Quatrième
de couverture :
'Le destin passe et repasse à travers
nous, comme l'aiguille du cordonnier à travers le cuir qu'il façonne."
Pour Tanios, enfant des montagnes libanaises, le destin se marque
d'abord dans le mystère qui entoure sa naissance : fils de la trop
belle Lamia, des murmures courent le pays sur l'identité de son
vrai père. Le destin passera de nouveau, dans ces années
1830 où l'Empire ottoman, l'Egypte, l'Angleterre se disputent ce
pays promis aux déchirements, le jour où l'assassinat d'un
chef religieux contraindra Tanios à l'exil...
L'histoire de ce roman tourne autour d'un personnage illustre dans tout le Moyen-Orient et dont nul ne sait s'il fut réel ou légendaire : Tanios-Kichk ; et quand Amin Maalouf commence son récit, ce patronyme désigne un rocher sur lequel les enfants n'ont pas le droit de jouer. Tanios avait, autrefois, assassiné un prélat qui lui avait "dérobé" une femme. Par la suite, Tanios avait erré en Méditerranée avant de tomber dans un piège tendu par la famille dudit prélat trente années après le meurtre de leur ancêtre. Tanios est assassiné, puis transformé en rocher dans la région des Monts-Liban... On pourrait dire que cette légende est le sujet de ce roman. Or, ce n'en est que le point de départ... Le livre que l'on va lire, en effet, est l'enquête menée par un narrateur dont la famille a été mêlée à l'assassinat de Tanios-Kichk. Dès lors, dans une construction romanesque savante et pleine d'aventures, le lecteur entreprend un grand voyage dont le thème pourrait ainsi se résumer : comment et pourquoi naissent les légendes ?
Quatrième
de couverture :
En couronnant le Libanais
Amin Maalouf, le jury Goncourt s'est inscrit résolument dans le
courant vivant de la francophonie.
Quatrième de couverture : "Cette farouche histoire damour, de vengeance et de mort se détache sur un tableau magnifiquement coloré et vivant de la vie quotidienne au Proche-Orient dans les premières décennies du XIXe siècle. Dans un style limpide et qui sait être poétique sans tomber dans un lyrisme pseudo-« oriental », il narre une histoire simple et forte, avec la superbe ingénuité des vrais romanciers." Bruno de Cessole, Figaro-Magazine |
Amin Maalouf (né à Beyrouth en 1949)
|
DES
INFOS AUTOUR DU LIVRE Repères biographiques Livres d'Amin Maalouf Presse |
14 cotes d'amour du groupe réuni le 10 novembre |
Catherine(avis
transmis depuis le Brésil)
Après
le Nordeste, je suis maintenant à Rio...
Je connais Amin Maalouf de nom seulement, mais n'ai rien lu de lui. Je
me suis laissé très vite, et complètement, embarquer
par cette histoire, que j'ai lue quasiment d'une traite. Ce livre m'a
transportée dans un autre siècle et un autre monde, très
loin de l'endroit où j'étais, un monde de montagnes et de
rochers, de cheikhs, d'émirs, de sultans. Je connais assez mal
l'histoire du Liban, encore moins celle du XIXe siècle, et j'ai
du coup été surprise par l'existence de cheikhs et d'émirs
catholiques (quelle ignorance de ma part !).
Outre le côté dépaysant du livre, j'ai trouvé
l'histoire bien menée, il n'y a pas de temps morts, on a l'impression
d'y être. Les personnages sont attachants, même le pauvre
Gérios, lèche-bottes qui a une femme trop belle pour lui
mais qui se rebiffe pour sauver son fils.
J'ai aimé que la fin reste floue et que le lecteur soit libre de
choisir celle qui lui convient. Je n'ai pas cherché beaucoup plus
loin et me suis contentée du plaisir de la lecture. Un livre parfait
pour accompagner un voyage et faire oublier des heures de transport
Je l'ouvre aux ¾.
Etienne(avis
transmis)
C'est donc par ce roman que j'ai pu renouer un peu avec la lecture en
cette période de disette et rien que pour cela, il mérite
que je l'ouvre généreusement. Et tout ce qui touche à
l'histoire de l'Empire ottoman me passionne (j'avais adoré Les
nuits de la peste de Pamuk).
Je crois en fait que j'y ai trouvé un plaisir assez simple et je
n'ai pas boudé ce plaisir.
Le procédé narratif d'abord, très évocateur
de celui des Mille et une nuits ; l'histoire dans l'histoire dans
l'histoire, etc. Assez concrètement, cela met une distance importante
avec le cur de l'histoire mais, par contre, cela le rend plus vivant,
plus dense, comme s'il avait été malaxé par des générations
de conteurs. C'est presque comme une enquête policière où
l'on sait que l'on ne démêlera jamais le plausible de la
vérité.
Ensuite, l'ambiance haute en couleur dans ce lieu qui semble être
le centre du monde et où les religions, les clans, les empires
se rejoignent, font alliance, se trahissent. Un endroit ou un cheikh peut
s'appeler Francis et où le sort du monde semble être porté
sur les épaules d'un adolescent qui ne saura jamais qui est son
père.
J'imagine qu'il n'a pas dû plaire à tout le monde, cela reste
assez lisse, bon enfant et probablement un peu trop long pour ce qu'il
veut développe, mais malgré tout je l'ouvre aux ¾.
Maëva(avis
transmis)
Ce livre fut une découverte, et quelle découverte ! Et je
ne dis pas ça parce qu'il s'agit du Prix Goncourt de mon année
de naissance. J'ai été complètement emportée
par ce roman où la réalité côtoie la légende.
La construction du livre, entre rumeurs, faits historiques, contexte réaliste
et mythe m'a totalement séduite.
L'écriture est poétique, plaisante, immersive : "et
il partagea ainsi avec elle tous les fruits de septembre" ; "une
fumée de miel" ; "j'ai cent cigales dans les oreilles".
Nous plongeons dans les relations de la communauté, sans que le
récit s'alourdisse de passages d'introspections interminables.
Intrigues villageoises et enjeux diplomatiques internationaux, légende
locale et pertinence historique se mêlent : Kfaryabda abrite les
conflits qui bouillonnent dans le pays. Les événements mineurs
prennent des proportions plus importantes, à l'image d'un effet
papillon imprévisible. Et toute cette toile se tisse tranquillement,
sans qu'on se sente pris de court, pressé et sans souhaiter accélérer.
Amin Maalouf clôture ses chapitres avec un suspense qui m'a toujours
donné envie de tourner la page. Le livre se lit sans effort, on
se laisse simplement conter l'histoire. J'ouvre en grand, ce fut un plaisir
!
Rozenn(avis
transmis)
J'ai eu beaucoup de mal à me mettre à lire un roman. Je
ne peux pas cesser de surveiller l'état du monde comme une casserole
de lait sur le feu et de lire autour de tout ça.
Hier j'ai réussi à ouvrir le livre. D'abord ça m'a
fait un bien fou. Comme si je pouvais sortir du chaos pour respirer.
Je n'ai lu que la moitié. Avant de replonger dans la violence de
l'actualité sur tous les fronts.
J'aime beaucoup ce roman. L'intrigue est intéressante. Beaucoup
de passages m'ont plu : incidentes, décalages, trouvailles imagées.
Je les retrouverai. Le contexte historique est passionnant. Je finirai
ma lecture et je complèterai mon avis.
Je vais lire aussi Le
naufrage des civilisations.
Fanny(avis
transmis)
Le Rocher de Tanios attendait patiemment son heure dans ma bibliothèque.
Je l'avais acheté il y a des années, voulant lire un auteur
libanais. Je ne sais pas pourquoi mais j'avais calé dès
les premières pages.
Je l'ai lu avec plaisir, portée par la fable et le style romanesque.
Le procédé qui consiste à se
référer à des écrits "historiques"
a bien fonctionné, donnant du poids à la légende.
J'ai presque été déçue de lire à la
fin que la part de véracité dans l'histoire était
aussi ténue.
Cette lecture a été pour moi comme une belle balade. J'ouvre
aux ¾ en étant exigeante : il manque peut-être un
je ne sais quoi de transcendant pour donner une autre portée à
la lecture et amener le lecteur vers une dimension qui aille au-delà
du récit lui-même (philosophique, humaniste...)
Hâte de vous lire.
Claire(en
direct comme pour les avis suivants)
Je ne savais rien du livre que j'ai lu d'une traite en avion en 5 à
6 heures de temps et voici les impressions rédigées à
chaud avant l'atterrissage...
Je ne suis pas emballée.
Je reconnais un art du récit : nombreux rebondissements, coup de
théâtre (par exemple le bateau heureusement manqué
pour cause de cheveux blancs, ce qui permet d'échapper à
la mort), une certaine variété de narrateurs : Tanios,
le cousin Genequiel, la chronique, le sage muletier Nadel, le pasteur...
