Extrait de son site



Les vies de papier
, 360 p., trad. de l'anglais (États-Unis) par Nicolas Richard

Quatrième de couverture :

Aaliya Saleh, 72 ans, les cheveux bleus, a toujours refusé les carcans imposés par la société libanaise. Cette femme irrévérencieuse et un brin obsessionnelle traduit en arabe les œuvres de ses romanciers préférés : Kafka, Pessoa ou Nabokov. À la fois refuge et "plaisir aveugle", la littérature est l'air qu'elle respire. Cheminant dans les rues, Aaliya se souvient ; de l'odeur de sa librairie, des conversations avec son amie Hannah, de ses lectures à la lueur de la bougie tandis que la guerre faisait rage, de la ville en feu, de l'imprévisibilité de Beyrouth.

Lauréat du Prix Femina étranger 2016, Rabih Alameddine signe un roman éblouissant et une véritable déclaration d'amour à la littérature.

LES DEUX AUTRES LIVRES TRADUITS EN FRANÇAIS

Hakawati
, Flammarion, 2009
, 576 p.

Quatrième de couverture :

Beyrouth, 2003. Après de nombreuses années passées aux États-Unis, Osama Al-Kharrat revient au Liban pour renouer avec son père mourant. Durant une semaine, autour du lit, la famille se raconte souvenirs, anecdotes, fables et légendes. Car le grand-père d’Osama était un conteur, un hakawati, et ses histoires se mêlaient à des légendes classiques du Moyen-Orient : Abraham et Isaac, Fatima…

L'ange de l'histoire, éd. Les Escales, 2018, 360 p.

Quatrième de couverture :

Le portrait bouleversant et tout en finesse d'un homme hanté par les souvenirs et par deux voix, celles de Satan et de la Mort, qui se disputent son âme.

Le temps d'une nuit, dans la salle d'attente d'un hôpital psychiatrique, Jacob, poète d'origine yéménite, revient sur les événements qui ont marqué sa vie : son enfance dans un bordel égyptien, son adolescence sous l'égide d'un père fortuné, puis sa vie d'adulte homosexuel à San Francisco dans les années 1980, point culminant de l'épidémie du sida. Mais Jacob n'est pas seul : Satan et la Mort se livrent un duel et se disputent son âme, l'un le forçant à se remémorer son passé douloureux, l'autre le poussant à oublier et à renoncer à la vie.

Rabih Alameddine (né en 1959)
Les vies de papier (2014)

Nous avons lu ce livre en avril 2021.

Les 33 cotes d'amour des trois groupes
Annick LClaireChantalCindyChristineGeneviève Katherine Nathalie B •RenéeRozennSéverine GValérieDanièleDenisFannyFrançoisFrançoise D
Jacqueline ManuelMarie-Thé Monique L
Entre et Brigitte
Annick AAnne-MarieÉdithNathalie RSéverine V
Entre et Yolaine
EtienneSylvie
Ana-CristinaAnneLaura


Les 9 cotes d'amour du nouveau groupe parisien
réuni le 14 mars 2021
Ana-CristinaAnne
Anne-Marie
François
ChristineKatherine •Nathalie B •Séverine GValérie

Ana-Cristina
Je n'ai pas tout lu, une soixantaine de pages, et je n'ai pas eu envie de poursuivre. Je n'ai pas aimé. J'ai trouvé ce livre mal écrit. Est-ce dû à une mauvaise traduction ? Je n'ai en tout cas pas aimé le style et me suis demandé pourquoi l'auteur a eu envie d'écrire sur une vieille femme. Je n'ai pas non plus compris la cohérence du titre, "Les vies de papier", je trouve que cela n'a pas de rapport avec l'histoire. Il y a aussi toutes ces citations qui n'apportent rien en fait. Et puis j'ai mis un certain temps avant de comprendre qu'il s'agit d'une femme. L'auteur est masculin… Déjà le début de l'histoire des cheveux bleus m'a semblé peu intéressant. Je trouve que le personnage n'a pas d'intériorité. Je ferme le livre.
Anne-Marie
C'est un livre déconcertant. Est-ce un essai ? Un journal ? Un roman qui parle d'un mariage raté avec un mari disparu antipathique. Le thème concernant la vie patriarcale dans Beyrouth en temps de guerre est intéressant, mais la façon de le raconter avec la librairie, les traductions, part dans tous les sens. Certes il y a des trouvailles… On aimerait savoir plus de choses sur la ville. Il y a de l'humour comme l'histoire avec la mitraillette dans son lit, mais il y a trop de digressions sur la littérature et on ne sait pas pourquoi elles sont introduites là, sans rapport avec les situations. Aussi, les moments intéressants ne durent pas, ils sont entrecoupés. Pas de continuité. Seule la relation avec Hannah me semble touchante et le portrait en est bien tracé. C'est un texte que j'ai trouvé désordonné, fatigant, ce sont des bouts de scénarios mis bout à bout. Je trouve même que l'auteur ne s'est pas vraiment mis dans la peau d'une femme.
Katherine
J'ai lu ce roman dans sa langue originale, l'anglais, et dont le titre est An Unnecessary Woman. Je n'avais pas terminé ma lecture au moment de nos échanges, mais je l'ai achevé peu après et mon impression positive n'a pas du tout été gâtée !
J'ai adoré l'histoire de cette femme. Elle est indépendante, auto-suffisante, sereine : ce personnage a suscité chez moi une forme d'admiration et de sympathie, qui m'ont donné envie de la connaître à travers ses pensées et ses souvenirs qu'elle émaille dans ce livre-journal.
Elle vit à Beyrouth, divorcée, célibataire et sans enfant, ce qui est extrêmement rare et marginal pour l'époque (et encore aujourd'hui). Alors que plusieurs trouveraient éminemment triste une telle vie, elle semble y avoir un trouvé un équilibre paisible entre ses projets de traduction et son emploi dans une librairie. Elle a acquis une très vaste culture et évoque sans fioriture ces écrivains et musiciens qu'elle aime et dont les œuvres l'ont marquée. Elle est solitaire, mais sa vie est riche de rencontres avec ces auteurs qu'elle lit et traduit. Leurs personnages, ces vies de papier, font partie de sa vie terrestre et la remplissent.
J'ouvre en grand !
Nathalie B
J'ai beaucoup aimé ce roman écrit pas un homme sur une femme au soir de sa vie. Sur quelques jours, comme pour un journal, cette femme à la vie solitaire raconte sa vie entière. Les premières pages m'ont fait craindre ce que dit Ana-Cristina, un côté superficiel avec juste un égrenage de titres et d'auteurs sans lien particulier avec le récit. Il y a bien plus d'une centaine d'auteurs qui sont cités. Ce roman est rempli de titres de livres divers, de citations nombreuses énoncées au gré des réflexions et souvenirs d'Aaliya. Et puis, en réalité, non. En découvrant peu à peu ce personnage, on comprend progressivement ses références, son rapport aux livres qui sont les fondations de sa vie et le sel de son existence. J'ai beaucoup de sympathie pour cette femme si particulière qui, après avoir suivi le chemin assigné aux femmes, a très tôt dû s'en détourner, construit sa propre route avec et par les livres qu'elle dévore et savoure. Cette femme est comme Beyrouth qu'elle traverse : elle a connu son âge d'or, a été démolie, puis s'est reconstruite. Par petites touches, l'auteur, par le biais de cette femme, nous fait frôler du doigt les difficultés de la vie quotidienne à Beyrouth pendant les années de guerre, comme par exemple le rapport à l'eau, son manque d'eau. Cette eau si importante et qui à la fin du livre détruit tout ce qu'elle avait essayé de bâtir. Elle s'est progressivement totalement isolée et s'est réfugiée totalement dans les livres qu'elle lit, qu'elle traduit pour elle seule, même si ses espoirs ont été autres. Elle se vit comme une femme inutile, mais qui a réussi à trouver la sérénité ou presque, le bonheur parfois lorsqu'elle est contente de sa traduction. Elle a progressivement perdu ses illusions. L'auteur, par le biais de son héroïne, car c'en est une, nous montre sans les édulcorer les tracas de la vieillesse. Mais la vie n'a pas dit son dernier mot. Et la tragédie qu'elle va devoir subir sur ses vieux jours lui permettra peut-être une autre vie, moins seule, et qui peut-être laissera la trace qu'on aimerait tous laisser avant de disparaître. On sort de ce roman emplie de vitalité. Je l'ouvre en grand. Ce roman restera dans ma mémoire.
Christine
J'avais lu ce livre en décembre 2016 et je l'avais trouvé beau et très poétique. Certes il y a des digressions, mais elle revient toujours sur le sujet. J'ai été conquise par cette femme qui s'est créé son univers. Celui des livres. J'ai été impressionnée par cette idée d'une masse de papiers qui s'entassent. Je ne trouve pas que la référence aux auteurs vienne comme des cheveux sur la soupe. C'est d'ailleurs plutôt un récit qu'un roman et elle raconte comment les livres l'ont aidée à se construire, comment elle vit à travers l'existence des personnages dont ils parlent, comment ils l'interrogent. Le style est un peu comme un langage oral avec des discontinuités, des phrases pas construites.

