Quatrième de couverture :
Déporté à Buchenwald, Jorge Semprún est libéré
par les troupes de Patton, le 11 avril 1945.
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Jorge
SEMPRÚN (1923-2011)
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Nos 15 cotes
d'amour |
Fanny(avis
transmis)
Cette lecture m'évoque des ressentis très contrastés.
Tout d'abord, le livre m'a résisté, j'ai pensé que
j'allais capituler assez rapidement, mais j'ai tenu bon.
De manière très ordinaire, je n'avais aucune envie de me
plonger dans l'horreur des camps le soir au coucher... : pas très
courageux comme approche, j'en conviens et c'est peut-être une forme
de culpabilité qui m'a poussée à persévérer.
Ce qui est certain, c'est que j'ai manqué de temps, ce n'est pas
tant le nombre de pages qui pose souci, mais la densité du contenu
et la construction narrative avec des allers-retours multiples. Je rebondis
sur les derniers échanges de mails concernant nos choix de lecture,
personnellement je trouve que deux semaines, c'était vraiment trop
court.
Je l'ai lu en étant consciente que je passais à côté
de réflexions philosophiques qui auraient mérité
du temps pour s'y attarder.
J'ai trouvé beaucoup d'intérêt à cette lecture,
mais en même temps pas de plaisir, autre qu'intellectuel, en tant
que lectrice.
J'ajoute aussi que j'ai parfois trouvé Semprún prétentieux,
par exemple : "Je ne
ferai pas cette digression, pour brillante qu'elle eût pu être
(...). Il faut savoir se retenir, parfois, laisser le lecteur sur sa faim."
(p. 138 en Folio).
Parmi ce qui m'a marquée, voire saisie, il y a tout ce Semprún
écrit sur le regard au début de son ouvrage, sur ce que
ces regards expriment d'avoir pu vivre l'expérience de la mort.
Je trouve au fil de cette lecture en boucle, dans son rapport à
la temporalité, que c'est un témoignage poignant sur la
mémoire traumatique.
J'ai été intéressée également par le
parallèle qu'il fait entre le rapport à l'écriture
de Primo Levi, qui lui permet justement de rester en vie d'une certaine
manière en transcendant les atrocités subies, et le sien
: pour lui, cet exercice pendant de nombreuses années empêche
au contraire d'être dans la vie.
Je trouve aussi intéressante la réflexion sur le mal et
l'inhumanité, balayant les formules classiques sur des actes qualifiés
d'inhumains, alors même que, malgré leur atrocité,
ils sont commis par des Hommes (p. 215-216).
Difficile en fin de compte de trancher sur une ouverture, mais si je me
plie au jeu je vais dire que j'ouvre aux ¾.
Je m'aperçois que j'ai oublié de dire que j'avais également
été saisie par le récit des discussions philosophiques
dans le camp. Quelle belle lutte pour la vie, la dignité et la
liberté de pensée !
Hâte de découvrir vos avis !
Sabine(avis
transmis de Nîmes)
J'ai lu L'écriture ou la vie à sa sortie, il y a
donc presque trente ans. C'est un ouvrage que je juge essentiel, admirablement
écrit, mais
La sortie de ce livre a coïncidé avec les commémorations
du cinquantenaire de la Seconde Guerre mondiale : il est, pour ainsi
dire, tombé à pic. Semprún avait déjà
écrit sur son expérience de déporté (Le
grand voyage, Quel
beau dimanche, Le
mort qu'il faut) ; pourtant, je me souviens que lors d'interviews,
Semprún dit explicitement : "Je
ne pouvais pas écrire avant". Même si, je
le répète, ce nouveau livre est remarquable, il y a comme
une forme d'opportunisme.
Oui, L'écriture ou la vie est un grand livre : fluidité
dans la syntaxe, richesse lexicale et métaphorique, construction
des souvenirs et des récits qui se mêlent, analyse des situations
et des sentiments. J'ai été très émue par
l'évocation du vieux Juif qui récite le kaddish, la rencontre
avec le lieutenant américain, Rosenfeld, sa relation avec la critique
littéraire, Claude-Edmonde Magny, la présence de ses deux
petits-fils de cur, Thomas et Mathieu Landman à Buchenwald.
L'évocation de l'odeur de la fumée noire des crématoires
confirme bien combien cet élément est constitutif de l'extermination
de masse. Sans odeur, comment évoquer la Shoah ? Le thème
du regard qui ouvre le récit est omniprésent et je retiens
quelques exemples : "Ils
sont en face de moi, l'il rond, et je me vois soudain dans ce regard
d'effroi : leur épouvante." (p. 13),
"La mort faisait la
roue, déployant le feu d'artifice glacial de tous ces yeux ouverts
sur l'envers du monde, sur le paysage infernal."
(p. 36), "j'avais
remarqué un tout jeune soldat américain. Son regard, dilaté
d'horreur, était fixé sur l'amoncellement de cadavres décharnés,
jaunis, tordus, d'os pointus sous la peau rêche et tendue, d'yeux
exorbités." (p.112). C'est
banal à dire, mais le regard est le lieu de la vie même.
L'eau s'échappe de l'il du moribond, il qui devient
une bille de terre. C'est une image à laquelle je suis très
sensible et Semprún y revient souvent. Les moments où il
évoque "ses rêves
de réalité" et "la
réalité de ses rêves" sont forts ;
enfin, écrire qu'il n'a pas côtoyé ou croisé
la mort, mais bien qu'il "a traversé
la mort" me semble juste, vrai.
Semprún révèle à la fin de son récit
ce qui lui a permis de rester en vie dans le camp de Buchenwald : il n'est
pas enregistré comme "Student", mais comme "Stukkateur",
c'est-à-dire plâtrier. Deux déportés que j'ai
rencontrés au Musée de la Résistance et de la Déportation
m'ont fait part de doutes sur la façon dont Semprún se serait
conduit dans le camp. Une biographe l'évoque également.
Avant qu'il ne soit déporté, Laure Adler relate la probable
culpabilité de Semprún concernant l'éviction de Robert
Antelme et de Marguerite Duras du Parti communiste. Il y a des zones d'ombre
dans la vie de l'écrivain.
Cela n'enlève rien à la qualité littéraire
de son uvre. J'ouvre donc aux ¾. Bonne
soirée !
Thomas, internaute bientôt participant
J'ai commencé L'écriture ou la vie en repensant au
très gai - dans l'écriture du moins - Adieu,
vive clarté du même Semprún. Mais là,
l'atmosphère est totalement différente ! On retrouve
quand même l'écriture fluide et agréable de l'auteur.
Un bémol toutefois en ce qui concerne ses nombreux allers-retours
temporels, qui, s'ils sont globalement bien amenés, peuvent parfois
rendre la compréhension difficile, ou exiger du lecteur d'autres
allers-retours ! Je pense notamment à certains personnages secondaires
que j'ai pu mélanger certaines fois.
Mes cultures philosophique et poétique étant ce qu'elles
sont, j'ai aussi été un peu perdu lors de quelques passages
(surtout au milieu du livre) où il y avait force références
à l'intérêt que l'auteur portait à ces deux
domaines. De même en ce qui concerne les évocations du communisme,
qui m'échappaient irrémédiablement dès qu'on
entrait dans le détail.
Globalement, j'ai eu l'impression que l'écriture était surtout
cathartique, et je n'ai jamais réussi à totalement m'immerger
dans le récit - les multiples ellipses et retours en arrière
n'aidant peut-être pas. Tout n'est pas à jeter toutefois,
cela reste un témoignage précieux et émouvant sur
l'horreur des camps, et certains passages (ce guide allemand enfermé
dans un placard de la maison de Goethe !) valent le détour.
