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Nous avons lu pour le 23 juin 2024 :
L'Arbre aux haricots, de Barbara Kingsolver


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DES INFOS AUTOUR DU LIVRE
  • Le livre L'arbre aux haricots
  • Les livres de Barbara Kingsolver
  • Repères biographiques
  • Articles, entretiens
  
Les traductrices


Le livre L'arbre aux haricots

C'est son premier roman, publié en 1988 : The Bean Trees, Harper & Row, New York => en ligne ici en anglais. Traduit par Martine Béquié en 1995, il a été publié puis réédité chez Rivages, avec des couvertures différentes et des variantes dans la quatrième de couverture... :

Rivages, 1995
Taylor Greer n’a pas l’intention de finir ses jours dans le Kentucky, où les filles commencent à faire des bébés avant d’apprendre leur table de multiplication. Le jour où elle quitte le comté de Pittman au volant de sa vieille coccinelle Volkswagen, elle est bien décidée à rouler vers l’Ouest jusqu’à ce que sa voiture rende l’âme. C’est compter sans le désert de l’Oklahoma où, sur le parking d’un bar miteux, elle hérite d’un mystérieux balluchon : une petite Indienne. On est à Tucson dans l’Arizona ; Taylor a les yeux grands ouverts, de l’énergie à revendre et une bonne dose d’humour. Dans un garage un peu spécial, elle va rencontrer à la fois la générosité et l’inacceptable, et trouver l’espoir de garder celle qui est devenue son enfant, la petite Turtle.
L’Arbre aux haricots est une histoire de rire et de peine, un magnifique début pour une romancière désormais mondialement connue. La suite des aventures de Turtle et de sa mère a été publiée sous le titre Les Cochons au paradis (Rivages).

Rivages Poche, 2014

Taylor Greer n’a pas l’intention de finir ses jours dans le Kentucky. Quand elle quitte le comté de Pittman au volant de sa coccinelle Volkswagen, elle est bien décidée à rouler vers l’Ouest jusqu’à ce que sa voiture rende l’âme. Mais, sur le parking d’un bar, elle rencontre une petite Indienne. Ce mystérieux cadeau du destin va changer radicalement son existence. Premier roman de Barbara Kingsolver, L’Arbre aux haricots a connu un succès immédiat dans le monde entier, devenant un classique de la littérature contemporaine.

Barbara Kingsolver est née aux États-Unis en 1955. Poète et romancière, connue pour son engagement écologiste, elle a écrit une dizaine de livres, tous publiés aux Éditions Rivages.

Rivages Poche, 2021

Kentucky, années 60. Au volant de sa vieille Coccinelle, Taylor Greer quitte tout pour se trouver. Le premier roman de Barbara Kingsolver raconte l’émancipation mouvementée d’une toute jeune femme rapidement confrontée au cours bondissant du prix de la liberté, dans une Amérique solaire mais farcie de violences sourdes et d’inégalités révoltantes. Et l’on (re)découvre déjà bouillonnant tout le talent de Kingsolver, son humour ravageur, son engagement farouche et sa frappante clairvoyance.

Une épopée intime et pimpante, une fugue i
nitiatique, un classique à l’énergie galvanisante.

 


Voici la rançon du succès... : en 2001, 13 ans après la publication de L'arbre aux haricots, son éditeur HarperCollins a accusé Melany Neilson, auteure de The Persia Cafe, d'avoir plagié le roman de Barbara Kingsolver, qui s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires et a été traduit dans une douzaine de langues. Les romans de Barbara Kingsolver sont étudiés dans de nombreuses écoles et, selon HarperCollins, c'est un professeur de lettres qui a signalé les similitudes : huit phrases distinctes similaires à des passages de L'arbre aux haricots. Melany Neilson a modifié les phrases, son éditeur St Martin's Press, a révisé l'édition suivante, mais a refusé de retirer le livre de la vente.
Par exemple, dans The Bean Trees : "Her hands shook when she lifted them off the counter and her head shook all the time, just slightly, like she was trying to signal 'No' to somebody behind my back, on the sly."
Dans The Persia Cafe : "Her hands shook all the time when she lifted the meat platter and her head shook all the time, very slightly, as though trying to signal 'No' to someone behind my back." C'est gros !

Les livres de Barbara Kingsolver

Ses romans, recueils de nouvelles, récits, essais, poèmes, sont pour la plupart traduits, tous publiés aux éditions Rivages, sauf le dernier. Les voici dans l'ordre de leur publication en français :

- L'Arbre aux haricots, 1995 (The Bean Trees, 1988)
- Les Cochons au paradis, 1996 (Pigs in Heaven, 1993)
- Les Yeux dans les arbres, 1999 (The Poisonwood Bible, 1998), épuisé
-
Le temps où nous n'existions pas, 1999 (Homeland and Other Stories, 1989), deux nouvelles ("Retour aux sources", "Le jour du Jump Pop"), épuisé
- Un été prodigue, 2002 (Prodigal Summer, 2000)
- Une rivière sur la lune, 2002 (Animal Dreams, 1990), épuisé
- Une île sous le vent, 2004 (Homeland and Other Stories, 1989), 12 nouvelles
- Un autre monde, 2010 (The Lacuna, 2009) : on rencontre Frida Kahlo, Diego Rivera et Trotsky...
- Petit Miracle et autres essais, 2010 (Small Wonder, 2002), essais
- Dans la lumière, 2013 (Flight Behavior, 2012)
- Des vies à découvert, 2020 (Unsheltered, 2018)
- Un jardin dans les Appalaches, 2007 (Animal, Vegetable, Miracle, 2007), un manifeste écologique
- Apprendre à voler : en 10 000 leçons faciles, 2022 (How to Fly : In Ten Thousand Easy Lessons), 2020, poèmes
- On m'appelle Demon Copperhead, 2024 (Demon Copperhead, 2022), prix Pulitzer de la fiction 2023
- Sur les piquets de grève : Les femmes dans la grande grève minière de 1983 en Arizona, 2023 (Holding the Line : Women in the Great Arizona Mine Strike of 1983, 1989), une enquête basée sur des centaines d'heures d'interview

Son site officiel : http://barbarakingsolver.net/

Repères biographiques

Parcours rapide

Née en 1955 dans le Maryland. En 1956, sa famille emménage dans un village rural du Kentucky. Elle a sept ans quand sa famille part pour deux ans au Congo, l'actuelle république démocratique du Congo, où son père exerce comme médecin ; la famille y vit sans électricité ni eau courante. Elle séjournera aussi dans les Caraïbes.

J'ai grandi dans une maison de fonction. Mon père était médecin de campagne et il était très clair pour nous que ses priorités étaient de prendre soin des gens, de prendre soin de la terre, de prendre soin du jardin, et que cela passait bien avant les choses matérielles. C'était l'éthique de notre famille que nous portions des vêtements de seconde main, et cela n'avait pas d'importance.

Après les études secondaires, elle obtient une bourse pour suivre des études musicales à l'université dans l'Indiana. Se rendant compte combien il est difficile de faire une carrière de pianiste classique, elle se réoriente vers un cursus de biologie.
Parallèlement, elle découvre les manifestations contre la guerre au Vietnam, Marx, la féministe Betty Friedan, mais aussi la violence sexuelle qu’elle évoque avec pudeur dans Petit miracle et autres essais : un viol qui la laisse "comme un point de néant" au centre de son lit dont elle ne peut émerger que si elle est capable de se lever en colère.
Après sa licence, elle passe une année en France puis continue ses études dans l'Arizona (master en écologie et biologie de l'évolution sur la vie sociale des termites en 1984).

