Lirelles

Et voici NOS RÉACTIONS sur le livre


LES LECTRICES

Ce 9 mars 2025, nous étions 14 à participer de diverses manières à la séance :

- en direct : Claire Bo, Joëlle, Laetitia, Mar, Marie-Yasmine, Patricia, Sophie de Paris, Stéphanie, Véronique
- en visio : Agnès, Aurore
- par écrit : Felina, Flora
- par audio : Anne.
Prises ailleurs : Claire Bi, Nelly, Sophie de Nice.

TRÈS PARTAGÉES

- A juste commencé le livre avec intérêt : Véronique
- Ont aimé, voire beaucoup aimé : Agnès, Anne, Claire Bo, Laetitia, Mar, Stefania
- Positive tout compte fait, mais avec une dent dure au tournant : Marie-Yasmine
- Positive un peu, mais tout compte fait mitigée : Flora
- Plus que mitigée : Felina
- Déçues : Aurore, Patricia
- Un livre qui est une épreuve, avec quelques aspects positifs : Sophie
- Assez vache, tout en aimant quelques points : Joëlle.

LA SUCCESSION DES AVIS

Puisque le livre s'y consacre, c'était l'occasion d'ajouter à notre avis sur le livre quelques mots sur l'amitié.

Anne (en audio)
Je regrette de ne pouvoir être présente avec vous, malheureusement mon week-end musical et potager a pris le dessus sur le reste. Je tente une première note vocale à partager, car j'avais beaucoup aimé entendre l'avis d'une d'entre nous, parvenu par ce biais-là.
Je n'ai pas tout à fait terminé le livre - il me reste une cinquantaine de pages - mais je vais le faire assez rapidement, car je l'ai bien aimé.
J'ai d'abord aimé le titre, « Un désir démesuré d'amitié », qui m'a donné envie de lire le livre. Ça me parle, parce que, pour moi-même, les amitiés sont très importantes dans ma vie.
Et d'ailleurs, pour un certain nombre d'entre elles, je parle de ma famille. Depuis que je suis née, ma famille est composée de personnes qui ne pas liées à moi par le sang, donc c'est un concept - faire famille - qui a toujours été pour moi plus large que le lien du « sang ». Et au-delà des membres de ma famille, mes amis proches se sont mis à en faire partie avec le temps. Donc, le discours d'Hélène Giannecchini me parle beaucoup.
Peut-être que je m'identifie moins à la partie où, si je comprends bien, elle se sent faire famille aussi avec les personnes du passé qui l'inspirent, dans la communauté queer notamment. Faire famille pour moi, c'est avec des gens qui sont proches, que je connais, que j'ai connus pendant un certain nombre d'années, avec une certaine intimité : et du coup, j'ai du mal à penser faire famille avec des gens que je n'ai pas connus. Autant je peux admirer très fortement des gens du passé auquel je m'identifie, autant je n'aurais pas forcément parlé de lien familial ; mais c'était intéressant d'avoir son avis à elle, on sent que c'est quelque chose de très fort pour elle, ce lien-là.
Sur la forme, j'ai bien aimé l'écriture. Le fait qu'il y ait des photographies - d'habitude c'est quelque chose que je n'aime pas trop, les bouquins où il y a des images quand ce ne sont pas des romans graphiques - là, je trouve que ça marche très bien. Ça m'aurait même plu qu'il y en ait un peu plus - pas non plus dix fois plus... - et qu'elle les décrive encore plus, car il me semble pour quelques-unes on se demande si c'est d'elles dont parle le livre ou pas. Donc, ça m'a bien plu qu'il y ait ces images, et ça m'étonne que ça me plaise comme ça : donc ça c'était chouette.
Enfin, j'ai bien aimé, même si c'est dur parfois, me replonger un peu dans l'histoire des mouvements queer : historiquement ce livre apporte quelque chose.
Donc, en conclusion, je suis ravie d'avoir lu ce livre.

Felina (par écrit)
Je ne peux me joindre à vous ce dimanche.
J'ai commencé le livre, mais je dois avouer qu'il ne m'a pas vraiment conquise. Je n'ai pas réussi à dépasser la moitié. À chaque fois que je le reprenais, c'était un peu à reculons.
J'ai eu la sensation de divagation littéraire : on lit sans être vraiment imprégnée par l'histoire et on enchaîne les chapitres sans en distinguer les particularités. Avec aussi un sentiment de répétition de certaines idées.
Mon impression est plus que mitigée. Je préfère attendre vos impressions avant de décider si je dois persévérer dans ma lecture.

Flora (par écrit)
Le premier mot qui me vient c'est : déroutant.
Je m'explique : j'ai d'abord été très intéressée par sa thématique car je trouve qu'il y a beaucoup à dire sur l'amitié.
Puis, dès le premier chapitre j'ai trouvé l'approche de l'autrice étrange. Vouloir s'approprier l'histoire d'autres personnes de la communauté afin de se créer un passé qu'on lui aurait caché étant enfant... bref, pourquoi pas, mais ça partait mal.
Ensuite, je dirai que certains chapitres étaient instructifs/émouvants (la partie sur les années SIDA, sur la famille choisie, la place de l'amitié dans notre société), tandis que d'autres m'ont laissée perplexe.
En fait, je pense que tout le long du livre je me suis demandée où voulait en venir l'autrice, car nous avons des façons de penser trop différentes et surtout certains passages étaient inutiles : celui sur l'histoire de quatre amies d'enfance - je cherche encore pourquoi elles ont été évoquées -, celui sur la femme dont les amis sont venus chez elle vivre un temps pour l'aider.
En fait, le principal défaut du livre selon moi est sa construction : la thématique de l'amitié était souvent amenée de façon alambiquée.
Dommage, car l'écriture est agréable et j'en ressors malgré tout en ayant appris pas mal de choses.
En conclusion avis mitigé !

Joëlle
Désir démesuré…
J'ai bien peur de n'avoir pas trop compris ce livre.
D'abord je n'ai pas compris le plan (s'il y en a un). Je n'ai pas trouvé le fil. Je n'ai pas eu l'impression de lire un livre, mais des chapitres disparates, dont les titres ne m'ont pas aidée non plus à voir une cohérence, à trouver une structure.
Pour moi, c'est un livre pas très clair, écrit dans une langue pas toujours simple, avec plus de références universitaires que d'incarnation. Ça manque de vie, c'est froid.
Le concept d’amitié queer ?
J'ai été gênée par ce concept, qui engloberait gays et lesbiennes et toute la troupe. Parce que je ne crois pas que ça marche comme ça. Queer, c'est un archipel, pas une entité.
J'ai repensé à la création du FHAR (Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire) au début des années 70. Au départ structure mixte, ça n'a pas tenu plus d'un an parce que les hommes ont pris toute la place, exactement comme chez les hétéros. Et les filles sont parties vers le MLF où elles ont fondé les Gouines Rouges (Monique Wittig).
Bien sûr, il peut y avoir des relations amicales entre deux personnes ou des petits groupes, mais ce n'est pas généralisable.
J'ai l'impression qu'elle idéalise et plie le réel pour le faire entrer dans sa thèse.
J'ai trouvé qu'il y avait des moments de
« victimisation », ce qui, à titre personnel, me hérisse un peu. Par exemple, dans le chapitre « Nous ne sommes pas accidentelles » :
« Une partie de notre histoire est manquante parce qu’elle a été volontairement détruite ». Oui, bien sûr, mais ce n'est pas spécifique aux LGBTQI+. Il ne faut pas faire de parano. Depuis l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie par Jules César jusqu'aux saccages des islamistes (Palmyre, Bâmiyân, Tombouctou…) en passant par les guerres de religion en France ou les autodafés nazis (livres, œuvres d'art…), les destructions volontaires font partie de l'histoire humaine, malheureusement, et elles visent toutes sortes de groupes.
En parallèle de cette victimisation, il y a parfois une idéalisation sur les rituels familiaux (repas de famille, par exemple), dans laquelle je ne peux pas la suivre, ayant moi-même longuement subi ce rituel. Et présenter ces moments comme ceux de la transmission d'une histoire, c'est faire fi des non-dits et autres secrets de famille.
À p
art ça, j’ai bien aimé :
- l’emploi des photos, tout en regrettant qu’il n’y en ait pas davantage, que ce ne soit pas un peu plus construit, là aussi. On sent que c’est opportuniste. Quand elle a une photo elle s’en sert, quand elle n’en a pas elle s’en passe.
- ses visites dans les archives, le sentiment de l’impossible, de se perdre dans des dédales sans savoir où on va, ce qu’on va trouver. Une aiguille dans une meule de foin ? Rien peut-être.
- le chapitre
« Comment vivre ensemble », plus concret, plus incarné. Même si les références insistantes à Barthes m’ont agacée. J’ai vu il y a peu le film L'attachement, et c’est aussi un panorama des modes de faire famille (hétéro) intéressant. Peut-être que le sujet est dans l’air.
L'amitié et moi
Ma définition : c'est un partage de sensibilités, d'opinions, de centres d'intérêt et la possibilité de débattre.
Est-ce que j'ai des amis ? De moins en moins, avec le temps. Le cancer du poumon a fait des ravages dans ma génération de fumeuses.
Qui sont mes amis ? Principalement des femmes, majoritairement lesbiennes. Y compris plus âgées que moi, ce qui n'est pas bien prudent. Quelques ex, mais pas tant que ça. Je n'ai pas créé de tribu.
Auparavant, j'ai souvent participé à des petits groupes qui passaient beaucoup de temps ensemble, week-ends, soirées, vacances. Mais c'étaient des relations entre plusieurs couples et quand un couple se défaisait, souvent le groupe périclitait.

Marie-Yasmine (qui comme d'habitude a concocté une douceur en rapport - même distant... - avec le livre, ici son tout début hollandais : la recette =>ici)
J'ai apprécié cette lecture, non pour la lecture elle-même, mais pour les réflexions qu'elle a suscitées.
Sur la lecture en elle-même, je n'ai pas du tout apprécié le zapping entre les histoires, qui surgissent parfois sans contexte et ne permettent pas de s'immerger correctement. J'ai passé un temps infini à aller et revenir, persuadée d'avoir raté une page, et à froncer les sourcils en me demandant qui désigne donc ces pronoms survenant subitement.
Le choix grammatical ne m'a pas aidée à sortir de ma confusion. Je n'ai aucune difficulté avec ce choix que je trouve très pertinent et à propos, mais la note l'expliquant aurait pu figurer au début du livre, cela m'aurait épargné des froncements supplémentaires de sourcils et des allers-retours confus dans ma lecture.
Enfin, les longues descriptions de ses voyages dans diverses archives étaient d'un ennui insurmontable. J'ai zappé tous ces passages. Je voulais plus d'histoires, les siennes, celles qu'elle a réussi à documenter, mais je me passe volontiers de savoir qu'une grande allée bordée par des buissons mène à tel fonds documentaire…
J'ai aussi passé les passages où elle joue aux devinettes sur des photos anonymes dont elle ne sait rien. Je n'apprécie pas le mélange des genres entre de la documentation solide et des rêveries, j'ai assez des miennes, et dans ce genre d'ouvrages je préfère les récits d'histoires qui sont tellement précieuses et ne méritent pas d'être mélangées avec des suppositions.
Mais tous ces problèmes sont largement rattrapés par les pépites que sont toutes ces merveilleuses histoires et par le développement de ses réflexions et de celles d'auteurs qu'elle mobilise.
J'ai beaucoup apprécié le récit de son histoire personnelle, que j'ai trouvé très belle et émouvante. Tant dans sa relation avec ses trois parents qu'avec ses amantes et amies.
J'ai adoré être en désaccord avec les analyses qu'elle présente et m'indigner dans de longs débats avec ma femme sur la notion de déviance.
J'ai été très émue de son récit de sa relation avec son ex-amoureuse devenue plus qu'une amie qui m'a ramenée à des souvenirs douloureux.