J'ai été gênée par le fait que j'ignorais le
dosage réalité/fiction, et la note
de fin m'a agacée. Je ne pouvais pas croire qu'il n'y avait
pas une dimension historique concernant les relations entre les puissances
occidentales, l'empire ottoman, et n'étais pas du tout au point
ni sur l'histoire, ni sur les statuts (émir, sultan, cheikh). Quant
à la géographie, j'ai été étonnée
que cela se passe au Liban ; j'aurais vu ça plus à l'ouest.
La langue est agréable, fleurie d'adages ("Il
faut qu'un paysan ait toujours une gifle près de la nuque",
"Je ne suis pas Saint
Maron et tu n'es pas Siméon le Stylite"). Je ne
me suis pas attachée aux personnages, sauf peut-être Lamia.
J'ai bien aimé la circulation des religions, les flirts entre elles.
Mais j'ai eu l'impression que ma lecture était poussive, sans enthousiasme,
pas impliquée dans le livre, sans véritable émotion,
ni - du fait de mon ignorance - sans le plaisir intellectuel qu'un connaisseur
du contexte "géopolitique" pourrait avoir en appréciant
ce que l'écrivain en fait.
Bref, une grosse nouvelle m'aurait largement suffi. J'ouvre donc à
moitié.
Renée,
entre et
(à
l'écran)
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre car Amin Maalouf
est un conteur et moi, j'aime bien que l'on me raconte des histoires avec
un tel talent.
Il a un style simple mais élégant. Le conte nous est présenté
comme historique (vers 1850) ; il est enchâssé dans un récit
contemporain, truffé de témoignages, ce qui le rend très
vivant.
Je me suis intéressée à la vie de Tanios, cet enfant
"idéal", avide d'apprendre.
Toutes les péripéties de luttes entre voisins, de rivalités
de religions, les massacres perpétrés, sont terribles à
lire à la lumière de l'actualité dans cette région.
À quasiment 200 ans d'intervalle, rien n'a changé. Il me
semble que c'est le but de Maalouf : nous rappeler que la plupart des
hommes sont des sauvages sanguinaires avides de puissance ; que l'intervention
des puissances européennes n'a servie qu'à alimenter la
haine entre des peuples voisins et que seul l'exil peut répondre
à l'angoisse induite par la violence et la haine. Ils quittent
tous les deux leur Montagne : Tanios, comme Maalouf.
Les dernières pages sont très claires : "D'un
instant à l'autre, on bascule. Vers une autre vie, vers une autre
mort" ; "Attachement
au sol et aspiration au départ" ; "Qui
dira jamais à la suite de quel regard, de quelle parole, de quel
ricanement, un homme se découvre soudain étranger au milieu
des siens ?"
J'ai aimé aussi que les personnages ne soient pas monolithiques
: presque tous se posent des questions ; ils ne sont pas parfaits : ce
sont des hommes.
Roman (légende ?) ambitieux qui a atteint son but : nous alerter
sur les problèmes insolubles du Liban.
Je
l'ouvre entre grand et 3/4 car je pense qu'il va me poursuivre longtemps.
Annick
L
Je suis partagée.
D'un côté j'ai pris un grand plaisir. Amin Maalouf est un
conteur-raconteur d'histoire talentueux, et j'apprécie cette langue
assez classique, mais fleurie, imagée. Je me suis laissé
emporter dans ce voyage plein de péripéties à travers
l'espace-temps. Pour moi qui ne connais rien au Liban, ni à son
histoire, j'ai été très dépaysée par
la découverte de ce petit monde féodal, misérable,
confronté à la violence, à l'arbitraire (le destin
?) et, en plus, aux intervention des puissances européennes qui
attisent les braises. J'ai aimé aussi ce mélange de genres,
entre légende et réalisme. Enfin c'est un beau récit
beau d'initiation, autour de la figure de Tanios, ce fils illégitime
qui s'interroge sur son identité, déchiré entre des
aspirations contraires, entre le désir de trouver sa place au milieu
des siens et celui de la fuite, dans l'exil.
D'un autre côté, cette lecture m'a laissée curieusement
à distance, indifférente, très-trop exotique. je
n'ai jamais réussi à m'attacher au sort de ce jeune homme.
Mais peut-être que l'actualité très sombre qui nous
occupe en ce moment m'a empêchée de m'y intéresser
!
J'ouvre à moitié.
Jacqueline
Je l'ai lu comme un beau conte
avec tous les éléments
qui tiennent en haleine : l'art du récit avec ses références
à des écrits-sources antérieurs réels ou fictifs,
l'intemporel mythique, le lieu imprécis malgré les noms
(il m'a fallu du temps pour le situer à une époque et dans
un contexte délimité. Je ne savais pas que ça se
passait précisément au Liban !).
Je me suis bien attachée aux personnages, quoique autrement que
dans un roman.
C'est un beau récit, mais tout au long de ma lecture je ne pouvais
oublier la situation actuelle au Moyen-Orient et cela me gâchait
mon plaisir.
Je pensais que, comme dans le conte, il serait possible de trouver des
significations variées et constructives, mais je n'y arrivais pas
J'ouvre à moitié.
J'ai bien aimé quand Nader raconte qu'en France "Le
père du nouveau roi était un partisan de la Révolution,
et il avait même voté la mort de Louis XVI !"
: un
point de vue extérieur sur notre histoire, qui montre des conflits
analogues
Monique
L
C'est une sorte de conte historique très bien écrit, facile
à lire. Maalouf est un merveilleux conteur. J'ai ressenti un parfum
d'orient avec sa douceur, sa violence, ses mythes, ses croyances, ses
superstitions. La belle Lamia décrite comme une femme orientale
rêvée rajoute à cette impression. Je me suis laissé
porter par cette histoire dans laquelle l'intrigue rebondit sans cesse.
Qu'est-ce qui est fictif et qu'est-ce qui correspond à l'Histoire ?
Je n'en sais rien mais cela n'a pas d'importance : "Les
faits sont périssables, crois-moi, seule la légende reste,
comme l'âme après le corps, ou comme le parfum dans le sillage
d'une femme."
Maalouf
décrit la complexité de cette région déchirée
et convoitée et de ses luttes de domination et de pouvoir, avec
son lot d'intrigues, de trahisons, de guerres, d'alliances, de mésalliances
et de ruse. Les Montagnards, druzes ou chrétiens, y cohabitent
mais parfois se dressent les uns contre les autres. Les petits chefs des
villages, les cheikhs, ont un droit absolu sur leurs villages et leurs
habitants. L'émir et le patriarche jouent de leur puissance et
de leur autorité sur la région. J'ai trouvé très
intéressant que, tout au long du récit, Maalouf nous retrace
le contexte historique, les mentalités et les conflits qui ont
marqué cette époque.
Les personnages sont attachants et profondément humains. Ils sont
décrits dans leur diversité et leur complexité. Gérios
est le personnage pour lequel mon ressenti a le plus changé au
cours de ma lecture. De très antipathique au début, il est
devenu plus humain.
Durant tout ce récit j'ai suivi Tanios au cur pur, sage,
curieux de tout, opiniâtre et en quête de son identité.
J'ai partagé ses peines et j'ai découvert le Liban de son
époque avec la forte hiérarchie qui y règne. J'ai
suivi avec lui les conflits politico-religieux de la région. J'ai
compris qu'il se rebiffe. J'aurais aimé plus de détails
sur l'éducation qu'il a reçue du pasteur anglais. J'imagine
des lectures. En tout cas cela lui a offert une vision du monde plus tolérante
et plus ouverte. Il fait montre de courage, de sagesse et de détermination
tout au long du récit. Il recherche à être juste et
à favoriser la paix et la réconciliation. Il ne profite
pas de la notoriété qu'il a acquise comme émissaire
auprès de l'émir. Il refuse de se venger et rend un jugement
incompris du village. C'est un saint laïque ! J'ai aimé que
la fin reste mystérieuse et ouverte : pour réfléchir,
il s'isole sur un rocher en forme de trône
au matin, il a
disparu...
La composition est intéressante. Le fait de raconter la vie de
Tanios par des voix différentes donne à ce récit
une force incontestable. L'écriture est évocatrice, poétique,
sensible. Il y a de belles descriptions et des passages pleins de poésie.
J'ouvre aux ¾.
Annick
A
Je l'ai lu comme
un conte et j'aime qu'on me raconte des histoires. J'ai bien aimé
ce mélange de faits historiques réels et de fiction et j'ai
été voir sur internet ce qui concernait les interventions
de la France et de l'Angleterre. C'est une bonne idée de remplacer
le mot chapitre par le mot de passage
qui rend mieux compte des propos du roman :
"Passage est donc, à
la fois un signe manifeste du destin-une incursion, qui peut être
cruelle, ou ironique, ou providentielle - et un jalon, une étape
d'une existence hors du commun. En ce sens, la tentation de Lamia fut,
dans le destin de Tanios le 'passage' initial ; celui dont émanerait
tous les autres."