Je reste toutefois un peu sur ma faim. J'hésite entre le quart
ouvert et le demi ouvert, mais comme c'est Semprún, que j'avais
- vous l'aurez compris - beaucoup aimé son Adieu,
vive clarté et que j'ai une collègue espagnole qui
ne jure que par lui et ne me pardonnerait pas d'en dire trop de mal, disons
ouvert à moitié !
Etienne(à
l'écran depuis Rennes)
Je l'ai fini hier soir ras les fesses.
Je m'attendais pas à quelque chose d'éprouvant. J'ai été
émerveillé. Je ne m'y attendais pas. Une grande élégance.
Une acuité. Un foisonnement des réflexions.
La construction narrative ne m'a pas gêné. J'ai suivi sa
pensée. Très riche. Beaucoup de thèmes, et pas seulement
le camp. La notion d'apatride par exemple. Pour ce qui est du camp, il
est chez lui. Et ce processus d'apatride avait commencé avant :
quelle était sa patrie ? Quelle était sa langue ? Je l'ai
écouté : on dirait un Français, je suis bluffé.
Je trouve que c'est un des plus beaux livres sur les camps qu'il m'a été
donné de lire. J'ai beaucoup aimé l'avis
de de Sabine. J'ouvre en grand.
Annick L
C'est une lecture marquante pour moi, de celles qui laissent une trace
indélébile. J'ai d'ailleurs lu deux fois cette uvre.
D'abord parce qu'elle ne se laisse pas parcourir facilement avec ses va-et-vient
chronologiques incessants, ensuite parce que le fil du récit est
entrecoupé en permanence de digressions littéraires et philosophiques
(quelle culture ! quelle vie intellectuelle et artistique !),
parfois en lien avec sa méditation du moment, mais parfois aussi
un peu vaines. L'occasion pour moi de revenir sur certains passages dont
j'ai pris note.
L'écriture ou la vie m'a rappelé d'autres uvres
qui tournent autour de l'expérience des camps de concentration
organisés par les nazis pour y enfermer des prisonniers politiques
de toute l'Europe : par exemple Buchenwald, structuré en commandos
avec des responsables politiques, où s'est retrouvé Jorge
Semprún, ou Gandersheim, dirigé par des droits communs,
dans le cas de Robert Antelme (L'Espèce
humaine), à côté des camps de la mort, comme
Auschwitz, destinés à l'extermination des Juifs (Si c'est
un homme de Primo Levi, Etre
sans destin de Kertesz). Sans oublier ces autres camps mis en
place massivement par Staline, qui ont fait aussi des millions de victimes,
ce Goulag dont témoigne Soljenitsyne dans Une
journée d'Ivan Denissovitch.
"Je cherche la région
cruciale de l'âme où le Mal absolu s'oppose à la fraternité"
(A. Malraux). Autrement dit "Das radikal Böse" (Kant).
Cependant
Jorge Semprún aborde ce sujet avec des partis pris singuliers.
Il veut à la fois faire uvre littéraire en écrivant
un récit autobiographique tout en dépassant le simple témoignage,
et l'étoffer de réflexions (comme dans un essai philosophique
et politique) à large portée, qui font la synthèse
de ses autres expériences : l'exil en France de sa famille qui
avait choisi le camp des Républicains, son engagement dans la résistance
en France, dans un réseau anglais, son travail de militant comme
dirigeant clandestin du Parti communiste espagnol sous le règne
de Franco, etc.
L'ancien dirigeant communiste exclu et apostat peut affirmer ainsi : "Marx
liquide la philosophie comme activité autonome et la met au service
du pouvoir, de préférence absolu, pour transformer le monde".
Ou, à la fin : "Retour
à Buchenwald : le seul lieu au monde que les deux totalitarismes
du 20e siècle, le nazisme et le bolchévisme, auront marqué
de leur emprise".
Mais le plus original, et le plus touchant humainement dans ce livre,
à partir du traumatisme initial et de l'amnésie qu'il s'est
imposée, c'est l'évocation du long cheminement qui l'a conduit,
des décennies plus tard, à trouver enfin les mots et la
forme d'écriture qui lui convenaient pour témoigner à
son tour de cette "expérience concentrationnaire".
D'où le travail de déconstruction de la chronologie, qui
explore le champ de la mémoire et de l'oubli, des scènes
récurrentes et obsédantes : la première, inaugurale,
lors de la libération du camp, face aux trois officiers des forces
alliées - "Ils
sont en face de moi, l'il rond, et je me vois soudain dans ce regard
d'effroi : leur épouvante" -, l'appel dans
la cour du camp enneigé, la voix de l'officier SS "Krematorium
ausmachen", les dimanches de repos dans "les latrines"
avec les camarades, la mort de certains proches, le chant du kaddish d'un
juif agonisant, etc. Et des images purement sensorielles : l'odeur de
la chair brûlée, la pluie de cendres du crématorium,
comme les flocons de neige sur la fête du 1er mai
un ressassement
dans lequel le lecteur est lui-même happé.
Mais l'enjeu central de ce récit est commun à ceux des autres
survivants qui ont témoigné : "Le
malheur qui m'étreignait ne provenait d'aucun sentiment de culpabilité.
Pas de mérite à avoir survécu. Pas de mérite
à être vivant. Il n'y en avait aucun non plus à être
mort. C'était une question de chance. (...)
J'ai compris d'où venait la tristesse physique qui m'accablait
(...) c'est que je n'étais pas vraiment sûr d'être
là, d'être vraiment revenu". La tentation
de la mort est forte
Un beau passage fait aussi écho à l'impossibilité
où il s'est trouvé, comme d'autres rescapés, à
l'époque, de partager cette expérience indicible : "Odile
était d'évidence venue au monde pour y apporter de la joie,
de la vivacité. Elle n'y était pas venue pour écouter
les voix de la mort, ses murmures insistants. Encore moins pour les prendre
à son compte, les assumer, au risque de sa propre tranquillité
d'esprit, de son propre équilibre. Mais qui aura été
disponible, autour de nous, en ces temps-là du retour à
une écoute inlassable et mortelle des voix de la mort".
D'autres n'y résisteront pas comme Primo Levi. Mais Jorge Semprún,
lui, a trouvé dans l'amnésie et dans l'engagement militant
au côté des communistes une possibilité de renaissance.
Avant de rompre aussi avec cette idéologie mortifère.
L'écriture ou la vie est également un très
bel hommage au pouvoir des mots et de la littérature, nourri de
références et de citations (des poèmes, des chansons
qui ont pu nourrir son âme et son esprit dans ces moments dramatiques).
D'autant plus remarquable que cet auteur d'origine espagnole, devenu apatride,
a choisi notre langue pour son travail d'écrivain.
Je l'ouvre en très grand.
Jacqueline
Un ami psychologue m'avait offert ce livre à sa parution. De cette
lecture ancienne, je n'avais retenu que le rôle de soutien que peut
avoir la culture dans l'expérience concentrationnaire, quelque
chose d'un peu analogue à Proust
contre la déchéance que nous avions lu autrefois
À propos de ce que Semprún dit de Proust et de La Recherche,
j'ai beaucoup aimé ce que Claire a
mis sur le site : dans Le grand voyage, il est beaucoup
plus positif (bien qu'écrit auparavant, il se réfère
sans doute à une période postérieure) et nuance le
jugement premier, un peu abrupt qu'il donne dans L'écriture
ou la vie.
Le
grand voyage
avait bouleversé ma belle-sur qui y retrouvait les trains
du récit de son père, réfugié espagnol, déporté
à Neuengamme, pour acte de résistance dans les Landes.
