Robert Walser en 1907,
Quatrième de couverture : "De tous les endroits où j'ai
été, poursuivit le jeune homme, je suis parti très
vite, parce que je n'ai pas eu envie de croupir à mon âge
dans une étroite et stupide vie de bureau, même si les bureaux
en question étaient de l'avis de tout le monde ce qu'il y avait
de plus relevé dans le genre, des bureaux de banque par exemple.
Cela dit, on ne m'a jamais chassé de nulle part, c'est toujours
moi qui suis parti, par pur plaisir de partir, en quittant des emplois
et des postes où l'on pouvait faire carrière, et le diable
sait quoi, mais qui m'auraient tué si j'étais resté.
Partout où je suis passé, on a toujours regretté
mon départ, blâmé ma décision, on m'a aussi
prédit un sombre avenir, mais toujours on a eu le geste de me souhaiter
bonne chance pour le reste de ma carrière."
Programmé au théâtre : L'étang de Robert WALSER, Zoé poche, 32 p., au Théâtre des Amandiers, mise en scène Gisèle Vienne, avec Adèle Haenel, en décembre 2020 et avril 2021 (dossier de presse ici) |
Robert Walser (1878-1956)
|
Nos
28 cotes d'amour parisiennes et bretonnes
Etienne Laura Renée Brigitte Claire Danièle Manuel Marie-Odile Chantal Denis Édith Fanny Monique L Rozenn Suzanne Yolaine Annick L Catherine Christian Cindy Jacqueline Marithé Nathalie Richard Séverine Françoise Jean Katell "Auditrice libre" : Geneviève |
Fanny(avis
transmis)
J'ai rapidement accroché à la lecture des premières
pages, séduite par le profil décalé de Simon dans
son rapport au travail. Je trouvais alors le personnage sympathique et
irrévérencieux.
J'y ai également vu une peinture sociale.
J'ai trouvé le style d'écriture bien tourné à
la fois recherché et facile à lire, les phrases s'enchaînant
sans peine à la lecture.
Environ au tiers du livre cependant l'ennui m'a saisie. Trop de répétition
dans le parcours de Simon, de son frère et de sa sur. Ce
qui m'avait séduite dans le profil de Simon m'a finalement agacée.
Je l'ai trouvé pour le moins naïf, voire benêt dans
son approche de la vie et notamment dans son rapport contemplatif à
la nature, et également d'une grande passivité par rapport
au cours de sa vie.
J'ai néanmoins été au bout de la lecture, l'écriture
plaisante m'ayant facilité la tâche.
J'ai regagné en intérêt sur les dernières pages
lorsque Simon raconte le parcours de vie de ses parents, mais j'avoue
n'avoir rien compris aux dernières lignes (je me suis même
demandé si je n'avais pas sauté une page).
J'ai ensuite recherché très rapidement qui était
l'auteur, et entraperçu la part autobiographique de l'uvre.
À rebours, la lecture a pris un autre intérêt. Si
je n'ai pas eu d'empathie pour les personnages du livre, j'en ai en revanche
ressenti pour l'auteur et pour sa démarche littéraire (témoignage
? catharsis ? lutte contre la folie ?...)
J'ouvre ½ (en prenant garde à ne pas confondre l'auteur
et le narrateur ??).
J'ai ensuite lu L'Étang
et Félix. Dans les deux cas ces lectures étaient
brèves et le thème de la famille à nouveau central.
J'ai aimé le caractère baroque de la construction et des
dialogues. Mais je dois dire que je n'ai pas compris grand chose au fond
de ses propos, excepté l'écho avec une histoire familiale
et des personnages perturbés. Ces deux textes mériteraient
pour moi une analyse approfondie. Les voir au théâtre aiderait
peut-être aussi à les apprivoiser.
J'ouvre L'Étang
¾ et Félix
½.
Bel échange sur Zoom et toujours hâte de vous retrouver dès
que ce sera possible.
Françoise(avis
transmis)
Ce livre m'est tombé des mains. J'ai vraiment essayé d'aller
au moins jusqu'à la moitié selon le principe que je m'impose
en général pour les livres du groupe lecture.
Mais quel effort ! Des monologues, descriptions à n'en plus finir.
Au bout de deux phrases, on a compris, c'est bon, après c'est de
la tautologie, Un exemple de logorrhée lassante, celle de Kaspar
quand son frère Klaus lui suggère de faire un voyage en
Italie (p. 78-79 dans l'éd. Folio).
Et il y plein d'autres exemples. La concision n'est pas le fort de Walser.
Je n'ai pas non plus été accrochée par le style ;
je me suis demandé si la traduction y était pour quelque
chose. Parfois je ne comprenais pas ce qu'il voulait dire. À part
Simon - fort antipathique - les personnages n'ont pas de chair,
sauf Klara, un peu. On se demande ce qui les anime. Ce sont plutôt
des ombres. Seule m'a touchée la mort de Sebastian, mais j'étais
choquée que Simon le laisse là et passe son chemin. Je n'ai
pas compris le projet de l'auteur, peut-être parce que je ne l'ai
pas lu jusqu'au bout.
Je le ferme à regret car j'ai été intéressée
par les docs sur l'auteur que Claire nous avait envoyés.
Eh oui, l'homme et l'écrivain c'est pas pareil.
Etienne (avis
transmis)
M'est venu à l'esprit une récente réflexion de Lisa
: ce livre, je l'ai lu il y a un an, je l'ai adoré, mais je ne
me rappelle plus exactement pourquoi. Je vais tout de même essayer
de développer car j'avais été tellement emballé
que j'avais acheté Morceaux
de prose et la fascination s'était répétée.
Sans rentrer dans les détails, puisque je ne les ai plus en tête,
ce qui me reste est l'onirisme qui enveloppe comme un cocon ce texte.
Cette sensation de réel pas tout à fait réel sans
qu'on puisse mettre le doigt sur ce qui change. Peut-être ces personnages
mi-naïfs mi-résignés. Une sorte de mélancolie
apaisante. Je garde aussi une image très forte de la nature en
hiver : les montagnes, la neige
à tel point qu'elle me paraissait
un personnage du livre.
Je ne pourrai pas en dire tellement plus, car le rêve est sédimenté
dans mon inconscient. Je l'ouvre en grand.
Monique L
C'est une uvre curieuse sans réel fil conducteur, un roman
introspectif.
L'impression la plus immédiate, c'est que c'est très bavard,
au point que cela en est parfois saoulant.
C'est une succession de longs monologues et de réflexions qui suivent
le vagabondage de l'auteur sans réelle construction. C'est une
uvre surprenante et parfois agaçante. Rien de trépidant,
mais le livre reste malgré tout prenant.
Je dois reconnaître que malgré l'agacement parfois, j'ai
continué ma lecture sans déplaisir.
Il y a des moments où j'ai eu du mal à y croire comme les
divers discours de Simon avec ses employeurs, son arrivée chez
Klara, la façon dont toutes les personnes rencontrées se
livrent si facilement.
Il y a des moments de surprise, voire d'incompréhension, comme
le changement d'attitude de Hedwig le lendemain de son grand monologue
sur son désir de changer radicalement de vie.
Il y a de très belles descriptions de la nature, parfois très
poétiques.
Simon est une sorte de poète qui vit dans l'instant présent
et observe le monde qui l'entoure.
Il est instable, beau parleur, vaniteux, agaçant, excentrique,
marginal, réfractaire, rêveur, plein de contradictions et
impulsif, mais a visiblement du charme. C'est un personnage complexe,
pour lequel on sent que la folie n'est pas loin.
On peut voir dans ce texte une sorte de manifeste d'une vie d'artiste
difficilement compatible avec une vie normale et la banalité du
quotidien.
Qu'en est-il des autres personnages ? Les autres enfants Tanner font des
apparitions au gré de leurs relations avec Simon. Le seul sujet
est Simon et son rapport avec les autres. Il nous fait part de leur façon
de vivre et ce qu'il ressent à leur contact.
Que penser du rôle de Sebastian, le poète ?
Je reste déroutée par cette uvre que je suis contente
d'avoir lue. J'ouvre à ½.
Nathalie
Il me reste 80 pages, j'en suis après l'apparition d'Emil. C'est
un livre très particulier, je rejoins ce qui a déjà
été dit. Il part dans tous les sens, fait des virages à
180 degrés, comme par exemple quand on passe d'un chapitre à
un autre ("trois semaines
passèrent" p. 220) et que
jamais on ne sait pour quelle raison, il est parti de chez "Madame".
Même si je n'ai pas eu le temps de finir, je suis allée voir
la postface pour voir les partis-pris d'écriture : j'ai mieux
compris les ruptures fantaisistes ; il a écrit en écriture
automatique à partir de mots, de dessins. Il s'autorise toutes
les licences narratives "l'écrivain
doit se laisser aller, avoir le courage de se perdre, d'oser tout, chaque
fois" (postface p. 342).
Il se trouve chez la femme qui a un enfant, puis il n'y est plus :
voilà ! La rupture brutale se suffit. C'est une écriture
de fantaisie, ou même proche de la fantasy. Il y a une grande place
donnée au rêve, et ça va très loin : je
me demande s'il a pris des notes de ses propres rêves ou s'il les
invente.
J'ai pensé à Martin
Eden, en raison du monde idyllique qui est montré, mais
aussi par cette recherche permanente des qualités les plus élevées
de l'âme humaine. Il y a une tonalité romantique au sens
des Romantiques du XIXe qui passent leur temps à chercher à
s'élever. C'est quoi ce monde ? C'est un monde qui n'existe
pas. Ils ne sont pas faits de chair. Les personnages sont toujours dans
l'introspection, uniquement cérébraux.
Le récit fait naître des contradictions, par exemple la jeune
fille qui écrit une lettre pour travailler en Italie : elle
rêve de partir, de se réaliser, de se mettre en position
de soumission pour une maîtresse dont un rictus satisfaisant serait
la récompense ultime à une vie exclusivement tournée
vers la satisfaction des désirs, et pourtant c'est lui qui va vivre
ce qu'elle voudrait vivre, c'est lui qui va se mettre au service de la
première qui passe et lui tend un paquet à porter !
J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de passages connotés
sexuellement : des rapports de force, du sadomasochisme, le fétichisme
de la chaussure. J'ai pensé à la Comtesse de Ségur
(pour les punitions qu'on s'inflige, les flagellations morales). Quant
à la place des femmes
Il y a toujours une morale : il
s'agit d'être à la hauteur de l'homme.
Mais il y a de très belles descriptions, des scènes magnifiques
comme celle de l'apparition de Klara dans la salle des repas où
il la regarde avancer vers lui. Image gravée dans ma mémoire.
Ce livre est un ovni. J'ai beaucoup pensé à la psychanalyse,
à Freud.
Je ne peux pas donner ce livre aisément. C'est un incontournable,
ardu. Tout le monde considère qu'il faut l'avoir lu, mais en vérité
peu dans mon entourage l'ont lu. J'ouvre un quart, il n'a pas changé
ma vie.
Danièle
Ce livre est pour moi un roman très intéressant, tellement
foisonnant qu'on ne sait pas toujours comment y entrer.