Des passages
assez drôles concernent la querelle des religions qui se disputent
les élèves. Le pasteur y fait figure de sage. Le cheikh
un personnage sympathique dur, mais juste.
Les incursions de Nader le muletier philosophe sont très pertinentes.
Elles remettent les événements à leur juste place.
Lamia est un personnage intéressant, ambivalent. Son mari est un
lâche et prêtà la livrer au cheikh par soumission à
celui-ci. Très belle scène avec le plateau de fruits d'où
en résulte l'incertitude sur la paternité de Tanios. Celui-ci
est un adolescent sympathique, à la recherche de savoirs et de
connaissances, prêt à mettre ses jours en danger pour obtenir
ce qu'il veut. Il est courageux, mais refuse de tuer ce qui provoque des
conséquences désastreuses et une forte culpabilité
chez lui.
C'est un livre subtil d'une trouble poésie de conte oriental. Une
belle écriture nous plonge dans une ambiance peu connue du Moyen-Orient
au XIXe siècle, chaleureuse et coloriée, aux odeurs d'orangers
mais aussi aux odeurs de poudre.
Belle fin qui reste ouverte à toutes les interprétations.
Je l'ouvre aux ¾.
Danièle
J'ai également
beaucoup aimé ce livre. C'est un conte, oui, mais empreint de mystère.
J'étais ravie de lire cette langue simple, limpide et délicate.
En un mot, délicieuse. C'est aussi une enquête censée
s'appuyer sur différents témoignages "authentiques"
et de nombreuses rumeurs. Seul le narrateur en connaît la fin. L'histoire
remonte dans un lointain passé historique (XIXe siècle).
L'auteur nous donne ainsi une image du Liban, vue à travers tous
ces prismes, à partir de la petite ville de Kfaryabda au centre
d'intrigues complexes, de tensions politiques entre le Sultan en Turquie,
l'émir en Égypte, et le Liban avec le cheikh et le Patriarche.
L'histoire particulière de Tanios s'inscrit donc dans cet ensemble.
J'ai compris (plutôt qu'appris) beaucoup de choses sur l'histoire
du Liban, pays à forte communauté chrétienne à
l'époque, et au centre de tensions géopolitiques. Dans une
société très hiérarchisée et très
codifiée, sans règles dites mais que chacun pourtant connaît,
où le moindre geste (ou absence de geste) du cheikh est à
interpréter. On peut presque parler de castes, d'où l'on
est vite exclu si on ne respecte pas ces règles, comme Nader ou
Roukoz. La gestion de la rumeur joue un grand rôle dans les prises
de décision. Il y a un pouvoir du dialogue : ils sont en guerre,
mais ils s'écoutent. Il y a certes la place pour les négociations
avant toute décision, mais aucune pitié pour les renégats.
Dans cette histoire, je ne me suis pas sentie gênée par le
flou entre la réalité et la fiction. Nous avons souvent
pu constater dans notre groupe de lecture que la littérature nous
permet de comprendre la réalité mieux qu'un document factuel.
Et, portée par le plaisir de la lecture, j'ai l'impression d'avoir
naturellement fait la part des choses dans cette histoire.
Certains parmi vous vous ont regretté de ne pas pouvoir s'attacher
ou s'identifier aux personnages, et de ce fait de ne pas être touchés
par eux. Je mettrais Tanios à part, car il s'élève
au-dessus des autres au fur et à mesure que le destin lui trace
son chemin. C'est une figure sinon attachante, du moins exemplaire, ce
qui me semble important pour cette histoire. Il ne me touche peut-être
pas mais il m'impressionne.
Ce qui m'a touchée, ce ne sont pas les personnages eux-mêmes,
mais c'est de voir que les mêmes conflits ethniques ou religieux
se répètent depuis des siècles dans les pays autour
du Liban ou de la Palestine, et de comprendre qu'ils sont au centre d'enjeux
stratégiques initiés par d'autres pays, y compris les pays
occidentaux. Cf.
p 292 : "Dieu
n'a pas dit à l'homme : Tu ne tueras pas sans raison. Il a simplement
dit : TU ne tueras point.", rappelle le pasteur, qui ajoute
: "Des communautés
persécutées sont venues, depuis des siècles, s'accrocher
au flanc d'une même montagne. Si, dans ce refuge, elles s'entre-déchirent,
la servitude ambiante remontera vers elles et les submergera, comme la
mer balaie les rochers." Il dit encore : "Qui
porte en cette affaire la responsabilité la plus lourde ? Le pacha
d'Égypte, très certainement, qui a dressé les Montagnards
les uns contre les autres. Nous aussi, Britanniques et Français,
qui sommes venus prolonger ici les guerres napoléoniennes. Et les
Ottomans par leur incurie et leurs accès de fanatisme. Mais à
mes yeux, parce que j'en suis venu à aimer cette Montagne comme
si j'y étais né, seuls sont impardonnables les hommes de
ce pays, chrétiens ou druzes..."
J'ai d'ailleurs beaucoup pensé au roman Le
Pont sur la Drina, également
une chronique à mi-chemin entre fiction et réalité,
qui, à travers une communauté, évoque l'histoire
touffue et compliquée des Pays du Balkan.
Quant aux autres personnages, il me semble qu'ils font chacun
l'objet d'une analyse psychologique assez fine : Lamia, en situation
de proie du cheikh, sait qu'elle succombera si son époux ne fait
rien pour elle. Tout se joue sur un échange de regards et de paroles
que le mari ne veut pas écouter : "Ses
yeux débordaient de larmes. - Comprends moi, je redoute
d'aller dans cette chambre. Leurs regards se croisèrent alors un
long moment [
] - Tu m'as suffisamment retardé".
Une fois de plus, l'auteur aborde un sujet universel, celui du consentement
cette fois-ci. En quelques mots il va jusqu'au fond des choses et fait
le tour du sujet. C'est du grand art.
Chacun des autres personnages a un style bien particulier et fait avancer
l'histoire de manière intéressante : Challita, le fou du
village, fait basculer la vie de Tanios ; Nader, le muletier philosophe,
adepte de la Révolution française, annonce en quelque sorte
la déchéance du cheikh ; Rokouz le banni, entraîne
Tanios sur la voie de la connaissance.
L'auteur, par la voix de certains personnages, sait aussi surprendre le
lecteur par quelques sentences inattendues, en contradiction avec l'énorme
importance accordée dans ce village à la sauvegarde de l'honneur.
Bien des années après Gebrayel relativise : "que
signifient au regard des siècles, l'adultère, la vertu ou
la bâtardise ? Ce ne sont que les ruses de l'enfantement".
J'ouvre en grand ce livre qui éveille beaucoup d'échos en
moi et qui me touche, y compris par sa langue.
Et je finirais par cette citation au langage évocateur : "Elle
sourit, et il partagea avec elle tous les fruits de septembre."
Richard
Je suis désavantagé car je n'ai lu que la moitié.
Et je me demande ce que devient Tanios.
Je reprendrais l'expression employée de poussif, concernant ce
mélange réalité et fiction. J'ai toujours eu un problème
avec ça. Par exemple avec Le
mage du Kremlin qu'on a lu l'année dernière. Je
vois le rapport avec le réel, mais cela ne m'aide pas à
apprécier ce roman, ce conte. Ce qui me manque c'est la continuité
d'un épisode à l'autre - impression que j'aurais sans doute
avec Les mille et une nuits. Les personnages sont un peu comme
des dessins animés. Quand les visiteurs baisent la main du cheikh,
cela renforce cette idée.
Sous réserve de ma lecture de la suite, j'ouvre à moitié
et peut-être un peu plus
Je vais le finir, modifier ensuite
cet avis, mais après La Sentence.
Brigitte(à
l'écran)
J'ai
beaucoup aimé cette lecture.
J'avais lu, il y a bien longtemps Léon
l'Africain : un beau livre, beaucoup
trop long pour le Groupe lecture. Il s'agissait là aussi d'un récit
inventé à partir d'une base historique très ancienne,
qui se déroulait dans la Méditerranée du XVIe siècle.
Le Rocher de Tanios est d'une lecture facile, c'est un conte, une
légende. Mais nous y retrouvons toute la férocité
et la violence des conflits du Moyen-Orient, ainsi que le rôle joué
par les puissances occidentales et la place de l'Égypte et de la
Turquie.
