Stevenson en 1886
année de la publication du livre

Wikipedia



Ci-dessus
les éditions originales
à Londres et New York.

Ci-dessous
les éditions de poche
disponibles au moment
où nous lisons ce livre.
Est indiquée la date de la première traduction pour chacun des traducteurs.


1ère trad. en 1890 de Mme B.-J. Lowe en ligne ici ou en pdf là

trad. Mme B. J. Lowe, Hachette livre/BNF, 2012, 276 p.

1ère trad. en 1926
de Théo VARLET

en ligne ici
ou pdf là

trad. Theo Varlet, Garnier Flammarion, 2013, 144 p.



trad. Theo Varlet,
Librio, 2018, 128 p.


trad. Theo Varlet, Pocket, 2019, 128 p.


1ère trad. en 1960 de Robert LATOUR

trad. Robert Latour, Pavillons Poche, 2016, 112 p.

1ère trad. en 1963 Charles-Albert REICHEN en ligne ICI

trad. Charles-Albert Reichen, ill. François Place, Folio Junior textes classiques, 2018, 160 p.

1ère trad. en 1968
de Armel GUERNE


présentation et traduction d'Armel Guerne, Libretto, 2010, 160 p.

1ère trad. en 1975 de Jean MURAY

trad. Jean Muray, Livre de poche classiques, 1988, 160 p.



trad. Jean Muray, Livre de poche jeunesse, 2015, 160 p.


1ère trad. en 1988 de Jean-Pierre NAUGRETTE

trad. Jean-Pierre Naugrette,

Livre de poche bilingue, 1988, 224 p.



trad. Jean-Pierre Naugrette,
Livre de poche Libretti, 1999, 94 p.


trad. Jean-Pierre Naugrette,
Livre de poche classiques, 2000, 288 p.


1ère trad. en 1992 Charles BALLARIN

trad. Charles Ballarin, Folio bilingue, 1992, 256 p.


Oeuvres t.1, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2001


trad. Charles Ballarin, préface de J.-B. Pontalis. En annexe : Un chapitre sur les rêves, trad. par Pierre Leyris, Folio classique, 2003, 176 p.


1ère trad. en 1994 de Georges HERMET


trad. Georges Hermet,
Pocket, bilingue, 2009, 224 p.

1ère trad. en 1997 de Guillaume PIGEARD DE GURBERT et Richard SCHOLAR

trad. Guillaume Pigeard de Gurbert et Richard Scholar,
Babel Les fantastiques,
1997, 142 p.


trad. Guillaume Pigeard de Gurbert et Richard Scholar, Actes Sud Littérature
Lettres anglo-américaines
, 2017, 142 p., , introduction en ligne ici


1ère trad. en 2010 Luc RIGOUREAU

trad. Luc Rigoureau, Marabout fantastic coll. "Girls in the city", 2010, 147 p.
Robert Louis STEVENSON (1850-1894)
Dr Jekyll and Mr Hyde (1886)

Nous avons lu ce livre pour le 6 décembre 2019.

Notre premier Stevenson depuis 33 ans que le groupe existe !
Nous voulions lire un roman écossais car Richard est écossais.
Nous n'avons lu que deux auteurs écossais et demi :
- d'Arthur Conan Doyle Le chien des Baskerville en 1989
- de William Boyd Comme neige au soleil en 1997
- et de Iain Levison, américano-écossais, Un petit boulot en 2016.

Des infos sur Stevenson et ses œuvres à voir en bas de page.

Nous avons visionné l'une des nombreuses adaptations de Dr Jekyll et Mr Hyde au cinéma, celle de Victor Fleming (1941) avec Spencer Tracy, Ingrid Bergman, Lana Turner (bande annonce ICI).

Nos 14 cotes d'amour : MoniqueRichardSéverine
Annick L
CatherineClaireHenri JacquelineLisa
DenisEtienne FannyManuelRozenn

Denis (avis transmis)
Mon avis, à la louche car je n'ai pas le temps. J'ai lu, j'ai aimé. Je regrette même que ce soit si court, me laissant sur ma faim concernant l'horrible Hyde : j'aimerais en savoir plus sur lui, sur ses crimes et turpitudes... Mais il est vrai que le charme du livre tient justement à cette ombre qui baigne les différents récits. J'adore l'écriture ampoulée. J'ouvre en grand. Regrets de ne pas être avec vous.
Fanny (avis transmis illustré...)
J'ai aimé l'écriture avec les descriptions de la ville dans la nuit et la brume qui contribuent à faire monter l'angoisse.
Le clivage de cet homme est une belle illustration de la folie, de ce qu'il advient si on ne parvient pas à assumer sa dualité. C'est justement parce que Jekyll ne s'assume qu'entièrement dévoué à la cause des autres, comme un être qui ne pourrait être que bonté, qu'il perd son humanité et se transforme en monstre.
C'est ce qui est loupé je trouve dans le film que nous avons vu puisque dès le début, Jekyll théorise en public sur cette dualité et adopte en public des gestes pour l'époque inconvenants avec sa fiancée.
Et si finalement on se prenait à oser préférer Hyde ? Au fond n'est-il pas plus authentique ? Il vit uniquement pour lui-même et assouvit chacune de ses pulsions avec un plaisir manifeste et sans une once de culpabilité. Il va jusqu'au bout et en paye le prix en se suicidant.