C'est un roman introspectif, mais qui nous place au cur d'une société
du tout début du 20e siècle, dans tous ses aspects :
psychologiques, sociétaux, artistiques...
Mais ce qui m'a particulièrement intéressée, c'est
qu'il a toutes les apparences d'un roman initiatique ou roman d'apprentissage,
dans la veine de la tradition littéraire allemande du "Bildungsroman".
Mais le hic, c'est que le personnage principal, Simon, n'évolue
pas ! Le roman regorge de ces rencontres inopinées avec ses
frères et surs, des gens de passage et surtout des femmes
telles que Klara, qui devraient changer sa vie et le former. Mais en fait,
l'objectif n'est pas atteint, rien ne change. Simon se retrouve continuellement
dans le même type de situations.
Sa quête du bonheur évolue aussi bizarrement, puisque, dès
le début, un trait majeur de son caractère apparaît :
il positive, il positive même à outrance sur tout ce qui
lui arrive, voulant nous persuader qu'il est heureux ainsi. Mais en même
temps il le recherche, ce bonheur. Simon semble nous dire que "Tout
est pour le mieux dans le meilleur des mondes", mais tandis que
Voltaire se plaçait clairement au second degré, dans un
esprit critique, ici on rencontre une souffrance. Est-il positif ou fataliste,
finalement ? En tout cas, velléitaire...
Le sens du devoir l'occupe aussi durant toutes ses péripéties.
Le mot "devoir" apparaît des dizaines (des centaines ?!)
de fois : "je suis
coincé entre quatre murs, mais mon cur est rempli du plaisir
que je trouve à mon modeste devoir".
Et pourtant, autre contradiction, il se présente comme un homme
libre, marginal, libre de tout préjugé, insolent, qui sait
merveilleusement étudier les gens et même les manipuler,
parfois même, comme l'ont remarqué certains d'entre vous,
dans des relations à connotation sexuelle, qui s'apparentent à
du masochisme.
Toutes ces contradictions, qui semblent au premier abord ne conduire à
rien, m'ont intéressée, justement par les pistes de réflexion
qu'elles suggèrent et les courants de pensée de l'époque
qu'elles évoquent. La clé du mystère est peut être
ce passage, p. 104. Mais bien sûr, elle n'est pas à
la fin du roman : "Seuls
les crétins lisent des livres, car il faut être crétin
pour ne rien faire d'autre. Créer des choses parmi ses semblables
est l'unique façon de progresser. Alors quoi faire ? Écrire
des poèmes peut-être ?" À nous
de méditer cette sentence.
Dans certains passages, l'auteur nous fait traverser différents
mouvements artistiques de son époque par allusion ou simplement
par la magie de l'écriture. Par exemple, certaines descriptions
évoquent l'atmosphère rendue par les peintres impressionnistes :
"Ce matin là,
Kaspar et Klara firent une promenade sur l'eau dans une petite barque
de couleur" p. 63. Puis l'intérêt
pour l'ambiance grouillante des villes, typique de l'expressionnisme,
se retrouve dans d'autres passages, ainsi que, comme le dit Simon : "la
laideur comme objet de peinture qui peut enchanter", ce
qui était nouveau pour l'époque. En avance sur son temps
aussi dans la description surréaliste de la ville vue du haut de
la fenêtre : "tous
ces gens [
] se répandaient comme des fourmis, petits points
noirs et mobiles [
] et quand on songeait que chacun de ces points
noirs avait une bouche avec laquelle il se préparait à absorber
son déjeuner..." p. 64.
Mais il ajoute : "On
ne pouvait s'empêcher de rire". Alors là,
la vision est tempérée par une certaine distance. Je ne
voudrais pas parler de distanciation. Mais Simon, et sans doute l'auteur,
nous livre sa conception de l'art p. 117 :
"Que voulons nous trouver
[dans un tableau]? nous voulons trouver l'explication de quelque chose
mais d'une chose dont il est sûr qu'elle restera toujours inexprimable".
Et c'est sans doute ce que nous retrouvons dans les merveilleuses descriptions
de Robert Walser, de la nature en particulier, tout le long du roman.
Simon occupe la place centrale dans le roman. Les autres personnages gravitent
autour de lui. Le personnage de Klaus m'a intéressée, car
il m'a rappelé plus d'une personne de mon entourage. Klaus, persuadé
d'être le détenteur de la vérité, s'autorise
à juger les autres en fonction de ses propres critères,
tout en sachant le mal que font ses reproches. Et de plus, il n'est pas
satisfait de sa propre vie.
Les femmes ne m'ont pas paru très intéressantes, sans doute
à cause des tirades chaotiques et sans fin que leur fait tenir
l'auteur. La conception d'Hedwig sur le métier d'enseignant m'a
paru étonnante et pour tout dire choquante ; elle le réduit
au respect qu'on lui témoigne en tant qu'enseignante :"je
dois essayer de voir s'il est possible d'être heureux sans devoir
être respecté" p. 177.
Pour juger de la qualité de la traduction, je suis passée
de temps en temps de la version française au texte original. La
traduction française, en particulier des magnifiques descriptions
de la nature, me semble très bonne. Dans l'ensemble, le texte allemand
a conservé davantage de tournures et de termes surannés
qui rendent très bien le contexte de l'époque, ce qui nous
permet de mieux prendre nos distances vis à vis de certaines réflexions
des personnages féminins.
J'ouvre ce livre aux ¾ en ayant l'impression qu'on pourrait sans
fin citer des passages intéressants, et en essayant de ne plus
penser à certaines tirades ennuyeuses et peu constructives.
Laura
Je n'ai pas pu lire au-delà de la page 132. Pour l'instant, j'adore.
À Monique qui trouve le livre trop bavard je réponds le
contraire, par le besoin de romancer sa vie pour qu'elle devienne intéressante
; je m'y suis retrouvée
C'est assez poétique : les descriptions, avec le soleil qui se
lève, et par rapport à une forme d'art.
Dès le début, j'ai pensé aux Désarrois
de l'élève Törless de Musil, un roman d'apprentissages
et qui, comme Danièle, j'ai senti que le personnage ne va nulle
part, ayant le même sentiment en lisant les deux livres.
Pour l'instant, c'est grand ouvert (avis complet ci-dessous).
Rozenn
J'en suis à la moitié. Je n'ai pas du tout accroché
à ce livre. Pas accroché à l'ensemble du livre, pas
du tout, mais j'ai accroché à des phrases. Était-ce
parce que, pour une fois, je n'ai pas lu sur une liseuse et que j'ai lu
plus lentement ?
Justement, le temps compte, par exemple p. 144, à propos de ses
chaussures, abîmées par la marche à la campagne :
"il songerait document à la faire réparer. Mais doucement, sans se presser ! Il y penserait peut-être quinze jours avant de se décider : quinze jours, qu'est-ce que c'est à la campagne !"
Mais qu'est-ce que c'est pendant le confinement !
"En ville on doit tout faire vite mais ici on avait le doux devoir de reporter les choses d'un jour à l'autre, ou plutôt elles se reportaient d'elles-mêmes ; les jours venaient d'une façon si tranquille et, avant qu'on s'en soit aperçu, le soir était de nouveau là, suivi d'une profonde nuit, aussi profonde que le sommeil d'où l'on était doucement, avec de tendres précautions, tiré de nouveau par le jour."
À part ce qu'il dit sur le sommeil, c'est exactement ce qui se
passe pendant les confinements.
J'ai le temps de ne rien faire. Je n'ai pas eu le temps de finir le livre.
Et je ne saurais pas dire ce que j'ai lu.
Ce qui m'a frappée, c''est que beaucoup de discours sont donnés
comme pas réels : peut-être
, peut-être qu'il
pense ça, peut-être
. J'ai été très
rassurée quand j'ai vu dans sa biographie qu'il était fou.
Ah je me suis dit, si je n'accroche pas, c'est parce que qu'il est fou.
Quand je me reconnais dans les phrases, ça m'inquiète.
J'avais lu L'écriture
miniature et Histoires
d'images (Rozenn montre ses livres à l'écran)
que j'avais bien aimés et qui sont des fragments.
Je me demande si je peux le suivre sur une grosse construction ou si j'étais
de mauvaise humeur ou si je n'étais pas là.
Par contre je lis les uvres complètes de Cynthia
Fleury... Ici, j'ai envie de souligner plein de phrases alors que
je ne le fais jamais, par exemple "J'avais
besoin d'être traité avec tendresse et cela ne se produisait
jamais". Ce sont comme des morceaux de puzzle qui ne sont
pas assemblés.
Comment j'ouvre ? J'ouvre en petit bouts, je le découpe en feuilles.
Bon, j'ouvre à moitié et je pense que je suis passée
à côté de quelque chose.
Annick L
J'ai fait des études d'allemand mais qui ont été
interrompues. J'ai toujours entendu parler de Robert Walser, sans l'avoir
lu : ce fut l'occasion.
J'ai aimé l'ironie constante, la position de marginal, ceci au
début. Au bout de cinq pages je me suis ennuyée, j'ai sauté
des passages.
Il y a une initiation, mais il reste au même point.
Les personnages féminins m'ont rendue hystérique.
C'est une série de monologues, mais pas adressés aux lecteurs.
On ne s'adresse pas à moi, je suis une lectrice pas concernée.
Et c'est jusqu'au bout comme ça.
J'ai été très déçue par rapport à
l'aura littéraire.
Par ailleurs je suis touchée par l'auteur, les microgrammes,
tout ça.
Malheureusement, le livre ne m'a rien apporté, tout me laisse de
glace. Il a une jolie plume et j'ouvre ¼ pour cette jolie plume.
Séverine
Un livre d'un Suisse ? J'étais enthousiaste (j'adore la Suisse) !...
Hopper sur la couverture ? Super !
Dès les premières pages, un personnage de libraire : ah
!
Je pense comme Rozenn que je l'ai mal lu. J'étais aussi dilettante
que le personnage : le lendemain, je ne me souvenais pas de ce que j'avais
lu ; c'est peut-être parce qu'on passe d'une chose à l'autre.
Mais ce qui fait que je vais l'ouvrir au quart, c'est son texte sur la
comparaison entre la ville et la campagne.
Claire, brandissant un scoop...
J'annonce à tous que Séverine part vivre pour de bon à
la campagne !
Séverine
C'est pour ça que ce texte a dû me parler
Ce qu'il dit de la comparaison entre la ville et campagne m'a relancée.
J'ai lu jusqu'à la page 188, je ne sais pas quoi en penser. Est-ce
que je suis passée à côté de quelque chose
? C'est très bien écrit, il y a de belles descriptions,
mais où veut-il aller ? Et pourquoi ça s'appelle "Les
enfants Tanner" ?
Diverses réponses cacophonisent
Séverine
Oui, mais le récit est focalisé sur lui.
Comme Rozenn, je retiens des bouts. Je l'ai peut-être mal lu, je
vais le finir. C'est un livre étrange, étrange. Je suis
déçue d'avoir eu du mal à accrocher.
J'avais gardé une bonne image d'un livre cité par Rozenn,
Histoires
d'images, quand nous avions lu un été
des livres sur l'art : ce sont des petits textes et j'ai trouvé
ça très bien.
