ; moi, je suis heureux de ce qui vient d'arriver."
J'ouvre aux ¾.
J'ai vu le film de Thomas Vintenberg. Je l'ai trouvé trop léché, trop glamour et romantique. C'est une adaptation trop réductrice du livre. Les propos et les caractères ont été affadis. Les acteurs sont bons et crédibles. Le rendu du travail de la ferme est quasi inexistant. Les paysages sont très beaux, mais avec trop de plans de soleils couchants.
Annick A
Je l'ai lu d'une traite et j'ai aimé cette lecture fluide, facile. La description des paysages est remarquable. Cet aspect merveilleux de la nature, c'est ce qui m'a le plus intéressée.
La femme, présentée comme indépendante, se laisse prendre.
La fin en dix lignes, bâclée, est décevante.
Les personnages sont assez bien campés. Les personnages masculins sont plus ternes que les féminins. Boldwood tue par amour ; Bethsabée a du charme, libre avant l'heure ; Fanny, c'est un peu triste.
J'ai bien aimé l'écriture, les descriptions sensibles.
C'est un livre flamboyant. J'ouvre aux ¾.

Clarisse entre et

Je n'avais jamais lu Thomas Hardy.
J'hésite entre l'ouvrir ½ ou ¾. J'ai bien aimé, mais ce n'est pas du tout un livre qui m'a marquée. Je vais expliquer pourquoi. Et c'est peut-être lié au fait que j'avais la mauvaise traduction…
D'un côté, j'apprécie trois éléments :
- le personnage féminin principal, qui est très moderne pour l'époque, qui dirige la ferme seule
- les péripéties qui nous tiennent en haleine : c'est un livre gai qui se lit très bien, avec ses chapitres courts et concis qui décrivent une unique action ou un retournement de situation
- l'atmosphère campagnarde du livre : c'est rare je trouve de lire des livres qui décrivent de manière aussi noble la vie de fermier.
Mais, d'un autre côté, je n'aime pas ces histoires qui se terminent sur le début d'une idylle, à la mode ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants, parce que l'histoire de leur relation au fil des épreuves aurait été intéressante. Le début d'un mariage n'est pas la fin d'une histoire. Ça ne veut pas dire que tout va bien aller pour eux...
Et c'est lié : mais, je n'aime pas non plus le fait que, tout au long de l'histoire, le lecteur sait plus ou moins que les deux protagonistes vont finir ensemble. C'est un peu du Bridget Jones à la campagne et il y a très longtemps.
Et finalement, moi, je ne comprends pas ce qu'elle lui trouve à l'autre. Le développement de leur relation est trop rapide, trop secrète et donc peu crédible.
Ça manque cruellement d'originalité, mais j'admire quand même le message du livre qui, pour moi, est que le réel amour n'est pas un coup de foudre, mais un sentiment qui grandit avec le temps et se construit entre deux personnes, plus proche de l'amitié que de la passion. C'est beau et intemporel.
Cette lecture me donne envie de me plonger davantage dans la littérature britannique et notamment de découvrir Middlemarch et
Tess d'Urberville.
Rozenn
(à l'écran)
J'aime beaucoup, mais.
Rien ne m'a étonnée.
C'est le type de livre que, quand j'étais jeune, j'adorais.
J'avais lu
Jude l’obscur, plus grave. Ici, tout est très bien, agréable. Le personnage de femme ? Très bien.
C'est agréable, mais lisse. Sans surprise. Du déjà lu.
Comment j'ouvre ? C'est un peu biaisé. J'ai vu
le film qui a tout rabaissé.

Françoise
Ah non, il faut que tu t'en tiennes à la lecture !

Rozenn
J'ouvre aux ¾ et à 20 ans j'aurais ouvert en grand.
Fanny

J'ai trouvé - enfin - la lecture reposante... Ce livre se lit tout seul.
Mais je n'ai pas été emballée, ni par le style, ni par l'intrigue. Néanmoins, j'avais plaisir à le retrouver.
J'ai bien aimé l'épisode du chien qui entraîne les moutons et qui est tué.

(Le visage de Françoise, amie des bêtes, est frappé par la douleur…)

Fanny

Le chien m'a fait penser à Mon chien stupide de John Fante.