Françoise H
Je n'ai pas lu le livre, mais à travers ce qui est dit, cela me donne envie de le lire.
François
Un beau livre, merci de me l'avoir fait connaître ! Troublante, la façon dont Rabih Alameddine (que je ne connaissais pas) est entré dans la peau de sa narratrice pour nous faire partager son existence jusqu'à sa vieillesse de vieille dame indigne, limite punkette, après un shampoing aussi décapant que sa vie d'ancienne libraire passionnée par les livres, la musique et les traductions qui s'entassent dans son vieil appartement au cœur de Beyrouth, "l'Elizabeth Taylor des villes démentes".
De cette confrontation avec une vie qui ne l'a pas épargnée, ressort une folle passion pour la culture. Magie des citations littéraires et musicales, pour le lecteur heureux de retrouver des auteurs qu'il aime : Walter Benjamin, Proust, Kertész, Pessoa et d'autres qu'elle vénère. Et il y a aussi la musique, avec ses compositeurs et ses interprètes : très beau, le passage sur Richter et Chopin. Il faut dire que la culture du personnage donne le vertige. Et surtout la passion quasiment délirante qu'elle voue jusqu'au bout à la traduction ou plutôt aux traductions de traductions en arabe. Elles s'accumulent sans être publiées, au rythme d'une par an, dans le bazar infernal de la chambre de bonne. Le rituel qui les accompagne est impressionnant. Mais c'est tout le roman qui est peut-être une traduction du féminin, tant l'empathie de l'auteur avec son personnage est évidente. Alameddine n'évite pas toujours le pathos, les circonvolutions et un rien d'esbroufe mais il parvient à nous plonger dans le chaos et les méandres de Beyrouth et de la vie d'Aaliya qui mérite bien tous ces détours ! Mari, amis, voisines gravitent autour d'elles comme des planètes souvent inquiétantes dont on guette le retour !
J'ai aimé le côté pathétique et dérisoire du roman qui rappelle Beckett. Curieusement, la magie toute orientale du récit malgré l'histoire plutôt âpre et désespérante m'a fait penser au génial Albert Cossery. J'ouvre aux ¾.
Anne
Je suis impressionnée par les élaborations positives que l'on fait de ce livre. Ça me donne envie de le lire après l'avoir fermé, et je dois dire avec un fort agacement. Au début j'ai fait l'effort, me rendant compte qu'il devrait m'intéresser. Il devrait, il devrait… mais doit-on forcer ce que l'on ne ressent pas ? Idéalement, ce livre parle de choses émouvantes : une vieille femme (mais ça commence mal, j'ai d'emblée trouvé inutile ce passage avec les cheveux bleus), Beyrouth en guerre, une femme en révolte contre l'entourage, contre le monde conventionnel (et cela doit être dur au Liban), une passion des livres, une librairie et un magnifique bureau ancien. De quoi se frotter les mains et s'installer avec plaisir le livre en main…
Oui mais voilà, pourquoi ai-je vécu ce livre sans émotion aucune, sauf d'avoir ressenti de l'agressivité ? Je me suis sentie flouée. Un maniérisme dans le style ? Oui, je pense. De constantes interruptions lorsque l'émotion aurait pu gagner ? Oui, je pense. Des interruptions intellectuelles incessantes avec utilisation de l'érudition (à n'en plus finir : zut je ne connais pas cet auteur, ni celui-là, ni… : ça fait trop… il me jette de la poudre aux yeux ?) et justement au moment où il se passait quelque chose d'intense !! La mère par exemple dont personne ne veut, beau morceau de tragédie…, mais mille citations, questionnements intellectuels, viennent affadir ce passage qui tombe à l'eau. La passion de la narratrice pour les livres donne certainement le titre au livre, "les vies de papier", bonne idée, mais c'est gâché par la façon de traiter le sujet.
L'auteur ne supporte pas les émotions qu'il propose ? Il reprend d'une main ce qu'il a donné de l'autre ? Bon, j'ai finalement laissé ce livre fermé après l'avoir ouvert plus de soixante pages et je ne le rouvrirai pas. Habituellement j'aime l'humour et n'y ai pas vraiment été sensible ici. Et l'histoire avec le jeune homme qu'elle laisse venir lire puis travailler à la librairie…, voilà qui pouvait être subtil, émouvant, mais quelle tristesse la façon dont ça évolue (si on peut parler d'évolution), une relation érotique peu ragoûtante qui finit en eau de boudin avec un excitant tortionnaire et pour obtenir une kalachnikov qui dormira dans son lit... Comme Ana-Cristina, je trouve que les personnages manquent d'intériorité, et ce n'est pas cela qui est ennuyeux car certains livres sont beaux sans être dans le registre de l'intériorité, mais l'auteur utilise des procédés qui font croire qu'ils en ont. Il y a du faux-semblant, c'est frustrant, et, tout de même, on aimerait authentiquement avoir de l'empathie pour Beyrouth en temps de guerre, connaître cette ville souffrante. Peut-être après la soixantième page ? Mais j'ai refusé de faire l'effort d'aller plus loin.
Je me rends compte avoir un avis réactif et insuffisamment élaboré. Ce serait intéressant d'y réfléchir. Pourquoi cet auteur me fait-il vivre ça ? Oh et puis, après tout, passons à autre chose, allons vers d'autre livres pour éprouver en profondeur des émotions, tendresse, déception, érotisme, malheur, bonheur, amour, courage, violence, scatologie, vie et mort, culpabilité, remords…
Valérie (avis transmis)
Avec son roman, Rabih Alameddine nous plonge dans une histoire savoureuse pleine de tendresse, d'ironie et d'humour. Il nous promène, nous emmène à Beyrouth (intéressant de noter que ce nom signifie "puits") en compagnie d'une vieille dame : Aaliya, tout à la fois traductrice et libraire. Rabih Alameddine nous pousse la porte de cette librairie qu'on imagine sans peine dans une rue de Beyrouth, tout comme il nous transporte dans la chambre de lecture d'Aaliya, on voit très bien ses lunettes de lecture suspendues à une lampe. Cette femme nous livre ses réflexions sur la genèse et le déroulement de sa vie solitaire, plongée dans ses livres et auteurs préférés qu'elle traduit juste pour le plaisir. Ce livre est un grand livre ouvert sur les autres écrivains de ce siècle, on apprend à les connaître par les citations égrenées, par des lambeaux de vie de ces auteurs, par le sens profond qu'évoque chaque citation de la vieille dame. Aaliya est la mal-aimée de sa mère qui elle-même est une mal-aimante. Mais que de tendresse et de cruauté quand Aaliya lave les pieds de sa mère pour la soulager de la souffrance. Et cette amitié unique et merveilleuse qu'Aaliya entretiendra avec Hannah mais qu'elle ne sauvera pas de la mort. Et, puis, bien sûr, il y a la ville de Beyrouth décrite sans fard tout au long des 15 années de la guerre civile au Liban. J'ai énormément aimé ce roman. Ce livre restera gravé dans ma mémoire. J'étais très heureuse de lire ce livre, car d'entrée de jeu ce titre me paraissait très évocateur. Des vies de papier : tout un programme ! Et, oui, une vie de papier correspond bien à un être de chair qui a vécu et éventuellement beaucoup marqué son temps. Je pense à la référence très émouvante concernant la mort de Garcia Lorca ou celle encore de Bruno Schulz. J'ouvre en grand.
Séverine G(avis transmis)
Je n'ai pas fini le livre, mais voici tout de même un avis pour alimenter la réunion, auquel je regrette de ne pouvoir me joindre, ni en réel ni à distance. Ce livre m'a beaucoup plu et touchée, même si c'est un objet littéraire assez inclassable. Journal décousu ? Récit patchwork de vie ? Roman diariste ? Je n'ai pas été regarder la genèse de cette œuvre et en suis rendue à des suppositions sur le caractère autobiographique partiel ou total, sur l'identité de l'auteure et (?) de la narratrice, sur le contexte de la création de ce petit ovni littéraire. En tous cas j'ai aimé, je dirai de plus en plus en avançant dans ma lecture, ce personnage, son histoire, sa manière un peu digressive de relier les sujets les uns aux autres, son humour tragi-comique, sa pudeur, sa tendresse, son amour fou pour Beyrouth. Cette femme m'a fait souvent penser à l'héroïne de L'élégance du hérisson de Muriel Barbery. Son retrait du monde, son renoncement à la féminité et à toute forme de séduction même amicale, ce repli passion sur la culture, les livres, la musique. Le grand plus étant l'aspect témoignage sur la vie des civils beyrouthins, cette vie d'otages dans un chaos répété, absurde et dantesque. Situation que l'auteure nous dévoile par touches fortes mais pudiques, réalistes mais froides, sans pathos, ce qui saisit encore plus la lectrice que je suis. Certaines réflexions philosophiques d'une grande sagesse en émanent. Ce livre est aussi un mille-feuille de citations et d'évocations extrêmement pertinentes par rapport au récit. Nul étalage snob ici, nul parade, la littérature sourd réellement de son être, est consubstantielle à sa vie, irrigue son âme. J'aime aussi tendrement son travail admirablement "inutile", gratuit, sans cesse achevé, sans cesse recommencé, ce travail de Sisyphe heureux. Je m'y retrouve un peu sans doute...
Même sans l'avoir achevé, j'ouvre en grand ce livre, et remercie celle ou celui qui nous l'a proposé.


Synthèse des AVIS DU GROUPE BRETON
réuni par zoom le 8 avril 2021
rédigée par Yolaine (suivie des avis détaillés)

