LE ROMAN EST
en ligne. Quatrième de couverture : La Bible de l'esprit décadent et de la "charogne" 1900. À travers le personnage de des Esseintes, Huysmans n'a pas seulement résumé, immortalisé les torpeurs, les langueurs, les névroses vénéneuses et perverses du siècle finissant. Des Esseintes est aussi un héros kierkegaardien, à la fois grotesque et pathétique, une des plus fortes figures de l'angoisse qu'ait laissées notre littérature. Fils spirituel de René et de la génération du mal du siècle, il annonce à bien des égards le Bardamu de Céline et le Roquentin de La Nausée.
Quatrième de couverture : À Fontenay-aux-Roses, Jean des Esseintes cultive à loisir son ennui et sa névrose, avec pour seuls compagnons un couple de domestiques et une tortue à la carapace incrustée de pierreries. Dans un univers d'artifice et de raffinement où les fleurs rares, les auteurs latins décadents et les tableaux symbolistes nourrissent son imaginaire, il s'adonne aux rêveries, aux cauchemars et aux dérives mystiques qu'il appelle de ses vux, devenant ainsi le héros emblématique du dandysme et de la décadence. "À rebours peut donc se définir comme une succession d'expériences mettant en jeu un unique personnage, des Esseintes, et les tests auxquels il soumet, à huis clos, son désir", écrit Jean Borie, spécialiste incontesté de J.-K. Huysmans dont il a publié la biographie.
Quatrième
de couverture : À
rebours (1884) exauce les promesses de son titre. Entremêlant
au récit dune rupture avec le monde réel des contes,
des poèmes en prose, des considérations intempestives, des
pages dhistoire ou de critique, il constitue un remarquable exemple
d"antiroman". En même temps quil expose les
thèses de la décadence, il sengage dans les voies
de lexpérimentation et ausculte la vie intérieure,
ce qui ne lempêche pas dexploiter tous les filons du
comique, de la grosse blague à lhumour noir.
Quatrième de couverture : Plus de deux mois sécoulèrent avant que des Esseintes pût simmerger dans le silencieux repos de sa maison de Fontenay; des achats de toute sorte lobligeaient à déambuler encore dans Paris, à battre la ville dun bout à lautre. Et pourtant à quelles perquisitions navait-il pas eu recours, à quelles méditations ne sétait-il point livré, avant que de confier son logement aux tapissiers !
Quatrième
de couverture : Cette
édition met en regard du texte de Huysmans toute une iconographie
quil évoque explicitement ou quil sous-tend.
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Joris-Karl HUYSMANS (1848-1907)
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Nos
40 cotes d'amour regroupées
(des deux groupes parisiens, du groupe breton et du groupe de Tenerife). Anne Cindy Françoise H Laura Manuel Monique M Nathalie R Entre et Audrey Anne-Marie Annick A Claire Chantal David Denis Édith Etienne Henri Katherine Marie-Thé Brigitte Christine Marie-Odile Monique L Nathalie B Nieves Séverine G Suzanne Yolaine Danièle Fanny Faustine Jacqueline José Luis Lourdes Margot Annick L Catherine Christine G Jean Olivier |
Danièle
(qui habite loin, en ce vendredi noir de grève)
Je déclare forfait vu lincertitude sur les transports. Du
coup, je ne finis pas le livre que je ne lis pas avec grand plaisir, malgré
la beauté stylistique de certains passages, mais un peu trop léchée
à mon goût. Trop de culture tue la culture, du moins quand
elle saffiche de cette manière.
Jacqueline(avis
transmis depuis les Landes)
Je n'ai pas encore tout à fait fini de lire À rebours
qui n'est pas d'une lecture aisée et j'ai bien du mal à
rédiger un avis. Je suis impressionnée par les connaissances
de l'auteur et la vaine prétention du héros, mais tout cela
m'assomme littéralement sans que je puisse ni le prendre au sérieux
(je voudrais bien être capable d'émettre le moindre doute
sur les jugements à l'emporte-pièce concernant les latins)
ni réellement m'en amuser. Je n'arrive pas bien à faire
la part d'un humour auquel je ne suis guère sensible. Un portrait
d'une société fin de siècle et de l'extinction de
l'aristocratie ? Malheureusement et, il est vrai, plus
tard Proust était autrement convaincant... Comme avec
Orlando, j'ai l'impression d'être
passée à côté de ce livre malgré ma
curiosité et ma bonne volonté. Je l'ouvre un quart pour
son style faussement foutraque.
J'aurais bien aimé assister à la discussion qui m'aurait
sûrement apporté des éclairages nécessaires.
Je lirai avec beaucoup d'intérêt le compte rendu.
Catherine(avis
transmis pour cause de garde de nuit)
Je suis finalement arrivée au bout du livre, mais je dois avouer
que j'ai lu la fin en diagonale. Quelle est mon impression finale ?
Avant tout de l'ennui. Il est certain que je n'aurais jamais lu ce livre
sans vous... Je n'ai pas réussi à m'intéresser au
héros (ou anti-héros au choix) de cette uvre dans
laquelle il ne se passe absolument rien héros désenchanté,
riche évidemment, névrosé et hypocondriaque, confiné
dans la solitude et le mépris des autres, des femmes en particulier
et de leur sottise innée, revenu des plaisirs médiocres
de la vie, provocateur, cynique (en particulier lorsqu'il essaie de débaucher
et de pousser au crime un enfant), qui massacre une pauvre tortue en la
couvrant d'or et de pierres précieuses (il doit y avoir une symbolique,
mais je n'ai même pas cherché à l'identifier). J'ai
aimé quelques détails : l'orgue à bouche ;
la salle à manger transformée en cabine de bateau et ses
voyages imaginaires ; quelques passages sur Baudelaire, Poe, le chant
grégorien ou Schumann, mais globalement je trouve qu'il y a surtout
des énumérations interminables d'uvres, de plantes...
Ça m'a paru extrêmement daté et désuet. Je
ne connaissais pas Huysmans ; ça ne m'incite pas vraiment
à lire d'autres livres ; j'irai peut-être néanmoins
voir l'exposition.
Je l'ouvre un quart voire pas du tout.
Fanny (avis
transmis de Montreuil)
Je suis à la moitié du livre et je dois dire que ma lecture
est laborieuse et ce, dès les premières pages. J'avance
pas à pas où plutôt page à page.
Je suis assez décontenancée car je peux à certains
moments être sensible au style, en particulier à la tournure
des phrases, et, à d'autres, trouver l'écriture empoulée
avec des juxtapositions d'adjectifs qui n'en finissent pas.
En général les passages descriptifs ne me rebutent pas,
mais avec À rebours j'éprouve régulièrement
un sentiment d'ennui qui m'amène à poser le livre. Je reconnais
une forme d'humour, notamment avec le passage de l'arracheur de dents
et certaines descriptions de ses conquêtes féminines, cela
redonne un peu d'attrait à ma lecture.
Je crois que ce qui bloque essentiellement pour moi, c'est que j'ai le
sentiment de ne rien comprendre à l'histoire. Peut-être cela
fait-il sens à la fin ?
En attendant j'en suis au chapitre X et je cherche toujours le fil narratif.
J'attends avec impatience de lire vos avis qui me donneront peut-être
l'envie de poursuivre.
Laura (internaute
espérant intégrer un jour le groupe)
En ouvrant le livre, je savais un peu à quoi m'attendre, surtout
au niveau de l'écriture, ayant déjà lu Là-bas,
l'an dernier. Huysmans a un style d'écriture très spécial
à mes yeux, c'est un langage soutenu qui n'est pas lourd pour autant,
et qui possède beaucoup de caractère. Avec lui, j'apprends
au moins une cinquantaine de mots par chapitre, et pour mon plus grand
plaisir. Alors, c'est avec joie que je me suis plongée dans
À rebours, livre qui attendait ma bonne volonté
dans ma bibliothèque depuis des mois. Il faut dire que j'ai adoré
dès les premiers chapitres. Je ne pouvais pas les lire tous à
la suite d'un coup (ce que j'aurais aimé faire), mais ils étaient
si précis, si intriguants, qu'il me fallait plusieurs heures au
sortir d'un chapitre pour pouvoir me plonger dans le suivant. Je ne connaissais
pas du tout l'histoire de ce roman, et je m'y suis plongée en toute
ignorance. D'ailleurs, je ne sais pas s'il serait possible de donner un
résumé linéaire de ce livre, je le définirais
plutôt comme un roman labyrinthe. Chaque chapitre peut presque être
lu indépendamment des autres. Ainsi, j'ai d'abord été
fascinée par les innombrables descriptions (décorations,
alcool, livres, peintures), qui ne traînent pas du tout en longueur
selon moi, puisque Huysmans jongle avec des passages plus intimes de la
pensée de des Esseintes (notamment les souvenirs ou les cauchemars
: la Grande Vérole
). J'ai tout de suite pensé à
un style très baroque au chapitre des peintures. Le christ crucifié
m'a beaucoup perturbée, mais ce n'était rien comparé
aux premières pages de Là-bas.
Quand je repense au caractère du personnage, je suis à la
fois prise d'une crise de rire, et de beaucoup de compassion. Je ris,
car on ne peut pas nier que ce personnage est particulièrement
comique, avec des lubies
L'odeur envahissante de frangipane, ou
le caprice du sandwich en pleine chaleur. Mais à côté
de cela, oui j'ai eu beaucoup de compassion pour lui, parce que je m'en
suis sentie proche : notamment son ultime réflexion sur la
société lors du dernier chapitre, qui illustre avec brio
sa misanthropie et son dégoût du siècle (c'est tellement
moi
). En bref, ce livre m'a époustouflée, je ne dirai
mieux. Et je garderai en tête l'ultime phrase du roman, qui résonne
comme un poème en prose : "Seigneur,
prenez pitié du chrétien qui doute, de l'incrédule
qui voudrait croire, du forçat de la vie qui s'embarque seul, dans
la nuit, sous un firmament que n'éclairent plus les consolants
fanaux du vieil espoir !"
Grand ouvert !
Claire(avis
transmis de Cracovie)
J'avais lu À rebours jadis et gardais un souvenir enjolivateur
mais dans un halo limbique. Là-bas,
lu avec le groupe, ne m'avait ni conquise, ni séduite, ni ensorcelée.
J'ai lorgné d'abord l'expo
qui m'a immergeationnée dans l'ambiance. J'ai crépité
puis craqué pour la récente édition
illustrée (co-édition avec le musée), mais j'exhumai
mon antique Folio datant de 30 ans et m'armai également du récent
Garnier-Flammarion empruntaillé à la bibliothèque
en vue de la consultation fouinarde d'une préface-entretien
de Maylis de Kerangal jaspinant sur sa dilection. J'ai navigué
telle Florence Arthaud entre les trois : je lisais le texte admirablement
dévoilé et illustré (chaque illustration s'avérant
un ébahissement pâmoisant), vierge de toute note ; et
après chaque chapitre, je me reportais avec fébrilité
aux notes des deux éditions de poche, fort différentes,
avec même des doubles notes en GF, en bas de page ET en fin de volume
: un apparat critique digne du duc des Esseintes. Dans la préface
éblouissante de Marc Fumaroli en Folio, je n'ai pas vu comme une
coïncidence que soient évoquées l'une
de nos lectures récentes et l'autre
à venir :
- "Des Esseintes est
Huysmans comme Dr Jekyll est
Mr. Hyde".
- Il s'éparpille "en
don juanisme esthétique, voire en cette boulimie des 'choses' si
bien décrite par Georges Perec."