Je n'ai vu ni humour ni recul.
C'est vrai que Bethsabée est une femme forte pour l'époque. Il faut bien sûr remettre dans le contexte de l'époque, mais concernant le consentement, le positionnement de Boldwood serait aujourd'hui inacceptable (il lui dit très clairement que l'épouser est bien peu de choses, même si elle n'en n'a pas envie ; il cherche également à acheter Bathseba à travers une transaction financière avec Troy).
On a des inserts explicatifs toutes les trois pages, comme par exemple au chapitre 34 : "L'amoureux possède une grande force qui fait défaut à l'homme libre, mais ce dernier est plus clairvoyant que le premier. Là où il y a quelque inclination, il y a trop d'égoïsme, et l'amour, malgré les sentiments nouveaux qu'il permet de découvrir, réduit les capacités." Cette forme d'explication de texte est, je trouve, assez insupportable, cela ne fait qu'affadir le propos.
J'ai aussi trouvé que globalement le profil des personnages manque de finesse : ils sont campés dans leurs profils respectifs de manière assez caricaturale.
J'ouvre à moitié. Mais je n'aurais peut-être ouvert qu'au quart après d'autres livres que ceux que nous avons lus...
Manuel
Je suis en train de lire La Recherche et le projet avait tout pour me plaire et me sortir du quartier de Saint-Germain et d'Haussmann.
Je n'ai pas encore fini ma lecture, mais je m'ennuie entre les passages descriptifs de la campagne et de l'architecture
réussis (la grange et la tonte chapitre 22) et les nombreux personnages où je me perds (l'arrivée à la malterie) : on ne voit pas qui est qui !
Plusieurs passages sont lourds, par exemple le marchand "semblait s'acheminer vers la tombe comme une courbe hyperbolique tangente une ligne droite : de façon de moins en moins directe à mesure qu'il s'en rapprochait, tant et si bien qu'on finissait par douter qu'il l'atteindrait un jour"
(p. 208) ou sexistes : "Si étrange que cela puisse paraître chez une femme à la fleur de l'âge et en pleine vigueur, elle laissait toujours ses interlocuteurs finir leur phrase avant de leur répondre." (p. 187)
La foule du titre, à mon avis, se réfère à la ville : "La présence de Dieu était palpable dans la campagne et le diable était par vivre avec le monde en ville." (p. 277)
Quant au personnage, je suis donc à la moitié de la lecture et je trouve que Bethsabée est loin d'être sympathique et est une vraie tête à claques : une vraie peste à la Scarlett O'Hara !
J'ai eu une réelle peine pour les montons de Gaby et plus encore pour le pauvre jeune chien qui les a fait se précipiter et est tué.
Brigitte
(à l'écran)
J'ai bien aimé cette lecture où il n'y a aucun suspense. Je n'ai pas été happée par l'intrigue, ce qui permet de se concentrer sur l'écriture.
Bien que je n'aime pas tellement les animaux, j'aime beaucoup toutes les descriptions des travaux des champs. Je vois bien Gabriel mettant les moutons au chaud, le chien George… Tout le monde se connaît, on se rend service, on emprunte le cheval du voisin pour aller rechercher Bethsabée. Les saisons se succèdent : d'abord les semailles, puis on s'occupe des essaims, on fait les foins, puis la moisson, suivie du repas de fin de moisson… Le lecteur est intégré à la vie de ce groupe paysan, où tous se connaissent, s'entraident. Cette petite société qui vit repliée sur elle-même respecte certaines règles spécifiques : les hommes sont habitués à boire du cidre ou de la bière ; quand au moment de la fête de la moisson, Troy introduit une boisson beaucoup plus alcoolisée, il rencontre la désapprobation de ceux qui n'ont pas sombré avec lui dans la boisson.
Au XXIe siècle, pour ce qui est de la campagne française, ce mode de vie a changé ; cependant les paysans continuent à se connaître et à s'entraider pour les travaux des champs, bien que la mécanisation ait entraîné de nombreuses évolutions, notamment une forte diminution du nombre de ceux qui travaillent directement la terre, ou s'occupent quotidiennement des animaux.
Les descriptions de la nature sont peut-être la plus grande qualité de ce livre. Il en est de même pour les sentiments intimes des divers personnages, qui sont très bien évoqués. Ce livre est un peu de la même veine que la littérature de George Eliot, dans Le moulin sur la Floss ou Middlemarch.
Gabriel me fait penser au personnage de Jude, mais c'est quand-même moins triste que
Jude l’obscur, que nous avions lu dans le groupe, il y a très longtemps.
Le titre "Loin de la foule déchaînée" est une allusion à un poème. Les écrivains de l'époque victorienne avaient de nombreuses références littéraires que nous ne connaissons plus maintenant, c'est un arrière-plan culturel qui me manque.
J'ouvre aux ¾, ça m'a beaucoup plu.
Françoise

Je l'ai lu en VO et j'en suis à la moitié.

Claire
Y a-t-il un anglais particulier, du dialecte, que sais-je ?

Françoise
Non, c'est facile à lire ; certaines syllabes subissent parfois un "avalement" de la part de paysans, mais on n'a pas trop de mal à déchiffrer. J'ai aimé l'écriture. Je n'ai pas vu cette espèce de préciosité que certains semblent évoquer.
D'accord, il n'y a pas de surprise. Mais la lecture est agréable. On pense à Middlemarch où on n'a pas justement la couche paysanne. Dans l'auberge, ici, c'est intéressant, parfois haut en couleurs. Le livre reflète la réalité de l'époque.
Je regrette la longueur parfois. Ce n'est pas toujours vraisemblable. Comment se laisse-t-elle piéger par ce connard ! Oui, oui, le sexe faible…
J'ai envie de le finir et j'ouvre aux ¾.
Thomas
Je me retrouve dans ce que certains ont dit, notamment sur l'intrigue assez convenue - au bout de 30 pages, on sait déjà comment ça va finir - et sur les personnages assez caricaturaux qui semblent parfois se conformer jusqu'à l'absurde au caractère qu'on leur prête. Tout juste y a-t-il une petite étincelle du côté de Troy, avec sa rédemption passagère lors de la mort de Fanny.
Pour autant, ce roman n'en pose pas moins une question intéressante, sur l'importance - malvenue - que peuvent prendre les préjugés sociaux dans l'amour et les relations humaines de manière plus générale. J'ai d'ailleurs eu tendance à interpréter le titre sous cette lumière. Bethsabée, à la fin, arrive à se libérer de l'idée selon laquelle Gabriel, qui est son inférieur social, ne peut être un compagnon acceptable. Pour moi, elle réussit ainsi à s'éloigner des "bourdonnements" (ragots et autres "on-dit") de la société, que j'associe ici à la "foule déchaînée".
Je l'ai lu en anglais et l'écriture m'a paru fluide.
J'ai beaucoup aimé l'épisode de ce jeune chien fou qui conduit le troupeau de son maître à la mort, et ce dernier à la ruine. Quelque part, Gabriel arrive à tous les tuer, tandis que ceux de Bethsabée sont sauvés !
En résumé, cela ne vaut pas, à mon avis, Tess of the d'Urbervilles du même auteur, que j'ai trouvé plus fin, mais ça n'en reste pas moins une lecture agréable. J'ouvre à moitié !
Renée(à l'écran depuis Narbonne)
Je n'ai pas compris le titre : Brigitte nous donné la réponse (en rapport avec un poème).
Je me suis pas mal ennuyée pendant la lecture.
Batsheba m'a profondément agacée. D'une part, elle est moderne : elle ne cherche pas la protection d'un homme, ce qui est rarissime au 19e en Angleterre et elle a le courage, à 20 ans, de prendre les rênes de la propriété héritée de son oncle.
MAIS, pour gérer sa vie sentimentale, elle fait n'importe quoi. Elle est totalement inconséquente et cruelle avec le fermier. Avec Oak, elle est également légère : elle le veut à sa disposition, elle accepte son amour oblatif, mais ne lui donne pas grand-chose en échange. Après, elle a 20 ans ! Donc j'excuse son aveuglement pour le militaire joli cœur.
Les dialogues sont souvent insupportables et inutiles : je comprends certains traducteurs qui ont coupé du texte. Les dialogues de Proust sont également répétitifs, mais ils ont un but : nous faire sentir le ressassement du personnage, son obsession.
Ce qui est superbe dans ce livre, ce sont les descriptions des paysages, ainsi que de la vie de ces paysans de la classe moyenne.
J'aime aussi le fait que Troy revendique son amour pour Fanny à la fin, c'est inattendu.
Cependant, je ne lui pardonne pas l'ennui éprouvé.
J'ouvre au ¼.
Danièle