Les cotes d'amour
Sylvie
 Entre et YolaineÉdith

Marie-Thé
 Chantal Cindy Claire
 

Nous avons été également partagées sur l'intérêt de ce livre, mais l'enthousiasme des unes a largement compensé les réticences des autres. Elles ont exprimé une profonde empathie pour le personnage principal, femme forte, indépendante, pas ordinaire et même extraordinaire, sensuelle, et intellectuelle introvertie (le portrait-type des fidèles de notre club de lecture ?). Son destin sacrifié de femme arabe divorcée d'un mari impuissant, ses amours fugitives avec Ahmad, et les portraits des autres femmes, Hannah, son amie, sa petite-nièce, ses voisines, chaleureuses et solidaires dans la détresse, les ont bouleversées. Elles ont trouvé que Rabih Alameddine avait fait preuve d'une étonnante compréhension de la gent féminine dans la description de ce gynécée. Elles ont adhéré totalement à ce récit et avalé d'une seule traite les 350 pages que les autres ont dégustées de façon plus laborieuse. Elles ont admiré son amour des livres, de la musique, de la langue arabe et aussi son humour et sa pratique constante de l'autodérision.
À l'inverse, la relation distante et teintée d'indifférence que l'héroïne entretient avec sa mère n'a pas paru complètement vraisemblable à tout le monde.
L'évocation de la ville de Beyrouth meurtrie par la guerre, par petites touches au fil du quotidien et avec beaucoup de pudeur, ajoute à l'intérêt et à l'émotion éprouvée par tous.
Les divergences se sont révélées plus nettement autour de l'autre sujet central du roman, occupé par la littérature. Aaliya s'est en effet emmurée dans la lecture et dans la routine disciplinaire de ses traductions pour ne pas sombrer dans l'effroi et le désespoir. En porte-à-faux avec le monde réel, elle divague de façon poétique entre les citations des personnages de roman avec qui elle cohabite plus étroitement qu'avec ses voisins de palier. L'omniprésence des références littéraires en a gavé plus d'une, même si elles ont le mérite d'inspirer nos futurs programmes de lecture.
Le style décousu de ce long discours un peu incohérent, sans chapitre pour le structurer, a un peu décontenancé, même s'il reflète assez justement le vieillissement et la confusion mentale de l'héroïne. On distingue plusieurs histoires imbriquées dans l'histoire, comme des matriochkas, qui pourraient faire l'objet de nouvelles à part entière, comme celle de la vie d'Hannah. L'écriture est cinématographique, et on pourrait imaginer une adaptation à l'écran pour prolonger le plaisir de lecture des fans de Rabih Alameddine. Un bémol pour la qualité de la traduction, pas toujours limpide, ce qui est dommage pour un roman sur la traduction (plus vénérée dans ce contexte comme gymnastique que comme outil de diffusion). Mais une adhésion unanime pour la fin, positive et même jubilatoire, les manuscrits d'Aaliya trouvant enfin une raison d'être dans le partage et la communication.
Yolaine entre et
Je n'ai pas aimé et n'ai pas grand chose à dire. C'est un peu dommage de lire ce livre pendant le confinement ; les circonstances font que je n'ai pas apprécié de me retrouver dans l'univers confiné de la narratrice.
Par ailleurs beaucoup de choses m'ont paru invraisemblables, comme cet amour de Beyrouth qui n’est pas vraiment décrite. La femme elle-même, dans ses rapports mère-fille, ni amour ni haine, mais indifférence étrange, n'est guère vraisemblable.
Quant aux références littéraires, je les ai trouvées ennuyeuses et artificielles, je n'ai pas aimé cette façon d'aller rechercher la littérature de façon stérile.
La fin m'a paru assez réussie, mais lire et traduire m'ont semblé d'un désespoir absolu.
Par ailleurs, j'ai trouvé le livre pas très bien traduit, avec des phrases mal construites (ou alors c'est une façon de l'auteur de s'exprimer), ce qui m'a gênée.
J'ouvre entre ¼ et ½ parce que c'est original et intéressant, mais le plaisir de lecture était absent et la lecture laborieuse.
Édith
Le titre "Les vies de papier", la couverture du livre, ainsi que la quatrième de couverture, m'ont engagée favorablement à la lecture. Je sais que - comme pour la plupart des autres livres - "je plonge et je m'immerge" dans le texte… : ce ne fut pas le cas pour cette fois-ci. J'ai repris la lecture de ce livre à de nombreuses reprises et, suivant les moments du récit, je me suis retrouvée plus ou moins emportée par la narration. Dommage. Toutefois, je me suis tout de suite sentie en présence d'une héroïne bien que l'auteur en soit un homme ! Cela aurait dû bien fonctionner.
Les références aux livres "traduits" par Aaliya sont nombreuses et leurs évocations renforcent ou élargissent l'à-propos du récit. Je n'ai pas spécialement apprécié cela. Pour moi, une impression de manque d'unité de dispersion.
J'ai souvent apprécié l'humour des situations et leurs traductions littéraires (très nombreuses), ainsi que l'autodérision d'Aaliya au sujet de son aspect. Dès le début du roman, elle souligne : "je n'ai qu'une seule glace chez moi, et encore elle est sale (…) Je ne pense pas qu'il nous faille consulter Freud… pour savoir qu'il y a là un problème"... Elle a les cheveux bleus et je pense que, ayant les cheveux blancs, elle utilise un shampoing bleu pour effacer le jaune ! (Je connais, il ne faut pas dépasser la dose sinon les cheveux restent bleus !) Tout le long du récit, les corps, les odeurs, les défauts physiques, seront décrits très précisément, enrichissant le récit si parfois elle se risque à des détails scatologiques : la merde, le transit de Thomas Mann, le cadavre de son premier mari… au plus près de l'humain de sa vulnérabilité et de sa déchéance qu'elle veut pour elle, joyeuse… semble-t-il.
Chaque épisode de sa vie pourrait en soi devenir une nouvelle. C'est ce que j'ai préféré :
- La relation à Hannah et surtout le récit du suicide de Hannah, seule amie, qui est à l'origine de sa place en librairie. Sobriété du récit et surréalisme de la première tentative de suicide par médicament de Hannah… juste la vessie trop pleine, le valium pour dormir absorbé avec deux verres d'eau ! (p. 297-298). Et puis, sécheresse du récit pour le second suicide : "elle mit les chaussures les plus confortables, gravit l'escalier jusqu'au toit du bâtiment et sauta."
- La relation à sa mère, évoquée aux différents âges de sa vie et devenue grabataire et silencieuse, traverse tout le récit. L'épisode du soin des pieds qu'Aaliya lui concède lors d'une rare visite, la présence des neveux et nièces (la mère d'Aayala veuve a épousé son oncle) est truculente ; scène peut être "religieuse" (cf. le lavement des pieds du Christ dans le Nouveau Testament). Dans le livre le religieux est parfois suggéré.
- Le récit en fin de livre de l'inondation des salles d'eau communicantes depuis ses voisines "les trois sorcières", récit drôle pittoresque et tendre, fait miroir à l'anecdote des livres de Primo Levi détruits par l'eau quand Berlusconi en eut fait acquisition.
- Récit de la non-demande en mariage du lieutenant pour Hannah : la méprise de cette dernière sur la réalité amoureuse du lieutenant à son égard. Drôle et tendre.
J'ai moins aimé les insertions littéraires comme je l'ai dit, tout en reconnaissant que c'est le thème même du récit : la littérature, c'est sa vie.
J'ai mesuré aussi la force des descriptions de Beyrouth traversée par les guerres se succédant, les démolitions, sans vraiment aller voir la documentation concernant l'histoire du Liban.
En résumé Aayala m'est très sympathique : identification possible dans l'imaginaire seulement, car je ne me sens pas à la hauteur de son anticonformisme. Je me sens en littérature à l'inverse d'Aayala : quand un livre me plaît, ou pas d'ailleurs, j'ai envie d'en parler et l'isolement ne me séduit aucunement.
Peut-être qu'une relecture me ferait mieux apprécier le livre ?
Chantal
Dès le début du roman, cette vieille dame Aaliya - 72 ans ! - m'a été sympathique. Dès les premières pages, fantaisie, humour, autodérision, laissent deviner une douleur jamais comblée, celle de la perte de son amie Hannah : "avant elle, ma voix n'avait pas de patrie"...
Dès ce moment, l'auteur s'est effacé (avec quel talent !). Totalement. C'est Aaliya qui parle. Ce ne peut être que le langage d'une femme. La force de l'auteur, c'est ce talent de nous faire "voir", très en détail, cette vieille femme, cloîtrée volontairement, dans son appartement d'un vieil immeuble déglingué de Beyrouth, sur fond de guerres incessantes. Guerres que j'ai vite renoncé à comprendre sur Wikipédia... trop compliqué !
Elle se terre là, dans son cocon de livres et ses traductions, à la retraite, "époque de l'atroce temps libre"... Elle est entrée en littérature comme on entre en religion. Avec l'absurdité de ses traductions jamais publiées, mais qui la font vivre : "je me suis enfuie en littérature"...
De nombreuses digressions peuvent nous faire perdre le fil, elle s'en excuse, mais non, quand on paraît sortir, un pan de sa vie apparaît. Moyen pour l'auteur de mieux nous faire entrer plus avant dans la vie d'Aaliya. Et plus on avance dans la lecture, plus ses blessures se découvrent : son enfance mal aimée, son mariage forcé et raté, sa soif d'amour, Hannah sa seule amie... la vieillesse, la mort, le vide : "je ne suis rien, je ne serai jamais rien".
Et tout au long, des citations d'auteurs, de personnages, de vies de papier, ses raisons de vivre... nostalgie constante "de cet autre que j'aurais pu être, qui me désagrège et qui m'angoisse".
Et puis la fin, que j'ai trouvée belle, lumineuse, visuelle ++, ses traductions inondées, et ses trois sorcières ses voisines, qui l'entourent, la consolent, l'aident, quelles scènes !! Et l'ouvrent sur l'avenir : "les femmes m'entourent une fois de plus, me prennent par les mains et les coudes et me conduisent vers la lumière", que c'est beau. Littérature et Vie peuvent cheminer de concert : ses trois sorcières aiment Anna Karénine ! Et j'oublie le passage - transmission grand-mère, fille, petite-fille - de la toilette des pieds de la mère. Quelle force dans ce passage !
Dans un premier temps j'ai ouvert aux ¾. Mais c'est plutôt en entier : Aaliya est derrière moi et elle regarde ce que j'écris !
Sylvie
Je n'ai lu qu'un tiers du livre. La narratrice est en porte-à-faux avec l'extérieur d'où viennent beaucoup de souffrances et s'enferme avec une muraille de livres. La littérature la protège. Elle se construit un monde, avec des trouées sur son passé, ses voisines : elle divague et... je décroche. C'est une forteresse perforée d'où elle s'échappe.
La littérature est souvent un vecteur vers le social, pour elle non, ça la protège telle une coquille, une carapace, une forteresse. L'extérieur est dangereux et, certes, il l'est. Il n'y a pas de confiance vis-à-vis de l'humain, sauf les livres.
Pour ce qui est des digressions me font décrocher, je manque de prise, ça file entre les pattes. On est assis dans une tempête, et elle vous brinquebale.

Mais, à vous entendre, ça donne envie de poursuivre.
Cindy
Alameddine est écrivain mais aussi peintre : de là viennent peut-être ces descriptions, ces détails. Et quel talent pour écrire et - j'ai cru d'abord que l'auteur était une femme - d'écrire du point de vue d'une femme - ce qui rend le livre encore plus attirant.
C'est une histoire et des histoires. Aaliya c'est un joli nom, qui chante. Une femme d'emblée atypique, avec ses cheveux bleus ; sa description en fait déjà une femme hors du commun. Ce sont des gourmandises à lire, dès la première page avec sa brosse à dents. On a l'impression de passer d'un sujet à l'autre - je m'égare, dit-elle - mais non !
Le style est renforcé par les belles citations : "Écoutez les mots, écoutez la magie. Écoutez le rythme, écoutez la poésie", dit un personnage. L'auteur a voulu qu'on écoute les mots, ces descriptions, ces sentiments. La culture et les citations renforcent ce qu'il veut nous faire comprendre, avec ce récit rythmé, cette évocation du quotidien, dans ce Beyrouth délabré.
Elle aborde des sujets philosophiques, l'art, la littérature, la poésie ; à chaque citation qu'elle utilise, je dis : elle a raison. "Si vous craignez la solitude, ne vous mariez pas" (Tchekhov) Il y a de belles réflexions sur la ville. Pessoa semble être pour elle un catalyseur.
J'ai aimé le livre aussi pour les histoires parallèles, comme celle d'Hannah. Cela pourrait être, comme dit Hannah, une autre histoire.
J'ai été également intéressée par sa manière de traduire. Elle traduit et personne ne la lira. Beaucoup de choses sont irrationnelle, faisant des ricochets. Pour ce qui est du roman lui-même, c'et vrai qu'il y a des phrases un peu bizarres. Mais je suis bluffée par les références, dont certaines font écho à ce que j'ai vécu, par exemple les disques avec le label jaune Deutsche Grammophon qui lui font dire : "le rectangle jaune apporte une touche de panache dans ma vie" m'ont rappelé mon état d'esprit au Gabon quand j'achetais ces disques.
Elle est une femme délaissée, membre superflu, appendice de la famille. Elle est douleur, mais aussi bonheur avec sa vie solitaire. L'auteur en fait une femme vivante : d'ailleurs avec Ahmad, c'est le mot qui lui vient plutôt que belle. Elle nous bouscule, elle nous touche. Et à nouveau, que cela vienne d'un auteur homme, c'est incroyable, par exemple elle dit : "j'ouvre une bouteille de champagne pour célébrer mon existence sans descendants" (p. 140) J'ai aimé cette femme moderne, arabe, râleuse, sans émotions mais sensible, indépendante, mais pas si isolée. Elle a pas mal réussi, elle s'est construite par la littérature. Et il y a cette merveilleuse scène de réconciliation avec sa mère dont elle lave les pieds. Le livre est une leçon de vie. Une leçon de confiance. Et surtout aujourd'hui. Je le recommanderai, je le prêterai.

Sylvie
Le lavage des pieds et la lumière finale donnent décidément une note religieuse...
Par ailleurs, je n'avais pas fait le lien entre l'auteur, un homme,
qui écrit l'histoire d'une femme, comme l'a souligné Cindy, et là j'avoue que je vais envisager la lecture sous un autre angle.
Marie-Thé(avis transmis)
J'ouvre aux ¾.
J'ai beaucoup aimé ce livre, foisonnant, riche, dense, se prêtant à l'échange ; c'est d'ailleurs pour cela que je l'avais proposé, conséquence pour moi : synthèse difficile...
Impossible ici de confondre auteur et narrateur ; ceci dit, la description et le cheminement du personnage
féminin me donnaient l'impression que ces pages étaient écrites par une femme.
Si j'enlève ¼ à ce livre, c'est pour la forme : tout simplement, j'aurais aimé des chapitres et non une succession de pages ininterrompue, afin de reprendre mon souffle, peut-être... Pour une autre raison aussi : j'ai été lassée par les lamentations d'Aaliya décrivant la décrépitude de son corps vieillissant (elle n'a que 72 ans....), geindre sur un corps paraissant être une charge pour elle, oui, mais que c'est répétitif ! Ce sont mes seules réserves.
Si elle ne s'épargne pas, elle n'épargne pas les "autres" non plus, mais je ne vois point de jérémiades lorsque je découvre des portraits pittoresques et souvent... répulsifs ! J'ai été impressionnée par la mère, surgissant tel un spectre, pâle, vêtue de noir, ses cris... scène de tragédie grecque. Et pour anticiper sur une prochaine rencontre, j'ai pensé à Bergman, au personnage représentant La Mort dans Le septième sceau. Les cris en moins. Les relations avec la mère occupent une place importante, le lavement des pieds évoquant une scène biblique pourrait être vu comme une forme de réparation. Je suis tout de même frappée par l'image laide donnée des corps.
Quel contraste avec Aaliya, l'érudite, la traductrice, entourée de ses livres, vivant au milieu de ses traductions disséminées dans tout son appartement. Je l'ai aimée parlant de son travail, du choix de ses traductions, de ses rites, des deux bougies allumées pour Walter Benjamin, contente qu'elle ait traduit Austerlitz de Sebald. Aaliya traduit en arabe des traductions anglaises ou françaises. "Mes traductions sont des traductions de traductions... moins fidèles à l'original". "Traduire et ne pas publier" "C'est le processus qui me captive, et non pas le produit fini." Et la transmission ??? Reste Aaliya engloutie par les traductions, en compagnie de Pessoa, Cioran, Nabokov, Yourcenar, etc.
La situation de la femme au Liban, le poids des traditions, de la religion, l'évolution de la société libanaise, l'évocation du féminisme, Aaliya et Fadia libérées, tout cela m'a bien sûr interpellée. Je retiens aussi le parcours sinueux d'Hannah, dans sa tête, jusqu'à sa chute finale. "Elle plongea dans son propre abîme avant que Beyrouth ne plonge dans le sien". Hannah parfois écartée à cause de ses cheveux roux : "ses ancêtres ont couché avec des croisés."
Avec ce livre passionnant, Beyrouth nous est décrite dans l'espace et dans le temps. La ville est un personnage, elle est imprévisible, attachante, aimée par dessous tout. Ville "défigurée" aussi par les années, la guerre (je me souviens de l'année 1984), la modernité, mais Aaliya lui reste fidèle. Avec elle, j'ai aimé respirer l'atmosphère particulière des villes du Levant, me réfugier au musée, traverser les vieux quartiers, Sabra. Beyrouth l'hivernale étant la préférée d'Aaliya, à l'hiver de sa vie apparemment... Et encore : au milieu de la ville gangrenée par le béton, la "bâtisse ottomane... détonne autant qu'une femme au Parlement." Je note aussi ceci : Beyrouth n'a jamais été "une arche de Noé où les bêtes de toutes races se sentaient à l'aise et non menacées." Mais je n'aime pas que soit associée à des "balivernes nazies" l'histoire du déluge.
Ironie, une forme de déluge a bien failli anéantir "Les vies de papier" de celle qui dit : "Je me suis enfuie en littérature." et : "Je pensais aussi que l'art ferait de moi un être supérieur à vous." Grâce à l'intervention généreuse des "trois sorcières" (quel mépris !), Aaliya pourra de nouveau se replonger dans les traductions, délicieuses hésitations entre deux personnages : Hadrien de Yourcenar ou le Magistrat de Coetzee...



