Quatrième de couverture :
Dans ce récit si simple et si uni qu'il convient d'en souligner
l'originalité profonde, Georges Perec tente, le premier avec cette
rigueur, de mettre au service d'une entreprise romanesque les enseignements
de l'analyse sociologique. Il nous décrit la vie quotidienne d'un
jeune couple d'aujourd'hui issu des classes moyennes, l'idée que
ces jeunes gens se font du bonheur, les raisons pour lesquelles ce bonheur
leur reste inaccessible car il est lié aux choses que
l'on acquiert, il est asservissement aux choses. "C'est qu'il
y a [dira Georges Perec] entre les choses du monde moderne et le
bonheur, un rapport obligé... Ceux qui se sont imaginé que
je condamnais la société de consommation n'ont vraiment
rien compris à mon livre. Mais ce bonheur demeure possible ;
car, dans notre société capitaliste, c'est : choses promises
ne sont pas choses dues."
Quatrième de couverture : Dans ce classique de la littérature contemporaine, Georges Perec dresse avec une redoutable justesse le portrait d'une génération prise dans le balbutiement des années 1960. Sylvie et Jérôme, jeunes psychosociologues de classe moyenne, cultivent une idée matérialiste du bonheur, à laquelle ils s'asservissent... au risque de se laisser happer par le vertige des choses.
Présentation de l'éditeur :
Il y a cinquante ans paraissait le premier roman de Georges Perec,
Les Choses. Un chef-duvre qui na rien perdu de sa
modernité et dont les Éditions Julliard réimpriment
lintégralité sous la charte graphique de sa collection
littéraire originale.
Quatrième de couverture : Un jeune couple se lance dans une quête moderne, la collection d'objets de consommation. Mais entre le manque d'argent et l'insatisfaction de la possession, Jérôme et Sylvie poursuivent une vaine course. Avec ce premier livre, Perec écrivait le roman définitif du consumérisme, en décrivant un mode de vie naissant, lié à l'objet, à son désir, à sa façon envahissante de remplir l'esprit. 40 ans plus tard, en plein débat sur le pouvoir d'achat ou l'endettement des ménages, le sujet reste entier.
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Georges Perec (1936-1982)
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Des infos en bas de page | |
PARCOURS
de Perec : Enfance,
Formation, Boulot, Potins UVRE (protéiforme) : Textes, Filmographie ARTICLES ET ÉMISSIONS (à la sortie des Choses, 50 ans après) |
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Nos 28
cotes d'amour pour Les choses
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(groupes
non réunis pour cause de confinement mais bien vivants :
groupe breton le 12 mars, groupe parisien le 27 mars) |
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RozennAnne
Annick A Lisa
Yolaine
Brigitte Catherine Chantal Christian Danièle Édith Etienne Françoise Marie-Odile Marie-Thé Nathalie B Anne-Marie Annick L Christine Claire Denis Fanny Geneviève Jacqueline Monique L Nathalie R Renée Séverine V |
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Henri (au Pays basque)
J'ai eu le temps d'attraper le tome 1 de Perec dans la Pléiade.
J'ai lu Les choses, Le petit vélo à guidon chromé,
Je me souviens
Mais je complète par d'autres lectures,
compte tenu de la situation... (à suivre)
Chantal
(dans l'île d'Houat)
Lecture qui n'incite pas à l'optimisme : écrit dans les
années 60 et... 60 ans plus tard toujours d'actualité !
L'auteur observe, presque scientifiquement, Jérôme et Sylvie.
Il les regarde vivre, de loin, envieux, rêveurs, vivant eux et leurs
"amis" à la surface de leur vie, faisant semblant de
vivre pleinement, obsédés par la richesse, les choses, qui
leur donnerait la liberté et le bonheur, l'ailleurs, la campagne,
l'étranger
rêvant, rêvant, rêvant... sans
agir sur leur vie.
A la fin du livre, Perec leur fabrique un avenir aussi triste : retour
de Tunisie, retour à une réalité triviale, amis éloignés,
travail "fixe", revenus moyens, mais restant esclaves de cette
consommation des choses, sans trouver de sens à leur vie...
La conférence de l'auteur à
Warwick, à la fin du livre, m'a intéressée. Il nous
éclaire sur sa démarche d'écrivain en citant plusieurs
auteurs dont il s'est inspiré : Brecht, Lukács, Thomas Mann,
Stendhal, Flaubert... car pour lui "la
vision de l'auteur est inséparable de la technique littéraire
utilisée". Il explique sa
démarche d'écrivain "réaliste" faite de
distanciation et d'ironie : "décrire
un personnage en ayant un certain recul vis-à-vis de ce personnage".
Il cite avec humour l'emprunt d'une trentaine de pages qu'il a fait à
Flaubert et dont personne ne s'est jamais rendu compte !
Donc, technique littéraire d'une grande efficacité, et qui
questionne d'autant plus aujourd'hui qu'à la consommation des objets
s'ajoute la fascination pour les nouvelles technologies...
Donc je l'ouvre aux ¾ , j'enlève ¼ pour la désespérance
que j'ai ressentie à cette lecture. J'aurais voulu que Jérôme
et Sylvie éprouvent des sentiments, et RIEN !
Marie-Odile (dans
les Pyrénées orientales)
Difficile en cette période de me concentrer sur la lecture, C'est
de façon très morcelée que j'ai lu Perec dont j'adore
pourtant le style alerte, riche en énumérations. De façon
morcelée et avec une certaine tristesse face à ces personnages
en quête d'un inaccessible dérisoire, toujours frustrés,
"paralysés par
l'immensité de leurs désirs", et se résignant
finalement à choisir la sécurité plutôt que
la liberté. J'ai perçu l'ironie du narrateur, impitoyable
face à ces personnages prisonniers de leurs désirs inassouvis.
J'ai été étonnée que Sylvie et Jérôme
ne fonctionnent pas comme un couple. Il me semble que le récit
serait le même avec un seul personnage, au lieu de deux.
J'ai été étonnée de l'absence d'événement,
en ce sens qu'il n'arrive rien aux personnages. Ils font juste quelques
choix et la guerre d'Algérie ne sert que d'arrière-plan,
de décor comme Paris ou Sfax. C'est un texte descriptif avant tout.
Transposées dans le monde d'aujourd'hui, les enquêtes stupides
sur les produits de consommation seraient remplacées par les innombrables
enquêtes de satisfaction mettant en évaluation permanente
les services, donc les travailleurs. La nécessité de travailler
mènerait à quelque bullshit job. Une tentative de permaculture
dans la Creuse remplacerait la fuite vers la Tunisie. MAIS l'épilogue
ferait peut-être intervenir un virus qui bouleverserait tout ça
et remettrait, peut-être, notre société à l'endroit
(ça ce serait hors sujet).
En lisant, j'ai parfois pensé à des
Esseintes en raison de l'insatisfaction des personnages, de l'ironie,
du descriptif qui l'emporte sur le narratif, des énumérations,
mais c'est peut-être une hérésie de dire ça
parce qu'il y a des années-lumière entre ces deux univers.
J'ai aussi pensé au roman de Nicolas Mathieu Et
leurs enfants après eux, qui m'avait donné la même
impression de personnages "enfoncés
dans un gâteau dont ils n'auraient jamais que les miettes",
et encore pas toujours...
Édith
(à Pontivy)
Tout en connaissant l'impact et la reconnaissance des lecteurs de cet
ouvrage j'ai tardé à commencer à le lire
J'en
avais de "vagues" souvenirs du temps de ma "jeunesse"
et je partais avec l'idée d'une écriture d'énumération
un peu à la Boris Vian. Donc sans empressement j'ai fait l'achat
du livre, indisponible en médiathèque.
Couverture avenante (Pocket)
avec des ustensiles reconnus des années 1950. Cependant le papier
et l'impression bien que les lettres soient de bonne taille
n'a pas provoqué chez moi un désir de soigner le livre en
le lisant
Livre UTILE pour l'exercice sans plus : voilà
l'état d'esprit qui a précédé la lecture.
La quatrième de couverture : tout est dit du contenu et BIEN DIT,
alors dois-je vraiment continuer ?
Par égard pour le groupe et la rencontre, j'ai commencé
le livre : l'énumération que "j'attendais"
est bien là, noir sur blanc
comme dans les romans du 19e
(Zola par exemple), mais déjà moins engageante
néanmoins,
le ton est donné ! Il s'agira d'un constat neutre, comme en
retrait de la part de Perec, "observateur" non objectif. J'en
ressens l'ironie, le cynisme quelquefois, l'amusement souvent et la méticulosité
des détails, ne serait-ce que par la précision des déplacements
tant à Paris qu'en Tunisie et le désaveu manifesté
tout au long du récit et assumé par la conclusion :
"Le voyage sera longtemps
agréable (...) les assiettes épaisses écussonnées
sembleront le prélude d'un festin somptueux. Mais le repas qu'on
leur servira sera franchement insipide". Puis le texte
de Karl Marx
FIN
FAIM, encore
mais de quoi ?
Je suis, moi la lectrice, embarquée littéralement AVEC
Sylvie et Jérôme tout au long de leur quête du bonheur.
Ils appartiennent à la classe moyenne et ils le resteront
Leur accès à la culture par leurs études ne leur
apporte aucune transcendance, juste un peu de crainte vite balayée
par la sécurité d'appartenir à un groupe. Leur diplôme
de psychosociologue utile à leur travail "en surface"
d'enquêtes miroirs liées à la consommation, n'interroge
en rien leur "être"
Habileté de Perec qui
m'installe rapidement dans un désaveu du couple Sylvie et Jérôme.
L'essoufflement ressenti et consenti provoqué par le rythme du
récit crée un malaise réel.
JE FUS de cette époque car née après-guerre. J'ai
vécu l'avènement de la psychologie sociale, avant la sociologie
née plutôt de mai 1968, et j'ai aussi participé à
la course à la consommation ! Heureusement mon regard s'est
modifié, provoquant de fait ce malaise ressenti aujourd'hui.
J'ai corné plusieurs pages tout en continuant la lecture d'une
traite. Sans rien écrire qui ralentirait la lecture ! A suivre
quelques lignes où je lis l'analyse très fine du désarroi
relatée de façon concise, froide, par Perec et je doute
que celle-ci soit celle des intéressés ?!
"Il ne fallait pas grand-chose
pour que tout s'écroule (
) il redevenait ce qu'il n'avait
jamais cessé d'être, une sorte de contrat, quelque chose
qu'ils avaient acheté, quelque chose de fragile et de pitoyable,
un simple instant de répit qui les renvoyait avec violence à
ce qu'il y avait de plus dangereux, de plus incertain dans leur existence,
dans leur histoire."
"D'autres fois,
ils n'en pouvaient plus. Ils voulaient se battre vaincre (
) Mais
comment lutter ? Contre qui ? Contre quoi ? Ils vivaient dans un monde
étrange et chatoyant (
), les pièges fascinant du bonheur.
(
) L'ennemi était invisible. Ou, plutôt, il était
en eux (
), il les avait pourris
" (p.
91) et après leurs années en Tunisie : "Leur
vie était comme une trop longue habitude (
) une vie sans
rien" (p. 139).
J'ai souvent repensé au livre Les
Années d'Annie Ernaux qui, parlant d'elle, de son "être",
d'un essai de biographie qui, comme elle le précise, utilise l'évolution
de la société en France depuis sa naissance jusqu'au présent
de l'écriture du livre. Moins désespéré pour
mon ressenti, moins culpabilisant quant à la consommation de masse
et les travers de la France et moins impliquant.
J'ai finalement aimé ce livre et j'en parlerai comme d'une découverte
littéraire : il faut être "beau joueur".
J'aurais vraiment apprécié partager en direct ce texte avec
les autres.
Yolaine (à
Vannes)
Ouvert ¼ au premier jet, à la moitié après
réflexion, puisque j'ai eu un peu de temps pour digérer
cet opus avant d'en parler.
Plusieurs éléments m'ont empêchée d'apprécier
pleinement ce texte :
Les circonstances imprévues qui ont
imprégné cette lecture. Impossible de rester à la
surface des choses et de comprendre le désenchantement des personnages
au moment où nous vivons une véritable tragédie.
L'omniprésence ou la perspective de la mort nous rend hypersensibles
au quotidien : les arbres qui fleurissent au printemps, les chants
d'oiseaux, la lumière du soleil sur la ville, la pureté
de l'air, le bonjour des voisins. Le "confinement" fait de nous
(bien malgré nous) des ermites et stoppe notre course à
l'argent et aux plaisirs futiles. Le décalage avec "l'horizon
des désirs" de Jérôme et Sylvie était
trop grand.
Le caractère "ambigu" du
roman, revendiqué par son auteur, m'a également gênée.
Pas vraiment un roman, puisque les héros en sont des personnages
type, volontairement dépourvus de chair et d'os, mais pas non plus
une véritable étude sociologique qui aurait permis d'aller
au fond des choses, ou du moins de s'y essayer. J'ai été
envahie par un sentiment de frustration.
L'absence de nostalgie pour cette époque,
que j'ai vécue pendant mon adolescence, et qui ne m'a pas semblé
particulièrement heureuse, a parachevé mon absence d'empathie
pour Georges Perec.
Mais peut-être que justement ce regard
désenchanté sur ma jeunesse me rapproche de Sylvie : "ils
n'avaient rien ; ils découvraient les richesses du monde".
Oui, j'étais sûrement comme eux. Leur impatience à
vouloir profiter de l'abondance qui caractérise ce vingtième
siècle, et la désillusion de la classe moyenne qui accède
au confort, à une certaine richesse, aux études supérieures,
mais dont l'ascension sociale est en réalité bridée
par un mur de verre invisible, est décrite avec une grande pertinence :
"Ils étaient
enfoncés jusqu'au cou dans un gâteau dont ils n'auraient
jamais que les miettes". Leur visite de la Tunisie est
la cerise sur ce gâteau amer. Dans un style
très sobre mais précis et rigoureux, l'auteur nous offre
un tableau impitoyable de notre mode de vie contemporain, qui reste malheureusement
d'une grande vérité. À défaut de nous faire
plaisir, il nous fait quand même réfléchir.
Christian (à Arradon)
Que veut nous dire Georges Perec dans ce petit livre Les Choses ?
Que les choses nous possèdent plus que nous ne les possédons,
ce que les jeunes Jérôme et Sylvie semblent ignorer dans
leur rêve d'élévation sociale, d'argent, d'aisance
matérielle. Leur aspiration à posséder les signes
distinctifs des possédants, Perec en donne d'ailleurs dans une
magistrale introduction (rédigée au conditionnel) et où
se trouve décrit de façon superbement détaillée
l'intérieur d'un appartement bourgeois qui semble représenter
tout ce à quoi peuvent aspirer nos deux protagonistes.