J'ai commencé un doctorat et j'en étais aux trois quarts. Mais j'ai eu une crise de confiance. Ce que j'apprenais et sur lequel j'écrivais était si important, mais j'étais frustrée de savoir que, lorsque j'aurais fini, seulement 11 personnes environ dans le monde seraient intéressées de le lire. Et je pensais que je pouvais faire mieux que ça. Peut-être 111 personnes.
Je pense que la communauté scientifique peut être, dans le pire des cas, assez insulaire, avec des gens qui ne parlent qu'à eux-mêmes ou aux autres membres de la même communauté. C'est un problème et j'ai décidé de combler ce gap.

Elle travaille comme rédactrice technique dans un institut scientifique et s’engage politiquement : elle découvre le sort des réfugiés politiques du Guatemala et du Salvador, livrés alors à des guerres civiles atroces.
Elle s'est mise à écrire pendant ses études. Elle publie en 1988 son premier roman, L'arbre aux haricots, qui a un succès immédiat et enchaînera ensuite les publications.
Elle crée en 1999 le Bellwether Prize for Fiction (maintenant appelé PEN/Bellwether Prize for Socially Engaged Fiction), qui récompense une fiction abordant des problèmes de justice sociale.
Elle vit aujourd'hui dans les Appalaches, à la campagne, a deux filles de deux hommes différents.

Barbara Kingsolver sur ses propres choix personnels et littéraires

Mes écrivains préférés ont toujours été ceux qui visent un peu plus haut que le drame domestique ou les trois conflits de la littérature que nous avons tous appris en cours d'anglais au lycée : l'homme contre l'homme (le drame social), l'homme contre lui-même (le drame psychologique), et l’homme contre nature (le drame environnemental). J'adore les livres qui abordent les trois à la fois. Bien sûr, ce n'est pas toujours nécessairement le fait d'une personne ayant reçu une formation de scientifique. Les gens qui connaissent l'agriculture et la vie rurale sont semblables aux scientifiques dans le sens où ils observent toujours les causes et les effets, et ont donc souvent une perspective similaire. Je pense que Melville l'a fait magnifiquement dans Moby Dick, et Thomas Hardy l'a également bien fait.
Au début de ma carrière d’écrivain, dans les années 1980, il y a eu un grand retrait du troisième conflit (le drame environnemental). Il semblait que la plupart des écrits populaires dans les années 1980 et 1990 étaient à très petite échelle, minimalistes – il s’agissait de conflits au niveau du mariage ou de l’épicerie. Et j'ai toujours été active, j'ai toujours voulu plus que ça. Et je suis heureuse de dire que cette approche est aujourd’hui adoptée par davantage d’écrivains aux États-Unis qu’elle ne l’a été depuis des décennies.

Vous avez suivi très peu de cours de création littéraire et vous êtes largement appuyée sur votre propre expérience. Vous avez dit : "Écrire, c'est écrire, tout s'additionne. Le journalisme indépendant a été ma meilleure formation pour devenir romancier." Vous avez également déclaré que vos années en tant que rédacteur technique vous avaient appris à produire que vous le vouliez ou non, plutôt que d'attendre une soi-disant muse. Comment pensez-vous que le fait que vous soyez essentiellement un écrivain autodidacte a façonné votre écriture ? En quoi cela aurait-il été différent si vous aviez pu suivre davantage de cours d’écriture créative ?

Ce que vous avez oublié, c'est que j'ai appris à écrire en lisant. J'ai commencé à lire des romans à l'âge de sept ans et je n'ai jamais arrêté. Même si je n'avais pas l'ambition de devenir écrivain en grandissant, car mon monde ne contenait aucune indication que cela était une possibilité pour moi. Mais je savais que j'adorais la littérature et je l'ai étudié parce que j'étudie tout, c'est comme ça que je suis. Donc, assez tôt, je lisais Virginia Woolf ou Tolstoï, et je faisais une pause , prenais du recul et disais "OK, je vois ce qui se passe ici." Dans la vingtaine, lorsque j'ai commencé à écrire plus sérieusement, je suis devenu plus consciente de lire pour apprendre. J'étudierai alors Dickens pour l'intrigue, ou j'analyserai Steinbeck pour le thème.
Si j'avais étudié l'écriture à l'école, je n'aurais pas étudié les sciences, donc je n'écrirais pas sur toutes ces idées scientifiques qui sont si passionnantes et si riches pour moi. De plus, si j'avais suivi la voie de l'écriture créative, je pense que j'aurais appris la mode littéraire de mon époque qui, comme je l'ai déjà mentionné, se concentrait sur les petits conflits au niveau du mariage ou de l'épicerie.
(...)

En quoi votre écriture aurait-elle pu être différente si vous n'aviez pas été si isolé de la communauté des écrivains au début de votre carrière littéraire ?

Cela veut dire que j'ai concentré ma vie. Le lieu de ma vie d’écrivain est mon bureau, c’est ma maison, mon bureau qui est dans ma maison. Et je ne le regrette pas du tout, étant donné que j'avais aussi des enfants à élever et une vie à vivre. J'ai probablement été plus productif et écrit plus de livres que si j'avais été sur le "circuit". C'est aussi une question de personnalité. Je suis une personne extrêmement introvertie, je suis très heureuse seule dans une pièce. J'étais timide quand j'étais jeune, et on peut désapprendre la timidité mais on ne peut pas désapprendre l'introversion, c'est génétique. C'est comme ça que je suis faite.

(Extraits ci-dessus de l'entretien avec Barbara Kingsolver par Sarah Boon, Longreads, 16 octobre 2018. Extraits suivants de l'interview par Silas House, Stilljournal.net, avril 2013)

J'ai élevé des enfants tout au long de ma carrière d'auteur. Mon premier enfant et mon premier contrat de livre sont entrés dans ma vie littéralement le même jour.... J’ai vite compris à quel point le fait d’être auteur m’a mise dans le monde d’une manière assez inattendue pour moi... J’ai compris très tôt que les écrivains des temps modernes sont des citoyens du monde et qu’ils ont tendance à être des personnes très publiques. Si vous réussissez, on veut que vous ne restiez pas à la maison et écriviez des livres, mais que vous alliez vous promener pour parler de vos livres aux gens. Et j'ai pris tout de suite la décision que ce ne serait pas mon cas. Ce n'est pas comme ça que je voulais être écrivain parce que je voulais vivre dans le même foyer que mes enfants. Et aussi, parce que je pensais que ce ne serait pas une attitude utile pour devenir écrivain. Je sentais que si j'avais quelque chose d'utile à dire, ce serait uniquement parce que je restais assise à l'endroit où je vivais et que je gardais les yeux ouverts et que j'appartenais à mon lieu et à ma famille afin d'avoir un certain espoir d'accumuler un peu de sagesse en appartenant à un lieu et à une famille.

Même si vous avez vécu un peu partout, vous êtes revenue à maintes reprises, au propre comme au figuré, dans les Appalaches. Je considère beaucoup de vos livres comme des lettres d'amour aux Appalaches. Flight Behavior (Dans la lumière) l’est certainement. Et même votre premier livre, L'arbre aux haricots, est un regard merveilleux sur les complexités de la région. Qu’est-ce qui nous touche si profondément dans les Appalaches ?