Je n'ai encore rien dit de ce que m'a fait le texte, circonvoluant dans
le paratexte, telle une mouche tournant autour d'un pot de confiture mangue-fruit
de la passion-gingembre.
Je me suis souvenue que Denis précisa, alors qu'admiratif il "ouvrait"
Orlando
aux ¾ : "Comme
je ne suis pas un fétichiste de la lecture en continu, je ne me
suis pas gêné pour grappiller les passages qui me plaisaient"
démarche de lecture opposée à celle d'Henri :
"Je suis bien élevé
et ai l'habitude de finir mon assiette".
La mouche continue de tourner autour du vacherin fourré au nutella.
Entrons dans le vif et crachons notre valda ou plutôt notre Perle
des Pyrénées : j'adore ! D'emblée, ce fut
un délice gustatif des mots, une mélodie phrastique s'installant
en moi sur-le-champ, avec une impression d'ivresse.
Le cher Houellebecq dit "que
rien ne se passe et ne peut même se passer dans ce livre, que laction
y est, en un sens, nulle" : désolée,
Michel, pas d'accord du tout, ça n'arrête pas au contraire,
on va d'aventure en aventure, de découverte en découverte.
Le non-départ en voyage est un clou ! Évidemment,
le chapitre III
sur les auteurs latins est une purge : et alors ? Je suis de l'école
Denis.
L'outrance me ravit. L'on va de morceau de bravoure en morceau de bravoure,
de provocation en scandale. Je passe même le mépris des femmes.
Les fleurs naturelles qui imitent les fleurs artificielles, j'en redemande.
Bref, rabrouant d'avance ceux qu'À rebours repousse, tel
des Eisseintes qui en vient à "hennir
devant l'impeccable jonglerie de la métrique de Hugo",
tel Etienne qui avait barri de plaisir devant l'extraordinaire Des
jours sans fin de Sebastien Barry, je jappe, je zininule, je dodeldire,
je pupule, bref je tonitrue mes ¾ devant ce cabinet de curiosités
qui vaut absolument ne serait-ce qu'une petite visite.
Denis(avis
transmis à l'ombre de la BNF)
J'avais lu À rebours dans les années 60. Il y avait
alors un certain goût, parmi les gens que je fréquentais,
pour des uvres sulfureuses, décadentes, ou bizarrement mystiques.
Par exemple, Le
Sar Péladan, qui connaît encore ? Le livre de Huysmans
était considéré comme la bible de l'esthète
décadent. Il fallait se forcer un peu pour trouver ça bien,
mais c'était assez snob.
Plus tard, j'ai découvert les multiples visages de Huysmans que
j'ai beaucoup appréciés : ses Croquis
parisiens, remarquables observations de la vie populaire à
Paris ses explorations des couvents et monastères,
pleines d'humour À
vau-l'eau, un court roman racontant la vie épouvantable
d'un employé de ministère avec de savoureuses
descriptions des gargotes parisiennes avec leurs menus... C'était
un remarquable écrivain de terrain.
Reprenant À rebours pour la première fois depuis
ma jeunesse, j'ai eu un choc dès le début, devant la lourde
prose, le vocabulaire précieux et prétentieux, l'érudition
absurde. J'ai trouvé cela frimeur et détestable.
Et puis je m'y suis fait, me prenant à m'intéresser au personnage,
Huysmans introduisant une certaine distance par rapport à cet horrible
aristocrate.
J'en conclus que ce livre ne peut être lu comme un livre narratif,
mais plutôt comme un recueil de morceaux choisis à prendre
à petites doses, comme un
Baedeker de la décadence. D'ailleurs, chaque chapitre est plus
ou moins clairement identifié par un thème : la peinture
de Gustave Moreau, la religion, les fleurs, les parfums, la syphilis,
etc. Un ouvrage documentaire, en somme.
Très difficile à noter. A la fois insupportable et passionnant.
J'ouvre aux ¾.
Annick L
Je suis venue ce soir par curiosité, pour entendre les avis des
autres. Ma lecture fut ennuyeuse et fastidieuse. Je n'en ai rien à
faire du récit des états d'âme de ce névrosé,
récit entrecoupé par des pages de catalogue sur les collections
de cet obsessionnel. Les cauchemars et souffrances physiques de cet aristocrate
dégénéré ne m'ont pas intéressée.
Il relève plutôt d'un cas psychanalytique. Et son panthéon
littéraire, volontairement critique de toute la production de son
époque, me semble une pose : il ne suffit pas de vouloir se
distinguer de ses contemporains et du naturalisme en particulier pour
affirmer son talent. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi À
rebours est une référence. Parce qu'il marque une étape
en cette fin de siècle ?
Je trouve ce livre, en tout cas, mortellement ennuyeux, avec ses énumérations
interminables. Et ça ne constitue même pas un roman, cette
juxtaposition capricieuse de chapitres qui donne une impression de quelque
chose d'inabouti, de foutraque. L'écriture est recherchée,
précieuse même, mais elle tourne à vide. Comment peut-on
comparer Huysmans et Proust ? L'un ne s'intéresse qu'à
lui-même, porte un regard glauque sur tout ce qui l'entoure, exprime
une misogynie insupportable, un dégoût total du monde réel,
de l'humanité (je comprends pourquoi Houellebecq l'apprécie
tant !). L'autre, à travers le filtre de sa subjectivité,
de sa sensibilité et de ses souvenirs, brosse un tableau passionnant
(et vivant) de la société mondaine et artistique dans laquelle
il vivait. La lecture d'À rebours fut pour moi une punition,
je le ferme complètement et je vais vite m'en débarrasser.
Monique L
Très difficile de porter un jugement sur une telle uvre qui
parfois m'a séduite, mais trop souvent m'a assommée.
C'est beaucoup trop long et trop verbeux, mais il y a des descriptions
et des critiques caustiques qui sont de véritables bijoux.
La particularité de ce roman est qu'il ne s'y passe presque rien :
la narration se focalise principalement sur des Esseintes, un esthète
excentrique, un dandy qui est blasé par le luxe et qui cherche
à ranimer ses désirs par une excitation intellectuelle et
artistique toujours renouvelée. Il tente de s'exiler du monde pour
se consacrer à ses plaisirs de l'esprit. Il a besoin d'être
singulier, de tourner le dos à la pensée commune, de refuser
une conception vulgaire du luxe.
Cela permet à l'auteur de faire étalage de savoirs quasi
encyclopédiques dans de nombreux domaines. C'est très documenté
et critique. Cela pourrait être intéressant, mais trop c'est
trop ! Il faut une culture phénoménale pour suivre
les subtilités de la pensée de Huysmans. Je ne l'ai pas,
je suis donc consciente d'avoir raté pas mal de choses.
Cette uvre est considérée comme un manifeste contre
le naturalisme et pour un rapprochement vers la sensation, le symbole
et le rêve et pourtant elle contient de nombreuses descriptions
très réalistes, précises et ciselées.
Dans ses descriptions l'auteur fait appel à tous nos sens :
vue, goût, odeurs, sons (sauf au toucher me semble-t-il). C'est
très évocateur. Ce qui est étonnant, c'est un goût
pour les extrêmes. Par exemple entre l'ameublement extravagant des
pièces à vivre comme la cabine de bateau et celui faussement
austère de la chambre. L'épisode des fleurs est déconcertant.
Il recherche dans la nature ce qui ressemble à l'artificiel. Il
y a de très belles pages comme la description de l'Apparition de
Gustave Moreau ou les éloges de Baudelaire et d'Odilon Redon. Certains
passages sont tragi-comiques comme celui de la tortue.
J'ai été frappée par l'extraordinaire richesse linguistique
avec un vocabulaire riche et rare voir inventé. Le style est imagé,
varié et imaginatif. J'ai trouvé des longs passages beaucoup
trop verbeux.
Ma lecture de À rebours n'a pas été toujours
facile. Je reconnais à l'auteur un grand pouvoir d'évocation,
mais j'ai été gênée par son côté
obsessionnel. Une uvre étrange, très singulière,
parfois rebutante...
J'ai vu l'exposition au musée d'Orsay dont l'intérêt
est de voir grandeur nature des tableaux que Huysmans a décrit
soit parce qu'il les a aimées, soit au contraire qu'il les a critiquées
parfois de façon mordante.
J'ouvre ½.
Annick A
J'ai été séduite par la magnificence de l'écriture,
la richesse des descriptions qui m'ont parfois évoqué Proust,
la somptuosité du vocabulaire, des dizaines d'adjectifs pour une
fleur, une pierre précieuse, une grande érudition. Bien
des passages me sont passés au dessus de la tête particulièrement
celui sur le latin.
Quant à des Esseintes, grand esthète décadent, il
est â la fois pathétique et détestable, très
méprisant pour le petit peuple. Désabusé des hommes
et du monde, il se crée un paradis artificiel.
Des passages sont très drôles par leur outrance, notamment
autour de Saint-Vincent de Paul et l'avortement.
J'ai lu la préface rédigée par Huysmans en 1903,
où il explique pourquoi il a écrit ce livre. Il cherche
à s'éloigner du naturalisme et souhaite introduire des notions
d'histoire, d'art, de littérature, ce que Zola n'a pas compris.
Le livre a été reçu de façon critique.
Etienne
Il est un peu parano dans cette préface : l'accueil était
plutôt bienveillant.
Annick A
À part le chapitre
VI assez sadique donc l'auteur dit qu'il n'écrirait plus ce
genre de choses, il maintient son point de vue concernant tout le reste,
bien qu'il manque, dit-il, la dimension symbolique religieuse. Le débat
intérieur de des Esseintes sur la foi est intéressant. Il
est écartelé. Il aimerait croire, mais tout ce qu'il est
l'en empêche. Huysmans dira que c'est à partir de ce livre
qu'il se mettra lui même à douter et trouvera plus tard la
grâce, la foi. J'ouvre aux ¾. C'est une découverte.
Il faut le lire à petite dose pour ne pas passer à côté
de la richesse de l'écriture.
Manuelouou ouou
J'ai lu 100 pages et je rejoins Annick A. Au début, des Esseintes
m'a paru franchement pénible. Jai pas mal sauté le
chapitre sur la bibliothèque. Toutes les références
latines sont pompées chez Ebert. Ses théories sur la religion
versus les barbares, j'ai sauté... et puis finalement je mamuse
beaucoup. Et en écoutant vos avis, j'ai de plus en plus envie dy
retourner. J'ai beaucoup ri au passage de la dent. Je vais continuer ma
lecture. Les descriptions des tableaux de Moreau sont remarquables. Mais
où est-ce quil a été trouver cette histoire
de tortue qui doit être assortie à un tapis ! Énorme !
Je ne peux ouvrir le livre... il faut que je termine ! (voir ci-dessous).
Etienne
Prenant l'auteur au pied de la lettre, je suis d'abord allé à
Orsay visiter
l'exposition consacrée à Huysmans, ce qui m'a permis
de faire l'acquisition du roman avec dossier et surtout d'exciter un peu
ma curiosité. Tout comme Claire, je crois que j'ai été
un peu déçu par la dernière salle de l'exposition.
Mais venons-en au roman !
Ce qui m'a fait tout d'abord séduit dans À rebours,
c'est son humour grinçant. Des Esseintes est désopilant,
tout le monde en prend pour son grade et le jeune hobereau n'y échappe
pas non plus. On entre ainsi dans une sorte de farce tragi-comique et
l'on se pose, en permanence, la question du degré auquel les faits
sont énoncés. Je m'attendais à un ton déprimé
et j'y ai lu du pathétiquement drôle. Mention spéciale
pour les descriptions psycho-physiologiques des symptômes névrotiques
qui ont acquis un charme désuet.