Je me retrouve forcément dans plein de choses qui ont été dites. Je vais essayer de prendre un autre angle d'attaque.
Le film
m'a fait comprendre ce que j'avais aimé dans le roman et qui ne se retrouve pas dans le film. D'une fresque le réalisateur a fait une romance ratatinée, en particulier en supprimant les personnages secondaires. Les personnages secondaires disparaissent alors qu'ils constituent le cadre et donnent son épaisseur au livre : ce sont eux qui datent l'époque, expliquant ainsi notre jugement sur le côté daté de l'histoire. J'ai aimé ces personnages secondaires ; l'un prend toujours la défense de Bethsabée, qui est effectivement en avance sur son époque, époque où l'on raisonnait de façon genrée.
Pour ce qui est de la romance, il m'a semblé au début trouver une illustration parfaite de la théorie de Stendhal sur la cristallisation de l'amour, surtout concernant les prétendants de Bethsabée, mais au lieu que ce soit dans le monde aristocratique de Stendhal, c'est à la campagne, ce que je trouve original et intéressant.

Monique et Thomas
Des précisions, please, sur la cristallisation...

(Danièle se lance et Claire complètera ici avec le texte stendhalien...)

Danièle
Venons-en aux moutons ! Rien de factice dans cette histoire, à mon avis. Le premier drame m'a rappelé la légende concernant La Roche de Solutré et le mythe de la chasse à l'abîme. Les moutons suivent le mouvement, c'est bien connu.
J'ai pensé aussi à un livre lu dans le groupe, Marie-Claire de Marguerite Audoux, pour la description du monde d'antan. C'est l'un des intérêts du roman, ce retour sur le monde rural avec le lexique précis des différentes activités, sur la mentalité soumise des paysans aux propriétaires terriens et sur le peu d'estime qu'ils avaient d'eux-mêmes. Cette nostalgie fait du bien dans les magnifiques descriptions de la nature et dans l'atmosphère retrouvée des petits villages du siècle dernier, mais elle hérisse le poil quand il s'agit des rapports hommes-femmes, et de cette obsession du mariage chez Boldwood.
De même, le schéma répétitif des rencontres des personnages pour faire avancer l'histoire, toujours sur le même sentier.
Bien que l'analyse psychologique des personnages manque parfois de vraisemblance, j'ai poursuivi la lecture jusqu'au bout avec un certain plaisir, mais la personnalité contrastée de Bethsabée, mature et insouciante, mais surtout finalement odieuse, à mon avis, surtout dans ses relations avec Oak, ne m'a pas convaincue de sa modernité. Trop de manque d'empathie.
J'ouvre aux ¾.

Claire, après le tour de piste
La traduction joue vraiment un rôle déterminant. Je voudrais donner deux exemples de choix de traducteurs concernant les références qui parsèment le texte de Hardy.

1. Gabriel et Bethsabée affutent les ciseaux en tournant une manivelle au chapitre 20. On lit en anglais :
"It is a sort of attenuated variety of Ixion's punishment, and contributes a dismal chapter to the history of gaols."
Sophie Chiari, dans le Livre de poche, traduit :
"C'est une sorte de variante moins terrible du châtiment d'Ixion, mais il ajoute aussi un sombre chapitre à l'histoire de la prison*."
Ce qui donne une phrase incompréhensible et oblige à une double note, expliquant d'une part que dans la mythologie grecque Ixion est condamné par Zeus à être attaché à une roue enflammée en perpétuel mouvement pour avoir tenté de séduire Héra ; et que d'autre part la machine à manivelle a été mise en place dans les prisons anglaises au XIXe siècle pour y introduire une forme de travail forcé.
Thierry Gillybœuf, dans l'édition Sillage, évite une deuxième note en traduisant ainsi :
"Cette forme atténuée du châtiment d'Ixion* constitue un chapitre supplémentaire de l'histoire des tortures."

2. Gabriel fait rougir notre héroïne, toujours dans la même scène : "In an instant Bathsheba's face coloured with the angry crimson of a Danby sunset."
Aïe, encore une référence inconnue des lecteurs français !
Thierry Gillybœuf, dans l'édition Sillage, s'arrange pour éviter une note : "Dans l'instant, le visage de Bathsheba devint rouge comme un crépuscule, sous l'effet de la colère."
Tandis que Sophie Chiari, dans le Livre de poche, ne l'évite pas : "Le visage de Bethsabée se colora aussitôt du rouge colérique des couchers de soleil des Danby*.
Nous allons donc en savoir plus sur ces Danby avec sa note, et ça ne lésine pas dans les détails: "Francis Danby (1793-1861) et son fils James Danby (1816-1875) étaient deux peintres anglais connus pour leurs levers et leurs couchers de soleil. Le fils utilisait des couleurs particulièrement vives pour ses couchers de soleil."