Quant à Jekyll, n'est-il pas quelque peu barbant ? Et franchement, s'il n'y avait pas Hyde quel intérêt trouverait-on à ce personnage ? Est-il lui-même vraiment humain dans la vertu absolue qu'il affiche, ou est-ce ce qu'il entrevoit de sa part obscure qui tend à l'humaniser ?
Dans le film, je trouve d'ailleurs Hyde beaucoup plus réussi. Au-delà de son aspect physique c'est l'angoisse qu'il dégage qui transparaît de manière de plus en plus intense au fil du film. Cela est notamment manifeste dans la scène où il contraint Ivy à partager une coupe de champagne avec lui et dans la relation d'emprise dans laquelle elle se trouve ensuite enfermée.
J'ouvre en grand, j'ai hâte de lire vos échanges et les autres avis. Y aura-t-il débat autour du fait que cela soit pour le groupe de lecture ?...
Rozenn
J'ai lu le livre à la fois en anglais (c'est tout ce que j'ai trouvé pour ma liseuse) et en Guadeloupe (précisons pour ne pas vous faire trop rêver : où j'allais pour raisons familiales !)
J'avais lu ce livre déjà autrefois et je n'en avais pas gardé un souvenir précis, sauf qu'il m'avait plu, intéressée.
Là je suis certaine qu'il me plaît : à la fois un peu désuet, et très actuel; à la fois simplement ancré dans le quotidien et fantastique.
Assez alerte au début le temps de l'enquête, et plus posé et réflexif dans la dernière partie avec les différents documents-points de vue. J'avais bien sûr complètement oublié cette structuration et je n'avais retenu que le clivage du personnage : tout en me demandant ce qu'il pouvait bien faire de vraiment mal (avec une vague confusion avec Jack l'éventreur) – je me pose la même question d'ailleurs pour Huysmans - je me demande toujours ce qu'on appelle des turpitudes ou le mal – bon… piétiner une fillette c'est pas bien certainement, mais ça me semple plus bizarre que tentant…
Le livre pose de larges questions sur le bien et le mal, mais surtout sur notre propre capacité à nous gouverner – ou pas – selon nos valeurs et nos impulsions. Difficile après cette lecture de penser que l'un est bon et l'autre mauvais. Sans toutefois risquer le relativisme puisque la leçon qui semble en sortir, c'est tout de même que "quand on passe les bornes, il n'y a plus de limites" (Jarry). Restons donc corrects !
Manuel (avis transmis de Bombay, en Inde donc)
J’enchaîne la lecture de Stevenson après celle de Virginia Woolf. Je me replonge dans le Londres du XIXe avec un plaisir immense. Les ambiances sont extraordinaires. Je m’attendais à un petit livre qui fait peur mais c’est un livre qui a une portée presque philosophique. Dr Jekyll est le prototype du super héros moderne accablé par
son expérience qui le conduit à la mort. La traduction de Charles Ballarin est remarquable.
Merci à celui ou celle qui a eu l’idée de ce livre. J’ouvre en grand.
Catherine
Le premier livre de Stevenson que j'ai lu était L'île au trésor. Je devais avoir 8 ans et j'ai fait des cauchemars pendant plusieurs jours après cette lecture : c'est une histoire de pirates assez effrayants dans mon souvenir... J'ai lu plus tard Dr Jekyll and Mr Hyde, mais ça date d'assez longtemps quand même ; je n'ai pas un souvenir très clair de cette lecture, sauf que j'avais beaucoup aimé. Je me souvenais en gros de l'intrigue, mais avais oublié beaucoup de détails.
Je l'ai relu avec beaucoup de plaisir. J'ai aimé le côté un peu désuet, le cadre, les personnages, le style et le côté fantastique, ces deux personnages qui n'en font qu'un mais qui n'ont pas le même aspect physique, la même taille, le même âge, l'un incarnant le mal et l'autre le bien. Ça nous rappelle la dualité qui existe en chacun d'entre nous et à l'extrême, les dissociations de la personnalité bien décrites maintenant, mais qui ne l'étaient pas à l'époque. J'ai aimé la construction du livre et le fait que l'histoire soit racontée via un personnage extérieur, Monsieur Utterson, ce qui permet de maintenir le mystère presque jusqu'a la fin du livre. C'est une histoire assez fascinante, suffisamment marquante pour que les personnages de docteur Jekyll et Mr c'est Hyde soient encore connus de tous et à l'origine de multiples films et pièces de théâtre (celle que j'ai vue, jouée par Denis Podalydès qui interprétait les deux personnages, était particulièrement réussie). C'était une bonne idée de nous faire lire ou relire ce livre ; le l'ouvre aux ¾.
Richard (avis transmis)
J'ai revisité ce roman que j'ai lu dans mon adolescence, je connaissais donc l'histoire. C'est pour cette raison que j'étais déçu par cette deuxième lecture : la connaissance de la fin m'a rendu impatient d'y arriver. Je reconnais que l'aspect allégorique est plus évident à une deuxième lecture, mais il ne me semble pas "palpitant". Peut-être ai-je perdu patience avec l'écriture : je l'ai lu en anglais, mais j'ai trouvé le style lourd, en plus d'un vocabulaire et d'un style qui appartiennent à une autre époque (ou à une culture écossaise). Je l'ai terminé sans enthousiasme, et je l'ouvre à moitié.
Je vais tenter de lire un roman (écossais) de Walter Scott pour voir si je ressens le même manque d'émotion.
P.S. J'ai bien aimé le jeu de mots "if he's Mr. Hyde, I'm Mr. Seek" (Hide and seek = jeu de cache-cache).
Etienne(qui a apporté des galettes Jekyll and Hyde)