Rêves cependant, ô combien dérisoires.
En effet nos petits-bourgeois soucieux de devenir des "hommes
nouveaux, des jeunes technocrates n'ayant pas encore percé toutes
leurs dents, des technocrates à mi-chemin de la réussite"
rencontreront la déconvenue, leur désir de consommation
ne pouvant se substituer à l'idéal du bonheur puisque leur
situation professionnelle ne peut, à seule, concrétiser
ce rêve. Leur réalité sociale, finalement décevante,
de même que leur vie parisienne assez étriquée encourageant
ainsi en eux un désir d'ailleurs.
La fuite de Jérôme et Sylvie en Tunisie, à Sfax, qui
semblait offrir un ailleurs possible, une source d'aventures, de liberté
neuve et d'horizons va à son tour les décevoir : "ils
n'éprouvaient ni joie, ni tristesse, ni même ennui, mais
ils pouvaient leur arriver de se demander encore, s'ils existaient vraiment".
Terrible constat, au cur du vide, comme dit Perec, "cette
vie sans rien" qui s'épuise dans une quête
du bonheur semble être le produit que ce couple conformiste illustre,
victime d'une sorte de "mimesis" puisque se trouve manipulé
et ignorant de la société consumériste qui se refuse
à satisfaire la jouissance à laquelle ils aspirent. Soulignons
que Jérôme est publicitaire enquêteur, ce qui ajoute
paradoxalement à cette inconscience d'une société
caractérisée comme "aliénante" dans ces
années-là...
L'échec du séjour tunisien, puis le retour décevant
à Paris incitera ces tristes héros dans un épilogue
désenchanté à se consacrer enfin à un avenir
professionnel susceptible de leur apporter la consommation des "choses"
et le statut auquel confusément ils aspirent, achevant sans grâce
de consacrer leur position sociale de petits bourgeois satisfaits.
Est-ce un roman ? Un essai ? Un simple récit qui emprunte
largement à la sociologie de l'époque des années
70 ? Une illustration assez romanesque finalement de ce que Jean
Baudrillard a parfaitement nommé la
société de consommation ?
Pour ma part je vois surtout dans la description de ces jeunes gens, plutôt
banals et médiocres en ce qu'ils confondent bonheur et jouissance
de biens matériels, une analyse fine et anticipatrice de ce que
l'époque portait dans ses tréfonds. Le livre, il faut le
rappeler, fut publié en 1965 et on peut dire en ce sens que Georges
Perec fut un précurseur, puisqu'il annonce, au travers des désillusions
des aspirations à la simple consommation, la révolte de
1968 dont le moteur précisément fut la critique d'une société
capitaliste, sans âme ni projet pour sortir de cette aliénation
aux simples bien matériels.
Bien sûr, le récit de ces "bobos" des années
70 à inévitablement vieilli. La tendance, aujourd'hui, conscience
écologique oblige à une méfiance de plus en plus
accrue à l'égard d'un consumérisme délirant.
Aussi et pour conclure, la citation que Perec fait de Marx à la
fin du livre vaut comme passeport dans la compréhension générale
de l'ouvrage. Je crains que cette phrase de Marx demeure d'une actualité
saisissante.
Je l'ouvre aux ¾. Étudiant en 70,
je l'aurais ouvert à 100%. Bonheur de l'anachronisme.
Marie-Thé (à Ploeren)
Avant de parler du livre, je tiens à dire que Georges Perec est
pour moi quelqu'un de très attachant. Celui qui se demandait :
qui suis-je derrière cette apparence, derrière ce nom ?
Celui qui se sentait de nulle part, qui écrivait : "J'aimerais
qu'il existe (...) des lieux qui seraient des références,
des points de départ, des sources" (Espèces
d'espaces). Et puisque j'y suis, à découvrir aussi
W
ou le souvenir d'enfance, L'infra-ordinaire
valorisant l'ordinaire, La
disparition entièrement écrit sans la lettre "e",
évoquant là un manque... Je pourrais être intarissable,
m'étant replongée dans des cours sur Perec pris il y a quelques
années, j'adore. En n'oubliant surtout pas Ellis
Island.
Mais je reviens au livre.
Je retiens l'originalité du sujet, j'y ai vu une forme de documentaire.
J'ai été effarée par ce couple qui rêve sa
vie au lieu de la vivre, qui veut posséder. Seul compte l'avoir,
où est l'être ? "Ils
pouvaient, tout comme les autres, arriver ; mais ils ne voulaient
qu'être arrivés."
Je découvre un lexique économique, social, l'emploi du conditionnel
qui en dit long, un texte très descriptif avec une abondance de
détails, des personnages anesthésiés, l'absence d'émotions...
Pages empreintes de tristesse, mais que j'aime découvrir sous la
plume de Perec qui observe sans juger. Absurdité de la vie de Jérôme
et Sylvie, à l'image des paysages tunisiens qu'ils traversent :
"images de vide, de
sécheresse"...,
"Le monde de
leur propre solitude, de leur propre aridité."
Et finalement "au terme
de cette quête indécise qui ne les avait menés nulle
part ", une vie banale que laissent présager les
dernières lignes. À Sfax, à Paris, traces de Perec...
À présent, j'entrerai dans le "Je me souviens"
(souvenirs ordinaires de Perec, pour combler un manque). Je me souviens
du début, non des années 60, mais des années 70 qui
leur ressemblent, années de l'opulence, du plein emploi, des 30
glorieuses. Atmosphère de ces années là, importance
du groupe, des échanges, du cinéma, etc. Par contre, à
la différence des personnages de Perec, j'avais choisi la liberté
et non "les choses". J'aime cependant que ma trajectoire rencontre
celle d'un personnage : "Sylvie
s'épuisait à faire comprendre, conformément au programme,
les beautés cachées de Malherbe et de Racine à des
élèves plus grands qu'elle qui ne savaient pas écrire."
Je me souviens, c'était pour moi quelque part en Afrique et cela
me fait sourire aujourd'hui.
Je retiens l'humour émergeant ça et là, dans les
enquêtes auprès de consommateurs par exemple, c'est drôle
et tout y passe. J'ai un peu pensé à ces moments là
au film Chronique
d'un été réalisé par Jean Rouch et
Edgar Morin au début des années 60 aussi. On y retrouve
Régis Debray (alors jeune étudiant) et Marceline Loridan
(Perec en a été éperdument amoureux) abordant les
Parisiens dans la rue avec entre autres cette question : "Êtes-vous
heureux ?" À revoir vraiment !
Une phrase du livre explique pourquoi je ne l'ouvre qu'aux ¾ :
"ils étouffaient
sous l'amoncellement des détails." Moi aussi quelquefois.
Renée (à Narbonne)
Georges Perec a sous-titré Les choses "une histoire
des années 60". Boris Vian, lui, en 1955, a écrit "La
complainte du progrès", dite aussi "Les arts ménagers".
Le sujet traité avec humour par l'un et avec un naturalisme détaché
par l'autre, est exactement le même : la frénésie
de consommation qui a débuté à cette période.
À cause de la publicité ? Des magasines de décoration ?
De la télévision ? Certainement un peu tout ça.
Le couple désirant est traité comme un seul personnage (et
j'ai oublié leurs prénoms). Leur appartement de rêve
est une accumulation de luxueux objets à la mode censés
montrer leur richesse, leur bon goût : "il
était presque de règle de désirer toujours plus qu'on
ne pouvait acquérir". Ça rejoint le Toujours
plus ! de François de Closet.
En Tunisie, ils ne sont pas heureux car il leur faut un public, des amis.
Puis ils ont mûri, ils abandonnent une partie de leur liberté.
Avec les réseaux sociaux, les jeunes ont encore davantage envie
de ce que les autres possèdent : "les
autres sont heureux, ils ont une piscine, un chien, ils voyagent etc.,
il n'y a que moi qui vis dans un appartement, etc." Quelques
sages lancent des signaux d'alerte !!!
Merci pour cette lecture oubliée.
J'ouvre le livre à 180 degrés. Passionnément... tout
ouvert.
Jacqueline (à
Paris comme pour les avis qui suivent)
J'ai été constamment sous le charme de ce livre. Je croyais
l'avoir déjà lu autrefois et oublié mais j'avais
à chaque instant l'impression de le redécouvrir.
Dès le premier chapitre, dans l'entrée, la gravure de la
Ville-de-Montereau me paraissait un clin d'il à L'Éducation
sentimentale de Flaubert
Est-ce que j'allais lire un roman de
formation ? Le conditionnel, temps de l'hypothèse mais aussi
du discours rapporté, introduit une distance un peu ironique. J'ai
repensé aux descriptions minutieuses d'À
rebours. Sauf qu'ici, peut-être parce que le décor
m'était plus proche, ne serait-ce que par les revues de ma jeunesse,
le ton me plaisait. La description faisait sens au point que j'ai essayé
de faire un plan de l'appartement !
Le deuxième chapitre est une retombée brutale : on
était bien dans le souhait ! Mais là aussi la description
me parle, autant celle des lieux que celle des comportements et l'analyse
fait mouche
La suite n'a pas démenti ce sentiment de reconnaître
quelque chose d'une époque que j'ai connue (cela m'évoquait
d'autres scènes vécues) et de jubilation à la manière
dont c'est raconté : quelques mots inconnus, mais pas trop,
juste de quoi retrouver le plaisir du dictionnaire et d'apprendre qu'un
portulan est une vieille carte, un tapir un élève particulier
et de me réjouir de la création "lumpentapirat" !
J'ai adoré les énumérations, les listes aux côtoiements
saugrenus qui, au-delà de l'amusement qu'elles provoquent, montrent
si bien la vacuité de cette société qui préparait
la nôtre sans en être si différente (encore qu'internet
a dû remplacer beaucoup de jeunes enquêteurs)
J'ai bien aimé que le livre se termine par une citation de Marx
dont je serais curieuse d'avoir le contexte. Il me semble que, là,
Perec s'en sert pour définir le travail de l'écrivain (il
fallait le faire !) auquel il a satisfait.
En tout cas j'ouvre en grand, je le reprendrai sans doute pour le savourer
plus lentement...
Annick A
J'ai beaucoup aimé le chapitre premier écrit au conditionnel
dont les descriptions d'un appartement luxueux couvert de livres laissent
entrevoir un couple riche, cultivé à l'esthétisme
raffiné. Ce n'est pas sans me rappeler À
rebours. Ce conditionnel nous introduit dans l'imaginaire de Sylvie
et Jérôme, à partir duquel ils construisent leur mode
de vie et leur vie même, dont le présent s'efface au profit
d'un heureux futur hypothétique.
C'est à une analyse sociologique d'une classe moyenne que nous
convie Georges Perec, pour laquelle l'acquisition des objets n'est pas
tant le désir de posséder que d'appartenir par leurs acquisitions
à un monde moderne passage obligé pour atteindre
le bonheur. J'ai retrouvé avec plaisir la mode des années
60.
Puis ce couple a fini par me lasser. Je nai pas cru à leur
séjour en Tunisie, totalement invraisemblable pour moi dans cette
façon de ne rien habiter, ni leurs relations ni leur travail. Pour
eux, lautochtone nexiste pas. Leur égocentrisme ma
profondément agacée et leur histoire ma paru de plus
en plus nébuleuse. La dernière partie m'a ennuyée.
Je trouve cependant très intéressante cette façon
d'introduire la sociologie dans le roman. Je l'ouvre à moitié.
Monique L (ayant migré en Dordogne)
J'ai relu ce livre avec beaucoup de plaisir. Contrairement à ce
que je craignais, il a très peu vieilli. Il est bien sûr
daté par l'environnement, les évènements liés
à l'Algérie, la mode, les goûts, mais il reste très
actuel dans l'analyse de ce couple et la recherche du positionnement dans
la vie entre les souhaits, les rêves, les contingences, les obligations.
C'est très bien écrit. Les descriptions sont précises.
L'écriture distanciée permet de traiter le sujet de façon
générale. Jérôme et Sylvie ne sont pas traités
comme des individus, mais comme des stéréotypes. C'est ce
qui pour moi fait la force de ce roman et qui fait qu'il est toujours
d'actualité.. Une réflexion sur la vie, le couple, l'amour,
la recherche du sens de l'existence, les désillusions de la vie,
les rêves déçus, le rôle de l'argent.
Tout cela est admirablement dépeint.
J'ouvre en grand.
Dans ce contexte où j'ai parfois trouvé difficile de me
concentrer sur la lecture, Les choses a réussi à
me captiver suffisamment pour me donner l'envie de m'y plonger.
Fanny
J'ai été particulièrement sensible à ce que
j'ai perçu comme une forme de distance par rapport aux deux personnages
centraux, à travers le récit fait par le narrateur et qui
plus est au passé pour l'essentiel du roman.
Je trouve que cela confère une dimension presque sociologique alors
qu'il est pourtant question de l'intimité des aspirations de ce
couple, peut-être en écho d'ailleurs avec leur travail d'enquêteur.
D'ailleurs il est également question du couple et très peu
de chacun individuellement, il me semble que les personnages ne sont qu'assez
rarement nommés par leurs prénoms.
J'y vois également le rapport aux choses bien sûr, à
tout ce matériel qui semble constituer toutes leurs aspirations.
C'est assez sombre en ce sens, car hormis cette quête de l'avoir,
ils ne sont en fait plus grand chose. Que reste t-il de l'essence de soi-même ?
C'est peut-être aussi à méditer en ce moment où
tous nos repères extérieurs s'étiolent.
L'épilogue va je trouve en ce sens avec le passage au futur comme
s'il s'agissait au fond d'un devenir inéluctable et impersonnel :
ils sont rattrapés, comme leurs (anciens ?) amis par ce qu'ils
ont un temps tenté de fuir. La dernière phrase fait pour
moi résonner tout ce pessimisme avec l'image des couverts comme
"prélude d'un
festin heureux" pour servir "un
repas (...) franchement insipide".
J'ouvre en grand et j'ai hâte de lire vos avis et échanges.