La simplicité de lecture recouvre un récit parfois très
complexe, ouvrant des pistes de réflexion sur des thèmes
importants tels l'exercice du pouvoir, ou la
peine de mort
On notera aussi beaucoup de subtilité quand il est question de
la décision, prise ou non par Lamia elle-même, d'apporter
une corbeille de fruits au cheikh Francis
Au XXIe siècle, les conflits sont toujours présents et toujours
dramatiquement sanglants.
L'auteur évite toujours de tomber dans les clichés attendus,
en particulier à la fin. J'ajoute une mention spéciale pour
les figures de style, qui enrichissent avec bonheur le texte d'une tournure
fondamentalement orientale (je n'ai pas retrouvé les exemples que
j'avais relevés).
J'ouvre aux ¾.
Le
groupe
de Tenerife Nieves,
outre son avis, donne la note d'ambiance. |
Nieves
De cette lecture, je voudrais souligner deux aspects :
- Le premier est la proximité des conflits qu'on y décrit,
nous faisant connecter immédiatement avec ce qui se passe aujourd'hui
au Proche Orient. En effet, ce récit entre l'histoire et la légende,
nous rappelle un pays qui se déchire toujours entre les différentes
factions qui ont toujours parcouru son histoire (à l'époque,
c'étaient les Européens, Anglais et Français, les
Ottomans et les Égyptiens), ainsi que leurs religions correspondantes
qui gardent le pays
dans un état de conflit permanent jusqu'à nos jours, donc,
pas mal les réflexions de l'auteur sur la lutte pour le pouvoir
et ses conséquences.
- Un deuxième aspect à remarquer, c'est l'impossibilité
de devenir soi-même dans un contexte pareil. C'est ainsi que Tanios,
le héros du roman, vit tout le temps sous des feux croisés,
d'un côté par l'ambiguïté de son origine (était-il
le fils de Gérios ou le fils du cheikh), et de l'autre par l'éducation
qu'il a reçue, pas très efficace pour les usages de la Montagne
(il s'est formé dans une école anglaise). D'ailleurs, il
a aussi vécu des expériences différentes à
Chypre et a eu une bonne relation avec Nadel, un nomade cultivé
dont les conseils et les analyses de l'entourage ont autant contribué
à façonner sa tête.
J'ai donc bien aimé le muletier, car c'est peut-être lui
qui a eu la plus grande influence dans la personnalité de Tanios,
alors que ni l'Anglais, ni le cheikh, ni les femmes n'en ont.
C'est cet homme qui apporte l'expérience de la vie qu'il a pu acquérir
au long de ses voyages et de ses lectures. Et la dernière rencontre
avec lui finit par enlever l'angoisse de Tanios en lui montrant qu'il
n'est plus de la Montagne où il est né, mais plutôt
d'un ailleurs à découvrir
C'est ainsi qu'au moment
où Tanios se sent vraiment embrouillé, Nadel le conduit
à son Rocher "Et
là-bas, au loin, [il a vu] la mer, [son] étroite parcelle
de mer, étroite et longue vers l'horizon, comme une route."
À nous de voir si la disparition de Tanios a été
un suicide, un accident ou la fuite vers un monde moins violent
Pour conclure, je dois dire que, si bien j'ai trouvé l'écriture
fluide et bien rythmée, je me suis un peu perdue dans les dessous
historiques, vu que je ne connais pas bien l'histoire du Liban. Cependant,
le roman m'a paru agréable à lire avec ce mélange
d'aspects historiques et d'aspects légendaires.
José
Luis
uvre mineure que ce Rocher de Tanios, dans le travail du
romancier Amin Maalouf. C'est au moins mon avis après lecture attentive
et, d'une certaine manière, amusée de ce petit roman d'aventures,
qui m'a fait penser souvent à un des épisodes des Mille
et Une Nuits. J'imagine Maalouf écrivant ce texte comme un
moment de détente entre deux travaux autrement exigeants. Et pour
un lecteur lambda, il peut aussi être envisagé comme une
activité toute reposante : cela se lit vite, sans autre difficulté
que, de temps en temps, la compréhension de quelques termes peu
habituels qui demandent - au moins à un non francophone boiteux
comme moi - d'aller consulter le dictionnaire.
Ceci étant dit, je n'ai rien d'autre à ajouter, tellement
je juge le texte superficiel, c'est-à-dire, sans profondeur, étant
celle-ci la seule chose qui m'intéresse dans la lecture des textes,
quel qu'en soit le domaine de connaissances abordé. Mais, puisque
je parle de profondeur, il me faut bien avouer que, de temps en temps,
quelques petites phrases m'ont fait tressaillir me donnant du fil à
retordre. J'en copie ci-dessous quelques-unes pour finir ce qui, sans
elles, serait un bien maigre et fade commentaire :
- Les idées que tu forges avec les pieds et qui remontent vers la tête te réconfortent et te stimulent, celles qui descendent de la tête aux pieds t'alourdissent et te découragent. Ne souris pas, tu devrais m'écouter gravement
- Ce que tu as appris est suffisant. Crois-en mon expérience, si tu étudies trop. Tu ne supporteras plus de vivre au milieu des tiens.
- Bonheur passager ? Ils le sont tous ; qu'ils durent une semaine ou trente ans, on pleure les mêmes larmes quand arrive le dernier jour, et l'on se damnerait pour avoir droit au lendemain.
- Le pire gouvernement n'est pas encore celui qui te bastonne, c'est celui qui t'oblige à te bastonner toi-même.
- Tanios m'a dit : toutes les voluptés se paient, ne méprise pas celles qui disent leur prix.
- Convoitée, violentée. Bousculée, souvent prise, quelques fois aimée et amoureuse. Que signifient au regard des siècles, l'adultère, la vertu ou la bâtardise ? Ce ne sont que les ruses de l'enfantement.
- Les faits sont périssables, crois-moi, seule la légende reste, comme l'âme après le corps, ou comme le parfum après le sillage d'une femme.
- Qui dira jamais à la suite de quel regard, de quelle parole, de quel ricanement, un homme se découvre soudain étranger au milieu des siens ? Pour que naisse en lui cette urgence de s'éloigner ou de disparaître.
- Ma Montagne est ainsi. Attachement au sol et aspiration au départ. Lieu de refuge, lieu de passage. Terre du lait et du miel et du sang. Ni paradis ni enfer. Purgatoire.
Une fois ainsi copiées, je me remets à les ruminer pour
en découvrir leur lumière, parfois occultée, et me
faire du bien.
Manuela
J'ai eu l'impression de me trouver face à une épopée
ou, du moins, face à un récit épique : il s'agit
d'une succession d'événements entre différentes factions
au Liban du XIXe siècle. Son héros ne manque pas :
Tanios. Il est le seul personnage dont on connaît un peu la psychologie
: un jeune homme qui traîne une identité confuse et insondable
; ne sachant pas qui est son vrai père, il se montre plutôt
taciturne, méfiant et distant, refusant de se joindre à
aucune faction car lui, il a ses propres idées. Le reste des personnages
est au service de l'intrigue, des luttes, des escaramouches constantes.
Et là, je me suis perdue dans cette confusion de hiérarchies
civiles et religieuses, dans leurs affrontements permanents.
Je suis une grande admiratrice de la culture "andalouse" au
Moyen Âge - très en rapport avec celle du Moyen-Orient -
et je croyais que ce roman tout comme Léon
l'Africain, un autre livre du même auteur, parlerait davantage
de la vie quotidienne, des coutumes, de la culture, de leurs sages...
Eh bien, ça n'a pas été le cas.
Enfin, peut-être que cette histoire sert à comprendre pourquoi
cette région du monde fractionnée et belliqueuse a été
mille fois détruite et mille fois ressuscitée, et parce
que c'est ainsi depuis la nuit des temps, ça continue à
l'être. Les raisons ? Une autre histoire.
Les
5 cotes d'amour du nouveau groupe |
Monique M
Je ne suis pas du tout convaincue par ce livre. J'ai l'impression d'un
récit inabouti.
Je pensais au début lire une sorte de conte des Mille et une
nuits, avec l'atmosphère orientale, les rites, la crainte du
sultan, de l'émir, le pouvoir du cheikh, le faste de sa cour, la
beauté irradiante de Lamia convoitée par le maître
des lieux, le mystère de ce XIXe siècle oriental et ses
légendes
Mais je me suis très vite lassée, jusqu'à ce que
s'ébauche l'aspect plus concret de l'influence des puissances occidentales,
britannique essentiellement, qui, à la faveur de l'affaiblissement
de l'Empire ottoman, tente de s'imposer. Mais le récit est confus
et se dilue dans l'histoire de Tanios sans que ne se dessinent vraiment
les enjeux et que ce ne soit jamais prenant.