Je suis très contente donc de l'avoir relu et sûrement différemment.
C'est une relecture à la lumière du temps qui a passé
et de la distance historique, qui apparaît dans les célébrations
de ces 80 ans. Dans mon avis sur La zone d'intérêt,
je
parlais d'Eysses où était mon père avant Dachau,
mais il y a eu aussi la panthéonisation des Manouchian
C'est
intéressant de lire un témoignage sur cette période.
Ma mère m'avait parlé du 1er mai 45 enneigé à
Paris. Pour Semprún, cette neige, c'est retrouver quelque chose
du camp.
J'ouvre en grand, malgré parfois une certaine fatigue
non pas des allers-retours présent/passé ou de la construction
très élaborée, mais de toutes les références
qui mériteraient qu'on s'y attarde : il y a cette culture de normaliens
et de polyglotte, tout le poids aussi d'une expérience d'engagement.
J'aimerais pouvoir approfondir. Ce monde de Semprún n'est pas exactement
le mien : c'est un monde où, imprégné de poèmes
on peut se les réciter, un monde de livres (il y a même une
bibliothèque à Buchenwald !), un monde où l'on peut
tenir des discussions philosophiques ou littéraires... J'aurais
bien voulu que Laura soit là pour m'expliquer Heidegger ou Wittgenstein.
Mais, un peu comme Semprún, elle se passionne maintenant pour la
poésie...
Je pense, maintenant, que l'on peut entendre le ou
du titre de plusieurs manières : j'avais retenu de ma première
lecture un ou inclusif : l'écriture,
c'est la vie. Parce qu'effectivement il me semble qu'il en est ainsi pour
Semprún. Mais Semprún insiste sur un ou
privatif : ne pas pouvoir écrire sur cette traversée de
la mort comme s'il y avait un choix à faire : "Il
me fallait choisir entre l'écriture et la vie, j'avais choisi celle-ci
(...) pour survivre." Survivre par ailleurs, ce n'est
pas exactement vivre !...
Une grande partie de ce livre parle de mort. Il y a le beau récit
des trois morts : celle du maître Halbwachs, celle de l'ennemi que
l'on tue (alors qu'il chante la Paloma et avec qui il faudrait pouvoir
partager une culture commune), celle de Morales le compagnon... Il y a
le chapitre du kaddish, la lente traversée du bloc où monte
par-delà un entassement de cadavres au regard mort (je pensais
aux images de Nuit
et brouillard), la prière d'un dernier agonisant et c'est
aussi, dans ce livre, la présence de la Shoah...
À côté de cette mort côtoyée, il y aussi
les enjeux de pouvoir comme avec le personnage de Nicolaï plus prosaïque
que le Pougatchev de La
fille du capitaine dont il n'a pas l'étonnante magnanimité,
mais aussi un portrait intéressant.
Pour conclure, j'ouvre en très grand.
Renée(à
l'écran depuis Narbonne)
Le propos de ce récit est de nous faire comprendre pourquoi Semprún
a été incapable d'écrire pendant 15 ans. Écrire,
c'était raconter à travers une fiction ce qu'il avait vécu
pendant sa déportation : donc rester dans ces souvenirs et exprimer
l'indicible, "à
n'être plus que le langage de cette mort, à vivre à
ses dépens, mortellement. (
) Seul l'oubli pourrait me sauver."
Le jeune homme qu'il était a choisi : il a choisi la vie, la vie
à 20 ans, ce sont les amours, les filles, les amis, la culture,
et l'action.
Ce texte s'apparente à l'écriture du "flux de conscience"
(comme chez Joyce), d'où des allers-retours permanents entre le
passé et le présent. Ceci ne m'a pas gênée,
mais j'ai été agacée par les nombreuses répétitions.
Bien entendu, dans sa tête, on ressasse, mais deux ou trois fois
les mêmes phrases, ça allonge inutilement un texte.
Semprún aime aussi étaler sa culture, qui est fort étendue.
Il est formidable, et il m'agace : il est trop parfait. Son attitude envers
les femmes est également déplaisante : sa culture espagnole
où l'homme est roi réapparait (n'oublions pas qu'à
l'époque seul les aînés hommes héritaient de
leur famille) : "un
grand con d'officier (...) est venu la reprendre. Elle avait l'air d'être
à lui."
Le plus intéressant, ce sont les passages où ils se demandent
comment ils pourront raconter la vie à Buchenwald, cette vie qui
"n'est pas aisément
crédible
Elle est même inimaginable
"
C'est uniquement par "l'artifice
de l'uvre d'art" qu'ils pensent y arriver.
Comment décrire ? "Il
faudrait une fiction, mais qui osera ?". Plutôt
un film ? Ou bien "les
récits littéraires (...) qui dépasseront le simple
témoignage, qui donneront à imaginer (
) L'enjeu en
sera l'exploration de l'âme humaine dans l'horreur du Mal".
Cependant j'ai appris des choses, donc j'aime bien ça.
Ainsi, les officiers américains ont quasiment obligé les
habitants de Weimar à visiter le camp, alors que des montagnes
de corps n'avaient pas encore été ensevelis. En 1945, Buchenwald
a été rouvert par l'URSS de Staline et le KGB.
J'ouvre aux ¾.
Clarisse(présente
pour la première fois)
Ma lecture a été continue, complète
et rapide, en une semaine.
C'est une découverte, je ne savais rien du livre ni de l'auteur.
Je pensais qu'il s'agissait d'une traduction, que je trouvais excellente...
Même si les vies ne sont pas comparables, j'avais l'impression de
me reconnaître dans le livre : mêmes études et culture
que ce jeune homme ; bon, je n'ai pas été torturée
- si ce n'est par mes parents ; et dans mon métier, j'ai affaire
à la compréhension du traumatisme.
Ce qui m'a frappée, c'est non pas une description de l'horreur
des camps, mais du sentiment d'un être humain qui vit dans les camps.
J'ai retenu l'importance de la chance dans la survie.
L'écriture ou la vie ? Comment survivre à l'horreur ? Comment
renouer avec la vie sans se perdre soi-même ? Comment intégrer
ce psychotraumatisme ? Pour évoquer ces questions de fond, la forme
est une écriture magnifique : c'est presque tragique de décrire
aussi magnifiquement le mal. Avec l'omniprésence de l'odeur de
chair brûlée, de la fumée, des oiseaux, de la neige,
du jazz. Et le visage de Levinas. Le regard.
La narration fait l'aller-retour entre plusieurs temporalités,
pendant le camp, avant le camp, après le camp. J'ai beaucoup aimé
ce style sautillant, très pertinent parce qu'il témoigne
aussi de l'effet de l'horreur sur la mémoire. L'auteur essaye de
situer les moments, de se souvenir mais il n'y arrive pas. À la
fin, c'est la seule chose qui m'a un peu lassée : surtout lorsqu'il
nous dit qu'il ne va pas nous raconter certains passages et en fait il
le fait.
Venant pour la première fois dans le groupe, je me suis dit :
vraiment ce groupe a bon goût... J'ouvre
en très grand deux fois !
Brigitte(à
l'écran)
C'est le troisième livre assez horrible que nous lisons après
La zone d'intérêt et L'enfant
brûlé : où allons-nous ?
Pourtant, l'écriture fait que ce livre m'a beaucoup plus plu que
les deux livres précédents. Nous avions lu dans le groupe
La deuxième mort de Ramón Mercader de Semprún,
que j'avais moins apprécié que celui-ci.
L'écriture ou la vie est un livre de philosophie.