C'est une relecture, datant de je ne sais plus quand. J'avais gardé un bon souvenir, mais sans autre précision ; je pense que j'avais fait une lecture bâclée. C'est une nouvelle exceptionnelle à bien des égards. Tout d'abord, ayant dévoré les Sherlock Holmes plus jeune, je raffole de cette ambiance des bas-fonds londoniens de l'ère victorienne. L'énigme commence de façon assez classique, on suit les tribulations d'Utterson pour se terminer en apothéose avec ce dénouement, par le truchement des lettres dévoilées de façon posthume.
En le relisant, je crois que ce qui me plaît le plus est cette impression de bizarrerie qui ne saute pas aux yeux au premier abord, mais qui émane du texte. Comme le souligne Naugrette, il n'y a pas que le Dr Jekyll qui est louche : que faisait Enfield à trois heures du matin dans une rue sombre ? Qu'est-ce qui motive réellement Utterson ? Pourquoi sont-ils tous célibataires ? Quelles sont ces fameuses turpitudes de Jekyll ? MAIS DE QUOI EST DONC MORT LAYON ??? Par certains moments on pourrait presque sentir une influence sur l'écriture lovecraftienne avec la répétition des thèmes de la folie, de la damnation et de la science occulte (l'a-t-il lu ?).
Le dénouement est évidemment la partie la plus intéressante dans le fond comme dans la forme. La dualité révélée Jekyll/Hyde nous interroge sur nos propres notions de bien/mal, dominé/dominant, mais aussi de l'essentialisme d'une manière générale ou de notre droit à posséder ou pas plusieurs facettes de personnalité. Est ce qu'un couple Jekyll/Hyde serait encore possible en 2019 ? L'essor de la psychiatrie au cours du 20e siècle nous fait forcément penser rétrospectivement à un cas de syndrome dissociatif. Comme dans toute grande œuvre, on questionne sans apporter de réponse évidente et cela je l'illustrerais par la scène finale, c'est-à-dire la découverte du corps de Hyde. Hyde s'est-il suicidé ? Ou plutôt Jekyll a tué Hyde en se suicidant ? A-t-il pris une dose trop forte à supporter ?
Un petit point négatif tout de même pour la traduction de Naugrette qui m'a été imposée et m'a un peu déçue car je l'ai trouvée ampoulée/surannée.
J'ouvre ce livre en grand et vais vite me plonger dans L'île au trésor...
Lisa
C'est aussi pour moi une relecture, j'avais 17-18 ans. Je ne me souvenais plus de la forme du livre, ni des détails de l'histoire. Je me suis décidée à le lire à 17h30 : donc ça se lit vite... Et je n'ai pas regretté. On avance sans savoir et le dévoilement est bien fait. J'ouvre aux ¾. C'est bien, mais comment dire ? C'est ce que je me disais… je n'ai rien à dire.

Henri
J'étais content de le lire. Je ne connaissais pas l'histoire. J'ai éprouvé du plaisir. J'ai été sensible à l'aspect philosophique de la dualité, à l'aspect de classes aussi : d'un côté les bas-fonds, de l'autre la bienséance, très policée, victorienne, avec des hommes "de bonne réputation".
Que dire ? Je suis comme Lisa.
Aujourd'hui, qu'en serait-il de ce parti pris de ne pas dévoiler les turpitudes ? Aujourd'hui on mettrait l'accent sur Hyde, sur les mécanismes de sa jouissance. Piétiner la fillette, ce n'était pas très clair pour moi, ni le meurtre à coup de cannes du sénateur : matériellement j'ai du mal à imaginer...

(Discussion sur ce que faisait dans la rue la môme qui s'est fait piétiner en pleine nuit...)

Tout est allusif. Oui il y a vraiment des bizarreries.
J'ai bien aimé la construction à l'ancienne avec l'emboîtement des récits.

Claire
C'est marrant, Michel Le Bris (créateur du festival Étonnants Voyageurs) qui a passé des années avec Stevenson, publiant biographie, correspondances...

Annick L
... il a même terminé un roman inachevé.

Claire
Il dit justement comment, dans la construction, Stevenson était novateur.
Henri
Oui, le montage est intéressant.
Je remarque que le Docteur Jekyll se prénomme Henry. Je me suis rappelé que les médecins sont très représentés chez les nazis. Dans leur domaine, on touche au démiurge, avec aujourd'hui le génome.
J'ouvre aux ¾. Merci au groupe lecture. C'est tellement connu que je ne l'aurais pas lu.
J'ai été un peu gêné par la difformité d'Hyde, correspondant à un standard de classe. Le caractères se lit sur le phénotype.

Claire (ignare)
Le phénotype ! Le phénotype !

Etienne (sans pitié)
Ben oui, la phrénologie.

Henri (reprenant le fil monstrueux)
D'un côté le côté altier de la bonne réputation, de l'autre l'aspect difforme.

Etienne (précis, se reportant au texte)
Simiesque même.

Séverine (rêveuse)
Les mains velues. Je pense au loup garou.

Claire (de pire en pire)
C'est comment un loup garou ?

Jacqueline
Je l'ai lu vers 10-12 ans. J'avais gardé le souvenir d'une énigme à suspens mais aussi, c'est très curieux, de quelque chose de terrifiant, ce qui n'était guère cohérent avec une légère incrédulité devant les méfaits de Hyde : l'enfant piétiné, à ce moment-là, moi non plus, je n'arrivais pas à visualiser. Tuer à coup de canne, certes c'est blâmable. Mais ce n'est guère cela qui provoquait ma terreur...
Je n'étais pas très enthousiaste à l'idée de relire cette histoire archiconnue !
En fait, j'ai relu très facilement la première partie en regrettant de connaître le fin mot de l'énigme qui donne sa tension au récit. J'aimais assez les descriptions des personnages et l'atmosphère à la Dickens. Mais ça manquait un peu de suspense. Jusqu'à ce que j'arrive à "l'exposé complet de l'affaire" par Jekyll : tout d'un coup, ça s'est mis à me plaire. Car ce n'est pas simplement le bien et le mal vus par la société bien pensante. L'éclairage devient humain et pas binaire. Je me suis mise à admirer l'habileté de l'auteur et la composition de son récit. Quand Jekyll parle des frasques de sa jeunesse, il se garde d'illustrer, ce qui permet au lecteur d'imaginer à sa guise, sans cesser d'être fidèle au récit. Comme dans le film que nous avons vu où interviennent deux femmes... Hyde, nulle part n'a la parole, on ne sait pas ce qu'il pense, ni même s'il pense, on le voit seulement agir par le regard des autres.

Claire
C'est pour ça que Naugrette le spécialiste de Stevenson a écrit un roman pour donner enfin la parole à Mr Hyde.

