Voici les quatrièmes de couverture du roman Le Mépris, trad. de l'italien Claude Poncet, éd. Flammarion, dans diférentes collections :


Le Mépris, GF, 2023

Riccardo Molteni, écrivain en mal d’inspiration, devient scénariste pour rembourser les traites de l’appartement qu’il a acheté à Rome avec sa femme Emilia. À la même époque, il rencontre Battista, un puissant producteur, qui l’invite dans sa villa de Capri où il doit écrire une adaptation cinématographique de l’Odyssée. Soudain, alors que la fortune commence à lui sourire, sa femme lui avoue qu’elle ne l’aime plus. Pire, qu’elle le méprise. Désemparé, Riccardo va chercher à en savoir plus. Emilia, obstinément, se tait…
Dans Le Mépris (1954), Moravia met en scène le malaise d’un couple à la dérive dans une société dont les valeurs bourgeoises sont en crise. Ce roman, que Jean-Luc Godard a magistralement transposé à l’écran en 1963, est hanté par le mythe du retour à un passé perdu. "Plus on est heureux, et moins on prête attention à son bonheur."


Le Mépris,
Librio, 2003


Capri ! Au pied des Capri ! Au pied des Faraglioni, l'île rayonne d'azur et de sérénité. Pourtant, le drame couve entre Emilia et Riccardo. Perdu dans les méandres d'un scénario sur l'Odyssée, Riccardo sent sa femme se détacher de lui. Emilia ne l'aime plus. Pire, elle le méprise. Drôle de coïncidence ! Riccardo voit soudain sa propre vie se superposer à son scénario. Si Ulysse tarde à revenir à Ithaque, c'est par crainte de revoir Pénélope, sachant qu'il doit la reconquérir. Reconquérir Emilia ! Voilà bien l'unique obsession de Riccardo ! Sait-il seulement ce qui agite Emilia ? Désenchantement ? Ennui ? Attirance secrète pour Battista, le fastueux producteur ? Dans "le ciel bleu du mépris", l'orage gronde...


Le Mépris,
Flammarion, 2002


"Durant les deux premières années de mon mariage, mes rapports avec ma femme furent, je puis aujourd’hui l’affirmer, parfaits [...]. L’objet de ce récit est de raconter comment, alors que je continuais à l’aimer et à ne pas la juger, Emilia au contraire découvrit ou crut découvrir certains de mes défauts et, en conséquence, cessa de m’aimer." Relire Le Mépris dans sa première édition, c’est redonner à ce texte qui a suscité tant d’interprétations une virginité. C’est laisser la parole aux mots.


Le Mépris,
Flammarion, 1955


L’histoire psychologique d’un couple divisé par un malentendu d’abord hésitant et fragile, puis finalement insoluble. La femme en arrive à mépriser l’époux sans qu'il sache pourquoi. Et ce mépris, peut-être sans fondement, entraîne des conséquences tragiques.
Le héros du nouveau roman d'Alberto Moravia est un écrivain de théâtre devenu scénariste, Richard Molteni. La brusque plongée de Richard et de sa femme dans cet univers insolite qu'est le cinéma, soumet à des heurts leur entente amoureuse jusqu’alors parfaite. Par un patient, méthodique et méticuleux travail d’analyse, Moravia nous décrit l’éclosion puis les manifestations du doute ou des sentiments soupçonneux, chez les deux partenaires conjugaux. Mais l’auteur n’est pas de ces écrivains qui font du roman pour le roman. Il enrichit toujours son récit de perspectives morales et philosophiques. Nombre d’épisodes l'entraînent à poser des problèmes, à les examiner en profondeur.
Le Mépris rejoint la plus rigoureuse tradition de ce grand écrivain mondialement réputé. Seul Moravia pouvait conduire un tel récit à sa plénitude, ajoutant au talent descriptif un talent d'introspection qui tait souvent songer à Marcel Proust. Intrigue romanesque rendue plus captivante encore par le fait que le héros cherche à comprendre le comportement de sa femme et n’y parvient qu’aux dernières pages. Ces qualités réunies font le grand livre.


Romans,
Flammarion,
coll. Mille et une pages, 1998


Ce volume comprend : Agostino – Les Indifférents – Le Mépris – L'Amour conjugal – L'homme qui regarde – La Femme léopard, Flammarion

Alberto Moravia(1797-1751)
Le Mépris (1954)

Nous avons lu ce livre pour le 8 décembre 2024.
Nous aurons pu visionner
Le Mépris, film franco-italien de Jean-Luc Godard (1963), avec Michel Piccoli et Brigitte Bardot.