Le but de l'auteur est d'expliquer que l'expérience de grande proximité
avec la mort qu'ont vécue les "survivants", ceux qui
sont revenus des camps de concentration, est terriblement difficile à
transmettre à ceux qui ne l'ont pas vécue. L'auteur-narrateur
passe à peu près 18 mois au camp de Buchenwald (de septembre
1943 à avril 1945) alors qu'il a une vingtaine d'années.
C'est cette expérience qu'il tente de transmettre ici. Il l'a vécue,
alors qu'il était jeune, en bonne santé et parlait allemand.
Selon lui, si ces trois conditions étaient remplies, on avait un
peu plus de chances de survivre, ce fut son cas.
Pour s'adresser à ses lecteurs, il a recours à une écriture
qui n'est pas abstraite, il n'emploie pas de mots compliqués ;
son texte est toujours facile à comprendre. En fait, c'est un ouvrage
de philosophie qui met le lecteur dans la position théorique qu'il
souhaite évoquer, mais ne s'exprime jamais dans le langage technique
de cette discipline. L'exploit de l'auteur est de nous rendre accessibles
des concepts subtils. C'est vraiment exceptionnel et j'apprécie
beaucoup.
Dans les mois qui suivent immédiatement la libération des
camps, il renonce à écrire par crainte de sombrer dans un
marasme proche du risque suicidaire. Il attend que son propre équilibre
psychologique soit devenu capable d'affronter la mémoire de tous
ces épisodes dramatiques. Il tient aussi compte de la situation
mentale de celui à qui il s'adresse : il laisse passer plusieurs
années pour que le phénomène des camps soit entré
dans l'histoire commune des pays occidentaux.
Le déroulement de son récit est fait de diverses péripéties
reprises un peu différemment chaque fois ; elles décrivent
très adroitement le fonctionnement de sa mémoire. Nombreuses
sont les références à la littérature et à
la poésie de ces années d'après-guerre, qu'il manie
avec une grande aisance, au profit du récit.
J'ai cependant une petite réserve : cet ouvrage laisse de côté
la description des personnages parfois très déplaisants,
qui, eux aussi, peuplaient les camps.
Pour terminer, je précise que j'avais alors 4 à 5 ans. Comme
pour Jacqueline, il y avait autour de moi des gens qui rentraient des
camps. Ainsi, cette époque n'est pas pour nous seulement de l'histoire.
J'ouvre en grand.
Catherine entreet
Je l'avais déjà lu il y a longtemps. J'avais gardé
le souvenir d'un grand livre. Je me souvenais du début, le regard
de Semprún suscitant l'effroi des officiers qu'il croise, du vieux
Juif chantant le kaddish pour lui-même, pas très bien de
la suite.
Je l'ai donc relu et je garde globalement le même avis. J'ai aimé
le fond et j'ai aimé la forme. Ça ne se limite pas à
un témoignage, à une description de la vie de Buchenwald,
c'est bien plus que cela ; mais il y a beaucoup de scènes poignantes,
outre celles que je viens de citer, la mort de Maurice Halbwachs, le témoignage
du survivant du sonderkommando, la scène finale au cours de laquelle
Semprùn apprend que le détenu qui l'enregistre n'a pas noté
"étudiant" mais "stucateur" et lui a ainsi
sauvé la vie. C'est un livre riche en réflexions sur l'expérience
de la mort vécue, la mémoire, la difficulté du retour
à la vie, la nécessité pour Semprùn de choisir
entre vivre et écrire ses souvenirs qui lui impose d'attendre des
années, la nature du Mal, la difficulté de transmettre une
expérience telle que celle des camps et la possibilité de
l'entendre pour ceux qui ne l'ont pas vécue. Toutes ces problématiques
m'ont à la fois touchée et intéressée. Tout
ce qui concerne la mémoire est particulièrement bien évoqué
: les cauchemars récurrents, la neige, qui le renvoient à
Buchenwald, lui donnant l'impression que sa vie est un rêve et que
seul le camp est réel.
De façon peut-être plus anecdotique, j'ai trouvé intéressant
l'aperçu que Semprùn nous donne sur le fonctionnement de
Buchenwald. Ça n'est pas un camp d'extermination, il n'y a d'ailleurs
pas de Juifs sauf à la fin, ceux qui sont évacués
d'Auschwitz ; on y découvre la fraternité entre les déportés,
les dimanches avec l'importance de la culture, de la musique. J'ai apprécié
le fait que ça ne soit pas un récit linéaire, qu'il
y ait des va-et-vient, des digressions littéraires, philosophiques,
un mélange entre le présent et le passé ; on
suit le cheminement de sa pensée et c'est toute l'originalité
de ce livre.
J'ai tout de même quelques réserves. J'ai trouvé le
livre parfois un peu trop érudit, sans doute parce que, n'ayant
pas fait d'études littéraires, je ne le suis pas assez,
mais ça m'a semblé par moment un peu gratuit et superflu.
D'autre part, j'ai trouvé Semprùn parfois un peu complaisant
avec lui-même.
Malgré ces réserves, au final, c'est un livre important,
marquant, très bien écrit. J'ouvre entre ¾ et en
entier.
Françoise
Je l'avais lu déjà et j'avais été éblouie.
Je me souvenais de cet éblouissement. C'est l'écriture qui
m'avait éblouie.
C'est important comment il explique le lien - pour lui - entre l'écriture
et la vie ; il a eu cette intuition qui l'a maintenu du côté
de la vie. Et il l'explique magistralement. J'ai beaucoup pensé
à Primo Levi. On pense souvent qu'écrire libère.
Eh bien non : quand on pense à Primo Levi qui s'est suicidé.
Lui il l'a senti.
Oui, il y a de l'érudition, mais je n'ai pas trouvé cela
pédant. C'est vrai, c'est un intello pur, mais il me ramène
à un milieu, une époque que j'ai connus, non pas de près,
mais de ma jeunesse.
Parfois il se répète, il est un peu bavard : j'ai envie
de lui dire ça tu l'as déjà raconté, ça
va bien !
Mais globalement je suis très admirative.
Oui, il s'appesantit un peu sur ses conquêtes féminines.
Mais il était très beau, il avait beaucoup de charme et
était séducteur, je me serais laissé séduire
J'ouvre en grand. Ce livre fait partie de ceux qui ont fait date. Et ça
n'a pas vieilli d'un gramme. On le prend dans l'estomac.
Monique L
Un vrai plaisir de lecture dès le tout début.
J'ai trouvé le ton très juste lorsqu'il parle de sa vie
à Buchenwald. Il décrit avec pudeur tout ce qui faisait
le terrible quotidien de la vie d'un camp de concentration.
Un moment très marquant, c'est lorsqu'il prend conscience à
travers le regard des officiers britanniques de son apparence presque
cadavérique.
J'ai particulièrement apprécié de suivre le cheminement
de la pensée de l'auteur, avec ses redondances, ses digressions,
ses sauts incessants dans sa mémoire. Cela ne rend pas la lecture
très facile, mais tellement riche et convaincante.
Après avoir partagé son expérience, Jorge Semprún
analyse son besoin d'écrire pour ne pas oublier. Il n'a pas pu
le faire à la sortir du camp, car cela le replongeait trop dans
la mort et l'horreur. Il avait alors adopté une stratégie
de survie consistant à ne rien lire, ne rien écrire sur
le sujet honni, à rechercher la compagnie de personnes ignorant
tout de ce passé maudit et tenter de devenir un autre. Il n'a pu
écrire ce livre que plus de 40 ans après la libération
du camp. C'est sans doute ce recul qui explique un tel livre. Jorge Semprún
se rend compte qu'il ne peut donc pas raconter Buchenwald car ses interlocuteurs
ne le comprennent pas ou le comprennent mal. Il essaie de trouver une
nouvelle façon de parler quand même de cette expérience
obsédante.
