LE GROUPE VOIX AU CHAPITRE

Se réunir autour de la littérature ne date pas d'hier ; les salons littéraires, typiquement français, font encore rêver…
Des appellations très diverses, au gré de l'histoire, montrent d'emblée la diversité des pratiques que la sociologie nomme "sociabilités" de la lecture : cabinets de lecture, cénacles, cercles, clubs, sociétés, académies, bureaux d'esprit, pléiades, loges, dîners, cafés, soirées, réunions, associations littéraires, comités de lecture, tournantes de prêt, circulantes, ateliers, groupes de lecture…
Ajoutons les termes utilisés dans le monde anglo-saxon où est bien plus développée qu'en France la tradition des reading groups : book clubs, book discussion clubs, literacy clubs, literary circles, literature circles, reading circles, etc.

Si des études sur les groupes de lecture existent à l'étranger, rares sont en France les publications qui font état de ces pratiques en les analysant, alors que la sociologie de la lecture est bien développée. La consultation des publications existantes convainc de la spécificité de notre groupe et suscite l'envie de la détailler.
De plus en plus d'internautes nous contactent par ce site Voix au chapitre et une présentation plus approfondie pourrait les intéresser.
Ceux qui souhaiteraient créer un club de lecture manquent d'information pour savoir comment s'y prendre et parfois nous contactent dans cette perspective : ils pourront trouver des pistes en lisant ce qui suit, pour nous ressembler ou surtout pas fonctionner comme nous...

L'origine du groupe
Le nom du groupe
Le statut de Voix au chapitre
Conditions de participation au groupe
Le fonctionnement : trois temps
Des événements particuliers
Quelques rôles particuliers
Ce qu'on trouve dans le groupe de lecture
Des différences entre les lecteurs du groupe
Presse et publications sur le groupe
En conclusion provisoire

L'ORIGINE DU GROUPE
Voici brièvement l'histoire du groupe :
- A l'automne 1986, Christian fait paraître une petite annonce dans Télérama pour trouver de nouveaux membres à un groupe lecture n'ayant plus que quatre participants, qui se réunissent chez lui en banlieue parisienne (aux Lilas, 93). Brigitte s'y rend en novembre 1986, pour La valse aux adieux de Milan Kundera ; elle est donc la plus ancienne. Claire (qui avait gardé la petite annonce) rejoindra le groupe en septembre 1987 pour Aurélien d'Aragon ; à partir de décembre 1987, le groupe s'est réuni chez Claire à Paris.
- En octobre 2004, Lil et Nicole, qui entendaient depuis longtemps parler du groupe par Claire, créent près de Vannes un groupe Voix au chapitre-Morbihan, prévoyant de suivre un programme de lecture analogue, mais à un rythme mensuel et non bimensuel.
- En mai 2008, également en Bretagne, Édith, libraire à Bécherel la Cité du livre (en Ille-et-Vilaine), crée un groupe Voix au chapitre-Bécherel qui vit jusqu'en 2013.
- En septembre 2014, est créé Voix au chapitre-Pontivy qui se réunit alors dans la librairie "Rendez-vous n'importe où" de Sophie, avec la même formule (une fois par mois). Le groupe vivra deux ans.
- En mars 2016, est créé un deuxième groupe parisien, suivant un programme de lectures identique et se réunissant d'abord mensuellement (comme les groupes bretons), chez Françoise H.

LE NOM DU GROUPE
Nous n'avions pas de nom jusqu'en 2001 ; nous nous nommions "le groupe lecture" : ni "club", ni "cercle", termes sans doute trop prétentieux à nos yeux. Nous n'utilisions pas la préposition "de" (groupe de lecture), estimant probablement que le groupe assimilé à la lecture méritait une apposition directe.
Lorsque ce site a été créé, il nous a fallu trouver un nom pour avoir une adresse web, une URL ; nous avons fait un brainstorming à l'issue duquel "Voix au chapitre" l'a emporté : chacun a en effet la parole, à voix égale. Quant au chapitre, il renvoie davantage au livre qu'à une assemblée religieuse ou à une salle capitulaire…
Les groupes bretons qui se sont créés ont ajouté leur lieu : "Voix au chapitre-Morbihan", Voix au chapitre-Pontivy". Utilisant l'acronyme, ils évoquent VAC (Voix Au Chapitre). A Paris, l'expression "groupe lecture" perdure.
Le deuxième groupe parisien s'appelle "le nouveau" par rapport à "l'ancien"…

LE STATUT DE VOIX AU CHAPITRE
Voix au chapitre n'est pas déclaré comme association "de droit". Si l'on tenait à en donner une définition administrative, il s'agit, en tant que groupement de personnes, d'une association "de fait" ou "non déclarée", sans la capacité juridique de la personne morale. Son nom ou sa dénomination ne peuvent être protégés. Mais elle ne peut être assignée en justice…
Socialement, le site internet donne à l'activité du groupe une existence numérique, en même temps qu'une mémoire : www.voixauchapitre.com

CONDITIONS DE PARTICIPATION AU GROUPE

Cinq conditions ignorées
Il n'y a pas de conditions liées à :
- l'argent : pas d'adhésion, pas d'argent qui circule ; les livres peuvent être empruntés en bibliothèque - pas toujours selon le livre (s'il est récent) et le contexte du groupe (rural par exemple) ; ils sont la plupart du temps choisis quand une édition au format poche existe
- l'âge : vu l'ancienneté du groupe, des participants de la première heure ont pris de l'âge : ainsi celui qui est venu à 18 ans dans le groupe a-t-il maintenant 43 ans ; il y a des seniors, mais aussi des jeunes, heureusement
- le sexe : le groupe est mixte certes, mais la parité n'est pas atteinte, loin de là… ; l'on sait que les hommes lisent moins de romans que les femmes et que d'autre part les activités culturelles "en groupe" sont davantage fréquentées par les femmes ; les hommes sont recherchés mais pas à tout prix…
- la profession, les études : les métiers exercés sont assez variés. Avoir fait des études littéraires n'est pas forcément un atout au sein du groupe, mais n'est pas un inconvénient non plus… Pourquoi pas un atout ? Les professeurs de lettres ont un rapport de savoir à la littérature et c'est une toute autre posture qui est attendue dans le groupe, celle de la subjectivité, à laquelle les études littéraires ne préparent pas nécessairement. Pourquoi pas un inconvénient ? Des outils d'analyse des textes peuvent être mis à contribution au service de l'analyse de réactions subjectives.
- l'assiduité : elle est appréciable, mais n'est pas nécessaire ; les participants viennent quand ils veulent/peuvent. Dans l'ancien groupe parisien, ils ne préviennent pas s'ils viennent ou pas, ce qui fait que la composition du groupe lors d'une séance est à chaque fois une surprise. Il en va différemment pour un nouveau groupe Voix au chapitre qui, se créant, a besoin d'une continuité naissante.

Trois conditions pour participer
- être intéressé par la lecture, et la lecture de livres divers : un amateur exclusif de polars n'aurait pas sa place (à moins que, justement, il aspire à élargir ses goûts littéraires) ; il va sans dire qu'un désir de participer à un groupe "culturel" juste pour rencontrer des gens ne suffit pas ; l'expérience montre qu'un brin de passion liée à la lecture (voire à l'écriture) est une composante de participation régulière au groupe…
- lire le livre programmé : le groupe ne reçoit pas d'"auditeur libre" qui voudrait venir voir en spectateur "comment ça se passe" avant de participer ; même si l'on vient une fois, on a lu le livre...
- être intéressé par les avis d'autrui, notamment lorsqu'ils sont différents du sien : cette condition est essentielle.
S'ajoute une condition externe : le nombre maximum de personnes présentes ; le "candidat" peut se voir proposer d'être "en liste d'attente" afin d'éviter qu'un nombre trop important rende le tour de table trop long. A partir de 15 personnes, on commence à frôler un seuil. Une limitation de la parole, expérimentée lors de la Semaine lecture de 2016 avec 23 personnes, a donné si bien satisfaction qu'on l'a introduite dans le fonctionnement ordinaire.