Là, j'ouvre ¼ pour le texte sur la campagne.
Richard
J'irai dans le même sens que Séverine.
J'ai trouvé le livre facile à lire. Je l'ai lu en allemand,
et facilement.
Il ne se passe rien d'important. Et si c'est important, c'est traité
de façon banale. J'ai eu envie de sauter des pages, et je me suis
discipliné pour ne pas le faire.
Quand je m'emmerdais, je me disais il va se passer quelque chose. Si je
sautais quelques pages, je m'apercevais qu'il m'avait manqué quelque
chose et je devais faire marche arrière, j'étais prisonnier
du texte en quelque sorte. J'ai lu jusqu'au chapitre quatre. J'irai plus
loin après vous avoir entendus.
Pendant les trois années d'allemand que j'ai suivies à la
fac, on ne m'a jamais parlé de cet auteur.
Je voudrais vous lire la citation de Kafka sur la quatrième de
couverture de mon
livre en allemand.
"Mit leichtem Gepäck
und offenen, unbestechlichen Augen wandert dieser moderne Taugenichts
durch die Welt und am Ende wird nichts aus ihm als das Vergnügen
des Lesers." Franz Kafka
|
"Le bagage léger
et les yeux ouverts et incorruptibles, ce Vaurien
moderne parcourt le monde et à la fin il n'aboutit à
rien si ce n'est au plaisir du lecteur."
|
Il n'y a pas de plaisir et je ne suis pas d'accord avec Kafka (que j'apprécie
d'ailleurs).
J'ouvre ¼ car je suis charitable. Mais optimiste, j'y retournerai
après avoir lu le livre de science-fiction
.
Manuel
Pour ma part je l'ai lu jusqu'au bout. Il faut du temps, car le livre
est très dense et de nombreuses pages sont sans paragraphes.
Je me suis demandé, mais quel est le projet de son auteur ?
J'ai récemment vu un documentaire sur la Sécession viennoise
et l'influence des recherches de Freud sur les arts. Le livre fut publié
en 1907. Je trouve qu'il y a une espèce de romantisme tardif :
une grande place est accordée à la nature, à la femme.
Le livre est un témoin de cette époque.
Pour répondre à Annick qui est agacée par le point
de vue sur les femmes, il correspond à une vision de l'époque
(par exemple seules les femmes peuvent être éducatrices).
J'ai aimé tous les passages sur le rêve.
Peut-on dire j'aime ou je n'aime pas ce livre ? On adhère ou on
n'adhère pas.
C'est un peu comme avec Kafka. Simon, les femmes, ils sont tous un peu
toc toc. Hedwig par exemple qui dit qu'elle va quitter son travail d'institutrice
et le lendemain elle change d'avis et demande à son frère
d'oublier ce qu'elle a dit la veille. Elle lui dit avant qu'il ne parte
: "Tu n'as pas le commencement
du talent qu'il faut pour laisser un souvenir".
Nathalie
Il la tue dans son rêve !
Manuel
Simon m'a fait penser à Meursault. La fin est complètement
ouverte, quand il retourne là ou habitait Klara.
Je n'ai pas détesté ce livre mais il m'a intéressé
: c'est une uvre un peu révolutionnaire si on considère
le contexte, avec l'apparition de la psychanalyse, et avec - oui
merci Nathalie - l'écriture automatique à laquelle il a
recouru. C'est une prouesse d'écrire en quatre semaines.
Nathalie
C'est incroyable !
Manuel
Et ces passages, sur le temps, avec les descriptions de la nature, c'est
très visuel, on voit les bords d'un lac. Je rejoins Laura, ce sont
les descriptions des tableaux de son frère Kaspar.
J'ai trouvé la traduction remarquable. J'ouvre ¾. Je me
suis parfois ennuyé, mais agréablement ennuyé.
Claire
J'ouvre moi aussi ce livre aux ¾ : pour son originalité
qui m'a amenée maintes fois à me dire : quel livre !
Qui ne ressemble à rien ! Une découverte! Je suis d'accord,
c'est un OVNI.
Et aussi pour tous les plaisirs que j'y ai trouvés, par exemple
avec ces personnages hors norme dont le héros, tout de suite très
présent, au point que j'ai eu l'impression que le récit
était à la première personne : hors norme socialement,
professionnellement, géographiquement avec son nomadisme, question
murs : sa pratique du ménage, la présence de l'homosexualité,
Klara non mariée a deux enfants et cela ne semble pas faire de
problème, et le masochisme très présent : "J'aime
bien dépendre de bon plaisir d'autre, parce que d'une façon
générale j'aime être dépendant de quelqu'un
pour le chérir et me demander toujours si je mérite encore
sa bonté".
Très vite, dès la 5e page, je suis tombée sur un
des passages qui m'a plu : c'est la "dissertation" non dénuée
d'humour sur les devoirs du docteur Klaus vis-à-vis de ses frères
: "Le docteur Klaus
connaissait des milliers de petits et grands devoirs, et quelquefois on
aurait pu croire qu'il en désirait encore davantage. Il faisait
partie de ces personnes qui se ruent à tout moment, pressées
par le besoin de remplir leurs devoirs, vers la grande maison des devoirs,
qui en est pleine à craquer de tous ces devoirs, et tout cela par
peur d'en oublier un, sait-on jamais, un devoir discret, qu'on n'aurait
pas remarqué." Et après avoir commencé
plaisantimement, ça continue longuement et de plus en plus profondément.
Et j'ai trouvé dans ce roman "une écriture de pensée",
qui fait penser ou du moins qui résonne.
C'est un univers non pas de conte (quoique, avec les premiers mots "Un
beau matin"
), mais décalé, comme un univers en
soi, où il se passe des choses in-croyables. ("avec
ce genre de vie on attrape facilement un tas de nez et on passerait bien
toute la journée à mettre ses dix doigts dans ses dix nez
et à penser"). Pour moi, ce n'est pas le résultat
d'une écriture automatique, mais une composition.
Les "bonheurs d'écriture" n'ont pas manqué, avec
les descriptions que plusieurs ont remarquées ("Le
ciel était d'un bleu doré, très nourri, qui éveillait
un désir"), des comparaisons ("il
ne me viendrait jamais à l'idée de vouloir me reposer sur
une seule et même profession comme sur un matelas").
Il est vrai qu'à certains moments j'ai trouvé ça
trop long et d'ailleurs la postface indique que Walser a dit bien plus
tard qu'il y avait 70 à 80 pages en trop et je suis d'accord avec
lui...
Rozenn
Mais tu ne sais pas si ce sont les mêmes pages que lui...
Richard
Dans mon édition allemande,
il y a en appendice les retouches que Walser a faites au manuscrit.
Claire
Je vais bientôt voir L'Étang
au théâtre, un texte offert à sa sur, un dialogue
dingue, que j'ai bien aimé ; comme Fanny, j'ouvre ¾ pour
ce livre (minuscule, 32 pages dont une postface...)
Katell
Je vais être rapide. Je fais partie des chanceuses qui vont aller
voir L'Étang
avec Adèle Haenel au Théâtre des amandiers parce que
ma fille m'a dit qu'il fallait le voir.
Je n'avais pas percuté... ah mais quand j'ai vu Robert Walser au
programme..., avec vous je suis dans des trucs super intellos... Ce livre,
ffftttt, ça m'a barbée, j'ai trouvé ça hyper
daté. Je suis d'accord avec Manuel sur l'importance du contexte.
Mais au XXIe siècle, on trouve ces considérations même
pas universelles. Il y a des livres vieux qui plaisent : le
Décameron pendant le confinement, avec la peste noire,
c'est bien plus moderne.
Ça m'est tombe des mains. J'espère que L'Étang
ce sera bien, je fais confiance à Gisèle
Vienne et Adèle Haenel pour transformer le texte. Je ferme
complètement. Avec le confinement, ce genre de livre, ça
me barbe
Jacqueline
Je vais rebondir sur la question des femmes. C'est comme le reste, il
y a un mélange entre des choses convenues et d'autres complètement
inattendues. En tout cas Simon a bien de la chance de trouver toujours
impromptues et par miracle des femmes qui vont le tirer d'affaire !
Ce livre m'a beaucoup ennuyée en raison des grands monologues verbeux.
Et pas seulement de la part du héros ; tous ces personnages
tiennent de grands discours.
Les personnages, je ne les ai pas trouvés assez différenciés
ni très crédibles. Je n'ai pas réussi à rentrer
dans le roman, que j'ai lu jusqu'au bout. D'ailleurs est-ce un roman ?
Les descriptions de lieux sont belles, la promenade sur le lac, la marche
de nuit, ça m'a plus marquée, j'ai trouvé en bibliothèque
Retour dans la neige,
un livre de promenades en Suisse, une suite de fragments courts très
agréable.
Mais je n'ai pas réussi à accrocher au roman. J'ouvre ¼
à cause des paysages, pas plus, je ne peux pas faire mieux.
Est-ce que j'ai un problème avec la littérature suisse allemande ?
Je n'ai pas eu de chance avec tous les auteurs suisses allemands qu'on
a lus jusqu'à présent.
Renée de Narbonne
Je l'ai lu en 85, j'étais jeune et comme Laura emballée
par ce personnage qui se cherche tout le temps, qui se pose des questions.
Manuel veut le remettre dans contexte et je suis tout à fait d'accord.
Et comme Danièle est renvoyée par le frère sérieux
à elle-même, le livre me renvoyait à ma vie trop sage.
Hedwig, je me suis mise à sa place. Elle rêve
on rêve
de changer de vie et puis le cours des choses reprend, en étant
raisonnable. On pense à des changements pour le lendemain, et le
lendemain, c'est autre chose.
Le livre est une errance : certains ont dit je ne vois pas où il
va ; il ne va nulle part, et on le suit. Simon mène une vie
contemplative ; il y a des paysages magnifiques, la nature est personnifiée.
Il se cherche, dit une chose, puis son contraire.
Je l'ai relu et j'ai retrouvé des émotions de ma première
lecture. J'avais lu à l'époque L'institut
Benjamenta qui m'avait plu aussi.
Quant au projet, page 117, il parle de la peinture et je pense que c'est
de la littérature qu'il parle et de son projet : "Que
voulons-nous, quand nous sommes charmés de voir un paysage reproduit
sur un tableau ? Est-ce simplement une jouissance ? Non, nous voulons
trouve l'explication de quelque chose mais d'une chose dont il est sur
qu'elle restera toujours inexplicable."
Ce livre est inexplicable. Oui, c'est un ovni. Comme un rêve. J'ouvre
en grand.
Annick
Voilà pourquoi je viens dans ce groupe depuis si longtemps, t'entendre
parler de ce livre, moi qui n'y ai rien trouvé.
Renée
Je trouvais que dans ce livre les références à la
sexualité étaient absentes. Je suis contente d'avoir eu
l'éclairage de Nathalie...
Brigitte
Je ne connaissais pas du tout Robert Walser. J'ai lu le livre en entier
et je l'ai beaucoup aimé.
Nous avions déjà lu plusieurs livres sur des gens qui se
cherchent, se demandent s'ils vont entrer dans la vie, ne se trouvent
pas ; je pense à Carol Oates et aussi à
Mars
de Fritz Zorn.