(Commentaires sur le fait que le traducteur de Sillage n'est pas gêné...)

Et pour revenir à l'une des trois traductions françaises à éviter, celle de 1901 qui avait pris des libertés incroyables avec le texte original - ce qui se faisait à l'époque -, j'ai trouvé vraiment culottée la "note de l'éditeur" de la réédition en 1980 au Mercure de France, je vous en cite un extrait : "Du roman de Thomas Hardy, Far from the Madding Crowd, nous reproduisons ici, à peine modifiée, la traduction parue en 1901 au Mercure de France, sous le titre Barbara. Œuvre d'un temps où l'on croyait encore au "génie" de la langue, elle témoigne de la marge de liberté dont disposait un traducteur de roman face au texte original (signalons que Bathsheba, l'héroïne du livre, devient Barbara). Depuis lors, l'éthique du calque a succédé à celle de la transposition. Les gains et les pertes qui résultent de cette évolution font l'objet de débats infinis."
Odile(par écrit de Dijon, après avoir découvert les avis)
Non mais !... J'y crois pas ! Ces louanges sur Loin de la foule déchaînée...
J'ai lu et aimé Jude l'obscur et Tess d'Urberville, mais ça n'a rien à voir. C'est d'une niaiserie…
D'accord, j'avais la mauvaise traduction, mais j'étais déjà loin quand je m'en suis rendu compte et je ne crois pas que ça n'aurait changé grand-chose à mon avis.
D'abord les personnages : l'héroïne n'est pas féministe, elle est capricieuse, très mauvais chef d'entreprise (veut licencier du fait de sa mauvaise humeur), vaniteuse, n'a pas du tout l'air d'une femme installée à la campagne (pas de sens du climat ni des responsabilités), les hommes sont des crétins : Saint Gabriel, scout toujours prêt, ne tient pas compte des rebuffades ; le bellâtre militaire semble crétin, un jour parfait goujat, le lendemain plein d'amour pour la femme abandonnée, le surlendemain calculateur ; et le troisième larron est un peu dérangé...
Quant à la campagne, je n'ai pas été très sensible aux descriptions, peut-être du fait de l'énervement causé par ces personnages agaçants. Les drames nous embarquent trop dans le mélo : Saint-Gabriel ne sait pas sauver sa ferme, mais est un héros à répétition pour celle de sa bien-aimée. Hum hum...

Les cotes d'amour du groupe breton
réuni le 27 juin 2024
Annie Marie-Thé
ChantalCindyÉdith Marie-Odile


Brigitte
Je serai absente et n'ai pas pris le temps de lire le livre. J'ai regardé le film... : peu enthousiaste !
Marie-Odile(avis transmis)
Si j'avais lu ce roman dans ma lointaine adolescence...
J'aurais peut-être été, comme aujourd'hui encore, sensible aux belles descriptions de la nature, du brouillard et de l'orage, à l'évocation des travaux des champs, au savoir et au savoir-faire de ces hommes de la campagne, toutes choses que je connaissais bien.
Mais surtout, je serais tombée amoureuse de l'irréprochable Gabriel Oak. Cela ne m'aurait peut-être pas empêchée de me laisser naïvement et momentanément séduire par ce goujat de Troy. Mais l'idée d'un mariage "par jalousie ou distraction" m'aurait quand même paru totalement invraisemblable. J'aurais fini par plaindre la pauvre Mrs Troy et détester profondément son odieux mari.
Je ne sais pas ce que j'aurais fait de Boldwood...
La lectrice que j'aurais été aurait frémi pendant l'orage, craignant qu'il ne pleuve pas et que cela donne tort à Gabriel...
J'aurais certainement pleuré sur le sort de Fanny. J'aurais été horrifiée par les circonstances de sa mort et de son inhumation.
Je me serais dit qu'une vie amoureuse c'est bien compliqué et que les tourments de Bethsabée sont infinis !
Aujourd'hui, ce roman m'est apparu comme un feuilleton plutôt prévisible malgré les rebondissements. Les prétendants apparaissent un à un autour de Bethsabée. Mais j'ai très vite pensé que tout cela serait détricoté et que Gabriel serait l'élu même si je ne m'attendais pas à tant de détours rocambolesques. Ce roman m'a d'abord paru léger. (L'humour des portraits, les comparaisons souvent drôles, "l'œil multiplicateur" de Poorgrass m'ont amusée). Mais il gagne parfois en épaisseur et en gravité. Dans ce tableau d'une autre époque, je retrouve parfois la teinte triste des Misérables : Fanny-Fantine mêmes victimes ! Je retrouve aussi des éléments qui me rappellent George Sand. Je constate que dans l'évocation de ces êtres liés à la terre, à la culture, à l'élevage, il peut certes y avoir des personnages faibles, et même un intendant malhonnête, mais qu'ils sont globalement positifs et loyaux. La noirceur vient de celui qui ne partage ni le même monde, ni les mêmes valeurs : un sergent frivole, grossier, inconstant et même incohérent, attiré par l'argent. J'ai noté que les propos misogynes, opposant par exemple intelligence et féminité, ne sont pas le fait des personnages mais du narrateur et se font plus rares dans la deuxième partie...
Finalement, c'est avec indulgence que je considère mes émotions d'adolescente. Et pour ne pas renier la lectrice que j'aurais pu être et qui sommeille peut-être encore en moi, j'ouvre aux ¾.
PS : Pas bien compris le choix de ce titre (emprunté à un poème).
Edith
Outre les belles descriptions des saisons, etc., ce que j'ai apprécié c'est ce trio d'hommes amoureux et la façon de mener les implications amoureuses.
On n'est pas encore à l'époque de Freud, on suit celle plutôt de Goethe, avec cette littérature du cœur, extrêmement bien dessinée.
Les trois hommes, à leur façon, ont quelque chose de moderne.
J'ai beaucoup aimé aussi où l'héroïne féminine est justement dans sa féminité liée à la séduction et à son pouvoir.
J'avais la mauvaise traduction et je me suis rendu compte en lisant : ça coulait mal, ça heurtait.
C'est donc un livre qui m'a beaucoup intéressée et donné beaucoup de plaisir.