Modalités pour intégrer le groupe
Pour entrer dans le groupe, le "candidat" :
- soit connaît un participant et entrera "par cooptation" dans le groupe
- soit contacte le groupe par le site internet : un échange par mél, par téléphone ou de visu permet de répondre aux questions et de s'assurer que le "postulant" ne fait pas fausse route, ce qui pourrait avoir un effet de "perturbation" pour le groupe.
Dans les deux cas, il participera à une séance en ayant lu le livre programmé, puis reviendra ou non.
Notamment dans les groupes bretons qui ont fonctionné ou fonctionnent essentiellement par cooptation, le "cooptant" a la charge de régler un problème si le "coopté" en posait.

LE FONCTIONNEMENT : TROIS TEMPS
Participer à une séance de notre groupe de lecture renvoie à plusieurs moments :
- avant, avec le choix du livre lu, la lecture du livre proprement dite
- pendant, chacun, sur un même livre que tous ont lu, écoute les avis des autres et donne le sien lors du tour de table, puis on échange ; l'on boit et mange également
- après, à travers les comptes rendus (sur le site) et les messages (électroniques).

AVANT : Le choix des livres

Les modalités de choix
- Le choix se fait au fur et à mesure de l'année et non en une seule fois.
- Les propositions peuvent émaner de tout membre du groupe, parisien ou breton.
- Il faut que le titre proposé trouve un relatif consensus ; il arrive qu'il faille "faire campagne" pendant plusieurs séances avant qu'un livre soit accepté.
- Les modalités de décisions de choix ne sont pas très rigoureuses (on ne vote pas) dans le groupe parisien. En général, les groupes bretons choisissent parmi les propositions du groupe parisien car ils se réunissent deux fois moins ; pour ce faire, ils votent.
- Proposer un livre qui est programmé est parfois chargé de risques : en effet un livre qu'on adore peut être démoli et cela peut être douloureux…
- Il y a deux cas :
=> le livre est proposé par quelqu'un qui l'a lu et aimé (parfois plusieurs personnes) : c'est le cas le plus fréquent
=> personne n'a lu le livre, mais un désir de le lire en a déterminé le choix.

Quelques critères objectifs
- le prix : pas trop cher, d'où la préférence du format poche
- l'époque : des classiques aux contemporains
- l'origine : tous pays, bien que certains soient moins représentés (comme les auteurs africains)
- le genre de livres : bien qu'il n'y ait pas d'exclusion de principe, on constate que nous n'avons jamais choisi de BD, de textes de théâtre, de poésie ; nous choisissons rarement des essais, des polars, et encore plus rarement des biographies, des romans historiques, de la science fiction, du fantastique, de la fantasy
- l'actualité des livres : nous choisissons peu souvent un livre pris sous les feux de l'actualité (on attend éventuellement la publication en poche) et assez rarement un livre primé (à y regarder de près nous avons lu un certain nombre de Prix Nobel, mais ce n'était pas ce critère qui a motivé le choix). Cependant la mort d'un écrivain peut nous inciter à le lire (André Brink par exemple) ; une critique marquante peut déclencher un désir (Joseph Czapski) ; mais d'une façon générale, les prescripteurs traditionnels (prix, succès, presse) nous influencent modérément
- la longueur : le livre doit pouvoir être lu en deux semaines ; parfois, du fait de "vacances scolaires" ou de "ponts", une durée plus longue sépare deux séances, ce qui permet de choisir un plus gros livre
- le "livre de l'été" : justement, l'été permet de choisir :
=> un livre particulièrement volumineux : Le quatuor d'Alexandrie de Lawrence Durrell (1050 p.), Anna Karénine de Tolstoï (980 p.), La Foire aux vanités de Thackeray (1070 p.), Vie et destin de Grossman (1170 p.), Don Quichotte (1200 p.)…
=>
un auteur dont on lit plusieurs livres au choix : Mo Yan, Mishima, Proust, Klaus Mann
=> des livres d'un pays : la Chine continentale
=>
un groupe d'écrivains : au choix parmi les auteurs du groupe de Bloomsbury
=>
une collection : au choix des ouvrages de la collection "Terre Humaine"
- le "livre de Noël" : fin décembre, il a à voir avec le conte ; voici des titres choisis : L'Aliéniste de Machado de Assis, Cœurs brisés de Rosetta Loy, La Dernière neige d'Hubert Mingarelli, L'univers, les dieux, les hommes de Jean-Pierre Vernant, Haroun et la mer des histoires de Salman Rushdie, Un ange cornu avec des ailes de tôle de Michel Tremblay, Ne Tirez pas sur l'oiseau moqueur d'Harper Lee, La sagesse du Père Brown de Gilbert-Keith Chesterton, Histoires extraordinaires d'Edgar Poe, Le cocher de Selma Lagerlöf, Les Aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain, Kiss Kiss de Roald Dahl, Une fantaisie du docteur Ox de Jules Verne, Peter Pan de James M. Barrie, Les Aventures de Pinocchio de Collodi, Contes de Perrault, Contes de Jacob et Wilhem Grimm, Le général Dourakhine de La comtesse de Ségur, Les contes des mille et une nuits, Contes d'Andersen, Contes de Voltaire : Micromégas, Candide, Zadig...

Y a-t-il des critères proprement "littéraires" ?
On peut le supposer quand nous disons volontiers "c'est bien un livre pour le groupe lecture" ou "bien que j'aime ce livre, je ne le proposerai pas au groupe lecture car ce n'est pas un livre pour le groupe lecture". Mais nous sommes parfois bien flous pour définir ces critères ; disons qu'ils ont trait au type de livre et au type d'échanges possibles. Entre constats et hypothèses, on peut avancer que :
- le livre n'est ni un roman "de gare", ni un roman expérimental au point d'être inaccessible au commun des mortels (Ulysse de Joyce n'a pas été - encore - choisi…) : il se situe entre ces deux extrêmes ce qui reste en effet assez vague
- le livre suscite des réactions et des échanges à caractère littéraire (un Harlequin permettrait aussi des échanges, mais qui ne seraient pas d'ordre littéraire…) qui révèlent une diversité de lectures possibles, ce qui témoigne sans doute de la richesse "littéraire" du livre ; il a une ambition littéraire et c'est peut-être ce qui nourrit les échanges.

Les genres délaissés
Concernant les genres représentés parmi nos centaines de livres lus dans le groupe, les exclusions de fait sont liées à divers critères :
- le prix : pour les BD
- le type d'échanges à envisager : nous ne savons pas trop comment nous pourrions réagir par rapport à la poésie ou au théâtre, quel type d'avis nous saurions formuler ; il en va de même pour la BD ; mais c'est faute d'avoir essayé…
- la hiérarchie des goûts ou des valeurs : la science fiction, la fantasy, le roman historique restent sans doute considérés comme des sous-genres
- le fantastique, le polar sont rarement choisis : une dimension d'"incontournable à connaître" (Henning Mankell par exemple) a pu en déterminer la programmation
- la rareté de la biographie et l'essai vient de deux raisons :
=> avant tout du fait que nous privilégions le roman, les livres "littéraires" (les essais de Pierre Bayard, dont nous avons programmé trois livres, répondent bien à une telle exigence)
=> et par ailleurs en raison d'une difficulté qu'entraîne l'essai dans les échanges : nos principes demandent à ce que l'on parle du livre ; or parfois les thèses que celui-ci avance peuvent emporter le débat sans plus avoir la médiation de l'écriture ; on parle alors du contenu, des idées, et non plus du texte ; l'objet (du livre) nous préoccupe davantage que le sujet lecteur qui rend compte de son expérience de lecture.

AVANT : La lecture proprement dite

Une spécificité de la lecture dans le cadre du groupe
Lire un livre hors du groupe et lire un livre dans le cadre du groupe renvoient à des différences :
- il y a une suite à la lecture personnelle, puisqu'elle n'est pas ponctuelle : elle va être suivie de sa propre prise de parole sur le livre et de celle des autres
- la lecture est active, car on est attentif à ses réactions, sachant que l'on aura à les expliciter, les préciser
- plus volontiers on a le crayon à la main, en éveil : pour cocher/souligner, pour prendre des notes en vue de la formulation de son avis
- parfois on imagine les réactions des autres (ce n'est pas possible que ça plaise à…, je suis sûr qu'une telle va aimer - prévisions qui sont au demeurant rarement justes…)
- lorsque le livre ne plaît pas, on fait volontiers un effort pour ne pas laisser tomber le livre tout de suite
- la lecture peut prendre une valeur différente, certains disant par exemple que lire un livre hors du groupe lecture semble toujours plus pauvre, car l'on sait alors que la lecture du livre ne va pas être enrichie par la lecture des autres.