Ce comique trouve aussi sa prolongation dans la structure du livre. À
rebours, véritable anti-roman où l'on a l'impression
que Huysmans a d'abord brisé son jouet avant de le recoller méthodiquement
et ostensiblement. On n'est pas pris en traître et le narrateur
joue au gratte-poil avec notre connivence. J-Karl serait-il l'ancêtre
du troll ?
Et là encore, souscrivant parfaitement au programme, nous sommes
pris à contre-pied par Huysmans : arrive l'érudition. Des
descriptions minutieuses à n'en plus finir, parodie de naturalisme.
Sorte de savant fou, l'auteur nous concocte à l'aide de son orgue
à bouche un mélange de liqueurs littéraires, picturales,
auditives, rendant le breuvage à la limite du buvable. Ces chapitres,
il faut les digérer
Mais la gélule passe remarquablement bien car JKH n'est pas le
dernier des gratte-papiers. Un raffinement extrême permet à
la langue de pleinement s'épanouir ; on a l'impression de
toucher aux limites du langage tant la précision est de mise.
Enfin, le dernier tour de force est cette structure troublante Des Esseintes-narrateur-auteur.
En appliquant deux couches de vernis, JKH peut tout se permettre et prendre
du recul
Je note que cette astuce est habilement reprise par Houellebecq
et ce dernier a dû abondamment puiser dans la mine d'or d'À
rebours.
Je terminerai par de minimes réserves. Premièrement l'effet
de surprise du ton s'émousse un peu au fil de la lecture, mais
reste puissant pour qui y est sensible. J'ai aussi un gros problème
avec le
chapitre VI. Des Esseintes génie du mal, pervers lubrique ?
C'est drôle mais on n'y croit plus et c'est poussif.
J'invite Huysmans dans ma bibliothèque et j'ouvre son "drôle
de bouquin" aux ¾.
Post-scriptum : vous commencez à me connaître, j'ai
tout lu du dossier de mon édition et ma lecture s'éclaira.
Des correspondances avec Zola aux parallèles baudelairiens jusqu'à
sa relecture téléologique 20 ans plus tard, ce fut un délice :
À rebours réussit le pari fou d'être un roman
ancré dans son époque et intemporel.
Henri
Je ne connaissais rien avant de le lire. J'ai été scotché
par le livre. Super, il ne va rien se passer. Super, il n'y a qu'un seul
personnage. Je n'ai pas cherché à savoir s'il était
véridique ou sympathique. Pour moi c'est une matière, la
capacité de description est décuplée, il ravive tout.
J'ai adoré la perversité du chapitre VI, par exemple ce
jeune couple qui possède des meubles ronds pour habiter dans un
appartement qui est carré. Le passage sur les Latins m'a donné
envie de lire Pétrone. C'est un personnage d'ermite à l'envers
qui recherche la solitude étouffée par les objets. Tout
est à rebours. Ce n'est pas véridique, ce n'est pas un roman.
Il y a une ambivalence autour de la religion : il y est attaché
et il la critique violemment. On ne peut pas en lire trop à la
fois. Je n'ai pas pensé à Proust. C'est du Lovecraft. C'est
en apesanteur, c'est chimérique. J'ai beaucoup aimé. Ça
ne suscite pas d'émotion, mais cela fait penser à Gracq.
J'ouvre ¾ car il me reste ¼ à lire.
Nathalie R
On lit Huysmans comme on pourrait lire Flaubert. Je n'imaginais pas qu'il
puisse y avoir un tel pendant à celui que j'aime : la recherche
du mot juste, la sonorité de la phrase, la moquerie, la précision,
le rythme.
J'avais bien entendu parler de Huysmans lors de mes discussions au lycée,
mais je n'avais jamais rencontré une personne qui m'en parle comme
un incontournable. Les questions sont venues très vite : comment
le lire ? comment le réceptionner ? l'accueillir ?
Car "sans histoire", la lecture allait être longue si
je ne me penchais pas sur le projet de l'auteur. J'ai commencé
ma lecture avec passion, ne cessant de me répéter que ça,
oui, c'était de la littérature ! et avec une profusion
de points d'exclamation. J'ai ensuite feuilleté les notes et les
commentaires de l'édition, découvrant les copains :
Zola, Mallarmé, le groupe de Médan. J'avais tout autant
envie de lire les notes et surtout les lettres de Huysmans évoquant
les difficultés à dépasser que de suivre les inaudibles
tribulations de l'unique personnage.
Pourtant, assez vite fatiguée par la difficulté de l'exercice,
j'ai récupéré le
livre audio et du fond des âges, alors que je me rendais au
travail et que j'en revenais, une voix cacochyme, grave et précieuse
s'est mise à "psalmodier" le texte tel un texte sacré.
Malgré ma première réaction de rejet à cette
voix terrible, je réalisais que chaque mot, chaque expression devenait
comme une extension de celui qui les avait écrits. C'est une langue
à entendre ! Et cela pour moi, la rapproche encore plus étroitement
de celle de Flaubert. Bien sûr on peut être lassé par
les accumulations répétitives, par les longues énumérations !
C'est une médication qu'il faut prendre à petite dose !
Mais quel vocabulaire ! quelle précision ! quelle recherche !
Et quelle pauvreté que notre propre langage, nos infimes capacités
à dire les choses, à les nommer, à les décrire
de façon précise. Ce livre est, pour moi, une sorte d'encyclopédie
d'une époque, à un moment T, dans un microscopique
milieu donné. Il me semble qu'il a valeur de témoignage,
que c'est une uvre qui vaut de l'or.
Je me suis interrogée sur la place de l'argent dans l'uvre
et pour quelle raison, elle est à peine évoquée.
Le lien entre ennui et oisiveté ne me semble pas avoir été
évoquée, en regard à la lassitude du monde et des
êtres. L'uvre n'a pas vocation à être réaliste
ne serait-ce que dans la notion de temps : accumulation de choses
très rares (comme les papiers) ou guérisons invraisemblables
(épisode des dents, du malaise).
J'ai été marquée par la tortue bien évidemment,
par la fantaisie du cabinet maritime, par la capacité à
disserter sur la fabrication d'un "bouquet". Et quand le principe
m'a semblé répétitif (surtout pour le passage des
vins), j'ai décidé de le lire dans n'importe quel ordre
et j'ai laissé tomber la linéarité pour picorer au
fil de mes envies. Du coup, ce soir, je n'ai pas encore lu le dernier
chapitre.
J'ai été amusée par le passage dans la maison close.
Amusée à l'idée qu'un homme puisse décider
de façon expérimentale et grotesque de provoquer la décadence
d'un jeune homme. Cela m'a fait penser à Hugo et à ses thèses
sociales et à la modernité pour l'époque qui postule
que ce que l'on devient est davantage dû à une succession
d'actes qu'à une forme d'atavisme familial, chère à
Zola.
J'ai été très étonnée de voir que le
"pianocktail"
de Vian serait une forme de plagiat de celui de Huysmans !
Mais mon passage préféré est celui du voyage avorté
vers Londres. J'ai relevé quelques passages qui me ravissent, la
vision de Paris boueuse (p. 161
GF),
les descriptions mordantes et drôles des Anglais établis
à Paris, des passages critiques à l'égard de la religion
et du peuple "que des
philanthropes excitaient, en guise de consolation à réciter
des versets et à chanter des psaumes" p. 62
; des merveilles de mots "en
papier bleu perruquier et vert chou gaufrés" p.
163, "des sandwichs
cachant sous leurs fades enveloppes d'ardents sinapismes à la moutarde"
p. 165, des passages
moqueurs sur la prose féminine (p.
179).
Je conclurai en supposant que, même si son projet était très
difficile comme il le mentionne dans sa lettre à Mallarmé
en novembre 82 ("je
suis plongé jusqu'au col dans ma terrible nouvelle qui me donne
un terrible mal et de recherches et surtout de vocables un peu rares.
Comme consolation ça sera compris par dix personnes et ça
fera un four"), je me dis en souriant qu'il a quand même
dû sacrément se gondoler à écrire certains
passages !
J'ouvre en grand.
Brigitte
Qu'est-ce qu'un livre pour le groupe lecture ? Ici on en tient un. Nous
avions déjà lu dans le groupe Là-bas,
dont je ne garde pas un bon souvenir. La lecture est ici ardue, on est
débordé par la quantité d'informations. Pourquoi
ce livre difficile est-il si important ? Pourquoi est-ce une référence
dans la littérature française ? D'autres grandes uvres
littéraires (Don Quichotte, par exemple) ne sont pas aussi
difficiles d'accès. J'ai aimé le passage traitant des auteurs
latins. Ces derniers temps, je me suis beaucoup intéressée
à cette époque (de Virgile à Charlemagne), mais jamais
je n'avais trouvé de développement sur ce sujet. Je suis
vraiment rentrée dans le livre à partir de ce moment. C'est
parfois burlesque. À certains moments, l'auteur se moque de ses
lecteurs : comment peut-on se nourrir à l'aide de lavements ?
J'ai aussi aimé le passage de la tortue, qui est très amusant.
J'ai lu la préface de Fumaroli : un autre personnage très
brillant, très cultivé ; toutes ses lectures sont présentes
à son esprit, comme si elles dataient de la veille ! Selon
lui (et je partage son avis), le grand thème de À rebours,
c'est l'ennui ; notre but à chacun est de lutter contre l'ennui,
pour donner un sens à notre vie. J'ai aussi aimé la description
du voyage par la ligne de Sceaux, puis le trajet en fiacre de Denfert
à la gare Saint-Lazare. Nous fréquentons les mêmes
lieux aujourd'hui, mais tout est extrêmement différent. Huysmans
est un virtuose de l'écriture. Ce livre m'a rappelé un commentaire
de Richard qui disait : un grand artiste jongle dans plusieurs domaines,
il sait tout faire, et peut ainsi innover. En raison de la grande difficulté
de lecture, j'ouvre à moitié.
Manuel (trois
mois plus tard, en plein confinement)
Je révise mon avis depuis notre réunion. Je n'avais lu que
cent pages et mon avis rejoignait celui d'Annick A.
J'ai repris ma lecture après avoir lu Martin
Eden et pendant le confinement. Des Esseintes me paraît
toujours franchement pénible. En n'ayant lu que 100 pages, je ne
pouvais pas savoir que la bibliothèque serait à plusieurs
reprises évoquée. Le chapitre sur la décadence des
Latins m'a paru très pénible. J'ai lu À Rebours
dans l'édition
Folio et à cause des notes, j'avais l'impression que tout a
été pompé sur Ebert. L'émergence de la religion
versus l'arrivée des Barbares ne m'a pas convaincu. Et puis finalement
j'ai adoré ce livre qui est plein d'humour (noir). J'ai beaucoup
ri au passage de la dent. Le chapitre sur le voyage imaginaire à
Londres est un morceau d'anthologie ! La bibliothèque et ses
livres ont une part importante dans la vie de des Esseintes. Je cite :
"À quoi bon bouger,
quand on peut voyager si magnifiquement sur une chaise ?"
Les descriptions des tableaux de Gustave Moreau sont magnifiques. Les
chapitres sur les auteurs contemporains (je me suis accroché),
la musique, sont remarquables par leur analyse. Mais où est-ce
qu'il a été trouver cette histoire de tortue qui doit être
assortie à un tapis ! Bien qu'à plusieurs reprises,
j'étais à deux doigts d'abandonner, le livre mérite
la découverte par ses descriptions d'une époque, de des
Esseintes (jardinier, parfumeur, musicien, malade) qui est un antihéros
et d'admirer le critique qu'étais Huysmans. Le livre parlait de
confinement !