Tant de choses. C'est la langue ; c'est une façon de raconter des histoires ; c'est la voix. C'est le genre de relations que nous entretenons dans cette partie du pays et la façon dont nous sommes liés à notre famille et à notre communauté qui peuvent être inhabituels. C'est le paysage, les montagnes, toutes ces choses. Je pense aussi pour moi, parce que c'est chez moi, c'est là que j'ai adhéré à ces collines et ce genre de discours et de narrations - tout comme un bébé canard adhère à sa mère, et partout où il va dans la vie, il cherche sa mère canard. Je pense que j'ai suivi une trajectoire typique pour une fille d'une petite ville avec de grands rêves. J'ai grandi dans Nicholas County, dans le Kentucky, et j'y suis allée au lycée. Finalement, cela m'a semblé très petit, et j'avais hâte d'enlever la poussière du Kentucky de mes chaussures et d'aller voir le monde et chercher fortune. Et quand je suis parti à la découverte du monde, je n'ai pas vraiment compris le Kentucky jusqu'à ce que je le quitte. Je n'avais aucune idée de la façon dont les gens nous voyaient, et en particulier les Kentuckiens ruraux et de l'est du Kentucky...
J'ai fini par vivre à Tucson, en Arizona, au début de la vingtaine. Je vais vous raconter comment L'arbre aux haricots est né. J'écrivais ces nouvelles qui se déroulaient à Tucson et j'essayais très fort de les rendre intéressantes, sensées et crédibles. Et elles étaient tout simplement plates. Toutes ces histoires n’avaient tout simplement pas de conteur en elles. Et puis j'ai écrit cette nouvelle intitulée "The One to Get Away" qui parlait d'une jeune fille du Kentucky qui mourait d'envie de quitter le Kentucky et de partir en Arizona, mais elle ressemblait à une fille du Kentucky. Et un de mes amis a lu cette histoire et m'a dit : "Eh bien, voici votre roman. Mettez cette personne à Tucson et laissez-la raconter toutes ces histoires." Et bingo ! J'ai réalisé qu'il avait raison. C'était cette voix qui était authentique. C’était la seule chose que j’avais en tant qu’écrivain qui était authentique.

Dans tous vos livres, il y a une véritable conscience sociale, et pourtant vous faites un excellent travail en ne lassant pas les lecteurs avec des problèmes. Comment marcher sur la corde raide de l’écriture d’un roman qui a un cœur conscient mais qui ne tourne pas à la polémique ?

Si vous êtes une personne au cœur conscient, tout ce que vous écrivez le reflétera. Ce n’est pas que lorsque j’écris de la fiction, je cherche à y conférer une conscience sociale. Il s'agit plutôt de savoir d'où cela vient, comment je vois le monde et quelles questions je vais poser, quelles choses vont me préoccuper, m'effrayer ou m'inquiéter. En ce qui concerne le fait de suivre une ligne, je n'y vois aucun problème car chaque chose a sa place. Si je veux frapper les gens avec un message, je peux aller à une réunion du conseil scolaire ou à une manifestation. Ce genre de langage didactique a sa place, et cette place n’est pas dans la fiction littéraire... En mode écriture de roman, je m'intéresse entièrement au langage, au développement des personnages, à l'intrigue, à la construction du tissu d'une histoire qui sera belle et engageante et qui semblera réelle aux gens et les attirera. Je laisse la politique à la porte, je vais dans mon bureau et je réfléchis aux phrases... Je me concentre entièrement sur l'artisanat et je ne me dis jamais : "oh, comment puis-je rendre cela plus convaincant pour les gens ?" Ou "comment puis-je amener les gens à se comporter d'une certaine manière ou à penser telle ou telle chose à partir de ce roman ?" parce que ce n'est pas l'endroit... C'est une question de respect pour les lecteurs...

Qu’attendez-vous des lecteurs une fois qu’ils ont lu vos livres ? Attendez-vous à ce qu’ils agissent sur certaines choses ou attendez-vous à ce qu’ils réfléchissent à certaines choses ?

Je n'ai aucune attente. Mon contrat avec le lecteur est le suivant : si vous me donnez 10 heures de votre temps (ce qui est une grande demande, car tout le monde a beaucoup à faire), je vous raconterai une histoire, je vous donnerai une raison de tourner chaque page, et je vais vous amener dans un monde où vous pourrez voir des choses que vous n'avez jamais vues, penser à des choses auxquelles vous n'avez jamais pensé et peut-être en sortir un peu changé. Si je parviens à élargir un peu votre vision, j'ai l'impression d'avoir fait mon devoir. Nous avons le pouvoir de créer de l’empathie, d’emmener les gens dans l’esprit/le cerveau/le monde d’une autre personne. C'est ce que je fais, et ce que le lecteur en fait par la suite ne me regarde pas vraiment. Le lecteur me rencontre à mi-chemin, nous faisons cette chose ensemble, et puis nous continuons. Je n’ai pas plus le droit de dire au lecteur quoi faire ensuite qu’il n’a de me dire quoi écrire ensuite.
Il n'y a aucun prérequis pour lire mes livres : il suffit de savoir lire, d'avoir un certain niveau de curiosité intellectuelle et une capacité à comprendre le roman de manière figurative plutôt que littérale. Je vais vous dire tout ce que vous devez savoir pour comprendre l'histoire. Je sais que mon public est composé de nombreuses personnes différentes, j'essaie donc de m'assurer que les thèmes, les motivations des personnages et l'action sont suffisamment clairs pour que tout le monde comprenne les bases de ce qui se passe. Si vous voulez juste lire pour l'intrigue, c'est très bien. Mais si vous êtes le genre de lecteur qui va faire une pause et savourer la métaphore, ou si vous êtes le genre de lecteur qui va s'arrêter et se rendre compte qu'il y a ici une répétition exacte d'une phrase qui a également été utilisée dans le chapitre 1 ou chapitre 7, et vous vous demandez "
pourquoi cela est-il répété, que dois-je en conclure ?", alors c'est merveilleux aussi.

Articles, entretiens

Sur une trentaine d'années :

1995 : sur le roman L'arbre aux haricots publié il y a 30 ans, "La récolte littéraire de l'Arbre aux haricots", Nouvel Obs, 9 février 1995

2002 : Un portrait, "Barbara Kingsolver, Américaine va-t-en paix", Hervé Kempf, Le Monde, 31 octobre 2002.

2005 : Entretien avec Barbara Kingsolver, par Meillon Bénédicte, Université Toulouse - Jean Jaurès, Canal-u.tv, 30 septembre 2005, pour les anglophones, 46 min. Un entretien vidéo très structuré, selon ces thèmes : la pratique de plusieurs genres - Le pouvoir des récits - De conteuse à écrivain - Américanité et postcolonialisme - Incursions dans le réalisme magique - Une écriture oxymoronique - Conscience et littérature - Poèmes.

2013 : dans le magazine littéraire en ligne des Appalaches, "Interview with Barbara Kingsolver", par Silas House, Stilljournal.net , avril 2013, voir extraits ci-dessus.

2018 : sur sa démarche, "I’ve Always Been Either Praised or Accused of Ambition", entretien avec Barbara Kingsolver, par Sarah Boon, Longreads, 16 octobre 2018, voir extraits ci-dessus.

2024 : en France pour la promotion de son dernier roman On m'appelle Demon Copperhead, Prix Pulitzer 2023, publié en 2024 en français 35 ans après celui que nous lisons. C'est intéressant de voir ce qu'elle est devenue, notamment dans ce premier entretien en vidéo :
- Barbara Kingsolver : "Je voulais parler de ce nulle part que sont les Appalaches", Géraldine Mosna-Savoye et Nicolas Herbeaux, Les Midis de Culture, France Culture, 6 février 2024, 38 min, en vidéo.
- Barbara Kingsolver : "J’ai écrit le roman des invisibles de l’Amérique", Muriel Fauriat, Le Pélerin, 5 mars 2024, entretien de 6 pages (!).
- "Le grand roman des Appalaches" : entretien avec Barbara Kingsolver, Steven Sampson, En attendant Nadeau, 13 avril 2024.