Les temps et les rythmes de la lecture
Le temps est un aspect de l'expérience de la lecture - les temps pourrait-on dire :
- la lecture occupe une plus ou moins grande place dans la vie du lecteur : il passe en général peu de temps à lire…, davantage…, beaucoup (nombre de participants du groupe sont de "gros lecteurs")
- le livre lu pour le groupe demande du temps selon son volume et son type d'écriture : il faut donc ménager le temps pour ce livre (entre les temps de travail, en vacances ou pendant les temps occupés d'une retraite)
- le temps externe s'efface devant le temps interne au livre : le récit se déroule jadis/aujourd'hui, sur une longue durée/en un temps ramassé, en continu/avec des sauts dans le temps, avec flashback ou son contraire flashforward, avec une action narrée qui est distincte du temps de l'écriture en cas de récit à la première personne, etc.
- en cas de relecture d'un livre lu dans le passé, deux temps de lecture se rencontrent : le lecteur d'aujourd'hui n'est plus exactement le même : relire est "une double mise à l'épreuve du temps, du texte et de soi" (comme dit Laure Murat dans son livre sur la relecture, Relire).

La lecture du livre se déroule selon diverses modalités qui peuvent jouer sur l'avis qui sera formulé sur le livre :

La lecture peut être :
En termes numériques :
- une lecture hachée, une lecture continue (la lecture en avion ou en train sur une longue distance est souvent une condition favorable), ce qui joue sur la concentration, la mémoire et les liens possibles au sein du livre (la longueur du livre a également un impact déterminant)
le nombre de pauses
entre les temps de lecture
- une lecture complète, une lecture survolante, une lecture à trous (quand on s'ennuie, qu'on lâche le livre et qu'on jette un coup d'œil sur la fin), une lecture incomplète (quand l'ennui est insurmontable)
la proportion
du livre lue

- une lecture très rapide (quand le suspense nous tient), une lecture ressentie comme trop rapide (quand on s'est dépêché de terminer le livre), une lecture lente où chaque page est savourée, ou parce que le texte est dense et exige un effort

la vitesse
de la lecture

PENDANT : Entendre les avis des autres
Les principes sont les suivants :
- les laisser parler sans les couper
- attendre que le tour de table soit terminé pour faire des commentaires
- en revanche, une invitation à préciser ou une question à celui qui parle peuvent avoir leur place, notamment quand on ne voit pas trop si il ou elle aime le livre… : il ne s'agit alors pas de donner son point de vue mais de mieux comprendre qui parle
- être intéressé bien entendu par des avis différents : "faut être con pour penser cela" est une remarque insolite dans le groupe ; cependant quand on ne partage pas du tout l'avis exprimé, il y a une forme d'"ouverture", d'"acceptation", à mobiliser…

PENDANT : Dire son avis
Ce tableau vaut pour notre groupe
 :

Dire son avis, CE N'EST PAS :
Dire son avis, C'EST :
- résumer le livre, paraphraser des passages en les racontant
- faire une analyse du livre, extérieure, de type scolaire voire universitaire (à la 3e personne)
- parler principalement de l'auteur, ou bien de ses autres livres
- avant tout formuler l'expérience personnelle de lecture, l'effet causé par le livre, personnel, subjectif : les impressions, émotions, sentiments, réactions constantes ou variables pendant la lecture (à la 1ère personne du singulier), y compris parfois le rapport physique à l'objet livre

- s'en tenir à j'aime/j'aime pas
- essayer de communiquer le type de plaisir ou déplaisir ressenti
- repérer des variations dans le plaisir ou le déplaisir au cours de la lecture
- s'appuyer sur le texte principalement pour formuler des associations, des réminiscences personnelles, qui ne parlent pas du livre

- commenter le contenu du livre comme s'il s'agissait d'un documentaire et non d'une œuvre "artistique"

- tenter de discerner les raisons de l'effet produit par le livre, de ses propres réactions qui peuvent avoir trait à :
=> l'écriture, le style, les images
=> la construction, la composition, la structure, le rythme, les changements d'époque, de lieu ; les modes d'énonciation : qui écrit, qui raconte, qui parle, le jeu narrateur/auteur, les voix des personnages
=> le projet littéraire d'ensemble, les enjeux, le ou les thèmes
- oublier que les personnages sont des êtres de papier, confondre le narrateur et l'auteur (1), (même si les jeux de l'autofiction sont parfois troublants)
- se cantonner à des jugements moraux en particulier sur les personnages ("le personnage est abject donc je n'aime pas le livre")
- faire preuve d'une distance qui permet une forme d'analyse de ses impressions ; la dimension émotionnelle, l'identification que certaines lectures suscitent, nécessitent ce recul pour expliciter son avis
- chercher ses mots en se demandant ce qu'on va bien pouvoir dire du livre
- avoir anticipé ce qu'on va dire, par exemple par quelques notes indiquant les différents points auxquels on tient

- parler trop longuement

 


- vouloir dire tout ce qu'on a à dire
alors que c'est long et que le groupe est assez nombreux

- faire preuve d'esprit de synthèse ; les notes, soutien de sa parole, ne sauraient dépasser une page, ce qui est déjà bien long…
- accepter une éventuelle frustration (compensée parce qu'on peut ajouter des éléments au moment du débat après le tour de table et développer son avis sur le site)
- faire un tri, choisir parmi ses réactions au livre celles qui semblent les plus importantes pour soi

Dire son avis, CE PEUT ÊTRE aussi, mais en passant très vite :
- donner, rapidement, des précisions sur la lecture elle-même :
=> une première lecture/une relecture/une rerelecture
=> une lecture toute fraîche/une lecture déjà attaquée par l'oubli
=> une découverte de l'auteur/un auteur dont on avait déjà lu un livre
=> une lecture sans rien savoir du livre ou de l'auteur/une lecture déjà informée ; une lecture directe du texte lui-même/une lecture après avoir lu le péritexte (préface, quatrième de couverture, table des matières…)
=> une lecture hachée/une lecture en continu, une lecture complète/une lecture survolante/une lecture à trous, une lecture ressentie comme trop rapide
=> le rôle des circonstances : où et comment où on a lu le livre (d'une traite en avion, debout en faisant une queue interminable, la nuit aux urgences, sur une plage en étant importunée par des admirateurs…) ; le livre lu juste avant peut également jouer sur la lecture
=> l'énergie fournie (pour se concentrer, revenir en arrière en cas d'incompréhension, pour lutter pour ne pas abandonner le livre) ou au contraire l'impression que "le livre se lit facilement", ce qui mérite des précisions pour ne pas confondre avec un roman de gare (2)
=> avec des supports : dictionnaire, atlas…
- donner des exemples illustrant ses réactions (très brefs extraits du livre)
- fournir des éclairages complétant son propre avis (un extrait d'une critique particulièrement subtile, une citation de l'auteur éclairante tirée d'une interview)(3)
- évoquer d'autres livres de l'auteur, d'autres auteurs avec lesquels on a perçu des échos (mais sans s'éloigner du livre)
- évoquer l'adaptation du livre au cinéma, au théâtre (mais sans s'éloigner du livre)
- modifier partiellement voire complétement l'avis qu'on avait prévu de communiquer pour se situer par rapport aux autres avis exprimés (d'aucuns n'aiment pas commencer pour pouvoir mieux situer leur avis)
- préciser si on a ou pas envie de l'offrir et à qui
- estimer si le livre est bien "un livre pour le groupe lecture" ; dans certains cas admettre cet apparent paradoxe : ne pas beaucoup aimer le livre, mais être cependant content(e) de l'avoir lu (et chercher à dire en quoi), ne pas aimer beaucoup le livre mais reconnaître sa valeur.

Nous ne nous interdisons pas l'outrance : voir, inspiré directement de nos pratiques, "J'aime, j'aime pas ou cent façons d'être plutôt beaucoup pas très nuancée".