Chantal
En commençant la lecture, mon impression fut celle de tenir dans mes mains un objet suranné, comme on en trouve dans une brocante : surannés le style, l'époque, les personnages, les modes de vie... Heureuse, chaque fois que je reprenais la lecture, de m'échapper de notre actualité méchante, haineuse, agitée...
La construction du livre en très courts chapitres facilite la lecture.
Le style est "léché", travaillé, sculpté, patiné ; même si parfois l'accumulation des détails m'a agacée (comme pour la description des poils des chiens), souvent elle m'a enchantée, avec les paysages du Wessex, les scènes champêtres...
Plaisir aussi des mots, du vocabulaire : le vieillard brèche-dents, le cheval rouan, la période verbale, le vêtement de breluche… et un mot plus réentendu depuis mon enfance savoyarde : dégoiser !
J'ai apprécié l'humour parfois, avec de véritables dialogues de théâtre ; et la façon dont l'auteur met en parallèle les saisons, le temps, et le déroulement des actions - moments légers, ensoleillés, puis temps forts, dramatiques, l'orage, l'hiver…
Et enfin les personnages : dans leur époque, toujours polis, aimables dans leurs relations, même s'ils n'en pensent pas moins, avec la difficulté de voir une femme prendre la tête d'une ferme.
Les sentiments des personnages principaux sont très étudiés : Bathseba, qui passe par tous les états d'âme, légère, inconséquente, capricieuse, puis ferme, autoritaire, mordante parfois, généreuse ; idem pour les trois "amoureux". Edith a raison de dire que l'on pressent déjà Freud et la psychanalyse.
Mon bémol : lorsque Troy réapparaît, j'ai pensé : "là c'est trop !", et la fin, mélo, un peu trop aussi.
Ses petites vacheries sur les femmes par-ci, par-là, genre "Bathseba était trop féminine pour tirer le meilleur parti de son intelligence" et autres…
J'oublie des choses, mais j'arrête... et ouvre aux ¾.
Cindy
C'est un très beau roman, une œuvre remarquable, lue avec un grand plaisir de lecture, en me glissant dans une littérature pastorale, avec de belles descriptions de la vie rurale, du travail de berger, de la moisson, la tonte des moutons, les meules de foin dans les champs, comme dans les peintures de Turner. J'ai poursuivi la lecture au rythme des saisons, dans un espace clos coupé du monde extérieur et cela m'a contrainte avec bonheur à me rapprocher encore plus de la nature qui joue un rôle dans les situations les plus spectaculaires, m'offrant des émotions fortes.
Les personnages sont aussi décrits avec une analyse psychologique juste, qui fait ressortir leurs faiblesses, leurs qualités et leurs défauts, leurs humours. Parce que ce roman est aussi comique, avec les personnages de Poorgrass et Cainy : "il est parti quelques jours depuis qu'il a ce panaris au pouce" ; " puisque j'peux pas travailler qu'il a dit j'm'en vais prendre des vacances", "il a pris du bon temps… du très bon temps" dit Joseph Poorgrass. "Hic-hic-hic ! Répondit Cainy. J'ai avalé un morceau de travers… et je suis allé à Bath…"
Je me suis aussi délectée à lire des passages poétiques comme : "la poésie du mouvement est une expression très usitée et, pour apprécier (…) il faut se trouver en pleine nuit sur une colline et, après s'être pénétré du sentiment de sa différence par rapport au gros de l'humanité civilisée (…) observer longuement et paisiblement le parcours solennel qu'on effectue d'une étoile à l'autre" (p. 57).
L'auteur s'est beaucoup inspiré de ses magnifiques paysages de la province du Wessex où il est né. Ainsi tout semble harmonieux et plaisant dans cette campagne anglaise, parce que l'histoire est passionnante au sens propre comme au figuré. Et surtout grâce à l'intrigue portée par le personnage attachant de Gabriel Oak. Je me suis attachée à lui et à sa détermination, celle de conquérir Bethsabée, une femme héritière, dirigeante, indépendante, très moderne, féministe pour l'époque.
Autour d'elle, gravite tout un petit monde de travailleurs, de proches, d'amoureux aux personnalités atypiques, bienveillantes et parfois sans scrupules et glaçantes.
C'est avant tout une histoire d'amour romantique parce que jusqu'à la fin l'histoire démontrera "que la passion et la beauté peuvent résider dans des endroits inattendus et ordinaires, même dans les cœurs les plus humbles des hommes . Mais, en fin de compte, la nature ne faillira pas, même en présence d'êtres imparfaits comme Bethsabée Everdeen".
Coup de cœur pour ce livre à offrir largement, car c'est une histoire forte et captivante sur le plan émotionnel avec une fin comme on aime… heureuse !
Et je place mon avis aux ¾ à cause de l'histoire dramatique de Fanny et de son enfant. Dans l'intrigue, Hardy aurait pu s'en passer !
Je comprends pourquoi le roman a laissé un héritage durable : en 2007, il a été classé 10e sur la liste des plus grandes histoires d'amour de tous les temps du Guardian.
Annie
C'est la première fois que je lisais Thomas Hardy en tant qu'adulte. Retour à mes années collège et lycée durant lesquelles j'avais étudié des extraits en anglais : à l'époque, j'avais trouvé cela si ennuyeux que je n'avais jamais eu envie d'y retourner.
À la vue du pavé écrit dans une fine police, j'avoue avoir eu un peu peur ! Quelle erreur !