Annick L
J'ai découvert l'uvre de Perec dans les années 1970,
surtout La vie mode d'emploi, Je me souviens et ce livre-ci
que je viens de le relire avec un immense intérêt. Quel talent
pour saisir, à travers l'histoire de ce jeune couple petit-bourgeois,
l'essence d'une époque marquée, à la fin de la Guerre
d'Algérie, par des rêves d'ascension sociale et d'accès
illimité aux biens de consommation. Trois ans plus tard c'était
la révolte de Mai 68 contre toutes ces aliénations et les
stéréotypes de la société bourgeoise et patriarcale
: des slogans comme "Métro, boulot, dodo" ou "Ne
perds pas ta vie à la gagner" en témoignent. Or ces
deux jeunes gens ne sont pas des rebelles, ce sont des matérialistes,
pas des idéalistes qui voudraient changer le monde. Ils sont prisonniers
d'aspirations contradictoires : devenir riches et vivre dans le luxe,
sans travailler pour autant. Des désirs parfaitement incompatibles,
source d'insatisfaction et de frustration permanente. Le narrateur choisit
d'évoquer leur histoire avec beaucoup de distance et d'ironie,
mais ce couple devient plutôt pathétique lors de l'épisode
en Tunisie, un véritable naufrage. En fait ces gens-là sont
de la même génération que Perec et ils ne lui sont
pas étrangers. Ils sont victimes d'une idéologie qu'ils
alimentent par leur travail d'enquêteurs pour des agences de publicité,
doublement pris au piège donc.
Je me sens totalement concernée par ce propos qui nous fait réfléchir,
plus largement, sur le sens que chacun.e veut ou peut donner à
sa vie, sur notre insatiable quête du bonheur. Mes choix existentiels
ont été sans doute bien différents des leurs, mais
cette question reste universelle et toujours d'actualité.
Quant à la forme que Perec a donné à son récit
(roman ?) je la trouve originale et très pertinente :
une histoire qui s'installe dans une sorte d'atemporalité, avec
cet imparfait qui soutient tout le récit, rompu seulement par le
conditionnel, pour leurs rêves récurrents, et le futur pour
l'épilogue, ouvert d'ailleurs (on ne sait pas s'ils seront plus
heureux ensuite). J'aime le récit simple, neutre, factuel, de cette
existence marquée par la répétition des faits et
gestes
et l'ennui. J'aime aussi, par contraste, le chapitre dans
lequel nous sommes entraînés dans leur fantasmagorie d'abondance,
d'accumulation de tous ces biens qu'ils aimeraient tant posséder.
Pour moi c'est donc bien une uvre littéraire pour laquelle
Perec a su trouver une forme adaptée à son projet. Il s'explique
d'ailleurs sur ses choix dans une "Conférence
à Warwick", donnée en 1967, un document qui est
proposé en postface de l'édition chez 10/18.
Je pourrais parler encore longuement de ce livre qui m'a tant marquée
mais il faut bien s'arrêter. Je l'ouvre en très grand et
je vais enchaîner avec la relecture de La Vie mode d'emploi
Danièle
L'auteur commence au conditionnel et de manière assez impersonnelle,
désigne les personnages par "ils". Et voilà ce
qu'ils aimeraient faire de leur vie, décrite à partir des
objets emblématiques des années 60. C'est un début
qui me plaît. En partie aussi parce que je retrouve tous les éléments
dans lesquels nous vivions à l'époque, magistralement décrits
(ah, les brocantes, les vide-greniers, tous ces objets que nous convoitions,
c'est vrai...). En passant, je me demande comment actuellement ces passages
peuvent parler à des jeunes qui n'ont pas connu cette époque.
Puis, dès le deuxième chapitre, l'auteur nous décrit,
toujours à partir des "choses", la contradiction dans
laquelle vivent ses personnages, à savoir l'importance de l'argent
dans leurs aspirations, alors même qu'ils prétendent par
principe ne pas leur en accorder. L'auteur joue à La Bruyère,
à partir des objets que ces gens possèdent ou ne possèdent
pas. Il montre leur conformisme qui consiste justement à ne pas
en vouloir. Comme je me demandais s'il s'englobait dans cette critique
somme toute universelle (ah, qui ne rêve pas aujourd'hui dans certains
cercles de la lampe de chevet X ou des fauteuils Y ! Et je ne donne
pas le nom des marques), ou s'il jetait un regard dédaigneux sur
ce genre d'attitude, j'ai jeté un coup d'il sur sa biographie.
En effet, il semble qu'il ait traversé personnellement les épisodes
dont il parle.
Enfin, j'ai aimé les descriptions magnifiques et généreuses
pour imaginer le bonheur, et la description du mal être qui a suivi
l'épisode de leur séjour en Tunisie. Ce roman, si c'en est
un, est empli d'un spleen qui culmine à la fin. La critique d'un
monde embourgeoisé est sublimement décrite, mais ne laisse
pas de place à un autre monde. J'ouvre donc aux ¾.
Lisa
J'ai lu Les choses assez rapidement, même si je dois avouer
que je ne suis pas rentrée dans ce roman.
L'énumération des objets ne m'a fait ni chaud ni froid,
je sautais ces passages-là d'ailleurs. J'ai trouvé les descriptions
chiantes.
Mais j'ai quand même réussi à apprécier parfois
le portrait brossé de ce couple. Le passage sur L'Express m'a
fait rire d'ailleurs. Ce couple est triste, ils ne rigolent donc jamais ?
Leur vie me semble pénible.
Le livre en lui-même se lit vite heureusement, mais je pense que
je n'en garderai pas grand chose.
J'ouvre à moitié.
Claire
Dis-donc c'est bien payé "à moitié", avec
ce que tu dis...
Lisa
1/4 parce qu'il se lit vite, et 1/4 parce que j'ai parfois souri en lisant
ces descriptions de bobos avant l'heure. Pour ce qui m'a fait rire :
L'Express. Mais aussi l'engagement politique, ils vont un peu manifester
contre la guerre d'Algérie, puis quand ça devient "sérieux",
ils se demandent ce qu'ils font là. Ça me paraît assez
juste chez pas mal de gens (dont moi parfois ! ). Ca m'a fait sourire
parce que c'est bien vu.
Claire
Je savais que ce livre avait compté pour moi,
mais je ne me souvenais pas de ce qui s'y passait. J'ai abordé
le livre accompagnée des autres livres de Perec que je connais
: Je me souviens,
Penser/Classer,
l'extraordinaire La
vie mode d'emploi. Et j'ai retrouvé aussi dans ma bibliothèque,
jamais vraiment lus, W ou
le souvenir d'enfance, Je
suis né, La
disparition et plein d'articles ou de programmes d'adaptations
théâtrales glissés dans les livres : je
pense au mémorable Je me souviens avec Samy
Frey qui faisait du vélo, et de la subtile adaptation
d'Anne-Marie Lazarini d'un livre que j'avais beaucoup aimé
Espèces
d'espaces à qui je l'ai prêté et qui
ne me l'a pas rendu ?... J'avais aussi en mémoire le film
Un homme qui dort (en
ligne ici) et j'ai lu le livre puisque le groupe de Tenerife l'a mis
au programme : sinistre, moins passionnant, mais j'aime la tenue tout
le long du livre d'un "tu" qui s'adresse au personnage. Nous
avions lu aussi dans le groupe Quoi
de neuf sur la guerre ? de Robert Bober, ami de Perec avec qui
il a fait un film, et j'avais vu assez récemment un film magnifique
de Robert Bober Vienne
avant la nuit. Je suis encore tombée sur un livre qui s'intitule
Je
me souviens de Je me souviens : je l'avais oublié
et m'en suis ressouvenue... (mais je ne me souvenais pas qu'il y avait
aussi un livre qui s'intitule Je
me souviens encore mieux de Je me souviens...).
J'arrête car je n'ai pas encore dit un mot des Choses, espèce
de bavarde hors sujet ! Je serais en direct, on m'aurait déjà
cloué le bec...
J'ouvre en grand ce livre qui m'a passionnée tout du long. Le livre
date de 1965 et j'ai eu l'impression d'être en pleine modernité.
La forme me captive avec ce pronom ils qui généralise,
tout en correspondant à ces deux prénoms, et avec la force
des temps : conditionnel, imparfait, futur, correspondant chacun à
une phase ; ces choix formels ne m'apparaissent jamais artificiels, gratuits.
J'aime le contraste de temps en temps entre la distance et la crudité
("le monde dans lequel
ils trempaient",
leur "plaisir
presque viscéral" des choses, "enfoncés
jusqu'au cou dans un gâteau dont ils n'auraient jamais que les miettes"
gâteau qu'ont relevé aussi Marie-Odile et Yolaine).
La scène avec les locomotives traînant des vaches grasses
est hollywoodienne ; quand jouent sur des terrasses colossales dix
mille cuivres, c'est Ben Hur ! On applaudit ! J'ai pensé au
château d'Orlando,
celui qui existe pour de bon, Knole (qui a 7 cours, 52 escaliers, 365
pièces) ou la
Tour Antilia découverte grâce à Chaudhuri.
Tout à coup m'est revenu le nom oublié d'une boîte
d'enquêtes pour laquelle très jeune j'avais travaillé
ponctuellement, la Cofremca.
Et d'un bout à l'autre du livre, une tension, et mine de rien des
rebondissements. J'allais dire une tension narrative, ce n'est pas exactement
cela... tout est tendu et ça avance inexorablement, avec cet imparfait
terrible.
Et tout ça pour quoi ? Pour que faire de sa vie ? ET qui être
? ET avec quelles valeurs ? ET avec un fond historique (la guerre d'Algérie)
ET sociologique (l'avènement de la publicité, les enquêtes
d'opinion). Jamais prétentieux ou sentencieux, et souvent profond,
très profond, ça résonne. Et un point de vue (le
narrateur/auteur...) tout le temps là, critique tout en étant
discret. C'est génial sur toute la ligne. Je pense à Houellebecq,
qui pourrait être son héritier. Le rapprochement d'Édith
avec Les
années d'Annie Ernaux que nous avions lu me semble très
juste.
Quand j'ai fini le livre, j'ai lu plein de... choses sur Perec, rendant
compte de ces découvertes ci-dessous. J'ai été
sciée de découvrir que ce roman était en large partie
autobiographique. Je n'ai pas ressenti la désespérance que
pointe Chantal, car la distance du narrateur m'a permis de tenir les émotions
à distance aussi.
Etienne
Tout d'abord, un petit mot de mise en situation : Claire m'a, au
péril de sa vie, envoyé par la poste l'ouvrage de Perec
que je ne m'étais pas procuré à temps. Comme dans
un bon polar... Bonne transition puisqu'il paraît que Les Choses
devait initialement en être un.
Paré d'une aura prestigieuse Perec étant tout
de même entré dans la Pléiade il y a 3 ans -
le roman en imposait tout de même de sa stature d'uvre visionnaire.
Le principal questionnement des initiés de Voix au chapitre
avait fuité quelques semaines en amont : "Est-ce qu'il
a bien vieilli ?" c'est-à-dire finalement : "Est-il
toujours d'actualité ?".
Tout de go, je dirais oui et non. Non car il est certain que pour un lecteur
comme moi, inévitablement, les nombreuses références
peinent à faire écho parfois, notamment leurs lectures,
ce style de vie bohème : difficile de s'imaginer ce que cela
représente quand ça n'existe plus. Par moment cela me paraissait
un peu comme du Balzac poussé à l'extrême. Donc visionnaire :
non. Aussi, vu de 2020, on a tout de même l'impression que ces années
60 furent d'une aisance de vie déconcertante : pas de chômage,
on accède à la classe supérieure avec un peu d'effort
mais sans réelle difficulté. J'ai tout même savouré
tous ces comportements très parisiens (la vie en groupe, la campagne
fantasmée) analysés à la façon d'un entomologiste
mais non sans autodérision.
Mais tout de même un grand oui, car le mécanisme, la force
motrice, cette quête du bonheur, bonheur lui-même intrinsèquement
assujetti au manque et à l'absence, oui, tout cela est intemporel
et brillamment décrit. Certes, le propos n'est pas révolutionnaire,
mais il ne suffit pas d'avoir une idée, il faut l'illustrer. Je
lisais que Perec affirma que ce roman n'était pas du tout une critique
du monde consumériste, oui, c'est parfaitement cela : il décrit
les mécanismes qui rendent possible le bonheur, c'est-à-dire
la tension que crée ce manque. Tension ? Oui, car si Jérôme
et Sylvie retardent le plus tard possible leur entrée dans la bourgeoisie,
conscients qu'ils ne pourront plus rien convoiter, leur vie à Paris
puis Sfax a tout de même un goût persistant d'inachevé.
Le bonheur n'est donc, épiphénomènes exclus, jamais
complet. Perec affirme aussi dans une interview ne pas être un écrivain
moraliste, j'en doute un peu, cela me paraît tout de même
illusoire et naïf. Comme il le dit si bien dans l'introduction de
sa conférence à l'université
de Warwick : "je
ne suis pas spécialiste de mon uvre. Le fait que je l'ai
écrite ne m'autorise pas à pontifier dessus".
Un mot sur la forme puisqu'elle est atypique : conditionnel, imparfait
et futur. Cela crée une grande connivence avec le lecteur et étrangement
ne rend pas la lecture trop lourde. À première vue, l'absence
de dialogue et d'introspection peut paraître froide, mais on sent
réellement de l'affection et la bienveillance de la part de Perec
pour ce couple (j'ai mieux compris en lisant sa biographie) ; ce
qui, à mon sens, marque sa grande différence avec Houellebecq
si l'on cherche à le comparer avec une autre écriture "sociologique".
J'ouvre Les choses aux ¾ car je pense qu'elle fait partie
des uvres à relire périodiquement.
Rozenn
Ce livre m'avait ennuyée autrefois et
pareil.
J'ai eu un petit espoir en commençant la deuxième partie
mais non
pareil.
Trop schématique, trop systématique.
Oui j'en ai connu des comme ça, des enquêteurs et
c'est différents des psychosociologues
! Ceux qui finissent
par s'insérer, s'installer.
J'en ai fait partie.
Je me suis "installée" avec mon petit ami au milieu de
caisses peintes en orange et on ne rêvait pas de Chesterfield. C'était
plus tard, je ne suis pas si vieille. Et sans ce délirant désir
d'objets. J'ai arrêté d'être vacataire et j'ai pris
un poste quand j'ai eu un bébé.
Comme toujours chez Perec : trop systématique, lourdingue,
aucun humour.
Il vaut mieux lire Bourdieu.
Séverine
Il s'agissait pour moi d'une relecture. J'avais lu Les choses il
y a quelques années. J'avais beaucoup aimé ce livre et mon
plaisir a été le même pour cette nouvelle lecture.
Je trouve ce livre extraordinaire car il date des années 60 et
on a l'impression qu'il a été écrit hier.