Les réactions des participants du groupe sur plusieurs dizaines d'années concernant des centaines de livres, conservées en mémoire d'abord sous forme de notes manuscrites, ensuite sur le site Voix au chapitre mériteraient d'être étudiées en détail, analysées, catégorisées, pour faire apparaître les valeurs, les types de formulations dominantes, ou marginales, etc. Une première ébauche est tentée (cf. cet essai de catégorisation à partir d'une étude intitulée "Comment parler des livres que l'on a lus ?").

Complétant son avis sur le livre, le lecteur indique sa cote d'amour, de l'enthousiasme au rejet, ce qui donne à l'oral des "quarts" et sur le site des icônes, avec cinq degrés :

Nous disons, ce qui paraît bizarre à un "étranger" au groupe :
grand ouvert
¾ ouvert
½
¼
fermé !
Car sur le site l'icône suivante apparaît :
Et cela veut dire :

passionnément

beaucoup
moyennement
un peu
pas du tout

Cette réaction globale se fonde sur des critères assez peu définis, qui renvoient à des hiérarchies personnelles peu explicites et d'ailleurs difficiles à expliciter : le plaisir certes, mais pas seulement ; car un grand plaisir de lecture a parfois été au rendez-vous et le livre n'est pas "grand ouvert".
Intervient ici la notion un peu floue de valeur globale que le lecteur attribue au livre, en un choix simple qui l'engage tout à coup sans nuance : cette valeur relève d'une hiérarchie qui peut varier selon les lecteurs et qui peut également évoluer dans un parcours de lecteur.
Elle peut être liée :
- au type de plaisir ressenti : plaisir passager d'un livre goûté mais vite oublié, qui s'oppose à l'impression que le livre "travaille" en soi, "altère" par des détours invisibles ; plaisir d'une lecture liée au contenu, au thème, à l'intrigue ; plaisir d'une attention retenue par l'écriture ; plaisirs cités combinés…
- à son originalité ou son aspect novateur, à l'ambition du livre, à sa "richesse" : rendant possible le désir de le relire, rendant d'autant plus dignes de curiosité les avis des autres.

De façon périphérique, la renommée d'un livre ou d'un auteur peut jouer un rôle parasitaire dont pâtit la réaction spontanément négative à la lecture du livre qui devient encore plus négative. Sans parler d'une vision élitiste de la littérature qui amènerait à mépriser tout livre contemporain ayant du succès. Comme si la valeur sociale, voire commerciale, influençait l'avis personnel. C'est plutôt dans ce sens qu'il est arrivé que joue cet aspect, mais on pourrait concevoir à l'inverse que la reconnaissance littéraire d'un auteur (par la critique, par les prix, par le succès commercial) paralyse en partie le jugement personnel, comme si l'on n'osait pas ne pas aimer. Ce phénomène semble peu jouer dans le groupe.
En revanche, les avis des autres exprimés dans le groupe avant le sien peuvent amener à infléchir ce qu'on va dire, dans un sens comme dans un autre…

PENDANT : Le tour de table

Le cercle
Si table il y a, séparant les participants, elle est en général basse et ronde ; sa fonction est conviviale (peut y être posé ce qui est à boire et à manger).
Le cercle a une double fonction :
- utilitaire, en ce qui concerne le rapport de chacun aux autres : il permet à tous de voir et entendre chacun
- symbolique, en ce qui concerne le rapport entre toutes les personnes : il n'y a pas de place mise en valeur (égalité), chacun fait partie du cercle (appartenance à une communauté) ; Marcel Mauss, dans son texte le plus célèbre Essai sur le don, montre le rôle de la table ronde (qu'on peut élargir au cercle sans table), sans "haut bout" (que la table ovale possède…), où personne ne se distingue des autres et où les échauffourées n'ont plus cours.

Des variations selon les groupes
- Dans les groupes parisiens
=> Le groupe est "autogéré", par conséquent il n'y a pas d'animateur ; quelqu'un finit par commencer et on tourne dans un sens ou dans l'autre.
=> Quand une personne identifiée a proposé le livre parce qu'elle l'avait aimé, on finit par son avis, auquel s'ajoutent ses impressions consécutives aux avis des autres… Il en va de même quand le groupe a un invité : auteur, traducteur, spécialiste…
=> A l'issue de son avis, chacun donne sa cote d'amour, de l'enthousiasme au rejet (voir ci-dessus les icônes). Cette habitude à laquelle l'un ou l'autre, rarement, rechigne à souscrire, parce qu'elle peut sembler manquer de subtilité ou être un peu puérile, oblige en fait à trancher, à s'engager. D'ailleurs, l'on constate parfois que le lien entre l'avis formulé et la cote d'amour ne semble pas proportionnel, sans que ce constat fasse pour autant changer d'avis.
=> Une personne se dévoue pour prendre en note les avis qui se succèdent et qui seront ensuite mis en ligne.
- Dans les groupes bretons
La pratique a évolué, mais voici celle qui a perduré plusieurs années :
=> Quelqu'un anime et pendant longtemps a pris les notes en vue d'un compte rendu global, non personnalisé.
=> L'on indique d'abord sa cote d'amour pour le livre.
=>
Les avis sont formulés par catégorie : par exemple du plus enthousiaste ou moins enthousiaste ou le contraire (en général le contraire). Chacun prend la parole tour à tour.
- Dans tous les groupes
=> Chacun donne sa cote d'amour.
=> Une fois le tour de table terminé, on peut débattre à bâtons rompus. Dans le cas, rare, où le groupe est réduit en raison d'absents nombreux, des échanges peuvent advenir au cours de ce tour de table ; mais le principe est conservé : chacun a tour à tour la parole.

PENDANT : La fréquence, le jour et l'heure
- Le groupe parisien se réunit le vendredi soir toutes les deux semaines, vacances scolaires et week-end avec pont exclus. Ce qui permet de lire environ 17 livres par année. Le nouveau groupe parisien, d'abord mensuel, a opté pour un vendredi toutes les trois semaines.
- Les groupes bretons ont un rythme mensuel : le mercredi à 19h45 pour feu le groupe "Voix au chapitre-Pontivy", le mardi ou le vendredi à 17h pour le groupe "Voix au chapitre-Morbihan".

PENDANT : Le lieu
- Les groupes parisiens se réunissent en général dans un même appartement suffisamment grand pour accueillir une quinzaine de personnes.
- Le groupe "Voix au chapitre-Morbihan" se réunit alternativement chez l'un puis chez l'autre.
- Le groupe "Voix au chapitre-Pontivy" s'est réuni d'abord dans une librairie - c'était le cas de feu le groupe "Voix au chapitre-Bécherel" - puis chez les uns et les autres.

PENDANT : Manger et boire
- Une règle assez souple consiste à apporter quelque chose en rapport avec le livre.
- Les groupes de Paris qui se réunissent le soir picorent avant de discuter. Les groupes bretons picorent voire dînent après les échanges.
- Ce qu'on apporte peut être directement mentionné dans le livre par les personnages qui mangent ou boivent, peut être lié au pays (blinis pour Gogol, sushi pour Tanizaki, bière pour Schnitzler...). Le second degré n'est pas exclu (le gâteau marocain boule de neige pour un livre de Sylvain Tesson qui se déroule en Sibérie ou des biscuits cigarettes russes qui ne sont pas russes, des fromages et gâteaux en forme de cœur pour Réparer les vivants qui narre une transplantation cardiaque…).
- Manger, boire, n'ont-ils pas pour point commun avec les livres de se partager, contribuant à la "convivialité" ?

PENDANT : Parler d'autre chose
Juste avant ou/et juste après les échanges sur le livre lu, il n'est pas rare que d'autres livres soient abordés : c'est à cette occasion que des livres davantage sur les feux de l'actualité seront évoqués ou encore des livres "adoooorrrrés" mais considérés comme n'étant "pas pour le groupe lecture" qui parfois circulent sous le manteau, tels des lectures coupables (citons par exemple Cet amour là, de Yann Andréa, fort prisé mais considéré comme un livre pour midinette assumée). Expositions, films, spectacles divers sont souvent au menu, donnant parfois le désir de lire un livre ou un auteur en rapport.