Dans cette seconde partie du livre, Semprún évoque le devoir
de mémoire et explique comment sa vie restera à jamais marquée
par les démons de son passé. Il explique comment la sensation
d'être traversé par la mort l'accompagne régulièrement.
Il est hanté par des images qui surgissent même aux moments
de bonheur : la neige qui tombe sur Buchenwald, l'odeur de la fumée
du four crématoire, la mort de ses amis, le petit camp...
J'ai été conquise par l'érudition et
la hauteur de vue de l'auteur. Tout au long du récit, les évocations
de la littérature, de la philosophie, de la poésie m'ont
intéressée, même si j'ai été gênée
par ma méconnaissance de l'allemand. Heureusement qu'il y a des
traducteurs sur internet...
La découverte sur le tard de l'aide que lui a apportée le
communiste allemand, en ne l'inscrivant pas comme étudiant, est
émouvante.
J'ai eu l'impression d'écouter Semprún réfléchir
à haute voix, d'être à ses côtés. C'est
un récit magnifique, Semprún a trouvé la bonne façon
de raconter l'indicible.
J'ouvre en entier.
Rozenn(à
l'écran)
Je l'avais déjà lu et j'ai soutenu ce choix.
Je me souvenais d'une construction spiralée. Mais ce sont plutôt
des spirales et non une seule. J'aime comment il revient, car c'est
comme cela quand on cherche à se souvenir, on s'accroche à
des choses et on y revient.
Je suis actuellement dans un grand trip Shoah. Je devrais être à
Auschwitz ce week-end. Je n'aime pas les tombes, les mémoriaux,
les commémorations. C'est sec, froid et dur. Et là, parce
que c'est écrit comme c'est écrit, ça permet de ressentir
des choses.
J'ai écouté des interviews et je le trouve insupportable.
Il n'a aucune chance de me séduire. Trop macho.
Dans la deuxième partie, il y a un certain étalage.
Je regarde une série documentaire en quatre épisodes sur
Arte : Exterminez
toutes les brutes (phrase prononcée par un personnage du
récit de Joseph Conrad Au cur des ténèbres).
C'est construit de la même façon sur des sujets analogues.
C'est certes complétement woke, l'accusé c'est le monde
occidental. Mais j'en parle, parce que c'est la même construction
pas linéaire, d'évocation avec des associations et des reprises.
La grande force de conviction ne vient pas du linéaire et de l'argumentatif,
mais c'est comme si on était à côté, ça
rend très vivant, ce n'est pas distancié.
Et je lis aussi Le
grand voyage
qui n'est pas linéaire non plus : c'est
moins fort, mais super.
J'ouvre en très grand, c'est un livre important concernant l'écriture
et la mémoire.
Et oui, il y a des scènes fabuleuses. Et on passe d'un livre à
l'autre.
Jérémy entre et
Avant la lecture
J'avais acheté ce livre il y a quelques années dans la librairie
"La Parisienne" à Saint-Raphaël, un indescriptible
capharnaüm dont je vous recommande la visite si vous passez dans
le coin. J'y ai acheté il y a quelques jours La
mort est mon métier de Robert Merle dont vous aviez parlé
à propos de La
zone d'intérêt. C'est donc ma librairie "spéciale
Shoah". J'étais impatient de lire ce livre qui m'attendait
sur son étagère depuis un bout de temps.
Après la lecture
Au moment de rédiger mon avis, je pense à ces mots de Christophe
Bourseiller à propos du film Une famille de Christine Angot
dans Le Masque et la plume : "C'est
pas un film, c'est un reportage sur la souffrance d'une femme. Qui suis-je
pour juger de la souffrance d'une femme ? " Je me suis
un peu posé la même question : n'y a-t-il pas quelque chose
d'incongru, voire d'un peu indécent à dire "j'ai aimé",
"je n'ai pas aimé" à propos de ce livre ? Et puis
finalement non, après tout c'est une uvre présentée
au public et qui donc par ce seul fait s'expose à la critique.
Ce qui m'a intéressé et plu dans l'uvre :
- L'explicitation du titre : l'auteur explique pourquoi il a mis tant
de temps à écrire et pourquoi, pendant si longtemps, il
ne pouvait écrire que sur l'avant ou sur l'après, mais pas
sur le "pendant". J'ai trouvé intéressante cette
réflexion sur l'amnésie délibérée qu'il
a choisie pour pouvoir survivre, sur le refus d'écrire pour
se protéger et ne pas sans cesse revivre cette expérience
mortifère. Pour autant, j'ai trouvé les explications un
peu redondantes : il revient à plusieurs reprises sur le sujet
par des voies détournées et avec des mots différents,
mais au bout d'un moment, "on a compris".
- La thématique du regard : celui des trois officiers horrifiés
par son regard d'outre-tombe, la manière dont une femme qu'il séduit
reçoit le regard qu'il pose sur elle : "Je
l'ai regardée, elle avait les yeux grands ouverts. (...) Mais elle
s'est agitée soudain, elle devenait fébrile. - Ne me regarde
pas comme ça, a-t-elle dit dans un souffle. Je ne la regardais
pas comme ça. Je la regardais, sans plus." (p.
143). Et enfin le regard des déportés, qui m'a fait
penser à ce qu'en dit également le Sonderkommando Szmul
dans La zone d'intérêt : "Depuis
bientôt deux ans, je vivais entouré de regards fraternels.
Quand regard il y avait : la plupart des déportés en étaient
démunis. Éteint, leur regard, obnubilé, aveuglé
par la lumière crue de la mort."
(p. 29)
- Certains passages, vraiment très beaux, dont certains ramènent
encore à cette question du regard :
"De semaine en semaine,
j'avais vu se lever, s'épanouir dans leurs yeux l'aurore noire
de la mort." (p. 31)
"Nous étions
passés, Albert et moi, gorge serrée, marchant le plus légèrement
possible dans le silence gluant. La mort faisait la roue, déployant
le feu d'artifice glacial de tous ces yeux ouverts sur l'envers du monde,
sur le paysage infernal." (p. 41)
"Je n'étais rien
d'autre, pour l'essentiel, qu'un résidu conscient de toute cette
mort. Un brin individuel du tissu impalpable de ce linceul. Une poussière
dans le nuage de cendre de cette agonie. Une lumière encore clignotante
de l'astre éteint de nos années mortes."
(p. 161)
Quelques réserves :
- Il y a un côté trop distancié, trop intellectualisé
et intellectualisant. Je pense que cela s'explique par le fait que le
livre a été publié près de 50 ans après
la libération de Buchenwald. Je pense que ce n'est pas tout à
fait le livre que j'attendais et auquel je m'attendais. J'aurais peut-être
préféré Le
grand voyage.
Ici, on en revient finalement à ce qu'il dit sur son blocage au
moment de décrire le "pendant" car on se situe soit dans
l'après, soit juste au moment de la libération, mis à
part ce qui concerne la description des dimanches et celle de l'agonie
de Halbwachs et de Maspero. Le seul moment où j'ai été
réellement ému est celui, page 381, où il explique
que ce n'est pas la profession "Student" qui a été
inscrite sur sa fiche d'enregistrement au moment où il est arrivé
dans le camp, et que c'est certainement ce qui lui a épargné
le camp de Dora et lui a sauvé la vie.