Le style non plus ne m'a pas accrochée ; c'est dommage, il me semble
qu'il aurait fallu choisir entre le récit de la légende
de Tanios et son rocher ou celui, historique, de cette partie du monde
qui en ce mitan du XIXe siècle se recomposait de fond en comble.
Jean-Paul
Amin Maalouf, écrivain reconnu et depuis peu secrétaire
perpétuel de l'Académie Française : cela augurait
une bonne lecture lorsque ce roman a été choisi.
Au début, ce livre plante un décor de conte ; on poursuit
la lecture, mais l'ennui s'installe vite au travers du destin de Tanios,
fils adultérin ou non de la belle Lamia et du despote du village,
et des intrigues autour de cette histoire ; on ne sent à aucun
moment les parfums et la douceur que l'on pouvait espérer
d'une intrigue se déroulant au Liban.
Ensuite, nous voilà perdus dans les conflits des grandes puissances
avec les prémices du dépeçage de l'Empire ottoman,
mais entre légendes et histoire d'un monde bientôt bouleversé
on n'accroche pas, tellement tout est confus et apporte peu d'éclairages
sur cette fin du XIXe siècle dans cette région du monde.
Au final une grande déception et je ferme ce livre.
Lahcen
J'ai beaucoup apprécié l'esprit conte du roman.
Ce n'était que le deuxième livre de Maalouf que je lisais.
Il y a une naïveté délicate dans l'écriture
de ce roman, les personnages sont attachants et l'histoire est captivante.
Cela m'a rappelé l'ambiance du roman de Naguib Mahfouz,
Les fils de la Médina. De même, le rôle des
grandes puissances et leurs personnages sont décrits de manière
candide : j'ai aimé ces subtilités.
C'est un livre que j'ouvre en grand.
François
Oui, un Goncourt moyen, comme on en fait beaucoup ces derniers temps.
L'habile dosage d'exotisme et d'académisme finit vite par lasser
avec, comme Monique, l'impression d'une parodie des Mille et une nuits
(pardon Lahcen si je me trompe
J'ai quand même commencé
Léon l'Africain" qui m'a l'air bien). Mieux vaut lire le merveilleux
Albert Cossery qu'on ne peut hélas, plus apercevoir à Saint
Germain
J'ouvre ¼.
Margot
J'ai péniblement lu un tiers de ce livre qui me rend bien perplexe
quant à la qualité et conditions d'attribution du Goncourt
: mal écrit, d'une écriture plate et explicative, embrouillé,
confus. Il est difficile de suivre des méandres entre Histoire
et légende, bref c'est convenu comme le dit très gentiment
François. Il est vrai que lorsqu'on goûte de grandes uvres,
revenir au commun et convenu est difficile.
Les
cotes d'amour du groupe breton |
Edith
L'écriture m'a paru claire, mais l'intrigue parfois complexe et
souvent nébuleuse, car je ne me suis pas mis à rechercher
les éléments historiques concernant les influences anglaises
turques et égyptiennes. J'ai accepté de me laisser conduire
chapitre après chapitre, il y en a 9. J'ai terminé la lecture
difficilement. Je me devais de la finir...
La construction du récit par chapitres que le narrateur appelle
"passages"*, avec chaque fois
en exergue soit un récit de l'époque, soit un passage du
livre du religieux Elias, de Nader ou du muletier et encore du pasteur
Jeremy Stolton : intéressant, me dis-je, très astucieux,
une sorte de grimoire à découvrir avec ce qu'il faut de
mystère. Ainsi commence le livre, Maalouf m'ouvre à la curiosité
de sa découverte.
Une lecture mystérieuse s'impose au regard du narrateur qui découvre
ceci : "Du quatre novembre
1840 date l'énigmatique disparition de Tanios-kichk (...) Nul ne
peut douter qu'une malédiction s'attache au rocher qui porte son
nom." Le voyage- découverte du narrateur commence,
le mien aussi. À la fin du livre, une
note m'intrigue : Abou-Kichk Maalouf assassin d'un patriarche au dix-neuvième
siècle fut ramené au pays par une ruse pour y être
exécuté. Doit-on y voir un lien de fait de l'homonymie ?
Je pense que oui car je suis allée consulter la documentation
concernant l'auteur, un Maalouf
Il y a deux siècles, voici les personnages : Lamia épouse
de Gerios, Tanios (Abbas) son fils (Tanios Kichk
),
Raad fils du cheikh, la cheikha sa mère épouse du cheikh
(cheikh Francis !) ; le Grand Jord père de la cheikha,
Gébrayel, vieillard de 96 ans, cousin du grand-père du narrateur,
l'instituteur passionné d'histoire locale qui sera "la voix
qu'il faudra écouter"à travers le récit du narrateur
; Elias de Kfaryabda, moine décédé, auteur d'un ouvrage
de mille pages fait d'emprunts aux auteurs du passé et de sa plume
: ces apports de texte anciens viennent appuyer le récit - comme
dans les contes - où le présent raconté s'appuie
sur la force et la vérité de faits anciens et transmis.
Je m'oblige à prononcer les noms propres - ainsi le nom du village
de Kfaryabda - comme je devrais le faire si j'avais, telle une conteuse,
à en faire le récit. Ces noms font partie de la magie du
conte pour la Française que je suis. Je suis vraiment installée
pour me laisser conter. La magie n'a pas vraiment fonctionné pour
moi, hélas, comme je le souhaitais.
J'ai été trop retenue par les méandres du conte.
Le personnage de Tanios, attachant certes, n'a pas réussi à
retenir mon attention et j'ai perdu petit à petit l'intérêt
pour l'intrigue. Je ne relirai pas une seconde fois comme cela m'arrive
parfois.
Je retiens le climat de colonisation et d'influences multiples concernant
le Liban, les luttes d'influences française (catholique) et anglaise
(protestante) qui sont bien vues et donnent l'illustration de l'importance
de l'éducation par l'école. Tanios est un élève
convoité par chacun des partis, sa naissance est tenue secrète,
avec une histoire de filiation. L'Égypte et son emprise, l'Europe
lointaine et influente évoquée sont en fond de récit,
avec l'empire ottoman et ses imaginaires colorés, les ruses, les
alliances souterraines, avec les différentes formes que prend le
pouvoir, allant de la monarchie féodale à la dictature,
et également le pouvoir de corruption de l'argent, la trahison
et la ruse encore
Bref ce tout aurait dû fonctionner.
Mais le déroulement de l'histoire est trop confus pour moi, à
tel point que je suis heureuse de l'échange à venir pour
retrouver un peu d'intérêt et entendre peut-être la
belle histoire d'amour de Tanios, son destin autre, Lamia et sa grandeur
d'âme, Gérios et son obséquiosité, Raad le
jaloux etc. et le mystère du Rocher interdit...
J'avais commencé il y a quelques années Léon
l'Africain et abandonné la lecture pour les mêmes
raisons. Trop d'intrigues et de références ?
Mais je ne regrette pas cette lecture.
*Passage : celui d'une naissance mais
ici, métaphore expliquant l'existence et le destin qui passe et
repasse afin de tisser une vie.
Annie
J'ai relu ce livre 30 ans après la première
fois, vu qu'il avait été consacré par le prix Goncourt
en 1993. J'ai retrouvé cette histoire qui n'a pas trop vieilli,
mais sans véritable plaisir.
Cela commence comme un conte : celui qui s'assied sur le rocher de Tanios,
dans un village du Liban, risque de disparaître
Et on s'accroche
pour savoir la suite.
Mais l'histoire semble être la même depuis la nuit des temps.
L'homme, puissant (ici le cheikh), la main mise sur son peuple et surtout
sur les femmes qu'il prend soin de choisir. Comme les seigneurs des châteaux
au Moyen-Âge qui offraient leur protection à leurs serfs
en échange du total dévouement de ceux-ci. Sort-on jamais
du Moyen-Âge ?
Le cheikh choisit une femme parmi celles du village jusqu'à ce
qu'il rencontre Lamia dont il tombe fou amoureux. A-t-elle cédé
à ses avances ? Toujours est-il que 9 mois plus tard, naît
un garçon surnommé Tanios que tout le monde considère
comme le fils du cheikh.
Et Tanios va être l'emblème de la lutte contre l'injustice
sociale, après avoir appris à ses dépens qu'il ne
faut pas faire confiance à celui qui parle bien et promet beaucoup
(clin d'il aux politiques ?). Et la trahison ordinaire de ceux que
l'on pense proches ? Sujet de réflexion sans tomber dans la paranoïa
Sur fond de colonialisme anglais et français, faut-il tuer le patriarche
pour enfin vivre en paix, quid des dictatures ?
J'ouvre à moitié.
Marie-Thé
J'ouvre ce livre aux ¾. Si je le ferme ¼, c'est à
cause de toutes ces pages où j'avais l'impression de lire un livre
d'histoire, compliqué en plus ; point de plaisir de lecture dans
ces moments-là, mais sensation de devoir étudier, laborieusement...