Les traductrices

Le livre que nous lisons est traduit par Martine Béquié ou Aubert, selon l'édition. C'est la principale traductrice de Barbara Kingsolver. Une interview permet d'apprendre comment L'arbre aux haricots a pu arriver jusqu'à nous...

Les différentes traductrices

Martine Béquié
- L'Arbre aux haricots 1995
- Les Cochons au paradis, 1996
qui devient ensuite Martine Aubert
- Un autre monde, 2010
- Dans la lumière, 2013
- Des vies à découvert, 2020
- Sur les piquets de grève, 2023
- On m'appelle Demon Copperhead, 2024

Guillemette Belleteste
- Le temps où nous n'existions pas, 1999, nouvelles
- Les Yeux dans les arbres, 1999
- Un été prodigue, 2002
- Une rivière sur la lune, 2002

Michèle Lévy-Bram
- Une île sous le vent, 2004, nouvelles

Claire Buchbinder
- Un jardin dans les Appalaches, 2007

Dominique Letellier, Valérie Morlot-Duhoux, Dominique Peters, Julie Sibony
- Petit Miracle et autres essais, 2010

Céline Leroy
- Apprendre à voler : en 10 000 leçons faciles, 2022

Coup de projecteur sur la traductrice de notre livre

Elle sort récemment de l'ombre en raison du prix Pulitzer que reçoit Barbara Kingsolver pour On m’appelle Demon Copperhead, publié en 2022 aux États-Unis. Martine Aubert aura mis deux ans à traduire. Extraits d'une interview récente dans sa maison provençale à Pernes-les-Fontaines ("Martine Aubert, traductrice du prix Pulitzer 2023 : "J’ai une conception musicale de la traduction", propos recueillis par Camille Police, S-quive.com, 14 mars 2024).

Vous avez traduit 7 livres de Barbara Kingsolver, quel est le point de départ d’une telle relation, qui donnera naissance à 30 années de confiance, d’écoute, de compréhension… ?

Le début est un peu miraculeux. Je suis allée voir une amie aux États-Unis, et juste avant de prendre l’avion elle me tend un ouvrage : "Lis ça c’est formidable...". C’était The Bean Trees, de Barbara Kingsolver. Je l’ai englouti en vol. Dans le même temps, j’étais à la recherche d’un nouvel éditeur. Alors j’ai téléphoné aux Éditions Rivages, j’ai échangé avec Françoise Pasquier, qui en était la directrice. Une femme dont on parle encore, une femme extraordinaire. À la fin de la conversation, j’ai demandé si elle connaissait Barbara Kingsolver. "Pourquoi vous avez envie de la traduire ?". Et, oui, j’avais envie de la traduire ! "Écoutez, le livre est sur mon bureau, ce genre de coïncidence, ça n’arrive pas tous les jours, il est pour vous", m’a-t-elle dit. C’était il y a 30 ans, et c’était un miracle. Puis à force de traduire ce roman, qui se passait en Arizona, ses paysages, son atmosphère, j’ai voulu observer ça, et rencontrer Barbara. Plus tard, elle m’a confié qu’elle était terriblement tendue quand je suis arrivée. Tout comme moi. C’était son premier roman, elle était toute jeune. Ensuite j’ai traduit Les cochons au paradis. Après un moment d’absence, bien des années plus tard, j’ai eu entre les mains The Lacuna. Directement, j’ai téléphoné aux Éditions Rivages, je me suis proposée pour le traduire. Barbara était aux anges que je ressurgisse. Pour ce roman, je suis retournée lui rendre visite. Elle ne vivait plus en Arizona mais dans les Appalaches. Disons qu’un début d’amitié s’est noué à ce moment, parce qu’elle n’avait jamais vu quelqu’un qui prend des avions, qui va au Mexique, pour traduire un livre. À mon sens, elle devait trouver cela formidable et ça fait partie du plaisir de mon métier. Puis, quand tu es mariée avec trois enfants, tu as bien envie d’aller te promener de temps en temps. [Rires] Elle aimait les questions que je lui posais, je mettais le doigt sur quelque chose ou elle se disait : "Ah, c’est ça". Elle trouvait que je comprenais ses romans, que mes interrogations étaient pertinentes. Elle m’a donné toute sa documentation pour partir au Mexique. Je voulais respirer ce texte. Steven, son mari, m’a donné des tas de photos, des adresses. Ensuite, j’ai pris un avion pour Mexico. C’est une gigantesque expérience, la traduction de The Lacuna.

À quel point, pour ce genre d’exercice, y-a-il besoin d’une relation personnelle avec l’auteure et dans quelle mesure est-ce bénéfique ?

J’ai commencé à traduire Barbara en 1995. Ça fait quasiment 30 ans. J’ai rencontré tous les auteurs que j’ai traduit, à l’exception d’une auteure, malheureusement décédée. Et je crois que ça tient à ma personne, j’avais envie de les rencontrer. À un moment j’ai traduit un livre de Jonathan Buckley, j’ai adoré et je suis allée le voir à Brighton, en Angleterre. C’était inoubliable, il m’écrit toujours, aujourd’hui.

Et pourquoi c’est nécessaire selon vous de les rencontrer ?

Je crois que c’est un désir chez moi, j’ai envie d’être face à la personne vivante. Il me semble qu’à la suite d’une rencontre, un sentiment de responsabilité se développe. Non seulement vis-à-vis d’une œuvre, mais aussi d’une personne. Quand on connaît la personne ça nous tient encore plus à cœur. Internet, vous posez une question, on vous donne la réponse, mais quand on est face à une personne, ça se développe très naturellement et puis une discussion en entraîne une autre, c’est l’intérêt de la rencontre humaine. Barbara me disait : "On ne connaît pas quelqu’un tant qu’on n’a pas vu sa maison". Elle était très heureuse d’être chez moi, de pouvoir m’imaginer devant ma cheminée… C’est une grande aventure ce roman.

On m’appelle Demon Copperhead a été le roman le plus long à traduire ?

Le plus long en nombre de pages, oui, et le plus long en investissement personnel, aussi…. Barbara m’a demandé si ça avait été le plus difficile, je peux répondre : "Oui". Mon éditeur, à Paris, me confiait que la grande difficulté de ce livre se trouve dans le récit à la première personne, c’est un enfant qui parle, c’est un enfant qui n’a pas d’éducation. Et c’est une langue assez locale.

On m’appelle Demon Copperhead, c’est justement le langage d’une région que Barbara décrit comme "invisible" dans la culture américaine. Elle confie dans les colonnes de Libération que "la grande tradition appalachienne du storytelling est ma langue maternelle, faite d’histoire et d’expressions". Comment traduit-on quelque chose qui ne possède pas d’équivalent français ? Langage décrit comme intraduisible, langage décrit aussi comme un des piliers de l’histoire de ce roman.

Ma réponse c’est qu’on s’arrache les cheveux ! [Rires] Disons quand je traduis et que ça ne sort pas…. Parfois, on peut traduire une page et demie et il n’y a pas grand-chose à reprendre, et des fois on bute sur une phrase… deux phrases… Rien à faire. Donc, je commence à avoir un peu de bouteille, dans ces cas-là, je laisse mûrir, je laisse tomber, j’oublie… Et en me brossant les dents ou en faisant je ne sais pas quoi… il y a une idée qui me vient. Souvent, il faut transposer, pour garder le parfum de cette langue particulière. Par exemple, en français on dit tourner : "autour du pot". Barbara avait employé cette expression au pluriel, ce qui ne se dit pas en français, mais je l’ai gardé. Ce n’est pas grave, il faut que ça reste un peu étranger, parce que la langue de Demon n’a pas d’équivalent. Il y a une alternance du parler avec Demon enfant, mais c’est le Demon devenu adulte qui raconte l’histoire. Souvent, il y a des expressions qu’il a apprises plus tard. Donc, il y a un mélange entre le langage enfantin et celui de l’adulte. On a posé la question à Barbara : "Vous voulez parler des opioïdes, vous voulez parler de la pauvreté, des différences. Mais quelle est la différence entre un traité et un roman ?" Elle a répondu : "Un traité ça vous parle intellectuellement et un roman ça vous atteint au cœur". Quand mes voisines américaines ont lu le livre elles m’ont dit : "Martine, je ne vois, même pas comment on peut traduire ce livre, alors j’ai répondu ne m’affole pas, ne m’affole pas !"