Enfin, sur ma relation avec l'amitié, paradoxalement, et malgré toutes les onomatopées indignées poussées pendant ma lecture, je la partage grandement avec l'autrice.
Ma famille désastreuse m'a plongée très tôt dans une quête désespérée pour trouver un endroit où partager amour, rire, peines, mais aussi une solidarité concrète et matérielle.
Malheureusement, ce besoin désespéré m'a amenée aussi à accepter des relations toxiques pour ne pas perdre ce cocon indispensable à ma vie.
Après m'être soignée de mes blessures d'enfant et d'ado, je suis devenue plus attentive à construire des liens plus sains, et certaines relations n'y ont pas survécu.
Je n'ai jamais eu le cœur brisé par des amoureuses, mais je porte encore le deuil de mes amitiés perdues.
J'ai vécu longtemps dans des appartements partagés entre des ami.es et des amoureuses avec beaucoup de joie. Dans un espace adapté, cela serait avec enthousiasme que je réitèrerais, notamment à la retraite.
Aujourd'hui, je désespère un peu de trouver en dehors de mon couple un espace de connexion, de partage et de solidarité. Mais je n'abandonne pas cette quête, sans toutefois m'y sacrifier comme j'ai pu le faire auparavant.
Je rajoute après avoir écouté mes camarades (merci pour le terme très bien choisi par Claire) que je regrette également le manque de références françaises.

Laetitia
J'ai découvert cette écrivaine théoricienne, spécialiste des rapports entre texte et image.
D'emblée, je suis entrée dans le livre avec un sentiment très positif ; les titres des chapitres m'ont intriguée et m'ont donnée envie d'avancer. Par ailleurs, j'ai été séduite par le fait d'avoir à la fois du texte et des photos. Un bon équilibre en quelque sorte.
Cet essai est riche : de nombreuses notions sont abordées, de multiples références sont citées, différents lieux aussi : Paris, Amsterdam, New-York - Brooklyn, Le Vermont, San Francisco, Marseille, Bruxelles.
Dès le premier chapitre, l'auteure pose le projet de son livre : déconstruire la notion de la « famille traditionnelle » et proposer de la réinventer, de la réinvestir, de l'enrichir - à partir de l'existant mais également en faisant appel à sa propre histoire et expérience.
Pour cela, elle va citer des exemples personnels - ses deux pères, l'amie de la famille -, elle va également s'appuyer sur des tirages photographiques, ainsi que sur des extraits (d'essais sociologiques notamment).

Les points d'intérêts
- La réflexion sur des concepts : l'amitié, le « Faire famille » (p. 192) ; la notion de « famille choisie » (différente de celle de « communauté » ou bien de « réseau
») de « proximités latérales », de « kinship » (la diversité de nos liens), le « vivre ensemble », le mariage…
- La réflexion sur les termes : amies/amantes/compagnes/camarades/sœurs/voisines…
- L'émotion suscitée par la découverte de la photographe new-yorkaise Donna Gottschalk (photographe et activiste américaine des années 70 et 80).
- L'histoire des mouvements LGBT (les références à Act up, Stonewall…)
- La réflexion sur les années Sida, le lien entre les personnes arrivées après et la communication bonne ou mauvaise (cf. chapitre dans lequel elle évoque sa relation avec Myriam).
- Les multiples références à la culture LGBT, queer, avec de grands noms : Monique Wittig, Sarah Schulman (cf. After Delores, lu à Lirelles en 2018), Susan Sontag (lue aussi à Lirelles), Christine Delphy.
- Les photos choisies : j'ai apprécié le positionnement de celles-ci ; elles n'éclairent pas le propos, elles représentent le point de départ de la réflexion.
- La question des archives et de la mémoire, du souvenir
- Casa Susanna évoquée dans le chapitre
« Dévier ». J'avais découvert cette communauté à Arles en 2023 lors des Rencontres de la photographie ainsi qu'à travers le documentaiire de Sébastien Lifshitz.
- Dans les dernières pages, Hélène Giannecchini termine sur un espoir lié à tous ces liens face à un contexte politique compliqué (p. 261).
J'avais une réserve quant à la forme (le choix des pronoms) qui a été levée par la « note de l'autrice » en fin de livre. J'ai par ailleurs apprécié les petites notes discrètes tout au long du livre, très immédiates et qui s'intègrent bien au texte.
En conclusion, j'ai aimé cette lecture !

Trois mentions spéciales

- La notion d' « architecture féministe » (Phyllis Birkby) : une découverte !
- La référence aux femmes et aux « clubs de lecture » (p. 210) !
- La mention des « Terres lesbiennes » de l'Oregon : je souhaite en savoir plus !

Petite note personnelle sur l'amitié
L'amitié est très importante pour moi.
J'aime la notion de « Faire famille », de famille élargie dont parle Hélène Giannecchini : j'ai ainsi une amie fidèle depuis maintenant… 45 ans !

Mar (qui participe pour la première fois)
J'ai beaucoup aimé ce livre, il m'a vraiment touchée.
Le sentiment de « ne pas avoir d'histoire » résonne beaucoup en moi, car j'ai l'impression que chaque fois que j'apprends de nouvelles choses sur l'histoire LGBT, c'est presque par accident.
Quand l'autrice évoque le monument au poète qui a donné son nom au livre, elle écrit : « Les deuils communautaires sont souvent vécus de manière solitaire, je me suis sentie soulagée d'avoir, pour une fois, un endroit où aller. » Je ressens la même chose en découvrant ce livre dans le cadre de ce club de lecture, et je suis heureuse de ne pas être la seule à l'avoir lu.
Un autre passage que j'aimerais mentionner est : « À un certain moment, on réalise sa déviance, on s'y consacre, personnellement j'ai même tendance à croire qu'elle m'a sauvé la vie. » La raison pour laquelle moi aussi j'ai l'impression que le fait d'être queer m'a sauvé la vie, c'est parce que tout d'un coup, tout est devenu possible. Si je ne suis pas « normale », alors je peux être ce que je veux, et avant tout, je dois trouver des mots pour exprimer ce que je veux. Je pense que c'est un processus très important, et que le fait d'être queer m'a donné beaucoup d'autonomie dans ce sens-là.
La seule chose qui m'a laissée un peu mal à l'aise, c'est que certaines des images présentées dans le livre sont des photos anonymes dont on ne sait rien, accompagnées de spéculations sur ce que pourraient être leurs histoires et je comprends bien que ces spéculations sont bienveillantes, l'autrice explique très bien quel est le but de cet exercice. Je trouve que c'est un exercice magnifique à faire pour soi-même, mais quelque chose dans le fait que ce soit fait publiquement me met un peu mal à l'aise.

Sur « l'amitié et moi »
Je dirais que l'amitié, pour moi, est une véritable nourriture émotionnelle. Ce qui fait un.e ami.e, c'est avant tout la qualité de présence que l'on s'offre mutuellement.
Les personnes que je considère comme mes ami.es sont celles avec qui j'ai des choses importantes en commun et avec qui le contact se fait naturellement, presque comme une sorte de gravitation. Ce sont des personnes avec qui l'interaction est fluide et instinctive : je sais reconnaître quand elles ont besoin d'une conversation sérieuse ou profonde, et quand elles ont plutôt besoin de légèreté et de distraction et cette attention est réciproque.
Mes ami.es sont bien plus important.es pour moi que les personnes avec qui je partage des gènes, car cette affinité dont je parle, qui est essentielle dans mes relations les plus proches, n'est pas évidente du seul fait d'appartenir à la même famille biologique.

Agnès
Tout d'abord, pour répondre à l'invitation de Claire, quelques mots sur l'amitié.
Ce sont des relations extrêmement importantes pour moi, qui suis fille unique et lesbienne. Donc sans sœur ni frère, ni belle-sœur ou beau-frère, ni nièces ou neveux, et avec un très grand besoin d'échanger, de partager, d'être entourée et d'appartenir à une communauté. Sans oublier que les femmes sont éduquées à être plus des rivales que des amies solidaires (contrairement aux hommes qui sont éduqués au compagnonnage).
Depuis l'école maternelle, les ami·es m'ont tenu la main, l'un·e après l'autre, pour parcourir le chemin de mon existence et me faire découvrir le monde, jusqu'à aujourd'hui. Chronologiquement, je pense à mes meilleur·es ami·es, Franck, Corinne, Véronique, Valérie et aujourd'hui, depuis 20 ans, Muriel, très différente de moi de par son milieu, ses opinions politiques et son mode de vie, mais si proche que je la considère comme ma grande sœur.
Je pense aussi aux bandes d'ami·es auxquelles j'ai appartenu, aux associations LGBT et féministes grâce auxquelles j'ai forgé de belles amitiés, solidaires et stimulantes.
J'aime ce concept de famille choisie et, en y réfléchissant, je m'aperçois que je vis selon ce modèle depuis ma naissance et que des ami·es se sont agrégé·es à ma famille biologique depuis plusieurs générations. À quel âge ai-je découvert que Tata Simone, une amie de ma grand-mère, n'était pas ma tante ?… J'en suis alors venue à m'interroger sur cette notion de « famille à la mode de Bretagne » qui, par extension, inclut les parents éloignés dont la parenté est difficile à établir (personnellement, j'ai dû créer un tableau Excel pour comprendre quel lien j'avais avec un tel ou une telle). Par extension encore plus vaste, ma famille inclut certain·es ami·es et même nos animaux de compagnie, qui sont aussi des personnes à part entière. Et des ami·es.

Mon avis sur Un désir démesuré d'amitié
C'est un ouvrage que j'ai beaucoup aimé et qui m'a donné du plaisir à la lecture. Et qui a aussi suscité ma réflexion.
J'ai apprécié la démarche d'investigatrice d'Hélène Giannecchini et je l'ai suivie avec intérêt. J'ai aimé reparcourir des lieux que j'ai visités, comme le monument constitué de trois triangles à Amsterdam où je me suis rendue avec un groupe d'amies des Archives lesbiennes de Paris au début des années 90. L'autrice suit son interrogation et nous expose les différentes étapes de sa recherche. Elle aborde de nombreuses thématiques, toutes passionnantes, l'amitié au temps de l'épidémie du sida, la question des archives LGBT, les liens amicaux qui ne sont pas reconnus par l'hôpital, les familles biologiques et la loi, l'amitié vue comme un instrument révolutionnaire qui permet de construire une société idéale, selon Saint-Just.
Premier bémol : j'ai tout de même eu l'impression d'un manque de plan et d'un « fourre-tout », même si l'expression n'est pas jolie et certainement injuste.
J'ai beaucoup apprécié en revanche que le livre soit parsemé de photographies et qu'il donne ainsi chair aux personnes évoquées.
J'ai aimé qu'elle parle de la Casa Susanna, car j'avais été très émue par le documentaire qui a été consacré à cette maison.
J'ai aussi trouvé intéressant qu'elle parle de sa vie personnelle, de sa mère et ses deux pères, et de l'amie lesbienne qui a partagé leur vie.
Enfin, j'ai apprécié que le récit soit très contemporain, qu'il évoque des faits et des débats très récents (comme le « réarmement démographique » de Macron, par exemple).
Un second bémol malgré tout : l'autrice s'appuie beaucoup sur des exemples américains (les archives lesbiennes de New York, San Francisco, les terres lesbiennes de l'Oregon, etc.). Elle évoque les Archives lesbiennes de Paris dans ses remerciements, mais c'est tout. Elle aurait pu s'intéresser à des exemples de vie communautaire en Angleterre, en Allemagne, aux maisons de vacances lesbiennes dans le Sud-Ouest de la France, etc. Pour moi, c'est un manque en tant que lectrice, lectrice lesbienne.