J'ai persévéré et ne le regrette pas, même
si je place la vie tout simplement au-dessus des légendes, tout
en étant d'accord avec ceci : "Les
faits sont périssables, crois-moi, seule la légende reste"...
J'ai donc aimé cet ouvrage, d'une grande envergure, rejoignant
les grands mythes, les tragédies antiques. Être à
la fois dans l'intimité des personnages et dans la grande histoire,
et noter encore que finalement tout est lié, que l'on soit dans
l'imaginaire, la légende, ou la réalité. J'ajouterai,
sur le fond et la forme, que j'ai été sensible tant à
ce qui est dit qu'à l'écriture.
Ce livre m'est souvent apparu comme un long et douloureux voyage dans
l'espace et dans le temps. Cependant l'atmosphère de ces pays du
Levant a retenu mon attention ; je vois ces contrées colorées,
c'est foisonnant, emmêlé, bruyant, je parle surtout des villes,
des ports. Les campagnes, les villages, paraissent par contre figés
dans le temps, sous des régimes encore féodaux, allégeance
au cheikh et... "une
forme de paternalisme intégral", au moins près
du cheikh Francis. Beaucoup trop de guerres tribales dans la Montagne,
d'histoires de vengeances, de barbarie... Et l'histoire n'en finit pas
de se répéter, sur des terres appartenant autrefois à
des seigneurs libanais. Un passage parmi d'autres m'interpelle : dans
l'ombre, uvre l'Égypte "qui
a dressé les Montagnards les uns contre les autres",
mais aussi Britanniques, Français, Ottomans, tous responsables
du désastre, mais : "seuls
sont impardonnables les hommes de ce pays, chrétiens ou druzes"...
À méditer. (p.293).
Je note par ailleurs l'importance des origines, de la filiation, de la
transmission. Importance du chemin, de la mer, de l'horizon. Et de l'école,
du savoir, "passerelle
entre lui, Tanios, et le reste de l'univers"...
À noter encore ces remords si présents chez Tanios, se sentant
"coupable d'indécision
(...) coupable
de pitié". Tanios aux origines incertaines, entre
deux mondes, entre deux pères, entre deux amours, toujours entre
deux...
Au sujet des privilèges, je ne sais pas s'il faut sourire des réflexions
du pasteur anglais : "traiter
toute personne de la manière dont on traite les étrangers
(...) et non soumettre les étrangers au sort peu enviable de la
population locale. "
La religion occupe une place importante. Je ne m'attarderai cependant
que sur quelques détails. "En ce temps-là",
ainsi commence l'histoire qui va être racontée, comme l'évangile.
L'arrestation du cheikh Francis ressemble à l'arrestation du Christ.
Lamia et le cheikh partagent les fruits défendus... sans commentaires.
À mentionner encore, patriarche machiavélique, pasteur hérétique,
etc. Mosquée possible à la place de l'église (forme
de chantage du cheikh).
J'ai aimé lire ces paroles au sujet d'uvres détruites
par le tremblement de terre : "cette
part de nous que nous espérons immortelle. Quel peintre voudrait
survivre à ses toiles ?"
Tous les personnages sont très importants, même Gerios, pathétique,
effacé et sacrifié. J'ai été particulièrement
sensible aux mots de Nader, le muletier qu'intéressait la Révolution
française. À propos de l'amour de Tanios et Asma :
"Vous étiez innocents
? De quoi préserve-t-elle l'innocence ? Même le créateur
nous dit d'égorger les agneaux pour nos réjouissances, jamais
les loups"... Et enfin ces mots : "je
suis l'ami qui sait."
Pour encore une association habituelle de ma part : "Par
leur complaisance, ils avaient fait du cheikh un tyran capricieux ; par
leur malveillance, ils ont rendu fou celui qui lui a succédé."
Un peu du Discours
de la servitude volontaire de La Boétie...
Le livre d'Amin Maalouf est dense, il y aurait encore à dire.
Chantal
Mon avis est enthousiaste. C'est une lecture que j'ai adorée tout
de suite, dès le début !
La première impression : celle d'entrer dans un conte, qui plus
est un conte oriental, une histoire du temps passé, très
loin, dans ce village perdu de la montagne libanaise.
Et cela, dans un style raffiné, une écriture facile à
lire et pourtant très recherchée, avec même l'imparfait
du subjonctif ! ("afin
que les villageois ne pussent plus parler")
Des expressions savoureuses : "le
hachoir de leurs babillages" en parlant des commères
de Kafryabda.
Ou, pour dire "être
furieux", il écrit "dormir
à plat sur le visage"... Partout il sème
des pointes d'humour, il anime les situations, les scènes, les
dialogues, le lecteur ne s'ennuie jamais !
J'ai trouvé la construction du livre très habile : le narrateur
(auteur ?) évoque "son" village ; il en appelle aux personnes
qu'il connaît, habitants du village qui ont entendu depuis toujours
l'histoire de Tanios, devenue légende du village ; il fait appel
aux "écrits" du moine Elias, du muletier Nader, du pasteur
Stolton...
Et cette histoire singulière imbriquée dans la "grande"
Histoire de ces années 1840 où Anglais et Français,
Egyptiens et Ottomans se livrent une guerre pour dominer cette région
hautement stratégique, du fait de l'ouverture du passage vers le
royaume des Indes... et, sans états d'âme, utilisent, manipulent
les populations, grands cheikhs et petites gens, pour leurs seules ambitions...
Et le lecteur, par le talent de l'auteur, se trouve littéralement
"embarqué" : fiction pure ? Réalité
? À plusieurs reprises, je me suis posé la question.
Et, au bout de tous ces "oubours", passages, un événement
déclenche une suite de cataclysmes, c'est la la loi du karma...
La fin reste ouverte, avec ma disparition de Tanios... Le lecteur est
libre d'imaginer. Tanios va réapparaître, selon les croyances
des druzes. Eh bien il va embarquer, suivre les conseils du sage Nader,
vers une nouvelle vie, avec sa jeune dame aux oranges..., libres tous
deux..., loin des luttes religieuses, politiques, des luttes pour le pouvoir
toujours... : libres.
Voilà. Je l'ouvre 3/4, et après réflexion, 4/4.
Cindy
Je serai en lien avec ce qu'a dit Chantal.
Maalouf est pour moi un humaniste, francophone entre deux cultures.
Je suis entrée dans le livre comme dans une succession de tableaux
des Mille et une nuits, qui m'a rappelé mon enfance au Maroc
où ma grand-mère me lisait des contes des Mille et une nuits.
Car Maalouf est un merveilleux conteur, et je pouvais imaginer que chaque
épisode m'était raconté à la lueur de bougies.
Le héros est un enfant de la nature - de la Montagne ; il est voué
à remplir un rôle de par ses origines - avec ce père
qui l'affectionne et qui fait partie de l'élite - et Il est balloté
dans ce destin. L'Histoire réelle y est mêlée et amène
des descriptions comme p. 115 : "cet
empire en constitution avait deux ailes : l'une au Nord - les Balkans
et l'Asie mineure ; l'autre au sud - l'Égypte et ses dépendances.
Entre les deux, une seule liaison, par la longue route côtière
qui allait de Gaza à Alexandrette, en passant par Haïfa, Acre,
Saïda, Beyrouth, Tripoli, Lattaquieh." Ce qui nous
transporte en 1830 quand Anglais, Français, Egyptiens se disputaient
le pays.
Mais dans ce contexte, il y aussi du mystère, et la dureté
du quotidien. Il y a de belles descriptions de la vie de ce gamin qui
est très mature. En suivant sa vie, j'ai été baignée
par cet univers, avec également du romanesque concernant les femmes.
J'ai eu l'impression de lire ce livre "en couleurs", comme avec
ce passage p. 256 : "Le
paysage se prêtait à leur conversation. Les palmiers s'alignaient
en deux rangs militaires jusqu'à la mer; entre le vert gazon et
le bleu, aucune frontière ocre." C'est une des
raisons qui m'a fit aimer le livre.
S'appuyant sur un fait historique, on entre dans l'imaginaire, le merveilleux
- si les faits sont périssables, la légende reste - et ça
se termine bien, de façon ouverte. Dans les dernières phrases,
on l'imagine grimpé sur le rocher : "À
mes pieds la vallée d'où monteraient à la tombée
du jour les hurlements des chacals. Et là-bas, au loin, je voyais
la mer, mon étroite parcelle de mer, étroite et longue vers
l'horizon comme une route." On nous laisse imaginer tous
les possibles... bravo Maalouf !