Celui-ci date d'un siècle. Même si beaucoup de choses ont
évolué depuis, l'ensemble des réflexions qui traversent
l'esprit de Simon, le héros, sont pleines de sens dans le monde
actuel.
Au début, je ne comprenais pas bien vers quoi l'auteur voulait
nous entraîner ; je trouve finalement que ce livre nous fait
grandir, nous fait voir ce qu'habituellement nous ne voyons pas ;
il s'agit de gens qui n'arrivent pas à faire des choix. Le livre
s'attache à nous parler de ce qui se passe quand on voudrait prendre
une décision qui finalement n'est jamais prise, c'est intéressant.
Par exemple chez le libraire, ou avec l'enfant handicapé, Simon
fait très bien son travail mais
le quitte ! Alors que
nous, en général, nous réfléchissons puis
nous prenons une option à laquelle nous nous tenons ; Simon, lui,
reste au bord, il ne s'engage pas. Il parle de devoirs qu'il n'accomplit
pas. Il n'arrive pas à entrer dans la vie, et s'approche dangereusement
de la folie. C'est d'ailleurs ce qui arrivera à Walser, lui-même,
qui mourra, oublié, dans un asile.
Je trouve ce livre moderne, et non pas daté ; c'est une ambition
tout à fait originale que tenter d'explorer les limites, d'être
au bord : j'entre dans un métier, dans une relation et hop
je me retire. Je veux garder tous les choix possibles et ne pas faire
de choix. Il va très loin, dans cette exploration des limites.
C'est une belle méditation sur le sens de la vie.
J'ai été particulièrement frappée par ce que
dit Walser sur le malheur, dont on n'évoque jamais ce qu'il apporte
de bénéfique, et sur l'ouverture qu'il introduit sur la
notion de bonheur.
Les descriptions sont vraiment magnifiques, bien loin des images clichés
de la Suisse tablette de chocolat. Il évoque magistralement l'évolution
de la nature au cours des saisons.
Renée nous a parlé d'un tableau essayant d'exprimer ce qui
est inexplicable, c'est tout à fait ça ici.
Vers la fin, le narrateur donne un essai d'explication psychologique avec
la disparition de la mère et les destinées variables des
enfants, d'où le titre, Les enfants Tanner.
J'ouvre aux trois quarts pour cette découverte dont je suis très
contente. Merci au groupe.
Nathalie
Ce n'est pas déplaisant d'ouvrir comme ça le livre et de
lire. Avant de dormir, c'est onirique, un chapitre se suffit.
Claire
Je pense à ce qu'Henri dit des livres qui l'intéressent
vraiment : on peut les ouvrir n'importe où. Je trouve que
c'est le cas pour celui-ci.
Denis
Ce livre m'a laissé perplexe, ne sachant pas trop quoi en penser,
et j'ai donc été très intéressé d'entendre
ce soir les avis divergents. Je connaissais un peu Walser, par une amie
qui l'adore et m'en avait offert un ou deux. Mais je n'étais jamais
arrivé au bout d'aucun. Aujourd'hui, c'est sous la pression du
Groupe Lecture que j'ai poursuivi jusqu'au dernier chapitre. Il y a des
livres qui vous donnent le sentiment de perdre votre temps, mais ce n'est
absolument pas le cas ici. C'est une expérience de lecture impressionnante.
J'ai sans doute été influencé par le fait de savoir
qu'il avait terminé "fou", et j'ai souvent eu l'impression
qu'il m'emmenait dans sa folie - alors que, étant jeune, il n'était
pas encore censé l'être. Son livre pourrait être l'uvre
d'un esprit dérangé, mais il peut aussi constituer une exploration
méthodique des incertitudes, hésitations et volte-face d'un
esprit particulièrement observateur et pénétrant.
Ce livre sollicite des hypothèses de lecture. Par exemple, quel
sens donner à l'architecture en chapitres, dans ce récit
sans début véritable, sans fin, sans évolution ?
Pour moi, c'est une collection de chapitres, grossièrement ordonnée
sans nécessité.
J'ai adoré les passages sur la nature - pour les Suisses, c'est
important ! J'avais lu un autre texte, un récit
de promenade où il ne se passe rien - rien que le marcheur
qui marche et ressent. Déconcertant et assez (très) ennuyeux.
En tout cas, pour Walser, c'est constitutif de sa personne. C'est touchant,
on peut avoir ce livre sous le coude quand on a marre de la ville, c'est
très réussi de ce point de vue-là.
J'ai été intrigué par l'écriture, si simple
et directe, me demandant si cela venait de la traduction. J'ai été
voir le texte allemand (disponible sur le site
Gutenberg), que j'ai trouvé tout aussi simple, voire lumineux
par endroits. J'ai pris grand plaisir à approfondir quelques pages.
C'est un peu comme Kafka (La
métamorphose), et à l'opposé de Zweig dans
Le monde d'hier.
À propos de Suisses, j'ai pensé au film de Tanner Charles
mort ou vif, où le personnage fuit la société
suisse dont il a par-dessus la tête ; il casse ses lunettes et le
monde devient trouble ; il part à la dérive...
Catherine
Je me suis connectée surtout pour entendre vos avis car j'en suis
à la page 108. J'ai aimé les 17 premières pages,
quand il arrive dans la librairie. Ensuite, j'ai plutôt décroché.
J'ai beaucoup de mal à accrocher à ce personnage. C'est
très suisse.
Claire
En quoi c'est Suisse ?
Catherine
Un peu ennuyeux...
Séverine (amoureuse de la Suisse)
Ah... les clichés Catherine !
Catherine
J'ai passé plusieurs fois des vacances, je ne suis pas fan
J'ai un peu de mal pour l'instant avec le personnage qui tourne en rond.
Quand Klara arrive, c'est encore pire.
La nature en Suisse est très belle oui, et là c'est agréable,
et avec un effet magique le soir, ça m'a bien endormie, c'est parfait.
Séverine
Oui le grand air suisse !
Catherine
Mais vous m'avez donné envie d'aller un peu plus loin et de dépasser
cette première impression. Pour l'instant ce serait un quart. Walser,
je ne connaissais pas et c'est toujours intéressant de découvrir
et d'entendre des avis divers.
Denis
J'ai été assez fasciné par les histoires de soumission
qui reviennent dans d'autres livres du même Walser, comme dans L'Institut
Benjamenta. Ce n'est pas mon truc...
Manuel
Révélation de ce soir !
Denis
...mais c'est intéressant d'entrer dans l'esprit de qui est soumis
et en jouit. C'est une soumission très compliquée. Par exemple,
à la fin du chapitre douze, dans la lettre qu'il écrit à
Kaspar, il détaille sa malice vis-à-vis de sa maîtresse
(de maison !) qui vient de casser un plat précieux. Le texte
est tellement savoureux que je ne résiste pas au plaisir de le
citer : "Elle sait magistralement
bien se fâcher et je suis moi-même passé maître
dans l'art de lui en donner l'occasion. Aujourd'hui par exemple, elle
a brisé par étourderie un plat précieux en porcelaine
et elle m'en a voulu de ne pas être celui qui l'avait brisé.
Elle s'est mise en colère parce que j'avais été le
désagréable témoin de sa maladresse (...).
J'ai ramassé les morceaux avec une délicate lenteur pour
embêter Madame, car je dois dire que j'aime bien l'embêter.
Elle est charmante quand elle se fâche." Pas si
fou ! Il continue : "Un
de mes vux les plus ardents est de recevoir d'elle le plus tôt
possible une gifle, mais j'ai malheureusement des doutes sur sa capacité
à m'en donner une." Il propose ensuite à
sa patronne de lire la lettre !
Renée
Il rêve d'appartenir à quelqu'un, mais dans un état
de grâce, dans la non liberté.
Claire
J'avais vu le film Institut
Benjamenta tiré du roman de Walser où le héros
entre (comme l'a fait Walser) dans une école de domestiques : un
film en noir et blanc hallucinant - je recommande (bande
annonce ici).
Danièle
Je pense à Vestiges
du jour.
Catherine
C'intéressant de savoir qu'il est devenu fou, je vais le lire d'un
autre il, cela peut expliquer des choses, ce récit très
décousu...
Séverine
C'est ton côté Sainte-Anne...
Geneviève
J'avais beaucoup entendu parler de ce livre. J'avais vu une adaptation
de ce texte au théâtre : très chiante. À vous
entendre, je finis par avoir envie de le lire.
Renée
Je l'avais proposé il y a plus de 10 ans à mon groupe de
lecture, qui a aussi été très partagé, beaucoup
l'avait trouvé verbeux, poussiéreux... Mais je trouve que
c'est un livre qui est difficile à lire.
Annick puis Monique
Non, je trouve ça facile à lire.
Annick
C'est plutôt l'ennui le problème.
Renée, puis Manuel et Danièle
C'est un texte dense.
Danièle
Jamais je n'ai pris autant de notes sur un livre du groupe lecture.
Manuel
La prochaine fois, on lit un autre zinzin...
Laura, une fois le livre fini
J'ai adoré le livre, du début à la fin, malgré
quelques longueurs. Mais il faut dire que j'ai eu peu de temps pour m'y
plonger entièrement. J'ai d'abord été très
étonnée, au début, de tomber sur un livre, un personnage,
si bavard. Mais ça ne me dérangeait pas pour autant. Je
ne sais pas pourquoi, ça m'a fait penser à Musil, mais comme
je l'avais dit en Zoom, c'est que je retrouve les mêmes sentiments
que devant
l'Élève Törless ; toutefois l'histoire est
bien différente. J'ai néanmoins l'impression que mon lien
avec Musil est approximatif, mais je sais que Les enfants Tanner
me rappellent un bouquin, un style, mais lequel
Je ne sais pas,
mais un livre de pensées semblable à celui-ci.
Au début, j'étais à la fois choquée et étonnée
du personnage de Simon, qui me paraissait antipathique, à changer
constamment de travail sans raison, tellement d'orgueil
Mais finalement
je me suis retrouvée dans sa manière de vivre, de dramatiser
sa vie pour lui donner du sens (même si son comportement s'atténue
au cours du livre). J'ai alors pris un plaisir complet à lire presque
chaque phrase avec attention, à rechercher l'intérêt
de chaque tirade. Et l'écriture, même si elle provient d'un
premier jet, est juste magnifique, et le fond, parfois si juste (j'ai
plié pas mal de pages) : "Je
ne pourrais pas supporter l'amour après avoir supporté l'absence
d'amour. On ne doit pas aimer celui qui veut aimer, on le dérangerait
dans sa prière." (p. 89)
; "On se prenait à
avoir des souvenirs qu'on n'avait pas envie d'examiner, on en était
du reste incapable, ils faisaient doucement souffrir maison était
trop paresseux pour souffrir vraiment." (p. 165).