- Certaines fioritures, des coquetteries, des préciosités
et des jeux de mots de khâgneux. Par exemple à propos de
la décision qu'il a prise de ne pas écrire pour survivre
: "Ou plutôt,
c'est là que j'avais commencé à la prendre. Mieux
encore : qu'elle avait commencé à être prise, à
se prendre, sans que j'eusse à intervenir pour infléchir
le cours des choses. À prendre, donc, comme on dit de la glace
qu'elle prend ; à cristalliser, comme on dit d'un sentiment qu'il
cristallise." (p. 270) J'ai vraiment
eu l'impression de me retrouver en face de mon prof de khâgne, qui
était très friand de ce genre de jeux de mots un peu ampoulé
et puéril. J'ai également été un peu agacé
par des fioritures du type "Je veux dire", "Ou
plutôt". J'ai l'impression qu'il cherche devant nous la
formule juste. Mais il est écrivain et il a mis presque 50 ans
à écrire ce livre. J'estime qu'il a eu largement le temps
de trouver les mots idoines et je n'ai pas envie qu'il me fasse visiter
son arrière-cuisine.
- Certains passages non traduits. J'ai trouvé cela dommage car
il y a tout de même beaucoup d'extraits de poèmes en allemand
et j'ai eu l'impression de manquer quelque chose.
En revanche, contrairement à certain.es, je n'ai pas été
gêné par les multiples références, au contraire.
Pour moi, ce qui compte est qu'elles soient bien amenées, à
propos et utiles. Je crois que c'est presque toujours le cas. Par ailleurs,
je ne peux pas reprocher à un auteur d'être plus cultivé
que moi et de développer des références que je n'ai
pas et qui seraient donc excluantes. Si je ne suis pas assez cultivé
pour tout comprendre, tant pis pour moi. Je prends au contraire les références
comme des cadeaux, de nouveaux horizons qui s'ouvrent : La
trêve de Primo Levi, Charlotte
à Weimar de Thomas Mann, etc.
J'ouvre entre ½ et ¾.
Rozenn, réagissant à un exemple de jeux de mots khâgneux
(voir le passage ici)
Je trouve que la glace qui prend, ce n'est pas une coquetterie. C'est
tout à fait ce que je ressens quand on prend une décision.
Claire
Je ne connaissais
pas grand-chose de Semprún, quand nous avons envisagé de
le lire sans avoir encore fixé de titre (j'ignorais avant que Brigitte
ne le rappelle que nous avions lu un livre de cet auteur dans le groupe
et j'ignorais que je l'avais lu...). J'ai vu alors le documentaire
sur Arte sur Semprún qui m'a beaucoup impressionnée
par son parcours stupéfiant et j'ai commencé à lire
Adieu,
vive clarté, espérant échapper à un
livre sur les camps, avec un récit de formation à travers
des lectures, des rencontres, la découverte de Paris. J'ai été
immédiatement frappée assez agréablement par l'aspect
non chronologique et le ton, retrouvés tous deux ici. Mais j'ai
vite dû le lâcher, et c'est en traîant les pieds que
je me suis dirigée vers Buchenwald.
Mais bon, j'ai trouvé que cette lecture était plutôt
une promenade allègre. J'ai trouvé le ton assez léger
et les poses avantageuses. Vous comprendrez que j'ai ressenti un zest
d'agacement. Le narrateur est en première ligne, certes, mais on
dirait qu'il est seul à régner dans le camp, notamment quand
parmi les libérateurs le lieutenant Rosenberg, que j'imagine beau
et fringant, arrive pour causer littérature et philosophie et faire
une petite visite touristique chez Goethe. Jorge a la pêche, nulle
allusion à une petite faiblesse physique après ce séjour
au camp pendant plus d'un an.
J'ai lu le livre en moins de deux heures en sautant des passages, oui,
en lecture très rapide... : je ne ressentais pas la sacralité,
le ton me démotivait.
J'ai trouvé intéressant et agréable le tissage souligné
par Sabine.
Je n'ai pas trop compris le rôle de Semprún dans le camp
et des lectures complémentaires (notamment la première biographie
assez récente disponible en France L'écriture
et la vie - admirez le et), m'ont éclairée
sur le fait qu'il faisait partie d'une sorte de nomenklatura communiste
et qu'il recevait des colis de sa famille (tant mieux pour lui).
Outre la scène avec le maître qui meurt dans ses bras, je
donne un exemple de son ton qui me permet, à côté
de vos admirations, de me sentir out : "Ainsi,
le regard fou, dévasté, qui avait provoqué le malaise
chez trois officiers d'une mission
alliée, le 12 avril 1945, à Buchenwald, à l'entrée
d'un bâtiment administratif de la division S.S. Totenkopf, où
se trouvaient des dossiers qu'ils voulaient consulter, ce regard me donnerait
accès à la beauté des femmes, à leur tendresse,
leur fougue et leur langueur, qui ont rendu mon âme de nouveau habitable.
Du moins pour quelque temps et par intermittence. De quoi emmagasiner
le souvenir de quelques minuscules bonheurs déchirants. J'en jouai
sans scrupules, ayant découvert ce pouvoir."
Ce n'est pas le contenu, c'est la manière distanciée qui
me met à distance : "ce
regard me donnerait accès à la beauté des femmes",
ça ne passe pas bien...
J'ai trouvé intéressante l'étude
de Corinne Benestroff qui a en tant que psychologue travaillé
sur le lien chez Jorge Semprún entre résistance et résilience
et qui met en relief la figure de style représentative de la résilience
(résilience dont Semprún est un magnifique représentant)
: l'oxymore, qui donne un titre à un livre du spécialiste
de la question Boris Cyrulnik Un
merveilleux malheur. Des exemples dans notre livre : "patrie
étrangère", "éblouissante pourriture",
"cadavres vivants". Je terminerai donc par un oxymore de Semprún
que j'ai relevé à propos des femmes :"Chacune
d'entre elles réveillait en moi la mort que je voulais oublier,
mais dont le sombre rayonnement était
à l'origine de ces plaisirs", phrase qui accompagne
pleinement ma déception admirative.
Quant aux nombreuses références culturelles, elles apportent
un décorum. Puisqu'il en parle dans le livre, j'ai beaucoup aimé
découvrir la Lettre
sur le pouvoir d'écrire que lui a écrite sa copine
Claude-Edmonde Magny avec une densité étouffante de références,
c'en devient presque comique.
J'ouvre ½ par respect pour tout ce que vous avez dit d'élogieux...
Je suis la seule présente ce soir à être si futile
et réticente. Par contraste, j'invite à lire ci-dessous
l'avis de José Luis, à la phrase
proustienne, passé de l'enthousiasme à l'acerbe relecture.
Le
groupe
de Tenerife Nieves,
outre son avis, donne la note d'ambiance. |
Nieves
Pour moi, cette lecture a été dense et complexe, due au
type d'écriture circulaire où l'auteur fait et refait des
détours tout le temps, certains passages revenant à plusieurs
reprises au long du récit. Pourtant, cela n'a pas l'air d'être
un hasard, mais la volonté de Semprún de voir et de revoir
certains aspects de sa vie qui l'ont marqué en particulier, et
qui lui ont servi à écrire L'écriture ou la vie,
un des livres qu'il a écrit sur son séjour à Buchenwald,
tâche qui lui a pris plus de quarante ans
Ainsi donc, dans la première partie, on assiste à la lutte
intérieure de quelqu'un qui est passé par un camp nazi et
un jour, sans trop y croire, on lui dit qu'il peut retourner à
la vie, à sa vie quotidienne de jeune et brillant étudiant
à Paris où les amis, les lectures et le débat politique
sont ses activités habituelles. Pourtant, ce retour à la
vie n'est pas évident du tout, car ce qu'il ressent ce n'est pas
"d'avoir échappé
à la mort, mais de l'avoir traversée (ou) d'avoir plutôt
été traversé par elle".