Je profite de ce thème de l'amitié pour vous signaler la sortie prochaine du nouvel ouvrage d'une jeune autrice que nous connaissons ici (au Croisic), Lucile Peytavin, qui est venue faire une conférence dans le cadre de notre association féministe sur son ouvrage précédent, Le coût de la virilité. Son nouveau livre s'intitule Sororité : le pacte. Il s'agit d'un « manifeste féministe qui pose la sororité comme fondement et propose un pacte de solidarité entre les femmes ».

Sophie de Paris
Cette lecture a été difficile. Absolument pas linéaire. Des montagnes russes. Avec quand même un fil rouge auquel je me suis accrochée : l'écriture de l'autrice, compacte, sans fioriture, et que j'ai aimée.
J'ai essayé de comprendre pourquoi cette lecture a été une épreuve alors que le livre portait une promesse, derrière son joli titre.
La principale raison, je pense, c'est l'approche intellectuelle de la narration et du thème que j'ai souvent trouvée académique, froide. Avec des tentatives de relier des choses entre elles, de les ramener au sujet du livre, parfois artificielles et parfois ennuyeuses. Je n'ai pas réussi à garder l'enchaînement de la narration en tête au fil des pages. Pendant la première moitié du livre, j'ai eu du mal à suivre l'autrice et à comprendre où elle voulait aller.
Par exemple, j'ai été surprise de trouver, au milieu du livre, une rétrospective des années Sida. Comme un encart glissé. C'est important, mais ce n'est pas ce que je pensais trouver dans ce livre.
L'exercice des commentaires de photos d'archives m'a mise mal à l'aise. Mais c'est personnel, je n'aime pas les photos d'inconnus décédés. Je les fuis sur les brocantes… De la même façon, le chapitre sur la Casa Susanna, m'a fait repenser au documentaire d'Arte que j'avais regardé avec un sentiment de malaise.
Les chapitres qui m'ont le plus plu sont ceux qui parlent de sa famille, de ses amours, des lieux (la maison des Planes). J'ai retrouvé un intérêt vers la fin du livre, avec sa rencontre avec Donna et l'histoire touchante de Minnie et Gloria.
J'ai eu le sentiment que le livre, au fur et à mesure des pages, rejoignait son propos - un peu laborieusement - qui n'est pas tant l'amitié, finalement, que la sororité.

L'amitié
D'abord, je dois dire que c'est précieux et rare, pour moi.
Je distingue l'amitié des « relations ». Je n'ai jamais eu beaucoup d'ami.es dans ma vie. Mais il existe quelques personnes, que je peux compter sur les doigts d'une main, qui sont mes amies depuis des décennies. Que je vois ou que je ne vois pas, que j'appelle ou que je n'appelle pas, mais avec qui, quand nous nous revoyons, je reconnecte immédiatement.
Mon idée d'un lien d'amitié, c'est d'être là, en écoute, en complicité, en soutien. C'est accepter le silence, la distance, la différence de l'autre. C'est aimer partager le temps et l'espace avec l'autre. C'est échanger, débattre, se contredire, sans jugement. C'est de la connivence, de la confiance. C'est répondre présent quand l'ami.e dit « ça ne va pas ».
C'est un lien de séduction sans désir physique, sans jalousie. Je ne connais pas la « fluidité » du passage d'amante à amie ou vice versa.
L'amitié, ce sont aussi des brouilles, parfois. Qui se délient facilement, souvent. Et si l'amitié disparaît, c'est un chagrin.

Aurore
J'étais intriguée par ce livre qui avait beaucoup de bonnes critiques. J'avais vu beaucoup de post sur Instagram positifs.
C'est intéressant d'avoir entendu vos avis, car je suis un peu déçue.
Je n'ai pas tout aimé.
J'ai appris des choses, par exemple à propos de la Casa Susanna : j'ai beaucoup aimé ce lieu où les hommes vivre comme ils veulent.
Moi aussi, j'ai beaucoup aimé le film
L'attachement qui montre une famille différente, avec tout ce petit monde qui se retrouve, qui s'unit autour des enfants, c'est passionnant.
J'ai retrouvé cela dans le livre avec les deux pères de l'auteure. Il est intéressant de montrer qu'on peut créer une famille autre. J'ai bien aimé page 66 l'évocation de la grand-tante, un peu bizarre, qui vivait seule ; c'est assez intéressant ce point de vue qui s'inverse : on n'a jamais interrogé cette grand-tante pour connaitre sa vie.
Le livre est un peu fourre-tout, comme dit Agnès. Et des choses m'ont paru un peu plaquées.
Reconstituer l'histoire LGBT, c'est bien, mais ça ne m'a pas forcément touchée. Si c'avait été un roman, peut-être j'aurais été moins déçue.
Les photos ? Pour ma part, j'ai bien aimé qu'elle les décortique. Je n'ai pas pensé au fait qu'elles aient été trouvées dans des brocantes, mais que c'était un reflet de l'histoire et non pas des personnes exposées aux yeux de tous.

Patricia
Le sujet m'intéressait beaucoup au départ à la vue du titre du livre. L'amitié, quoi de plus beau !
Comme j'adore les essais, j'ai ouvert le livre avec un certain enthousiasme.
Mais, au fil de la lecture, je m'aperçois que le livre est construit parfois comme un essai, parfois comme un roman car il y a de longues descriptions et des détails non liés au thème et l'autrice y met aussi de la fiction, elle invente, et elle intègre aussi de l'autofiction par moment.
Malheureusement, ne sachant exactement ce que voulait démontrer l'autrice dans chacun des chapitres concernant l'amitié, j'ai été perdue rapidement, et j'ai vraiment eu du mal à entrer dedans, cette lecture a été très compliquée pour moi. En fait, je n'ai pas compris la structure du livre, ni les titres des chapitres. À mon avis, je voyais juste une succession de faits et d'histoires, sans qu'une analyse puisse nous guider dans la compréhension par rapport à l'amitié.
Je n'y retrouvais pas non plus les caractéristiques de l'amitié dans toutes ces histoires. Chaque histoire décrite était généralement douloureuse, d'une tristesse insupportable, pas vraiment d'histoire heureuse. D'où peut-être ce besoin démesuré d'amitié. Mais était-ce vraiment de l'amitié ? En fait, dans « amitié », l'autrice englobe tout : l'engagement pour les causes LGBT ou même politiques, la solidarité, la famille qu'on se crée, la sororité, la camaraderie, l'amour, l'idiorrythmie de Barthes, le mariage sans sexe... Par moments, il y a presque du sacrifice de soi, du masochisme. Assez démoralisant…

Pour moi, un.e ami.e, c'est la joie de se retrouver, partager des moments intimes, se respecter, avoir confiance en son soutien et vice-versa en cas de coups durs, ressentir un manque lorsqu'on est éloignés. Bref c'est de l'amour, mais sans sexualité et désir sexuel. C'est en cas de coups durs qu'on les reconnaît et il en reste peu à la fin.
C'est un peu comme la famille, à la différence que la famille on ne la choisit pas, mais les amis si, on les choisit, mais pas au départ car ça s'inscrit dans la durée, certains sortent de nos vies, et on y pense souvent, même encore 50 ans après. Parfois certains ressurgissent, et on reprend comme si on s'était quittés hier.

Stefania
J'ai beaucoup aimé ce livre. Je ne m'attendais pas aux déceptions que certaines décrivent.
Certaines d'entre vous parlent d'aspect décousu. Quand l'écriture est belle, cela ne me dérange pas. Je retrouve dans vos propos mon avis sur
Les sœurs Nardal où je n'arrivais pas à me retrouver.
Le titre ne m'a pas déçue, mais en vous entendant, je pense aussi qu'il s'agit plus de sororité que d'amitié.
Je n'ai pas eu de problèmes avec l'utilisation des images, mais j'entends votre questionnement. C'est fait avec un certain respect. À partir des photos, on nous embarque dans des récits qui sont une possibilité.
Ah oui... après avoir vu la couverture avec la photo, j'ai été déçue que les photos à l'intérieur ne soient pas en couleur, mais bon, c'est un détail.
Quant à l'absence d'histoire(s), je me reconnais dans cette absence de récits quand on est ado. On se sent plus forts d'imaginer que telle ou telle tante était lesbienne, tel ou tel oncle homo, que des vies et des désirs qui ressemblent aux nôtres ont existé dans le passé. C'est ce qui m'a fait tenir à des moments difficiles.
J'ai bien aimé l'idée du livre, l'écriture et les voyages ; le monument hollandais m'a touchée.
Pour ce qui est des références, je n'ai pas trouvé qu'il y en avait trop et j'ai aimé rencontrer des noms que j'aime, Susan Sontag par exemple.
J'ai apprécié les chapitres sur les années Sida : comme l'auteure, je suis née à ce moment-là et on entendait les adultes faire peur. J'ai aimé qu'elle soit allée chercher ces histoires.
J'ai été très intéressée par son schéma familial ; c'est étonnant qu'elle ressente ce manque d'histoires alors que sa famille n'est justement pas conforme.
Quant au projet de Saint-Just, c'est très intéressant. Je me suis posé des questions : est-ce que l'amitié ne perdrait pas ses étincelles en l'institutionnalisant ?
Je signale un autre un livre récent qui est en plein dans le même sujet : d'Alice Raybaud
Nos puissantes amitiés d'Alice Raybaud :

« On aime à se dire qu'elle est essentielle. Mais, en réalité, l'amitié est souvent raillée, considérée comme futile ou invisibilisée. Dans les films, les livres, les imaginaires et les récits que l'on fait de nos parcours, elle passe presque toujours à l'arrière-plan : la jeunesse terminée, elle devrait s'éclipser au profit du couple et de la famille. Elle est ce lien que l'on sacrifie volontiers les années passant, quitte à abandonner une petite part de soi avec. Mais pourquoi le couple romantique représenterait-il l'unique façon de cheminer avec d'autres dans l'existence ?
Depuis quelques années, de plus en plus de personnes décident de revendiquer leurs amitiés et de s'engager pleinement dans ces relations. Elles y découvrent des lieux de joie, mais aussi de solidarité et de résistance face aux aliénations du système patriarcal, capitaliste et dans une période de grande incertitude écologique. Hétéros ou queers, entre femmes, entre hommes ou dans des groupes mixtes, elles et ils sont nombreux à réinventer, entre ami.es, des manières de militer, d'habiter, de consommer, de faire famille, de vieillir ensemble et, finalement, de prendre soin les un.es des autres.
Mobilisant de nombreux entretiens, des références culturelles, des études sociologiques aussi bien que des textes philosophiques, Alice Raybaud montre que l'amitié porte une dimension libératrice puissante, qu'elle peut être une force de dissidence et d'émancipation. Elle appelle ainsi à réinventer ce lien, intime et politique, et à remettre nos amitiés au centre de nos vies.
»

Pour ce qui est, me concernant, de l'amitié, les ami.es se comptent sur les doigts d'une main. Pour moi l'amitié ne se fonde pas forcément sur des affinités intellectuelles ou politiques, il s'agit souvent d'un lien plus profond encore, et le plaisir d'être ensemble, de se charrier, de se soutenir aussi… Pour le côté intellectuel, je connais aussi les amitiés épistolaires.