APRÈS : Les écrits, la mémoire
- Le groupe parisien a fonctionné sans aucun écrit jusqu'en 1989, année à partir de laquelle des notes ont été prises. Divers cahiers s'enchaînent, gardant la mémoire de nos soirées.
- Puis Manuel a créé le site Voix au chapitre, qui a ouvert en juin 2001.
- Les avis individuels des Parisiens sont mis en ligne après chaque séance.
- Les absents peuvent par conséquent prendre connaissance des avis des autres.
- Certains Bretons transmettent des avis individuels ; ils sont alors mis en ligne. Les échos des séances bretonnes sont mis en ligne, systématiquement depuis 2014, date à laquelle Claire prend le relais de Manuel pour nourrir le site.
- Tout participant peut naturellement demander à ce que son avis soit modifié sur le site.
- Quand un participant est absent à une séance, mais a cependant lu le livre, il est apprécié qu'il transmette son avis afin qu'il soit lu lors de la séance.
- Il arrive qu'un internaute inconnu transmette un avis sur le livre, alors mis en ligne.
- Entre deux séances, des messages électroniques permettent d'échanger des informations : comptes rendus en ligne, programme récapitulé, propositions de lectures, éclairages ou références pour les séances à venir ou suite à une séance, événement littéraire susceptible de concerner le groupe, etc.

AVANT, PENDANT, APRÈS : Les 4 bibliothèques du groupe
- La bibliothèque intérieure : constituant l'expérience de lecture de chacun.
- Une bibliothèque "groupale" : celle constituée par les centaines de livres que le groupe a programmés ; bien sûr, tous les lecteurs du groupe n'ont pas participé à toutes les séances consacrées à ces livres depuis la création du groupe : "Je n'étais pas encore là quand vous l'avez lu", dit parfois l'un à propos d'un livre qu'on évoque ; "oui, tu n'étais pas encore né", lui répond carrément l'autre…
- La bibliothèque virtuelle : celle dont parle Pierre Bayard dans Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?, à savoir
les livres auxquels on peut se référer sans les avoir lus et qui nous sont cependant familiers (4).
- La bibliothèque mondiale : celle de tous les livres, y compris ceux dont on ne connaît pas l'existence.

AVANT, PENDANT, APRÈS : Autour du livre
Des éléments du péritexte - quatrième de couverture d'une part et préface, avant-propos, postface quand il y en a d'autre part - peuvent constituer des guides pour orienter la lecture.
Parmi les lecteurs du groupe, et selon les livres :
- certains sont très soucieux de n'en prendre connaissance qu'après leur lecture
- d'autres n'hésitent pas à se laisser guider
- d'autres enfin aiment, en cours de lecture et une fois le livre bien avancé, découvrir l'éclairage proposé (quand il ne s'agit pas de dévoiler la fin du livre).
Il en va de même pour la documentation relative à l'auteur et/ou au livre, y compris celle partagée au sein du groupe et en ligne sur le site Voix au chapitre.

DES ÉVÉNEMENTS PARTICULIERS
- Une rencontre : aux échanges autour du livre est associée une rencontre avec :
=> un auteur dont nous avons programmé le livre
=> un traducteur
=> un spécialiste de l'écrivain (spécialiste pour des raisons diverses)
=> un observateur du groupe, sociologue ou journaliste
=> un metteur en scène adaptant le roman.
- Une visite littéraire
=> la visite de maison d'écrivain
=> la visite d'un lieu en rapport avec un écrivain.
- Un spectacle : il arrive que soit possible la mise en relation d'un livre ou d'un auteur avec un autre art, en particulier en cas d'adaptation du livre au cinéma ou au théâtre.
- Une exposition : sur l'écrivain lui-même, en rapport explicite ou non avec l'écrivain.
- Une rencontre de groupes de lecture : lors d'une sortie (par exemple pour la visite du château de Madame de Sévigné à Vitré entre Bretagne et Paris), lors d'une Semaine lecture (participants de deux groupes), pour une rencontre spécifique (les 30 ans du groupe Voix au chapitre en novembre 2016, avec des représentants des deux groupes parisiens et du groupe breton, un speed booking en 2018).
- Les Semaines lecture estivales :
=> à cinq reprises (2008, 2010, 2014, 2016, 2018), nous avons organisé une "retraite" littéraire réunissant Parisiens et Bretons intéressés et disponibles
=> chaque jour, nous lisons un court roman et le soir nous nous retrouvons pour échanger, cela 7 soirs de suite (pour le premier soir où nous nous retrouvons, un plus gros livre a été programmé et lu à l'avance)
=> si le principe du tour de table le soir est le même pour partager nos avis, la Semaine lecture introduit des différences, pour n'en rester qu'à la lecture : lecture du livre ramassée (une journée) sans possibilité de "décantage" concernant le livre lui-même et entre deux livres, échos plus forts et communs aux participants entre les livres, expérience de lecture à l'unisson (nous sommes éparpillés dans l'espace, ensemble mais chacun seul avec son livre, le même que celui que les autres lisent), intensité de la semaine (une parenthèse particulière) ; précisons qu'à la lecture et aux échanges quotidiens, nous ajoutons des visites ou rencontres plus ou moins en rapport avec le livre lu.

Voici le détail des événements particuliers : À L'INTÉRIEUR (visiteurs venus dans le groupe) et À L'EXTÉRIEUR

QUELQUES RÔLES PARTICULIERS
Il n'y a pas de "chef", "président" ou autre animateur. Actuellement, cinq rôles particuliers peuvent être identifiés :
- L'accueil du groupe : soit régulièrement chez la même personne (à Paris), soit tournant (chez l'un puis l'autre en Bretagne) ; c'est le rôle le plus simple, qui consiste à prévoir des chaises et de quoi pouvoir placer "le boire et le manger" apporté par les lecteurs.
- Les prises de notes des avis : en Bretagne assurées pendant plus de 10 ans par Lil, suivies d'une synthèse des avis, ensuite sous forme d'une prise de notes très succincte à tour de rôle, à laquelle s'ajoutent quelques avis personnels détaillés transmis ; à Paris par quelques personnes qui "se dévouent" pour prendre en note chaque avis, sans synthèse collective (Brigitte à chaque fois qu'elle est présente), notes qui furent pendant de longues années saisies par Françoise D (et à chaque fois qu'elle était présente par Katell). Dans le nouveau groupe parisien, la prise de notes est effectuée tour à tour.
- Le site : notre webmestre, Manuel a créé le site et a procédé aux mises en ligne pendant 14 ans ; la rédaction des contenus et la mise en forme des comptes rendus, la réponse aux internautes, sont effectuées depuis la création du site en 2000 par Claire, qui à partir de 2014 gère la saisie des notes et toute mise en ligne sur le site, y compris celle d'avis antérieurs à 2000 (par exemple quand nous avions lu jadis un autre livre d'un auteur que nous programmons). Le site a d'abord brièvement été hébergé gratuitement par Lycos, puis Manuel a payé l'hébergement pendant une quinzaine d'années et Claire a pris le relais à partir de 2016.
- La circulation de l'information (programme de lecture, calendrier) par courrier électronique : à Paris Claire, en Bretagne Lil pendant 11 ans puis Marie-Thé et Yolaine, dans le nouveau groupe parisien Françoise H chez qui le groupe se réunit.
- Les initiatives et l'organisation concernant les Semaines lecture ou les visites ou sorties pour le groupe : à Paris Claire, en Bretagne Lil et Nicole jusqu'en 2016.

CE QU'ON TROUVE DANS LE GROUPE DE LECTURE

Les raisons d'y venir, les raisons d'y rester
Pourquoi participer à un groupe de lecture ? Et pourquoi continuer à y participer ? Et pourquoi plus particulièrement au groupe de lecture Voix au chapitre ?

Quatre types de réponse, les deux premières étant les plus spontanément exprimées :
- pour partager des avis différents qui enrichissent la lecture du livre
- pour découvrir des livres que nous n'aurions pas spontanément lus
- pour lire de façon plus attentive parce qu'on sait qu'on devra parler de sa lecture (5) ; l'attention au texte se double d'une attention à sa propre lecture, d'une attention aux effets du texte sur soi ; en effet à la lecture elle-même s'associe également l'élaboration de ses impressions à communiquer au groupe : pour un certain nombre de lecteurs sous forme de notes qui sont un soutien à l'expression de leur avis
- pour rencontrer d'autres personnes dans une expérience de lectures partagées qui, à partir du moment où des règles simples de bon fonctionnement existent, constituent un groupe à l'atmosphère particulière ; et peut-être, plus précisément, pour faire partie de ce groupe-là.