Je crois qu'en réalité c'est cette forme de présent
de vérité générale qui a attiré mon
attention, et comme j'ai les mêmes sentiments, je me sens moins
seule, c'est très rassurant. Je crois me souvenir avoir parlé
des descriptions de paysages qui me rappelaient les tableaux de Kaspar,
du moins l'idée que je m'en faisais ; mais c'est au fond un
détail, même si elle forme aussi la poésie que j'ai
trouvé dans le livre. Par contre, après la réunion
Zoom, ma lecture à été totalement modifiée
Je ne voyais plus que l'aspect masochiste de Simon, partout, absolument
partout
Je ne savais plus comment réagir, ça ne me
dérangeait pas, et j'ai eu la sensation d'avoir une lecture plus
éclairée. Mais alors chaque passage prenait un tout autre
sens : le mépris de la sur, les chaussures, le fait
d'être valet, d'effleurer la robe de la "maîtresse"
et tant d'autres choses. C'en est devenu encore plus intéressant.
Vers la fin, je me surprise à faire un lien avec la théorie
de Deleuze sur le désir, qu'il développe en partie dans
son Abécédaire
: "Il y a pour nous
autres femmes, quand nous cherchons les plaisirs, un sorte d'hommes qui
nous captivent, mais il faut que ce soit au cours d'un bal. Si je l'avais
rencontré ailleurs, je lui aurais peut-être ri au nez."
(p. 299). On ne désire quelque chose
que dans un agencement, et non la chose pour elle-même. L'homme
seul était au fond sans intérêt, mais ce qui plaït,
ce qui est demandé, c'est le tout, le bal, la musique, les robes,
l'homme fort et terrible qui ici charme. Le désir est déjà
réfléchi, consciemment ou non. Alors, je me suis dit que
c'était sûrement valable pour tout le bouquin : le désir
d'être valet pour ce genre de femme riche et autoritaire, le désir
et plaisir de la pauvreté dans un environnement spécifique,
avec les chaussures spécifiques, le voyage d'une nuit dans la campagne
que Simon n'aurait pas fait à la ville, etc. Et je suis certaine
que l'ouvrage regorge de mille autres choses déjà théorisées
ou à théoriser encore
Bref, je suis fan.
Grand ouvert.
Synthèse
des AVIS DU GROUPE BRETON
réuni par zoom le 26 novembre 2020
rédigée par Yolaine (suivie des avis détaillés)
À part Marie-Odile, à qui nous devons
cette découverte (merci à toi qui as dessillé nos
yeux), nous avons tous été d'abord déroutés,
dérangés, ennuyés et peu intéressés
par cette histoire qui ne raconte rien, et ses dialogues (souvent même
monologues) philosophiques ou existentiels qui traînent souvent
en longueur. Le héros, Simon, est un adolescent attardé
d'une vingtaine d'années, immature, arrogant et insupportable,
à qui Françoise Dolto aurait diagnostiqué un complexe
du homard, que certaines auraient voulu psychanalyser ou tout au moins
soigner, peut-être à la manière des personnages féminins
de ce récit qui n'ont pas cependant obtenu de résultat probant.
Si l'on excepte Claire qui le trouve attachant, et Marie-Odile qui éprouve
de la tendresse, nous n'avons pas vraiment ressenti d'empathie pour les
problèmes psychologiques inextricables de Simon et son profond
mal-être. Les autres personnages "en fond d'écran"
ont paru manquer de chair et de réalité.
Et pourtant, au cours de notre discussion, nous n'avons pu nous empêcher
d'énumérer les qualités de l'écrivain Walser :
le côté ciselé de l'écriture encore très
romantique en ce début du 20e siècle ; le charme des
descriptions des montagnes suisses ; l'amour de la nature et le goût
pour la contemplation qui s'exprime de façon très poétique
au fil des longues marches où Simon éprouve l'impérieux
besoin de se ressourcer ; l'humour féroce qui accompagne les
diverses expériences du héros dans le monde du travail ;
l'atmosphère onirique, théâtrale et surréaliste
de ce parcours original ; la dimension philosophique et quasi mystique
de cette quête de sens, de pureté et d'authenticité
qui est le propre de la jeunesse, mais à laquelle l'auteur lui-même
a consacré sa vie sans concession au point de sombrer dans la dépression
et la folie. Tout comme Simon, nous avons insensiblement évolué
au fil de cette lecture étrange, qui au début ne nous paraissait
pas indispensable. Cette phrase prononcée à la fin du roman
par une femme attentive résume bien ce paradoxe : "Vous
devez avoir en vous quelque chose de profond que personne ne remarque,
parce que vous ne vous donnez nullement la peine de le faire paraître".
Cette profondeur douloureuse cachée sous la quotidienneté
du propos explique la place importante qu'il a prise dans la littérature
de son époque, et aussi l'écho qu'il trouve encore dans
notre vécu contemporain.
Marie-Odile(avis
transmis lu pendant la séance)
Par deux fois, j'ai erré dans le texte
de Robert Walser, comme Simon dans sa vie. Me suis arrêtée
sur des pages superbes, monologues, lettres, qui estompent la trame narrative
et qu'on dirait écrites pour le théâtre.
Malgré les longueurs, j'ai aimé les réflexions sincères
des uns et des autres sur l'art, l'amour, l'amitié, la fratrie,
l'enfance, l'hérédité, le malheur, la religion...
pages parfois poétiques, oniriques.
Certes, Simon est agaçant, insolent, instable, immature, naïf,
mais j'ai eu de la tendresse pour ce jeune homme épris de liberté,
refusant toute concession. "À
la veille de devenir un homme",
il s'interroge sur ce qui vaut ou pas la peine d'être vécu
et sait, sinon ce qu'il veut, du moins ce qu'il ne veut pas.
Étranges femmes, si loin de nous, qui, comme Klara, ou la directrice
du foyer populaire, dans leur rapport aux hommes assument soumission et
obéissance "Mon
amour aimait obéir" ! Surprenante Hedwig aux propos
parfois inattendus, souvent délicats, défendant Sebastian,
saluant le départ de Simon "À
présent,
je devrai faire silence toute seule et ce sera moins silencieux".
Joli.
Le narrateur, adoptant le point de vue romantique de Simon, ancre ces
propos dans une réalité concrète qui affleure régulièrement
: la ville, la chambre, le lac, le ciel, la lumière, la nuit, les
robes, les arbres, la neige, et toujours, toujours, les saisons qui rythment
le récit...
Mais la question de la pauvreté, présente
dès la première page, revient de façon récurrente
et prend de l'ampleur à la fin du récit, dans la misère
et le désuvrement du "Pôle emploi" de l'époque.
J'ai été troublée par la mort de Sebastian, préfigurant
celle de l'auteur dans la solitude enneigée. Quant à Emil
Tanner, ne possède-t-il pas comme l'auteur "ce
petit grain de poussière qu'on aurait dans l'âme"
et qui engendre le malheur ? R. W. a-t-il pressenti sa part d'avenir contenue
en filigrane dans le texte ?
Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé ce texte attachant, à la
fois daté et actuel, bavard et secret comme les Microgrammes
de Walser (voir à
propos des Microgrammes).
Je l'ouvre aux ¾.
Marithé(avis
transmis à tous avant la rencontre)
Si je n'ouvre ce livre qu'au ¼, je suis tout de même impressionnée
par ce texte qui m'a paru interminable, assommant, indigeste, etc. Et
par cette prouesse : "Il
a été écrit en trois ou quatre semaines."
Mais pourquoi, pour qui toutes ces pages ? La place de Robert Walser
aurait été sur le divan d'un psychanalyste.
Je suis restée en dehors de tout, personnages erratiques, ne m'inspirant
aucune sympathie. Côté atmosphère c'est pour moi froid,
glacial, et même morbide, monde peuplé d'êtres étranges,
bizarres. Je me suis demandé si ces enfants Tanner ne formaient
pas une seule et même personne, mais j'apprends en dernière
page de la postface que ces portraits "sont
assez conformes à ce que l'ont sait de la famille Walser."
Toutes ces "confessions " ne m'ont pas intéressée,
et que c'est long... personnages à la limite du délire,
au moins le train quand il déraille il s'arrête, eux non.
J'ai bien compris que Simon par exemple, cherche son chemin, au propre
et au figuré, au rythme des saisons, dans la lumière ou
dans l'obscurité, dans le silence des montagnes et des forêts
ou dans l'effervescence des villes (parcours des parents). Je me suis
souvent perdue en chemin...
Dans un monde d'égarés, de marginaux, les rencontres de
Simon avec les femmes m'ont intriguée, Klara (plutôt dingue
sauf vers la fin), Hedwig, la logeuse italienne, Madame Weiss, elles sont
les personnages qui écoutent ; femmes et mères. Simon s'attarde
admiratif sur les pieds, les chaussures, de deux d'entre elles, comme
s'il allait mettre son pas dans leur pas.
J'ai été surprise par l'évocation de la reconnaissance,
de la gratitude : "offensante
pour celui qui donne" (compliments de mendiant). À
propos de Simon: "Il
n'y a qu'une personne au monde qui m'estime, à savoir moi-même."
Un peu exagéré, mais pas mal...
Enfin, toutes ces considérations sur le malheur, la santé,
le corps, la religion, la poésie, et même l'art, intéressant,
mais je sature. De ce méli-mélo, je retire juste deux mots :
souffrance et création. Je préfère ici ne penser
qu'à Sebastian, l'effacé, le poète sensible, moqué
par Kaspar...
Ne pas avoir aimé un livre n'empêche pas d'en parler. Je
retiens une succession d'oppositions : campagne et ville ; dehors
associé à la nature, à la liberté, et dedans
associé au travail, aux contraintes ; pauvreté et richesse,
etc. Parfois ces oppositions n'en sont plus, des passerelles se sont formées.
Alors qu'à Simon une voix semble dire : "Fais
ce que tu aimes", à Klaus ou à Hedwig une
autre voix semble dire :"Aime
ce que tu fais." Le monde des sans-emploi transformés
en copistes a retenu mon attention, on se croirait presque à aujourd'hui.
Voilà, fin de parcours et adieu à Robert Walser que je n'ai
pas aimé. Venir "à
bout d'un livre comme Simon Tanner d'une montagne" (postface,
p. 347-348), c'est un peu ce que j'ai voulu tenter (hum...). De
rencontres en rêves, par monts et par vaux.
Suzanne
J'ai été décontenancée et déroutée.
Le narrateur est conscient de ce qu'il suscite, mais indifférent
à ce qu'il suscite. Il endosse le rôle du fou. Il comprend
que sa sur le trouve minable. Ce qui m'a plu, c'est le rapport à
la vérité, une sorte de transparence. J'aime cette façon
de parler de son empathie, il dit : je ne tiens pas à ma vie mais
à celle des autres.
On est à la fin du XIXe siècle, il a 20 ans. Le style parfois
compassé est contrebalancée par de belles descriptions.
Il aborde le distinguo ville/campagne. Il a opté pour la campagne,
ce qui va avec son côté contemplatif. Il y a de belles descriptions
de la neige. C'est assez beau aussi la description de Sebastian, cela
m'a fait penser au Dormeur
du Val.
Si les femmes ont des positions d'obéissance, elles ont aussi des
choses à dire. Klara m'a barbée quand elle parle de Dieu.
Il n'est pas seulement de dévalorisation, il a l'idée de
prendre forme un jour ou l'autre. Et il y a un côté non politiquement
correct que j'aime bien. Un côté dérangeant, mais
qui ne m'a pas dérangée.