Bref, ce livre m'a plu. Si je réserve un petit 1/4, c'est que vers
la fin, quand il s'agit de rentrer de Chypre au pays avec son père,
ça piétine, c'est long, un peu chaotique. Mais après,
je suis retombée dans le merveilleux. Il y a du suspense. Et on
apprend pourquoi tous les rochers ont un nom.
Et on ferme le labyrinthe. On a envie d'aller plus loin, comme Chantal
l'a fait.
Brigitte(avis
transmis)
Me voilà transportée des décennies
en arrière au Liban aux multiples facettes où cohabitent
le curé catholique, marié, ce qui lui évite de regarder
les femmes des autres, un pasteur venu d'Angleterre et qui veut instruire
les enfants des musulmans. Le Liban de l'amour, mais aussi féodal
avec son lot de violences, d'intrigues
J'ai lu ce livre avec plaisir et soif de découverte, comme je lirais
une légende (légende du rocher de Tanios comme accroche),
voire un conte entre sagesse et violence.
J'ouvre aux 3/4 parce que dans ce roman Amin Malouf, en habile conteur,
mêle fiction et histoire, ce qui a pu me perdre parfois. J'ai aussi
un peu décroché sur la longueur de son retour de Chypre.
J'ai été surprise par l'épilogue !
J'ai vite pris parti pour Tanios aux cheveux blancs dès l'enfance,
attachante personne qui se sent très tôt étranger
au village, Tanios-Kichk (soupe épaisse et aigre) qui comprend
très jeune que sa conception est obscure : fils du cheikh, un notable
ou fils de Gerios du bas de sa classe sociale ? Tanios studieux,
intelligent et avide de savoir "il
aspirait comme une éponge chaque mot, chaque bribe de savoir"
Marie-Odile
Sur les 100 premières pages
Dès les premières pages j'ai ressenti ce livre comme une
consolation pour tous les livres que j'ai pu lire sans grand plaisir.
J'ai senti qu'ici j'allais me régaler et j'ai continué à
croquer le texte comme une gourmandise.
Le recul de l'auteur par rapport à l'Histoire et à l'histoire
racontée, les allures de légende orientale que prend le
récit, les portraits pittoresques, les scènes humoristiques,
l'ironie, la vivacité des dialogues, tout cela m'a plu, a soutenu
mon intérêt amusé et ma curiosité.
Ce récit comportait pour moi ce qu'il faut de dépaysement
(un autre pays, une autre époque aussi). Les mots en italique et
les jeux de mots (jord/jrad) m'ont ravie et plus encore les commentaires
du narrateur sur ceux-ci, souvent liés à des souvenirs d'enfance
qui ancrent le récit. C'est comme une histoire vraie, vécue
s'appuyant d'ailleurs sur des témoignages recueillis par un narrateur-personnage
discret.
Bref c'est l'art du conteur que j'ai apprécié, Un autre
aurait pu rapporter les mêmes faits de manière ennuyeuse
ou tout simplement grave, sérieuse (je pense à la religion,
à la politique, aux relations familiales ou conjugales). Mais ici
tout est vivant, espiègle, pas vraiment sérieux et ça
fait du bien. J'aime cette littérature magique qui fait du réel
autre chose que ce qu'il est.
Par la suite
Cependant, le récit est devenu pour moi plus complexe lorsqu'il
a été question de relations diplomatiques, opposant Anglais/
Fiançais, Protestants/ Catholiques, Ottomans / Égyptiens.
Il ne m'a pas toujours été aisé de suivre les subtilités
de ces relations souvent changeantes faites de ruses, de manigances, de
perfidie, régies par l'orgueil, l'humiliation et toujours... le
désir de dominer. Une façon néanmoins plaisante de
montrer comment Paris et Londres tiraient les ficelles d'un Moyen-Orient
soumis à des occupations, des luttes féodales, des guerres
(de religion ou pas), des rivalités de toutes sortes...
Il m'a semblé que le ton se faisait petit à petit plus sérieux,
au fur et à mesure que Tanios tricotait son chemin de vie au gré
de ces relations fluctuantes et toujours en quête de paternité
(fil conducteur du récit). Bientôt des pages sanguinaires
sont venues confirmer cette impression. Tanios déclenche toute
une série de vengeances, son tourment amoureux suscitant la folie
de Gérios (alimentée par ses doutes), puis le meurtre du
patriarche etc.)
J'ai eu alors comme le regret des premières pages, plus légères
Pour finir
Ce texte est décidément sérieux, aborde des questions
importantes de géopolitique : le rôle des Grandes Puissances
dans le sort d'un petit peuple, les conséquences d'une occupation,
les insurrections, les représailles, les perquisitions, les exactions,
les dommages collatéraux, les victimes innocentes, les tractations,
les vraies et les fausses raisons de tout cela, la violence qui s'en suit...
La fin est subtile, tout en nuances. Le cheikh semble porteur d'une sagesse
qui veut rompre avec le cycle infernal de la vengeance. Mais Tanios une
fois convaincu de son hérédité disparaîtra.
Sur l'ensemble, j'ai aimé le mélange de sérieux
et de légèreté, et le style :
J'ai apprécié certaines expressions : "réfléchir
avec ses pieds", "la
moustache du cheikh était comme un chardon dans la couche du prélat."
J'ai aimé la ponctuation. Qui met en relief les relatives : "Qui
...Où...," quoique ce procédé devienne
trop systématique parfois.
J'ai aimé l'humour, les trouvailles comme l'atelier des anecdotes.
Enfin, les anticipations créent une attente qui n'est pas déçue
"quand on sait quels
malheurs attendaient au bout de son fusil", "ne
pas lui en vouloir pour ce qu'il va devoir dire pour se tirer d'embarras,
allusion précoce à "son énigmatique disparition".
J'ouvre en grand.
Soaz
J'ai aimé la poésie de ce roman entre conte, légende,
grande Histoire, composé de plusieurs personnages haut en couleur
(le muletier, le cheikh, Lamia, Tanios
) et d'une succession d'énigmes.
Belle écriture.
Le narrateur (j'apprécie cette démarche qui se rapproche
du conte) nous transporte par la diversité des événements,
des rencontres et des individus, entre le réel et l'irréel.
Je me suis laissé emportée par cette atmosphère de
conte oriental.
Le pouvoir de la beauté, des seigneurs sur les hommes, l'injustice
sociale, le droit de cuissage, la puissance des on-dit, de l'instruction,
les bienfaits du pardon, de l'amour, de la tolérance et les méfaits
de la violence, de la jalousie et de la guerre, peuvent intégrer
un conte moderne.
Ce livre m'a procuré l'envie de me documenter sur la géographie
(par exemple sur la situation du village montagnard de Kfaryabda), l'histoire
du Liban et notamment sur le conflit entre l'Empire uttoman, l'Égypte,
arbitré par les puissances européennes (France, Angleterre).
Très beau voyage, un cheminement spirituel, une quête d'identité,
au milieu des odeurs, des paysages, des traditions et des rochers (comme
nos légendes bretonnes : la
Chaise de Merlin à Saint-Malon-sur-Mel, petit clin d'il).
Une leçon d'espoir, rien n'est jamais perdu dans la vie, le courage
et la volonté donnent la force de se réaliser, l'histoire
d'une vie.
DES
INFOS AUTOUR DU LIVRE |
QUELQUES REPÈRES BIOGRAPHIQUES |
- Né au Liban en 1949, dans une
famille denseignants ; son père est journaliste et musicologue.
- Scolarité chez les Jésuites ; études déconomie
et de sociologie ; sa femme, rencontrée alors, est éducatrice
spécialisée.
- Journaliste, il publie des articles de politique internationale ; comme
reporter, il couvre des évènements telles la chute
de la monarchie éthiopienne en 1974 ou la dernière bataille
de Saigon en 1975.
- En 1976, la guerre l'amène à partir pour la France avec
son épouse et ses enfants, reprenant son activité de journaliste,
notamment à Jeune Afrique. Ses premières tentatives
de livres ne sont pas publiées.
- À partir de 1984, il se consacre à lécriture,
publiant des romans, des essais, des livrets dopéra.
- De nombreux prix : en 1993, prix Goncourt pour Le Rocher de Tanios ;
en 1998, prix européen de lessai pour Les Identités
meurtrières ; en 2010, prix Prince des Asturies des Lettres
pour lensemble de son uvre.
- En 2007-2008, il préside, à linvitation de la Commission
européenne, un groupe de réflexion sur le multilinguisme,
qui publie un rapport intitulé Un
défi salutaire : comment la multiplicité des langues pourrait
consolider lEurope.
- En 2011 : élection à l'Académie française
au fauteuil de Claude Lévi-Strauss.
- En 2023 : il est élu Secrétaire perpétuel, ce qui
a attiré notre attention sur le fait que nous n'avions jamais lu
de livre de lui...