Comment peut-on transmettre cette expérience si poignante aux gens
qui ne l'ont pas vécue ? Parce que dans ce trou des horreurs qui
est Buchenwald, il y a aussi des relations humaines : "Nous
tous qui allions mourir avions choisi la fraternité de cette mort
par goût de la liberté", donc, on est capable
de fraterniser dans les latrines en échangeant des paroles, en
respirant la pudeur répugnante des déchets humains, on est
capables de réciter un poème, d'évoquer une musique,
difficile à transmettre cette expérience invraisemblable
D'où l'incapacité de retourner à la routine de la
vie en venant de quitter la mort, en ayant été "traversé
par elle". Non, ce n'est pas facile de revenir aux plaisirs
d'avant, car quand il essaie de le faire, il sent qu'ils ne l'ont pas
rattaché à la vie, ils "m'en
ont au contraire éloigné... renvoyé dans la mémoire
de la mort".
C'est cela qui constitue l'axe narratif du récit. En effet, oublier
le vécu dans le camp va être un dilemme permanent qui va
continuer à le tourmenter jusqu'à la fin de l'ouvrage, puisqu'il
ne se sent pas vraiment impliqué dans la soi-disant vie ordinaire
d'avant, sa tête revenant tout le temps à Buchenwald sur
quoi il voudrait, d'une part, écrire, expliquer les horreurs vécus
pour s'en libérer, et, d'une autre, trouver l'état d'esprit
approprié et la "formule
adéquate" pour le faire, question très ardue
aussi.
La conclusion à laquelle il arrive finalement, c'est, donc, que
"la vérité
essentielle de l'expérience du camp n'est pas transmissible ...
ou plutôt, elle ne l'est que par l'écriture littéraire,
par l'artifice de l'uvre d'art, bien sûr".
On est devant un texte décrivant des va-et-vient entre OUBLIER
ou NE PAS OUBLIER pour s'en débarrasser ou même pour essayer
de faire comprendre aux autres l'horrible expérience d'être
passé par un camp de concentration.
Mais on peut aussi imaginer que, par rapport à d'autres camarades
du camp, pour lui il y a une autre difficulté à s'adonner
à pleine joie aux plaisirs de la vie du fait que lorsque ceux-ci
retournent à la patrie après la libération, lui,
il n'a pas de patrie - "ma
seule patrie est le langage, dit-il" - donc, il ne peut
pas être rapatrié étant espagnol et d'ailleurs il
se dit "De risquer ma
vie... l'enjeu n'en avait jamais été la patrie".
Cela dit, L'écriture ou la vie est un long parcours où
après avoir été libéré, il va continuer
à subir les aléas de la vie (rencontres avec des amis, des
femmes, des intellectuels, des endroits déjà connus
)
où, cependant, le retour au camp revient ponctuel et régulièrement,
jusqu'au moment où il commence enfin à écrire le
texte longtemps après, juste après avoir quitté la
militance dans le parti communiste.
Et à propos de son engagement politique, il est vrai que ses allusions
à cette époque ont un sens spécial pour les Espagnols,
étant donné que la lutte contre la dictature de Franco a
été menée avant tout par le parti communiste où
Semprún a été l'un des dirigeants les plus importants.
Or, dans le livre, surtout à la deuxième partie, il y évoque
son adhésion au parti, son époque de clandestin sous le
nom de Federico Sánchez et son exclusion à la suite d'un
entretien avec Dolores Ibarruri à Prague. C'est juste à
partir de ce moment qu'il va se consacrer au métier d'écrivain
: "j'ai abandonné
la peau de serpent de la vie clandestine pour entrer dans la peau tout
à fait publique de l'écrivain." Cela a été
une libération que lui a permis cette fois-ci de trouver la formule
littéraire pour rédiger L'écriture ou la vie.
Bref, livre d'un intellectuel à culture exceptionnelle dont les
livres, comme celui-ci, aident le lecteur à réfléchir
sur des sujets multiples, mais livre aussi d'un témoin et acteur
des événements du XXe siècle où l'Europe a
vécu des secousses importantes dont leur souvenir nous effraye
encore aujourd'hui, étant donné qu'on assiste à de
nouvelles secousses annonçant de nouveaux bouleversements dans
le monde.
Invitée par Claire à préciser mon avis, j'ajoute
que ce que j'ai aimé, ce sont les passages plus philosophiques,
les passages invitant la réflexion et les pages consacrées
à son étape communiste.
José Luis
J'ai lu L'écriture ou la vie pour la première fois
lors de la sortie du roman, il y a une trentaine d'années, et j'avais
gardé, de cette lecture, un souvenir éblouissant. Pourtant
cette nouvelle rencontre avec le roman de Jorge Semprún a été
souvent une épreuve, et là où autrefois j'avais trouvé
des qualités, j'y ai trouvé souvent des défauts.
Cela est sans dû à l'évolution des modes d'écriture,
d'une part (celle de Semprún apparaissant à l'époque
- par ses répétitions, ses digressions, ses allers-retours
et ses exercices d'explicitation du travail d'écriture jusqu'à
en lui donner parfois un certain air de working in progress -
d'une grande modernité, aujourd'hui elle a pour moi, une apparence
vieillie et, donc, sans aucune capacité de surprendre positivement
un lecteur plus ou moins averti), et, de l'autre, à ma propre évolution
personnelle qui ne me permet plus d'admirer, comme jadis, l'exhibition
épatante que l'auteur fait de ses connaissances littéraires
et culturelles, non seulement des uvres, mais aussi des auteurs
eux-mêmes, et de son action politique, au point que je n'y vois
plus qu'un exercice de vanité.
En effet, j'ai l'impression que Semprún semble avoir un malin plaisir
à épater ses lecteurs par l'étendue de ses connaissances
et de ses contacts et par son domaine des langues étrangères
qu'il jette à la figure des lecteurs dans moultes citations dont
il ne donne ni les références ni les traductions. Et puis
il y a cet événement central dans le livre, sur lequel il
revient sans arrêt, de la mort de Halbwachs (éminent psychologue
et sociologue d'obédience durkheimienne, qui était l'un
de ses camarades - mais pas n'importe lequel, puisqu'il est cité
dans le livre plus d'une cinquantaine de fois - dans le camp de la
mort de Buchenwald, près de Weimar), qu'il aurait accompagné
jusqu'au dernier moment de son humiliant trépas. Le récit
de ce fait dégage une puissante émotion, en même temps
qu'il donne à penser au rôle consolatrice - discutable !
- de la culture. Je le reprends ici, dans sa version la plus complète
:
Il a soudain ouvert les yeux. La détresse immonde, la honte de son corps en déliquescence y étaient visibles. Mais aussi une flamme de dignité, d'humanité vaincue mais inentamée. La lueur immortelle d'un regard qui constate l'approche de la mort, qui sait à quoi s'en tenir, qui en fait le tour, qui en mesure les risques et les enjeux, librement, souverainement.
Alors, dans une panique soudaine, ignorant si je puis invoquer quelque Dieu pour accompagner Maurice Halbwachs, conscient de la nécessité d'une prière, pourtant la gorge serrée, j'ai dit à haute voix, essayant de maîtriser celle-ci, de la timbrer comme il faut, quelques vers de Baudelaire. C'est la seule chose qui me vienne à l'esprit :
Ô mort, vieux capitaine, il est temps, levons l'ancre
Le regard de Halbwachs devient moins flou, semble s'étonner. Je continue de réciter. Quand j'en arrive à "nos curs que tu connais sont remplis de rayons", une mince frémissement s'esquisse sur les lèvres de Maurice Halbwachs.
Il sourit, mourant, son regard sur moi, fraternel.