Cependant, je me serais cependant passée de lire ce livre.
Cindy
Je ne suis pas entrée dans ce livre. Avec le titre, j'attendais
des histoires d'enfants qui ne sont pas venues et, avec l'image de couverture
de Hopper, je m'apprêtais à passer un moment agréable.
Je n'arrivais pas à voir où il nous amène et à
quoi ça sert. Les personnages ne m'ont pas paru réels. Les
descriptions de la nature sont elles remarquables ; le chapitre 8 avec
la neige est très poétique, onirique ; il y a de jolies
pages.
Le héros ne m'a rien fait, je ne me suis pas attachée. Il
y a un manque de chaleur. Je ne savais pas que l'auteur avait terminé
de façon tragique. Finalement quelque chose qui me touche, c'est
ce mal-être. Mais je ne ressens pas de compassion.
Il s'agit des frères Tanner, mais finalement on n'a que des monologues.
Le livre pose question sur le son état psychologique. J'aimerais
bien lire le livre de Carl Seelig : Promenades
avec Robert Walser.
C'est un livre à garder sur une table de nuit pour en lire un passage
par-ci par-là un peu comme Les
Plaisirs et les jours de Proust ; autant lire de façon
coq-à-l'âne ce livre, comme il est écrit. Par exemple
la description d'une soirée magnifique page 75. C'est ainsi
que je l'aborderai.
Chantal
Je n'ai pas aimé, de prime abord, ne pas "avancer", tourner
en rond, avec des répétitions de situations, des descriptions
longues. Au bout du 5e chapitre, je me suis demandé ce que j'allais
tirer de cette lecture. Si ce n'est cette belle écriture fin 19e
siècle que j'apprécie toujours.
Et puis, en continuant - Voix au chapitre oblige - je
ne me suis pas du tout barbée, j'ai continué de suivre ce
gamin Simon Tanner, avec un regard tantôt amusé, tantôt
agacé.
J'ai beaucoup aimé les descriptions féroces du travail et
des travailleurs - comme les comptables "qui
se cramponnaient à leurs postes et posticules comme à des
poutres et piquets" - et la question du sens du travail,
question qui résonne si fort plus de 100 ans après.
J'ai aimé son obsession sur le temps présent, sel de la
vie ("je ne veux pas
d'avenir, je veux du présent"), des passages où
il ne fait RIEN et se sent si heureux, en assumant sans vergogne d'être
un parasite chez sa sur qui l'héberge et le nourrit.
Les passages où il marche dans la montagne, il marche beaucoup,
sont sans doute répétitifs, mais quel talent d'écriture !
Tout y est, les couleurs, les odeurs, les bruits : "il
suffisait dêtre là, de marcher, flâner, rôder,
courir, perdre son temps, on était soi-même devenu un morceau
de printemps."
Je l'ouvre à ½, mais à chaque passage relu, j'ajoute
des points !
Merci donc à Voix au chapitre de m'avoir permis de faire
la connaissance de Simon Tanner, beau, gentil, charmeur..., qui hélas
ne pourra jamais "entrer" dans la vraie vie... comme l'auteur
? Sans doute.
Il faut sans doute faire comme dit Cindy, lire des petits passages, et
les "sentir", les "goûter"...
Jean
Tout d'abord, les pages se succèdent sans paragraphe et ça,
ça me bloque, cela crée une difficulté pour s'y accrocher,
dans la masse.
Pour ce qui est du sujet, il y a des idées philosophiques, mais
qui me heurtent.
Je me suis plongé dans les états d'âme de Monsieur
Simon qui cherche un but à son existence. Mais c'est un puzzle,
il n'y a pas d'évolution, pas de passage d'un point A à
un point B.
Le sujet n'est pas trépidant. Il éprouve de la fraternité,
mais pas de pitié. Il est fataliste, avec le destin d'une esclave.
Page 21, il exprime son monde intérieur, mais y reste.
Avec la nature, c'est plus proche de moi. Mais il est imbu de lui-même,
suffisant.
Il y a beaucoup d'images, mais ça ne fait pas un film, c'est un
puzzle.
Je suis quelqu'un qui attend de l'art, de la musique, que soit mis en
en difficulté mon système de perception pour qu'il s'enrichisse.
Avec les angoisses d'un adolescent, je n'ai pas trouvé de quoi
le nourrir.
Yolaine
J'ai d'abord été négative. Marie-Odile exagère
de nous imposer une niaiserie pareille, me suis-je dit. Et avec un sentimentalisme
à l'allemande. Je n'ai pas réussi à lire les dernières
pages d'ailleurs.
Mais on évolue avec l'écriture qui est belle, poétique.
J'ai eu un déclic en écoutant un podcast sur le Journal
de Kafka avec une description de femme, on aurait dit que c'était
Walser ; Kafka d'ailleurs admire Walser, et ils ont cette culture
commune allemande. La langue allemande peut-être me gêne ;
la sensibilité m'est étrangère. Il y a une étrangeté
dans les descriptions, dans l'attitude dans la vie, mais qui fascine.
C'est difficile de faire ici la distinction entre l'auteur et le narrateur
et il y a un vertige de l'autobiographie, puisque il avait des frères
semblables à ceux du livre ; et quant à Sebastian,
il préfigure sa propre fin.
J'ai un peu changé d'avis au cours de ma lecture : c'est une
quête littéraire avec beaucoup de rigueur, d'honnêteté,
une espèce d'ascèse : c'est un moine qui veut écrire
de façon authentique qui force l'admiration ; il y a une recherche
de pureté qu'il trouve dans la nature, avec une dimension mystique.
Il n'est pas attachant, il est dépressif. La littérature
ne l'aide pas à vivre, à transcender la souffrance qui ne
se calme pas.
Au fil des pages, à partir d'un départ négatif, mon
avis a donc évolué. Donc je ferme le livre pour l'ouvrir
presque jusqu'aux trois quarts.
Édith
Si j'ouvre à demi c'est avant tout pour le "plaisir",
même s'il fut par épisode un peu forcé. Plaisir d'avoir
découvert un écrivain du début de siècle dernier,
d'en avoir "subi" le style daté, celui-ci me renvoyant
à l'écriture de Hamsun pour le livre La
Faim, ainsi qu'au livre - très contesté dans notre
groupe breton - de Huysmans
,
dernièrement lu. Ou encore Gombrowicz
et même Kafka - son journal lu dans les années 1980
On rentre dans le roman avec la description de la démarche d'un
jeune homme auprès d'un libraire pour un emploi
, remarquant
ainsi la façon dont Walser introduit son "héros principal"
p. 12 : "Les lunettes
firent un signe d'acquiescement. Et voilà Simon devenu garçon
libraire. Car il s'appelait Simon.", un peu à la
manière des contes.
J'apprécie, en général, les livres sans dialogues,
ainsi que des livres dont les sentiments sont fouillés et l'action
avant tout celle de l'écriture. Pour ce livre, je suis bien servie !
Aucun dialogue, mais des monologues (drôles parfois), pas ou si
peu d'action, et des personnages "fond d'écran", pour
mieux mettre en valeur les pensées, le discours, les idées...
de Simon et de ses frères et sur, mais par sa bouche
: utilisation du courrier échangé avec Klaus ou Kaspar avant
tout porteur des idées et convictions de Simon, long monologue
de Klara à propos de la forêt et de Dieu p. 99-100, avant
tout une coquetterie de Klara renforçant son sentiment de bien-être
et son égoïsme, Dieu, évoqué par le prisme exclusif
de la forêt.
Ainsi pour lire Walser, il m'a fallu m'accrocher pour rentrer dans les
atermoiements de Simon dont ses recherches de travail (libraire, commis
d'avocat, infirmier, banque) et ses espoirs d'amour, non sans m'être
amusée de ses remarques visant ses employeurs, à chaque
refus de poursuivre dans son emploi, sa totale mauvaise foi et son amour-propre
intact. J'ai été amusée par sa capacité à
garder sa bonne image et ses justifications avancées pour sa cause.
Peu mature certainement : en recherche ?
Simon, bien au contraire et tout au long du texte, reste décidé
à éprouver le plaisir du temps et des saisons qui passent.
Les paysages (la Suisse, les montagnes) sont décrits minutieusement
et, tel les Romantiques, Simon se dilue dans leur évocation (Klara
idem), Sebastian y meurt !
Ainsi donc j'ai "absorbé" les 349 pages, crayon à
la main, donnant, comme pour me soutenir en intérêt, des
traits de crayons sur les paragraphes, les lignes, les mots, sur certaines
réparties assez drôles (l'auteur WALSER se reconnaît
dans SIMON ?)
Si je me dépars de l'ennui qui me prenait à certain moment
de lecture, en y repensant, je pourrais dire que le livre est "moqueur",
comme si l'auteur, par son personnage de Simon, portait en permanence
un regard désabusé sur toutes les situations, pas cynique,
mais au-dessus des ressentis. Il suffirait de reprendre à haute
voix de nombreux passages, avec le ton léger et décalé
des situations évoquées, pour y ressentir cela
: visite
de la maison et ses considérations sur les pauvres et les riches,
Klara la logeuse, les divers moments de vie relatés avec sa sur
Hedwig et son frère Kaspar, son désintérêt
pour l'aîné Klaus.
Pour mémoire,
les trois frères et la sur de SIMON :
- KASPAR le peintre, KLAUS celui qui a mieux réussi à s'insérer
- et "l'aliéné " qui n'a pas, dans le texte, de
prénom et dont il est seulement question p. 328-329 "il
n'existe plus que par le souvenir que l'on garde du temps de sa jeunesse.
Il est dans l'asile d'aliéné (
). Ce malheureux frère
représentait, je peux le dire, l'idéal de ce qu'on appelle
un beau jeune homme et il possédait des talents qui eussent mieux
convenu au raffinement et la galanterie du XVIII siècle qu'à
la rude sécheresse qui caractérise notre époque."
- La sur HEDWIG douce mais "fière" et qui entretient
avec chacun, Kaspar et Klaus, une relation différente. Admirable
dans sa vocation d'institutrice, modèle "stable" pour
Simon.
Ne sont-ils pas présents dans le récit que pour exposer
et monologuer futilement au sujet du non-sens de la vie, quels que soient
les choix, et cela à travers le personnage de Simon qui, pourrait-on
dire, les met en scène ?
J'ai apprécié le long monologue de Simon tout à la
fin p. 327 s'adressant à la "dame", passant en revue
frères, sur, père, mère ("c'est
une chance d'être sorti de l'enfance
") pour
ensuite se conforter dans ses choix et ses réussites. Regard bienveillant
sur lui et regret de ne pas avoir fait mieux. La Dame confidente jouera-t-elle
un rôle pour un autre avenir ?
Quant au personnage silhouette de Sebastian, il est très énigmatique
: artiste poète à protéger, il meurt.
Les femmes du roman sont traditionnellement féminines et sont la
consolation du genre masculin. Coquettes un peu, responsables souvent
et loin du cur de Simon ! Quant aux amours de Simon, il n'en n'est
pas vraiment question (Rosa peut-être, mais si absente !).
À la fin de la lecture, je dois me redire que Simon n'a que 20
ans
un vieillard !