Les 18 cotes d'amour de l'ancien groupe parisien réuni par zoom le 16 avril
Laura Etienne
Annick ANathalieSéverine
Entre et Brigitte
Danièle
DenisFannyFrançoise •Jacqueline ManuelMonique L
 Annick LClaireGenevièveRenéeRozenn

Fanny(avis transmis)
Voici mon avis sur cette plongée dans les papiers.
Tout d'abord je dois dire que cette lecture a été pour moi une expérience. Les premières lignes d'entrée en matière avec cette vieille dame aux cheveux bleus m'ont immédiatement captée, mais échaudée par le goût âpre des kakis, j'ai frémi quand j'ai vu qu'il n'y avait aucun chapitre. L'effet plongée en apnée m'a fait un peu peur.
Je dois dire que je ne sais pas trop quoi penser de cet exercice de style ; je n'ai finalement pas boudé mon plaisir immédiat, j'ai lu les cent dernières pages quasiment d'une traite hier soir.
Loin de moi l'idée de vouloir confondre l'auteur et le narrateur, mais je me suis plusieurs fois demandé quelle pouvait être la part autobiographique dans ce roman.
Sur la forme, je me demande comment l'auteur a construit ce roman relativement long d'une seule pièce, du fait de l'impression en tant que lectrice qu'il fait sans cesse des allers retours et des digressions, mais pourtant il avance, semble suivre un certain cheminement.
Les références culturelles et littéraires sont, je trouve, trop nombreuses, leur omniprésence a à mon sens un côté un peu pédant. C'est peut-être en accord avec le portrait de cette femme qui a passé sa vie dans les livres, mais en même temps cela contraste avec l'extrême modestie du personnage par rapport à son érudition.
Si certaines réflexions sur la vie m'ont intéressée, de même que ce qui concerne le mécanisme de traduction mis au point par cette femme, c'est surtout la dimension romanesque qui m'a plu.
J'ai aimé la lecture du parcours de vie de cette femme, son enfance avec le personnage si peu affectif du beau-père, son mariage raté, sa condition féminine, le rapport à Beyrouth (même si j'aurais aimé que la ville soit plus présente, j'ai passé trois mois au Liban il y a 20 ans).
J'ai trouvé aussi assez subtil le rapport à sa mère tout au long de sa vie et, enfin, j'ai été très touchée par le personnage d'Hannah.
Pour conclure je vais rester en accord avec mon plaisir brut et immédiat et ouvrir ¾.
Bel échange à vous tous, hâte de vous lire en attendant de vous retrouver.
Manuel  (avis transmis)
J’ai pris un réel plaisir à être parti en littérature (pour paraphraser la formule p. 141). J’ai aimé déambuler dans Beyrouth durant cette journée particulière. Des images fortes me restent : la crise de la mère, le béton qui est un cancer, l’évocation des différentes guerres civiles (d’ailleurs je vous conseille un doc sur Arte, encore), les trois "sorcières", Hannah, le mari qui bande mou (pourquoi tant de haine ? rire), l’œillet perdu dans un coin du parking et évidemment tous les livres qu’on a lus ou à lire. Comme dans ses réflexions sur Beyrouth j’ai aimé l’évocation des souvenirs d'Aaliya. Elle est cultivée et curieuse de tout : la musique (Rubinstein, Richter…, mes héros), la peinture (Matisse), le livres est truffé d’anecdotes et j’adore ! De plus j’ai noté plein de formules sur la vieillesse, le temps qui passe, la musique. Je dois reconnaître que parfois j’ai trouvé le livre un peu long. La fin est de trop je trouve… Bonne soirée à tous !
Nathalie R(avis transmis)
On entre dans ce roman comme on entre dans un mythe. On y entre cependant par la plus simple des portes, celle d'un immeuble vétuste perdu au milieu des nouvelles constructions clinquantes du Beyrouth d'aujourd'hui. Beyrouth est une ville dans laquelle depuis des années, j'ai envie de me rendre. L'idée que je m'en fais est le résultat d'une construction tout aussi imaginaire, née de toutes ces familles libanaises que j'ai fréquentées au cours de ma vie, mais aussi de tous les souvenirs partagés au sein d'une famille dont plusieurs membres ont vécu au Liban (années 40, 50). Une ville folle où les câbles électriques se croisent dans un enchevêtrement anarchique comme autant de destins insondables à l'œil nu. J'ai une amie à Beyrouth qui m'a envoyé la photo d'un de ces arbres centenaires pour lesquels des comités se battent et qui sont définitivement arrachés pour satisfaire les ambitions démesurées d'entrepreneurs insatiables.
Ce livre m'a semblé être tout entier un livre sur la perte et sur le manque. Cette vieille femme survit entre deux mondes. Le monde des vivants, le monde des morts, un entre-deux à la fois spatial et temporel dans lequel la traduction du monde (et celle des livres) ne peut se faire à partir de la langue d'origine non maîtrisée. Elle reste alors entreposée dans l'obscurité d'une boîte en carton. J'ai eu l'impression également que cette femme s'était maintenue ou avait été maintenue (par le carcan social ?) dans une zone qui n'était pas celle de la vie. Il ne semble pas y avoir de place pour l'amour (les hommes sont souvent ridiculisés et l'impuissance ou la virginité sont régulièrement moquées), une zone où même celles qui se sont "secourues et soutenues mutuellement pendant les combats" p. 99 ne deviendront pas des amies.
J'ai commencé à le lire de façon très joyeuse et enthousiaste (l'onomatopée récurrente "Tfeh !" y étant sûrement aussi pour quelque chose), j'aimais beaucoup ces portraits de femmes (la narratrice les nommait les sorcières, ça tombait bien, je venais juste de finir Sorcières de Mona Chollet), mais au fil des pages, une forme de tristesse m'a envahie. En retournant aux premières pages, pourtant, la note était déjà donnée, suis-je la seule à avoir été trompée ?
Mon rythme de lecture s'est ralenti au fur et à mesure que je me laissais guider dans les méandres de ses souvenirs. Je ne suis pas convaincue par le procédé des citations littéraires qui jalonnent l'œuvre. J'ai cru comprendre que c'était un des artifices qui justifiait que ce livre soit "une déclaration d'amour à la littérature" mais en fait, j'ai eu l'impression que c'était l'auteur et non la narratrice qui les prenait en charge. J'ai également été gênée par l'absence volontaire de trame narrative (qui me semble revendiquée, mais je ne retrouve pas la page). Bien que ses sources d'inspiration m'intéressent et me semblent formidables, j'ai très souvent eu l'impression que l'auteur rédigeait à partir de notes grappillées qui alimentaient le récit, ce qui freine une certaine fluidité. Ce serait intéressant de savoir s'il écrit à partir d'un plan ou au fil de l'eau (ce qui me semble être plutôt le cas). J'avais l'impression au bout d'un moment de tourner en rond. Je crois que mon passage préféré - et le plus visuel pour moi - est celui de la nuit d'amour entre la narratrice et le milicien devenu homme. Je trouve cette scène formidable et très visuelle. J'ai beaucoup aimé aussi toutes les petites remarques moqueuses sur la place de la littérature dans la communauté libanaise (il n'a pas dû se faire que des amis !). Et pour finir, je dirai que l'expression latine "non fui, fui, non sum, non curo" semble résumer cette vie.
Bref, j'ouvre à demi.
Etienne(avis transmis)
Je suis un peu gêné pour donner mon avis sur Les vies de papier. Le malaise vient du cœur du livre : un hommage à la littérature. Je pense être parti avec un a priori négatif dès le départ, me disant que le livre devait partir automatiquement avec un crédit de points de sympathie, ce qui m'a donné l'impression d'être un peu piégé. Quand on évoque avec tant de goût et d'à-propos tous ces auteurs (Flaubert, Dostoïevski, Cioran, la liste est longue) c'est que l'on les a lus et digérés. Donc premièrement un peu de retenue dans les nombreuses citations m'aurait bien plu, ensuite (mais on me dira que c'est le personnage qui est comme cela), j'ai trouvé que ses goûts littéraires avaient un tropisme particulièrement occidental, c'est un peu comme si l'on enfilait des chaussons hein ? Je n'ai pas besoin que l'on me réexplique Emma Bovary ou que l'on me raconte des anecdotes sorties de nulle part sur un chef d'orchestre excentrique. A-t-il voulu faire du Sebald ? Il faut son talent… Peut-être espérais-je plus de références locales, de découvertes. C'est tout juste si, à la suite de son épiphanie, Aaliya envisage de lire de la littérature "exotique".
Par la suite, la narration m'a semblée assez maîtrisée dans son style, l'absence de chapitre ne m'a pas gêné, l'écriture est léchée et maligne, mais donne l'impression de nous observer d'un petit air de premier de la classe séchant les cours.
Mon intérêt pour les personnages a fluctué : autant l'irrévérence convenue d'Aaliya, ses aphorismes bruyants et pompeux m'ont souvent ennuyé, autant les trois goules hamletiennes m'ont bien plu, c'est d'ailleurs d'elles que vient l'épiphanie. C'est la principale réussite de ce roman : ce portait de ces trois femmes improbables bien plus que celui d'Aaliya, n'en déplaise à Mathias Enard.
La trame de l'histoire est un peu frustrante, elle fourmille de pistes que l'on souhaiterait voir développées (sa mère, Hannah, Ahmad, je veux dire vraiment développées), mais on n'arrive pas vraiment à faire le lien entre tout ça. En résulte un maillage complètement terne et décousu qui sert probablement et volontairement de la part de l'auteur de tremplin pour les quelques dernières pages, mais bon, à ce niveau le sentiment de remplissage prédomine un peu.
Je me suis dit que j'allais l'ouvrir entre ¼ et la moitié mais en me relisant je suis forcé de constater que je l'ouvre au mieux à ¼. Et pourtant je l'ai lu facilement et sans réel déplaisir…
Séverine (avis transmis)
Ma lecture de ce roman a été aussi digressive que la structure du livre. Je le prenais, passais à autre chose, le reprenais… et cela n'était pas finalement pas trop dérangeant pour ce roman qui suit un fil mais fait beaucoup d'apartés. J'ai bien aimé le personnage d'Aaliya. Elle est assez touchante, émouvante. On pourrait trouver triste son existence et cette fin de vie, mais finalement, non : son quotidien, c'est les livres, les traductions, pour le seul plaisir de lire, de traduire, sans en attendre rémunération ou reconnaissance. Un vrai destin romanesque ! C'est aussi un bon plaidoyer pour les femmes qui veulent vivre autre chose que le destin qu'on leur assigne. Je dois dire aussi que plusieurs de ses saillies verbales m'ont fait sourire (je garde en tête celle où elle déplore le fait que l'on met de la musique de partout, dans les rues, les magasins… elle en revient à regretter la guerre moins terrible aux oreilles !). Je ne doute pas que Claire aura relevé toutes les références littéraires : c'est vrai que c'est une mine de bonnes suggestions de lecture. Tout ceci dit, je ne sais pas ce qu'il me restera de ce livre… Je l'ouvre à moitié.
Monique L
Au début ce roman m'a beaucoup plu. J'ai aimé cette femme, son côté irrévérencieux, son détachement des contingences de la vie ordinaire, une certaine maladresse, sa façon de se servir de la littérature mais aussi du cinéma et de la peinture, non pas en intellectuelle, mais pour nous faire comprendre ce qu'elle veut dire, son comportement face à Ahmad, les descriptions qu'elle fait de ses voisines.
On ressent bien les difficultés pour vivre à Beyrouth avec les coupures d'eau et d'électricité. Les allusions à l'histoire et aux conflits sont discrètes mais bien présentes. Les descriptions de la ville sont sans concession (celle de Sabra, celle du quartier où vit sa mère, le trou dans le trottoir, les arbres disparus.)
J'ai apprécié l'univers d'Aaliya qui vit dans sa bulle et qui est accaparée par ses lectures, ses acquisitions, et ses choix de traduction. Ma culture étant limitée, beaucoup d'auteurs et surtout poètes me sont inconnus. Cela m'a donné envie d'en découvrir quelques-uns.
Je n'ai pas compris la nécessité du personnage d'Hannah que j'effacerai très volontiers du roman. L'essai de son frère de la forcer à prendre sa mère chez elle et l'aide de ses voisines à empêcher que cela se réalise est un moment très fort.
La visite dans le musée ne m'a pas vraiment convaincue à l'exception du prétexte pour sortir de chez elle. La scène chez son frère auprès de sa mère m'a vraiment intéressée : le comportement des adolescents ainsi que celui d'Aaliya.
Le comportement des voisines après la fuite d'eau est surprenant. Pourquoi continuer à sauver les traductions qui sont destinées à rester dans l'appartement ? La fin reste ouverte et c'est tant mieux.
J'ouvre aux ¾.
Rozenn
Je trouve le titre en anglais tragique et fascinant : "Unnecessary woman" = Femme inutile. Et tellement plus fort que "Vies de papier" en français avec une couverture joyeuse. Mais qui ne correspond guère à la tonalité du livre. Et j'ai essayé d'imaginer la couverture qui correspondrait au titre anglais, à la lecture que j'ai faite : je choisirais un dessin de Sempé.
Inutile ? Parce que sans histoire d'amour. Trop tôt mariée, mal mariée. Elle évite les rencontres et limite les contacts.
Inutile parce que solitaire. Solitaire par choix autant que par orgueil peut-être. Solitaire et pas isolée, sa solitude est peuplée. Un choix de vie, de liberté. Sensation d'accomplissement (moments de "flow") quand elle traduit.
Pour moi un personnage de femme exceptionnelle. Autodidacte en arts ; elle aurait voulu être conseillée mais s'est aventurée, elle a cheminé ; chaque rencontre d'un auteur, d'un compositeur, d'un interprète l'accompagne et la guide vers une autre.
Refusée par sa mère, par sa famille, jalousée, rejetée. Elle ne s'étend pas là-dessus. Elle refuse de se laisser prendre son appartement, son temps. Elle refuse de se laisser accaparer. Les scènes avec la mère sont épouvantables : mais tout y résonne tellement véridique, tellement douloureux. J'ai trouvé complètement incongrue la pédicurie, il me semble que son rapport à sa mère ne permet pas cette intimité.