Merci Voix au chapitre de m'avoir incitée à redécouvrir cet auteur que j'ai trouvé terriblement moderne !
Thomas Hardy nous livre ici une étude minutieuse non seulement des personnages de son roman, mais également des paysages au fil des saisons ainsi que les travaux dans les champs.
J'ai beaucoup aimé ses descriptions précises, originales, poétiques et j'ai relevé beaucoup de passages, juste pour le plaisir de la relecture. C'était une époque difficile et le travail dans les campagnes était dur ; l'auteur sait à merveille en rendre compte aux lecteurs. Je me suis laissé totalement emporter dans ces lieux pleins de couleurs (plutôt sombres d'ailleurs), d'odeurs et de bruits. J'ai lu avec délectation la dissection des personnages, tant physique que psychologique.
Thomas Hardy présente son héroïne comme une femme forte, capable de diriger seule son domaine. Et même si elle est parfois vaniteuse et que Gabriel vole à son secours chaque fois que c'est nécessaire, il écrit la possibilité d'une femme décideuse de sa vie et dirigeante dans un milieu d'hommes, ce qui n'est pas rien au 19e siècle. Elle fait un mauvais choix en amour, comme pour rappeler que personne n'est doué dans tous les domaines et que chacun porte sa fragilité. On retrouve également chez Boldwood ce côté fort qui est faible en amour, alors que c'est plutôt l'inverse chez Troy.
À ce titre, j'ai trouvé ses écrits très contemporains, plutôt féministes pour l'époque.
Hardy n'est pas très tendre avec ses concitoyens, mais sans méchanceté réelle. Beaucoup de passages m'ont amusée : les scènes dans les cafés, au marché aux grains, aux champs, et les descriptions quelque peu moqueuses des personnages. L'un voit systémiquement double après quelques verres et pense que c'est une espèce de maladie. L'autre "est de caractère constant mais d'une manière légère. Cela vaut mieux que d'être léger d'une manière constante". On retrouve le fameux humour anglais et j'ai quelquefois fait le parallèle avec l'humour de Churchill.
J'y vois également des signes d'encouragements envers les gens démunis pour leur montrer que tout est possible et que finalement on peut très bien y arriver (le début de l'ascenseur social ?) ainsi que des mises en garde vers les gens aisés (attention, rien n'est jamais acquis).
Je trouve ce roman plein de philosophie, de romance, de noirceur également, le tout avec une très belle écriture, assez facile à lire. Une très belle (re)découverte pour moi.
J'ouvre en très grand.

Marie-Thé (fin août)
J'ouvre en grand ce livre où j'ai trouvé tout ce que j'aime...
J'ai passé l'été "loin de la foule déchaînée", non celle des usines et de la révolution industrielle britannique de la fin du XIXe siècle, mais celle des lieux touristiques. Dans une campagne qui me fait souvent penser à la campagne anglaise, mais sans "la tourmente du temps et des sentiments"...
J'ai aimé les descriptions des paysages et de la nature, des intérieurs, les portraits, avec tant et tant de détails, j'avais l'impression de voir l'œuvre d'un peintre. Thomas Hardy connaissait et aimait ces lieux.
Cette devise "Je suis aussi en Arcadie" (aux premières lignes de l'introduction) apparaissant sur une tombe, sur la toile des Bergers d'Arcadie de Nicolas Poussin, "rappelle l'inquiétante présence de la mort dans un monde apparemment paisible et serein." Ceci m'a accompagnée dans ma lecture.
Je découvre parmi tant d'autres ces passages où nous sommes en pleine tragédie, c'est intense, éprouvant : mort de Fanny abandonnée et de son bébé, mort de Troy, folie de Boldwood, etc.
Les personnages évidemment retiennent mon attention, Gabriel d'abord, sage, fort et tout en retenue. Si Boldwood me fascinait au début, il m'est assez vite apparu terrifiant. Troy est un monstre. Et Bethsabee, comment si forte au départ, a-t-elle pu dégringoler à ce point en s'éprenant de Troy ? Heureusement, à cette passion destructrice a succédé un état amoureux apaisant près de Gabriel (happy end). Descriptions des sentiments, du ressenti des personnages, remarquables. Portraits et situations savoureuses avec les personnages secondaires : Joseph Poorgrass et les autres, la malterie, etc.
Par ailleurs, je note pas mal de propos misogynes : généralités sur le comportement des femmes par exemple... C'était une époque...
Je relirai Les Forestiers dans quelque temps, le livre d'aujourd'hui m'en a donné envie.
Enfin, j'ai retrouvé vers la fin des échos de Tess d'Urberville : la passion destructrice, le mari ignoble, le crime, la condamnation à mort, l'exécution (différence).

QUELQUES INFOS AUTOUR DU LIVRE

Notre lecture n'est pas isolée


Nous avons associé à la lecture de ce livre un autre livre que nous lirons pour la séance suivante, chacun des deux livres étant adapté au cinéma, et nous visionnerons ces films :

1. Loin de la foule déchaînée, roman de Thomas Hardy (1854)
2. Loin de la foule déchaînée, film de Thomas Vinterberg (2015)

3. Tamara Drewe, roman graphique de Posy Simmonds (2007), librement inspiré de Loin de la foule déchaînée
4. Tamara Drewe, film de Stephan Frears (2010).

Et Proust ?... Il y a bien sûr un rapport avec Thomas Hardy, voir ›ici de nombreux détails.


Des repères à propos de Thomas Hardy


- Sur le site des éditions Sillage qui ont publié une nouvelle traduction du roman, 110 ans après la première traduction... :  ›bio et bibliographie détaillée.
- Wikipédia : ›ici.
- Visite en vidéo et en anglais de sa maison ›ici.
- Et pour finir... l'enterrement de Thomas Hardy en vidéo de quelques secondes ›ici et ›là (images de 1928) : funérailles à l'abbaye de Westminster, incinération et cœur transféré à Dorset et enterré à Stinsford...