Annick
Très intéressant ce Naugrette, dans l'émission de radio sur Jekyll et Hyde.
Jacqueline
C'est merveilleux quand Hyde raconte qu'il est libéré quand il peut faire tout ce qu'il veut...
C'est devenu un archétype, comme Faust. Ce qui me terrorisait, c'est l'engrenage comme dans
La peau de chagrin. J'ouvre aux ¾.
Monique
C'est très difficile de parler de ce classique littéraire qui fascine depuis sa création et qui a été tellement analysé. J'ai du mal à prendre le recul nécessaire.
Cette œuvre se situe à la lisière de la science-fiction, du fantastique, du roman policier et du cas psychologique.
Les procédés utilisés pour créer l'étrangeté et entretenir le suspens ont tellement étaient utilisés depuis qu'il est difficile de vraiment les apprécier : l'importance accordée à l'atmosphère, les lieux troublants, la lumière, les bruits. L'auteur nourrit bien le suspense : l'agression de la fillette, les explications rassurantes du Dr Jekyll, l'énigme du testament, le meurtre. Le récit est bien construit et il est intéressant que le personnage principal ne soit pas Jekyll, mais l'avocat Utterson.
C'est moins manichéen que je ne le craignais. Jekyll pense qu'il pourrait être plus pleinement lui, en se débarrassant de la honte des mauvais actes que son bon côté désapprouve, mais d'un autre côté la transgression est tellement attirante et donne du sel à la vie qui, sinon, pourrait se révéler terne et morne.
J'ai noté un jeu de mot du notaire alors qu'il part à la recherche de Mr Hyde : s'il est Mr Hyde, je serai Mr Seek.
J'ai trouvé que c'était bien fait, mais je n'ai pas réussi à faire abstraction de ce que j'ai lu depuis pour le lire comme un "classique". Je l'ouvre à moitié.

Séverine
Qu'en dire ? C’est difficile de parler d’un roman qui est dépassé par le mythe littéraire qu’il a créé. Littérairement, je ne sais pas s’il y a beaucoup à dire. On est, en revanche, tous convaincus que Stevenson a créé un personnage à part. Est-ce qu’il parle de nous tous ? De notre part de bien et de mal ? De ceux qui ne savent pas réguler et penchent trop du côté du mal ? Enfin, le mal tel que la société l’a défini. Rend-t-il compte de la schizophrénie ? Du dédoublement ? Ne peut-on pas parler d’un cas psychiatrique ?
Quand Rozenn a confondu avec Jack l'Éventreur, je comprends : on est dans un milieu privilégié, avec des gens bien propres sur eux, alors qu'ils ne le sont pas forcément ; on voit le côté sombre de la bonne société londonienne. Et Jekyll dit qu'il a une grande joie de vivre : socialement il doit réfréner ça.

Henri
Hyde tue, mais il n'est pas descendu dans la rue pour tuer, par désir.

Jacqueline
Il se laisse aller à ses impulsions.

Henri
Le sénateur lui parle et c'est pour ça que ça se passe mal après.

Claire
Oui, c'est de la faute des autres...
Séverine
En tout cas, j'étais contente de le lire, je ne me souvenais pas de la construction.
En revanche, je ne sais pas comment l'ouvrir. Je n'ai pas un enthousiasme débordant, mais j’ai au moins eu un intérêt, un plaisir de lecture, ce qui n’a pas encore été le cas depuis la rentrée avec les livres proposés... J'ouvre donc à moitié, je suis mi-figue mi-raisin, mais c'était agréable.

Henri
Mi-figue mi-raisin, c'est bien pour Dr Jekyll et Mr Hyde…

Annick L
Je l'ai lu il y a fort longtemps et j'avais oublié les détails de l'histoire. J'étais surtout imprégnée du mythe qu'on retrouve au cinéma, ou l'idée du dédoublement dans la littérature fantastique. J'avais l'impression de connaître... Or la lecture de ce livre fut une bonne, et très agréable surprise. D'abord parce que j'ai beaucoup lu Conan Doyle et j'aime le côté désuet de l'écriture, le décor un peu sinistre de la ville de Londres.
En plus comme je connaissais l'histoire en gros, je me suis mise à lire attentivement. Je trouve que c'est remarquablement bien fait, pas manichéen, avec un suspense bien tenu et une façon de raconter allusive, qui oblige le lecteur à combler les blancs. Par exemple, il n'y a pas de description précise de Hyde : juste une impression déplaisante qui se dégage de lui. Et jusqu'à la fin, on (le point de vue narratif) nous laisse imaginer qu'ils sont deux. Ça c'est très habile. Quand Utterson et le majordome fracassent la porte, on voit le corps de Mr Hyde en train de mourir, et Utterson cherche le Dr Jekyll. J'ai apprécié également le procédé des deux récits complémentaires à la fin qui concrétisent les suppositions du lecteur... tout cela est assez subtil et ça me fait penser aux nouvelles fantastiques de Maupassant. Le roman de Mary Shelley, Frankenstein, paru bien plus tôt, est plus grossier dans ses effets.

Henri
C'est très original à l'époque l'idée de cette dualité.

Annick
Oui, cette dualité qui est au fond de chacun de nous ! Et j'ai été intéressée par le parallèle que fait Naugrette entre Stevenson et Freud : lequel aurait lu l'autre en premier... ? En tout cas, psychanalytiquement c'est fascinant. Certes le style est un peu vieillot, mais pas la façon dont est évoquée l'emprise qu'exerce une partie de la personnalité sur l'autre. Une problématique complexe qui n'a rien perdu de son actualité. C'est un super raconteur d'histoires. Ces personnages masculins qui ont une apparence honorable et bourgeoise alors qu'ils dissimulent de vilaines pensées voire des comportements méprisables, le tout soigneusement refoulé… ça, ça ne vieillit pas.

Monique
C'est exacerbé dans cette société victorienne, mais aujourd'hui…

Séverine?
... tu ne peux pas te permettre tout, quand même.