Isolée dans son travail. Mais… il lui permet de "s'enfuir" dans la littérature… dans la musique et la peinture aussi, les arts.
Elle se rend à peine compte qu'elle est protégée, dans son immeuble. Elle ne se sent pas digne d'intérêt, ne partage pas les intérêts des autres. De nos jours on dirait qu'elle est : "hypersensible" - elle se sent différente, elle est renvoyée à sa différence et elle fait de sa différence son identité, jusqu'à revendiquer l'erreur de coloration bleue de ses cheveux, puis, encore plus fort, elle les rase.
Mais elle aurait été tentée un moment par la reconnaissance (allusion à un éventuel éditeur ?). Je me demandais comment le livre pourrait se terminer en évitant la causalité psychologique simplifiée dénoncée…
Elle entremêle ses pensées et ses lectures : noms d'auteurs, titres de livres et citations avec ses sentiments et ses réflexions, avec une grande finesse, mais s'est bloquée dans un système de traduction différée. Elle est touchée quand "les trois sorcières" l'aident et parvient ensuite à faire éclater - un peu - le système de traduction dans lequel elle s'était enfermée et évoque alors la traduction comme elle ne l'avait pas fait jusque là - son épiphanie ?! On peut même espérer qu'elle ira vraiment déjeuner avec les trois sorcières et peut-être moins les éviter ensuite. La catastrophe, l'inondation lui permettra-t-elle de briser quelque peu son armure.
J'ai aimé la construction : les retours en arrière. L'autodérision, surtout. Les adresses au lecteur, aussi. Les images fortes. Les rythmes variés : une pirouette avant ou après une longue digression. Glissement sur un mot vers un long souvenir. Les cadres construits autour du personnage : fouillis, détruits, gris… Ses vêtements. Son appartement. Sa ville. La pudeur, la retenue dans les évocations de ses relations avec les autres. Son horrible famille, son mari (si peu mari), son amie, elle seule si présente, mais évoquée furtivement. Les récits de ses deux suicides sont des scènes si délicates (précises et effleurées) que j'hésite à les relire.
J'ouvre ce livre très grand et je le relirai certainement. Ce personnage de femme (jeune encore !!! 72 ans) m'accompagnera je pense longtemps. Je reprendrai aussi ce livre pour retrouver ses sensations de lecture ou de musique. Elle évite toute recommandation, tout jugement sur auteurs ou œuvres, mais vit avec, s'exprime à travers eux. Elle donne envie de partager leur compagnie avec elle.
Renée
J'avais déjà lu et avais aimé ce livre en 2016.
D'emblée je suis rentrée dans le monde de ce personnage, c'est mon habitat. Elle a une culture littéraire prodigieuse et dit : "la littérature est mon bac à sable" ou "la littérature m'apporte la vie". Le premier livre qu'elle nous dit aimer est 2666 de Roberto Bolaño, pour moi un summum des romans sud-américains.
J'ai éprouvé une telle empathie pour cet auteur que je dois absolument lire les livres qu'il cite et que je n'ai pas lus : Austerlitz de Sebald et Microcosmes de Claudio Magris. Comme Aaliya, "je croyais que l'art ferait de moi un être humain meilleur". Je ne suis pas sûre d'avoir compris si c'était vrai ou faux.
Il y a beaucoup d'humour dans ce texte : "je me sens vivante, cheveux bleus et vin rouge", la façon de regarder le sexe de son mari impuissant avec des allumettes, de raconter les pets de son oncle...
Les pages sur la traduction sont magnifiques, avec Walter Benjamin : "aucune traduction ne serait possible si son essence ultime était de ressembler à l'original. Car dans sa survie, elle ne mériterait pas ce nom si elle n'était pas mutation et renouveau du vivant". Idem pour les pages sur les transports que lui provoque la lecture. Elle traduit ces textes pour elle seule, pour s'approprier leur substantifique moelle : elle les lit dans deux langues, puis les traduit, puis les relit, avant de les ranger : c'est inutile et magnifique à la fois. Elle cite Pessoa dans Le livre de l'intranquillité : "la seule attitude digne d'un homme supérieur, c'est de persister tenacement dans une activité qu'il sait inutile". Les pages sur la musique et Bruckner en particulier sont superbes également.
J'ai un peu moins aimé la seconde partie plus intime. Cependant le symbole d'amour et d'humilité que représente le lavement des pieds de sa mère m'a énormément touchée.
Elle dit qu'elle est seule par choix, que les enfants l'agacent, que ses voisines ne l'aiment pas, MAIS elle pleure lorsqu'un enfant est giflé, lorsque sa voisine perd son amant et lorsque la fille de Joumana est acceptée à la Sorbonne. Elle est donc plus sensible qu'elle ne le croit aux sentiments d'autrui.
À la fin, les voisines l'aident à sécher ses précieuses traductions et Joumana, prof d''université va même demander à ses étudiants de les classer et les étudier - fin un peu facile - mais c'est un livre formidable. Ouvert en entier.
Annick L
Quel roman extraordinaire, avec ses multiples facettes !
J'ai été d'abord séduite par le personnage de cette narratrice peu banale, Aaliya, "vieille Beyrouthine" de 72 ans, qui a traversé bien des épreuves en préservant sa singularité de femme célibataire, rejetée par sa famille (cf. la scène violente ou son demi-frère essaie de lui imposer la garde de sa mère), puis répudiée par son mari, "l'insecte impuissant", et sans enfants, qui a pour seule passion la lecture, la littérature et l'écoute de la musique. Tour à tour libraire puis traductrice, elle s'est assumée matériellement en se créant un petit cocon, contre la violence du monde extérieur, recluse dans ce grand appartement qui a vieilli avec elle. J'admire son courage, surtout dans cette société libanaise, conservatrice et patriarcale : pendant la guerre, elle a dû s'acheter une kalachnikov pour se protéger des intrusions des milices ! Peut-être a-t-elle trouvé la force d'affirmer sa différence, depuis l'enfance, dans la projection faite par son père à travers son prénom : "Aaliya l'élevée, celle au-dessus" ? Une vraie féministe, en révolte contre la condition faite aux femmes dans son pays. Mais en posant simplement des actes, sans aucune prétention militante.
Aaliya a consacré toute sa vie de femme adulte à son travail de passeuse de littérature - du monde entier -, traduisant en arabe des dizaines de romans déjà traduits en français ou en anglais (un choix étonnant : pourquoi ne pas traduire des textes en langue originale ?) : "La littérature est mon bac à sable. J'y passe un temps merveilleux. Pour filer cette métaphore sableuse, si la littérature est mon bac à sable, alors le monde réel est mon sablier - un sablier qui s'écoule grain par grain. La littérature m'apporte la vie, et la vie me tue". Je me suis sentie très proche de ce personnage de lectrice compulsive et j'ai plongé avec bonheur dans ce foisonnant palimpseste littéraire, même si bien des références m'échappaient. Mais je me demande encore pourquoi elle n'a jamais cherché à publier ses traductions (une révélation qui arrive à mi-parcours du récit) ? Par manque de confiance en soi ?
Du coup, elle s'est coupée des relations sociales, avec son ex-famille ou avec ses voisines, et n'a même pas noué de relation amoureuse durable. Une seule figure émerge, celle de l'amie au long cours, la douce et bienveillante Hannah, qui s'est suicidée il y a longtemps. Aaliya a mené une vie par procuration, à travers les livres (citations et dialogue avec ses écrivains préférés). Mais aussi à travers l'observation de la vie des autres, comme celle du trio des "sorcières", ses voisines, des femmes qui ont une existence bien remplie et qui aiment le partage. Une présence chaleureuse qui anime le silence pesant du vieil immeuble délabré. Pendant qu'elle-même constate, jour après jour, seule devant son miroir, la dégradation de propre corps auquel elle n'a jamais accordé l'attention et les soins nécessaires.
Le monologue qui porte l'ensemble du récit pourrait être sinistre, morbide…, mais il n'en est rien et c'est la grande réussite de ce livre. Car Aaliya a une voix et un point de vue saisissant, tantôt passionnée, tantôt mélancolique, tantôt caustique et drôle, elle fait preuve d'une capacité d'observation et d'autodérision jouissive pour le lecteur, toujours surpris par ses changements de ton et ses remarques inattendues. On va-et-vient entre ses souvenirs et sa vie présente, ses petits soucis du quotidien et ses réflexions philosophiques, comme dans un flux de conscience désordonné. Pourtant il y a une unité de bout en bout, grâce à la tonalité de sa voix, vive et incisive, son franc-parler en toutes circonstances. Une vraie présence ! J'ai l'impression d'avoir fait sa rencontre. Et ma plus grande surprise a été d'apprendre que l'auteur est… un homme… chapeau ! Rabih Alamedine a d'ailleurs confié qu'il y avait une large part autobiographique dans ce roman.
Autre centre d'intérêt pour moi : l'évocation très suggestive de Beyrouth, cette ville matricielle bien-aimée et détestée à la fois, à travers des scénettes et des détails très concrets, presque photographiques. Il-Elle revient aussi, par bribes, sur l'histoire tragique du Liban, surtout durant les années noires de la guerre civile, avec ses séquelles jusqu'à la période actuelle : " Tout Beyrouthin d'un certain âge a appris qu'en sortant de chez lui pour une promenade, il n'est jamais certain qu'il rentrera chez lui, non seulement parce que quelque chose peut lui arriver personnellement mais parce qu'il est possible que sa maison ait cessé d'exister". J'ai été très marquée, entre autres, par l'histoire de son ami palestinien et de sa communauté (je ne connaissais pas cet épisode).
J'ai donc adoré ce roman, que je vais conserver à portée de main et dont je voudrais saluer le dénouement, magnifique : toute son "œuvre", soigneusement rangée dans des cartons qui occupent deux pièces, est détruite par une inondation. C'est terrible mais la séquence finale, grâce à la solidarité des trois "sorcières" qui découvrent son "secret" avec stupeur et admiration, ouvre sur une note d'espoir : peut-être qu'Aaliya sera capable d'une forme de résilience et s'engagera dans un nouveau projet ? La "vieille dame" ne manque pas de ressources…
Merci pour cette grande découverte. J'ouvre en grand, grand grand.
Danièle
Je n'ai pas été conquise tout de suite par ce livre. Je prenais du plaisir au fur et à mesure de la lecture, car je trouvais l'écriture magnifique, mais j'avais du mal à suivre et retenir le fil de l'histoire, car il y avait un peu de tout, en particulier pas mal d'aphorismes et de citations. Bref, je trouvais ça bizarre, je ne comprenais pas : ce n'était pas un roman, pourquoi tant de digressions, où voulait-elle en venir ? C'est seulement à la fin que tout converge dans une fin mélodramatique, je tenais là mon roman.
La traduction du titre, Vies de papier, à mon avis, n'est pas si mal que ça ; c'est un livre sur l'amour des livres : le seul amour de la narratrice, sa passion, en fait. Dans un pays divisé et martyrisé comme le Liban, elle étanche sa soif de beauté, de tolérance et d'universalité dans la lecture d'auteurs de tous les pays. Il s'agit d'une ode à l'universalité de la littérature. En tant que traductrice passionnée, elle pouvait être le maillon qui permet la connaissance d'œuvres étrangères. Mais elle ne publie pas, elle n'assume pas le rôle de passeur. Pourquoi cette incohérence ? Elle qui dit ne pas choisir d'œuvres en français ou en anglais, parce que tout le monde au Liban comprend ces langues. L'épisode traumatique de la fin, malgré l'aide de ses voisines dans cette lutte contre l'anéantissement d'une vie... de papier, peut apparaître dans un premier temps comme une tragédie.
Mais cette mort devient renaissance puisqu'elle lui indique un autre chemin, qui est l'accès à la traduction immédiate (sans médiateur), plutôt que traduction de traduction. En un sens, elle croit reconnaître l'erreur d'une vie, mais se veut optimiste (ou velléitaire ?) en envisageant de traduire directement des livres écrits aussi en anglais et en français. Ce n'est donc pas pour moi simplement un rebondissement comme dit Annick, mais vraiment une renaissance.
J'ai bien aimé les passages sur Hannah, extraordinaire de sensibilité.
C'est un livre aussi sur la vieillesse, regard parfois distancié, parfois cruellement réaliste.
La scène du lavement des pieds de sa mère a quelque chose de biblique, même si ce n'est sans doute pas la culture de l'auteur. S'agenouiller est un geste de soumission, mais de soumission à quelque chose qui la dépasse. C'est un geste d'amour qu'elle ne s'attendait pas à faire. Cet amour ressurgit à la vue d'objets qui sont les témoins d'un amour lointain et sans doute méconnu. Mais on n'est pas loin de l'amour-haine. Elle voudrait savoir ce qui la pousse à faire cela malgré elle.
Sachant que l'auteur était un homme, je me suis demandé tout le temps de la lecture si cela se voyait dans l'écriture. Vraiment non. On peut vraiment croire que l'auteur est une femme. Sauf peut-être dans la manière dont la narratrice parle de son ex-mari. Cette avalanche d'injures concernant l'impuissance de son mari ne me paraît pas authentiquement féminine. C'est plutôt l'injustice de la répudiation dans cette société machiste qui est douloureuse. C'est le retournement de la responsabilité. Il la répudie, laissant entendre que c'est elle la responsable de l'échec de leur vie sexuelle, alors que c'est lui qui est impuissant.
Alors, est-ce un roman ? Oui, un peu !
C'est aussi une ode émouvante à la ville de Beyrouth et au Liban, bien calibrée et authentique.
J'ouvre aux ¾.
Annick A