Claire Bo
Je fais partie des aimantes de ce livre...
- J'ai aimé le genre, qui m'a fait penser à Triste tigre, une enquête intellectuelle et psychologique, dans une démarche littéraire.
- J'en ai aimé la composition, fondée sur l'entrelacement personnel/documentaire que j'ai trouvé très bien fait.
- Je suis sensible à ce que dit Felina de répétitions : oui, mais c'est un peu comme dans Triste tigre, j'y vois la même progression en spirale.
- Alors que l'approche est réflexive, même lorsqu'on est dans la pensée, l'auteure y glisse de l'émotion, ce qui m'a rendu vivant, sensible, tout le parcours. Émotion de la narratrice, mais aussi émotion de la lectrice : par exemple quand elle est accueillie dans la Lesbien Herstory Archives, elle doit s'asseoir tant elle est émue d'« être ainsi entourée de son histoire », quand je lis des passages du journal du malade du sida, je me sens étreinte.
- J'ai aimé le thème du livre, la recherche qu'il contient, à propos de ce qui peut sembler une utopie touchante.
- La prose claire a un charme car il y a une voix : elle me parle, suscitant empathie, sympathie
- J'ai apprécié le rôle des photos, subtil, et la légèreté des notes de côté.
- Il y a quelques grands moments, qui créen
t une sorte de dramaturgie : Saint-Just, la famille non conforme de la narratrice, le journal de Jean Dumargue, la visite aux archives lesbiennes aux USA, la rencontre avec Myriam et le psychodrame avec de jeunes amis.

J'ai aussi des réserves, ou plutôt des gênes :
- Ainsi ai-je été un peu gênée de ressentir une forme d'idéalisation, voire d'utopie - pourquoi pas ; mais j'ai du mal à adhérer à un côté tout-le-monde-il-est-beau-tout-le-monde-il-est-gentil de cette communauté amicale.
- Même si elle préférait un équivalent qui n'existe pas à l'anglais kinship, j'ai ressenti quelque chose d'un peu forcé dans l'expression « famille choisie », de devoir passer par la famille, par cette analogie.
- Quant à la stèle avec toutes les amies, j'ai trouvé ça trop, trop utopique, car à la différence avec la famille, qui même étendue est limitée, les amitiés créent des chaînes infinies, impossibles à réunir en une seule tombe. Or, j'avais envie de croire aux réalisations et aux pratiques de son désir démesuré d'amitié.
- « Nous avons l'histoire d'un peuple à raconter », dit Joan Nestle, cofondatrice des archives lesbiennes de New York ; il s'agit de « trouver ses semblables » ; le mot « semblables » revient : j'ai vu ici et là un NOUS qui me gêne.
- « On ne m'a pas raconté mon histoire », déplore-t-elle : « je me compose une généalogie alternative ». Pour ma part, je ne ressens pas un besoin individuel de généalogie, le besoin individuel d'une histoire queer, même si, collectivement, je trouve cela important. Par contre j'adhère au regret de ce manque qu'elle formule : « On n'explique pas aux enfants ce qu'on n'a pas vécu, on ne les prépare pas à ce qu'elles pourraient être et qu'on n'a jamais été. »
- Le terme « politique » me semble galvaudé, même dans la bouche de l'auteure pourtant peu encline aux clichés ; tout est politique, tout est rapidement politique :

« L'amitié nous sauve. Elle est un principe fondateur et une protection.
Elle ne s'amenuise pas avec les années, elle est une alternative à la famille dite biologique, une autre manière de se lier, une force politique, nous n'en faisons pas une forme d'amour à demi-mot, nous la défendons comme avenir et comme pratique.
»

Elle s'interroge cependant sur l'usage de ce mot : « Est-ce que les maisons sont politiques ? La maison de Lena Vandrey peut-être, puisqu'elle a abrité pour quelques nuits des femmes qui ont écrit un morceau de l'histoire des féminismes, mais je me demande toujours si ce n'est pas une facilité de dire que nos agencements particuliers, intimes sont des réponses politiques ; il leur manque une dimension réellement collective. Le slogan des féministes matérialistes "Le privé est politique" n'a jamais voulu dire que vivre en communauté, en colocation ou avec ses amies était un acte engagé ; ce serait trop facile. Cette phrase émane d'une théorie de la domination, notamment liée au travail, et nous invite à interroger la prétendue distinction entre sphère privée et sphère publique qui ne fait que servir les rapports de pouvoir genrés. Mais on ne peut pas ignorer pour autant que les lieux où l'on vit sont, depuis longtemps, des enjeux de la lutte pour les droits des minorités. »

- C'est là où la distinction qu'a faite Sophie m'éclaire moi aussi : c'est plus de sororité que d'amitié qu'il s'agit. Sororité implique engagement à une solidarité, et en cela peut avoir une dimension politique. Le titre serait-il à revoir : « Un désir démesuré de sororité » ? Moins séduisant en effet.
-
Enfin, comme Agnès, je regrette cette centration sur les États-Unis ; et sans même explorer l'Europe, l'auteure aurait pu faire une meilleure part à la France ; je pense à tout ce qu'a fait Bagdam Cafée (depuis 1988) et plus récemment Marie Labory avec son film Lesbiennes, quelle histoire ?, qui, de plus, a des traits semblables au livre puisque aspects documentaire et autobiographique y sont liés.

Mes réserves semblent plus longues que mes élans ; mais elles ne l'emportent pas et mon impression globale est fortement positive.

Voilà pour le livre, mais l'auteure ? J'ai eu l'occasion de la voir, l'entendre et vivement l'apprécier à deux reprises : une fois à Aware où elle animait une table ronde sur la photographie lesbienne (avec un titre où l'on retrouve sa préoccupation : « Pratique de la photographie et pensée de la communauté ») et au centre culturel italien dans un débat sur le thème « L’amitié est-elle seulement un sentiment privé ou une vertu politique ? » où elle intervenait sur photographie et amitié. Bien que ce ne fût pas le genre du lieu, elle a accepté de dédicacer son livre que j'avais avec moi :

J'ai lu ensuite son livre Voir de ses propres yeux (2018), sur le deuil, fondé sur le même genre (personnel/théorique), plus austère à mon goût. Cela m'a énervée qu'il soit sous-titré « roman ». Celui qu'on a lu ne l'est pas, mais la quatrième de couverture joue à ce sujet : « ce livre puissant et sensible est un roman de l'amitié ».
J'ai lu après Inventrices : portraits de femmes qui ont changé le monde (2024), qui m'a déçue.
Cependant, dans les deux cas, j'ai aimé retrouver la voix de l'auteure.
J'ai prévu de voir son exposition au BAL et j'irai voir sa performance au Palais de Tokyo.
Je suis revenue au livre que nous avons lu et me suis demandé comment l'auteure pouvait faire toutes ces recherches : est-elle... entretenue, rentière ? Elle dit - du moins la narratrice dit - qu'elle vit sommairement ; une bourse est mentionnée. Ma curiosité a été piquée, d'où mes investigations ci-dessous pour comprendre son parcours.
Dans les livres qui comptent pour elle, elle cite Dorothy Allison, dont je viens de lire avec plaisir Deux ou trois choses dont je suis sûre, qui intègre aussi des photos ; et je parcours Peau : à propos de sexe, de classe et de littérature qu'elle cite : quelle personnalité à travers son écriture que cette Dorothy !
J'avais acheté Les Argonautes de Maggie Nelson dès que j'avais lu que Neige Sinno s'y référait, mais le livre était resté fermé : rouvert vivement quand j'ai lu qu'il s'agissait pour Hélène Giannecchini de « rencontre décisive », outre qu'elle lui emprunte - et le dit - ses notes dans la marge. Ce livre est totalement hermétique pour moi : refermé.

À propos des amitiés, voici ce qui me vient :
- Les frontières sont parfois peu nettes entre des relations définies par des appellations : connaissances, copain.ines, ami.es... Comment nommer les participantes de ce club de lecture auquel je suis très attachée depuis plus de 17 ans : je choisirais le mot camarades dans les deux grandes acceptions que donne le CNRTL :

« A.- Personne à qui on est lié par une vie ou des activités communes »
« B.- Personne avec qui on est lié par des liens d'amitié fondés sur un esprit d'égalité ».

La définition d'Hélène Giannecchini me paraît trop orientée par un adjectif : « La camaraderie est une expression politique du lien entre les individus. Plus que les qualités de chacune, elle met en valeur ce que permettent la poursuite de buts communs et le partage d'idées. Elle insiste sur ce qui nous rend semblables et nous lie. » (p. 230)

- Je distinguerai les amitiés entre ex, chez les hommes et chez les femmes ; dans le livre, elle évoque des homos qui font l'amour avec des amis : citez-moi une lesbienne qui fait ça ! En revanche, l'ex-amante qui devient une amie à la vie à la mort, les cas sont légion chez les lesbiennes ! Et j'en fait partie.
- Quand je pense mes amitiés, ce sont les ruptures et les pertes qui me viennent, et comme Agnès, je les nommerai pour les ressusciter un instant : Claire-Lise, Dominique et Elisabeth, Lil et Nicole, Béatrice, toutes jadis si proches. Et voilà-ti pas qu'Odile, après 20 ans de disparition, a réapparu : joie ! joie ! joie !


AUTOUR DU LIVRE


Un désir démesuré d'amitié
de
Hélène GIANNECCHINI

Seuil, 288 p.
  AUTOUR DU LIVRE
Parcours de l'auteure
Ses résidences
Ses textes
Expositions et événements
Entretiens radio et vidéo
Articles

PARCOURS
Nulle part n'existent pour l'instant des informations détaillées sur notre écrivaine : il a fallu mener enquête...

• Étudiante et enseignante

- Née en 1987.
Un frère. Parents professeurs.
-
2005-2008 : classe prépa littéraire à Paris.
- 2008-2010 : master 2 Université Rennes, Littérature et photographie.
- 2009-2010 : CELSA - Paris IV
.
- 2009 : elle devient responsable du
Fonds Alix Cléo Roubaud, morte à 31 ans, et gestionnaire des droits du fonds.
- 2009 : assistante communication au Jeu de paume.
- 2010 : début de la thèse sur cette photographe.
- 2010-2012 : responsable éditoriale, chargée de développement de la revue Area ; elle y écrit des articles, dirige notamment un cahier sur Alix Cléo Roubaud (n° 19-20)
.
- 2012 : enseigne à l'IESA (Institut d'enseignement supérieur par alternance) à Strasbourg
.
- 2012 : Bourse Louis Roederer de la Photographie, elle est alors doctorante à l’Université Rennes 2, pour ses recherches sur Alix Cléo Roubaud.
- 2016 : thèse en littérature à Rennes : Alix Cléo Roubaud, photographe et écrivain : l'élaboration de l'œuvre (parmi les remerciements, on peut comprendre que la plus intime est Astrid Jolibois, agrégée de philosophie, citée juste avant la famille : « Je veux enfin remercier Astrid Jolibois pour son soutien sans faille »).
- 2017 : elle fait partie du jury de DNSAP (diplôme national supérieur d’arts plastiques des Beaux-Arts de Paris).
- 2017 à 2023 : enseigne la théorie de l'art contemporain et la création littéraire à l'ÉESI (École européenne supérieure de l'image) de Poitiers-Angoulême ; quelques intitulés de ses cours en 2022-2023 : "
Pensées de l’art", "Histoire des féminismes", "Méthodologie du mémoire".
- 2024 : chargée de cours au Département Photographie de l'
UFR Arts, Philosophie et Esthétique à Paris 8.

Conférences : au Centre Georges Pompidou, à la Maison européenne de la photographie, à l’Université Complutense de Madrid, à l’Université de Bâle, à la Fondation Henri Cartier-Bresson, au Jeu de Paume, à l'ENSAD Limoges...