Je ne peux pas
dissocier le texte écrit de la connaissance que j'ai de la fin
de vie de Walser dans un asile d'aliéné
et je ne peux
non plus m'abstraire, quand j'écris mon avis, de la postface où
il est question de l'homme Walser, de son rapport à son travail
d'écriture et de son désintérêt à celui-ci,
même lorsque son éditeur lui propose les coupes dans le texte...
S'abstraire de ces éléments en lisant Les enfants Tanner
me fut impossible. Pas de désir pour découvrir d'autre uvre
à la suite de ce livre. Et son théâtre ?
J'attends les avis parisiens
C'est un livre plombant
pour l'écriture, "daté", mais intéressant
pour la découverte. Il est pour moi dans la tradition d'écriture
des auteurs que j'ai lus de ce début de siècle dernier.
Je préfère découvrir des auteurs plus contemporains
à Voix au chapitre pour le "risque" de "déplaire"
! Et c'est bien ainsi.
Christian (avis
transmis après la rencontre)
S'il s'agissait d'envoyer sur les divans les écrivains,
il y a fort à parier qu'ils seraient nombreux à se partager
l'aventure ! (Ceci pour Marithé).
Le livre de Robert Walser m'est tombé très rapidement des
mains. Je n'ai pas compris où RW nous entraînait : personnages
flous, elliptiques, situations obscures, inconsistance du récit,
construction nébuleuse, voire incohérente, finalement lassante...
Les déambulations de Simon ne m'ont pas vraiment intéressé.
Bref, aucun plaisir. Peut-être faut-il cependant retenir l'exercice
littéraire, une prouesse il est vrai pour un si jeune écrivain.
Mais à quoi bon ?
Aussi je souscris complètement à l'analyse détaillée
qu'a faite Marithé des Enfants Tanner qui semble avoir eu
une persévérance qui, pour ma part, m'a abandonnée.
J'ouvre ce livre ¼ pour la poésie qui inspire certaines
pages où une certaine rêverie se dégage.
Celle-ci m'ayant fait penser curieusement (?) à certains écrits
des romantiques allemands (Novalis et autres météores fulgurants).
Ces derniers, cependant, volant à une autre hauteur.
REPÈRES CHRONOLOGIQUES
Né
en 1878 en Suisse et mort à l'âge de 78 ans une nuit de Noël
dans la neige, Robert Walser
a mené une vie souvent solitaire, logeant dans des mansardes d'hôtel
ou des chambres de bonnes, ne possédant, rien, marchant, écrivant,
s'efforçant de se faire publier.
Trois grandes périodes dans son uvre correspondent à
des changements de domicile et, en partie, de changement de manière
littéraire ; une dernière partie est bien particulière
:
- 1905-1913 à Berlin : Walser se lance, jeune écrivain,
à Berlin, y publie trois romans ; mais ces premiers succès
effectifs ne se confirmeront pas
- 1913-1918 à Bienne : période de repli géographique
dans sa ville natale et littéraire
- 1913-1929 à Berne : période la plus productive, la plus
audacieuse : un roman et de nombreuses pièces en prose, et
comme à ses débuts, des poèmes et de petits drames
et dialogues
- 1929-1956 : dernière partie de sa vie à l'asile, il cesse
d'écrire en 1933.
Pour une chronologie très détaillée
voir ICI. Pour un article passionnant retraçant sa vie :
"Le Shakespeare de la petite
prose" Richard Blin, Le
Matricule des Anges, 2012.
UVRES
PUBLIÉES (avec la date de publication en
allemand)
Trois romans publiés de son vivant et de nombreux textes publiés
dans des périodiques.
- 1904 : Les
Rédactions de Fritz Kocher, trad. Jean Launay, Gallimard,
1999, suivi de Histoires (1914) et de Petits essais (1913)
- 1907 (ROMAN) : Les
Enfants Tanner, trad. Jean Launay, Gallimard, 1985
- 1908 (ROMAN) : Le
Commis, trad. Bernard Lortholary, Gallimard, 1985 après
une première traduction publiée en 1974 par l'Âge
d'homme sous le titre
L'homme à tout faire
- 1909 (ROMAN) : L'Institut
Benjamenta, trad. et préface Marthe Robert, Grasset, 1960
puis Gallimard 1981, adapté au cinéma par les frères
Quay, Institut
Benjamenta, en 1995 (voir dossier de presse et bande annonce ICI)
- 1909 : Au
bureau : poèmes de 1909, trad. Marion Graf, Zoé
- 1914 : Petits
textes poétiques, trad. Nicole Taubes, Gallimard
- 1916 : Morceaux
de prose, trad. Marion Graf, Zoé
- 1917 : La
Promenade, trad. Bernard Lortholary, Gallimard, 1987 + édition
bilingue
- 1917 :
Petite Prose,
trad. Marion Graf, Zoé
- 1918 :
Vie de poète, trad. Marion Graf, Zoé ; éd.
Points, préface Philippe Delerm
- 1920 : Seeland,
trad. Marion Graf, Zoé
- 1925 : La
Rose,
trad. Bernard Lortholary
- 1902-1932 : Sur
quelques-uns et sur lui-même, trad. Jean-Claude Schneider,
recueil de textes extraits de diverses revues et publications, Gallimard.
PUBLICATIONS
POSTHUMES (dont un roman)
Traduction Marion Graf, éd. Zoé
- Nouvelles
du jour
- Cigogne
et porc-épic, scènes dialoguées I
- Porcelaine,
scènes dialoguées II
- Histoires
d'images, Zoé
- Poèmes,
édition bilingue
- Le
Territoire du crayon, microgrammes (20 pages en
ligne ici)
- Lettres
de 1897 à 1949
- L'Enfant
du bonheur
Autres traducteurs
- Le
Brigand, trad. Bernard Lortholary, Gallimard (ROMAN)
- Félix
et L'étang,
trad. Gilbert Musy, théâtre, Zoé
- Rêveries et
autres petites proses, trad. Catherine Sauvat, L'Aire bleue
- Rêveries et autres petites proses, suivi de Robert Walser
par Walter Benjamin, trad. Julien Hervier, éd. Le Passeur/Cecofop
- Marie, trad.
Jean Launay, éd. du Rocher (bilingue)
- Retour
dans la neige trad. Golnaz Houchidar, Zoé ; éd.
Points
- Cendrillon,
trad. Anne Longuet Marx, Zoé ; Cendrillon,
trad. Roger Lewinter, éd. Gérard Lebovici
- Blanche-Neige,
trad. Claude Mouchard et Hans Hartje, éd. Corti (bilingue)
- Ce
que je peux dire de mieux sur la musique, trad. Golnaz Houchidar,
Jean Launay, Bernard Lortholary, Jean-Claude Schneider, Nicole Taubes
et Marion Graf, Zoé.
TRADUCTEURS | |
L'incipit |
|
Eines
Morgens trat ein junger, knabenhafter Mann bei einem Buchandler
ein und bat, daB man ihn dem Prinzipal vorstellen möge. Man tat, was er wünschte. |
Un beau matin, un jeune homme ayant l'air d'un adolescent entra chez un libraire et demanda qu'on voulût bien le présenter au patron. Ce qu'on fit. |
(Voir la 1ère
page de Les enfants Tanner en
allemand/en français).
et ici le livre intégral en allemand) |
De grands traducteurs en français
à mentionner :
- Jean LAUNAY, qui
a traduit Les
Enfants Tanner, ainsi que
Les Rédactions de Fritz Kocher suivi de Histoires et
de Petits essais,
Marie, Le
Brigand ; a préfacé La
promenade.
- Bernard LORTHOLARY (avec qui Voix au chapitre avait eu des échanges
concernant Von
Chamisso), a traduit Le
Commis, La
Promenade, La
Rose.
- Marion GRAF, une des spécialistes actuelles de Walser, a traduit
de nombreux publications posthumes, chez l'éditeur suisse Zoé
: Au
bureau, Petits
textes poétiques, Morceaux
de prose,
Petite Prose,
Vie de poète, Seeland,
Nouvelles
du jour, Cigogne
et porc-épic, Porcelaine,
Histoires
d'images, Poèmes,
Le
Territoire du crayon, Robert
Walser : l'écriture miniature,
Lettres de 1897 à 1949,
L'Enfant du bonheur. Elle
obtient le prix
de la traduction 2020.
- Et n'oublions pas Marthe ROBERT, grande critique littéraire française,
connue pour sa lecture psychanalytique de la littérature et ses
traductions dauteurs germanophones (Kafka, Goethe, les frères
Grimm, Nietzsche, Freud) qui fut la première traductrice en France
de Robert Walser dès 1960 avec L'Institut
Benjamenta.
Traducteurs dans d'autres langues
-
Robert Walser, un écrivain pour écrivains, Isabelle
Rüf, Le Temps, 8 mai 2013 (les traductions
de Walser du Brésil à la Chine...)
- 17 traducteurs de Robert Walser sont réunis
: "Légère
considération de Robert Walser pour ses traducteurs",
Pierre Assouline, La République des lettres, 11 mai 2013.
Et 19 dans Le
Temps...
ILLUSTRATIONS Son frère Karl, qui mène une carrière artistique à Berlin (où il fut tour à tour peintre de retables et peintre muraliste, décorateur de théâtre et illustrateur de livres) illustre les premières éditions de son frère Robert Walser : |
||
Les Enfants Tanner (Geschwister Tanner, 1907) |
|
L'Institut Benjamenta (Jakob von Gunten: Ein Tagebuch, 1909) |
Petits textes poétiques (Kleine Dichtungen, 1915) |
Sur la première de couverture "Karl a laissé libre cours à sa fantaisie. L'ombrage d'un arbre lui tenant lieu de seul compagnon, un jeune homme se perd dans la contemplation du ciel. Sa mélancolie est à l'égale de celle de l'arbre sous lequel il a trouvé asile, esthétique et vibrante. En effet, l'utilisation de la technique au crayon donne un rendu dramatique et boule- | |
versant à cette scène quotidienne dans la mesure où elle absorbe dans la blanc de la page toutes les intentions heureuses de l'écrivain." (extrait de : Robert Walser et la peinture, Frédéric Pouzol, 9 octobre 2001 |
RADIO - VIDÉO
- Radio suisse RTS, émission Entre les lignes, 56 min :
Correspondance
de Robert Walser 1/2, 25 mars 2013, 56 min -
Correspondance 2/2, 5 février 2013 (à
travers sa correspondance, c'est toute la vie et l'uvre de Walser
qui sont passées en revue), avec Marion Graf, traductrice,
et Peter Utz, spécialiste de Robert Walser.
-
France Culture,
"Les
microgrammes de Robert Walser", émission Les jeudis
littéraires, par Pascale Casanova, 3 avril 2003, rediffusée
le 29 janvier 2015, 1h, avec Marion Graf et Peter Utz.
- Vidéo Robert
Walser : Portrait und Erinnerungen, 2013, en allemand, 40 min.
- Vidéo présentant les microgrammes de Robert Walser, exposés
à la Fondation Martin Bodmer
en 2006, sur youtube,
7 min (étonnant !)