En quoi, pourquoi l'atmosphère serait-elle particulière ? En quoi, pourquoi aimons-nous ce groupe ? Six raisons possibles :

- L'écoute : voici comment la qualifie Françoise H avec qui nous avons créé le nouveau groupe parisien et qui a été très impressionnée quand elle est venue une fois dans le groupe, un soir où nous étions une quinzaine de lecteurs présents ; elle décrit ainsi "la qualité de l'écoute pendant l'énoncé de l'avis de chacun : c'est une attention incomparable faite de concentration muette et de sourires ; elle ressemble ni à celle d'un public de spectacle vivant (où chacun se laisse aller à ses émotions), ni à celle d'un public de professeur ou de conférencier (on ne prend pas de notes) ; ça a l'air plutôt d'être l'expression d'un travail intérieur à la fois policé et amusé qui consiste à confronter ce qui est entendu à son propre avis".
L'intensité de cette écoute ne correspond-elle pas à une forme de relecture mentale ? Lorsque nous entendons les avis des autres, ils nous font d'une part revoir le livre (notamment lorsque la lecture date un peu), d'autre part revivre notre propre lecture (en adhérant ou en se distinguant de ce qui est dit).

- Le désaccord : quand vous allez au cinéma avec un ou des amis, vous préférez avoir un avis analogue. Lorsque vous prêtez un livre que vous aimez à un ami qui vous le rend avec un avis bien différent du vôtre, vous êtes plutôt déçu. Dans le groupe, un des plaisirs est la découverte de la diversité des avis, parfois contraires, contradictoires. Dans quels lieux, dans quelles occasions le désaccord est-il ainsi possible, facile, attendu même ? On peut donc apprécier à sa juste valeur le fait de pouvoir être en désaccord "sans danger". Et la surprise réitérée d'avis différents accompagne l'habitude du désaccord.

- Une forme d'empathie possible : lorsqu'on a rejeté un livre, on entend l'enthousiasme de certains, on parvient presque à le comprendre, du moins on aimerait le ressentir ; si on se laissait aller, ne pourrait-on presque devenir un peu ces autres lecteurs ?... Lorsqu'on a aimé un livre, qu'on se désole que cette adhésion ne soit pas partagée, ne parvient-on pas à bouger légèrement, à admettre les réticences, les réserves, tout en ne perdant pas l'émerveillement qui a été le sien ? (6)

- L'enrichissement : le livre lu s'enrichit des lectures différentes. Un livre lu hors du groupe lecture donne l'impression d'une lecture plus pauvre...

- La reconnaissance : combien de fois a-t-on entendu le mot "merci" à la fin de l'avis formulé sur le livre ? : "merci au groupe de m'avoir fait connaître ce livre", "merci au groupe sans qui je n'aurais pas lu ce livre".

- Le jeu : dans toutes ses variations, avec des effets du groupe, des jeux de rôle…
Il n'y a pas de présentation de chacun hors de la relation à la lecture ou au groupe : aussi la situation familiale, la profession, le parcours de chacun ne sont-ils pas spécifiquement portés à la connaissance des autres ; par conséquent, la situation sociale de chacun ne joue pas le rôle qu'elle peut avoir ailleurs dans des cadres sociaux "conventionnels".
Qui dit groupe dit sociabilité : la sociabilité est certes une aptitude à être avec d'autres ; elle est aussi une modalité ; le "cercle" (de tous types, et donc le cercle de lecture) peut quant à lui être une "forme ludique de la socialisation", autorisant la mise entre parenthèses des "attributs sociaux du moi(7).
Ludique ? C'est sérieux car lire compte pour chacun, entendre les avis et dire le sien ont toute leur importance voire leur prix, mais on ne se prend pas au sérieux.
Ajoutons d'autres aspects du jeu :
=> comme dans tout jeu il y a des règles, dont on s'affranchit parfois : on coupe celui qui parle, on vient sans avoir lu le livre ("parce que le groupe me manquait")…
=> comme en musique on reprend une partition à jouer, ou comme dans une pièce on joue parfois un rôle : s'y croire ("encore un éditeur qui n'a pas fait son travail !"),
faire la police ("on débat après le tour de table !"), provoquer ("je déteste ceux qui n'ont pas aimé ce livre", "comment avez-vous pu aimer ça !", "quand je pense que vous avez fait les fines bouches avec Kamel Daoud !"), jouer les modestes ("pour moi qui ai un QI de géranium, ce livre était difficile à lire", "que dire après ce que tu as dit !"), être dénué de personnalité ("je ne commence pas, car je n'ai pas encore d'avis sur le livre"), etc.
=> sans oublier les jeux de mots bien sûr : "La pluie, avant qu'elle tombe de Jonathan Coe, ça m'a plu"...

Des effets sur la durée
Participer au groupe sur la durée entraîne une évolution.
Cette impression, partagée, n'est pas facile à fonder. Voici quelques hypothèses :
- Au fur et à mesure, les participants qui sont spontanément peu enclins à s'attacher à la forme deviennent plus sensibles à l'écriture.
- On apprend des autres : de la manière de lire, de recevoir un livre. Comme disait l'une des anciennes, grande lectrice ne participant plus au groupe maintenant, cela "aide à grandir".
- On peut acquérir une plus grande capacité à mettre à distance les émotions qu'on ressent à la lecture : par exemple on s'identifie, on se projette, mais sciemment.
- On développe des réflexes de mise en lien entre les livres, par exemple concernant un univers, un personnage, un procédé littéraire - ceci moins en termes de connaissance littéraire que d'effet sur soi, lié à des réminiscences pendant la lecture. Et le fait d'avoir fait des lectures communes, dans le cadre du groupe, facilite ces mises en lien.
- On se force parfois à ne pas lâcher un livre parce qu'il est programmé pour le groupe lecture, parce qu'on préfère entendre l'avis des autres en ayant lu le livre : dans d'autres circonstances, on l'aurait abandonné. Or l'effort est souvent payant, car on a découvert un livre, un auteur, qu'on aurait ignorés. L'effort fourni, hors toute contrainte professionnelle ou estudiantine, constitue une gymnastique, un entraînement, une familiarité par rapport à l'obstacle, qui permet d'aborder plus souplement, plus aisément, des livres qu'on juge "difficiles".
- On entre en général dans le groupe prêt à découvrir tous types de romans : on acquerra cependant une exigence dans le choix de livres pour le groupe lecture, amenant à en éliminer certains (qu'on apprécie pourtant), sans qu'on sache précisément définir ce critère (voir cette difficulté partagée concernant la définition d'un critère dit "livre-pour-le-groupe-lecture").

DES DIFFÉRENCES ENTRE LES LECTEURS DU GROUPE

Si les participants à Voix au chapitre ont au moins pour point commun d'aimer lire et échanger, les différences sont nombreuses :

- Les années : l'âge d'une part, la date d'entrée dans le groupe d'autre part, sont variés.

- La fréquence de participation :
=> les uns sont des piliers toujours présents
=> d'autres sont moins réguliers
=> certains, rares quand même, viennent une fois l'an, voire plus rarement…
=> d'autres encore sont venus dans le groupe, n'y viennent plus (ayant déménagé par exemple), mais considèrent qu'ils y appartiennent : ils souhaitent être sur la liste de diffusion des informations, lisent parfois les livres programmés (notamment Marie-Christine Nory de Versailles, une très ancienne ne venant plus depuis des lustres et réclamant les informations ; Sabine de Nîmes, Sandrine de Chantilly, Mireille de Nice qui achète tous les livres que nous lisons).
Certains, absents à une séance, envoient leur avis, qui est lu en début de séance.

- Le travail : certains exercent une activité professionnelle, d'autres non car à la retraite et ont donc davantage de temps pour lire. La profession exercée ne paraît pas avoir d'impact sur la participation au groupe. La plupart des participants ignore la profession des autres.

- Les langues et les origines : certains participants peuvent lire les livres en langue originale, principalement l'anglais. Presque tous sont français, mais quelques-uns non. Certains ont des racines régionales qui les amènent volontiers à des textes renvoyant à cette terre-là.

- Le rapport à l'écriture : certains ont des notes comme support de leur avis, d'autres parfois, d'autres jamais. Certains prennent parfois en note les échanges en vue de la mise en ligne de ceux-ci sur le site, d'autres, plus nombreux, jamais… Certains ont participé à des ateliers d'écriture, voire en ont animé. Certains écrivent, voire publient.