Des émissions


- France Culture, Anthologie étrangère — Thomas Hardy, 27 juin 1962, par Stéphane Frontès, 1h fort complète : vie et surtout œuvres sont passées en revue avec un ton ampoulé rigolo de l'époque.
- France Inter, Ça peut pas faire de mal, Guillaume Gallienne, 25 février 2012, 50 min. On plonge dans deux romans : Tess d'Urberville et Jude l'Obscur.
- François Busnel donne son avis sur notre roman dans La Petite Librairie.


Les œuvres de Thomas Hardy


Thomas Hardy écrit aussi des nouvelles, des poèmes, des pièces de théâtre. Nombre de ses œuvres sont en ligne intégralement en anglais sur gutenberg.org.

Les romans : voici les romans traduits et publiés avec, en tête, la date de la publication anglaise, puis la date de la traduction française :
- 1971 : Remèdes désespérés, trad. Robert Davreu, 1984.

- 1872 : Sous la verte feuillée, trad. Eve Paul-Margueritte, 1923.
- 1873 : Les Yeux bleus, trad.
Ève Paul-Margueritte, 1913 ; trad. Georges Goldfayn,
2016.
- 1874 : Loin de la foule déchaînée, trad. Mathilde Zeys, 1901 ; trad.
Thierry Gillybœuf, 2011 ; trad. Sophie Chiari, 2023.
- 1876 : S'il avait insisté, Jean Audiau, aquarelles Paul Izarn, lithographie Gaston Prost, 1932.

- 1878 : Le Retour au pays natal, trad. Eve Paul-Margueritte, 1923 ; trad. Marie Canavaggia, 1932.
- 1880 : Le Trompette-Major, trad. Yorick Bernard-Derosne, 1882, premier roman de Thomas Hardy traduit (en ligne sur Gallica).
- 1882 :
À la lumière des étoiles, trad. Marie Cresciani, 1931, revue par Diane de Margerie, 1987.
- 1886 : Le Maire de Casterbridge, trad. Philippe Néel, 1922.
- 1887 : Les Forestiers, trad. Antoinette Six, 1932.
- 1891 : Tess d'Urberville, trad. Madeleine Rolland, 1901.
- 1895 : Jude l'obscur, 1901
(en ligne sur Gallica) ; trad. F. W. Laparra, Albin Michel, 1950 ; trad. Firmin Roz, revue par Hélène Seyrès, 1996.
- 1897 : La Bien-Aimée, trad. Ève Paul-Margueritte, 1909 ; trad. Geneviève Brzustowski, 2005.

Les nouvelles, contes et récits
- Contes du Wessex, trad. Pierre Leyris et Antoine Jaccottet.
- Le Bras flétri, trad. Josie Salesse-Lavergne.
- Les intrus dans la maison haute, précédé d'un autre conte du Wessex au titre légèrement différent de la traduction précédente, Le bras atrophié, trad. Bernard Jean.
-
Deux contes du Wessex/Two stories from "Wessex tales", trad. Bernard Jean.
-
Une femme d'imagination et autres contes, trad. Magali Merle.
- L’Homme démasqué, trad. Diane de Margerie.
- Les Petites ironies de la vie, trad. Diane de Margerie et H. Boivin, 1979, neuf récits.
- Métamorphoses, trad. Pierre Coustillas et al., ill. Anne Careil.
- Sous le regard du berger, trad. Pierre Coustillas et al., onze nouvelles.
- Nobles dames, nobles amours, trad. Françoise Dottin : dix archéologues amateurs, que la pluie oblige à renoncer à une excursion, se racontent à tour de rôle les amours malheureuses de jeunes femmes...

Des poèmes
- Poèmes du Wessex, suivis de Poèmes d'hier et d'aujourd'hui et de La Risée du Temps, trad. Frédéric Jacques Temple.
- Les poésies d'amour, trad. Jean-Pierre Naugrette.

Les lieux où se passent la plupart de ses récits
Le Wessex de Thomas Hardy est le paysage littéraire fictif qu'il a créé comme décor de ses romans majeurs, dont Loin de la foule déchaînée.
Dans sa préface générale à la Wessex Edition (19 volumes, 1912), Hardy revient sur son choix et en justifie l'universalité en le comparant à la localisation restreinte des tragédies grecques : "On a parfois considéré que les romans, dont l'action se déroule dans un espace circonscrit - comme c'est le cas pour un bon nombre de ceux-ci, même si cela n'est pas vrai pour tous - ne peuvent pas montrer la nature humaine de façon aussi complète que les romans dont l'espace couvre de larges étendues de pays, où les évènements se déroulent dans les villes et les et des grandes cités et même se déplacent sur toutes les parties du globe. J'argumenterai sur ce point simplement pour montrer que cette manière de voir les choses est fausse quand il s'agit de passion fondamentale. […], j'ai pensé que le magnifique héritage qui nous vient des Grecs dans la littérature tragique a trouvé pour une bonne part de son action, un cadre suffisamment vaste dans une portion de leur pays qui n'est pas beaucoup plus grande que la demi-douzaine de comtés réunis ici sous le nom de Wessex, que les émotions des habitants de notre région ont vibré dans des coins inconnu du Wessex pour alimenter le projet littéraire d'un seul homme. Je fus tellement possédé par cette idée que je me suis maintenu à l'intérieur des frontières alors qu'il aurait été plus facile de les franchir et de donner une coloration cosmopolite à mon récit."