La façon dont Aaliya Saleh intègre dans sa vie ses nombreuses lectures littéraires m'a d'emblée fascinée. J'ai beaucoup aimé le passage sur sa découverte de Microcosmes ; elle décrit à merveille le bonheur de la lecture. De même les quatre pages sur la traduction sont très intéressantes : "Dans son propre style déconcertant, Benjamin dit que si vous traduisez une œuvre d'art en collant à l'original, vous pouvez montrer le contenu en surface de l'original et expliquer les informations contenues à l'intérieur, mais vous passez à côté de l'essence ineffable de l'œuvre. Autrement dit, vous traitez l'inessentiel." (p. 133)
Par contre, je suis tout à fait en porte-à-faux par rapport à tout le bien qui vient d'être dit sur ce livre et sur Aaliya Saleh. J'ai très vite été lassée par toutes les digressions. Terminer le livre m'a demandé un effort car les histoires qu'elle se remémore ne m'ont pas intéressée. L'histoire d'Hannah m'a semblé totalement invraisemblable. Aaliya est une personne qui a une culture littéraire et musicale très riche, mais qui est totalement centrée sur elle-même. Elle n'aime que les personnages fictifs, ne s'intéresse pas aux gens réels, reste enfermée dans sa solitude et ne souhaite pas faire bénéficier les lecteurs potentiels de ses traductions. Elle vit dans les livres mais pas dans la vie réelle.
Concernant Beyrouth, je trouve que l'auteur n'a pas su en rendre l'atmosphère. J'aurais aimé que l'histoire du Liban en arrière-plan soit plus approfondie. Le massacre de Sabra et Chatila est à peine effleuré et on ne ressent pas du tout d'émotion. Par contre la fin est assez réussie et laisse à penser une ouverture d'Aaliya au monde réel.
J'ouvre le livre à moitié.
Jacqueline

Ce gros livre, surtout au début, ne m'a pas été vraiment facile à lire.
Parce que cette vieille femme isolée, peu amène et peu séduisante, dont la vie n'est faite que de citations et de livres me renvoie caricature de ce que je suis peut-être ?
Parce que par contraste avec ses aspirations intellectuelles, ses conditions de vie apparaissent si particulières et si précaires et que son récit ne nous épargne aucun détail trivial et affligeant ?
Parce que le portrait déchiré de Beyrouth qu'il trace à travers le regard d'Aaliya est assez terrifiant ?
Parce que l'activité de traductrice d'Aaliya avec sa routine paraît gratuite et inutile, qu'elle en est parfaitement consciente et qu'elle s'y complaît obsessionnellement ?
Tout cela me paraissait assez effrayant même si c'était bien vu. D'autant que c'est écrit de manière saisissante. Je n'avançais que lentement dans ma lecture...
Et puis, il se trouve que j'ai écouté Erri de Luca (dans L'Heure bleue de Laure Adler) parler du plaisir qu'il avait à trouver le mot juste en traduisant, pour lui, la poésie de Tsvetaïeva. Pour cela, il avait un peu appris le russe et il s'appuyait sur une édition bilingue. Il expliquait que le mot juste revenait toujours au corps, il insistait sur "le corps" et je pensais à la sensation... Je savais aussi déjà que, de même, il avait appris l'hébreu pour traduire la bible... C'est un peu comme si la simplicité et le naturel d'Erri de Luca dans cet entretien venait mettre du sens dans l'activité d'Aaliya et en même temps dans le roman d'Alameddine. Je l'ai fini d'une traite… J'ai aimé la sortie au musée, la visite à la mère et l'espèce de réconciliation en même temps que la rencontre prudente mais un peu complice avec la petite nièce… J'ai aussi aimé que se refonde une espèce de sociabilité avec les voisines autour du désastre de l'inondation. Je ne crois cependant pas que c'est un livre que je recommanderais... j'ouvre aux ¾.

Françoise D
Je n'ai vu qu'après que c'était écrit en anglais… Le titre original, une fois de plus, reflète beaucoup mieux le contenu du livre.
J'ai été extrêmement, agréablement, surprise que l'auteur soit un homme. C'est vrai, Madame Bovary c'est Flaubert, mais c'est assez exceptionnel d'avoir une voix de femme portée par un auteur, avec cette authenticité, cette vérité de femme, remarquables.
J'ai beaucoup aimé ce livre.
Beyrouth est en toile de fond, mais on sent l'atmosphère. C'est très intéressant, cet immeuble vide et ces quatre femmes qui se retrouvent m'ont rappelé Steaming de Losey. Pour ce qui est du mec impuissant, elle le méprise et alors...
J'ai apprécié les références littéraires de temps en temps, mais c'était un petit peu too much. J'avais le livre aux éditons Les Escales, avec beaucoup de coquilles, du genre "c'est là qu'elle s'asseya"...
Mais c'est une belle découverte. J'ai aimé cette femme qui s'enferme seule dans cette non-vie qui est riche.
Le lavement des pieds : pourquoi pas une connotation chrétienne ? Il y a des Chrétiens au Liban.