Que doit-on penser, comment juger ce passage qui a été
écrit - par quelqu'un qui avait été disciple de Halbwachs -
sans doute pour embellir la mort qui n'a pu être qu'immonde de son
maître
et pour s'embellir soi-même, alors jeune futur
écrivain, sans encore le savoir quand il raconte le fait presque
cinquante ans après avoir eu lieu ? Que c'est un morceau de littérature
qui n'a pas dû avoir grande chose avec la réalité
! Un morceau de littérature et un geste de vanité.
Je suis là de l'avis de François Maspero, qui dans son très
beau livre Les
abeilles & la Guêpe dédie quelques pages (lui
qui était bien placé pour le faire, puisque son propre père
- important sinologue et orientaliste - est mort aussi à
Buchenwald, que Semprún cite au passage et puis s'oublie de son
sort) à ce moment de L'écriture ou la vie, dont je
me contenterai de citer quelques lignes :
Mais enfin quand même, il faut que je le dise aussi et, je sais, oui, je n'en ai pas le droit peut-être, mais enfin quand même, depuis que j'ai lu ces lignes de Semprún, trois ans déjà, je m'interroge et je me répète : n'est-ce pas trop beau ? Non que je doute de son récit, ou du moins je ne doute de ce qui fonde ce récit, de ce qui lui donne son sens, même si j'ai quelques raisons de douter de sa stricte véracité en tant que témoignage consigné comme le serait un procès-verbal - mais j'accorde à Semprún le droit d'affirmer comme il l'a fait : "À quoi bon d'écrire des livres si on n'invente pas la vérité ? Ou, encore mieux, la vraisemblance ?" Non, mon interrogation n'est pas là. Elle est : et les autres ? Tous les autres ?
Tous les autres, et en particulier Henri Maspero qui occupait le grabat qui côtoyait celui de Halbwachs :
Parce qu'enfin nous voyons bien, nous les lecteurs, Semprún penché fraternellement sur Halbwachs, nous voyons bien le sourire fraternel de Halbwachs, nous entendons bien les vers de Baudelaire, et peut-être, en tendant l'oreille, le souffle de Halbwachs. Mais moi, qui vois cela, je ne distingue rien d'autre, sinon une forme vague, couchée à côté de Halbwachs, qui doit voir et entendre aussi, et dont nul ne m'a dit s'il a eu, lui aussi, un sourire fraternel.
Quant au récit de Semprún - qu'il présente
sous formes différentes, plus brèves, et parfois seulement
de manière implicite le long du roman - il est, en effet,
trop beau, trop enjolivé, trop littéraire, et donc fictionnel,
pour être vrai.
Et c'est ce même type de gestes, que je dirai élitistes,
que j'ai rencontrés souvent, par rapport aussi à d'autres
événements, dans ma relecture de L'écriture ou
la vie. Gestes élitistes auxquels, pourtant - immature
encore, malgré mon âge, et trop près aussi, par le
temps et par la pensée, de mon étape politique de lutte
contre la dictature franquiste - je m'étais identifié
dans ma première rencontre avec ce roman qui, sans laisser de m'intéresser,
est loin aujourd'hui de me sembler, comme ce fut le cas autrefois, un
chef-d'uvre.
J'avais décidé de terminer mon rapport de lecture par ces
mots, mais une démangeaison qui m'a accompagné depuis le
commencement de la lecture, depuis le titre, pour être précis,
m'en empêche. C'est que je n'arrive pas à m'en départager
sur le sens de ce titre : L'écriture ou la vie. S'agit-il
d'une identification de l'une, l'écriture,
avec, l'autre, la vie, ou plutôt
d'un choix à faire entre, l'une et l'autre ? Je n'ai pas ici l'espace
pour être ni plus précis ni plus explicite. Mais, selon la
réponse qu'on donne à la question tout le sens du livre
change.
Lire ou plutôt consulter |
- Wikipédia détaille longuement vie
et uvres littéraires et cinématographiques
ici.
- Cliquez pour voir tous ses livres publiés
chez les éditeurs suivants :
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(surtout), Grasset,
Flammarion,
Fayard.
Écouter sur France Culture |
- À voix nue, par Jean Lacouture, 5 entretiens
avec Jorge Semprún
de 27 min, du 20 au 24 mai 1996 :
entretien 1/5 : Des
souvenirs politiques et historiques
entretien 2/5 : De
l'exil à l'engagement politique
entretien 3/5 : Survivre
au fascisme de Buchenwald
entretien 4/5 : La
Culture comme ministère
entretien 5/5 : Au
service du 7e art.
Ces entretiens ont été publiés : Si
la vie continue... : entretiens avec Jean Lacouture, Grasset,
2012.
- La Compagnie des uvres, par Matthieu Garrigou-Lagrange,
4 épisodes de 58 min, du 20 au 23 février 2017 :
épisode 1/4 : Le
ministre de personne
épisode 2/4 : La
mémoire Loubli
épisode 3/4 : De
la Résistance à la résilience
épisode 4/4 : Jorge
Semprún, de l'écriture au cinéma.
Regarder des documentaires |
Deux films accessibles
en ligne alors que nous lisons ce livre :
- Les mille vies de Jorge
Semprún, par Albert Solé, Arte, 2023, 54 min
: film qui parcourt toute la vie de Semprún
- Jorge
Semprún, la plume au poing, par Patrick Rotman, France
5, 2023, 57 min : film centré sur le parcours politique, avec
Semprún
qui est encore vivant.
Observer le name dropping |
- Kafka, García Lorca, Primo Levi, Soljenitsyne,
Borges, René Char, Wittgenstein, Aragon, Dostoïevski, Louis
Armstrong, Victor Hugo, Rimbaud, Lamartine, Mallarmé, Apollinaire,
Breton, Heidegger, Husserl, Levinas, Hegel, Nietzsche, Schelling, Malraux,
Merleau-Ponty, Hemingway, Bakounine, Marx, Velázquez, Goya, Ribera,
Picasso
, ce sont quelques noms évoqués par
Semprún.
Et Proust, bien sûr ! Voir ce qu'il
en dit ici.
- L'écriture ou la vie détaille des rencontres avec Claude-Edmonde Magny : elle lui écrit et publie une Lettre sur le pouvoir d'écrire : à lire ici.
Découvrir qui en parle doctement |
On retrouve les noms suivants dans les émissions
de radio ou télévision citées précédemment.
- La
Lecture et la vie : uvre attendue, uvre reçue : Jorge
Semprún et son lectorat de Françoise Nicoladzé,
Gallimard, 2002, qui a fait la première thèse
en 1996 sur Semprún, suivie de cet ouvrage :
La Deuxième vie de Jorge Semprún : une écriture
tressée aux spirales de l'Histoire, Climats, 1997.
- Jorge
Semprún : entre résistance et résilience
de Corinne Benestroff, CNRS, 2017, préface de Boris Cyrulnik, prix
spécial du jury de L'Évolution
psychiatrique. Un article donne un aperçu : "L'Écriture
ou la vie, une écriture résiliente", Littérature,
n° 159, septembre 2010. Corinne Benestroff, psychologue clinicienne,
avait fait une thèse
de littérature en 2012 avec Pierre Bayard.
- Ivo
et Jorge de Patrick Rotman, Grasset, 2021 ; rééd.
Points,
2023 : portrait croisé de Semprún et Yves Montand.
- L'écriture
ou la vie de Soledad Fox, Flammarion, 2017 : première biographie
disponible en français, publiée aux USA en 2016.
- La
mémoire de toutes pièces, Marta Ruiz Galbete, L'Harmattan,
2017, suite d'une thèse
soutenue en 2017.
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
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