LIVRES publiés par Amin Maalouf |
Romans et récits
- 1986 : Léon
l'Africain, J.-Cl. Lattès.
- 1988 : Samarcande,
J.-Cl. Lattès.
- 1991 : Les
jardins de lumière, J.-Cl. Lattès.
- 1992 : Le
premier siècle après Béatrice, Grasset.
- 1993 : Le
Rocher de Tanios, Grasset.
- 1996 : Les
Échelles du Levant, Grasset.
- 2000 : Le
Périple de Baldassare, Grasset.
- 2004 : Origines,
Grasset - histoire de sa famille
- 2012 : Les
désorientés, Grasset.
- 2020 : Nos
frères inattendus, Grasset.
Essais
- 1983 : Les
croisades vues par les Arabes, J.-Cl. Lattès.
- 1998 : Les
identités meurtrières, Grasset.
- 2009 : Le
dérèglement du monde, Grasset.
- 2014 : en ligne : Discours
de réception de Amin Maalouf à l'Académie française
et Réponse
de Jean-Christophe Rufin, puis publiés par Grasset.
- 2016 : Un
fauteuil sur la Seine : quatre siècles d'histoire de France,
Grasset.
- 2019 : Le
naufrage des civilisations, Grasset.
- 2023 : Le
labyrinthe des égarés : l'Occident et ses adversaires,
Grasset
Livrets d'opéra
(dont deux publiés)
Kaija Saariaho,
compositrice finlandaise (1952-2023) a en tête un projet dopéra
mais à qui demander son livret ? Son ami le metteur en scène
Peter Sellars
lui souffle le nom dAmin Maalouf, homme de lettres franco-libanais
salué pour les rencontres mises en place par ses écrits
entre les langues, les peuples et les religions. Il navait jamais
pensé tenir un jour le rôle de librettiste et se prête
à lexercice à quatre reprises, pour Kaija Saariaho :
- 2001 : L'Amour
de loin, Grasset. Création en août 2000 au Festival
de Salzbourg, mise en scène de Peter Sellars.
- 2006 : Adriana
Mater, Grasset. Création en mars 2006 à l'Opéra
de la Bastille, mise en scène de Peter Sellars.
2006 : La
Passion de Simone (livret non publié sur Simone Veil).
Création en 2006 à Vienne, mise en scène de Peter
Sellars.
2010 : Émilie
(livret non publié sur la femme de sciences du XVIIIe siècle,
Émilie du Châtelet.). Création de cet oratorio
en 2010 à l'Opéra de Lyon, mise en scène de François
Girard.
ARTICLES sur le livre Le Rocher de Tanios |
Avant le Goncourt
- "Ces vérités
qui font la légende", André Brincourt, Le Figaro,
17 septembre 1993.
- "Amin Maalouf retrouve le Liban",
Josette Alia, Le Nouvel Observateur, 30 septembre 1993.
- "Parfums de mémoire",
Alain Jacob, Le Monde, 8 octobre 1993.
Le jour du Goncourt, des chiffres...
Amin Maalouf, 44 ans, est lauréat du 90e prix Goncourt.
L'écrivain franco-libanais l'a obtenu au deuxième tour de
scrutin par six voix contre deux à Michel Braudeau pour Mon
ami Pierrot, une à Philippe Beaussant pour Héloïse
qui vient d'obtenir le grand prix du Roman de l'Académie française
et une à Angelo Rinaldi pour Les jours ne s'en vont pas longtemps.
Après Texaco de Patrick Chamoiseau l'année précédente,
le jury a une nouvelle fois distingué un écrivain issu de
l'une des cultures de la "francophonie". Voici les remarques
de Livres Hebdo, une fois le prix connu :
Amin Maalouf est déjà très apprécié des lecteurs. Le Rocher de Tanios figure sur notre liste de meilleures ventes depuis sa parution en septembre dernier. Le tirage atteignait 60 000 exemplaires jusqu'au Goncourt. Depuis, Grasset procède à un nouveau tirage de 150 000 exemplaires. Amin Maalouf est aussi très lu à l'étranger où ses romans, en particulier Léon l'Africain, sont disponibles en dix-huit langues.
Lattès, son premier éditeur, a récemment publié un "omnibus" de ses trois premiers romans, Léon l'Africain, Samarcande (prix des Maisons de la presse I988) et Les Jardins de lumière (tous disponibles au Livre de Poche). Chez Lattès (et J'ai lu) est également disponible Les Croisades vues par les Arabes.
Chez Corps 16 sont proposés en gros caractères Le Jardin des lumières et Le Premier Siècle après Béatrice, paru en 1992 chez Grasset. (Livres Hebdo, 5 novembre 2023)
Après le Goncourt
- "Amin Maalouf ou l'art
du conteur", Alfred Eibel, Le Quotidien de Paris, 9 novembre
1993.
- "Le Rocher de Tanios
: contre tous les fanatismes", Laurence Vidal, Le Figaro,
9 novembre 1993.
- "Un conte oriental au coeur
des blessures d'aujourd'hui", Patrick Apel-Muller, L'Humanité,
9 novembre 1993
- "Histoire d'un pays crucifié",
Claude Mourthe, Magazine littéraire, 1er décembre
1993.
- L'édition du Club France Loisirs parue en 1994 comporte un "dossier
auteur" où Amin Maalouf explique comment et pourquoi il a
écrit ce livre :
J'ai quitté le Liban en juin 1976 et, dès ce moment-là, la tentation était grande, pour moi, de consacrer un livre à ce pays, à sa montagne célébrée par la Bible, à son aventure humaine exceptionnelle et aux drames qu'il a vécus. J'ai pourtant attendu dix-sept ans avant d'en parler, et j'ai écrit cinq livres dans lesquels j'ai voyagé de l'Espagne de l'Inquisition à la Mésopotamie sassanide, en passant par la Perse des Assassins et l'Italie de la Renaissance - sans jamais mentionner le Liban. Ce livre, pourtant, je savais depuis toujours que je devais l'écrire. Je le devais, en quelque sorte, aux miens et à moi-même. Car si ce n'est pas, à vrai dire, mon histoire que j'y raconte, c'est certainement l'histoire des miens, celle de mes aïeux proches ou lointains, celle de mon village et de tant d'autres villages, celle de la Montagne. (Voir la suite ici)
Après la traduction du
prix Goncourt en arabe
par Georges Abi Saleh (éditions FMA Beyrouth)
- "Le retour de Tanios",
Paul-Jean Franceschini, L'Express, 17 mars 1994
- "Amin Maalfouf fêté",
Lucien George, Le Monde, 19 mars 1994
- "Amin Maalouf, le retour de
l'enfant prodige", propos recueillis par Marianne Payot, Lire,
1er juin 1994. Extraits, sur le retour au Liban et le choix de la langue
pour écrire :
Ça faisait plus de dix ans que je n'y étais pas retourné. Le Goncourt a eu là-bas une très grande importance. Je crois que les gens ont senti spontanément qu'il y avait dans ce prix une sorte de réhabilitation de l'image du pays. Pour les Libanais, le Liban est terre de culture, de connaissance, de civilisation ancienne et ils ont l'impression que tout le monde ne voit dans leur pays que violence, voitures piégées, enlèvements d'otages, etc. C'est une image que les Libanais, toutes communautés confondues, rejettent complètement. De plus, ils sont spontanément heureux lorsqu'il arrive quelque chose de bien aux Libanais de la diaspora. Je me suis vraiment senti tout de suite entouré par une grande affection extrêmement réconfortante. Les gens t'invitent et sont à chaque instant heureux de sentir qu'ils te font plaisir. À chaque séance de signatures, il y avait des centaines de personnes souriantes, amicales, des parents, des amis, des amis d'amis, des voisins. C'était grisant. Et merveilleux, car j'avais quitté le pays en guerre, j'en avais souffert, je n'avais pas envie de retrouver un pays déchiré, morcelé et, là, c'était vraiment le retour idéal pour moi. Revenir et sentir une forme d'unanimité autour simplement de ce désir d'avoir une autre image.
Vous n'écrivez qu'en français ?
J'écrivais en arabe quand j'étais journaliste. Mais j'ai toujours écrit spontanément les textes de fiction en français. Peut-être est-ce à cause de mes lectures, ou parce qu'en arabe la langue que l'on écrit n'est pas celle que l'on parle. Mais finalement le fait de venir en France, de vivre dans un environnement français a fait que spontanément le français a pris le pas. Il y aurait quelque chose de schizophrénique si j'écrivais une langue en étant entouré de gens qui ne la parlent pas, en étant incapable de rencontrer mon public.
- Une étude spécialisée : "De la compétence (inter)idiomatique à travers Le Rocher de Tanios dA. Maalouf", Abdelmalek Djediai, Multilinguales, n° 6, 2015.
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