Monique?
Le fait d'avoir une double vie était presque institué dans la bourgeoisie.
Annick
J'ai trouvé que c'était une très bonne idée que de choisir ce livre. Même si ce n'est pas le livre le plus marquant pour moi car je préfère découvrir des nouveautés. J'ouvre aux ¾.

Séverine
Pour répondre à Fanny, c'est vraiment un livre pour le groupe lecture…

Henri
Et c'est un "livre qui compte". Dans la littérature. Et L'île au trésor !

Etienne
Aaaah !
Claire
Dès les premiers mots, on est dans la dualité, les deux parties en conflit, avec le notaire qui boit du gin en solitaire "afin de mortifier son penchant pour les bons crus" et qui bien qu'il adore le théâtre n'y va jamais...
Sur leur lecture, Lisa, Henri, Séverine, se demandaient "que dire", et moi je me disais, je vais "dire" quant à ma lecture, mais pas sur le récit lui-même.
En effet, c'est d'abord le plaisir de lire un classique, dans le texte, directement, et pas à partir du souvenir d'une lecture d'enfance ou scolaire, pour découvrir à quoi correspond l'image réduite qui en est connue, comme le logo d'un monument. Et en plus, inculte comme d'hab, je n'avais bien sûr par lu ce livre (ni Sans Famille, Les Trois Mousquetaires...)
Ensuite, quand j'ai voulu acheter le livre, j'ai vu qu'il y avait nombre d'éditions de poche et également de traductions. En cherchant un peu, j'ai été éberluée par le nombre de traductions en français de ce livre : j'en ai dénombré 19. C'est incroyable ! Pour Tolkien, il y en aura que deux...

Séverine
Il faut voir aussi que c'est court.

Claire
Ah oui, très juste.
J'ai donc choisi un spécialiste de Stevenson, Jean-Pierre Naugrette. Rapidement j'ai été gênée par des expressions en me demandant l'équivalent dans la langue d'origine. J'ai donc acheté une édition bilingue (heureusement il y a des occasions…) c'était le même traducteur, il me fallait donc voir ce que faisait un autre traducteur, j'ai pris celle en folio de Charles Ballarin, qui a dirigé la Pléiade. Et me voilà faisant du ping pong à deux d'abord français-anglais, mais de temps en temps je me reportais à Ballarin pour voir les mots choisis. Et je me disais alors, ces deux-là ont dit ça, mais les autres ? J'avais vu en feuilletant les poches qu'en collection Babel, les deux auteurs (un anglais, l'autre français) consacraient quasiment toute leur introduction à la traduction - je me suis dit ceux-là vont faire des choix vraiment judicieux, j'ai donc téléchargé l'édition sur ma tablette : je faisais donc du ping pong à 4, anglais et les trois versions françaises, pas tout du long non, mais de temps en temps, quand je remarquais en anglais un choix peut-être difficile à traduire. Voilà, je n'ai rien dit sur le récit, mais j'ai eu du plaisir à entrer dans la langue, dans les 4 "langues".
J'ai aimé la tension, le mystère, la façon dont on est mené. Par contre quand arrivent à la fin les récits lus par le notaire, j'ai eu une baisse de tension, ça s'est dilué. Et donc j'ouvre aux ¾, très contente d'avoir lu ce livre.
Après, je suis partie à la découverte de Stevenson et de ses œuvres, et j'ai adoré. Tout comme Gombrowicz et Woolf que je n'ai pas aimés, j'ai adoré me promener dans leur vie, l'histoire de leurs œuvres, de leur réseau, donnant lieu à ce que je mets en ligne et que je découvre grâce à des livres même non appréciés.

Parmi les dédoublements et horreurs délicieuses, nous évoquons :
- 1808 : Faust de Goethe
- 1818 : Frankenstein de Mary Shelley
- 1872 : Carmilla de Sheridan Le Fanu (que nous avons lu en 2014)
- 1886 : Le Horla de Maupassant (que nous avons lu en 1989)
- 1886 (pour mémoire) : Dr Jekyll et Mr Hyde de R. L. Stevenson
- 1888 (et après) : Jack l'Éventreur
- 1890 : Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde (que nous avons lu en 2011)
- 1896 : L'île du docteur Moreau de Welles (ajouté après)
- 1890-1937 : Lovecraft

 


 

Voici DES INFOS sur Stevenson et ses œuvres
•LE LIVRE QUI L'A RENDU CÉLÈBRE
  - Quelques chiffres entre 1885 et 1908
- Comment le roman est né...
- Jekyll et Hyde : ces mots
- 19 traductions de Dr Jekyll et Mr Hyde !
- Les difficultés de traduction
- Un monde sans femme ? Justement...
•PARCOURS DE STEVENSON
  - Rapide : en 4 temps
- Approfondi : en 4 heures...
- Les derniers moments de Stevenson dans une île de l'Océan Pacifique
- Trois femmes qui comptent
- A quoi ressemblait Stevenson ?
- Stevenson parlait-il français ?
•PUBLICATIONS EN FRANÇAIS ACTUELLEMENT DISPONIBLES
  romans, nouvelles, pièce de théâtre, récits de voyages, essais, correspondance, prières
•L'INFLUENCE DE STEVENSON
  - Ce qu'en disent des écrivains
- Films, pièces, chansons, BD, jeux vidéo... (inspirés de Dr Jekyll & Mr Hyde)
- Ambiance Voix au chapitre...