Synthèse des AVIS DU GROUPE BRETON réuni le 16 janvier 2020, rédigée par Yolaine (suivie de trois avis détaillés)
9 cotes d'amour :
Cindy
Chantal Édith
Marie-Thé |
Difficile de parler de ce roman qui ne raconte rien, et que, par sa rupture
avec le réalisme et le naturalisme en vogue défendu par
Zola, on pourrait mettre dans la catégorie fourre-tout des antiromans.
Les aspects négatifs ont paru rédhibitoires à certains
au point de provoquer un rejet total du roman, de son auteur et de son
héros, tandis que les qualités d'écriture ont séduit
la majorité de l'assistance. C'est donc dans un certain consensus
sur le fond, mais dans une adhésion à géométrie
variable, que nous avons réfléchi à l'originalité
de cette uvre et essayé de comprendre en quoi elle paraît
si importante dans l'histoire de la littérature, pourquoi aussi
elle évoque avec une telle résonance notre propre actualité,
alors même qu'elle apparaît si "datée" dans
les tendances littéraires de la fin du XIXe siècle.
Au nombre des reproches :
- l'érudition jusqu'à l'ennui et l'indigestion du catalogue
des savoirs de l'époque, littérature latine, religieuse,
philosophie, botanique, peinture, parfums, décoration, qui nécessiterait
le recours constant à un dictionnaire. On traverse les chapitres
comme on visiterait une exposition, guidé par l'excellent critique
d'art que ne peut s'empêcher d'être Huysmans ;
- le côté énervant du personnage des Esseintes, aristocrate
raffiné et décadent, dandy et névrosé, qui
n'évolue pas et s'enferme dans la solitude, le désespoir,
la victimisation ;
- son ambiguïté : odieusement machiste mais fasciné
par le féminin, blasphémateur mais obsédé
par le religieux, constamment "à rebours" et dans la
provocation.
On a aimé :
- le recours permanent à l'ironie pour décrire le vide existentiel
de cette fin de siècle qui bascule dans la décadence (et
nous y avons tous retrouvé des affinités avec Michel Houellebecq) ;
- l'amour de la langue et de son évolution, de la poésie,
la quête de l'essence de la littérature, la richesse et la
précision des descriptions, qu'elles soient littéraires,
picturales ou médicales ;
- le côté délirant, extravagant, onirique, subversif,
et même l'attirance pour la perversion et le satanisme dont certaines
d'entre nous se sont avouées friandes.
En conclusion, comme souvent, une découverte
pour la plupart d'entre nous, qui ne serions pas allés chercher
cet auteur sans Voix au chapitre, mais qui ne nous a pas laissé
indifférents. Que serions-nous sans le latin et sans Huysmans ?
Marie-Odile
Je ne connaissais de cet auteur que sa place dans Soumission
de Houellebecq et un lointain souvenir du
Lagarde
et Michard ? Je ne crois pas à travers ma lecture avoir
découvert un auteur mais plutôt un personnage, cet affreux
des Esseintes égocentrique, misanthrope, pessimiste, antipathique,
etc., qui a décidé de vivre à rebours ne se
contentant pas de se couper du monde, mais faisant du laid avec du beau,
de l'artificiel avec le naturel, du masculin avec du féminin et
inversement, dans un but qui, je dois l'avouer, m'a échappé.
Sa quête de l'essentiel suggérée par son patronyme
ne m'a pas vraiment convaincue. Cependant, ses propos sur le poème
en prose qu'il considère comme la quintessence du roman ne sont
pas loin de me convaincre.
Son rapport à l'art qui ne le sauve de rien mais qu'il ne veut
pas partager m'a déplu. "La
promiscuité de l'admiration était un des grands chagrins
de sa vie". Son goût pour "le
faisandé, le morbide, le talé, le blet"
a fait qu'aucune des références littéraires ou autres
qu'il présente ne m'a donné envie de découvrir une
uvre nouvelle. Or, pour moi l'intérêt d'un texte plein
d'érudition, c'est d'ouvrir vers de l'inconnu, de faire rebondir
vers d'autres uvres.
M'ont déplu également ses propos sur la "bêtise
innée des femmes", l'idée que toutes les
valeurs se perdent (Tout fout le camp, l'hostie n'est plus que de la fécule !).
En écrivant ceci, je perçois toute l'ironie du texte qui
m'a un peu échappé à la lecture. Tout dans ces citations
me semble maintenant excessif, caricatural donc risible.
Et ouf ! Huysmans n'est pas des Esseintes, quoique ce cheminement commun
vers le catholicisme n'a-t-il pas quelque chose de suspect ?
Ceci étant, j'ai été fascinée par l'abondance
des sujets abordés et dont je ne ferai pas la liste. "Chaque
chapitre devenait le coulis d'une spécialité, le sublimé
d'un art différent". Ce côté catalogue
m'a rappelé Bouvard et Pécuchet, mais l'enthousiasme,
la naïveté et la bêtise de ces deux personnages tentant
d'expérimenter tous les champs du savoir m'avaient paru bien plus
sympathiques.
J'ai été très intéressée par certaines
questions abordées par des Esseintes, par exemple le rapport entre
l'évolution d'une langue (le latin) et l'essor d'une religion ou
la fin d'un empire.
J'ai apprécié le rythme des phrases, la richesse inouïe
du vocabulaire, l'abondance de termes spécifiques qui ouvrent sur
un univers différent à chaque fois. J'ai eu parfois en lisant,
l'agréable impression de visiter une exposition (et pas seulement
lors de la description des tableaux de Gustave Moreau). J'ai parfois
pensé à Zola, mais il me semble que ce dernier transfigure
ses descriptions par quantité de métaphores alors que Huysmans
colle au plus près de la réalité.
Le côté petite madeleine de Proust ne m'a pas séduite
(exemple : le bonbon Perle des Pyrénées support de
souvenirs avec les femmes), trop facile.
L'orgue à bouche m'a semblé plus original, précurseur
du pianocktail
de Boris Vian dans l'Écume des jours.
Bref, un texte très riche dont je me suis demandé vers quoi
il va, comme ce personnage artificiel qui n'évolue pas vraiment.
Qu'on ne s'y trompe pas, la longueur de mes propos ne doit rien à
l'intérêt, faible, que je porte à cette uvre,
mais plutôt au spleen d'un jour de pluie
J'hésite entre ¼ et ½, allez va pour ½ en
raison des bons échanges et interrogations qu'il a suscités.
Chantal
Je l'ouvre, après grande réflexion,
à ¾.
Je n'aime pas des Esseintes ! Tout au long du livre il m'a agacée,
énervée au plus haut point. Je lui parlais, je lui disais
: "si tu travaillais, si tu devais gagner ta vie, tu ne resterais
pas là à contempler ton nombril, à t'inventer des
occupations absurdes pour passer le temps..." et puis son mépris
des femmes est insupportable ! De même son balancement entre
luxure et religion (religiosité plutôt), tout ça ce
sont des postures !
Mais : quelle écriture ! Quelle merveille d'écriture !
Et justement la description magistrale de ce des Esseintes : rarement
la névrose a été si bien décrite. J'allais
dire "description médicale". Bon, je suppose que l'auteur
sait de quoi il parle, le personnage et l'auteur sont-ils différents ?
Et puis quelle érudition ! Les auteurs de la bibliothèque
de des Esseintes, les auteurs latins cités, analysés, m'ont
mise en face de mon ignorance.
Et j'ai véritablement apprécié, goûté,
ses descriptions, ses mots, concernant aussi bien les pierres précieuses,
les fleurs, les parfums... ses mises en scène de son appartement,
avec une précision telle qu'on s'y croirait ! La tortue recouverte
d'or et de pierres précieuses
Et mon coup de cur, vraiment, ce sont les mots, tous ces mots inconnus,
beaux à lire et à prononcer, "gouleyants", quel
plaisir ! Moi qui vais trouver les mots du dictionnaire médical
quand j'ai besoin de me calmer, eh bien je vais désormais y ajouter
Huysmans !! J'ouvre ce livre aux ¾.
Édith
Jai été contente du choix du groupe, de ce livre sorti
en 1884.
J'avais, du personnage de Huysmans, l'idée d'un homme troublé
par le mal et attiré par l'église et la foi. Du fait de
mon ancienne activité bouquiniste, je l'avais souvent en rayon
et satisfait la demande de clients, mais je n'avais jamais vraiment lu
cet auteur, ni d'ailleurs beaucoup échangé avec ces derniers.
Je l'avais "classé" parmi les auteurs de fin du XIXe
siècle travaillés par les thèmes de l'église
et l'anticléricalisme, de la laïcité, du mal, du sexe
et ses "tracas", et le rapport à la mort.
Edgard Poe, Villiers de L'Isle-Adam, Barbey d'Aurevilly, les peintres
Gustave Moreau, Odilon Redon
Autant d'auteurs et créateurs
déposés sur étagères, rapidement ouverts,
trop rapidement. Cette fin de siècle m'attirait par ses préoccupations,
me faisant ainsi une idée inexacte, vague, de cette littérature
et de ses créations, faute d'approfondissements. Époque
machiste et dévergondée sous l'honorabilité du pouvoir
financier, de la classe bourgeoise et du mépris par ces derniers
assez souvent des classes défavorisées. Ce sont les dessins
de Daumier et autres caricaturistes de cette fin de siècle, livrant
des femmes légères et parfois pauvres à la merci
de ces hommes. J'aime aussi beaucoup regarder les documents, les affiches,
les photos de cette époque.
Merci donc à Voix au Chapitre.
A propos, je souhaiterais lire une uvre de Flaubert...
De ce fait, je me suis lancée dans ce livre dont je n'imaginais
pas la densité
Heureusement divisé en chapitres, chacun
d'eux apportant un éclairage très personnel par des Esseintes
(cet homme est la voix de Huysmans, c'est du moins ainsi que je l'ai compris).
Il dote son personnage, dans la notice en début du livre, d'une
biographie expliquant sa détermination à s'enfermer dans
une maison à Fontenay-aux-Roses. S'ensuit une description méticuleuse
du lieu et de ses transformations, elles sont celles d'un esthète.
Voilà installé, jusqu'au dernier chapitre, ce personnage
à la fois déconcertant de gougnaferie, de prétention,
de raffinement, de dédain, d'égoïsme, un rêveur
fou, un savant rigoureux et grotesque, prétentieux, de culture
ancienne et de préoccupations de son siècle, pédant
et aussi de fuyard devant la vie. La mort est en toile de fond ;
ses recherches "maladives", ses exclusions sans nuances seraient-elles
autant de façons de s'abstraire de la vie au sens classique et
ainsi de fuir interrogation et angoisse suscitées par cette idée,
celle de la fin de vie, de la maladie de la perte de la jeunesse ?
J'ai savouré à plusieurs reprises le détail de ses
potions et des plats préparés avec la diligence de ses deux
serviteurs totalement aliénés à son service. Dans
l'épisode de la tartine des enfants pauvres et de son désir
de manger la même
j'ai honte pour lui de son rejet de ces
mômes
De même, sa déclaration par rapport aux
naissances des pauvres et parfois leur abandon
à rougir de
stupéfaction, résolument provocateur. Il est vrai, je crois,
qu'à la même époque des théorise eugénistes
existaient. Sa prétention d'homme supérieur, son angoisse
de la mort et ses lubies médicinales et esthétiques
au chapitre dernier cela le rattrape et il doit quitter son havre. La
névrose est évoquée à plusieurs reprises.