Ses résidences

Pour un artiste qui ne vit pas d'emblée de ses œuvres, obtenir une résidence fournit un temps, un lieu et une rémunération propices au développement d'un projet de création. Hélène Giannecchini sait monter des projets et intéresser les institutions concernées, car en voici toute une liste (non exhaustive peut-être) :

- 2018-2019 : un an pensionnaire à la Villa Médicis (section littérature) Elle y termine son second livre, intitulé Voir de ses propres yeux, qui paraît en janvier 2020 (parmi les remerciements, on peut comprendre que la plus intime reste Astrid Jolibois, « compagne de cette traversée »).

- 2020-21 : résidence d’écriture au Centre National de la Danse à Pantin pour explorer les liens entre danse, image et écriture.

- 2021-2022 : entre décembre et février, trois mois à la Villa Albertine à San Francisco avec le danseur et chorégraphe François Chaignaud et le compositeur Sasha J. Blondeau. Cette résidence favorisera la création de Cortèges, pièce pour orchestre symphonique et électronique, électronique composée par Sasha Blondeau, chorégraphie et interprétée par François Chaignaud, livret d'Hélène Giannecchini, présentée à la Philharmonie de Paris les 8 et 9 juin 2023.

- 2023 : Lauréate du Lewis Baltz research Fund LBRF #10 pour son projet The Unseen (sur Donna Gottschalk). Le Lewis Baltz Research Fund, créé pour rendre hommage à l’artiste américain Lewis Baltz, propose une bourse annuelle de soutien à la création, à la réalisation et à la diffusion d’un projet artistique quel que soit son support, se distinguant par la rigueur intellectuelle et lié à des questionnements politiques et sociétaux.

« Donna Gottschalk a conservé tous ses négatifs, mais des centaines d’images n’ont pas encore été imprimées. La plupart des photographies sont encore inédites : un vaste travail de recherche réalisé avec l’artiste est donc nécessaire pour pouvoir imaginer de nouvelles manières de montrer cette œuvre. En effet, des archives orales permettent de comprendre en profondeur les vies qu’elle a photographiées. Le Lewis Baltz Research Fund aidera ainsi Hélène Giannecchini à effectuer des recherches curatoriales sur les images, à les analyser et à les replacer dans le contexte de l’histoire sociale et de l’histoire de l’art. » (Descriptif du projet retenu)

- 2023-2024 : en résidence 10 mois au Centre national de la Danse dans le cadre du programme « Écrivain·e·s en Seine Saint-Denis » (lancement en novembre ; permanence mensuelle).

Son projet de résidence : « par le biais du projet de médiation en partenariat avec les Maisons de quartier, Hélène Giannecchini rencontrera les habitants de Pantin pour écrire sur une danse collective de chaque quartier. Le CND renforcera son partenariat avec les masters de et de de l’université Paris 8 autour d’un atelier de transcription du mouvement à l’écrit avec l’auteure et un intervenant. Hélène Giannecchini dirigera un journal de résidence en ligne pour partager des textes inédits et les avancées de son travail et ses échanges avec les membres du CND ».

- 2023 : Hélène Giannecchini raconte sur son compte instagram d'où vient son livre Inventrices, publié en 2024 :

« Chloé Dugit-Gros @chloe_dugit_gros et Simon Boudvin me parlaient pour la première fois de leur projet d'installations pour le collège Gisèle Halimi à Ivry sur Seine et me proposaient d'imaginer un livre avec elleux. C'est chose faite ! Inventrices vient de sortir aux éditions @editions_cambourakis grâce à @laurence.bourgeon. Avec Chloé Dugit-Gros nous avons voulu mêler textes et dessins pour redonner vie à ces grandes figures oubliées. Encore une fois merci à @bye.byebinary pour leur si précieux travail de typo : @anacrews » (1% artistique Collège Gisèle Halimi à Ivry-sur-Seine, Département du Val-de-Marne : il ne s'agit pas là d'une résidence, mais d'un financement public).

- 2024 : résidence en mars à l'UCL (Université catholique de Louvain). Résidence sur fonds chercheur-visiteur de l’UCLouvain.

- 2024 : résidence à l’Imec du 21 mai au 10 juillet, puis du 15 au 29 octobre 2024 ; elle y consulte notamment les fonds de la compagnie Dominique Bagouet et de l'association Sida Mémoires. Résidence portée par le Centre National du Livre.

TEXTES

Ses trois livres sont publiés au Seuil, dans la collection « La librairie du XXIe siècle ». Les voici présentés sur le site de l'éditeur :

- Une image peut-être vraie : Alix Cléo Roubaud, postface de Jacques Roubaud, 2014 :

« L’existence d’Alix Cléo Roubaud (1952-1983) fut d’une exceptionnelle intensité. Photographe, écrivain, complice de son époux Jacques Roubaud, amie du cinéaste Jean Eustache, elle a laissé une œuvre intime et profonde.
Après les trente ans qui ont suivi sa brusque disparition, ses photographies sont désormais conservées et exposées dans de grands musées. Mais un pan entier de son travail d’écrivain demeurait oublié.
Ce livre se fonde sur plus de six cents photographies inédites – dont une cinquantaine reproduite dans cet ouvrage –, des centaines de lettres et d’écrits pour éclairer la vie intime d’Alix Cléo Roubaud et la force de sa conception de la photographie. Malgré l’importance de ses archives, certains mystères persistent. Restituer cette vie fulgurante, découvrir ces images, pose aussi la question de la mémoire et de ses oublis.
»

(Pour en savoir plus sur Alix Cléo Roubaud : on la voit ›ici dialoguer avec Boris Eustache sur ses photos en 1980, 19 min)

- Voir de ses propres yeux : roman, 2018 :

« Comment vivre avec nos morts ? Une femme est entourée de défunts qu’elle a aimés et dont les noms s’effacent. Pour réinventer son lien à ces présences, elle choisit de les inscrire dans une histoire, celle de l’art et des sciences, qui abolit leurs singularités mais permet de s’adresser à eux. Là où il est écrit "dissection", "cadavre", elle dit secrètement "tu" ou "vous" et fait place à ses fantômes muets et bienveillants. L’anatomie et son cortège de figures sont les supports d’un récit qui explore les possibles de la mort, son extraordinaire pouvoir d’invention et ses liens étroits avec l’image.
Jalonnée de tableaux, de sculptures et de photographies, cette quête traverse la France, l’Italie, le Danemark et la Suisse. On y croise Vésale, l’un des plus grands anatomistes du monde, Fragonard et ses écorchés, une mystérieuse femme en vert et l’Inconnue de la Seine. La narratrice remonte la piste de ces apparitions et les déploie parce qu’elles contiennent le drame de la perte et sa consolation. Elle serait sinon restée muette, ne parvenant pas à déceler la nécessité, la générosité aussi de la mort. En parcourant une histoire du corps et de ses représentations, elle sort de la sidération et fait du deuil une aventure.
»

- Un désir démesuré d'amitié, 2024 :

« Comment parler d’amitié, raconter cette autre famille que l’on dit choisie et qui permet d’inventer de nouvelles formes de vie ? La narratrice part à la recherche de son passé et explore la multiplicité des liens à l’œuvre dans son existence.
Traversé de photographies inédites provenant d’archives queer, ce livre puissant et sensible est un roman de l’amitié, une tentative pour dire la puissance politique de ce sentiment et sa force de réinvention.
Un désir démesuré d'amitié interroge plus largement la question de la filiation : comment se composer une généalogie alternative, sauver de l’oubli les vies que la mémoire majoritaire dédaigne pour s’inscrire dans un récit non plus seulement intime mais collectif ? Car l’enquête menée ici est aussi destinée à d’autres : "
Je me dis que quitte à s’inventer de nouvelles histoires de famille, autant les mettre en commun". »

Livres en collaboration

- Alix Cléo Roubaud : photographies, Anne Biroleau, Hélène Giannecchini et Dominique Versavel, préface de Bruno Racine, introduction de Catherine Millet, Bibliothèque nationale de France, 2014.

« "Travailler comme un peintre, éléments de rythme, densité, répétition essentiellement photographique. Le singulier à répéter jusqu’à la danse, jusqu’au chant."
Alix Cléo Roubaud

Jusqu’en 2009, l’œuvre d’Alix Cléo Roubaud a été presque entièrement oubliée. Jacques Roubaud disposait des six cent cinquante-deux photographies laissées pêle-mêle après sa mort. Ces images ont aujourd’hui rejoint les prestigieuses collections de différentes institutions (BnF, Musée national d’art moderne, Maison européenne de la photographie, etc.). La BnF a reçu deux ensembles, qui constituent un fonds de 148 épreuves uniques. Le présent ouvrage présente des photographies issues de ces différents fonds, afin de donner une vision exhaustive du travail de la photographe : une œuvre à la fois intime, arrimée à sa biographie – elle-même, ses proches, ses objets familiers, ses médicaments, ses addictions – et profondément expérimentale. Alix Cléo considérait en effet le négatif comme « la palette du peintre » : une fois obtenu le tirage souhaité, le négatif était détruit. Il existe donc très peu de tirages, tous réalisés de sa main.
Cet ouvrage a été publié à l’occasion de l’exposition Alix Cléo Roubaud, photographies.
"Quinze minutes la nuit au rythme de la respiration", présentée par la Bibliothèque nationale de France sur le site François-Mitterrand, Galerie 1, du 28 octobre 2014 au 1er février 2015. »

- Inventrices : portraits de femmes qui ont changé le monde, Hélène Giannecchini et Chloé Dugit-Gros, Cambourakis, 2024. Voir des extraits du livre ›ici :

« Costanza Calenda, Jeanne Barret, Flora Tristan, Hedy Lamarr, Matilda Joslyn Gage ; ces femmes ont toutes marqué l’histoire, pourtant qui, aujourd’hui, connaît leurs noms ? Leurs inventions dans les domaines scientifiques, politiques ou artistiques ont été déterminantes, mais la postérité les a systématiquement éclipsées.
Faisant le constat de cette invisibilisation, Hélène Giannecchini et Chloé Dugit-Gros s’emparent des trajectoires de seize femmes, d’époques et de milieux divers, pour remettre en lumière leurs contributions majeures à la médecine, au cinéma, à la physique, à la cartographie des fonds marins ou plus largement à la lutte pour les droits des femmes. Tâchant de leur redonner une voix, de les incarner par le dessin et par le texte, elles retracent leurs questionnements, rendent compte de leurs découvertes et de leur détermination. Ce livre tente, à sa manière, de lutter contre l’oubli, car si le mot "inventrice" n’est jamais utilisé, si ces femmes sont écartées des livres d’histoire, c’est un pan entier de notre matrimoine qui disparaît.
»

Des articles

- « Alix Cléo Roubaud », Les Cahiers du refuge, Centre international de poésie Marseille, 2010.
- « Alix Cléo Roubaud : vérité-correspondance, vérité-cohérence ? », Transactions photolittéraires, dir. Jean-Pierre Montier, Presses Universitaires de Rennes, 2015.
- Articles dans la revue Art Press : « Emmanuel Hocquard. Écrire Tanger », janvier 2017 ; « Une possibilité de voir. Poésie et photographie », juin 2018 ; « Stéphanie Solinas : photographe spéculative » et « Joseph Mitchell : une littérature documentaire », juillet-août 2018 ; « Lola Gonzàlez », janvier 2020.
- « Une nuit chez Aunt Charlie's », VA Magazine (en ligne) 20, La Villa Albertine, juillet 2022.
- « Hommage : les mains mnémoniques de Jacques Roubaud », AOC, 20 décembre 2024.

Livret d'œuvre musicale : le livret de Cortèges, pièce jouée à la Philharmonie en 2023.