- Certains ont participé à d'autres groupes, en France dans un cadre institutionnel (Monique S en anima un dans une maison de quartier, Françoise D en créa un dans son entreprise) ou privé (Danièle, Claire), en France ou à l'étranger (Nathalie R en Afrique, Emmanuel au Canada). Certains participent régulièrement à deux groupes aux contextes différents (à Paris : Françoise D, Jacqueline, Claire ; en Bretagne : Suzanne, Marie-Odile) ou pendant un temps deux groupes Voix au chapitre (Édith, Nancy, Lil, Nicole).

- Les habitudes de lecture :
=> certains fréquentent les bibliothèques et ont en main la première édition du livre avant qu'il ne paraisse au format poche
=> d'autres économes recherchent les livres d'occasion
=> d'autres encore ne lisent que des livres neufs
=> d'autres enfin lisent volontiers sur liseuse.

- La culture littéraire personnelle : certains sont de très "gros lecteurs", d'autres pas (pour des "petits lecteurs", participer au groupe peut même être le moyen de s'obliger à lire plus qu'on ne le ferait spontanément). Certains ont une mémoire phénoménale, y compris des livres qu'ils ont lus dans leur enfance. Certains ont fait des études littéraires, on le découvre parfois quand ils disent "je l'avais lu à la fac". Il en est pour proposer des livres à la lecture du groupe, tandis que d'autres s'abstiennent ; certains nous font découvrir des livres marquants, parfois éloignés des succès de librairie.

- Les goûts individuels : dans le groupe, certains aiment la poésie, d'autres pas. Certains lisent des polars, d'autres jamais.
Peut-on prévoir l'avis des autres ? L'on fait parfois des hypothèses (cela devrait plaire à une telle, je crains qu'un tel déteste ce livre) et l'on constate qu'elles sont fausses. En dépit de la fréquentation que l'on a de tel(le) participante du groupe depuis 10, 20, 25 ans, on s'avère incapable de prédire quelle sera sa réaction au prochain livre ; le rapport à un nouveau livre, à un auteur découvert, est nouveau pour le lecteur : comment autrui pourrait-il le deviner de façon sûre ? (8)
Parmi les participants du groupe :
=> certains sont très sensibles à l'écriture, d'autres s'y déclarent moins attentifs (un comble, "l'écriture, je ne sais pas ce que c'est", entend-on parfois par provocation)
=> décollant du réel, des lecteurs aiment haleter en tournant les pages jusqu'au petit matin ; allant jusqu'à se repaître de l'aliénation qui peut s'attacher au voyage fictif, il en est qui ont identifié "la midinette qui sommeille" en eux et se livrent volontiers, pour certains romans, à une identification provisoirement incontrôlée…
=> certains romans se prêtent à des découvertes, par exemple sur une période historique ou un contexte politique mal connu, que passionnent ceux qui aiment apprendre et/ou comprendre.
Ceux, qui sont du genre "le beurre, l'argent du beurre, et le sourire de la crémière", aiment conjuguer ces postures de lecteurs et adorent quand le même roman permet facilement de combiner les trois. (9)

PRESSE ET PUBLICATIONS SUR LE GROUPE

Notre groupe connaît la gloire… interne. Mais des échos externes existent, ne lui permettant cependant pas de se monter la tête…

La presse écrite
- La Voix du Nord, 20 mars 2004, "Parle-moi de ton livre", Anne-Sophie Hache et Corinne Vanmerris (interview).
- Notre Temps, n° 424, avril 2005, "La lecture, ça se partage", Sylvaine de Paulin, Jean-Michel Ulmann.
- Lire, n°421, décembre 2013, "Lecture : bienvenue au club !", Delphine Pears.
- "Bienvenue au club", Lou-Ève Popper, Lire, n° 466, juin 2018 : un article à l'occasion de la sortie du film Book club de Bil Holderman ; Voix au chapitre est cité.

Radio-Télé
- France culture : Renée-Elkaïm Bollinger, productrice à France Culture, a fait intervenir le groupe dans une émission Le Bon plaisir consacrée à l'écrivain René Depestre ; de l'auteur, nous avions lu Alléluia pour une femme jardin en janvier 1990 ; une partie de l'émission a été enregistrée en séance du groupe (émission diffusée le 2 juin 1990).
- France 3 région Bretagne a filmé les lecteurs du groupe pendant sa Semaine lecture au Val Richard en juillet 2010 : https://voixauchapitre.blogspot.com/2010/08/le-reportage-de-france-3.html
- France 3 nationale a filmé le groupe parisien pendant une séance du groupe en janvier 2016 : https://youtu.be/Cd_7eNe7Us4

Des livres
Cinq livres mentionnent explicitement le groupe Voix au chapitre. Il s'agit de quatre guides et d'une étude de sociologie de la lecture :
- Paris en toutes lettres, Sophie Senart, Parigramme, 2002 : le groupe est présenté dans le chapitre "La littérature donne de la voix" (cf. l'extrait).
- Guide des amateurs de littérature à Paris, Sophie Herber, Parigramme, 2013 : le groupe est décrit dans le chapitre "Les cercles de lecture" (cf. l'extrait).
- Paris des amateurs de littérature à Paris, Sophie Herber, Parigramme, 2018 : le groupe est décrit dans le chapitre "Les clubs de lecture" (cf. l'extrait).
- Paris Social Club : 100 lieux pour se faire de nouveaux amis, Rémi Mistry, Parigramme, 2024 : le groupe est décrit dans le chapitre "Espaces de conversation et de socialisation" (cf. l'extrait)
- Internet et la sociabilité littéraire, Mary Léontsini et Jean-Marc Leveratto, BPI, Centre Georges Pompidou, coll. "Études et Recherche", 2008 : une étude approfondie y figure sur le groupe (cf. le compte rendu de cette étude approfondie concernant notre groupe, en 15 pages).

=> En un seul document, réunissant ce que disent ces livres sur notre groupe, voir DES LIVRES À PROPOS DE NOTRE GROUPE DE LECTURE.
=> Et sur les autres groupes, y compris à l'étranger, voir le document écrit pour le groupe : LES PUBLICATIONS QUI CONCERNENT LES GROUPES DE LECTURE incluant notre groupe.

EN CONCLUSION PROVISOIRE concernant le groupe Voix au chapitre

Des faits
L'expérience en tant que participants, ainsi que les commentaires et les analyses des observateurs, nous donnent quelques certitudes.

Le groupe Voix au chapitre se caractérise particulièrement par :
- sa durée
- son site
- la diversité des livres choisis de façon sélective
- son esprit : ambiance faite d'exigence, d'ouverture, de jeu et d'humour.

Il fait preuve à la fois :
- d'une constance : grâce à une formule qui marche
- mais aussi d'une dynamique : avec des initiatives, de nouveaux participants.

Il suscite l'intérêt, comme en témoignent :
- les nombreuses demandes de participation
- les observateurs.

Parmi les constats et les analyses, on peut repérer :
- nos différences avec d'autres pratiques existantes (voir le texte écrit pour le groupe, intitulé LES GROUPES DE LECTURE)
- des façons de percevoir notre groupe par les observateurs qui permettent de préciser ses caractéristiques.

Des principes à l'œuvre
Ils sont dégagés par l'observation - la nôtre, celle des observateurs - et tout particulièrement par l'analyse sociologique dont notre groupe a été l'objet :

- Le respect fondé sur l'équité :
=> "le strict respect de l'expérience personnelle de chaque lecteur"
=> "que vous participiez depuis deux semaines ou dix ans, votre parole a exactement la même valeur"
=> "les avis délivrés par message électronique sont entendus, mais ne sont pas débattus, l'auteur de l'avis ne pouvant pas répondre en direct. Cela serait en effet contraire au "respect" du participant, notion à laquelle les membres du groupe sont très sensibles".

- La recherche de consensus et de désaccords : "il faut que le titre proposé trouve un consensus pour être retenu par le groupe".
L'intérêt des échanges "conduit à privilégier les livres susceptibles de produire des désaccords d'opinion, plutôt que ceux qui feraient d'emblée l'unanimité".