"Traduire, c’est créer". Que pensez-vous de cette phrase ?

Je n’ai pas cette prétention personnelle, c’est Barbara qui a écrit ce roman. C’est elle qui a donné vie aux personnages. Moi je travaille sur un socle qui existe déjà. Néanmoins, je pense que pour traduire un livre comme celui-là, il faut être un peu écrivain. Du mot à mot c’est inconcevable, les deux langues ne sont pas les mêmes. J’ai une conception musicale de la traduction. J’ai fait un peu de musique, de manière catastrophique, mais j’en ai fait quand même. Du piano. Quand on fait du piano, on a une partition, tout est écrit, et en même temps, tant que vous ne posez pas vos mains sur le clavier, il n’y a pas de musique. Dans le roman tout est écrit, mais tant que je ne fais pas raisonner la voix dans ma tête, tant que je ne me ballade pas dans ma maison, à entendre cette voix, jusqu’à la faire mienne et à lui trouver un équivalent français, ça ne marche pas. Quand j’ai traduit The Bean Trees, il a fallu que j’arrive à la page 100, pour trouver la voix, et j’ai recommencé tout depuis le début. C’est là que je situerai la création.

Personne n’aurait fait raisonner la voix de Demon Copperhead comme vous l’avez fait, en français. Chaque traduction possède sa singularité. Sa création autour de l’œuvre originale…

Je crois que si quelqu’un d’autre traduisait ce livre, ce ne serait pas le même livre. Certainement. Quand il rentre dans mon propre système, que je vis avec, que je respire avec, les gens qui me connaissent savent que quand je suis en train de traduire, je ne suis vraiment pas disponible, je ne fais pas grand-chose d’autre.


Et voici NOS RÉACTIONS sur le livre


Les lectrices

Ce 23 juin 2024, nous sommes 14 à avoir eu le livre en mains... :

  • en direct (8) : Anne, Claire Bo, Joëlle L, Laetitia, Marie-Yasmine, Nelly, Patricia, Véronique
  • par zoom (3) : Agnès, Joëlle M, Sandra
  • par écrit (3) : Claire Bi ; presque par écrit : Flora, Nathalie.
    Aurore, Felina, Muriel, Sophie, Stéphanie n'ont pas ouvert le livre.
Les tendances

Flora devait venir, a lu quelques pages, mais n'a pas réussi à entrer dans le livre. Nathalie pensait envoyer son avis, mais l'a à peine commencé. Véronique était présente, mais ne l'avait pas attaqué... Est-ce un signe ? Que diraient-elles si elles avaient lu le livre ? Mystère pour l'instant...

A l'heure des élections... les extrêmes :
- l'ont beaucoup aimé :
Claire Bi, Marie-Yasmine, Nelly
- l'ont assassiné :
Joëlle L, Joëlle M, Patricia.

Les réactions plus mesurées :

- t
rouvent des qualités, mais sont déçues : Claire Bo, Laetitia

- n'
ont vraiment pas accroché : Agnès, Anne, Sandra.

La succession des avis

Claire Bi
J'ai adoré le relire en anglais - une première !
Mon rythme de lecture a été très modifié par le fait de lire dans la langue originale. Ça me demande beaucoup plus de concentration mais alors quel plaisir ! Je pense que ça s'est aussi mêlé au rythme de l'écriture de Barbara Kingsolver : le début notamment m'a donné l'impression de plonger dans un film américain, un long traveling sur le Kentucky, avec la voix off d'un narrateur racontant d'où il vient. C'était l'occasion de découvrir aussi l'Arkansas et l'Oklahoma. Quand Lou Ann dit à un moment que Taylor pense et parle vraiment comme les gens du Kentucky, je crois que j'ai saisi ce qu'elle voulait dire et que ça passait en partie par la langue - mais ce n'est pas évident à retranscrire.
J'avais lu le roman à 15 ans et l'ai donc relu à 35, contente et même un peu émue de retrouver Taylor et Turtle. Une copine m'avait prêté ce livre, offert par une amie de sa mère : le premier bouquin "adulte" que j'ai lu hors liste scolaire !... Je n'ai pas gardé de traces de ma première lecture, dommage car j'aurais aimé comparer. Je me souviens m'être dit à l'époque que Taylor était classe, avec sa vieille Volkswagen, son humour et sa façon de s'être approprié le récit de son adolescence - elle me semblait "une grande" alors ! Ça me donnait envie d'avoir la vingtaine. Et je l'aime décidément toujours beaucoup, maintenant que je vois un peu différemment ce passage à l'âge adulte. J'ai retrouvé en le relisant cette sensation que c'était "que du love" : le très joli lien mère-fille Greer, du début du roman au dernier coup de fil qu'elles se passent, qui va ensuite se doubler de celui avec Turtle et poser à travers différentes figures plusieurs questions de parentalité, la famille élargie à Esperanza, Esteban, Mattie etc., la communauté qu'ils forment face aux différentes formes de violences qu'elle choisit de raconter. Beaucoup de passages très drôles, mais l 'humour n'est pas prétexte à ignorer ou atténuer les noirceurs auxquelles certaines ont été ou sont confrontées et qui peuvent les engloutir un temps.
J'ai aimé la structure simple du roman et les métaphores comme celle des graines de haricots. On voit ce qu'elle nous présente simplement et on décide de suivre ces personnages de milieu populaire qui sont tout de suite familiers. Des dizaines de petites touches les rendent "vrais", comme la façon que Taylor et Lou Ann ont de décrire les scènes banales ou loufoques en s'attachant à des détails presque insignifiants. Les dialogues m'ont bien plu.
Le thème de l'adoption se double aussi du fait que Turtle soit indienne, avec tous les enjeux de mémoire, de culture et d'identité riche et complexe que cela pose. Pour moi B. Kingsolver a été une première porte vers cette littérature, comme ensuite Jim Harrison et surtout Louise Erdrich. Je conseille de lire la suite Les Cochons au paradis qui se passe en partie sur les terres Cherokee, si on a aimé le premier tome.

Joëlle L
J'ai lu le livre. Je l'ai lu même entièrement. J'ai tout lu et je l'ai même relu en partie.
Du début à la fin à peu près, je me suis posé la même question : pourquoi je lis ça ? Mais pourquoi ? Ça ne m'intéressait pas du tout, je le sentais pas, tout sonnait faux.
J'ai commencé par être agacée avec le premier chapitre, ce ton faussement parlé que j'ai trouvé complètement à côté. L'histoire des araignées à 4 pattes m'a fait tiquer, parmi d'autres choses. Ensuite, juste après, on change de ton, on quitte le récit à la première personne pour mettre un narrateur omniscient, tout ça parce qu'en fait elle ne sait pas comment s'y prendre pour nous faire savoir qu'il va y avoir un deuxième personnage important dans l'affaire.
L'histoire (si on peut parler d'histoire, parce que c'était plutôt une juxtaposition de thèmes, partant dans tous les sens), je n'y ai pas cru une seconde, j'ai eu l'impression de lire un roman "feel good" pour ado prolongée.
Quand même un truc pour sauver l'affaire : un passage m'a bien intéressée, m'a bien plu, c'est quand la pluie arrive dans le désert. J'ai trouvé que c'était très vivant et intéressant.
Mais sinon le reste… à oublier, pour moi, complètement. D'ailleurs c'est déjà oublié !