Certes, il manque Internet, le téléphone portable ou les
low cost, mais ce qu'il dit est toujours vrai. Il nous parle de nous (je
défie quiconque de ne pas s'y retrouver un peu, beaucoup
,
même si à cette seconde lecture, j'avais l'impression de
lire la description des bobos), de ce à quoi on aspire, cette quête
d'un bonheur qu'on ne sait même pas définir, de ce que l'on
vit finalement, de ses envies que l'on imagine bientôt satisfaites,
mais qui ne le seront pas, de notre procrastination naturelle à
ne pas faire ce que l'on devrait faire
Même si ce texte est
intemporel, on peut le replacer dans son temps, comme une belle description
de l'arrivée du monde de la consommation qui est pour nous désormais
chose courante. Il y a des choses désuètes qui invitent
à la nostalgie.
J'ai aussi beaucoup aimé le style : les descriptions qui ne
sont pas lassantes, la très belle utilisation des temps de conjugaison,
le juste choix des mots, cette progression constante du récit (c'est
très organisé, très carré) qui nous donne
envie de savoir ce qui va se passer, même si globalement il ne se
passe pas grand-chose. Bref, j'ai adoré ce livre que j'ouvre en
grand.
Brigitte (à l'abri en Normandie)
J'avais lu ce livre à l'époque où il est sorti. J'avais
à peu près tout oublié de cette lecture. Il me restait
seulement qu'il s'agissait d'un roman où il ne se passait pas grand
chose, contenant beaucoup de descriptions de "choses". Je ne
comprenais pas vraiment les raisons de son succès.
Je viens de le relire dans la version intégrale que Claire a envoyée.
Merci !
Ma lecture d'aujourd'hui est complètement différente. Je
trouve finalement cet ouvrage très intéressant, principalement
pour l'image qu'il brosse de la société française
au sortir de la guerre et aux débuts de la société
de consommation. Je m'interroge sur ce que donnerait un livre du même
genre sur la société actuelle, où sont passées
la numérisation, la mondialisation et l'écologie.
C'est aussi une sorte de roman d'apprentissage sur le passage à
l'âge adulte (à 30 ans) et la fin des illusions et des rêves
non pas irréalisables, mais qu'on n'a jamais eu le courage d'essayer
un tout soit peu de réaliser. À trente ans, on s'installe,
on renonce.
J'ajoute que l'écriture est vraiment intéressante. Quelle
maîtrise il faut de la langue pour pouvoir écrire tant de
descriptions sans être jamais lassant, ni répétitif.
A cause de toutes ces qualités, je l'ouvre aux ¾.
Pour terminer, j'ajouterai que Perec a été pour moi un lointain
collègue au CNRS dans les années 70.
Geneviève
J'ai, pour une fois et par force, accepté de lire Les choses
sur écran, et je l'ai lu avec une facilité qui m'a surprise.
Je dois dire que dans l'uvre de Perec, ce n'est pas le livre qui
m'avait laissé le souvenir le plus frappant. C'était il
y a très longtemps et j'avais un vague souvenir de quelque chose
d'un peu plat, dont je ne voyais pas bien l'intérêt, contrairement
à La
vie mode d'emploi et surtout La
disparition qui est pour moi un livre culte.
La relecture s'est avérée tout à fait intéressante :
plongée dans cet univers de la fin des années 50 et du début
des années 60 où j'étais trop petite pour pouvoir
m'en rappeler. Je n'étais pas non plus parisienne et Paris restait
l'objet d'une convoitise lointaine. Pourtant j'étais étonnée
de toutes les réminiscences que déclenchait la lecture,
notamment sur le rapport aux objets, au style, à la mode et sur
les relations entre jeunes adultes. C'est vraiment passionnant d'avoir
maintenant cette radiographie de la société de consommation
en plein essor, cette nouvelle génération d'après-guerre,
issue du milieu populaire et hésitant devant l'ascension sociale
qui les happe et qui les emprisonne. C'est vraiment, je pense, la racine
de cette crise de société violente que nous vivons aujourd'hui,
où nous arrivons au bout d'une dynamique enclenchée à
ce moment-là.
J'aime beaucoup cette écriture à la fois très factuelle
et où pourtant se glissent sans cesse une ironie subtile, un jeu
entre identification et détachement. Et le pari de ne décrire
que la surface, jamais rentrer dans la psychologie tout en restituant
si bien les relations d'un jeune couple.
J'ai été un peu déçue par l'absence de fin
réelle, mais ce refus d'une chute, au sens narratif classique,
est bien en accord avec ce qui est beaucoup plus un portrait d'une époque
et d'une génération que le récit de son histoire.
Encore un livre que le groupe de lecture m'aura permis de redécouvrir :
est-ce que ça en fait un livre "pour le groupe de lecture" ?
Je ne veux pas le savoir
Et je l'ouvre en grand !
Je vous embrasse tous et toutes, à distance ça ne risque
rien. Portez-vous bien et surtout à bientôt.
Denis
J'avais lu ce livre dans les années 60-70 et il ne m'avait pas
laissé un souvenir impérissable. Mais j'ai été
content de le relire à l'heure présente car il fait revivre
toute une époque. C'était ma jeunesse, bien sûr, mais
je n'ai pas trouvé le livre démodé. C'est un document
fondé sur des observations extrêmement fines et attentives.
On pourrait le considérer comme un ouvrage de sociologie qui renverrait
à La distinction
de Bourdieu (paru en 1979, donc bien plus tard) ou à Baudrillard
(Le
système des objets en 1968,
Critique de l'économie politique du signe en
1972). C'est le même monde que croquait Bretécher avec ses
Frustrés, dont on se régalait chaque semaine avec
les copains.
Mais ce que Perec apporte de plus qu'un ouvrage de sociologie, c'est,
d'un côté, son écriture stupéfiante, d'un autre
son amour des combinatoires.
L'écriture est farcie d'énumérations et de listes,
qui sont des feux d'artifices langagiers. Je crois que Perec aurait dit
qu'il espérait employer au moins une fois chacun des mots de la
langue française. Nous y sommes. En cela, il me fait penser à
Huysmans que nous avons lu récemment.
Mettre en langue, non seulement des objets matériels à n'en
plus finir, mais des objets abstraits aussi saugrenus qu'une démarche
pour demander
une augmentation à son patron... ou l'observation de la circulation
à un carrefour de Saint-Germain-des-Prés... Le résultat
n'est pas tellement un texte que l'on prend plaisir à lire pour
lui-même, mais plutôt une performance au sens de l'art contemporain.
Avec Les choses, pourtant, nous avons du plaisir à lire
comme un roman traditionnel. Peut-être parce que c'est son premier
roman. J'y trouve, à côté de la trame romanesque,
le goût des formalismes langagiers, dans le caractère systématique,
souvent répétitif, du propos. Les deux personnages ne sont
pas des personnages de roman, ce sont des profils-types, des marionnettes
qui n'ont pas de vie propre. On ne s'y attache pas, même si l'on
arrive à sympathiser ou plutôt à compatir.
Ce sont des abstractions. Dans la deuxième partie, ils me sont
apparus plus humains, plus chaleureux. Peut-être parce qu'ils sont
tellement misérables.
Perec, pour moi, c'est avant tout un génial expérimentateur
de l'écriture (l'homme "de lettres" au sens de
l'alphabet). Un type totalement original, une mine de trouvailles que
j'ai envie d'explorer plus avant, même si j'en connais déjà
quelques-unes. Je crois qu'il faudrait arriver à considérer
l'ensemble de son uvre sous un même regard pour caractériser
sa cohérence, notamment concernant le rôle structurant des
formalismes.
J'ouvre en grand.
Françoise
Ce n'est pas un roman, mais "une histoire des années 60".
Je l'avais lu bien sûr, mais n'en avais gardé qu'une vague
idée, et je trouve très bien de l'avoir relu, à la
lueur d'une nouvelle époque. Les années 60, la société
de consommation. Déjà, je pense que quand il l'a écrit,
Perec n'avait pas encore entendu parler des situationnistes et de la Société
du spectacle. Alors maintenant, c'est dépassé, mais
témoignage d'une époque que j'ai connue, et bien sûr
je me suis reconnue partiellement dans ce récit,
l'acquisition des "choses", la coopération, (pas moi
perso, mais les amis), etc. Je serais curieuse d'avoir l'avis des plus
jeunes qui n'ont pas connu cette époque, s'y retrouvent-ils tout
de même ou bien y sont-ils complètement étrangers ?
On ne sait pas très bien où se situe l'auteur dans tout
ça, il dit que ce n'est pas une condamnation de la société
de consommation, mais tout de même
On ne sent aucune sympathie/empathie
pour ce couple avec ce style extérieur, clinique, qu'il a choisi.
On ne connaît jamais leurs sentiments, on ne parle pas d'amour,
de désir d'enfant ? Le temps utilisé, le passé,
se transforme vers la fin en conditionnel puis futur, comme s'il voulait
en finir vite. Comment interpréter ?
Les interprétations, y a de quoi faire. Par exemple, quand le livre
est sorti, certains ont trouvé Jérôme "paresseux"
parce qu'il laisse Sylvie travailler pour les deux. Aujourd'hui, on ne
dirait pas plutôt "machiste" ?
J'ai aimé l'écriture, la forme du récit, comme les
autres livres de Perec, il nous emmène et nous fait partager un
univers nouveau.
Alors maintenant que reste-t-il ? Ce livre est-il toujours d'actualité ?
Je dirais oui, tout de même, sous d'autres formes. Il y a de quoi
discuter, c'est bien un livre pour le groupe lecture! Qui l'avait proposé ?
Je l'ouvre aux ¾ (pas en grand parce que ce n'est pas mon préféré,
j'avais beaucoup aimé La vie mode d'emploi).
Catherine
Je ne connaissais Georges Perec que de nom, mais n'ai jamais lu aucun
de ses livres. J'ai été d'emblée très intéressée
par ce livre, par son sujet, celui de la fascination pour la possession
des objets, qui symbolisent pour les deux héros et leurs amis la
richesse, mais aussi un art de vivre, l'accès à un monde
supérieur, détaché des contraintes du travail et
de la vie quotidienne. J'ai beaucoup aimé l'écriture très
simple, la description précise et détaillée des choses
et des lieux dont rêvent les personnages, qui prend beaucoup plus
de place que les personnages eux-mêmes qui sont plutôt esquissés.
J'ai appris quelques mots nouveaux à cette occasion (portulan
par exemple). Il y a des passages assez drôles, sur les enquêtes
d'opinion, sur la hiérarchie des chaussures. C'est à la
fois un peu daté et très actuel. J'ai moins aimé
la partie tunisienne, qui m'a paru plus conventionnelle.
C'est un livre qui fait réfléchir je suis très contente
de l'avoir lu ; je l'ouvre aux ¾.
Nathalie R
J'ai un verre de blanc à ma gauche, la machine à coudre
à ma droite... j'ai envie de m'enivrer... la musique de Manu Dibango
en fond de scène et la famille qui vaque de ci-de là...
J'ai le cur lourd mais pas plus que tout un chacun.
J'ai lu Les choses et Les choses sont venues à moi.
Je l'avais déjà lu. La même impression, la même
sidération.
L'impression que le temps s'était suspendu. Que ceux d'avant étaient
les mêmes que maintenant. Vivre et désirer. Désirer
les choses qui me font appartenir à un groupe, qui me rendent moins
seule, qui attestent en fin de compte du peu de ce que je suis. Un peu
comme ces couples qui mettent des mois à trouver le prénom
d'un enfant pour se rendre compte, 4 ans plus tard, que 5 ou 6 bambins
portent exactement le même nom que le leur.
Donc, oui, toutes ces choses que nous désirons, que parfois nous
réussissons à acquérir, que nous regardons (Carrousel
du Louvre) tout en sachant que jamais nous n'aurons, ne serait-ce que
dix pour cent de la somme nécessaire pour les acquérir.
J'adore cette première partie qui me renvoie à ce que je
connais, qui m'interroge sur mon identité, sur l'identité
de certains qui m'entourent.
Que contiennent nos maisons qui sont de l'ordre d'un véritable
choix ? Quel objet inhabituel vient rompre l'harmonie ? J'aime
regarder autour de moi et répondre silencieusement, parce que moi
comme vous, je pense, je le sais pertinemment. Enfin, je crois (effet
du vin blanc et de la fatigue mélangés). Oui, j'aime tout
dans cette première partie qui tourne au tableau sociologique et
dont la mise à distance me convient tout à fait car on ne
sait presque rien : pas de psychologie, pas de focalisation "interne"
(ou alors j'ai mal vu)... bref, un pur tableau. Et j'adore plus particulièrement
quand l'appartement se vide de toutes ces choses.
Oui, j'aime Perec et sa tentative de nous montrer ce que nous sommes.
La deuxième partie m'a fait rire car je m'y suis somme toute retrouvée.
Premièrement, parce que j'ai vécu plus de 25 ans à
l'étranger et que j'ai retrouvé des détails amusants,
le choix de l'appartement, les meubles, la reproduction d'un univers transplanté.
Le besoin de retrouver des éléments qui permettent de se
croire en Europe (passage du café, et de la lecture du journal)
ça me rappelle cette recherche insensée de "froid"
quand, une fois l'harmattan installé, je regardais la brume à
travers le pare-brise de ma voiture et la clim allumée, je pouvais
imaginer que c'était l'hiver, tant chéri, tant regretté...
Mais l'identification s'arrêtait net, car je n'ai pas vécu
la façon dont ils le vivent. Cette incapacité à briser
la glace de l'altérité, cette incapacité à
"entrer" dans l'autre, à l'appréhender, à
vivre avec. Mais pour avoir vécu au Maroc aussi, j'ai vraiment
pu imaginer ce par quoi ils passaient.
J'ai lu la moitié de sa conférence
(pas eu le temps de la terminer) et j'aime cette revendication que l'on
retrouvera plus tard largement chez Perec. Écrire oui, écrire,
ce n'est pas forcément "raconter".
Bonne soirée mes amies, amis, lointain.e.s.
Nathalie B
(du nouveau groupe parisien ainsi que les avis suivants)
Je ne sais pas pourquoi je n'avais jamais eu envie de lire un livre de
Perec. Sans doute parce que j'avais ouvert et lu quelques lignes de Je
me souviens qui m'avait rapidement agacée. Je devrais peut-être
essayer maintenant ne serait-ce que sans doute pour le côté
anthropologique que cela peut avoir. Indéniablement Perec sait
écrire et faire surgir des images avec ses énumérations
de "choses". Ce roman a également un aspect anthropologique.