Brigitte
Elle est allée à l'école coranique.
Françoise
À la fin, l'inondation, avec les femmes qui s'entraident, c'est en quelque sorte l'apothéose. J'ouvre aux ¾, ¾ parce que ça m'a un petit peu gonflée l'accumulation de références littéraires, un peu trop systématiques.
J'oubliais de dire que l'humour bien présent ajoute au plaisir de la lecture. Je suis contente d'avoir découvert ce livre.
(Ouf, on est loin du goût âpre des kakis !...)
Geneviève
Il me reste 100 pages du livre. J'y suis entrée très facilement. Et ça m'a étonnée, car ça raconte quoi ? me suis-je dit ; ça m'est égal. Danièle a remarqué qu'il n'y a pas de chapitres, oui, c'est vrai. Je me suis laissé guider. J'ai eu très peu de réticences.
Vous êtes étonnée qu'elle fasse ses traductions sans essayer de les publier. Elle s'est donné des protections : il n'y a rien de moi, je suis à distance des autres langues. Et avec une forte ritualisation : pas de traduction d'une langue qu'elle connaît, début d'une nouvelle traduction toujours à la même date, livres collés sur la traduction. Elle s'est mise à l'abri de la guerre, de sa famille, des hommes ; et à l'intérieur de l'immeuble, les autres femmes la protègent efficacement.
Ce personnage est intéressant ; j'ai aimé l'ambivalence de sa réaction par rapport à ses cheveux devenus bleus, entre désespoir et amusement. Un personnage complexe, pas sarcastique, pas dans l'autodérision, avec une perplexité permanente sur sa place, sauf quand elle affirme que le mariage n'est pas son objectif : le malheureux homme qui lui échoit a pour qualité majeure de lui avoir laissé son appartement ; elle n'a pas d'histoire d'amour ; l'homme fécondeur a échoué ; elle le méprise, mais sans en faire des tonnes. La relation avec les femmes dans l'immeuble est faite d'indifférence, de rejet, mais aussi de profond respect. Quant à la mère, c'est aussi une relation complexe, elle la rejette mais quand la mère hurle, ça la touche. Je suis intéressée par la fin, avec ses traductions cachées exposées au regard de tous et devenues objet de recherche.
J'ai aussi beaucoup aimé les flashs sur Beyrouth et son amour de la ville, dans sa beauté et sa laideur ; mais aussi les flashbacks sur des épisodes de la guerre, sans dramatisation, comme s'ils s'étaient peu à peu normalisés. La relation avec Hannah apporte une tension romanesque, une intrigue plus classique.
Et pour ce qui est de la traduction du titre - "vies de papier", c'est pas mal - mais "la femme inessentielle", ce n'est pas le même sens. On est aux limites de la liberté du traducteur (ou de l'éditeur)...
Bref, c'est le genre de livre que j'adore, que j'adore découvrir par hasard. J'ouvre en grand.
Denis
J'ai bien aimé ce livre qui m'a fait beaucoup rire. J'adore l'humour noir, et la parole de cette femme bien âgée mais vive et alerte est profondément réjouissante. Il y a beaucoup de trouvailles d'expression. J'aurais bien aimé connaître cette femme pour discuter de nos goûts communs, en littérature, cinéma ou musique. Elle m'aurait peut-être fait aimer les symphonies de Bruckner... Dès les premières pages, je me suis senti en terrain de connaissance : Austerlitz de W.G. Sebald, est un de mes livres préférés. Et cela a continué, j'ai retrouvé nombre de mes références, et au-delà - ce qui m'a évidemment donné envie de suivre cette piste. Par exemple, j'avais lu et relu, et emporté en voyage, Danube de Claudio Magris, mais j'ignorais l'existence de Microcosmes. Parfois, il y en a un peu trop, quand même, ça tourne un peu au procédé ; mais elle s'en explique dans le livre (passage sur le plagiat, l'écriture avec les mots des autres). Je me suis donc fait tout un roman autour de cette femme, notamment autour du fétichisme des livres, dont je suis moi aussi victime.
Aussi suis-je tombé des nues en apprenant juste avant notre réunion que c'est en réalité un homme ! Je n'avais pas ouvert le dossier jusque là. Quoi ! Cette vieille femme est en réalité un homme d'âge moyen ? Est-ce possible ? Je me suis senti floué, mené en bateau, et ce sentiment a jeté le discrédit sur mon expérience de lecture. Curieux, n'est-ce pas, et pourquoi donc ? Au fond, qu'est-ce que ça change ? C'est toujours du roman, pas vrai ? Eh, c'est sans doute que je n'avais pas lu ce texte comme un roman, mais comme un témoignage. Sans doute y ai-je été poussé par le souvenir d'une ancienne amie libanaise qui vivait en France, et avait avec sa mère des rapports aussi difficiles que notre héroïne. Elle adorait Beyrouth où elle prenait ses vacances en pleine guerre civile, affirmant "il n'y a que là que je me repose !". Le tableau de la vie bourgeoise dans cette ville m'a rappelé par contraste le livre de Sorj Chalandon, Le quatrième mur, que nous avions lu dans le groupe et dont les scènes de guerre m'avaient horrifié. Le Beyrouth d'Alameddine est chaleureux, rigolard, malgré les milices et les bombardements.
Plusieurs fois, la narratrice se déclare pessoïste. Pessoa étant une énigme pour moi, j'ai saisi la perche et ouvert au hasard Le livre de l'intranquillité. Je suis tombé p. 302 où je lus : "J'ai créé en moi diverses personnalités. J'en crée constamment de nouvelles. Chacun de mes rêves s'incarne, dès son apparition, en quelqu'un d'autre, qui se met à rêver à ma place." Il me semble que la pratique de la traduction d'amateur correspond bien à la déclaration de Pessoa : pendant une année au moins, notre traductrice vit de la parole d'un autrui. Les trois lignes suivantes sont plus inquiétantes : "Pour créer, je me suis détruit ; je me suis extériorisé au dedans de moi à tel point qu'en moi, je n'existe plus qu'extérieurement. Je suis la scène vide où passent divers acteurs, jouant diverses pièces."
Car la traduction vous établit dans une relation très intime avec la parole que vous traduisez. J'ai eu à effectuer dans le cadre de mon travail quelques traductions de l'anglais ou de l'allemand, et c'était à chaque fois une aventure, une plongée dans un esprit autre que le mien, et qui s'offrait à l'enquête sur le sens.
Je l'aurais bien ouvert en grand, tellement ce livre est intéressant, mais je lui en veux de m'avoir mené en bateau en se faisant passer pour une femme. Cela a, du coup, attiré mon attention sur certaines aspects déplaisants de l'œuvre : le ressassement, l'amertume, le repliement sur soi...
Donc, je l'ouvre aux ¾, mais je suis trop sévère : on ne rencontre pas souvent de livres de ce niveau et de cette qualité.
Laura
Je n'ai pas terminé le livre, par manque de temps, mais aussi d'intérêt. Je ne me retrouve pas dans cette histoire. Pourtant la protagoniste adore les livres, les traduit, lit des auteurs que je vénère (Kafka, Pessoa…), mais non, ça ne prend pas avec moi. Peut-être est-ce la différence d'âge, je ne sais pas. Je ne supporte pas son caractère ; pourtant c'est une femme indépendante qui sait ce qu'elle veut. Mais cette force de caractère est poussée à son extrême, et moi, je n'ai plus envie de l'entendre.
En réalité, mon agacement à commencé violemment dès les premières pages : cette manie de parler au lecteur "que je vous explique", me met très mal à l'aise ; de même, ses cheveux bleus et son nez imposant ne semblent être là que pour planter le caractère du personnage, mais m'ont paru particulièrement inutiles, et m'ont rendu le personnage encore plus détestable.
Par ailleurs, j'ai eu cette impression qu'il n'était, au fond, question que des pensées de la protagoniste. Seules ses pensées existent, ses perceptions, ses douleurs. Aucunement celles des autres, qui lui sont nécessairement inférieurs en tout. C'est presque emprunt de solipsisme : "mais bien sûr, il n'y a que moi pour remarquer une chose pareille" (p. 114). Non, je ne pense pas qu'elle soit la seule à remarquer un buisson. Mis à part mon énervement, si l'auteur a décidé de rendre son personnage détestable, il a parfaitement réussi ; mais je ne trouve pas assez de qualité d'écriture ou d'histoire pour continuer à me torturer. Les seuls passages que j'ai appréciés sont les souvenirs de la guerre, j'y ai enfin trouvé un certain intérêt (le passage de l'arme à feu est génial). Mais ce fut de courte durée. Bon, j'avoue avoir tout de même plié quelques pages pour garder en mémoire les écrivains que je souhaite désormais lire…
Je ferme le livre.
Brigitte entre et
Selon moi, il s'agit enfin d'un livre pour le groupe lecture.
Je n'avais jamais entendu parler ni de l'auteur, ni du livre, mais… lire un livre libanais me semblait une bonne idée.
Si j'avais su qu'il s'agissait en fait des ressassements d'une vieille femme de 72 ans sans pratiquement aucune action, j'aurais hésité à m'y engager. Finalement, j'ai été très intéressée et j'ai tenu jusqu'au bout (plus de 300 pages).
Ce livre ouvre un nombre important de sujets de discussion et c'est cela qui m'a plu : d'abord le titre "An unnecessary woman" devient "Les vies de papier" pourquoi ? Cela nous conduit immédiatement vers une réflexion sur la traduction littéraire et tous ses aspects.
Un autre thème : quels sont les ouvrages qui constituent la culture littéraire du monde occidentalisé actuel ?
Sans oublier le portrait de la femme libanaise des classes moyennes, le témoignage sur la vie à Beyrouth, avant les récentes catastrophes, etc.
Pour en revenir à la culture générale, j'étais particulièrement contente d'avoir identifié immédiatement le film cité dans l'épisode de l'inondation.
Et, j'allais oublier d'évoquer le rôle de l'épiphanie littéraire dans les préoccupations d'Aaliya.
J'ouvre finalement entre ½ et ¾.
Claire
J'ai été happée par l'humour. Au bout d'un moment, j'ai eu une impression comparable à ma lecture de Ponthus : c'est bien, mais j'ai compris, je vais pas me taper tout ça, y a pas beaucoup de narratif... Est arrivé alors un long développement sur la traduction et je n'ai plus lâché. J'ai adoré ce livre, je le trouve brillantissime. J'ouvre en grand de chez grand.
J'ai commencé à noter les noms des auteurs cités, puis j'ai arrêté, la liste étant considérable ; mais je n'ai pas eu du tout l'impression de too much ressentie par Françoise et Denis. Ce qui est extraordinaire justement (pour moi), c'est que ce n'est jamais artificiel. À rendre jaloux l'Oulipo qui en aurait fait une contrainte lourdasse. Ce n'est pas décoratif, ça fonde le personnage. Rozenn a bien montré à quel point l'auteur peut faire adhérer à ce personnage : je l'adooore et admire cette faculté d'Alameddine pour lui donner, par sa voix, une telle présence (non pas physique, je ne la vois pas, mais une intensité). Je ne sais pas si l'abominable politiquement correct nous ferait ch... aujourd'hui au point d'empêcher l'auteur de faire paraître un roman où la narratrice est une femme...
J'ai bien aimé comment l'Histoire libanaise est évoquée : je suis ignare mais ça me suffit pour comprendre.
Concernant la dernière scène avec les fils tendus et les pages qui sèchent, et les femmes qui repassent les pages des traductions, Françoise parlait d'apothéose, oui, c'est grandiose : j'ai hâte de voir au cinéma, avec les trois autres femmes genre Almodovar.
Contrairement à plusieurs, je trouve le titre français très bien, bien mieux que le titre original dont il est éloigné, la "femme inessentielle".
Que de moments savoureux ! (Et Claire d'abuser dans la longueur...)

La joie de lire, merveilleusement montrée : "Ah, splendide Microcosmes, le délice de découvrir un chef-d'œuvre. La beauté des premières phrases, le "Qu'est-ce que c'est que ça ?", le "Comment cela se peut-il ?", le coup de foudre comme au premier jour, le sourire de l'âme." (p. 146)

Et les adresses au lecteur, que contrairement à Laura, j'ai aimé retrouver, sans parler de ce passage auquel Rozenn faisait allusion, de recherche de complicité avec le lecteur : "Si ceci était un roman, vous seriez en mesure de comprendre pourquoi ma mère a hurlé. (…) La recherche de causalité est un vilain défaut. (…) j'aimerais envisager une hypothèse quant à notre besoin incessant de causalité, que ce soit dans les livres ou dans la vie. Je me suis entraînée à ne pas constamment rechercher ou attendre de la causalité en littérature" (p. 122-123)

Sur les traducteurs : j'ignorais tout de Constance Garnett, traductrice de 71 romans russes qui a suscité la controverse, vertement critiquée par des écrivains (comiquement même, voir l'article du New Yorker "Translation wars"). Notre traductrice cite Brodsky : "La raison pour laquelle les lecteurs anglophones peuvent à peine faire la différence entre Tolstoï et Dostoïevski, c'est qu'ils lisent la prose ni de l'un ni de l'autre. Ils lisent Constance Garnett." (p. 131)
Meryl Streep joua le rôle de Constance Garnett dans The Idiots Karamazov en 1974 - la pièce avait l'air délirante.
On retrouve, invitée chez Aaliya, Yourcenar et sa traduction de Cavafy : nous avions pu voir un exemple avec Michel Volkovitch, rencontré dans le groupe, qui montrait comme elle exagérait, mais Aaliya, elle, lui pardonne. (p. 132)

Sur le féminisme : "Le féminisme au Liban n'a pas encore atteint les espadrilles ou les chaussures de course à pied ; les talons plats, voilà où l'on en est. Le choix de ne pas se marier ne figure pas encore au tableau." (p. 158)

Je suis d'accord avec Geneviève sur le fait qu'Hannah apporte "du narratif" : à partir d'un mystère, on apprend petit à petit son histoire, et de surcroît à travers des passages où Hannah prend ses désirs pour des réalités, qui étaient "d'une exubérance élaborée, les phrases débordaient, les mots se culbutaient à saute-mouton, des mots qui quittaient la page d'un bond pour se retrouver sur mes genoux". (p. 186)
Par-dessus le marché, cette Hannah se nourrit de fiction puisqu'elle se croit aimée et toute sa vie est fondée sur ce malentendu énorme ; la mort de l'aimé est un sommet, car elle pleure "la fin de son avenir", elle pleure "les enfants qui étaient morts avant même d'avoir été conçus. Elle fit l'éloge des trois, deux garçons et une fille, l'enfant du milieu, qu'ils n'élèveraient pas, elle pleura les fleurs du jardin de la petite maison de montagne qu'ils ne construiraient pas." (p. 190)

Shulem Deen et ce livre auront été deux immenses plaisirs de lecture de l'année — pour moi tellement rares...