Marie-Yasmine
La lecture de ce roman (que j'ai lu en anglais) a été très agréable, riche en émotions, en réflexion et en voyage.
Les personnages sont très attachants et complexes. La narratrice est une jeune femme déterminée qui observe les mondes dans lesquels elle évolue avec un rafraîchissant mélange de naïveté et de perspicacité.
Les relations entre les nombreuses femmes de ce roman sont une bulle d'oxygène dans un monde parfois sombre, et c'est une vraie leçon de résilience que chacune nous donne. L'évolution de Lou Ann est particulièrement saisissante. C'est un bonheur de la voir peu à peu s'émanciper de la relation bancale qu'elle nourrit et espère avec son futur ex-mari, et la réalisation finale de sa valeur et sa combativité sont une vraie délivrance. L'ambiance d'entraide et de soin des unes aux autres est un vrai baume pour le cœur.
La relation de la narratrice avec sa mère est remarquable, et on perçoit très bien à quel point la confiance en elle insufflée par sa mère est le plus bel héritage transmis à la narratrice.
L'histoire est très bien construite, et nous amène à nous questionner tout en finesse et pudeur sur des sujets très difficiles comme le statut des réfugiés, les violences faites aux enfants, la maternité et toutes les façons dont on peut devenir une mère.
La ville de Tucson et le désert de l'Arizona sont des personnages du roman à part entière et s'immiscent dans l'histoire avec beaucoup de justesse. La résilience de la faune et de la flore fait écho à la résilience des personnages, et notamment de la petite Turtle qui reprend goût à participer au monde qui l'entoure grâce à sa passion pour tout ce qui pousse. J'ai partagé son angoisse dans les paysages plats de l'Oklahoma qui la fit se sentir "comme s'il ne restait plus rien à espérer".
La romance impossible de la narratrice est écrite de façon très juste. Sans drames ni éclats, mais avec des émotions décrites de façon juste et complexes. Et surtout les égards de la narratrice pour l'épouse de l'homme qu'elle aime sans espoir de retour sont bien décrits.
Ce roman est d'une grande douceur et m'a évoqué la citation favorite de ma chère femme, qui décidément occupe tous mes avis, "je dois poser sur le monde un regard sans haine" de Hayao Miyazaki dans le film d'animation Princesse Mononoké.
Je lirai avec un grand bonheur la suite Les Cochons au paradis et les autres romans de Barbara Kingsolver dont j'apprécie le regard humaniste et doux qu'elle pose sur la dureté du monde.

Sandra
Je connaissais cette auteure de nom, mais pas davantage. Ainsi, j'étais partante pour lire son ouvrage et la découvrir.
Au départ, on s'attend à un récit sur Taylor : une jeune fille qui va connaître un parcours initiative afin de découvrir "l'ailleurs", afin d'échapper à une vie toute tracée selon elle.
Or, un élément a de suite bloqué mon élan : Turtle, le bébé - je n'ai rien contre les bébés ! - mais je n'ai pas compris pourquoi elle garde cet enfant. Elle ne veut pas être le cliché de la jeune fille-mère et, ainsi, elle part pour connaître le monde, mais elle garde le bébé sans raison. Je n'ai pas compris, ni perçu l'importance de ce lien entre les deux qui a émergé d'un coup. Cependant, j'ai lu jusqu'à la fin.
En fait je ne suis pas entrée dans cette aventure, ni n'ai accroché au personnage principal qui ne m'a pas entraînée dans son un élan de voyageuse.
Sur l'écriture, je ne sais pas quoi en penser. C'est facile à lire. Mais il n'y a pas de style littéraire particulier.
L'auteure a voulu mettre beaucoup dans ce roman, trop de choses. Trop de sujets qui ne sont pas assez approfondis alors que très intéressants.
Je dirais qu'il y a plusieurs histoires qui ont de l'intérêt mais c'est trop pour un seul ouvrage :
- celle de Taylor : elle se cherche, elle vit une initiation à une nouvelle vie, et découvre la méchanceté, la cruauté du monde ;
- celle de femmes : Taylor donc, et Lou Ann, Mattie et Esperanza. Elles ont chacune leur histoire personnelle, leur vécu, leurs blessures, leur caractère ; c'est Mattie qui m'a intéressée, mais j'aurais voulu en savoir davantage, son histoire n'est pas assez détaillée ;
- celle de l'humain. C'est l'entraide : Mattie avec les migrants et Taylor. C'est la construction de sa famille : Lou Ann qui veut fonder une nouvelle famille avec son enfant et Taylor, Taylor avec Turtle, les Indiens, etc.
Donc il y a donc plus de — que de + dans mon avis. Pour un premier ouvrage à l'époque, il y avait un talent, mais je n'ai pas accroché.

Claire Bo
Tu dis Sandra qu'il y a beaucoup de choses dans ce roman : cela pourrait en faire sa richesse.

Je me souviens de l'enthousiasme de Brigitte qui a proposé cette autrice quand elle l'a découverte : il est vrai qu'elle l'a lue dans la langue d'origine ; mais la lecture du livre qui est une suite, Les Cochons au paradis, n'a pas fait faiblir cet enthousiasme, vraiment joyeux.
J'attendais donc avec ferveur cette lecture, presque certaine d'apprécier. J'ai vite ressentie de la déception.
J'ai été refroidie par le fait qu'il n'y a pas de tables des matières alors que les 17 titres de chapitres ne sont pas banals (7 : "Comment on mange au paradis", 8 : "Le miracle du parc aux crottes de chien") - mais bon ce n'est pas la faute de l'auteure et c'est un détail. Refroidie aussi par la structure de chapitres alternés jusqu'à ce que Lou Ann et Taylor se rencontrent : je me suis mise à sauter les chapitres concernant Lou Ann que je trouvais barbants pour retrouver Taylor. J'ai alors été soulagée, mais on est quand même page 105, aux deux tiers du livre.
Il faut vraiment se laisser aller pour y croire, pour suivre Taylor et pour que sa fantaisie embarque : les services sociaux attentifs à l'enfant apparaissent dans le livre ; pourquoi donc n'y a-t-elle pas recouru quand on lui a refilé le bébé ?... Alors qu'elle a une formation scolaire minimale, dommage aussi qu'elle cite les fables d'Esope...
Construction et invraisemblance sont donc à avaler.
Mais bien des points dans mes réactions me semblent positifs, avec un sentiment de "pas mal, mais sans plus". Par exemple, j'ai beaucoup aimé la relation mère-fille. La narratrice est un personnnage mémorable avec des scènes ou des réparties pas possibles, par exemple dans la galerie d'art contemporain :

« C’est magnifique, ai-je remarqué. Qu’est-ce que ça veut représenter ?
– C’est non figuratif », a-t-elle fait en me regardant comme si j’étais un insecte qu’elle, venait de trouver dans sa salle de bains.
« Désolée d’exister », ai-je répondu.
Elle avait à peu près mon âge, en tout cas pas plus de vingt-cinq ans, et n’avait pas que je sache de raison de prendre de grands airs. J’ai repensé au petit poème que maman m’avait appris pour donner la réplique aux gamins qui me regardaient d’un peu trop haut : « Vous venez sans doute de Porc-Norton, où les cochons vont à la messe et jouent de l’orgue. »
L’objet était posé sur un socle carré couvert de toile marron, et la petite carte blanche qui y était fixée portait la mention Chien Bisbee no 6. Je ne voyais pas le rapport, mais j’ai fait celle qui était tout à fait satisfaite de cette explication.
« Chien Bisbee numéro 6, ai-je déclaré. C’est tout ce que je voulais savoir. »
Turtle et moi, on a fait un tour pour examiner les œuvres accrochées aux murs. La plupart avaient des noms qui commençaient par le mot effet : Effet ascendant, Effet endogène, Effet voulu, Effet galvanique. Au bout d’un moment j’ai remarqué que des chiffres figuraient sur les petites cartes. Par exemple $ 400. « Effet comique », ai-je murmuré à Turtle. « Celui-ci c’est Effet immédiat. Tu vois, c’est un Alka-Seltzer, figé entre le ploc et le pschitt. »