• Une ressource pédagogique : Arts confinés : kit de ressources artistiques, sous forme d'une carte mentale, en cas de confinement temporaire, élaborée par Hélène Giannecchini et Nina Léger proposée sur le portail Eduscol Arts plastiques.

Compte Instagram : https://www.instagram.com/hgiannek/

EXPOSITIONS et ÉVÉNEMENTS

- « Quinze minutes la nuit au rythme de la respiration », à la Bibliothèque nationale de France sur le site François-Mitterrand, Galerie 1, du 28 octobre 2014 au 1er février 2015. Co-commissariat avec Anne Biroleau et Dominique Versavel. Catalogue : Alix Cléo Roubaud : photographies.

- 2023 : Cortèges, pièce pour orchestre symphonique et électronique, électronique composée par Sasha Blondeau, chorégraphie et interprétée par François Chaignaud, présentée à la Philharmonie de Paris les 8 et 9 juin, dont Hélène Giannecchini rédige le livret.

« Je savais que le soulèvement est une question importante dans le travail de Sasha et la rencontre avec François a été pour moi une évidence de présence. J’avais ces deux éléments en tête et j’ai poursuivi avec ma méthode de travail, à savoir écrire avec et depuis les images. Pendant notre résidence de la Villa Albertine à San Francisco, j’ai eu accès à celles extraordinaires de la GLBT Historical Society, des photographies de défilés, de pride, de lutte, des images des activistes de la lutte contre le sida, des instantanés d’émeutes comme celle de la White Night, en 1979. Je leur ai alors proposé un arc narratif autour du cortège, des multiples manières qu’a un individu de se tenir dans la foule. Ensuite le texte a été sans cesse modifié pour coller à notre vision. » (programme du spectacle incluant une interview)

À gauche Hélène, à droite François, le bras tatoué appartient à Sasha

- 2023 : Félixe Kazi-Tani à Loyon propose une série de lectures au sein de son installation « Absente et Pourtant Concentrée » : 4 voix queers pour donner à entendre ce que peuvent nos bouches et nos ventres, dire les mécanismes d'aliénation qui se mettent en place sous la table, les possibilités de faire corps avec les nôtres, apprendre à se nourrir au-delà de la consommation, par l'échange et la transformation. Avec : Félixe Kazi-Tani, Hélène Giannecchini, Camille Cornu et Maël·le LHG.

- 2023 : à la Galerie Marcelle Alix, Paris 20e, « Ce qui fait une vie : Donna Gottschalk » du 6 avril au 20 mai, exposition pensée par la galerie en collaboration avec Hélène Giannecchini, qui présente la démarche ainsi :

Comment tout a commencé ? « Ma question était : est-ce qu’il y a une photographe de la vie quotidienne des personnes queers, de la banalité de ces existences ? J’ai commencé à demander autour de moi et c’est Isabelle Alfonsi, de la galerie Marcelle Alix, qui m’a signalé les photographies de Donna Gottschalk. J’étais à New York à ce moment-là, j’ai pris un bus et je suis allée la voir chez elle, dans le Vermont. » (« J’écris en me disant que ma vie ne suffit pas », entretien avec Jean-Philippe Cazier, Diacritik, 2 septembre 2024)

« Donna Gottschalk a vingt ans au moment des émeutes de Stonewall en 1969 et c’est justement dans ces années que son travail photographique prend de l’ampleur. Sa démarche est profondément liée à l’émergence des mouvements de lutte pour les droits des personnes lesbiennes, trans et gay dont elle fait partie intégrante : elle milite avec le Gay Liberation Front, organise des actions avec des groupes de lesbiennes radicales comme les Lavender Menace, rencontre des activistes, accueille dans son studio new yorkais des amies, des connaissances, celles qui ont besoin d’un endroit après avoir fui leurs familles et leurs villes. Le travail de Donna Gottschalk parle d’amitié et de solidarité, des liens que l’on invente pour se protéger et pour être libre. L’une des choses les plus frappantes de son œuvre est la manière dont elle se déploie dans le temps. Donna a photographié les mêmes personnes pendant plusieurs mois, parfois même pendant des années, voire des décennies. Sa sœur Myla a douze ans sur le premier portrait, un peu plus cinquante sur le dernier, alors que Donna la photographie à l’hôpital, quelques mois avant sa mort. Ce travail photographique révèle ainsi des trajectoires et ce faisant montre ce que la société fait aux corps jugés hors norme. Il y a, comme le dit Cécilia, la douceur de son regard, son amour pour celleux qu’elle photographie, des moments de fierté, des couples qui s’aiment, des corps puissants, de la tendresse, mais ses images découvrent aussi la violence de ces vies, la difficulté d’être une butch dans un monde d’hommes, la solitude de certaines femmes, les problèmes de drogue, les tabassages homophobes. Ces clichés évoquent le roman Stone Butch Blues de Leslie Feinberg, on y retrouve la même force et la même dureté. Ces portraits résonnent aussi avec les réflexions de Dorothy Allison, ils nous invitent à penser ensemble les questions de classe, de sexualité et de genre. Dans Peau Dorothy Allison écrit : "Afin de résister à la destruction, la haine de soi ou le désespoir à la vie, nous devons nous débarrasser de la condition de méprisé·e, de la peur de devenir le ils dont ils parlent avec tant de dédain, refuser les mythes mensongers et les morales faciles, et nous voir nous-même comme des êtres humain – avec nos défauts – et extraordinaires. Nous tou·te·s extraordinaires." Les images de Donna Gottschalk font partie de ces "remèdes à la destruction". Elle a documenté des vies avec la volonté de montrer leur beauté et de les sauver de l’oubli pour que leurs noms continuent d’être prononcés : Donna, Myla, Marlene, Chris, Joan, Vincent, Mary, Sue. Elleux toustes, extraordinaires. » (Hélène Giannecchini dans un entretien sur le site de la galerie)

- 2024 : dans une exposition collective à la Galerie Buchholz à New York en avril-mai : voir ›Alix Cléo Roubaud by Hélène Giannecchini.

- 2024 : participe à l'exposition Murs d'images d'écrivains au Musée universitaire de Louvain du 2 février au 19 mai (catalogue ici) : Hélène Giannecchini a reconstitué l’un des murs de son bureau dans l’exposition.

« En réalité, j’ai un double mur d’images. Mon bureau est dans un angle et j’ai un petit mur à droite avec des images qui, elles, ne bougent pas – qui agissent un peu comme un talisman –, avec des photos de volcans, par exemple. J’ai besoin de vivre avec les images, parce qu’on ne voit des choses que dans la durée, après décantation. On croit souvent qu’on peut voir une image immédiatement, dès qu’elle apparaît ; je crois au contraire que pour vraiment voir une image, il faut vivre au moins un an avec elle et l’éprouver tous les jours. Mon bureau est l’endroit où je passe le plus de temps dans ma vie, c’est là où je fais mes mails, j’écris, je prépare mes expositions, mes cours. Du coup, je vis avec ces images et même quand je ne les regarde pas, elles sont là, même quand j’ai les yeux dans le vague, elles sont là. Des fois, je les regarde activement, ce que je ne fais pas si elles sont dans des tiroirs. » (Entretien avec Corentin Lahouste et Anne Reverseau, revue Place)

 Bureau d’Hélène Giannecchini à Ivry, juin 2023 (photo Anne Reverseau et Jessica Desclaux)

2024 : Performance par Hélène Giannecchini et ses ami.e·s Violette Arnoulet, Sasha Blondeau, Antoine Idier, Félixe Kazi-Tani le 12 septembre, soirée d'ouverture du festival Extra! au Centre Pompidou.

- 2024 : dans le cadre du « Cycle présences lesbiennes » organisé par Aware à la Villa Vassilieff : « Pratique de la photographie et pensée de la communauté », soirée composée et modérée par Hélène Giannecchini le 12 novembre.

- 30 janvier 2025 : dans le cadre d'un cycle « Les valeurs : hier, aujourd’hui, demain » conçu et coordonné par Sabina Loriga (GEHM, Groupe d'études sur les historiographies modernes à l'EHESS), débat sur le thème « L’amitié est-elle seulement un sentiment privé ou une vertu politique ? » avec Olivier Abel (Fond Ricœur), Christophe Prochasson (Ehess), Hélène Giannecchini (écrivaine), Marielle Macé (Ehess) à l’Institut culturel italien à Paris.

- 2024 au CND (Centre national de la danse à Pantin) :
›21 octobre, dans le cadre de la résidence, atelier « Archive Fever »
par la philosophe Emma Bigé, l'écrivaine Hélène Giannecchini, la chorégraphe Marcela Santander. Emma Bigé est l'autrice de Mouvementements : écopolitiques de la danse (éd. de La Découverte, 2023).
›24 octobre : «
Archive Fever : Et toi, c’est quoi ton archive ? », conférence atelier où, pendant une heure, elles posent ces questions en lisant des textes, en regardant des images, en dansant des archives et en se racontant des histoires.

« Cette conférence-atelier qui réunit les trois performeuses mêle danse, textes et images autour de la question d des archives. Toutes trois charrient avec elles des histoires multiples, sud et nord-américaines, européennes, latinx, (post)coloniales, blanches et non blanches, pédées, lesbiennes, bi, cis, trans. Ensemble, elles se demandent ce qu’on peut apprendre en passant du temps au contact de vies anciennes qui ont été dans la galère, ont inventé des modes de vies, ont parfois dû affronter la solitude, ont fait la fête, aimé, lutté. Quels ancêtres et quelles histoires vivent en nous ? Comment comprendre et dévoiler les multiples mémoires qui influent sur notre manière de nous mouvoir et de créer des gestes ? »

- 2025 : 10 et 12 avril au Palais de Tokyo, spectacle « Archive Fever » : comment ça danse dans les archives des vies et des luttes queers ?

- 2025 : du 19 juin au 16 novembre, exposition « Donna Gottschalk & Hélène Giannecchini : Nous Autres », au BAL, Paris 18, qui est « une plateforme indépendante d'exposition, d'édition, de réflexion » :

« LE BAL exposera l'œuvre inédite de la photographe et activiste états-unienne Donna Gottschalk. Ses photographies, réalisées de la fin des années 1960 au début des années 1980 entre New York et San Francisco, dépeignent la vie intime et militante de communautés en marge mais aussi la vie quotidienne de sa famille et de ses proches. Fruit d'une rencontre et d'un dialogue soutenu entre l'artiste et l'écrivaine Hélène Giannecchini, l'exposition formera une constellation où chacune des photographies de Donna Gottschalk et chacun des textes d'Hélène Giannecchi rendront hommage aux histoires et personnes trop longtemps ignorées. »

On parle déjà de l'exposition : « Donna Gottschalk photographe : l'instant affectif », par Magali Lesauvage, Le Quotidien de l'art, 18 juillet 2024.

Un livre est attendu en lien avec l'exposition : Nous autres, de Hélène Giannecchini, Julie Heraut, Carla William, éd. Xavier Barral, coll. Beaux Livres : première monographie consacrée à l'œuvre photographique de l'artiste américaine Donna Gottschalk :

« L'ouvrage tissera un dialogue entre les images de Donna Gottschalk et les textes d'Hélène Giannecchini, pour raconter cette Amérique des marges et donner voix aux vies ignorées.
Il sera complété d'un long entretien entre les deux femmes et d'un riche appareil critique, comprenant des documents d'archives inédits ainsi que deux essais, signés par Carla Williams, photographe et historienne de l'art américaine, et par Julie Héraut, co-commissaire de l'exposition qui se tiendra au BAL à l'été 2025.
»

1970 : photo « iconique » de Donna Gottschalk, à 21 ans, par Diana Davies :

Donna Gottschalk et Hélène Giannecchini :
 

ENTRETIENS RADIO ET VIDÉO

- Pour un flirt avec : « Hélène Giannecchini : queerer l'amour », Radio Campus, 5 octobre 2024, 1h. Extraits :

« J'ai l'habitude de dire mes amis me rangent la tête (...) et quand on parle d'amour c'est très utile ».
« L'amour est entré dans ma vie par l'amour parental. »
« J'ai eu des crushs, on a ça quand on est enfant ».
« Êttre amoureux c'est super mais ce n'est pas très intéressant ».