Des noms ont été cités à programmer dans le groupe : Claudio Magris, Sebald, Danielo Kiš, Antonio Muñoz Molina...


AUTOUR DU LIVRE
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Le traducteur  
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Repères historiques
Littérature libanaise

PARCOURS de Rabih Alameddine
- Né en 1959
à Amman en Jordanie de parents libanais, il grandit au Koweït : "Dès 10 ans, mes parents m'envoyaient passer l'été à Beyrouth près de ma tante et de mes cousins. C'était un paradis..." : un quartier multiconfessionnel, devenu chiite aujourd'hui, après avoir été chrétien durant la guerre.
-
Rabih Alameddine a 15 ans lorsque, au début du conflit, ses parents l'envoient en Angleterre pour finir ses études secondaires. Puis il étudie à l'université de Los Angeles (UCLA) où il obtient un diplôme d'ingénieur, avant de trouver un emploi : "Sur ces neuf mois de travail, j'en ai passé six en vacances. Ensuite j'ai passé un master de business and finance, mais c'était pire. Je me suis alors tourné vers des études de psychologie."
- Sans grand succès, car à cette époque c'est la peinture qui l'attire. Il
expose à New York (voir ses œuvres ici) : "Je suis obsessionnel. Dès que j'entame quelque chose, je ne pense et ne vis que pour ça." Ainsi en est-il de l'écriture, pour laquelle il a abandonné ses pinceaux. "J'avais toujours rêvé d'écrire, mais je n'osais pas."
- Il
partage sa vie entre San Francisco et Beyrouth.

SES LIVRES, tous publiés en anglais aux USA
Les trois premiers livres ne sont pas traduits en français :
- 1998 : Koolaids: The Art of War : dans ce roman, il dépeint, non sans audace, la guerre du Liban à travers le prisme du sida.
- 1999 : The Perv: Stories (nouvelles)
- 2001 : I, the Divine: A Novel in First Chapters
Les trois suivants sont traduits par Nicolas Richard :
- 2008 : Hakawati (The Hakawati), Flammarion, 2009
- 2014 : Les vies de papier (An Unnecessary Woman), Les Escales, 2016, prix Femina étranger 2016
- 2016 : L'ange de l'histoire (The Angel of History: A Novel), Les Escales, 2018, prix Lambda Literary 2017 du meilleur roman gay.

LE TRADUCTEUR
Nous avons déjà rencontré sa plume puisqu'il a traduit deux autres livres que nous avons lus dans le groupe :
Le Temps où nous chantions de Richard Powers et M Train de Patti Smith.
On peut s'interroger sur sa rencontre avec le personnage d'Aaliya, sa collègue, d'une certaine manière... Restant dans l'ombre quant à elle, alors que Nicolas Richard connaît la lumière.
Il est aussi écrivain (voir "Nicolas Richard, bricoleur de génie", Florence Bouchy, Le Monde, 11 mars 2018).
Il a été un des premiers traducteurs en France à participer à des joutes de traduction. Voici ce qu'il dit des traducteurs :

"C'est une population discrète, à peine visible, qui fait le plus beau métier du monde, et qui permet que des livres inatteignables (car écrits dans une langue étrangère) deviennent lisibles ! Le traducteur est un transformateur, une sorte de "transfo" comme on dit en électricité. Grâce à lui, une voix au départ inaudible est entendue, ou lue. Il doit être attentif à l'intensité du courant. Ce métier consiste à s'investir corps et âme pour réussir à donner une voix à un auteur. Il faut réfléchir, faire appel à ses lectures, puiser dans sa culture, écrire, raturer, enquêter, se renseigner, reprendre un texte, le relire jusqu'à arriver à façonner un texte recevable. Ce n'est pas juste un plat qu'on fait passer à l'identique dans une autre langue. Il y a tout un travail de mutation, de transmutation. La remise d'une traduction à l'éditeur est d'ailleurs souvent l'occasion de discussions passionnantes entre traducteurs, correcteurs et éditeurs." (linternaute.com, 29 janvier 2020)

Après nos échanges, Voix au chapitre a envoyé un message à Nicolas Richard pour lui dire que grâce à lui, nous avons découvert ces trois livres Le Temps où nous chantions, M Train et Les vies de papier, avec le lien sur nos avis, en précisant que nous sommes très sensibles au rôle du traducteur. Une question figure dans le message :

Vous avez traduit tant et tant : auriez-vous une autre merveille à nous recommander ?"

En moins de 24h, la réponse nous arrive :

Bonjour,
Votre message me fait bien plaisir, je les aime tellement, moi aussi, ces auteurs.
Des conseils de lecture ? L'Ange de l'histoire de Rabih Alameddine est splendide.
Autre roman lumineux : D'Os et de lumière de Mike McCormack : un vrai chef-d'œuvre.
Un dernier ? La contrée immobile de Tom Drury : ce roman est magique.
Arrêtez-moi, sinon la liste s'allongera indéfiniment !
Je suis ravi de savoir que là-bas, pas loin, un groupe de lecteurs et de lectrices se passionne pour de très bons textes.
Je signale au passage que j'ai écrit un livre qui passe en revue tous les auteurs que j'ai traduits, dont le but est à la fois de raconter en quoi ça consiste, la traduction, mais aussi de donner envie de lire des auteurs pas toujours très connus; ce livre s'intitule Par instants, le sol penche bizarrement - carnets d'un traducteur et sort le 4 septembre 2021 aux éditions Robert Laffont.
Bien amicalement.
Nicolas

INTERVIEWS de Rabih Alameddine
Après la sortie du livre en 2014 aux États-Unis
Les mères sont souvent les protagonistes de vos romans, n'est-ce pas ?

"Eh bien, je suis l'un de ces écrivains qui pense en fait que rien ne se passe en dehors de la famille nucléaire. Vous pouvez regarder une famille nucléaire et voir la dynamique du monde entier. Donc, chaque fois que quelqu'un dit : 'Comment résolvez-vous les problèmes du Moyen-Orient ?', je dis : 'Je ne sais pas. Je ne peux même pas parler à ma mère, encore moins comprendre les choses.'" (suite ici de l'interview très intéressante sur le livre)

Après la réception du prix Femina 2016 pour Les vies de papier
- À L'Orient-Le Jour, quotidien francophone libanais, l'écrivain libano-américain se dit honoré et flatté :

"Le prix doit être partagé avec ma mère et mes sœurs qui m'ont soutenu dans tout ce que j'ai fait. Il est incroyablement gratifiant qu'un roman à propos d'une femme de 72 ans vivant à Beyrouth soit acclamé de la sorte."
Que dirait-il à son héroïne, Aaliya Saleh ? "Je ne peux rien lui dire, elle ne m'adresse plus la parole et elle s'en fiche des reconnaissances."

- À l'écrivaine et journaliste au Point Sophie Pujas :

"Cette femme de soixante-douze ans, c'est moi. Nous avons le même caractère. C'est le plus autobiographique de mes livres, ce que personne ne suppose jamais, parce que le personnage est une femme. Il m'a fallu trois ans pour l'écrire. La difficulté n'était pas de me glisser dans la peau d'une femme, mais de trouver sa voix à elle, spécifique, savoir de l'intérieur comment elle réagirait à telle ou telle situation…"

Kafka, Pessoa, Nabokov, Roberto Bolaño… Aaylia est une lectrice boulimique, qui traduit pour elle seule de grands noms de la littérature mondiale. Avez-vous le même panthéon littéraire qu'elle ?

"Oui, à ceci près qu'elle est plus radicale que moi. Il y a des écrivains qu'elle déteste, comme Hemingway, qui ne m'intéresse pas spécialement, mais envers qui je n'ai aucune animosité… Ce qui est radical aussi chez elle, c'est de traduire tous ces textes sans jamais chercher à être publiée. J'aimerais être capable d'écrire seulement pour moi. J'aimerais être elle, ne pas me soucier de la façon dont on me voit. Mais je dois l'avouer : quand j'ai une mauvaise critique, ça me tue ! Et pourtant, mes écrivains favoris sont des auteurs qui n'ont pas vraiment publié : Pessoa, Kafka, Bruno Schulz… Des écrivains en marge, en dehors du monde."

L'un des sujets de scepticisme, pour Aaylia, c'est la religion. Un point de vue que vous partagez ?

"Sa religion à elle, c'est la littérature. Je suis athée, comme elle. J'aime la religion comme réservoir d'histoires, de mythes, mais je n'y crois pas. Pourtant je vis entre deux pays très religieux. Ce sont deux pays fous. Tout le monde pense que Beyrouth est un endroit insensé, mais la folie est plus grande encore aux États-Unis – ils présentent simplement une meilleure façade. C'est très bien pour un écrivain, qui a toujours intérêt à être là où la folie se manifeste." (suite ici de l'interview sur le livre)

REPÈRES HISTORIQUES : les guerres au Liban
La guerre civile, ponctuée d’interventions étrangères, s’est déroulée de 1975 à 1990 en faisant entre 130 000 et 250 000 victimes civiles. Elle a deux grandes phases délimitées par l'intervention israélienne de 1982.
En 2006, commence le conflit entre Israël et le Liban aussi appelé la Guerre des Trente-trois-jours.
Voir ICI l'impact sur la ville de Beyrouth évoqué dans le livre.

La narratrice évoque p. 52 l'histoire de la famille d'Ahmad, chassée par les Yishuv (les Juifs présents en Palestine avant la création de l'État d'Israël) durant la nabka de 1948 (déplacement forcé de 700 000 Palestiniens à la création de l’Etat d’Israël) : voir ICI l'histoire de l'exode palestinien pendant la guerre israélo-arabe de 1948.
Elle garde aussi la photo découpée dans le journal d'Ahmad quittant Beyrouth en 1982 parmi les Palestiniens forcés de quitter la ville pour mettre fin au siège et bombardements des Israéliens (p. 300)
.

LITTÉRATURE LIBANAISE
Hormis Wajdi Mouawad, né au Liban, dont nous avions lu Anima, nous n'avons lu aucun.e écrivain.e originaire du Liban (comme
Andrée Chedid ou Amin Maalouf, Vénus Khoury-Ghata parmi les plus connus) et encore moins un auteur vivant au Liban.
La catastrophe de Beyrouth de 2020 a attiré l'attention vers la littérature libanaise, avec quelques articles sur la littérature contemporaine :
- par le CNL ici
- par Lire magazine
- par wikipedia.

 

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !


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