C'est donc l'humour le point fort, pour moi, c'est la réussite que je retiens, faite d'un regard distancié que j'apprécie, et de formules réjouissantes ; ainsi, quand elle remonte le moral à Lou Ann, déprimée au sujet de son mec lamentable, Angel :

 "Je vais te dire ce que j’en pense moi, de passer toute sa vie avec le même homme, ai-je dit. Tu sais ce que c’est qu’un flotteur ?"
Elle s’est un peu requinquée. " Un quoi ?
– Un flotteur. C’est ce bidule dans le réservoir d’eau des toilettes qui monte et qui descend quand on tire la chasse. Ça bloque l’eau.
– Ah !
– Un jour, à l’époque où je travaillais dans un motel, y’avait une fuite dans les toilettes, et il a fallu que je remplace le flotteur. Voici ce que disaient les instructions sur l’emballage. Je l’ai gardé jusqu’à ce que je les sache par cœur. 'Prière de noter. Vous trouverez les pièces nécessaires à toutes les installations, mais aucune installation ne requiert la totalité des pièces.' C’est un peu ma philosophie sur les hommes. Je ne crois pas qu’il existe une installation qui requiert toutes mes pièces."

J'avais du mal à me représenter les personnages, les décors, la voiture et la route : j'attends le film.
J'ai trouvé pas mal qu'un peu de gravité apparaisse avec l'histoire dramatique des Guatémaltèques. Je me suis exclamée "Pitié" quand il a été question de viol pour Turtle - déjà que nous allons lire Triste tigre... Et pour lier à une autre de nos lectures, La sentence, le sang indien coule chez les personnages, mais ça ne m'a pas très émue. Les histoires rocambolesques relatives à la fillette ne m'ont pas passionnée.
Je l'ai lu il y a un certain temps et j'avais gardé une dizaine de pages pour me replonger dedans et que l'écriture soit fraîche. J'ai eu plaisir à me retrouver avec Taylor plus que Turtle qui ne me semble pas très existante. Mais avec ce sentiment de : et alors...
Quant à l'auteure, bravo pour le parcours original ! J'ai lu et écouté des interviews concernant son dernier livre médiatisé par son prix Pulitzer : elle parle engagement et peu littérature...

Laetitia
Je ne connaissais pas cette écrivaine américaine, Barbara Kingsolver, et son premier roman a été une découverte pour moi.
Je suis mitigée, pas négative-négative, assez proche de Claire, avec des points positifs que je vais évoquer et des réserves, notamment concernent la vraisemblance et des personnages pas très intéressants.
J'y ai vu un roman d'initiation, à la fois drôle et tragique.
Un point positif d'emblée : c'est un roman écrit par une femme et "tenu" par les femmes ; il y a en effet de nombreux personnages féminins charismatiques : Taylor, perspicace, pertinente, avec du bon sens, fine, intelligente, attachante, pêchue (avec ses punchlines !) ; Turtle, discrète mais présente ; la mère de Taylor, avec du bon sens aussi et qui, à la fin, fait partie d'un "club féminin de jardinage" ! C'est un roman "féministe" où les femmes se battent, par exemple le personnage de Mattie. A l'inverse, les hommes sont, à l'exception d'Estevan, faibles et grossiers : Angel est insupportable ! Il y a donc une galerie de personnages, évoqués avec humour, par exemple la communauté "végan"… Les personnages de Lou Ann et Esperanza m'ont moins intéressée.
De nombreux thèmes sont abordés : la dénonciation de l'injustice, de la violence humaine dont Taylor peu à peu en prend conscience, la violence envers les enfants, l'existence de femmes enceintes très jeunes dans certains états, les réfugiés, le racisme, la problématique indienne, ainsi que la complexité des démarches pour l'adoption. L'autrice, humaniste, pose la problématique d'une Amérique à deux vitesses.
La construction du livre m'a paru un peu trop classique : 1. Taylor, 2. Lou Ann, puis 1+2 se rencontrent...
Et j'ai remarqué moi aussi le manque de vraisemblance quant à la façon dont Turtle arrive dans la vie de Taylor
Quant à l'écriture, elle est "visuelle", voire cinématographique (oui, on attend le film !). J'ai apprécié l'aspect road trip - on passe du Kentucky à l'Arizona, puis direction l'Oklahoma -, les couleurs du ciel, de belles descriptions de la nature.
Pour conclure, ce fut une lecture plutôt agréable ; mais je ne suis pas non plus très enthousiaste.

Agnès
Je ne vais pas avoir beaucoup à dire de ce livre.
Je n’ai pas vraiment de reproches à lui faire, les personnages sont très sympathiques, l’histoire est bien construite, le style agréable à lire. Je ne me suis pas ennuyée non plus, mais je n’ai pas été captivée par ce roman. Je me sens assez démunie pour en parler, disons qu’il ne m’a pas remplie, donc je n’ai pas grand-chose à restituer.
Mon avis est mitigé. Neutre.

Quelques bémols toutefois : contrairement à ce qui est écrit au tout début du roman (c’est un détail), les araignées ont huit pattes, pas quatre… Par ailleurs, l’adoption de cette enfant me semble assez peu crédible. Et je trouve que l’autrice passe à côté d’une belle histoire de famille homoparentale, c’est dommage.

Anne
J'ai eu du mal aussi, me demandant ce que j'allais dire.
J'ai mis beaucoup de temps à me plonger dedans, j'ai dû le lire un peu vite, donc ça ne m'a pas aidée. Mais j'ai commencé à être vraiment dedans aux trois quarts du livre quand Esperanza et Esteban prennent toute leur place et que l'histoire prend corps. Et peut-être aussi parce que j'ai lu cette partie dans un transat au soleil...
Ce que j'ai trouvé intéressant est l'évolution des relations.
On dirait qu'au début, Taylor est distante, ce que j'ai trouvé troublant d'ailleurs : il y a des moments où on a l'impression qu'elle ne s'attache pas vraiment à Turtle ; j'ai été troublée par le caractère nonchalant de Taylor envers Turtle ; déjà rien que le fait de continuer à l'appeler comme ça me trouble, de ne pas lui trouver un vrai prénom. À un moment quand se pose la question légale de la garder, on a l'impression qu'elle n'a pas vraiment envie de réagir, il y a une conversation un peu troublante avec Lou Ann à ce sujet. Mais elle cache bien son jeu, on s'en rend compte à la fin quand elle dit enfin qu'elle est sa maman, ça répare tout, et qu'avec Lou Ann elles forment une famille.
Les thèmes abordés sont intéressants : les Amérindiens rappellent la Sentence de Louise Erdrich, la boucle est bouclée. Les réfugiés, demandeurs d'asile, c'est un thème tellement d'actualité, qui me parle, et ça fait du bien de lire une histoire sensible et humaine à ce sujet. Ces thèmes intéressants sont abordés, mais pas subtilement développés.
Concernant l'écriture, la traduction y est peut-être pour quelque chose, par exemple avec le terme de gosses qui revient. Et je ne suis pas sûre d'avoir adoré le ton un peu familier.
Ce qui fait que je n'ai pas adhéré vraiment, c'est aussi que je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages, ni à Taylor, ni à Mattie, ni aux deux vieilles femmes, ni à Lou Ann, peut-être seulement à Esteban et Esperanza. Sauf à la toute fin, où les relations évoluent, avec Taylor et sa mère au téléphone et ce schéma amical de famille assez chouette avec Taylor et Lou Ann.
Conclusion : j'ai mis beaucoup de temps à rentrer dans l'histoire, peut-être à cause de l'écriture ou bien du caractère de Taylor qui ne me touche pas profondément. Pour autant, j'ai bien aimé la fin, la chute est très belle, ce qui me fait dire que je suis contente de l'avoir lu finalement.