« - Qu'est-ce que vous avez lu par amour ?
-
Récemmment, j'ai lu American psycho parce que je suis avec quelqu'un qui m'a dit c'est mon livre préféré lu [il y a 15 ou 20 ans] et je ne l'avait jamais lu (...) la violence de ce livre m'a un peu sauté au visage (...) c'est l'histoire d'un serial killer qui en gros asssasine les femmes par plaisir (...) cette haine des femmes je ne peux plus la lire (...) c'était un été un peu particulier c'était il y a un peu plus d'un an, je lisais Triste tigre de Neige Sinno, un texte extraordinaire et magnifique (...) je les ai lus l'un après l'autre (...), avec American psycho j'avais envie de me jeter par la fenêtre, esthétiser le motif de la femme violée, c'était insupportable ».

- La 20e heure : « J'écris sur la puissance et la beauté des relations queers », Eva Bester, France Inter, 10 septembre 2024, 48 min. Extraits :

« J'aime beaucoup le mot queer dans sa forme anglaise, parce qu'elle porte encore l'histoire du terme. C'est ce qui dérange, ce qui est de travers, alors qu'en français, ce mot est complètement édulcoré. Il faudrait inventer un mot, mais je n'ai pas réussi à le faire. Pour ce livre, j'aimerais que quelqu'un invente un mot féministe et résolument minoritaire. Ce livre propose aussi un autre mode d'organisation de la cité, en cela, il est politique. »

« Hélène Giannecchini considère aussi que les livres sont comme ses amis, comme dans Les Argonautes de Maggie Nelson : « On vit avec les livres comme on vit avec ses amis. Il y a des rencontres décisives comme certaines amies ou certains amis vont changer notre vie, et les livres font pareil. La découverte de Maggie Nelson et de Monique Wittig a été pour moi de vraies rencontres. On peut rencontrer des personnes mortes qui nous donnent une direction. Ce sont des livres tellement puissants qu'à la fois, ils donnent envie d'écrire, et en même temps, ils sont aussi d'une telle simplicité, que cela nous donne envie de vivre notre vie. »

« J'aimerais bien m'intéresser plus à la science-fiction, je connais pas du tout, très mal, je sais que j'ai beaucoup de gens autour de moi qui sont passionnés pour des auteurices comme Ursula K. Le Guin par exemple et ça m'intéresserait un jour d'aller voir et je connais pas du tout donc ça c'est quelque chose que j'ai dans ma ligne de mire ».

- Les Midis de Culture : « Justine Augier et Hélène Giannecchini, deux enquêtes littéraires », Marie Labory, France Culture, 8 octobre 2024, 27 min : écouter à partir de la 16e min. Extrait :

Marie Sorbier : « J'ai été éblouie par ce livre, au sens premier. Il m’a apporté beaucoup de lumière dans en m'ouvrant des portes dont je ne soupçonnais pas l’existence. Le récit est d’une limpidité folle, extrêmement riche. Hélène Giannecchini donne des clés pour comprendre le monde. Elle nous présente l’amitié comme la position structurale d'une société et fait de son ouvrage un grand plaidoyer pour une amitié au sens très large, une amitié qui va jusque dans les luttes. Et tout cela est fait avec une grande délicatesse, une intelligence merveilleuse. »

- Le Book Club : « Repenser l'amitié à la lumière de nos héritages queer », Marie Richeux, France Culture, 4 septembre 2024, 58 min. Extrait :

« - Ce qui m'a frappée lors de la lecture de votre livre, c'est à la fois la simplicité et la sobriété pour mettre des mots sur des tentatives de définition complexes du mot famille. D'ailleurs, tout au long du texte, vos mots rendent compte et témoignent de bon nombre de tâtonnements lexicaux. Aussi, je me demandais ce qui a été le point de départ de l'écriture de votre livre, et ce qui a primé pour vous, ce qui a compté le plus : l'exigence du récit de votre expérience personnelle et familiale, ou bien la documentation extérieure ?
-
Je pense que le point de départ est double. Il y a, d’une part, ma situation personnelle, qui est que plus je vieillis et plus je sens qu'on attend de moi que je fonde une famille dite biologique, ou que j’ai des enfants, et d’autre part mon envie d'imaginer des vies alternatives avec mes amis. Il y avait une sorte de frottement entre une attente sociale et mon désir intime, la manière dont j'ai envie de construire ma vie. Il y avait là une question et peut-être la possibilité d’un livre. »

- Le Point culture : « Comment faire vivre les archives des luttes LGBTQ ? », Marie Sorbier, France Culture, 1er juin 2023, 7 min. Extrait :

« Mon processus d’écriture c’est que j’avale les images, j’ai une obsession pour elles, je les cherche, je les collectionne, je les affiche chez moi, je vis avec. Elles infusent et fonctionnent comme des déclencheurs d’écriture. »

- Maison de la poésie : « Am(i)es sœurs : Blanche Leridon & Hélène Giannecchini », entretien mené par Élisabeth Philippe, 18 octobre 2024, en vidéo. Le dialogue avec H. Giannecchini, après la lecture par Anna Mouglalis, commence ›ici. Extrait :

« - Il y a un manque, une absence au départ de votre désir d'écrire, on sent que c'est un manque presque intime en fait puisque vous dites un moment, enfin vous écrivez, longtemps j'ai cru que je n'existais pas donc c'est une absence qui vous est presque constitutive. Est-ce que pour vous écrire cette histoire, écrire ce passé dont vous vous étiez si longtemps sentie amputée c'était forcément entremêler l'histoire queer et l'histoire de l'amitié, comment ce lien s'est fait ?
- En fait les deux idées ont convergé de manière assez organique dans l'écriture du livre, parce que je me suis rendu compte que écrire l'histoire queer, c'était écrire une histoire de l'amitié et que l'histoire manquante - enfin celle que je voulais me donner en fait qui était : quelles sont les vies qui m'ont précédée, quelles sont les luttes qui m'ont précédée et qui me permettent d'être là aujourd'hui et de vous parler, de parler dans un lien public sans craindre pour ma sécurité par exemple, qui sont les personnes qui ont permis ça ; quand on regarde leur vie de près, en fait fait l'amitié est tout le temps présente et l'amitié est un des sentiements, un des affects les plus importants de la lutte politique et donc j'avais le sentiment que l'amitié, une de mes intuitions u moment de l'écriture du livre, c'était que l'amitié était un sentiment qui portait en lui un ferment révolutionnaire
».

- Librairie Météores de Bruxelles sur youtube : « Familles choisies, héritages sans testament », entretien avec Raoul Rul, 27 décembre 2024, 48 min. L'entretien approfondi le plus intéressant de tous !
.     

PRESSE ÉCRITE

Les articles sont innombrables. La plupart décrivent le contenu du livre. Ceux qui sont choisis ci-dessous permettent un éclairage sur le livre de la part du critique ou de l'auteure, ou un jugement du critique (bien plus rare, heureusement que les nôtres arrivent !). Le livre est sorti le 30 août 2024 ; les articles choisis se succèdent dans l'ordre chronologique d'août à novembre :

- L’Humanité : « Hélène Giannecchini compose sa lignée », Alain Nicolas, 29 août 2024. Extrait :

« Dans les récits de vie qui composent cette enquête, Hélène Giannecchini reconstitue à la fois les étapes de sa vie "féministe, minoritaire, queer", de ses relations amoureuses qui ont été les moments où elle a découvert Judith Butler ou Monique Wittig. Elle raconte ce qui l’a menée à créer "une autre famille en plus de celle qu’(elle a) déjà" – et qu’elle ne rejette pas. Elle le fait avec un aplomb sans réplique : "J’ai choisi tous ses membres. C’est moi qui ai composé ma lignée, le passé ne s’est pas imposé au présent comme cela se fait d’ordinaire." Tout cela dans un livre fin et puissant dont on ne peut qu’être l’ami. »

- En attendant Nadeau : « Extension du domaine de la famille », Tiphaine Samoyault, 31 août 2024. Extrait :

« Le récit d’enquête est une des formes dominantes de la littérature française contemporaine. Il doit moins au roman policier – même s’il en conserve quelques-uns des procédés – qu’aux travaux de terrain menés par les sciences sociales. À partir d’archives, d’entretiens et des voyages sur les lieux, il s’agit le plus souvent de partir à la recherche d’un ancêtre mystérieux dont on a gardé peu de traces ou d’un personnage invisible éclairant d’un jour nouveau l’histoire centrale. À première vue, le livre d’Hélène Giannecchini relève de ce genre puisqu’elle travaille beaucoup à partir de fonds d’archives, mais il s’en distingue par deux aspects. Il ne part pas à la recherche d’une figure ou d’un figurant de l’histoire, mais travaille à partir d’une idée, celle d’amitié, ou plus précisément de ce qu’en anglais on appelle le "kinship", qui a à voir avec la parenté, mais pas au sens de la généalogie ou de l’anthropologie parce qu’il s’y ajoute la notion d’affinité (éventuellement élective). Ce sont donc les parentés choisies, ou encore l’amitié qui fait famille, qui sont l’objet de sa quête. Le deuxième aspect très original du livre tient précisément au rapport à l’archive : l’autrice ne la fait pas contribuer au régime de la preuve, elle en fait une terre de rêverie, impulsant l’imaginaire ou la pensée. Qu’elle se trouve à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine à Caen ou aux Lesbian Herstory Archives à Brooklyn, à la San Francisco Library ou dans des archives privées du Vermont, elle ouvre des boîtes au hasard, elle ne sait pas exactement ce qu’elle cherche, elle imagine trouver, elle trouve. »

- Diacritik : « J’écris en me disant que ma vie ne suffit pas », entretien avec Jean-Philippe Cazier, 2 septembre 2024. Extraits :

« Quand je disais que je voulais écrire sur l’amitié, on me répondait : "Ah oui, Derrida, Montaigne…". Les références étaient souvent les mêmes et il me manquait des choses en sociologie ou en histoire, des textes écrits par des femmes aussi. Ce constat a induit pour moi une forme de méthodologie : je me suis dit que, plutôt qu’une théorie de l’amitié, plutôt qu’une réflexion purement abstraite, j’avais envie de considérer les pratiques, une histoire de l’amitié, une sociologie de l’amitié. Je voulais comprendre quelles étaient ses évolutions, quels types de rapports sociaux elle induisait, etc. S’ouvrait à moi un champ nouveau. C’est comme ça que le livre a commencé à s’élaborer. »

« Il est difficile pour moi de dire de quoi il s’agit lorsqu’on m’interroge sur ce livre, ou sur les précédents : est-ce un roman ? est-ce un essai ? Je dis que c’est un récit. Je tiens à cette hybridité que je trouve féconde. »

« Disposer, dans un récit, des personnages, permet d’avoir des points de vue qui ne sont pas toujours exactement les miens, ou des points de vue dans lesquels j’ai un peu forcé le trait. »