L'évocation de son départ vers Londres et la mise en place
de ce voyage en passant (s'arrête) à Paris est drôle
et je dois dire que je pars un peu avec lui dans la minutie et l'humour
des descriptions, en me réjouissant quelque peu de ses remarques
parfois rosses à l'égard des Anglais. Justesse du propos
incarné par une bonne connaissance de l'Angleterre et de son climat
humain : il connaît la littérature anglaise et ses héros
J'ai beaucoup aime le chapitre entier sur les pierres et la façon
dont il martyrise la tortue en l'accablant de pierres précieuses
sur la carapace
, c'est totalement surréaliste (couverture
du livre choisie par l'éditeur). La minutie avec laquelle il élabore
cette mise en place pourrait évoquer la manie d'un fou psychotique
ou d'un maniaque : construction surréaliste aussi perverse
que le souvenir que j'ai de certaines histoires d'Edgard Poe.
Chaque chapitre et il y en a 16 livre un état
de connaissances encyclopédiques. Il a dû rechercher de la
documentation sans douter toutefois de son érudition. Cette dernière
était certes différente à cette époque. Mais
le vocabulaire précis pour chaque description laisse admiratif.
Richesse et amusement de découvrir les définitions de certains
termes. Il y a du LITTRÉ, homme original, son contemporain ;
beaucoup de mots ont disparu et notre richesse de vocabulaire a aussi
considérablement diminué. Et évolué.
J'ai acheté l'édition Garnier
Flammarion avec dossier et
de ce fait j'ai aimé aller voir rapidement en m'arrêtant
à ce qui me frappait le plus les notes concernant chaque
chapitre. Pour le plaisir, je relève certains mots dont j'oublierai
vite la signification faute d'usage
: eccamineux, glutineuse,
testateur, sauré, éréthisme, perspicuité,
hypogées, lendores...
Des noms savants d'objets et de matières (cinabre, santonine)
et puis tous les mots correspondants à décrire les fleurs,
les parfums, les bois, les alcools, les tissus, les matières et,
pour enfin, être étourdie par tous l'énumération
savante des auteurs latins grecs et moyenâgeux. Quant à lire
ses remarques sur ses auteurs contemporains, je me suis sentie dans Lagarde
et Michard ! Il m'est arrivé de lire tout haut certaine énumération
pour le plaisir des sonorités.
J'ai lu avec plaisir la critique de Zola (ami fidèle de Huysmans)
dans le dossier. J'ai lu attentivement la seconde préface de Huysmans
en éprouvant "à parcourir ses lignes" la satisfaction
d'avoir lu les 16 chapitres. Cette lecture m'a fait visiter l'ensemble
des titres de son uvre, pas certaine d'ailleurs de les lire. Je
constate néanmoins que je possède de mon ancienne bibliothèque
Être bien dans
le mal : Baudelaire, Huysmans, Bataille d'Anne Bihan, aux éditions
du Champ lacanienédition du champ
Alors lecture à
venir ?
J'ai ainsi compris le projet de Huysmans : celui de sortir de la
littérature dite "naturaliste" pour plonger dans un ouvrage
qui reste à mon regard comme une allégorie d'un homme souffrant
du siècle, une somme de critiques acerbes et parfois justes du
monde en général, et aussi des femmes, une volonté
d'aller vers une autre forme de littérature et sortir du roman
façon Zola.
J'ai lu ce livre en France et en voyage et à nouveau en France.
J'ai donc eu une lecture découpée, morcelée, mais
le goût que j'ai de cette époque fin XIXe me remettait facilement
dans l'ambiance, j'avais désiré très fort lire ce
livre et le partager. Pourquoi seulement
¾ ? N'est-ce pas le sentiment d'un "monstre" d'écrivain
qui m'a fait redouter et désirer le lire. L'édition avec
dossier était trop pour ma "gourmandise" et pourtant
j'y ai pioché...
Marie-Thé
Le jour de la rencontre Voix au chapitre-Morbihan, j'avais dit
que je l'ouvrais à ½ : en cheminant dans À
rebours, j'ai très souvent été émerveillée
par l'écriture de Huysmans, par les descriptions qu'il fait d'uvres
d'art, de livres, de lieux, par les portraits souvent caustiques et si
bien brossés de personnages parfois méprisés, souvent
rejetés. J'ai aussi été éblouie par l'érudition
de l'auteur, par l'importance accordée à chaque mot, par
la multitude des sujets et des détails apportés.
MAIS : toute cette érudition, toutes ces énumérations
qui n'en finissent pas, tous ces auteurs (chrétiens en particulier),
que je ne connais même pas, tout ce vocabulaire, ces mots inconnus
aussi, tout cela m'a vraiment lassée, menée à l'indigestion...
J'ai dû sauter des lignes et des lignes pour m'en sortir.
Aujourd'hui, je rédige mon avis, plus d'une semaine après
avoir terminé ma lecture. Depuis, le livre où j'avais cheminé
a cheminé en moi, pour qualifier ceci, deux mots : à
rebours. Résultat, je ne l'ouvre plus à ½, mais aux
¾. Je ne rejette rien de ce que j'ai dit plus haut, j'y ajouterai
que À rebours m'apparaît comme un grand livre et Huysmans
comme un génie. J'admire cette écriture recherchée,
ciselée, ce travail d'orfèvre, une uvre d'art en quelque
sorte. Je suis très impressionnée par la force qui se dégage
de cet ouvrage évoquant entre autres la décadence d'une
époque et le "mépris de l'humanité" éprouvés
par Jean des Esseintes réfugié dans "une
thébaïde raffinée". Et toutes les couches
de la société y passent, mentions particulières tout
de même pour les femmes, les enfants (avec le jeune Auguste emmené
chez madame Laure, il est diabolique) et même les fleurs... ("une
certaine pitié pour les fleurs populacières").
Je suis effarée, quelle horreur et quel talent
Lorsque ce personnage haineux, névrosé, hypocondriaque
en arrive, après avoir rejeté la langue latine, à
louer Pétrone et son Satyricon,
à être sensible aux Confessions
de Saint-Augustin, j'apprécie de croire voir émerger
chez lui une forme de quête spirituelle. Quête de la beauté
aussi, mais quel désastre, avec la tortue par exemple : "on
lui avait pavé le dos comme un ciboire." J'y vois
une forme de sacrilège.
Dans ces pages, je vois surtout délire et extravagance, mais j'ai
aimé voir des couleurs presque partout ; par contre le repas
de deuil rappelle peut-être la mère qui ne supportait pas
la lumière...
La description de Salomé de Gustave Moreau a retenu mon
attention, Salomé et l'"indestructible
luxure", parée comme la tortue. Huysmans érudit
et critique d'art n'est pas loin
On est bien sûr souvent à rebours, de la nature à
l'artifice par exemple. Mais avec le rêve on passe de la végétation
au virus (apparition de la grande vérole). L'évocation des
sens malgré, quelques longueurs, m'a intéressée,
en particulier "les
illusions de l'ouïe".
De ce livre provocateur, j'ai beaucoup aimé le dernier chapitre,
formidable, tout y est, c'est le passage que je préfère.
Critique impitoyable du monde de l'argent, des financiers, c'est aussi
"la mort de tout art",
l'hypocrisie du milieu littéraire, etc., etc. Résonnances
avec aujourd'hui
Et enfin ces toutes dernières lignes : "Seigneur,
prenez pitié du chrétien qui doute, de l'incrédule
qui voudrait croire, du forçat de la vie qui s'embarque seul, dans
la nuit
"
Voici un livre que je conseille
même s'il m'a parfois assommée,
dérangée aussi. Actuellement, on ne peut plus dire ce qu'on
veut : gare à la censure. Eh bien, lisons A Rebours !
J'ai par ailleurs beaucoup pensé à Houellebecq, mais aussi
à Baudelaire, et même à Proust.
AVIS DU nouveau groupe parisien réuni le 31 janvier 2020
13
cotes d'amour
Anne Françoise H Monique M Entre et Audrey Anne-Marie David Katherine Christine Nathalie B Séverine G Faustine Margot Olivier |
Margot
Comme ce soir je ne pourrai vous rejoindre pour partager avec vous À
rebours de Huysmans, voici mon tout bref commentaire sur cet ouvrage.
Une très grande perplexité à la lecture de l'uvre
que je n'ai pas tout à fait terminée.
Oui, une très belle langue et presque un ou des colliers de joyaux
très surprenants que l'on voudrait retenir, mais qui se suivent
et s'annulent.
Un roman centré sur une "fin de race", le rejeton d'une
"fin de lignée" qui s'ennuie, avec lequel le lecteur
s'ennuie également diablement et s'étiole, le tout dans
un luxe de culture, une gabegie même, qui est destinée à
s'éteindre avec lui ?
Ou encore un brillant exercice de style qui amène, pousse l'auteur
(mais dans quel objectif et quelle motivation ?) à faire montre
de son savoir.
Ce serait là le livre de l'auteur savant, l'auteur puit de science ?
Une trajectoire a retenu mon attention, un petit point de bascule qui
semble être le corps à partir de l'incident de
la rage de dents ou le chemin ne suit plus les affres ou les
aléas du monde extérieur, mais où l'aventure s'insinue
dans le corps, la rage de dent, l'alcool et le goût de l'alcool,
les malaises et la maladie. Et nous voila plongés dans l'intériorité
du corps.
J'hésite à fermer un livre complètement, alors je
le laisserai ouvert à 1/3.
Audrey, entre et
Je comprends pourquoi Huysmans plaisait à Houellebecq : je
vois dans ce personnage qui est à rebours, qui cherche à
provoquer, qui affirme une certaine immoralité, un auteur qui est
un "chef littéraire". J'ai trouvé que c'était
un texte très raffiné, qu'on entre dans un univers ;
chaque tissu, matière, couleur, est subtilement choisi et étudié.
Le vocabulaire évoque ce raffinement : précis et détaillé.
Je mesure à quel point un mot signifie quelque chose dans le détail.
J'ai la chance d'avoir une édition avec le vocabulaire expliqué.
C'est une langue pointue, acérée, élégante,
recherchée, érudite. Il y a de l'humour dans ce texte :
la scène du dentiste montre un sens du récit, une petite
nouvelle dans le texte, elle a un rythme extraordinaire. Il y a un passage
assez poétique : il ouvre la fenêtre et décrit
le contraste de la neige sur le ciel de la nuit. J'ai aimé le travail
autour des correspondances, très proustien, entre goût et
musique, littérature romaine et période historique, voyage
et puissance de la pensée, couleurs et caractères des gens.
C'est un aristocrate qui méprise en permanence, une misanthropie
rôde lourdement. Le style souligne ça aussi, ce n'est pas
accessible à tous. Tout ce que la masse commence à apprécier
perd de la valeur à ses yeux. Il y a dissociation entre un homme
qui fouille, qui recherche et parfois c'est plus provoquant. C'est plus
une succession d'essais qu'une uvre de fiction. Je me demande comment
le livre a été reçu. Il y a une liberté de
ton, c'est moderne. Ça me fait penser à Baudelaire (dandy,
amoral) et à Sade.
Françoise H
J'ai beaucoup ri, mais je ne saurais pas vous dire pourquoi. C'est très
baudelairien dans sa distinction assumée, son anticonformisme.