La façon dont il évoque Jérôme et Sylvie, ce
très jeune couple que nous allons côtoyer sur moins d'une
décennie d'existence, permet immédiatement la distanciation
nécessaire pour le lecteur qui s'interroge sur les aspects d'une
vie axée sur l'avoir. On ne peut s'empêcher d'avoir envie
de les défendre face à Perec qui ne semble avoir aucune
pitié pour eux. Et je me suis souvent dit à la lecture que
outre son aspect de dénonciation d'une société de
consommation, on sentait poindre les angoisses même de l'auteur,
qui avait 28 ans lorsqu'il a rédigé ce récit. Comment
se construire la vie de ses rêves plutôt que rêver sa
vie sans déroger à sa soif de liberté ? Choisir
d'être le loup ou le chien de la fable ? Notre jeune couple
finira comme tous leurs amis à "s'installer" dans la
vie active. Peut-être réaliseront-ils alors leur rêve
d'avoir un chez soi à la hauteur de leurs désirs de possession.
Peut-être cela leur suffira-t-il. Ce qui est certain, c'est que
cela n'aurait pas suffi à Pérec qui s'effraie au moment
de l'écriture de terminer ainsi. J'ai éprouvé un
vrai plaisir de lecture à me balader dans les années 60.
Il y a des moments où il m'a fait penser à Flaubert. L'éducation
sentimentale bien sûr qu'il cite lui-même puisque ses personnages
sont aussi velléitaires que Frédéric, mais aussi
Salammbô par certaines descriptions foisonnantes. J'ouvre
aux ¾.
Anne
Je n'ai finalement pas vraiment lu Les choses, j'en suis à
la page 50 et ne peux m'engager que sur ces pages. Je n'accroche pas,
en dépit d'une très belle écriture. Celle-ci me semble
trop au service de la description de personnages falots que l'auteur n'aime
pas. Perec rend tout négatif à propos de l'évolution
de la petite bourgeoisie (même lorsqu'elle tente d'être créative
avec les objets du marché aux puces). La référence
à une grande bourgeoisie inaccessible est désespérante.
Ce livre parle d'ailleurs peut être du désespoir
en
ce sens il serait réussi. Le personnage qui s'est acheté
des chaussures anglaises qu'il abîme à la longue dans la
boue, aurait pu être un passage émouvant, mais non, l'homme
est tourné en dérision, moqué, critiqué. Je
n'ai sans doute pas suffisamment bien lu le livre, ni surtout lu l'évolution
de l'histoire, s'il y en a une, mais Perec dans ces premières pages
m'a agacée, car son habileté à écrire est
utilisée de façon négative en tous points. C'est
comme s'il avait un compte à régler avec la petite bourgeoisie
(que je n'affectionne pas particulièrement, ce n'est pas la question).
Je fais donc ici plutôt part d'un sentiment qui s'est forgé
à la hâte, plutôt que d'un avis fondé sur une
lecture entière. A ce stade je n'ose pas affirmer que je l'ouvre
à moitié. Bien sûr, il y a peut-être dans ce
livre, là où je n'ai pas été, des coups de
théâtre qui font virer de façon inattendue l'histoire !
Je suis ouverte au fait que l'on peut avoir une autre lecture que celle
que je viens d'émettre. Par exemple plus philosophique quand à
ce qui est "choséifié" dans notre société,
"esthétisé", où objets et individus sont
les victimes d'une triste époque, ce qui donnerait une dimension
plus large à ce texte. Néanmoins
il me faudrait abandonner
le désir d'avoir un rendez-vous "émotif" avec
l'auteur. Mais pourquoi pas. Une période de confinement peut aussi
enrichir l'esprit de cette manière plus intellectuelle.
Christine
J'ai lu Les choses il y a près de 40 ans et je n'avais le
souvenir que de l'avoir lu
Je m'y suis plongée avec délice. J'y ai retrouvé
une époque révolue. Les années 60, c'était
le début des années de consommation, les années de
guerre étaient oubliées.
Nous rencontrons Sylvie et Jérôme alors qu'ils ne sont pas
encore insérés dans la société, qu'ils la
contestent, qu'ils rêvent d'une vie future pleine de choses.
Bien qu'ils fassent le choix de vivre en marge et qu'ils refusent l'assujettissement
du travail, ils sont très attachés aux apparences. On est
plutôt de gauche parce que c'est ainsi qu'il faut penser, on manifeste
contre la guerre en Algérie quand on ne risque rien et parce que
c'est ainsi qu'il faut se conduire, il faut porter ces chaussures-là,
ces habits-là
Ils cherchent à se conformer à
un idéal dont ils sont prisonniers.
Perec n'a pas besoin de décrire littéralement les sentiments
et les pensées de Jérôme et de Sylvie, tout transparaît
à travers ses descriptions. Le livre commence avec l'emploi du
conditionnel (ce que serait l'habitation de Sylvie et Jérôme)
et se termine sur le futur (ce que sera leur vie). N'est-ce pas le propre
de la jeunesse que de contester la société, ou plutôt
n'était-ce pas le propre de la jeunesse ? 1968 n'est pas loin.
Mais, la jeunesse s'estompant, il faut bien y trouver sa place
Jouvre le livre en très grand !
Anne-Marie
Ce couple a priori nest pas très sympathique. Outre quils
rêvent de "choses" et de possessions, ils sont velléitaires,
paresseux, conformistes. Ils rêvent leur vie, qui devient de moins
en moins agréable au fur et à mesure que la réalité
séloigne de leurs rêves. Ils ne veulent pas des contraintes
de ce quon appellerait aujourdhui la vraie vie, ils se trouvent
de forts alibis intellectuels pour ne pas entrer dans le monde du travail ;
ils se voient en éternels dilettantes entourés de leurs
amis qui comme eux, nauraient pas changé. Le problème
est là , ils se rêvent toujours étudiants, heureux
et insouciants alors que tout change autour deux. Même leur
engagement politique manque dimplication et de chaleur, ils ne sont
quà la surface des choses et ratent le tournant du vrai engagement.
Parce que les choses sont plus importantes que les êtres ??
Leur expérience tunisienne est elle aussi un peu irréelle,
ils passent carrément à côté du pays, ne voient
rien, sont dénués de la moindre émotion.
Cest le mot clé : Jérôme et Sylvie sont
des purs produits de leur époque, lémotion en moins,
alors que lépoque était certainement fertile dans
ce domaine. Ils arrivent à la traverser sans aucune conscience,
sans vraiment décider de leur vie, et donc, de manière inéluctable
ils finissent là où ils ne voulaient pas aller.
Cest un double portrait, dérangeant, subtil, crédible.
Et le monde des années soixante vu par Perec ma enchantée.
Jouvre totalement.
|
||||
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
||||
à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
Lisa
Totalement d'accord avec Annick A
: le séjour tunisien est invraisemblable.
Et contrairement à Monique, je n'y vois
pas du tout une réflexion sur le couple : ils sont côte
à côte, ils vivent ensemble mais c'est tout. Il n'y a rien
sur la passion, la sexualité...
Claire
Si cest un livre-pour-le-groupe... ? Que celui ou celle
qui ose poser cette question soit confinée un jour de plus !
Séverine
Si jai adoré ce livre et que je louvre en grand, je
reconnais que la seconde partie en Tunisie ma un peu moins séduite,
même si elle contrebalance bien la première partie
une tentative vers autre chose
Françoise
Leur séjour en Tunisie me paraît très vraisemblable.
Il est difficile de communiquer avec les autochtones, surtout à
cette époque. Le statut de "coopérant" implique
exactement cela. Il ne peut y avoir que des relations limitées
et superficielles. Mais il est vrai que Jérôme n'a rien tenté
semble-t-il.
Monique L
Pour répondre à Lisa, il nest pas question de sexualité
dans ce couple, mais d'un partage qui me semble plus quévident,
d'aspirations communes, déchanges qui me sont très
sympathiques.
Nathalie R
Françoise écrit :"Jérôme
"paresseux" parce qu'il laisse Sylvie travailler pour les deux.
Aujourd'hui, on ne dirait pas plutôt "machiste" ?"
C'est amusant, parce que je me souviens dans les années 70 que
mon parrain était considéré comme un moins que rien
parce que c'était lui qui "gardait les enfants à
la maison" et ne travaillait pas. Il était tout SAUF un
machiste.
Françoise
Oui, mais eux n'ont pas d'enfant, Jérôme est totalement oisif.
Nathalie
Je ne comprends pas ce qu'il y a d'invraisemblable au séjour tunisien.
Pouvez-vous argumenter ???
Françoise
Justement moi je trouve cela totalement vraisemblable (cf. mon
avis).
Nathalie R
Merci Françoise... oui, mais attendons de voir les arguments. Et
je peux attester que j'en ai rencontré pas mal des "comme
ça"... qui ne sinstallaient que du bout du bout du "cul"
sur leur cantine en métal afin damasser la somme qui servirait
à payer cash la maison en France.
Lisa
Ils veulent du changement, atterrissent dans une ville non choisie. Et
pendant presque un an, ils vont dans le même restaurant, ils disent
que la partie maghrébine de la ville, ils n'y comprennent rien
et n'y vont plus. Pourquoi partir ? Ils ne parlent à personne.
Ça ne me semble pas crédible.
Danièle
Le voyage en Tunisie nest pas invraisemblable en soi. Beaucoup de
gens décident de partir à létranger pour fuir
leur vie. Mais là, cest le vide quils fuient, et en
fait ce vide les poursuit où quils soient. Et ça,
ce nest pas si invraisemblable.
Séverine
Je suis daccord avec Danièle : bien vu !
Monique L
Je suis daccord avec Danièle quant au séjour en Tunisie.
Geneviève
Et pourtant... j'en ai connu beaucoup aussi, pas seulement pour payer
la maison mais parce que l'étrangeté, quand c'est tous les
jours, c'est beaucoup moins drôle...
Nathalie R (toujours le verre à la main)
Je vous dis (hips !) que j'en ai vu pas mal.. même des.. qui
n'avaient JAMAIS mangé un truc africain ou qui n'étaient
jamais allés dans un "maquis" (restau tradi de rue)...
J'en connais encore (des Américains) qui ne sont JAMAIS sortis
de leur "camp" sauf pour se rendre à l'aéroport
et en revenir et/ou au consulat.
Annick A
Cest vrai Nathalie, mais à ne correspond pas au profil de
ce couple.
Lisa
Oui c'est vrai, vous avez raison, du coup c'est encore plus déprimant
de lire ça. Et ça me rend le couple encore moins sympathique.
Ils n'ont rien, à part le cinéma et leurs envies de luxe.
Annick L
Ce départ en Tunisie n'est pas un véritable projet, c'est
plutôt une fuite en avant à un moment où leur situation
à Paris devient insupportable. Alors là ou ailleurs, ils
sont toujours aussi mal.
Et puis ce ne sont pas des êtres désirant, ouverts aux autres...
ils tournent en rond sur eux-mêmes !
Danièle
Mais oui, Lisa, je trouve aussi que ce livre est déprimant. Cest
le spleen ! Mais cest tout son art que de nous le faire sentir.
Nathalie R
Lisa, je n'ai jamais cru que tu croyais au couple !
"Le voyage en Tunisie
nest pas invraisemblable en soi. Beaucoup de gens décident
de partir à létranger pour fuir leur vie. Mais là,
cest le vide quils fuient, et en fait ce vide les poursuit
où quils soient. Et ça, ce nest pas si invraisemblable."
C'est typiquement un topique (topoi ?) de la littérature cette
idée de fuite en avant.
Renée
En lisant les avis, je suis étonnée que personne n'ait évoqué
la question du travail.
J'avais à peu près 20 ans à la parution du livre...
Le travail était une valeur indiscutable : on travaillait,
sinon, on n'était RIEN..
Avec les prémisses de 68, on a commencé à penser
que le travail entravait la liberté.
Jamais on n'aurait osé écrire ça avant.
Françoise
Oui. Après 68 le rapport au travail a totalement changé.
On admirait ceux qui arrivaient à vivre du chômage. ça
a de nouveau changé dans les années 80..
Annick L
Le rejet de la valeur travail est effectivement venu en mai 68, comme
l'opposition entre les valeurs "Être" ou "Avoir".
Dans ce roman, les deux jeunes gens poursuivent décidément
un rêve paradoxal : vouloir être riche pour acheter la
terre entière, mais ne pas se laisser enfermer par le travail.
Pas étonnant qu'ils aillent dans le mur !
Nathalie R
Il me semble quand même que le livre soulève le thème
des "héritiers"... Ils n'ont pas accès parce qu'ils
ne sont pas nés nantis et cela est exprimé. Il me semble
qu'il doit y avoir une sorte de "clef" dans la maison tarabiscotée
de la fin du séjour de Tunisie. Une sorte de monstre à mille
tentacules.
Il ne me semble pas que ce couple soit un couple engagé (au sens
sartrien du terme)... ils justifient quand même leur départ...
et l'échec de leur installation est typiquement flaubertien...
il y a de l'EMMA B. dans cette femme...
Françoise
En fait moi mes amis qui sont partis en coopé l'ont fait après
68, constat d'échec de la "révolution". Sylvie
et Jérôme partent avant et l'analyse est forcément
différente.
Annick A
Peut-être nai-je pas supporté le vide chez ce couple.
Monique L
Je nai pu mempêcher de rapprocher ce couple de ceux
qui, quelques années plus tard, ont fait un retour à la
nature et qui pour le plupart sest terminé par un retour
à la "normalité" du travail.
Françoise
Oui, c'est mais là c'était vraiment une volonté de
refuser la société de consommation.
Lisa
Je crois surtout qu'être en couple implique de la passion, du sexe
(oui je me répète) sinon ça s'appelle de l'amitié
et pas besoin de vivre ensemble. Surtout pour un couple de moins de 30
ans.
Françoise
En fait ils n'ont pas analysé leurs motivations, en tout cas l'auteur
ne nous le laisse pas penser. Du coup, je reviens à sa motivation
à lui, l'auteur ? Puisqu'il dit que ce n'est pas une critique
de la société de consommation.
Monique
Cest vrai quil nest pas question de sexe dans le livre,
mais je nai jamais cru quil ny en avait pas. Je pense
que cest un choix de lauteur de ne pas le mentionner.
Françoise
Comme quoi on projette, on fantasme... autant de clés extérieur-intérieur,
vive le groupe lecture ! lol
Lisa
Oui, probablement, mais ça me rend pas le couple très sympathique,
ça reste froid. L'écriture joue un rôle là-dedans.