- La recherche de "qualité" (d'exigence ?) dans les livres lus et la recherche de la définition de la qualité sous forme de cette question réitérée : "qu'est-ce qu'un livre pour le groupe lecture ?".

- La légitimité d'un avis exprimé : elle ne repose pas sur l'érudition ou une expertise technique indifférente au plaisir littéraire. C'est la présentation des effets de la lecture sur le lecteur qui est au cœur du partage des lectures ; elle relève en partie d'une "narration de l'expérience du livre" ; "le discours sur le comment c'est fait qui rend compte du geste de l'auteur n'est cependant pas séparé du discours sur le comment je l'ai ressenti".

- Le plaisir comme critère, mais pas unique, pour fonder la valeur personnelle attribuée à un livre.

- La faible valeur accordée au succès, à la mode, ainsi qu'à l'authenticité (livres témoignages).

- Les différents objets du partage : lectures, nourriture, valeurs implicites, site…

- Le rôle de la ritualisation et du jeu sous diverses formes.

- L'appartenance à une forme de communauté (de lecteurs) qui se prolonge par les moyens numériques qui permettent des "expériences par procuration".

- Une dimension éthique, politique, citoyenne dans la pratique du groupe (renvoyée par l'étude Internet et la sociabilité littéraire, et que nous n'aurions pas de nous-mêmes formulée en ces termes).

Une réflexion à poursuivre
En guise de suite à cette présentation, la réflexion pourrait s'enrichir concernant plusieurs notions à l'œuvre dans la lecture et qui donnent lieu à de nombreuses publications (dont certaines récentes, liées à des recherches) :

- Le plaisir : intérêt ou émotion, les facteurs à l'œuvre (10), les types d'émotion.

- Le projet ou les intentions de l'auteur.

- La formulation des réactions, des émotions ressenties lors de la lecture, de la valeur attribuée au livre.

- L'acte de lecture lui-même : sa "phénoménologie", le corps en train de lire, le type de lectures (identification/distanciation), le rôle de l'empathie, la notion de "lecture littéraire".

- La valeur de l'œuvre d'art en général, des livres en particulier, la notion d'œuvre littéraire (c'est/ce n'est pas de la littérature) ; en effet la notion de valeur d'un livre reste à décliner toujours davantage concernant les livres pour-le-groupe-lecture.
A ce sujet, des échanges homériques concernèrent Iain Levison, "pour le groupe" ou pas : le livre lu avait suscité du plaisir, y compris chez des détracteurs considérant qu'il n'était pas-pour-le-groupe-lecture. On pourrait citer d'autres auteurs, ce fut le cas aussi pour Virginie Despentes. D'où cette deuxième question articulée à la première :
1. Qu'est-ce qu'un livre pour le groupe lecture ?, sous-entend Quels sont les livres qui ne sont pas "dignes" du groupe lecture ?
2. Quels sont les plaisirs pour le groupe lecture ?, sous-entend Quels sont les plaisirs qui ne sont pas "dignes" du groupe lecture ? Plaisirs de l'ordre de la simple identification ? Plaisirs du suspense sans plus ?...

Les suggestions de tout lecteur seront bien entendu bienvenues. A suivre, donc…


Notes

(1) Parodiant la phrase "Nul n'entre ici s'il n'est géomètre", gravée à l'entrée de l'Académie (l'école philosophique fondée par Platon à Athènes), nous prétendons même que "Nul n'entre ici s'il confond l'auteur et le narrateur"…
Balzac, en 1836, se moquait déjà... : "beaucoup de personnes se donnent encore aujourd'hui le ridicule de rendre un écrivain complice des sentiments qu'il attribue à ses personnages ; et s'il emploie le je, presque toutes sont tentées de le confondre avec le narrateur." (Préface au Lys dans la vallée)
(2) La facilité de lecture d'un texte (qui ne dit rien sur son intérêt) peut dépendre de :
- la présence d'éléments familiers : genre littéraire, type de récit, univers connu
- la
compréhension aisée : repérage évident des personnages, récit au déroulement d'actions simple, absence de mots rares
- l'écriture : transparente, simple, sans phrases longues
- l'attention et l'énergie nécessaires réduites, un travail du lecteur minime : rien ne freine
- la rapidité de lecture liée à ces facteurs.
(3) Mais il est clair que c'est l'œuvre lue qui prime par rapport à la vie de l'auteur et à tous les commentaires existants. L'impact de la vie de l'auteur sur l'œuvre relève en général de l'intérêt intellectuel voire de l'anecdote. La parole même de l'auteur sur son œuvre ne prime pas par rapport à… nos avis.
(4) Pierre Bayard, quant à lui, définit trois bibliothèques dans Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ? (Minuit, 2007) :
- la bibliothèque collective : les livres qu'il faudrait avoir lus, c'est-à-dire l'ensemble "de tous les livres déterminants sur lesquels repose une certaine culture à un moment donné"
- la bibliothèque intérieure : c'est la "partie subjective de la bibliothèque collective, comportant les livres marquants de chaque sujet"
- la bibliothèque virtuelle : elle constitue un espace de communication sur les livres ; la "bibliothèque virtuelle est l'espace, oral ou écrit, de discussion des livres avec les autres. Elle est une partie mouvante de la bibliothèque collective de chaque culture, et se situe à la rencontre des bibliothèques intérieures de chaque participant à la discussion".
(5) Jean-Jacques Rousseau exprimait déjà un effet des échanges : "Peu lire, et beaucoup méditer nos lectures, ou ce qui est la même chose en causer beaucoup entre nous, est le moyens de les bien digérer." ("Lettre XII à Julie", Julie ou La nouvelle Héloïse, 1761).
(6) Ajoutons à cette hypothèse des avancées fort intéressantes de la psychologie cognitive : "Divers travaux de recherche récents montrent que loin d'être un moyen d'échapper au quotidien, lire des romans peut améliorer nos habiletés sociales en nous aidant à mieux comprendre autrui. Entrer dans les mondes imaginaires des romans améliore notre empathie et notre capacité à adopter le point de vue d'autrui. Cela peut même faire évoluer notre personnalité. Ainsi, si se laisser happer par un livre peut paraître un acte solitaire, c'est en fait un exercice d'interaction avec nos semblables. Cela peut affûter notre cerveau social, si bien que, lorsque nous posons notre livre, nous sommes potentiellement mieux préparés aux interactions avec les autres et même à l'amour." (voir sur notre site l'article "Les romans renforcent l'empathie", Keith Oatley, Cerveau & psycho, n° 51, 2012 ou un article qui se réfère à ces recherches : "Pour mieux comprendre autrui… lisez", Florence Rosier, Le Monde, 19 juillet 2016.
(7) Le sociologue Georg Simmel donne ces éclairages sur la sociabilité dans "La sociabilité : exemple de sociologie pure ou formale", Sociologie et épistémologie, PUF, 1981.
(8) Voir la confirmation de ce constat dans un livre anglais sur les groupes de lecture : "Même après 14 ans il est presque impossible de prédire les réactions des membres du groupe de lecture vis-à-vis d'un livre. Même ceux d'entre nous qui ont été ensemble depuis le plus longtemps diront Tu vas adorer ce livre ou Ce n'est pas ton genre de livre, tu vas le détester" et à 100% se trompent. Aussi une des choses que j'apprécie le plus ce sont les avis imprévisibles sur les livres." (Reading Groups, Jenny Hartley, Oxford University Press, 2001). Par ailleurs, Jean-Marc Leveratto et Mary Léontsini qui ont analysé des sites littéraires (dont le nôtre, voir le compte rendu) remarquent que "l'imprévisibilité du jugement littéraire de l'individu est, en ce sens, constitutive de l'expérience littéraire, en tant que celle-ci témoigne, à travers la critique du lecteur, d'effets propres à chaque livre et à chaque lecteur." ("Internet et la construction du goût littéraire : le cas de critiqueslibres.com", Sociologie de l'Art, n° 2, 2005, p. 77).
(9)Voir la distinction entre "lecture participative" et "lecture distante", ainsi qu'une une petite sélection de ce que disent certains écrivains de la lecture et de ces approches sur notre site : ICI
(10) L'apport des sciences cognitives apparait dans un livre récent Pourquoi aime-t-on un film ? Quand les sciences cognitives discutent des goûts et des couleurs, Alessandro Pignocchi, Odile Jacob, 2015.

 

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