C'est aussi un homme qui vit la révolution industrielle, un grand
pourfendeur de la bourgeoisie dans la matérialité, la consommation,
l'ostentation, l'arrivisme. J'ai du mal à distinguer personnage
et auteur. Qu'est-ce qu'a pu être l'essor de la bourgeoisie et de
la modernité ? C'est un homme du passé avec un regard
complètement réactionnaire, dans le refus du présent.
Son esprit est trop vaste pour ce monde trop étriqué du
19e siècle. C'est un fou intégral : maniaque le plus
poussé. On n'est pas dans un délire, mais plutôt avec
une taupe qui creuse, qui s'abstrait du monde. Il se le fabrique, il n'en
sort pas. C'est un monde clos, à contre-courant des valeurs contemporaines
de l'auteur. C'est très intéressant du point de vue psychiatrique.
C'est très jubilatoire. J'ai lu En
rade où il introduit du fantastique. Le livre est moins
heureux, j'ai laissé tomber, lassée.
Anne-Marie
J'ai trouvé que ce n'était pas un roman, il n'y a pas d'histoire.
Le contexte est intéressant : dernier de sa lignée,
du fait de la consanguinité il est dégénéré
physiquement, faible, et il a abusé sans que l'on sache vraiment
de quoi il s'agit. C'est presque lovecraftien, il y a de l'indicible.
On a l'impression qu'il s'est isolé du monde du fait de son impuissance.
Il est devenu misanthrope, mais il n'a pas plus d'estime pour les gens
de sa caste que les autres. Personne ne trouve grâce à ses
yeux. Il s'isole à la campagne et est fatigué du monde et
de la débauche. Il s'étourdit de raffinement à son
usage unique. Avec un vocabulaire raffiné, et certains des mots
que je ne connaissais pas et n'avais jamais vus. Il y a des énumérations :
auteurs latins, couleurs, étoffes. On sent le critique d'art, ce
n'est pas du fantasme, c'est pointu et érudit. Ça contraste
avec son côté onirique, il s'évade dans le rêve.
C'est sa seule distraction. Il n'a pas assez de mépris pour la
populace et les femmes en prennent plein la figure. Et en même temps
il a une fascination pour Salomé, la tentatrice. Sans attirance
non plus. On n'y croit pas trop, c'est rhétorique. Il est sadique
aussi, pervers (histoire avec le petit garçon). Il s'est mis hors
de l'humanité. C'est soit pour choquer soit par pari avec lui-même.
On sent qu'il cherche des sensations et des stimulations, mais ça
n'aboutit pas. Le style est très beau, il y a une vraie poésie
dans certaines descriptions. On retrouve le naturalisme à la Zola
dans certains passages. C'est très réussi mais laisse une
impression de malaise. C'est intéressant, mais je n'adhère
pas au personnage.
Nathalie B
J'ai cherché les référence, recherché les
auteurs latins, regardé les images des fleurs et plantes mentionnées,
des pierres aussi... Huysmans montre le nombre d'auteurs oubliés
ou totalement inconnus, le vocabulaire que nous n'avons pas, c'est érudit
et il nous le fait savoir. J'avoue que la vie du personnage qui s'isole
du monde, autocentrée, ne m'intéresse pas particulièrement.
Il a un côté dandy qui ne m'attire pas non plus. Sans compter
sa misanthropie et sa misogynie insupportables. L'auteur, de par son écriture,
nous tient à distance du personnage, sans doute d'ailleurs parce
qu'il a mis beaucoup de lui chez son des Esseintes. Il y a de jolis moments :
un chapitre que j'ai bien aimé et qui m'a fait rire, c'est celui
du voyage pour l'Angleterre, ainsi que les descriptions des tableaux de
Moreau. Sa lecture m'a permis de me réinterroger sur le 19e siècle :
la bourgeoisie matérialiste qui s'érige et l'aristocratie
qui s'éteint. Il n'aime pas ce monde, ni le monde dont il est issu.
Mais je me suis ennuyée en le lisant. Si parfois le roman m'a fait
sourire, il ne m'a rien fait ressentir. Or ses chapitres sont décomposés
en autant de sens qu'il se complaît à décortiquer
pour nous montrer tous les mots rares qu'il connaît. Par exemple,
le chapitre sur les odeurs, les parfums. J'ai pensé au livre Le
parfum de Patrick Süskind où tu ressortais du roman avec
un nez plus développé, avec le désir de humer tout
ce qui t'entourait, où les odeurs étaient tellement bien
décrites que tu les ressentais à l'instant. Là, rien.
Des noms, une liste d'odeurs et de parfums, mais aucune sensation. C'est
cérébral, intellectuel, mais pas de sensation. Ce sont des
listes. Richesse du vocabulaire, des mots magnifiques. A ce titre, la
lecture est intéressante mais elle ne t'emporte pas.
Anne
J'ai trouvé le personnage très émouvant. C'est un
maniaco-dépressif très émouvant de par sa tentative
de s'accrocher aux plus beaux mots. Je n'ai pas tout lu, j'ai passé
certains passages. Il lutte désespérément contre
quelque chose qu'on a dû lui faire vivre, des désillusions
fondamentales et effondrantes. Il essaie toujours de se recréer
des illusions jusqu'au mépris. Son raisonnement n'est pas faux
car il ne peut pas faire de compromis, c'est sa spécificité.
On est tous confrontés à la différence et il ne veut
pas ça. Ça l'effondrerait. Le passage sur Londres est fabuleux.
Il est drôle tout le temps : les fleurs, ce sont des mots extraordinaires,
des fleurs qui copient les monstres que nous sommes. Il lutte contre l'horreur
de la vie. Les mots ne sont que de la futilité mais parlent de
l'essentiel. Apologie de l'art de pervertir et de pousser l'esthétique
comme on fait mourir une héroïne en fin d'opéra. Il
fait tout mourir : fleurs, tortues. Beauté de la parole. Homosexualité
effacée mais on la sent.
Olivier
La critique du tableau envoyé précédemment
était très drôle, donc j'avais un a priori positif.
Première désillusion : la préface. C'est d'une
prétention. Il se regarde écrire tout le temps. Ampoulé,
prétentieux, j'ai détesté. Tout le temps je voyais
l'homme qui écrit. Le personnage est pervers oui, mais je m'en
fous. Je ne vois que l'homme qui écrit. Ce n'est pas de la littérature.
Ça doit nous emporter un livre, tu ne peux pas le fermer, tu vas
jusqu'au bout, tu le vénères. Ça m'ennuie à
mourir, ça ne m'apporte rien. Il y a des moments, des nouvelles
bien écrites. Il devrait écrire dans Figaro magazine
et pour Côté déco. J'ai creusé sur
l'auteur : antidreyfusard, il massacre Zola pour le J'accuse.
Un livre n'a pas d'âge, pas de siècle. Si c'est un plaisir
intellectuel, je n'ai pas de plaisir de lecture. J'attends plus de la
littérature, j'attends qu'elle me parle de la vie, de l'homme.
Il en parle de manière pédante, prétentieuse. Je
perds l'image à cause du vocabulaire qui nécessite un dictionnaire
à côté. Le bonhomme qu'il décrit ne me fait
rien ressentir. S'il faut attendre Houellebecq pour parler d'un gars du
19e... De temps en temps, pour trois quarts des pages, j'ai été
scotché : nouvelles, description des tableaux. Mais je n'ai
pas tout lu.
Faustine
Je me suis un peu ennuyée en lisant ce livre. Certains passages
m'ont captée : contexte et famille, passage sur le voyage
à Londres, emménagement... Mais pour le reste, je n'arrivais
pas rester concentrée, trop de descriptions thématisées :
bibliothèque, tentures, couleurs..., au début avec plaisir.
J'ai sauté de nombreux passages. Mon attention n'était pas
dans le livre. Je n'aime pas m'arrêter quand je commence quelque
ouvrage mais pourtant... l'ennui l'emporte sur le reste. Trop de maniaquerie
du personnage pour y être sensible.
Monique M
J'ai éprouvé un plaisir rare, une grande jouissance à
lire ce livre, l'une des grandes uvres de la littérature
française, qui rompt avec ce qui précède, s'ouvre
à la modernité et au 20e siècle.
Plaisir à explorer l'univers de des Esseintes, ce monde clos, ce
paradis artificiel hyper sophistiqué, dans lequel il s'enferme.
Il y a là une débauche, un chatoiement de couleurs, d'étoffes,
de parfums, de livres rares, de meubles précieux
décrits
avec un tel raffinement, que tout est mis en place pour exalter les sensations
les plus extrêmes. Plaisir encore, de découvrir la grande
érudition de Huysmans, ce foisonnement de connaissances. Il me
semble qu'il fallait que Huysmans le déploie de cette façon
pour rivaliser, tout au moins équilibrer l'extravagance extrême
de des Esseintes, sa folie névrotique aux passions morbides, et
se situer ainsi à sa hauteur.
C'est donc un voyage dans les passions littéraires, picturales,
olfactives et musicales de Huysmans. C'est très érudit L'écriture
savante, sophistiquée explore toutes sortes de domaines avec une
foule de détails passionnants qui accrochent le lecteur ;
le style est ciselé, le vocabulaire rare, extrêmement précis ;
c'est de l'orfèvrerie, à l'image des pierres précieuses
dont des Esseintes pare la carapace de sa tortue. C'est souvent sarcastique,
distant, il fait défiler les siècles et ses protagonistes
avec perspicacité, humour, détachement et beaucoup, beaucoup
d'érudition. C'est extrêmement jouissif.
J'ai beaucoup aimé la fluidité irradiante de certains passages
comme celui où il boit son thé dans des porcelaines de Chine
dites coquilles d'uf alors que tombe la neige et qu'un silence profond
enveloppe la maison engourdie dans les ténèbres, la description
sublime de la Salomé de Gustave Moreau et l'analyse qu'il en fait ;
le passage plein d'humour où il souhaite faire de sa chambre une
cellule monastique, qu'il pare d'étoffes magnifiques donnant l'impression
de guenilles, afin de ne pas lui donner l'austère laideur des asiles
à pénitence et à prière ; le cauchemar
hallucinant où la Syphilis à cheval vient à sa rencontre ;
les deux maîtresses Miss Urania l'acrobate, puis la ventriloque,
à qui il demande de faire dialoguer le Sphinx et la Chimère.
De très belles descriptions de la campagne, la pluie dont les fils
innombrables joignaient la terre au ciel, le Paris du 19e siècle
avec ses fiacres, ses réverbères, ses omnibus, ses tavernes
avec un des Esseintes qui s'imagine être à Londres. Le voyage
littéraire dans sa bibliothèque avec l'évocation
et l'analyse des auteurs qu'il aime : Baudelaire, Flaubert, Barbey
d'Aurevilly, Verlaine
Et la très belle et sensible analyse
de la jeune fille et la mort de Schubert.
Enfin la chute finale où il tombe accablé sur sa chaise
à l'idée de sortir de sa solitude, aller à Paris
et d'entrer dans la turpitude et servile cohue d'un siècle devenu
bourgeois.
J'ai adoré ce livre, je l'ouvre en grand.
Katherine
C'est un livre assez lourd à lire, c'est tellement fouillé,
fourni. Ça prend du temps de le laisser infuser. C'est plein d'histoires,
de sensations particulières. Il faut du temps pour le lire. Pas
besoin de le lire en entier pour avoir une impression d'ensemble. Le personnage
n'a jamais aimé, il a toujours été foncièrement
seul. Sa raison de vivre est la jouissance de toute chose. Il s'est perdu
dans la jouissance de la chair. Il avait tellement tout vécu, trop
vite, trop fort. Pour avoir du plaisir, il fallait du raffinement extrême.