Vous avez ressenti de l'empathie pour les personnages ?
Françoise
De l'empathie pour les personnage, non, mais c'est exprès, c'est
un examen clinique d'un couple, etc.
Danièle (revenant à la remarque de Nathalie)
J'ai vérifié le sens de topoi... Ah bon ! "désigne
un arsenal de thèmes et d'arguments en rhétorique antique
dans lequel puisait l'orateur afin d'emporter l'adhésion de ses
auditeurs". En quoi cet argument est-il seulement rhétorique ?
Nathalie R
Non, c'est pas dans ce sens !
Un topos est un sujet littéraire qui revient souvent jusquà
constituer un thème récurrent et attendu dans la littérature.
Par exemple, dans un roman, le topos de la rencontre amoureuse (voir ICI).
Le topos est un lieu commun en littérature, comme la rencontre
amoureuse, le premier regard, etc.
Danièle
Ce nest pas pour autant que le thème de la fuite en avant
ne correspond pas à une réalité, celle quil
veut justement décrire ici.
Monique
Les personnages sont volontairement traités pour être généralisables
et cest ce qui ma plu.
Françoise
Oui, mais je continue de me demander : où est l'auteur ?
Geneviève
Dans le conditionnel...
Françoise
Merci Geneviève.
Claire
Dans le conditionnel, tout à fait daccord avec Geneviève
! Et pas seulement. Lauteur est là, dans ses procédés
de distance et, en en jouant, et il touche le lecteur.
Denis
Moi je crois que le séjour en Tunisie, c'est pour construire un
symétrique à la vie à Paris. On peut sans doute opposer
terme à terme des caractéristiques parisiennes et sfaxiznnzq.
Du formalisme, quoi...
Claire
Pour changer du couple mais rester dans les sens... Vous navez pas
ressenti un effet physique avec les changements de temps ?
Et le chapitre où ça semballe avec les vaches et le
requiem, vous ne trouvez pas ça génial ?
Quand je pense que Rozenn a fermé le livre, vraiment ça
me désole...
Lisa
Je ne vois pas du tout de quoi tu parles. J'ai sauté certains passages.
Parfois après quelques pages, je me rendais compte que je lisais
mécaniquement sans rien retenir.
Claire
C'est à la fin de la première partie, regarde, c'est génial.
Lisa
Je lai lu sur ma liseuse, ça va pas être évident de
retrouver le passage. Tu peux me donner le numéro de page ?
Claire
C'est le chapitre 10 : le voilà,
là !
Françoise
D'accord avec toi Rozenn, on est tous des bobos ! Il suffit de changer
les codes.
Monique
Dans un des documents mis en ligne par Claire, lauteur dit quil
n'a volontairement pas parlé de la relation amoureuse dans le couple.
Denis
Oui, c'est un couple "simplifié", une abstraction de
couple. Ce n'est pas un couple, mais un être double. La relation
entre eux n'est jamais évoquée, ne pose jamais problème.
Geneviève
Si, au début, leur malaise est évoqué face à
un logement étriqué, le fait qu'ils s'endorment sans se
parler.
Nathalie B
Je trouve pour ma part le couple totalement crédible. On n'a pas
besoin d'aller dans sa chambre à coucher pour surprendre leurs
ébats pour le trouver. Ils partagent le goût des belles choses,
le goût de chiner, les soirées entre amis. Ils se ressemblent
beaucoup, c'est vrai, mais on les imagine aisément parler de ce
qu'ils aimeraient faire mais ne font pas. Ils se ressemblent aussi. Ce
qui est somme toute également très vraisemblable.
Annick L
Moi ce qui m'a fait plaisir ce soir, c'est le fait de lire vos avis, fort
divers mais souvent très argumentés, parce qu'ils sont rédigés.
Une expérience bien différente de nos rencontres habituelles
avec nos échanges en direct, à l'oral. Et je trouve que
vos critiques, dans l'ensemble, rendent hommage à la richesse de
cette uvre. Même Etienne, qui est beaucoup plus jeune et qui
n'a pas nos références (avec la petite pointe de nostalgie
que cela peut nous procurer), a trouvé ce livre intéressant,
s'est senti concerné... alors c'était bien un livre pour
le groupe lecture (question initiale de Claire). Merci pour cette expérience...
Geneviève
Tout à fait d'accord avec Annick !
Françoise
Moi aussi !
Bon, je ne vais pas tarder à vous laisser pour le prime time de
la télé, en ce moment Canal est en clair ! Lol ?? Ah la
société de consommation ?? Hihihi...
Claire
Lisa qui a encore 20 ans na quant à elle pas du tout été
bluffée par Les choses.
Annick L
Oui c'est vrai que Lisa est restée totalement en dehors et Rozenn
a détesté aussi. Ce n'est donc pas une question de génération
!
Denis
Je vais quitter l'écran.
J'ai bien apprécié tous les avis postés, merci à
tout le monde.
Par contre, la discussion par mail, je n'arrive pas à suivre. C'est
difficile de voir quel mail répond à qui...
Séverine
En tout cas, on a beaucoup de CHOSES à dire (mais que sont vraiment
ces choses dont il nous parle ? Les choses de la vie pour reprendre
le titre dun film célèbre ?...)
Annick A
Tous ces échanges mont beaucoup intéressée.
Merci à vous. Je vous laisse pour ce soir. Bonne soirée.
Fanny, rentrant de sa soirée (quoi ! pas confinée ?!)
Je n'ai pas suivi qui a parlé du rapport entre être et avoir
mais je suis d'accord pour moi la dialectique essentielle est sur ce point
(enfin c'est ma propre perception, de là à dire ce que Perec
a voulu transmettre...)
Françoise, ils semblent peut-être vouloir s'affranchir de
cette société de consommation, mais je pense qu'ils en sont
totalement esclaves au sens où ils ne sont rien sans elle quand
bien même ils tenteraient de s'inscrire en opposition.
Pour moi le couple est ici une entité telle qu'il ne reste que
peu de place pour chacun...
Ah... mais j'ai lu en décalage... Il me reste à lire vos
avis complets. Bonne fin de soirée.
****
Fin des échanges effectués par mel pour cause de confinement :
ils auront duré 1h 30...
****
Et en prime, un article de Perec sur la
lecture
une "esquisse socio-physiologique"
centrée sur le corps dans la lecture : utile pour varier ses postures
de lecteur confiné...
Le groupe
de Tenerife, également confiné,
a lu Un homme qui dort
Nieves
"Tout est déjà
prêt pour la mort", phrase dans une des premières
pages du livre. À quoi bon aller passer un examen ? Le récit
commence par le renoncement du jeune protagoniste (25 ans) à se
présenter à un examen. C'est le début d'un procès
vital en solitaire, comparable à une expérience de laboratoire,
mis en uvre par quelqu'un qui voudrait échapper d'un environnement
qui n'a plus de sens pour lui, dans la ligne de la philosophie de l'absurde.
Alors il se dit "Tu
as tout à apprendre : la solitude, l'indifférence,
la patience, le silence". La mansarde où il vit
deviendra "la plus belle
des îles désertes" où il se prépare
à tuer le temps par "une
vie immobile, sans crise, sans désordre : nulle aspérité,
nul déséquilibre
Cependant, ce projet a des étapes différentes : l'apathie
dans la chambre en regardant les dessins des murs et les trois paires
de chaussettes dans une cuvette rose en plastique
, les promenades
dans la forêt chez ses parents à Auxerre où il ne
parle à personne, la phase où il décide d'organiser
ses journées en faisant toute sorte d'activités (il parcourt
les rues de Paris, visite les musées, lit le journal, joue aux
cartes, au billard
) "T'importe
seulement que le temps coule et que rien ne t'atteigne "tu te détaches
de tout ...tu découvres avec une sorte d'ivresse que tue es libre,
rien ne te pèse, ni te plaît ni te déplaît",
pourtant "tu es libre
mais tu ne choisit rien".
Puis, il revient à nouveau à l'abandon des activités,
à s'enfermer dans sa chambre. "Tu
n'es plus qu'un il (
)
qui voit tout (
).Tu
n'es pas mort et la mort même ne saurait te délivrer".
Alors, il traîne et ne peut plus dormir "Tu
es seul et tu dérives (
). Tu ne connais personne et tu es
seul. Rien ne t'échappe, mais tu ne saisis rien".
Il retourne à l'ordre, il range sa chambre, mais commence à
penser au voisin et s'imagine que le voisin peut aussi penser à
lui. Il arrête de se croire sauvé. Pourtant, il n'a plus
de refuge et a peur. "Atteindre
le fond ne veut rien dire".
"Tu n'as rien appris,
sinon que la solitude n'apprend rien, que l'indifférence n'apprend
rien: c'était un leurre (
) l'indifférence est inutile
[elle] ne t'a pas rendu différent"
Au fil du temps, tout l'amène, donc, à constater que ce
projet qu'il s'est proposé de mener à bout, a été
un échec.
"Cesse de parler comme
un homme qui rêve". C'est la phrase qui résume
son parcours.
Ce qui m'a apporté cette lecture, c'est le souvenir lointain de
ma première année de séjour à Paris où
j'ai aussi vécu dans une mansarde et où j'ai fait certains
des parcours en ville réalisés par le personnage. Peut-être
j'ai aussi senti pouvoir comprendre certains de ses états d'esprit,
communs chez des jeunes gens de province qui quittent leur milieu familial
et peuvent se sentir trop dépaysés au départ dans
une grande ville qui, apparemment, leur offre tout un éventail
de possibilités. Ils doivent alors subir, comme le protagoniste
de Un homme qui dort, différentes transformations au long
de leur séjour, jusqu'au moment où ils réussissent
à trouver leur place dans ce "nouveau monde". Il y en
a quand même qui ne réussissent pas et retournent à
leur endroit d'origine, ou restent enfermés dans une bulle
Ana
J'ai dû relire Un homme qui dort que j'avais lu il y a une
quinzaine d'années et dont je ne gardais aucun souvenir.
J'ai donc commencé ma deuxième lecture comme si c'était
la première. Au début, je suis entrée dans cette
chambre de bonne qu'un jeune homme avait décidé de ne pas
quitter et de ne rien faire d'autre que de dormir. Tout à coup,
je me suis sentie étouffée, dans cette atmosphère
pesante et déprimante et par les lourdes répétitions
par exemple : six chaussettes dans la cuvette de matière plastique
rose. En revanche, j'éprouvais un soulagement et même du
plaisir lorsqu'il abandonnait sa chambre et se baladait dans les rues
de Paris nous montrant ça et là, places, coins, parcs, cafés
bref, une ville animée, pleine de lumière qu'il voyait sans
même regarder .Ce qui est bien regrettable pour lui car il erre
dans la rue, dans la vie, sans but, comme un somnambule.
J'ai trouvé ce récit triste, déprimant, quelquefois
ennuyeux.
Abandon et indifférence devant toute chose ? Faut-il avoir
du courage pour vivre une telle expérience ? Je l'ignore.
Je dois avouer que parfois cette idée de laisser aller et de fuite
m'a traversé l'esprit. Mais à quoi ça servirait ?
Lourdes
Je dirais que cet "homme qui dort" est Georges Perec lui-même
à un moment de sa vie. Perec, issu d'une famille juive, voit comment
son père part à la guerre (deuxième guerre mondiale)
et ne revient plus parce qu'il y rencontre la mort ; sa mère et
sa tante sont arrêtées par la police française puis
déportées à un camp de concentration et perdent leur
vie ; ses grands-parents n'échappent pas non plus à un sort
terrible. Avec une biographie comme la sienne, il ne serait pas étonnant
que pendant la plupart de son existence l'auteur de cette uvre intime
ait subi une immense solitude et un sentiment de détachement de
la réalité ressentis par le jeune homme de vingt-cinq ans
du roman habitant une petite chambre : "un
boyau en soupente" qui lui "sert
de chambre, ce galetas long de deux mètres quatre-vingt-douze,
large d'un mètre soixante-treize
"
La personne employée est la deuxième du singulier comme
si Perec s'adressait à lui-même à travers l'unique
personnage mis en cause. Le style est simple, souvent des phrases juxtaposées
qui donnent au récit un rythme de cadence qui pourrait transmettre
l'idée de la vie qui passe, monotone, jour après jour, sans
que rien d'important vienne changer une existence sans espoir : "Ceci
est ta vie. Ceci est toi. Tu peux faire l'exact inventaire de ta maigre
fortune, le bilan précis de ton premier Quart de siècle.
Tu as vingt-cinq ans et vingt-neuf dents, trois, chemises et huit chaussettes
",
"Tu es assis et tu ne
veux qu'attendre, attendre seulement jusqu'à ce qu'il n'y ait plus
à attendre : que vienne la nuit, que sonnent les heures, que les
jours s'en aillent, que les souvenirs s'estompent".
Un autre recours employé est la répétition, comme
une espèce de refrain d'une chanson triste ; il s'agit d'une
image sur laquelle il pose son regard : objets simples et certains bruits
qu'il reconnaît dans son étroit univers :
"Tu regardes, d'un il
maintenant presque fasciné, une bassine de matière plastique
rose qui ne contient pas moins de six chaussettes".
"Tu regardes la bassine,
l'étagère, tes genoux, ton regard dans le miroir fêlé,
le bol, l'interrupteur. Tu écoutes les bruits de la rue, la goutte
d'eau au robinet du palier, les bruits de ton voisin".
Puis, au centre, cette bassine rose, qui représente pour moi le
seul point lumineux dans un univers en blanc et noir, le symbole de l'espoir
qu'un jour tout peut changer.
Toutefois, les heures qu'il passe seul dans sa petite chambre lui servent
aussi à la réflexion :
"À un moment
donné, il faut à tout prix s'arrêter, réfléchir,
bien peser la situation.", " Tu
peux être Dieu des chiens, Dieux des chats, Dieux des pauvres, il
te suffit d'une laisse, d'un peu de mou, de quelque fortune, mais tu ne
seras jamais maître de l'arbre. Tu ne pourras jamais que vouloir
devenir arbre à ton tour."
"Ce sera devant toi,
au fil du temps, une vie immobile, sans crise, sans désordre :
nulle aspérité, nul équilibre. Minute après
minute, heure après heure, jour après jour, saison après
saison, quelque chose va commencer qui n'aura jamais de fin : ta vie végétale,
ta vie annulée."
"Tu dois oublier d'espérer,
d'entreprendre, de réussir, de persévérer."
"Tu oublies que tu as
appris à oublier, que tu seras, un jour, forcé à
oublier."