LE LIVRE QUI A RENDU STEVENSON CÉLÈBRE

Le texte anglais (d'un Écossais...) est en ligne en pdf, ainsi que t
rois traductions :
- de B.-J. Lowe (1890) : ici ou en pdf là ou dans Gallica
- de Théo Varlet (
1926) : ici ou pdf là ou bilingue dans Gallica
- de Charles-Albert Reichen (
1963) : en pdf là

Quelques chiffres entre 1885 et 1908
- Un livre écrit en 3 jours en 1885 dans sa première version, à 35 ans.
- Prix à la vente : 1 shilling au Royaume Uni, 1 penny aux USA
- Publié en 1886, succès immédiat : l'éditeur américain le publié le 5 janvier, 4 jours avant la parution britannique
-
Un sermon à St Paul's Cathedral s'appuie sur la parabole du livre.
- Le 25 janvier, le Times à Londres publie une critique enthousiaste (cf. article).
- Plus de 40 000 exemplaires vendus en 6 mois
- 2 pièces de théâtre peu après la parution, dès 1887 (les effets de lumière et le maquillage pour la transformation de Jekyll en Hyde suscitèrent des réactions horrifiées de la part du public=>succès énorme), puis en 1897.
- Porté à l'écran dès 1908 dans 2 adaptations : de Sidney Olcott et de William Selig.
Dès lors le succès rencontré
par cette horrifique histoire ne s'est jamais démenti.

Comment le roman est né...
- Lisez le récit haletant fait par la femme de Stevenson et son fils ICI : cris, cauchemar, manuscrit jeté au feu, etc.
- Stevenson, évoquant la façon dont les rêves suscitent sa création, raconte aussi comment le roman est né.

•Jekyll et Hyde : ces mots
- La prononciation : il faudrait prononcer comme le souhaite Stevenson, comme s'il était écrit "je-kill" (kill=tuer) et non “jek-ill” (ill=malade)...
- L'origine de leurs noms d'après Nabokov : "Les noms de Jekyll et de Hyde sont d'origine scandinave, et je soupçonne Stevenson... voir la suite
- Jekyll, Hyde sont les deux seuls mots communs à tous les titres...
"Case" signifiant à la fois “cas” (médical ou psychologique) et “affaire” (judiciaire) : la
traduction interpelle donc dès le titre, puisque le livre s'intitule, selon les éditions :
Dr Jekyll & Mr Hyde (ou Dr Jekyll et Mr Hyde)
Le cas étrange du docteur Jekyll
Le cas étrange du docteur Jekyll et de Monsieur Hyde
(ou du Dr Jekyll et de M. Hyde)
L'étrange cas du docteur Jekyll et de Mr Hyde
(M. Hyde, Mr Hyde ou Mr. Hyde)
Le cas fantastique du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde
L'étrange affaire du Dr Jekyll et de Mr Hyde
(ou Mr. Hyde)

19 traductions de Dr Jekyll et Mr Hyde dénombrées pour Voix au chapitre...
Publié en 1886 à New York, le livre a sa première traduction au Québec en 1887 et en France en 1890 par une des connaissances de Stevenson, Berthe Julienne Lowe (en ligne ICI).
Une autre traduction ancienne, de Théo Varlet, en 1926, toujours bien disponible en poche, y compris dans une édition de juin dernier, est également en ligne ici.
Voici une liste, peut-être non exhaustive, de 19 traducteurs en français, avec la date de la publication de leur première traduction, dans certains cas republiée plusieurs fois : en 1888 Jules-Paul TARDIVEL au Québec, en 1890 Mme B.-J. LOWE (en ligne), en 1924 Fanny William LAPARRA, en 1926 Théo VARLET (en ligne), en 1931 Henri TILLEUL, en 1945 G. JACQUEMAIN, en 1949 Marcelle SIBON, en 1960 Robert LATOUR, en 1963 Charles-Albert REICHEN (en ligne), en 1968 Armel GUERNE, en 1974 Jean ARBULEAU, en 1975 Élisabeth CHARBONNEL, en 1975 Jean MURAY, en 1988 Jean-Pierre NAUGRETTE, en 1984 Claudie DUPUIS, en 1992 Charles BALLARIN, en 1994 Georges HERMET, en 1997 Guillaume PIGEARD DE GURBERT et Richard SCHOLAR, en 2010 Luc RIGOUREAU (pour les auteurs en rouge, une édition poche est disponible ci-contre). 
Les curieux peuvent accéder à des précisions sur les traducteurs et une
comparaison de 10 traductions concernant le titre du livre, le titre du premier chapitre et la première page.

•Les difficultés de traduction
Jean-Paul Naugrette, spécialiste de Stevenson, donne des éléments en réponse à cette question :

"Vous qui l'avez traduit, comment mesurez-vous la difficulté de ce travail ? Les traductions anciennes semblent n'avoir guère tenu compte de l'oralité, par exemple.
Traduire Stevenson n'est pas facile. D'abord parce qu'il n'hésite pas à introduire, notamment dans ses romans écossais, du dialecte, de vieilles ballades médiévales, un parler vernaculaire comme chez Mark Twain. Dans certaines traductions de Théo Varlet, dans les années 20, des pages entières manquent, il coupait parce qu'il n'avait aucune solution pour traduire le dialecte. La deuxième difficulté vient de son anglais archaïsant, il va chercher des mots anciens, des termes désuets, il s'inspire des poètes anglais, de Shakespeare. Je pars du principe que le traducteur n'a pas à céder là-dessus, il doit lui aussi trouver des équivalents français. Il y a des pistes : Stevenson, comme Schwob, s'intéresse à Villon. Il y trouve des archaïsmes et lui consacre même une nouvelle, Un logis pour la nuit. Il s'intéressait beaucoup à la langue française et a écrit aussi un essai sur Charles d'Orléans. Ces éléments peuvent aider le traducteur, lorsque, dans un roman, il se retrouve face à une ballade ou un poème médiéval. C'est un moyen d'aller chercher dans le patrimoine de la langue française. D'autre part, il crée souvent des néologismes et des expressions qui n'existent pas dans la langue anglaise. Il le fait délibérément pour que son lecteur se demande ce qu'il a voulu dire, pour insérer une image destinée à le surprendre. Il y a des pièges dans sa langue." (entretien dans un dossier Stevenson du Matricule des anges, n° 211, mars 2020)

Un monde sans femme ? Justement...
Cette page manque de potins, non ?
Il n'y a que des hommes dans cette histoire et si justement... voir les sous-entendus très gays
(et sérieux)...