Il est devenu à ce point exigeant qu'il ne pouvait plus vivre en
société et il se replie sur lui-même pour éviter
la déception. Il n'est pas pathétique. J'ai trouvé
qu'il était intéressant. J'ai une admiration très
sèche pour lui, pour une érudition pareille. Je ne relirai
jamais un tel roman. Ce niveau d'érudition peut faire très
tape-à-l'il, mais ce n'est pas grave, lui a le droit d'être
arrogant et snob car c'est tellement bien fait. Qu'il ait tous les défauts
du monde n'importe pas car le roman a tellement de valeur en soi. Ça
suscite de l'admiration mais je ne suis pas accrochée. C'est un
exercice de style, mais on ne voit pas que c'est un excellent conteur.
Ce n'est pas dans ce roman que c'est exploité. J'ai hâte
de lire quelque chose qui va m'accrocher plus, mais c'est un livre à
lire dans une vie. J'ouvre aux ¾. Il faut une part d'accroche pour
ouvrir totalement.
David
Je
rentre dans les livres sans avoir d'attente, j'aime découvrir des
univers neufs. C'est un grand inspirateur pour des auteurs qui ont fait
des répétitions et des litanies. Oui, c'est misanthrope,
mais quand on se cherche, on peut être dans la description d'un
monde sale, déprimant, triste. Même s'il y a du danger d'être
dans un monde désagrégé, pourquoi ne pas se dire
que c'est ça la vie ? Pourquoi est-ce que ce serait mal d'être
misanthrope, misogyne ? Il privilégie une esthétique
et un sens de la vie qui peut être bien en soi. Ce n'est pas négatif.
D'un point de vue littéraire et moral, c'est intéressant.
Ça pose problème au lecteur : est-ce que c'est mal
ou est-ce que c'est bien ? Peut-on être admiratif face à
cette vision du monde ? C'est un objet littéraire complexe
à lire, il faut passer outre les descriptions fastidieuses. On
ne sait pas trop si c'est un roman ou un essai. Comment peut-on mal juger
un monde passé ? Un jeune lecteur trouverait ça assez
illisible, les litanies sur les auteurs latins. Est-ce que ça a
du sens aujourd'hui ? Les auteurs recensés datent. Il y a
l'idée de refaire toute l'histoire du monde. Son rapport à
la religion est en contradiction avec son matérialisme et son cynisme.
Tout le monde en prend pour son grade : c'est un constat froid, c'est
du cynisme mais c'est assez bien vu. Il y a de belles descriptions des
putains et de l'évolution de la prostitution qui est du Virginie
Despentes avant l'heure. Ça fait vieux schnock et nostalgique.
Je trouve qu'il y a des points communs sur le regard porté sur
les femmes avec Houellebecq, femmes qui ramènent l'homme à
la vie. Et des visions nostalgiques : l'amour passe, on en garde
seulement des souvenirs. Il y a des moments drôles qui donnent de
la légèreté et de la poésie. Il y a des moments
où j'ai sauté. C'est un objet littéraire bizarre.
Christine
(avis transmis après la soirée)
C'est un livre que j'ai lu laborieusement. À rebours s'apparente
à un catalogue des arts : chaque changement de perception
dans la névrose de des Esseintes annonce une exploration dans un
nouveau domaine (l'exploration musicale m'a paru succincte).
Les longues énumérations érudites m'ont donné
l'impression d'avoir une culture et des références défaillantes.
Le dictionnaire m'a accompagnée tout au long des seize chapitres
J'ai persisté dans ma lecture, entrecoupée par plusieurs
romans, car j'y ai, malgré tout, trouvé un certain plaisir.
Le premier de ces plaisirs participe de la magnifique édition Gallimard/Musée
d'Orsay. Les illustrations renvoient exactement au texte. Ces allers-retours
image-texte m'ont permis de rentrer dans le propos de Huysmans.
Le deuxième est le style. Les longues phrases énumératives
pleines d'adjectifs et parfois de digressions m'ont souvent charmée.
Le troisième est le personnage. Des Esseintes et sa recherche de
l'essentiel dans l'art est attachant. Huysmans nous explique sa névrose
par son enfance et nous fait la démonstration que l'art retiré
du monde ne permet pas de vivre. L'Art se nourrit de son époque
et la reflète. À rebours est le témoin d'une
époque.
J'ouvre ce livre à moitié.
AVIS de lecteurs
du GROUPE DE TENERIFE
"Maintenant, cétait un fait acquis. Une fois sa besogne terminée, la plèbe avait été, par mesure dhygiène, saignée à blanc ; le bourgeois, rassuré, trônait, jovial, de par la force de son argent et la contagion de sa sottise. Le résultat de son avènement avait été lécrasement de toute intelligence, la négation de toute probité, la mort de tout art, et, en effet, les artistes avilis sétaient agenouillés, et ils mangeaient, ardemment, de baisers les pieds fétides des hauts maquignons et des bas satrapes dont les aumônes les faisaient vivre !"
"Positivement, il souffrait de la vue de certaines physionomies, considérait presque comme des insultes les mines paternes ou rêches de quelques visages, se sentait des envies de souffleter ce monsieur qui flânait, en fermant les paupières dun air docte, cet autre qui se balançait, en se souriant devant les glaces ; cet autre enfin qui paraissait agiter un monde de pensées, tout en dévorant, les sourcils contractés, les tartines et les faits divers dun journal.
Il flairait une sottise si invétérée, une telle exécration pour ses idées à lui, un tel mépris pour la littérature, pour lart, pour tout ce quil adorait, implantés, ancrés dans ces étroits cerveaux de négociants, exclusivement préoccupés de filouteries et dargent et seulement accessibles à cette basse distraction des esprits médiocres, la politique, quil rentrait en rage chez lui et se verrouillait avec ses livres.
Enfin, il haïssait, de toutes ses forces, les générations nouvelles, ces couches daffreux rustres qui éprouvent le besoin de parler et de rire haut dans les restaurants et dans les cafés, qui vous bousculent, sans demander pardon, sur les trottoirs, qui vous jettent, sans même sexcuser, sans même saluer, les roues dune voiture denfant entre les jambes."
Les amoureux de Flaubert apprécieront sans doute !
Une autre dimension qui m'a permis d'accepter de progresser dans la lecture
d'À rebours, sans laquelle mais elle est très
différentes de celle qui précède je l'aurais
abandonnée rapidement, a été le regard psychanalytique
auquel ce roman invite. En effet, des Esseintes aurait tout intérêt
à aller se coucher sur le divan d'un psychanalyste, s'il cherchait
vraiment à avoir une chance de récupérer sa fragile
santé. Un.e analyste aurait l'eau à la bouche devant un
cas comme celui de ce jeune névrosé. D'un côté,
il aurait sans doute un champ de travail bien intéressant dans
la tâche d'interprétation des rêves fréquents,
cauchemardesques la plupart du temps, de des Esseintes ; de l'autre, il
serait heureux s'il avait, comme il convient au métier,
l'écoute longue et patiente de pouvoir aider le malheureux
analysant à faire émerger des profondeurs de l'inconscient
le savoir que lui seul possède sur la cause de ses souffrances.
Parce que des Esseintes représente un cas paradigmatique de cette
condition bien humaine qui comme, en général,
elle ignore qu'il n'y a pas d'objet adéquat au désir humain
a besoin, pour avoir l'impression de vivre, de déplacer tout le
temps son désir d'un objet à un autre avec l'espoir de trouver,
finalement, l'objet capable de le satisfaire. À chaque changement
d'objet, il croit avoir trouvé l'objet total, pour découvrir,
au bout de peu de temps, que celui-ci n'est qu'un objet partiel et, en
conséquence, nécessairement insatisfaisant.
Cela dit, et pour ne pas conclure, quelle énorme différence
entre les personnalités de Bouvard et Pécuchet et celle
de des Esseintes ! Et aussi quel grand écart entre les préoccupations
des uns et de l'autre ! Rien, dans la personnalité des deux
copistes de la névrose maladive de des Esseintes, ni de sa haine
du monde. C'est cette différence qui explique que les premiers
s'adonnent dans le bonheur à des actions un peu folles,
c'est vrai qui cherchent à connaître le monde
pour le transformer, des actions, donc, orientées vers l'extérieur,
vers les autres, tandis que les actions du second ne s'orientent que vers
lui-même, en ne cherchant pas à transformer quoi que ce soit
concernant les autres, mais à satisfaire seulement ses propres
besoins psychiques. Mais quels sont ces besoins ? Lui-même
il l'ignore, et cela parce qu'ils sont tout simplement "indéfinissables" :
"il avait naguère adoré le grand Balzac, mais en même temps que son organisme sétait déséquilibré, que ses nerfs avaient pris le dessus, ses inclinations sétaient modifiées et ses admirations avaient changé.
Bientôt même, et quoiquil se rendît compte de son injustice envers le prodigieux auteur de la Comédie humaine, il en était venu à ne plus ouvrir ses livres dont lart valide le froissait ; dautres aspirations lagitaient maintenant, qui devenaient, en quelque sorte, indéfinissables." (C'est moi qui souligne.)
C'est sans doute c'est en tout cas mon sentiment l'atmosphère fermée, pourrie, engluée, irrespirable, que Huysmans crée dans son livre pour nous communiquer la personnalité égotique et radicalement narcissiste de des Esseintes qui a rebuté le lecteur, d'habitude intéressé et souvent passionné, que je suis. J'ai été tout à fait incapable de m'intéresser au personnage ni à l'histoire, ni, vraiment, à l'écriture qui, pourtant, est pour moi, toujours, le vrai contenu d'un livre. Elle a pourtant des qualités, l'écriture de Huysmans, mais peut-être qu'il a trop voulu les exhiber ces qualités, trop se faire admirer, trop s'admirer lui-même, s'y mirer dans le miroir de sa prose. Alors, trop c'est trop !