On retrouve trois espaces physiques dans le roman : la chambre, son
refuge ; le village de ses parents, l'univers de son enfance ;
retour à Paris, sa chambre ; la rue où il regarde les
gens, entend les bruits de la rue, regarde les retraités, il s'assoit
dans un banc comme un retraité, mais il n'a que vingt-cinq ans.
Partout, les mots "seul", "solitude" se répètent.
Finalement, l'homme qui dort se réveille et prend conscience :
"Non. Tu n'es plus le
maître anonyme du monde, celui sur qui l'histoire n'avait pas de
prise, celui qui ne sentait pas la pluie tomber, qui ne voyait pas la
nuit venir. Tu n'es plus l'inaccessible, le limpide, le transparent. Tu
as peur, tu attends, place Clichy, que la pluie cesse de tomber."
Pour moi, cette lecture a été une lecture intéressante,
évocatrice d'un sentiment profond : la solitude.
José Luis
J'ai bien aimé ce livre, que je ne connaissais pas, de George Perec
dont j'ai jadis fréquenté les uvres, mais que je ne
lisais plus depuis une bonne quarantaine d'années. Son écriture
et les thèmes développés me semblent faire partie
du vent de l'époque. Joyce, Beckett, le nouveau roman s'y promènent
en coulisses. Comme j'ai été trop long pour parler de Le
premier homme, je ferai court ici. Je dirai seulement que, pour
moi, l'essentiel du roman fond est forme, mais sont-elles
séparables ? est renfermé dans ce passage
auquel je souscris d'un bout à l'autre.
"Tu n'as guère
vécu, et pourtant, tout est déjà dit, déjà
fini. Tu n'as que vingt-cinq ans, mais ta route est toute tracée.
Les rôles sont prêts, les étiquettes : du pot
de ta première enfance au fauteuil roulant de tes vieux jours,
tous les sièges sont là et attendent leur tour. Tes aventures
sont si bien décrites que la révolte la plus violente ne
ferait sourciller personne. Tu auras beau descendre dans la rue et envoyer
dinguer les chapeaux des gens, couvrir ta tête d'immondices, aller
nu-pieds, publier des manifestes, tirer des coups de revolver au passage
d'un quelconque usurpateur, rien n'y fera : ton lit est déjà
fait dans le dortoir de l'asile, ton couvert est mis à la table
des poètes maudits. Bateau ivre, misérable miracle :
le Harrar est une attraction foraine, un voyage organisé. Tout
est prévu, tout est préparé dans les moindres détails
: les grands élans du cur, la froide ironie, le déchirement,
la plénitude, l'exotisme, la grande aventure, le désespoir.
Tu ne vendras pas ton âme au diable, tu n'iras pas, sandales aux
pieds, te jeter dans l'Etna, tu ne détruiras pas la septième
merveille du monde. Tout est déjà prêt pour ta mort :
le boulet qui t'emportera est depuis longtemps fondu, les pleureuses sont
déjà désignées pour suivre ton cercueil. Pourquoi
grimperais-tu au sommet des plus hautes collines, puisque ensuite il te
faudrait redescendre, et, une fois redescendu, comment faire pour ne pas
passer ta vie à raconter comment tu t'y es pris pour monter ? Pourquoi
ferais-tu semblant de vivre ? Pourquoi continuerais-tu ? Ne sais-tu pas
déjà tout ce qui t'arrivera ? N'as-tu pas déjà
été tout ce que tu devais être : le digne fils de
ton père et de ta mère, le brave petit scout, le bon élève
qui aurait pu mieux faire, l'ami d'enfance, le lointain cousin, le beau
militaire, le jeune homme pauvre ? Quelques efforts, même pas quelques
efforts, quelques années encore, et tu seras le cadre moyen, le
cher collègue. Bon mari, bon père, bon citoyen. Ancien combattant.
Un à un, comme la grenouille, tu grimperas les petits barreaux
de la réussite sociale. Tu pourras choisir, dans une gamme étendue
et variée, la personnalité qui convient le mieux à
tes désirs, elle sera soigneusement retaillée à tes
mesures : seras-tu décoré ? Cultivé ? Fin gourmet
? Sondeur des reins et des curs ? Ami des bêtes ? Consacreras-tu
tes heures de loisir à massacrer sur ton piano désaccordé
des sonates qui ne t'ont rien fait ? Ou bien fumeras-tu la pipe dans un
fauteuil à bascule en te répétant que la vie a du
bon ? Non. Tu préfères être la pièce manquante
du puzzle. Tu retires du jeu tes billes et tes épingles. Tu ne
mets aucune chance de ton côté, aucun uf dans nul panier.
Tu mets la charrue devant les bufs, tu jettes le manche après
la cognée, tu vends la peau de l'ours, tu manges ton blé
en herbe, tu bois ton fonds, tu mets la clé sous la porte, tu t'en
vas sans te retourner. Tu n'écouteras plus les bons conseils. Tu
ne demanderas pas de remèdes. Tu passeras ton chemin, tu regarderas
les arbres, l'eau, les pierres, le ciel, ton visage, les nuages, les plafonds,
le vide. Tu restes près de l'arbre. Tu ne demandes même pas
au bruit du vent dans les feuilles de devenir oracle".
|
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DOCUMENTATION : REPÈRES SUR PEREC ET SES UVRES | ||
SÉLECTION sur d'éclairages Les Choses avant d'entrer dans les détails | ||
PARCOURS de Georges Perec | ||
Enfance
(tragique) Formation (au sens large) Boulot (jusqu'au statut d'écrivain professionnel) Potins (psychanalyses, compagnes, chats) |
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UVRE (protéiforme) | ||
Textes Filmographie |
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ARTICLES ET ÉMISSIONS | ||
Sur Les Choses
(à la sortie, 50 ans après) Sur Perec en général (un dossier, une émission, une expo) |
SÉLECTION
d'éclairages après avoir lu Les choses
- Deux entretiens avec Georges Perec sur Les Choses
Interview
vidéo chez lui rue Quadrefages, 9 novembre 1965 (9 min)
Entretien à France Culture,
7 décembre 1965 (5 min).
- Une conférence de Georges Perec : "Pouvoirs
et limites du romancier français contemporain", donnée
peu après la publication des Choses et très éclairante
(8 p.)
- Le témoignage
de Paulette Perec, sa femme
"La composition des Choses
a occupé Georges Perec une grande partie de lannée
1963, toute lannée 1964 et le début de 1965. Plusieurs
versions se sont succédé, dont lécriture sest
accompagnée de discussions et de réflexions sur le livre,
entrecoupées dactivités multiples. Nous vivions pendant
tout ce temps au n° 5 de la rue de Quatrefages dans un minuscule appartement
qui ressemblait assez à celui des protagonistes du roman",
raconte son épouse Paulette
Perec dans un article en 2011 (voir la
suite ici)
PARCOURS
de Georges Perec
Enfance
- 1936 : naissance à Paris de Georges Perec, de son vrai nom Peretz,
de parents juifs polonais, à Belleville, 19 rue de lAtlas,
dans le 19e. Ils vivent rue Vilin, à Ménilmontant, dans
une pauvreté que partagent beaucoup dimmigrés juifs
dEurope de lEst.
- 1939-1945 : les parents décèdent tous les deux pendant
la guerre : le père, Icek, engagé volontaire, est tué
en 1940, la mère, Cyrla, est arrêtée en 1943 puis
déportée à Auschwitz. Avant, en 1942, elle aura confié
Georges à un convoi de la Croix-Rouge à destination de Villard-de-Lans
en zone libre, où une partie de la famille s'est réfugiée
; il est baptisé dans la pension religieuse où il est placé
et son nom francisé en Perec (voir ici l'album
Pléiade Perec jusqu'à cette date).
Formation
-1945 : après la guerre, il rentre à Paris avec les Bienenfeld,
18 rue de l'Assomption, 16e : sa tante et son mari David Bienenfeld (son
tuteur) ont deux filles (qui seront les ayant-droits de Perec à
sa mort) dont Bianca (née en 1921) qui aura une relation avec Sartre
et Simone de Beauvoir (un trouple !) dont elle fut l'élève
et sera l'auteure de
Mémoires d'une jeune fille dérangée...
- 1946-1954 : études à Paris puis en internat à Étampes
où il a pour professeur de philo le romancier et sociologue Jean
Duvignaud, qui aura un rôle important d'encouragement à
écrire. Psychothérapie avec Dolto. Été 1952
: vacances en Israël chez un oncle puis dans un kibboutz.
- 1954-1955 : hypokhâgne à Henri IV.
- 1955-1956 : études d'histoire à la Sorbonne, vite abandonnées ;
travaille à son premier roman, jamais publié.
Psychanalyse avec Michel de M'Uzan.
- 1956 : quitte la rue de l'Assomption,
travaille à mi-temps comme documentaliste, collabore à la
revue Lettres nouvelles de Maurice Nadeau qui publiera une dizaine
d'années plus tard Les Choses.
- 1957 : voyage en Yougoslavie ; écrit
L'attentat de Sarajevo, refusé.
- 1958-1959 : service militaire dans les parachutistes
à Pau. Il sera dispensé dAlgérie, comme ceux
dont les parents furent "morts pour la France". Il travaille
à un roman, Gaspard pas mort (évoqué
dans la conférence servant de
postface à l'édition 10/18), qui sera refusé.
Il participe activement au projet de La Ligne générale
(du nom d'un film
d'Eisenstein) d'une revue pour un mouvement politique, littéraire
et culturel se réclamant dune conquête sociale du bonheur
et dun réalisme critique, mais récusant aussi bien
lacadémisme du réalisme socialiste que le Nouveau
Roman, taxé desthétisme ; la revue ne fut pas créée
mais des articles furent publiés ailleurs (Partisans,
La
Nouvelle Critique, Clarté).
- 1959-1960 : il rencontre Paulette Pétras,
étudiante à la Sorbonne. Son père, ouvrier slovaque,
est mort à la guerre.
- 1960 : Paulette et Georges emménagent au 5 (et non 7 comme dans
le roman) rue de Quatrefages. Georges réalise des enquêtes
de marché. Au Louvre, où Paulette a trouvé un petit
travail, elle entend parler de postes vacants dans lenseignement
en Tunisie ; elle postule, est retenue ; pour que Georges puisse obtenir
un permis de séjour, ils se marient à la mairie du 5e arrondissement
de Paris sans cérémonie.
- 1960 (novembre)-1961
(juillet) : ils vivent en Tunisie où Paulette a un poste de professeure
adjointe de français au collège technique de Sfax ; Perec
rédige un nouveau roman, J'avance masqué, refusé.
Travail-publications
(jusqu'au statut d'écrivain professionnel)
- 1961-1978 : il est documentaliste dans un laboratoire de recherche au
CNRS en neurophysiologie médicale à l'Hôpital Saint-Antoine,
qui après un incendie, est déplacé à Gif-sur-Yvette
(le grand amphithéâtre du site Saint-Antoine de la Faculté
de Médecine Pierre et Marie Curie, 27 rue de Chaligny dans le 12e,
sappelle "amphithéâtre Georges Perec"...).
Ginette Horcholle-Bossavit, neurobiologiste, ex-directrice de recherche
au CNRS, donne un témoignage vraiment
étonnant de son collègue documentaliste Georges Perec.
- 1963 : il travaille à un roman, La grande aventure, qui
après plusieurs versions deviendra Les choses. Il suit les
séminaires de Lucien
Goldmann, philosophe et sociologue marxiste, et de Roland Barthes,
qui lit l'une des versions du roman et l'encourage.
- 1964 : Gallimard refuse le roman, Maurice Nadeau l'accepte à
condition qu'il soit remanié.
- 1965 : Les Choses paraît chez Julliard, dans la collection
"Les Lettres Nouvelles" dirigée par Nadeau. Succès
public, prix Renaudot. Contrat chez Denoël pour ses trois
prochains livres.
- 1966 : Quel petit vélo à guidon chromé au fond
de la cour ? obtient peu d'écho.
- 1967 : Interroge sa tante sur l'histoire de sa famille et commence à
écrire L'arbre. Adhésion à l'Oulipo
:
Assis de gauche à droite : Italo Calvino, Harry Matthews, François
Le Lionnais, Raymond Queneau, Jean Queval, Claude Berge. Debout, de gauche
à droite : Paul Fournel, Michèle Métail, Luc Etienne,
Georges Perec (derrière Queneau),
Marcel Bénabou, Paul Baffort, Jean Lescure, Jacques Duchateau.
Réunion de l'Oulipo du 23 septembre 1975 dans le jardin de François
Le Lionnais. Photo Bnf, Arsenal.
- 1968-1970 : travaille à La disparition,
paru en 1969, qui déroute critiques et lecteurs. Travaille au projet
des Lieux.
Feuilleton W dans La
Quinzaine littéraire.
- 1972 : présente à l'Oulipo le projet de La vie mode
d'emploi.
- 1973 : tournage du film Un homme qui dort avec Bernard Queysanne.
Parution de La boutique obscure.
- 1974 : Espèces d'espaces.
- 1975 : parution de W ou le souvenir d'enfance. Fin de l'analyse
avec J.-B. Pontalis. Abandon du projet Lieux.
- 1976 : publie les premiers Je me souviens dans la revue Les
Cahiers du Chemin et réalise le court-métrage Les
lieux d'une fugue
d'après une nouvelle écrite en 1965.
- 1977 : sur son analyse avec Pontalis, il publie un texte "Les
lieux d'une ruse" (Cause commune, n° 1, 1977) republiés
dans Penser/classer).
- 1978 : La vie mode d'emploi, prix Médicis.
Perec écrit le scénario de Série noire, film
d'Alain Corneau.
- 1978 : Le directeur de ce qui est alors la collection "POL"
chez Hachette, Paul Otchakovsky-Laurens, lui obtient un traitement mensuel
et il peut donc se consacrer entièrement au métier d'écrivain,
tout en collaborant à différentes revues : Le Point
et Télérama publient sa grille de mots croisés.
- 1979 : Récits d'Ellis Island, film INA, réalisation
de Robert Bober, texte de Perec. Le livre, illustré de photographies
extraites du film, paraîtra l'année suivante (éd.
du Sorbier). Un cabinet d'amateur, Le voyage d'hiver.
- 1980 : traduit Le
naufrage du stade Odradek de Harry Mathews, membre de l'Oulipo
(voir la liste des Oulipiens).
- 1981 : voyage en Australie. Travaille à 53
jours qu'il ne finira pas.
- 1982 : meurt le 3 mars d'un cancer, il aurait eu 46 ans le 7 mars.