La pléthore de traducteurs : On constate que les traducteurs de Thomas Hardy sont innombrables, dont la plupart n'ont traduit qu'un seul roman.
Diane de Margerie, elle-même écrivain, a traduit trois livres. Eve Paul-Margueritte qui appartenait au Club des Belles Perdrix (!) en a traduit quatre.
C'est notre roman qui est le plus traduit (à trois reprises).
On constate que la même année, en 1901, trois romans sont traduits :
- Loin de la foule déchaînée, trad. Mathilde Zeys sous le titre Barbara jusqu'en 1955
- Tess d'Urberville, trad. en 2 vol. par Madeleine Rolland, sœur de l'écrivain Romain Rolland, version, dûment "autorisée par l'auteur"
- Jude l'Obscur, trad. Firmin Roz.


Les traductions françaises de Far From the Madding Crowd



1901
Mathilde Zeys, traductrice de quelques livres en anglais et allemand
2011
Thierry Gillybœuf
écrivain
et
traducteur
2023
Sophie Chiari
universitaire
et
traductrice

Archipoche, 471 p.

Ed. Sillage, 432 p.

Livre de poche, 768 p.

La traduction à éviter est la plus ancienne, celle de Mathilde Zeys...
Pourquoi ? Parue en 1901 sous le titre Barbara, elle est rééditée sous le titre Loin de la foule déchaînée en 1980, légèrement révisée, mais le nom des personnages et le découpage des chapitres ne sont pas respectés, des paragraphes entiers sont supprimés, ou modifiés... La fidélité au texte original guide moins la traductrice que l'adaptation française au goût de l'époque. Voir ›ici la comparaison des débuts du livre, accablante pour cette première traduction...


Loin de la foule déchaînée : un roman écrit et réécrit


Far From the Madding Crowd paraît pour la première fois en feuilleton, de janvier à décembre 1874, dans le Cornhill Magazine, sans nom d’auteur (certains critiques penseront que le roman aurait pu être écrit par George Eliot). C'est Leslie Stephen, le père de Virginia Woolf, qui dirige alors ce magazine : le roman de Hardy Sous la verte feuillée avait attiré son attention et il lui écrivit pour lui exprimer son intérêt pour la publication de son prochain ouvrage. Le facteur remit la lettre à des enfants qui l'ont laissée négligemment tomber dans la boue ; heureusement, un ouvrier agricole l'a trouvée et l'a transmise : une chance...
Le roman est publié en deux volumes fin 1874 à Londres chez l’éditeur Smith, Elder & Co.

Les éditions Sillage récapitulent les réécritures :

"Après le succès rapide des premières éditions, et afin de répondre à certaines critiques, Hardy remanie légèrement son texte pour une nouvelle édition parue en 1877 chez Smith, Elder & Co.

En 1894-1895, Hardy entreprend la
révision de l’ensemble de ses romans pour la publication de ses œuvres complètes chez Osgood, Mcllvaine & Co (Londres).

Il continue de réviser son œuvre de manière régulière : pour l’édition Harper en 1901, pour celle de Macmillan & Co en 1902 ou encore pour la célèbre "Wessex Edition" (Macmillan & Co) en 1912.

En 1919 est publiée une édition de luxe de l’œuvre de Hardy. Connue sous le nom de 'Mellstock Edition', son tirage est limité à cinq cents exemplaires. C’est pour Hardy une nouvelle occasion de retravailler certains détails de son œuvre."

Joli cadeau de Noël 1919, non ?

Signalons que dans son enquête "The Big Read" en 2003, la BBC classe ce roman au 48e rang des 100 romans préférés en Angleterre, aux côtés de ceux d'auteurs que nous avons lus : Jane Austen, George Eliot, Stevenson, Harper Lee, George Orwell, Dickens, Tolkien, mais aussi Tolstoï… (voir ici cette liste de 100 livres avec, indiqués, ceux que nous avons lus dans le groupe).
En 2007, dans son top 20, le sérieux Guardian le classe 10e dans la liste des plus grandes histoires d'amour de tous les temps...


Loin de la foule déchaînée : un roman adapté par trois réalisateurs


Notons que les adaptations ont été le signe du succès de Thomas Hardy : dès 1897, son roman Tess d'Urberville est joué à Broadway, puis en 1913 porté au cinéma.

- Laurence Trimble réalise en Angleterre, parmi ses nombreux films muets, Far from the Madding Crowd en 1915 ; le film est présumé perdu et n'a pas traversé la Manche, alors qu'il traversa l'Atlantique. Avec Florence Turner qui joua dans 160 films (Bathsheba Everdene), Henry Edwards (Gabriel Oak), Malcolm Cherry (Farmer Boldwood), Campbell Gullan (Sergent Troy), Dorothy Rowan (Lyddie). C'était un long métrage (5 rouleaux).

Notons un acteur important, le chien de Gabriel : le rôle était tenu par la chienne du réalisateur, Jean, qui fut le premier chien à jouer un rôle de premier plan dans le cinéma et qui a sa fiche wikipedia...
On peut voir le chien jouer dans un film du même réalisateur de 1912 ›ici (ouah ouah, très bon acteur en effet, bien que muet...)

- Le Britannique John Schlesinger adapte en 1967 Loin de la foule déchaînée, avec Julie Christie (Bathsheba Everdene), Terence Stamp (sergent Frank Troy), Peter Finch (William Boldwood), Alan Bates (Gabriel Oak), Fiona Walker (Liddy), Prunella Ransome (Fanny Robin). Pas loin de 3h ! Bande annonce ›ici. Version intégrale ›là (en vo sans sous-titres, qualité d'image assez médiocre)

- L'Américain Thomas Vinterberg en 2015
Loin de la foule déchaînée, avec Carey Mulligan (Bathsheba Everdene), Matthias Schoenaerts (Gabriel Oak), Michael Sheen (William Boldwood), Tom Sturridge (sergent Frank Troy), Jessica Barden (Liddy), Juno Temple (Fanny Robin). 2h. C'est ce film que nous visionnerons. Bande annonce ›ici En vod, 3,99€ en location par exemple sur orange ou youtube.
 


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