QUELQUES INFOS ? | |
- De nombreuses
éditions d'À rebours sont disponibles - Le roman est accessible en ligne - Auteur choisi en lien avec une exposition au musée d'Orsay - Thèmes des différents chapitres - La vie de Huysmans racontée par Houellebecq - Huysmans a vécu près de Voix au chapitre - Les mots surprenants de Huysmans - Le personnage du roman et le roman - Avant Houellebecq, Maurice Blanchot loue Huysmans - À rebours : extraits sur les tableaux - Huysmans critique (pour se détendre...) - Sites internet : à propose de Huysmans - Radio : à propos de Huysmans - Vidéos : à propos d'À rebours - Portraits de Huysmans |
|
||
DE NOMBREUSES ÉDITIONS D'À REBOURS sont disponibles | ||
-
Folio
classique, 416 p., 1ère éd. 1977 - Babel, 1992, 352 p. - Hachette-BNF, 2018, 146 p. - Éditions L'Escalier, 2019, 160 p. - GF Flammarion, 1ère éd. 1978, dernière éd. 2019 avec une interview de Maylis de Kerangal, 416 p. - Pléiade, 2019 - Gallimard-Musée d'Orsay, 2019, 255 p., 55 ill. |
||
LE ROMAN est accessible EN LIGNE | ||
-
Édition originale Charpentier & Cie de 1884 sur Gallica - Édition Pour les Cent Bibliophiles de 1903 sur Bibliothèque numérique mondiale (220 gravures sur bois ornementant chaque page d'Auguste Lepère) - Avec les illustrations d'Auguste Leroux, éd. Ferroud de 1920, sur gutemberg.org - Ou encore wikisource ou bibliothequenumrique.tvmonde.co ou bouquineux.com > Et à télécharger : le livre audio (8 h). |
||
AUTEUR CHOISI EN LIEN AVEC L'EXPOSITION au musée d'Orsay | ||
Le manuscrit d'À rebours y est exposé. "Joris-Karl Huysmans critique d'art : de Degas à Grünewald, sous le regard de Francesco Vezzoli", du 26 novembre 2019 au 1er mars 2020. Conférences les 13 décembre et 23 janvier. | ||
Le manuscrit d'À rebours présenté dans l'exposition |
||
THÈMES DES CHAPITRES (répertoriés dans l'édition GF) | ||
Notice : Enfance du héros
; les années de formation. I. Sermon aux fournisseurs ; repas de deuil. II. La salle à manger. III. La bibliothèque. IV. La tortue ; l'orgue à bouche ; le dentiste. V. La demeure ; la chambre à coucher VI. D'Aigurande ; Auguste Langlois. VII. Éducation et lectures religieuses. VIII. Les fleurs. IX. Les maîtresses : Urania ; la ventriloque ; un jeune homme. X. Les parfums; l'antienne de Pantin. XI. Le voyage à Londres. XII. La bibliothèque. XIII. Les malaises; lutte des gamins. XIV. La bibliothèque (derniers rangements). XV. illusions de l'ouïe ; le lavement à la peptone. XVI. Dénouement : la venue des déménageurs. |
||
LA VIE DE HUYSMANS racontée par Houellebecq | ||
(plus précisément racontée par le narrateur du roman Soumission, qui tout au long du récit se réfère à Huysmans dont il est spécialiste ; il a soutenu une thèse dont le titre est "Joris-Karl Huysmans, ou la sortie du tunnel"...) | ||
"Le 1er avril
1866, alors âgé de dix-huit ans, Joris-Karl Huysmans
débuta sa carrière, en tant quemployé
de sixième classe, au ministère de lIntérieur
et des cultes. En 1874, il publia à compte dauteur
un premier recueil de poèmes en prose, Le
drageoir à épices, qui fit lobjet de
peu de recensions hors un article, extrêmement fraternel,
de Théodore de Banville. Ses débuts dans lexistence,
on le voit, neurent rien de fracassant. Sa vie administrative sécoula, et plus généralement sa vie. Le 3 septembre 1893, la Légion dhonneur lui fut décernée pour ses mérites au sein de la fonction publique. En 1898 il prit sa retraite, ayant accompli - les disponibilités pour convenances personnelles une fois prises en compte - ses trente années de service réglementaires. Il avait entretemps trouvé le moyen décrire différents livres qui mavaient fait, à plus dun siècle de distance, le considérer comme un ami." |
||
HUYSMANS A VÉCU près d'un lieu de rencontre de Voix au chapitre | ||
"Né rue Suger, ayant vécu rue de Sèvres et rue Monsieur, Huysmans est mort rue Saint-Placide avant dêtre inhumé au cimetière du Montparnasse. Sa vie presque entière en somme sest déroulée dans les limites du sixième arrondissement de Paris - comme sa vie professionnelle, pendant plus de trente ans, sest déroulée dans les bureaux du ministère de lIntérieur et des cultes." (toujours Houellebecq) | ||
|
|
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Il naît rue Suger, près
du lycée Fénelon et la place Saint-André-des-Arts
Pour une chronologie détaillée de sa vie, voir ICI |
||
LES MOTS SURPRENANTS de Huysmans | ||
"Une grande partie des mots étranges que lon trouve chez Huysmans nétaient pas des néologismes, mais des mots rares empruntés au vocabulaire spécifique de certaines corporations artisanales, ou à certains patois régionaux." | ||
Pour une analyse poussée de sa langue, voir une conférence ICI. | ||
LE PERSONNAGE DU ROMAN et le roman | ||
"Il est vrai que des Esseintes, psychologiquement, reste le même de la première à la dernière page, que rien ne se passe et ne peut même se passer dans ce livre, que laction y est, en un sens, nulle ; il est non moins vrai que Huysmans ne pouvait en aucun cas continuer À rebours, que ce chef-duvre était une impasse ; mais nest-ce pas le cas de tous les chefs-duvre ?" (fin des citations de Houellebecq, la plume est maintenant rendue à Huysmans) |
MAURICE BLANCHOT et HUYSMANS | |
"Il semble aussi qu'un certain humour, dont les autres naturalistes étaient fort éloignés, lui ait permis d'échapper aux effets où sa recherche des travers et des sottises pouvait le conduire. L'imaginaire garde sa place dans cet empire de triviales laideurs où il paraît se plaire. Il joue avec lui-même et il montre qu'il joue. Il s'indigne, mais il rend innocente sa colère par l'excès qu'il lui donne et l'épisode comique où il la pousse (voir la suite ici)... | |
À REBOURS : extraits du chapitre 5 sur les tableaux | |
Entre tous, un artiste existait dont le talent le ravissait en de longs transports, Gustave Moreau. Il avait acquis ses deux chefs-d'uvre et, pendant des nuits, il rêvait devant l'un d'eux, le tableau de la Salomé, ainsi conçu : | |
Un trône se dressait, pareil
au maître-autel d'une cathédrale, sous d'innombrables
voûtes jaillissant de colonnes trapues ainsi que des piliers
romans, émaillées de briques polychromes, serties
de mosaïques, incrustées de lapis et de sardoines,
dans un palais semblable à une basilique d'une architecture
tout à la fois musulmane et byzantine.
Au centre du tabernacle surmontant l'autel précédé de marches en forme de demi-vasques, le Tétrarque Hérode était assis, coiffé d'une tiare, les jambes rapprochées, les mains sur les genoux. La figure était jaune, parcheminée, annelée de rides, décimée par l'âge ; sa longue barbe flottait comme un nuage blanc sur les étoiles en pierreries qui constellaient la robe d'orfroi plaquée sur sa poitrine (voir la suite ici). |
|
L'aquarelle intitulée l'Apparition était peut-être plus inquiétante encore. | |
Là, le palais d'Hérode s'élançait, ainsi qu'un Alhambra, sur de légères colonnes irisées de carreaux moresques, scellés comme par un béton | |
d'argent, comme par un
ciment d'or ; des arabesques partaient de losanges en lazuli,
filaient tout le long des coupoles où, sur des marqueteries
de nacre, rampaient des lueurs d'arc-en-ciel, des feux de prisme. Le meurtre était accompli ; maintenant le bourreau se tenait impassible, les mains sur le pommeau de sa longue épée, tachée de sang. Le chef décapité du saint s'était élevé du plat posé sur les dalles et il regardait, livide, la bouche décolorée, ouverte, le cou cramoisi, dégouttant de larmes. Une mosaïque cernait la figure d'où s'échappait une auréole s'irradiant en traits de lumière sous les portiques, éclairant l'affreuse ascension de la tête, allumant le globe vitreux des prunelles, attachées, en quelque sorte crispées sur la danseuse (voir la suite ici). |
Dans la pièce voisine, plus grande, dans le vestibule vêtu de boiseries de cèdre, couleur de boîte à cigare, s'étageaient d'autres gravures, d'autres dessins bizarres.
Le Bon Samaritain, du même
artiste, un immense dessin à la plume, tiré sur
pierre : un extravagant fouillis de palmiers,
de sorbiers, de chênes, poussés, tous ensemble, au
mépris des saisons et des climats, une élancée
de forêt vierge, criblée de singes, de hiboux, de
chouettes, bossuée de vieilles souches aussi difformes
que des racines de mandragore, une futaie magique, trouée,
au milieu, par une éclaircie laissant entrevoir, au loin,
derrière un chameau et le groupe du Samaritain et du blessé,
un fleuve, puis une ville féerique escaladant l'horizon,
montant dans un ciel étrange, pointillé d'oiseaux,
moutonné de lames, comme gonflé de ballots de nuages. |
|
La Comédie de la Mort, de Bresdin, où dans un invraisemblable paysage, hérissé d'arbres, de taillis, de touffes, affectant des formes de démons et de fantômes, couverts d'oiseaux à têtes de rats, à queues de légumes, sur un terrain semé de vertèbres, de côtes, de crânes, des saules se dressent, noueux et crevassés, surmontés de squelettes agitant, les bras en l'air, un bouquet, entonnant un chant de victoire, tandis qu'un Christ s'enfuit dans un ciel pommelé, qu'un ermite réfléchit, la tête dans ses deux mains, au fond d'une grotte, qu'un misérable meurt, épuisé de privations, exténué de faim, étendu sur le dos, les pieds devant une mare. |
|
(L'esclave
de l'empereur Commode est sur le point d'étrangler son
maître, en 192 après J.-C.)
|
J'avais tout d'abord mal compris le sujet.
Je pensais que le monsieur en caleçon de bain vert penché
sur l'autre monsieur en caleçon de bain blanc était
un masseur, et que la femme soulevant le rideau disait simplement
:"Le bain est prêt". (Huysmans, "Le Salon de 1979, II", Le Voltaire, 22 mai 1879) |
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Il a inventé la peinture
gazeuze, la pièce soufflée. Ce n'est même plus
de la porcelaine, c'est du léché flasque ; c'est je
ne sais quoi, quelque chose comme de la chair molle de poulpe ",
écrit-il avant de décrire "La Naissance de Vénus",
cette baudruche mal gonflée, qu'il découvre
au Salon de 1879 : C'est exécuté comme pour des
chromos de boîtes à dragées ; la main a marché
seule, faisant l'ondulation du corps machinalement. (Huysmans, "Le Salon de 1979, III", Le Voltaire, 30 mai 1879) |
Voir des textes plus posés de critique d'art ICI publiés par Huysmans. | ||
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||
Sites à propos de HUYSMANS | ||
- Société J.-K. Huysmans, fondée en 1927, présidée par André Guyaux, co-responsable de l'édition de la Pléiade, un site très classique | ||
- www.huysmans.org : un site riche consacré à Huysmans, par un spécialiste, Brendan King, traducteur en anglais de ses uvres | ||
Radio à propos de HUYSMANS | ||
(en commençant par l'émission la plus récente) | ||
- Mauvais genres par François Angelier : Joris-Karl Huysmans ou le "bureaucrate de l'Apocalypse" : André Guyaux, Pierre Jourde, France Culture, 9 novembre 2019, 59 min - Un
décadent nommé des Esseintes, entretien de Marc
Klugkist avec Jean-Michel Dufays, émission Les Maudits, Radio
Air Libre, Bruxelles, 10 novembre 2008, 57 min - France Inter, Le chapitre sur les parfums d'À Rebours de Huysmans, La gourmandise d'Eva Bester, 24 octobre 2013, 4 min - Les Nuits de France Culture par Philippe Garbit
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Vidéos à propos d'À rebours | ||
- Maylis
de Kerangal, pourquoi aimez-vous À
rebours de Huysmans ?, 15 mai 2014, Flammarion, 1h 25 - Une conférence de Edyta Kociubinska analysant le langage du livre : "À rebours de Huysmans : un bric-à-brac décadent", colloque "Le XIXe siècle et ses langues", Fondation Singer-Polignac, 25 janvier 2012, 19 min |
Portraits de Huysmans | |
Pastel de Jean-Louis Forain, vers 1878, Orsay |
Caricature de Coll-Toc, 1885 |
Estampe de Vallotton, 1895 |
Photographie de Taponier, 1900 |
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
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