Joëlle M
Je suis sur la même ligne que Joëlle, je me suis demandé pourquoi on lisait ce livre avec Lirelles.
Sandra disait qu'elle avait été bloquée par Turtle, mais moi, en plus du bébé qui tombe du ciel, c'est le style d'écriture qui m'a bloqué : je n'ai aimé
ni le style utilisé pour raconter l'histoire de Taylor, ni le style utilisé pour raconter l'histoire de Lou Ann.
Je n'ai accroché à aucun personnage, à aucune des histoires, à chaque fois je me disais : mais pourquoi elle parle de ce sujet-là , où veut-elle en venir ? Et à chaque fois, je suis restée sur ma faim.
Je suis donc restée à lire sans rentrer dans le livre du début à la fin : une sorte de "sentence"...

Patricia
Je n'ai pas pu entrer dans ce livre.
L'écriture ne m'a pas plu, avec ce langage parlé.
De plus, j'avais l'impression de pas comprendre, on parle d'un truc, puis on passe à autre chose.
Dès le début, quand elle part, je n'ai pas compris pourquoi.
L'humour, je n'ai pas supporté.
Je me suis mise à lire en diagonale.
La sentence, ça c'est littéraire.
Il y a une belle communauté de femmes. Mais c'est sans plus.

Nelly
Après vous avoir entendues descendre le livre en flammes, j'ai envie de dire à quel point je l'ai aimé.
Un livre agréable, facile à lire.
C'est invraisemblable ? Mais c'est un roman !
Ce que j'ai aimé, c'est qu'il montre ce qu'est la vie : on passe d'une chose à l'autre, mais on poursuit son chemin en fonction des aléas. Psychologiquement, c'est proche de ce qu'on a dans la tête, et ce n'est pas toujours logique. C'est écrit avec beaucoup de finesse.
L'humour m'a plu, les personnages m'ont plu, par leur originalité.
Quant au langage familier, je suis bien moins gênée que qu'avec les mots crus de Chloé Delaume.
Et il y a de la tendresse, par exemple avec cette mère qui lance des challenges à sa fille, et qui lui donne ainsi à la fois de la confiance et des armes pour se défendre.
On a aussi une évolution des sentiments, par exemple entre Taylor et Turtle, c'est très intéressant. Et la relation avec Lou Ann est rigolote.
Je me suis laissé porter par le style, par l'histoire.
Et enfin l'aspect road trip américain : l'atmosphère est très bien rendue, c'est presque cinématographique.

Joëlle
Qu'on retrouve dans ce livre qu'on avait lu, avec une relation toxique entre deux femmes Dans la maison rêvée de Carmen Maria Machado ou même dans Carol.

Nelly
Oui, c'est très américain : pour trouver sa voie, il faut partir, il faut faire son expérience en traversant des états en faisant la route.
Bref dans ce livre, il n'y a pas de grandes réflexions, mais de petites leçons de vie.

Véronique
(N'a pas lu le livre, mais bien présente, observe les balles de tennis qui vont d'un bord à l'autre...)

L'affaire araignées

Pendant la séance, après que Joëlle L eut cruellement attaqué la méconnaissance par l'auteure des araignées, soutenue par la remarque d'Agnès, la mention d'araignées à quatre pattes a donné lieu à divers points de vue : peut-être y aurait-il une espèce particulière au Kentucky... Il a été remarqué que, quand même, l'auteure avait fait des études de biologie...
Après la séance, s'est ensuivi le dialogue suivant :

Claire
Il y a araignée et araignée… Voici le passage incriminé dans la traduction et dans la version originale :

Chapitre 1 : "J'adorais pêcher dans ces vieux étangs aux fonds boueux. En partie parce qu'elle serait fière de ce que j'en retirerais, mais aussi parce que j'adorais rester assise sans bouger. Je respirais l'odeur des feuilles qui pourrissaient dans la boue fraîche et je regardais les araignées marcher à la surface de l'eau, leurs quatre petites pattes y creusant de minuscules cavités sans jamais passer au travers. Parfois on en voyait de grosses, celles que personne n'attraperait jamais, disparaître sous l'eau comme des rêves mordorés "

"I loved fishing those old mud-bottomed ponds. Partly because she would be proud of whatever I dragged out, but also I just loved sitting still. You could smell leaves rotting into the cool mud and watch the Jesus bugs walk on the water, their four little feet making dents in the surface but never falling through. And sometimes you'd see the big ones, the ones nobody was ever going to hook, slipping away under the water like dark-brown dreams"

Voici l'araignée d'eau, dite aussi gerris, qui marche sur l'eau, tel Jésus (voir ci-dessous) : comptez les pattes qui marchent, un, deux, trois, quatre…

Et au pays de Barbara Kingsolver, ces "araignées" ont un curieux nom : the Jesus bugs walk on the water. L'étymologie de Jesus bug est rigolote, allusion au miracle de Jésus-Christ marchant sur l'eau. Le terme moins rigolo est water strider (insect of the family Gerridae or gerrids - comme chez nous, le gerris).

One, two, three, four :
Simanaitis says jesus bug

Agnès
Merci, Claire, pour ces précisions !
Donc, il s'agit d'une erreur de traduction, il aurait mieux valu écrire "araignées d'eau", et non "araignées" (qui ne sont pas des insectes et qui ont 8 pattes).
Autre erreur, de l'autrice cette fois-ci, car ces araignées d'eau sont des insectes et tous les insectes ont 6 pattes.

Claire
Comme le montrent les photos, françaises et américaines, ce sont quatre pattes qui font marcher ces bestioles sur l'eau. Si l'on suit tes conseils à la traductrice, Agnès, au lieu d'écrire :

"je regardais les araignées marcher à la surface de l'eau, leurs quatre petites pattes y creusant de minuscules cavités sans jamais passer au travers. Parfois on en voyait de grosses, celles que personne n'attraperait jamais, disparaître sous l'eau comme des rêves mordorés"

elle aurait dû écrire ceci :

"je regardais les araignées d'eau marcher à la surface de l'eau, leurs quatre petites pattes y creusant de minuscules cavités sans jamais passer au travers. Je sais qu'il y a deux autres pattes qu'on ne voit pas quand elles marchent sur l'eau et je n'oublie pas que ce sont des insectes et pas des araignées même si on les appelle des araignées. Parfois on en voyait de grosses, celles que personne n'attraperait jamais, disparaître sous l'eau comme des rêves mordorés"

Donc, alors que je fais partie des critiques du mot gosses, je conclus que pour les araignées, ça baigne…

Agnès
Pour kid, je traduirais par gamin. Pour gosse, je traduirais par brat.

Joëlle L
Merci pour toute cette science !
Personnellement, j'aurais pris le problème autrement et j'aurais traduit comme ceci :

"je regardais les araignées marcher à la surface de l'eau, leurs petites pattes y creusant de minuscules cavités…"

Et comme ça, on ne se prend plus le chou ;-)


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