PARCOURS DE STEVENSON
Rapide : en 4 temps
-
Robert Louis Stevenson est né en 1850 à Édimbourg : son père, "très" calviniste, est d'une famille de constructeurs de phares, sa mère fille de pasteur. De santé fragile, souvent alité (il souffre d’emphysème pulmonaire), il fréquente peu l’école et passe beaucoup de temps dans sa chambre qu'il appelle "le royaume de Courtepointe".
- Et pas plus la faculté : il mène une vie de bohème entre Édimbourg et Paris, refuse la voie de son père à la grande déception de celui-ci, obtient par miracle son diplôme d'avocat sans avoir suivi de cours, mais choisit de se consacrer à la littérature. L’opposition à son père s'aggrave quand il veut épouser l’Américaine Fanny Osbourne, rencontrée près de Barbizon parmi une communautés d'artistes étrangers en 1876, de dix ans son aînée, alors mariée et mère de trois enfants (lire ici l'ambiance et l'histoire de cette communauté d'artistes).
- Son voyage jusqu'à la Californie, au terme duquel il épouse Fanny en 1880, marque un tournant dans sa vie, le dandy bohémien cédant alors la place à l’écrivain. Ce n'est pas L’Île au trésor (1883), aujourd’hui tenu pour le chef-d'œuvre du roman d’aventures, mais Dr Jekyll et Mr Hyde, qui est son premier best-seller en 1886.
- Sa maladie s’aggrave : en quête de climats propices, il vit à Davos, Hyères, puis Bournemouth, entre 1880 et 1887, avant de retrouver les États-Unis. La découverte des mers du Sud, en 1888, est pour lui une révélation, et il s’installe aux Samoa en 1890. Il y décède d’une embolie cérébrale en 1894. Il est alors l’écrivain le plus lu dans le monde avec Rudyard Kipling.

Approfondi : en 4 heures...
- France Culture La Compagnie des auteurs, quatre émissions d'une heure chacune, du 27 au 30 juin 2016 :
Épisode 1 : L'éternel enfant, première escale consacrée à sa vie, entre voyages et romance.
Épisode 2 : L'autre menaçant (Jekyll, Hyde et Ballantrae) : Le voyage continue dans l'œuvre de l'écrivain voyageur entre le bien et le mal, le double menaçant et la construction du récit...
Épisode 3 : Il était une île : plongez dans les récits fictionnels et réels des nombreux voyages de Stevenson,...
Épisode 4 : Le voyage dans les Cévennes, Olalla !! Dernier voyage dans l'univers de Stevenson, le pionnier des écrivains voyageurs, pour une randonnée narrative au cœur de la faune...

Et encore... à France Inter L'heure des rêveurs : Jekyll et Hyde, 8 mai 2015, 49 min, avec Jean-Pierre Naugrette, émission entièrement consacrée à notre roman.

Les derniers moments dans une île de l'Océan Pacifique à 44 ans
- Vus par Nabokov

J'aimerais dire un mot des derniers instants de Stevenson. Je ne suis pas de ceux qui se passionnent pour l'anecdote biographique lorsqu'il s'agit de livres. L'intérêt humain n'est pas mon fort, comme disait Vronski [pour qui en pince Anna Karénine, dans le roman de Toltsoï]. Mais selon la formule latine, les livres ont un destin, et il arrive que le destin des auteurs suive le destin de leurs livres. On voit le vieux Tolstoï, en 1910, abandonner sa famille pour partir à l'aventure et aller mourir dans la chambre d'un chef de gare, dans le grondement du train sous lequel est allée se jeter Anna Karénine. Et il y a quelque chose, dans la mort de Stevenson en 1894 à Samos, qui reproduit curieusement le thème du vin et le thème de la transformation qu'il avait imaginée. Il descendit à la cave pour chercher une bouteille de son bourgogne favori, la déboucha dans la cuisine, puis brusquement cria à sa femme : "Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce qui m'arrive ? ? Est-ce que mon visage a changé ?", et il s'écroula sur le sol. Victime d'une rupture d'anévrisme, il mourait deux heures plus tard.
Est-ce que mon visage a changé ? Il y a un curieux lien thématique entre ce dernier épisode de la vie de Stevenson et le prophétique dédoublement du plus merveilleux de ses livres. (Nabokov, Littératures I)
- Ses obsèques
Dans l'île de Samoa, il était très investi dans la vie locale. Lors de ses obsèques plus de 400 Samoans portèrent à tour de rôle son cercueil afin de le mener au sommet de l'île où on l'enterra selon ses volontés.
On peut voir sur le site Mémoires de rivages "Stevenson, un Écossais aux Samoa", avec de nombreuses photos permettant d'imaginer la vie des Stevenson sur l'île (ICI puis
).

Trois femmes qui comptent
- Sa nurse, Cummy, à qui il dédia son premier recueil de poèmes "à ma seconde mère, ma première femme". S
tevenson attribuait son sentiment dramatique et la musique de sa prose aux contes que, lorsqu'il était enfant, elle lui racontait (voir ici ce que dit Stevenson du regret de devoir passer enfant de l'écoute à la lecture personnelle et les commentaires d'Alberto Manguel).
- Sa femme américaine, Fanny, venue en France pour des raisons artistiques (elle s'inscrit à Paris à l'Académie Julian), qu'on aurait envie de connaître : excellente tireuse, elle roulait ses cigarettes d'une main à cheval (voir le récit succulent d'une querelle entre eux que Stevenson écrit à Henry James).
- Sa mère : il dispute Maggie à son père ("Ma mère est la femme de mon père !") et il conclut : "Les enfants des parents qui s'aiment sont des orphelins". Maggie sa mère l'accompagnera, avec Fanny son épouse, dans son dernier voyage aux Samoa.