« Dans mes livres, il y a toujours un engagement personnel. Je dis souvent qu’une sorte de premier degré préside à l’écriture du texte : je me pose une question, j’écris pour tenter d’y répondre. Pour mon premier livre, Une image peut-être vraie, je me suis retrouvée submergée par les archives de l’artiste Alix Cléo Roubaud et j’ai écrit pour comprendre ce que cela me faisait. Pour le second, Voir de ses propres yeux, j’ai été confrontée très brutalement à la mort et au deuil, et la pensée et l’écriture m’ont aidée à traverser ce moment. Pour Un désir démesuré d’amitié, j’étais à un moment de ma vie où je m’interrogeais personnellement sur la famille, sur l’amitié, les modes de vie et je cherchais à trouver un endroit de nuance sans pour autant exclure une certaine radicalité. »

« Quand je lis pour la première fois Les Argonautes, de Maggie Nelson, par exemple, c’est une rencontre. Ce livre est un·e grand ami·e, il a changé ma vie comme peuvent parfois le faire des gens que l’on rencontre. »

« Si on conçoit la pensée comme une forme de conversation amicale, je crois aussi qu’on peut éviter une approche dogmatique, pédante, que je fuis. Je prends un exemple qui est celui de la citation. Parfois, citer est nécessaire, et je suis moi-même habitée par les phrases d’autres personnes avec lesquelles je converse. Mais je ne veux pas oublier que la citation est aussi un instrument de distinction sociale. J’aimerais être une écrivaine qui cite peu à l’oral, qui évite le coup de la « bonne phrase » qu’on lance dans un dîner et qui sert plus à montrer ce que l’on sait qu’à dire vraiment quelque chose. Dans un livre, est-ce que l’on peut convoquer des textes sur ce registre amical, de conversation, sans qu’il ne s’agisse d’une position de surplomb pour les lecteurs et les lectrices ? J’essaie de trouver des formes pour ça. Par exemple, les notes dans la marge tentent de proposer un autre rapport aux sources. J’ai emprunté cette forme d’étoilement des références aux Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes et aux Argonautes de Maggie Nelson. Ce n’est pas simplement un choix esthétique, je crois aussi que ça déjoue ou allège quelque chose. »

- Maze Magazine : « Affection, tendresse, compagnonnage », Marie Viguier, 11 septembre 2024. Extrait :

« L’écriture d’Hélène Giannecchini a ceci de remarquable qu’elle allie limpidité de style, précision d’enquête et sincérité littéraire. »

- Libération : « Un désir démesuré d’amitié, livret de famille choisie », Virginie Bloch-Lainé, 12 septembre 2024. Extraits :

« Depuis trente ans, la question des contours des nouvelles familles et des formes inédites de la parentalité est au cœur de livres, de documentaires, d'articles et d'émissions de radio ou de télévision. Si bien que ce texte-ci, accompagné de photographies trouvées dans des brocantes ou dans des fonds d'archives, n'est jamais aussi intéressant, agréable à lire et singulier que lorsque Giannecchini raconte sa propre enfance, ou l'état dans laquelle la plonge une histoire qu'elle découvre, entend ou lit. Lorsqu'elle parle d'elle, on y est, c'est bien. En revanche, quand le livre creuse la théorie, il souffre de la comparaison avec Les Argonautes, justement, ou du fait que l'autrice avance des vérités que l'expérience malheureusement dément. Par ailleurs, qu'une famille choisie soit plus fiable que la famille de sang, même si c'est bien de le rappeler et de s'en souvenir dans les moments de crise, de déception et de désarroi, nous le savons. »

« L'importance qu'elle accorde à l'amitié tient également à l'arrivée, dans la maison familiale, en banlieue parisienne, d'une amie des deux parents qui étaient restés ensemble. Ils avaient rencontré cette femme quelques années plus tôt et l'ont appelée pour lui proposer une chambre, chez eux. Ils éprouvaient le besoin "de faire une trouée d'amitié dans ce tout-familial". La description de cette femme est jolie : Giannecchini la montre aérienne, heureuse, indépendante mais attentionnée. Elle était lesbienne ; son homosexualité, si elle ne comptait pas pour l'autrice quand elle était enfant, fut ensuite un modèle : "J'enviais sa liberté." »

« Entamant une relation avec une femme de seize ans son aînée, l'autrice fait l'expérience de la position décalée de sa génération par rapport à la peur et au malheur causés par le sida dans les années 80. Elle rencontre cette future amante en ligne. Ellemême a 24 ans ; la femme, Myriam, en a 40. Leur premier rendez-vous se passe dans un restaurant grec du Xe arrondissement de Paris : "Elle est déjà là quand j'arrive et je la reconnais alors que je ne l'ai jamais vue. Elle est de dos, je vois sa nuque, ses cheveux courts et gris." Myriam ne se montre pas immédiatement chaleureuse. Elle est dure, distante le matin, alors qu'elles ont fait l'amour toute la nuit. Son appartement est presque vide, ce qui, pour le lecteur, fait écho à sa nuque épurée et à la froideur de son comportement. Le sexe avec elle "est cru, direct, et me donne une impression de puissance". Ce sentiment, particulier et fondamental, l'amitié ne l'offre pas. »

- Le Nouvel Obs : « Aux ami.e.s qui lui ont sauvé la vie », Elisabeth Philippe, 12 septembre 2024. Extraits :

« Un essai littéraire d’une pugnace délicatesse sur la puissance de l’amitié, en particulier chez les personnes queers. »

« Comme dans ses précédents livres dont le magnifique Voir de ses propres yeux, l'autrice part d9images, pour mieux atirer et déplacer en douceur notre regard. On tourne ainsi les pages de ce livre composé de photos et d'archives, à la fois intime et ouvert, comme on le ferait d'un album de famille d'un nouveau genre, hybride et accueillant. Le "désir démesuré d'amitié", qui donne son si beau titre à ce texte, devient irrémédiablement le nôtre. »

- Le Monde : « S’inventer un album de famille queer », Amaury da Cunha, « Histoire d’un livre», 19 septembre 2024. Extraits :

« La grande force d’Un désir démesuré d’amitié, d’Hélène giannecchini, tient à la clarté de ses intentions. "Comment qualifier cette histoire que je poursuis ? Féministe, minoritaire, queer ? Certainement", écrit-elle. »

« Pour elle, cette vie hors de la famille nucléaire et ses liens de "fictions" repose sur l'amitié comme force d'émancipation. C'est la mémoire de ces résistances collectives qui constitue la matière de ce livre écrit à partir d'archives.
Comme l'histoire de la Casa Susanna, villa clandestine de l'Etat de New York où se retrouvaient, dans les années 1960, des hommes travestis et des femmes trans ; ou encore ce témoignage bouleversant de Jean Dumargue, malade du sida, qu'Hélène Giannecchini retrouve dans les archives de l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine (IMEC) : il raconte, en 1992, qu'il n'y a guère plus que ses amis qui ne considèrent pas son corps comme un futur cadavre. Face à ces documents exhumés, Hélène Giannecchini ne se contente pas de rapporter des faits. Elle s'engage aussi, grâce à la puissance de son "
je", qui lui permet de dialoguer avec ces mémoires et d'en faire enfin partie.

- Le Vif/L'Express (Bruxelles) : « Un désir démesuré d'amitié », Marcel Ramirez, 26 septembre 2024. L'article :

« En 2017, dans Mon autre famille (L'Olivier), Armistead Maupin s'épanchait sur cette famille "choisie" (contrairement à la famille biologique), née autant de liens amicaux, qu'en réponse à la domination toujours prégnante du couple hétérosexuel et de la famille biologique en tant que normes. Dans Un désir démesuré d'amitié, Hélène Giannecchini ne parle pas d'autre chose. Dans cet attachant roman-enquête, elle puise dans ses propres souvenirs, fréquente les bibliothèques, consulte des archives queer... Pour s'inventer une "généalogie alternative", elle exhume, comme elle l'a fait plus tôt cette année avec la publication d'Inventrices (Cambourakis), avec l'illustratrice Chloé Dugit-Gros, ces voix injustement tues comme celles de Lena Vandrey, artiste et maçonne, ou de la photographe Donna Gottschalk, à qui on doit les photos sur le bandeau du livre. Cette dernière l'accueillera pour quelques jours, et la laissera fouiller dans ses cartons de photographies. Au milieu de récits plus intimes dans lesquelles elle explique notamment comment elle "devien(t) lesbienne", Hélène Giannecchini convoque Roland Barthes, Michel Foucault ou Donna Haraway. Plus loin, elle conte un voyage à San Francisco où elle réalise, dépitée, que "la communauté LGBTQ+ représente plus un marché qu'une contre-culture". Avec son écriture limpide et sensible, elle dit l'incapacité du langage à désigner ces nouvelles formes d'amitié, introduit la notion d'"idiorythmie" (en gros, allier solitude et vie collective), ou décrit comment elle et ses amies comptent hacker le mariage. "Fais un effort pour te souvenir. Ou à défaut, invente", fait-elle répéter à Monique Wittig. C'est exactement cela : dans ce livre important, Hélène Giannecchini invente de nouvelles façons d'appréhender notre monde. »

- La Tribune Dimanche : « L'amitié n'est pas une option », Arnaud Cathrine, 27 octobre 2024. Extrait :

« Virginia Woolf rappelait la nécessité de disposer d'une chambre à soi : Hélène Giannecchini nous invite à considérer l'idée d'une chambre à nous. C'est bien ce qu'on espérait en plongeant dans ce récit au titre scintillant : il ne parle pas exclusivement aux femmes et à la communauté queer : il s'adresse à toutes celles et tous ceux qui trouvent exaltant de s'affranchir des injonctions d' évidence. »

- Le Temps (Genève) : « L’amitié prodigieuse », Marco Dogliotti, 9 novembre 2024. Extraits :

« Le repas de famille idéal selon Hélène Giannecchini ? Aux places d'honneur siégeraient face à face la théoricienne Monique Wittig et la poétesse Audre Lorde. Parmi les convives figureraient Virginia Woolf, Leslie Feinberg, Claude Cahun, Renée Vivien et d'autres icônes de la culture queer. Et des personnes moins connues ou anonymes découvertes à travers les archives. À cette famille choisie, cimentée par le partage de rêves et d'aspirations communes, l'autrice donne un nom : amitié.
Dans son nouvel essai, Un Désir démesuré d'amitié, Hélène Giannecchini dessine les contours éthiques, politiques et pratiques de ce sentiment si fondamental dans son existence de femme lesbienne.
»

« Parce qu’elle désigne un "nous", l’amitié contient en germe une puissance révolutionnaire. »

- Rtbf (Radio-télévision belge de la Communauté française) : « L’amitié est une manière de lutter contre l’atomisation de la société », entretien avec Simon Brunfaut & Pascal Claude, 30 novembre 2024. Extrait :

« - Quand avez-vous eu le sentiment de commencer à exister ?
-
Dans le livre, en tout cas, je dis que je croyais que je n'existais pas jusqu'à rencontrer des semblables.
- Qui sont vos semblables ?
- Ce sont des déviants et des déviantes.
»


Et pour conclure par une interrogation, un article publié la veille de notre séance : « Et si les amies étaient le secret du bonheur ? », dans le cadre du « Libé des solutions spécial 8 mars », à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.

Impossible de conclure... Ah ! Quelques jours après notre séance, le 1 hebdo consacre son numéro à cette question : « Amitié qu'est-ce qui nous lie ? », avec des articles alléchants, dont un article « L'amitié peut-elle représenter d'utopie politique ? » d'Anne Vincent-Buffaut qui a publié Une Histoire de l'amitié.

Et encore : le Collectif Marthe, « en quête de sujets à la lisière entre l'intime et le politique » présente sa nouvelle création, Vaisseau familles, au Théâtre de la Bastille du 27 mars au 10 avril 2025 (« Qu'est-ce que ça veut dire "faire famille" ? »...)


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