- Malheureusement, inaccessible est le documentaire dans la série
"Un
siècle d'écrivains" consacré à Robert
Walser, réalisé par Pierre Beuchot en 1996 avec Catherine
Salvat, 48 min. Même impossibilité avec le film belge de
Stéfanie Bodien, Kleine
Dinge über Robert Walser, 2003, 45 min.
ARTICLES, ÉTUDES, LIVRES SUR ROBERT WALSER
Presse
- "Robert Walser et le monde de
l'étranger", Marcel Brion, Le Monde, 17 août
1960 (premier article dans Le Monde sur la
première traduction de Walser, par Marcel Brion, écrivain,
critique littéraire, académicien, parlant 7 langues, qui
dirigea pendant 20 ans la rubrique "Littérature étrangère"
du Monde).
- "Robert Walser ou la vocation
de l'échec", Patrick Kéchichian, Le Monde,
21 juin 1985 (article qui suit la parution des Enfants
Tanner)
-
Introduction de Marion Graf (traductrice de nombreux textes de Walser)
au numéro d'Europe consacré à Robert Walser,
mai 2003.
- "La
carrière lamentable de Robert Walser", par Mathieu Lindon,
Libération ; "L'inflexible
douceur de Robert Walser", Patrick Kéchichian, Le
Monde (articles du 9 octobre 2008 à
la sortie de Morceaux
de prose et Poèmes).
- "Mine
de rien : une lecture de Robert Walser", Christian Girard, revue
Les Libraires, 18 avril 2011 (à
la sortie de Vie
de poète et
Histoires
dimages).
- "La
noble modestie de Robert Walser", Patrick Kéchichian,
7 novembre 2012 ; "Pourquoi
Robert Walser sest-il effondré ?", Quinzaine
littéraire, 16 novembre 2012 ; "Robert
Walser, l'écrivain qui adressait ses lettres au monde entier",
Isabelle Rüf, Le Temps, 23 novembre 2012 (articles
à la sortie de
Lettres de 1897 à 1949).
- "Robert
Walser ou la détresse du lion", Laurent Margantin, La
Revue des Ressources, 12 mars 2012.
-
UN DOSSIER Robert Walser, Le Matricule des Anges, n° 138,
novembre 2012
"Le Shakespeare
de la petite prose" + Lettres de Walser, par Richard Blin (un
panorama passionnant de la vie et les textes de Walser).
Entretien avec Peter Utz
(LE spécialiste de Robert Walser),
propos recueillis par Emmanuel Laugier
Quelle résonance luvre
de Walser a-t-elle sur votre conception de la littérature ?
(Les réponses de 10 écrivains
: Bruno Krebs, Jean-Paul Chabrier, Michèle Lesbre, Michel Surya,
Pascal Commère, Matthias Zschokke, Anne Weber, Claude Mouchard,
Joël Jouanneau, Jean-Claude Schneider).
- "Robert Walser, flâneur
de presse", Philippe Claudel, Le Magazine littéraire,
n° 564, février 2016 (à la sortie
de L'Enfant
du bonheur et autres proses de Berlin
; Claudel conseille de lire aussi Seeland)
- "Au
concert avec Robert Walser", Mathieu Lindon, Libération,
10 mai 2019 ; "La
petite musique de Robert Walser", Patrick Kéchichian,
La Croix, 13 juin 2019 (à la sortie
de Ce
que je peux dire de mieux sur la musique et Histoires
dimages)
- "Robert Walser, une leçon
doubli", Peter Utz, trad. Marion Graf, Études
Germaniques, n° 296, 2019.
Études
Livres sur Robert
Walser
- Le Vagabond immobile : Robert Walser, Marie-Louise Audiberti,
Gallimard, 1996
- Robert
Walser : danser dans les marges, Peter Utz, trad. Colette Kowalski,
Zoé, 2001. Voir aussi l'article du même auteur : "Robert
Walser, le danseur du quotidien, ou : l'affinité du feuilletoniste
avec la danse", revue Littérature, n° 112,
1998
- Robert
Walser, Catherine Sauvat, éd. du Rocher, 2002
- Robert
Walser, l'écriture miniature, Peter Utz, Werner Morlang,
Bernhard Echte, trad. de Marion Graf, Zoé, 2004
- Robert
Walser : le rien et le provisoire, Nicole Pelletier, Michel Dentan,
Zoé, 2008
- Robert
Walser, le promeneur ironique : enseignements psychanalytiques de
l'écriture d'un roman du réel, Philippe Lacadée,
éd. Cécile Defaut, 2010
- Robert
Walser, lecteur de petits romans populaires français, Marion
Graf, Zoé, 2016.
Thèses
- Robert
Walser entre réalité et dissimulation : un jeu de masques,
Chantal Polo, Université de Lorraine, 2000
- Robert
Walser et la peinture, Frédéric Pouzol, 9 octobre
2001 (étude préparatoire à une thèse).
UN CENTRE
SPÉCIALISÉ
Le Centre Robert
Walser met en ligne de nombreuses ressources, en allemand et en anglais.
Il est également un centre
de recherche et de communication public consacré à Bern
à Robert Walser et à Carl Seelig. Il dispose des legs des
deux écrivains et se consacre à leur conservation, leur
mise en valeur, leur étude et leur diffusion, ainsi quà
lagrandissement des collections. Dans ce but, il gère des
archives, une bibliothèque et une exposition.
Dans ses locaux, le centre Robert Walser présente des expositions
temporaires réunissant des livres, des manuscrits et des documents
de Robert Walser ou concernant ce dernier et son uvre.
UN PRIX LITTÉRAIRE
ROBERT WALSER
Le prix Robert-Walser, doté de 20 000 francs suisses (18 400 euros
environ), est un prix littéraire délivré par sa ville
natale, Bienne, et par le canton de Berne. Créé en 1978,
le prix est décerné depuis 2004 alternativement à
une première uvre en langue allemande et française.
Voir
pour l'année 2020 ICI.
EXPOSITIONS
- Le Nouveau
Musée Bienne présente la "collection Karl et Robert
Walser" et renvoie au projet de recherche mené par le Centre
Robert Walser à Berne évoqué ci-dessus.
- "Robert Walser, Territoire du crayon"
: exposition du 2 septembre au 29 octobre 2006 à la Fondation
Martin Bodmer, sinscrit dans les commémorations du 50e
anniversaire de la mort de Robert Walser., consacrée à un
ensemble de manuscrits des années 1924 à 1933 qui comptent
parmi les plus beaux et les plus énigmatiques de lhistoire
de la littérature moderne : les microgrammes. Les bouts de papier
illisibles et fascinants flottaient en suspension dans les vitrines entre
pénombre et lumière, comme des flocons :
Film présentant l'exposition (7 min) et les manuscrits
Article
de Philippe Lançon en visite à la Fondation Bodmer "Robert
Walser, lignes de vie", Libération, 28 octobre
2006
- "Robert Walser Grosse kleine Welt Grand petit monde", du 13
octobre 2018 au 6 janvier 2019, Palais des Beaux-Arts, Paris (Communiqué
de presse - Des images
ici de l'exposition, comportant des microgrammes).
Ces expositions présentent des exemples de microgrammes qui constituent 4000 pages de textes illisibles...
Les microgrammes sont constitués de 526 feuillets, rédigés entre 1924 et 1933, les "années bernoises" de Robert Walser, sa dernière période d'écriture, la plus féconde. Sur des supports variés - cartes de visite, enveloppes, lettres, etc. -, la calligraphie minuscule, impeccablement alignée, forme des blocs de textes réguliers qui imitent les colonnes des journaux. C'est d'ailleurs surtout dans la presse que Walser publie à cette époque. Poèmes, courtes proses ou scènes dialoguées, il puise dans ses microgrammes ceux qu'il juge dignes d'être rendus publics, les recopie au net - et à une taille normale - à la plume, et les envoie aux journaux.
Walser s'est exprimé au sujet de ce qu'il nomme "la méthode du crayon" dans certains microgrammes et dans une lettre à Max Rychner, rédacteur de la revue Neue Schweizer Rundschau. Parlant de lui-même à la troisième personne, il lui explique qu'arriva un moment où "il se trouva pris d'une effroyable aversion pour la plume". Pour se "libérer de ce dégoût de la plume, il se mit à crayonner, à esquisser, à batifoler": écrire au crayon ressuscita le "plaisir d'écrire". Walser parle encore de "véritable faillite de la main" dont la méthode du crayon l'a libéré. "Une impuissance, une crampe, un étouffement sont toujours quelque chose de physique et de mental à la fois." Dans le microgramme "Esquisse au crayon", il remarque que le crayon lui permet de travailler "de manière plus rêveuse, plus calme, plus lente, plus contemplative, je croyais pouvoir, littéralement, guérir grâce à la méthode de travail que j'ai décrite". Jamais, en revanche, Robert Walser ne mentionne l'aspect miniature de son écriture.
Quand Carl Seelig - ami de Walser pendant ses années d'internement psychiatrique à Herisau, et son tuteur depuis 1944 -, découvre l'existence des microgrammes, il pense qu'il s'agit d'une "écriture secrète". Walser vient de mourir et Seelig ordonne de détruire les feuillets, suivant un prétendu désir du poète. Mais l'avocat qui gère la succession ne se conforme pas à ces dernières volontés. Jochen Greven, qui étudie Walser, apporte bientôt la preuve de leur lisibilité. Dans les années 1970, il édite les premiers microgrammes : un roman entier, Le Brigand, et les scènes de Félix.
Au moins les deux tiers de l'uvre de Walser trouveraient leur origine dans le "territoire du crayon". Dans les années 1970, la moitié des microgrammes est de fait déjà connue, qui a été publiée dans divers journaux, revues et recueils du vivant de Walser. Deux germanistes sont mandatés pour déchiffrer l'autre moitié : armés de loupes, Bernhard Echte et Walter Morlang passeront vingt ans à déchiffrer les inédits. Ils paraissent en allemand en six volumes, dont une partie a été traduite en français dans Le Territoire du crayon, microgrammes aux éditions Zoé. (Description par Anne Pitteloud, Le Courrier, 9 septembre 2006)
Les 20 premières pages du Territoire du crayon
sont
en ligne ici.
Voir aussi :
- Robert
Walser, l'écriture miniature, Peter Utz, Werner Morlang,
Bernhard Echte, trad. de Marion Graf, Zoé, 2004
-
France Culture,
"Les
microgrammes de Robert Walser", émission Les jeudis
littéraires, par Pascale Casanova, 3 avril 2003, avec Marion
Graf et Peter Utz, 1h
- "Sur
Robert Walser et son recours aux 'microgrammes' : Le brigand, forme
limite et paradoxale du sinthome de l'écrivain", Lucile
Charliac, Savoirs et clinique, n° 3, 2003
- Sculpture
Robert Walser, RTS,19 juin 2019, 2 min : émission de télévision
qui présente l'installation géante sur la place de la gare
de Bienne de l'artiste suisse Thomas Hirschorn, qui pendant 100 jours,
durant l'été 2019, a rendu hommage aux différentes
aspects de l'uvre et de la personnalité du grand écrivain
suisse Robert Walser. La sculpture Walser comprenait de nombreuses pièces,
et recoins, un restaurant, un amphithéâtre, des passerelles
et tunnels
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
||||
à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
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