A quoi ressemblait Stevenson ?
- Sa femme ne manque pas d'humour :
Il est curieux de voir à quel point le public peut identifier un auteur aux personnages d'un de ses livres. L'apparence de mon mari fut ainsi décrite comme une sorte de croisement grotesque entre le Dr Jekyll et M. Hyde. Un critique écrivit même : "Il ressemble à un noyé que l'on aurait retiré de l'eau juste à temps, ses longs cheveux encore mouillés, et collés à son visage." Même les peintres qui firent son portrait essayèrent de suggérer quelque chose de bizarre et spectral dans sa physionomie (voir le texte où elle raconte l'élaboration du roman d'où sont tirées ces remarques).
- Quelques portraits ici : de Sargent, Richmond, Nerli. Voici un dessin de sa femme le représentant, en 1887 :

Portrait à l'huile de Stevenson par Fanny V de G. Osbourne, Fontainebleau, 1887

Stevenson parlait-il français ?
Oui, et pour savoir comment, lisez ce qu'en dit sa femme : quelle plume ! (voir ici)
.

PUBLICATIONS EN FRANÇAIS ACTUELLEMENT DISPONIBLES

Romans
- L'île au trésor
- Prince Othon
- Dr Jekyll et Mr Hyde
- Enlevé !
- La flèche noire
-
Le Maître de Ballantrae
-
La Chaussée des Merry Men (roman extrait de Maître de Ballantrae et autres romans)
- Le Trafiquant d'épaves
- La mort vous va si bien !
- La Malle en cuir ou La Société idéale (roman inachevé, terminé par Michel Le Bris)
- Le prisonnier d'Edimbourg et autres récits
- Aventures dans les îles : Les Merry Men – Le Secret de l'épave – Le Reflux – L'Ile au trésor – Dans les mers du Sud
- Pléiade : tome 1 : L'Île au trésor - Dr Jekyll et M. Hyde - tome 2 : Le Maître de Ballantrae et autres romans - tome 3 : Veillées des îles - Derniers romans
Nouvelles
- Intégrale des nouvelles 1 et 2
- Le Club du suicide (extrait des nouvelles Mille et Une Nuits)
- Le Diamant du rajah
- Le Pavillon dans les dunes
- Les aventures de David Balfour
- Ceux de Falesa
- Le Pirate et l’Apothicaire

- Olalla

- Le Diable dans la bouteille

- Will du moulin

Pièce de théâtre
- Amiral Guinée

Récits de voyages
- Voyage avec un âne dans les Cévennes
- En canoë sur les rivières du Nord
- Dans les mers du Sud

- Notre aventure aux Samoa

Essais
- Les Porteurs de lanternes et autres essais
- Une apologie des oisifs
- De la paresse
- Virginibus Puerisque

- Mendiants
- Charles d'Orléans
- Arpenter la terre et sonder la nature
- Aes Triplex
suivi de El Dorado
- Essais sur l'art de la fiction
Correspondance
- Une Amitié littéraire : Henry James Robert Louis Stevenson
- Correspondances Schwob / Stevenson
Prières
- Prières

L'INFLUENCE DE STEVENSON (enormous)

Ce qu'en disent des écrivains : Nabokov, Borges, Echenoz, Michel le Bris, Chesterton...

Films, pièces, chansons, BD, jeux vidéo (inspirés de Dr Jekyll & Mr Hyde)
- Films : on dépasserait la centaine, voir ici une liste plus modeste
- Théâtre : citons en France la pièce Le Cas Jekyll de Christine Montalbetti, et la performance de Denis Podalydès en 2010, metteur en scène et acteur
- BD : Docteur Jekyll et Mister Hyde, de Guido Crepax, Albin Michel, 1988 (érotique !) - Étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, de Joseph Busquet, Pere Mejan, Sanvi, tome 1 et tome 2, Delcourt, 2011 - Docteur Jekyll et Mister Hyde, Jerry Kramsky, Lorenzo Mattott, Casterman, 2014
- Chansons : de Serge Gainsbourg Hello Docteur Jekyll (1966), des Who : Dr. Jekyll and Mr. Hyde (1968), de Jean Leloup Dr Jekyll and Mister Hyde (1991), de Renaud Docteur Renaud, Mister Renard (2002), d'Aja Jekyll & Hyde (2019)
- Jeux vidéo : Dr Jekyll and Mr. Hyde (Nintendo, 1988) - Jekyll & Hyde (Pixelcage/bitCompose, 2011 : l'on incarne alternativement le Dr. Jekyll et Mr. Hyde, determinés à trouver un antidote contre une épidémie propagée par une secte occulte) - The Mysterious Case of Dr. Jekyll & Mr. Hyde (Nintendo, 2015 : Londres, 1886, le cadavre d'un riche citoyen vient d'être retrouvé dans une rue de Soho. De réputation honnête, ce membre du parlement n'avait aucun ennemi connu : a-t-il été réellement assassiné à Soho ? Pourquoi ? En charge de l'enquête, vous demandez de l'aide à un vieil ami, médecin légiste, le seul à pouvoir vous renseigner.
Fort heureusement, ce docteur Jekyll se montre très collaboratif... Le jeu fait visiter 30 endroits de Londres en 1886).

Ambiance Voix au chapitre...
Dans "Causerie et causeurs", Stevenson définit le type de conversation et le "causeur" qu'il apprécie : "Une certaine attitude, faite de combativité et de déférence, de désir d'en découdre et de refus de la dispute, signale immédiatement le causeur. Ce n’est pas l’éloquence, ni l'équité, ni l'opiniâtreté que j'aime à rencontrer chez mes aimables adversaires, mais une certaine proportion de tout cela." (Essais sur l'art de la fiction)

 

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

grand ouvert

¾ ouvert
ouvert à moitié
ouvert ¼
fermé !
passionnément
beaucoup
moyennement
un peu
pas du tout

 

 

 

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