On peut aussi parcourir la vie et l'uvre de Perec avec Claude Burgelin, spécialiste de l'écrivain, dans l'émission de France Culture "Dans l'ombre des disparus", La Compagnie des uvres, 7 mars 2016, 1h
UVRES
"Je
me comparerais plutôt à un paysan qui
cultiverait plusieurs champs ; dans lun il ferait des betteraves,
dans un autre de la luzerne, dans un troisième du maïs, etc.
De la même manière, les livres que jai écrits
se rattachent à quatre champs différents"
: voir
la suite pour avoir le détail
passionnant sur ces quatre champs (sociologique, autobiographique, ludique,
romanesque).
Textes (éditions
posthumes comprises)
Romans
- Les
Choses, Julliard, 1965, Prix Renaudot, nombreuses rééditions.
- Quel
petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ?,
Denoël, 1966, rééd. Folio 1982.
- Un
homme qui dort, Denoël, 1967, rééd. Folio et
Folio Plus.
- La
Disparition, Denoël, 1969, rééd. Imaginaire
Gallimard, 1989, rééd. Denoël 2019.
- Les
revenentes, Julliard, 1972, rééd. 2018.
- La
Vie mode d'emploi, Hachette/P.O.L, 1978, Prix
Médicis, rééd. Le Livre de Poche 1980, nombreuses
rééditions.
Les textes autobiographiques
- La
Boutique obscure (124 rêves), Denoël-Gonthier, 1973,
rééd. Imaginaire Gallimard
- Je
me souviens, Hachette/P.O.L, 1978, rééd. Hachette-Littératures,
1998, nombreuses rééditions.
- W
ou le souvenir d'enfance, Denoël, 1975, rééd.
Imaginaire Gallimard 1993.
Poésie
- Alphabets :
cent soixante-seize onzains hétérogrammatiques,
Galilée, 1976, rééd. Galilée 1985.
- La
Clôture et autres poèmes, Hachette/P.O.L, 1978, rééd.
Hachette-Littératures, 1992.
Théâtre
- Théâtre
I, Hachette/P.O.L, 1981, rééd. Hachette-Littératures,
2001. Contient : L'Augmentation (présentée en 1967),
La Poche Parmentier (1974) - Première version d'un texte à
l'origine de la première pièce de l'écrivain, L'augmentation :
L'art
et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une
augmentation, revue Communication
& Langages, n° 27, 1973, rééd. 2011
Essais et autres textes
- Espèces
d'espaces, Galilée, 1974, réed. Denoël 1976,
rééd. Galilée 2000.
- Tentative d'épuisement
d'un lieu parisien, in Pourrissement des sociétés
: Cause commune, 10/18, 1975, rééd. Christian Bourgois,
1982, rééd. 2008.
- Un
cabinet d'amateur, Balland, 1979, rééd. Seuil 1994,
rééd. Points 2001.
- Récits
d'Ellis Island : histoires derrance et despoir, avec
Robert Bobert, INA/Éditions du Sorbier, 1980, rééd.
poche
.P.O.L, 1995.
Jeux
-
Les Mots croisés, Mazarine, 1979.
- Les
Mots croisés II, P.O.L/Mazarine, 1986, rééd.
P.O.L, 1999.
- Perec/rinations,
Zulma, 1997.
- Jeux
intéressants, Zulma, 1997.
- Nouveaux
Jeux intéressants, Zulma, 1998.
- Les
Mots croisés précédés de considérations
de l'auteur sur l'art et la manière de croiser les mots, P.O.L,
1999.
Correspondance
Perec, dans une lettre à Barthes : "Linfluence
que vous avez eue, par votre enseignement et vos écrits, sur mon
travail et sur son évolution a été et demeure telle
quil me semble que mes textes nont dautre sens, dautre
poids, dautre existence que ceux que peut leur donner votre lecture"
(Album
Roland Barthes, Seuil, 2016)
- "Cher, très
cher, admirable et charmant ami..." : correspondance Georges Perec
et Jacques Lederer, Flammarion, 1997, rééd. augmentée,
Sillage, 2019
- 56
lettres à un ami, éd. Le Bleu du Ciel, 2012
Entretiens et conférences
- Entretiens
et conférences, 2 vol, éd. Joseph K., 2003
- En
dialogue avec l'époque et autres entretiens, éd.
Joseph K., 2012
- Entretiens,
conférences, textes rares, inédits, éd. Joseph
K., 2019
Autres publications posthumes
- Penser/Classer,
Hachette, 1985, rééd. Hachette-Littératures, 1998,
nombreuses rééditions.
- "53
jours", P.O.L, 1989, rééd. Folio
-
L'Infra-ordinaire, Seuil, 1989.
- Vux,
Seuil, 1989.
- Je
suis né, Seuil, 1990.
- Cantatrix
sopranica L. et autres écrits scientifiques, Seuil, 1991.
- L.
G. Une aventure des années soixante, Seuil, 1992.
- Le
Voyage d'hiver, Seuil, 1993, rééd. 2013
- Beaux
présents belles absentes, Seuil, 1994.
- What a
man ! , Le Castor Astral, 1996.
-
Le condottière, Seuil, 2012.
-
L'attentat de Sarajevo, Seuil, 2016.
- Palindrome,
Denoël, 2019 (reproduit sur cette page dont l'adresse est également
un palindrome (l'ordre des lettres reste le même qu'on le lise
de gauche à droite ou de droite à gauche) : http://graner.net/nicolas/salocin/ten.renarg//:ptth
uvres rassemblées
- Romans
et récits, Livre de poche, 2002, 1439 p. : Les
Choses, Quel petit vélo à guidon chromé au fond de
la cour ?, Un homme qui dort, La Disparition, Les Revenentes, La Vie mode
demploi, Un cabinet damateur, Le Voyage dhiver
- La
Pléiade, en deux tomes, 2017.
Filmographie
- Un
homme qui dort, 1974, réalisation Bernard Queysanne et
Georges Perec, voix de Ludmila Mikaël, prix Vigo, en
ligne ICI.
- Gustave Flaubert : le travail de l'écrivain, 1974, réalisation
Bernard Queysanne, commentaire Georges Perec.
- L'il de l'autre, 1976, réalisation Bernard Queysanne,
scénario Georges Perec.
- Les
lieux d'une fugue, 1976, réalisation Georges Perec.
- Retour
à la bien-aimée, 1979, réalisation Jean-François
Adam, collaboration au scénario Georges Perec, avec Isabelle Huppert,
Jacques Dutronc, Bruno Ganz.
- Série
Noire, 1979, réalisation Alain Corneau, dialogues de Georges
Perec, avec Patrick Dewaere, Marie Trintignant, Bernard Blier.
- Récits
d'Ellis Island, 1979, réalisation Robert Bober, texte de
Georges Perec.
- En
remontant la rue Vilin, 1992, réalisation Robert Bober,
texte de Georges Perec, en
ligne ICI. Film réalisé après la mort de Perec
par son ami, sur la rue où il a vécu enfant et dont il avait
projeté de décrire pendant 12 ans le devenir.
Vie privée,
potins
Perec était familier
des psychanalystes et non des moindres :
- 1948-1952 : Françoise Dolto
- 1956-1957 : Michel
De M'Uzan (qui fut aussi le psychanalyste de Marie Cardinal)
- 1971-1975 : J.-B. Pontalis (dont nous avons lu Le
Songe de Monomotapa).
Des femmes
qui comptent (les principales...)
- Après leur séjour tunisien
en 1960-1961, Paulette Perec fera une carrière
de bibliothécaire, conservatrice à la Bibliothèque
nationale.
- En 1969, alors que Perec vit une relation tourmentée (avec Suzanne
Lipinska qui soccupe du Moulin
dAndé, qu'elle avait reçu en cadeau de mariage
de son père... et où il vivra pendant 5 ans), ils se séparent,
sans divorcer : ils organisent une "dépendaison de crémaillère"
pour marquer lévénement et restent très proches.
Ainsi, en 1973, ils achètent chacun un appartement dans le même
immeuble au 13 rue Linné.
Paulette
joue un rôle important dans l'Association
Georges Perec. Elle meurt en 2016 (album
photo ICI). Elle dirigera la publication Portrait(s)
de Perec (éd. de la BNF, 2001).
(Voir la
petite annonce immobilière concernant l'appartement du n° 5
rue de Quatrefages où vécurent les Perec (dans le roman
au n°7).
- En 1975, il se lie à la monteuse et cinéaste Catherine
Binet qui sera sa compagne pendant les six dernières années
de sa vie.
Pour le film de Catherine Les jeux de la comtesse Dolingen de Gratz
(inspiré dun roman dUnica Zurn), George Perec avait
entre autres investi ses droits dauteur passés et à
venir et laissé des dettes donc. Sa mort, suite à cancer
fulgurant, un an après la sortie du film, va laisser Catherine
Binet sans défense : compagne et non épouse, jetée
dehors et privée des textes, des travaux menés à
deux, par des héritiers lointains et inconnus soudain apparus.
Son amie Marina Vlady lui consacrera un livre : C'était
Catherine B (2013).
Catherine Binet a fait un film intitulé Georges
Perec (1990).
- Il faut aussi mentionner Marceline Loridan
(oui !) qui évoque sa relation avec Perec dans son livre
L'amour après. Elle, qui s'appelait encore Rozenberg et
partageait avec l'écrivain des origines juives polonaises, coucha
avec lui, mais finit pas ne plus répondre aux lettres passionnelles...,
suppliantes..., qu'il lui adressa :"C'est la jeune survivante,
en moi, que tu aimais, Georges. J'étais les yeux qui ont vu, le
corps qui a survécu, j'aurais pu te raconter Birkenau, où
ta mère est morte avant que je n'y arrive. Mais je fuyais ce trou
noir, je ne pouvais pas l'éclairer pour toi."
Et les chats ?
Grâce au succès des Choses, les Perec s'installent
dans un nouvel appartement en 1966 rue du Bac et acquièrent leur
premier chat, appelé Duchat... La fameuse photo d'Anne de Bruhnoff
représente le chat noir Bélo...
Sur Les Choses
À la sortie du livre
Une partie de la critique traita l'ouvrage de Perec de "pseudo-roman"
: des personnages stéréotypés, pas d'intrigue, pas
de dialogue... , avant tout une enquête sociologique.
- "Les choses
de Georges Perec", Raymond Jean,
Le Monde, 16 octobre 1965. Un film a failli être tourné,
adapté du livre : voir
ici.
- Interview vidéo
avec Matthieu Galey après la sortie du livre chez lui, rue Quadrefages,
INA, 9 novembre 1965 (9 min 30)
- Entretien
à France Culture avec Etienne Lalou, 7 décembre 1965
(5 min).
30, 40, 50 ans après
Quelques articles prise de tête, un article de l'écrivain
Philippe Claudel, des émissions de radio :
- Bernard Magné, Notice
pour Les choses, Georges Perec, Romans et récits,
Livre de poche, 2002 : "Conçu au départ comme
un roman policier (l'histoire d'un hold-up), le livre, dans ses versions
successives, abandonne les anecdotes pour devenir peu à peu "un
roman [...] sur la pauvreté inextricablement mêlée
à l'image de la richesse ", comme l'écrit Roland Barthes
à son auteur dans une lettre très élogieuse".
- "Létat
des Choses", Derek Schilling, Mémoires du quotidien :
les lieux de Perec, Presses universitaires du Septentrion, 2006
- "Les
Choses, un devenir-roman des Mythologies ?", Claude
Burgelin, Recherches & Travaux, n° 77, 2010 (Perec :
"Mon vrai maître, cest Roland Barthes").
- Numéro consacré à "Georges
Perec : Les Choses et Un homme qui dort, Roman 20-50,
revue d'étude du roman des XXe et XXIe siècles, n° 51,
2011
- "Toujours tout choses",
Philippe Claudel, Le Magazine littéraire, n° 559, septembre
2015 (Les Choses, 50 ans après)
- Vidéo France Culture, La Fabrique de l'histoire, Pourquoi
il faut relire "Les Choses" de Georges Perec, d'Emmanuel
Laurentin, avec Caroline Eliacheff, psychanalyste, et Arno Bertina, écrivain,
13 mai 2015, avec un extrait d'un entretien de Pierre Desgraupes avec
Perec, émission Lecture pour tous, 6 octobre 1965
- France Culture, Les romans de l'économie : Perec
et la consommation de masse, par Maylis Besserie, 10 janvier 2018,
58 min.
- France Culture, La Compagnie des uvres, Artistes
et écrivains dans le sillage de Georges Perec, par Matthieu
Garrigou-Lagrange, 10 mars 2016, 1h : 1re partie sur Les Choses
avec Hervé Le Tellier, écrivain oulipien - 2e partie sur
l'influence de Perec dans l'art contemporain et la littérature
actuelle avec Jean-Pierre Salgas, historien de l'art, professeur aux Arts
Décoratifs de Paris, commissaire de l'exposition "Regarde
de tout tes yeux, regarde ! L'art contemporain de Perec" au musée
des Beaux-Arts de Nantes en 2008. Sophie Calle dit que Perec a toutes
les idées qu'elle aurait aimé avoir...
Découvrez aussi à quel point le roman
est truffé de citations (dont Flaubert) : voir
ici des précisions permettant de toutes les repérer.
Et Denis Buffard, à qui le livre est dédié, qui est-ce ?
C'est un spécialiste en étude de marché et ami de
Perec..., raconte le traducteur et auteur d'une biographie, David
Bellos...
Sur Perec en général
Il existe énormément de publications sur Perec. Limitons-nous
à un dossier, une émission et une exposition... allez...
deux.
- un dossier de magazine littéraire : Le
Magazine littéraire, décembre 1993 consacré
à Perec : 67 pages du dossier
ici.
- une émission de radio à France Culture, Une
vie une uvre, Catherine Pont-Humbert, 22 avril 2007, 1h28.
- deux expositions :
Au Centre Pompidou, à la BPI, 17
novembre 1993-24 janvier 1994
"Regarde de tous tes yeux, regarde ! L'art
contemporain de Georges Perec" au musée
des Beaux-arts de Nantes, du 27 juin au 12 octobre 2008, puis au musée
des Beaux-arts de Dole, du 21 novembre 2008 au 21 février 2009.
Le catalogue
ICI.
Et pour finir : Les
Choses, un livre animé
texte original de Georges Perec enrichi danimations (typo)graphiques et sonores : cliquez ici pour découvrir (1 min 19) |
|
et des lieux imaginaires ou non :
|
Photo de la réalité d'Antonin Crenn |
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