Le Mépris (Il disprezzo) :
- publié en 1954
- traduit chez Flammarion, coll. "La Rose des vents" en 1955
- adapté au cinéma par Jean-Luc Godard en 1963
 


Nos 14 cotes d'amour
Brigitte Fanny Rozenn
Claire DanièleJérémy
ClarisseJacquelineMonique L SabineThomasAnnick L Catherine Françoise


Françoise(avis transmis)
Le Mépris aurait pu être sous-titré "Chronique d'une rupture interminable". Misogyne. Daté.
Je me suis demandé au cours de ma lecture si une traduction plus "actuelle" pourrait sauver ce récit ? Je n'ai pas la réponse.
Il reste la longueur, les atermoiements du narrateur, la pesanteur. Pour en finir l'auteur n'a rien trouvé de mieux que de faire mourir la fauteuse de trouble.
On aura compris que je n'ai pas accroché à cette histoire d'un homme torturé par son ego. Pas moyen de se projeter, ni même d'éprouver une once d'empathie.
Comme je suis allée jusqu'au bout, je l'ouvre ¼.
Sabine(avis transmis)
J'ai mis du temps à lire Le Mépris, peu accrochée par le style, voire un peu rebutée. Je le qualifierai de "clinique", "froid", et le passage où Molteni voit sa femme enlacée par Battista m'a tout de suite fait penser à La Jalousie de Robbe-Grillet, insupportable nouveau roman où chaque détail est scruté de façon obsessionnelle. La première moitié du livre m'a gonflée, lisant sans lire vraiment, puis, l'apparition du metteur en scène allemand et les discussions autour de l'adaptation de l'Odyssée ont donné un regain d'intérêt. Évidemment, cet effet de miroir "d'histoire dans l'histoire" n'est pas dénué d'intérêt, mais dès lors où Emilia dit "stop", j'avais envie de susurrer à l'oreille du mari : "Barre-toi et fous lui la paix !" (en fait, je lui crie un peu dessus...). Là-dessus (c'est volontaire), je pense à cette idiote de Brigitte Bardot dans le rôle et je pense que ce film doit être un navet. Je suis un peu tenue en haleine par une révélation éclatante : ben oui, son homme n'est pas "un homme", mais bon, rien de très neuf. La fin boucle le roman avec un accident annoncé dans les premières pages. Pour conclure, j'ouvre le livre à moitié. Je vais à présent lire l'introduction qui me fera comprendre que je suis passée à côté du roman.
(Plus tard) L'intro m'a gonflée.
Fanny
(avis transmis)
Autant ma tentative pour lire
L'Ennui s'était soldée par un abandon très rapide, la lecture produisant justement cet effet, autant j'ai été happée par Le mépris.
J'ai beaucoup aimé cette sorte de monologue intérieur donné de manière directe au lecteur. Il n'y a que le narrateur en scène et il nous dresse je trouve une sorte de portrait "en creux" des autres protagonistes, notamment de son épouse.
Je n'ai éprouvé aucune sympathie ni pour lui ni pour elle. Je l'ai trouvé assez lâche et inconséquent dans sa manière de ne jamais prendre lui-même les décisions et de toujours rechercher les causes du désamour de son épouse sur l'extérieur, échappant ainsi à toute remise en question. Je comprends le mépris qu'il suscite.
Quant à elle qui ne reste visiblement que par intérêt matériel et parce qu'elle ne peut pas rester seule (elle le reconnaît d'ailleurs lors de son départ), ce n'est pas plus digne.
Mais cela ne m'a nullement empêchée de savourer ma lecture, j'ai trouvé que ces portraits étaient tracés avec finesse et subtilité.
J'ai également beaucoup aimé le parallèle avec l'Odyssée, même si j'ai trouvé peu crédible que le narrateur se rende compte aussi tardivement du lien entre l'interprétation psychologique et l'histoire de son couple (p. 189 chapitre 18).
J'ai trouvé aussi qu'il y avait quelques beaux passages notamment lorsque sa femme le quitte et qu'il parle du silence de son absence (chapitre 22).
La fin m'a surprise, mais je l'ai trouvée cohérente avec l'ensemble du roman.
J'ouvre en grand.
Hâte de vous lire. Passez une belle soirée.

Rozenn
J’avais envie de lire un livre en l’ouvrant n’importe où : et c’est ce que je fis. Je suis tombée sur la scène où elle va dormir dans une autre pièce et je me suis dit : c’est génial ce livre !
Puis je l’ai repris au début et je me suis emmerdée tout du long. Quand on arrive à Capri, bon il y a la couleur des maisons, mais à part ça je me suis emmerdée, emmerdée, emmerdée.
Bon, je sauve trois pages. Allez, j’ouvre... un quart.

(Quelques jours plus tard) Si j'avais décidé d'ouvrir le livre au milieu, c'était pour renouveler l'expérience de lecture du troisième tome d'une trilogie (de Jacobsen) sans lire les deux premiers.
Après coup je modifie mon avis : j'ai été trop abrupte et j'ai réfléchi depuis à ma réaction.
A 19 ans, j'étais dactylo. Le mépris de Riccardo pour Emilia, je l'ai vécu : les clients qui arrivaient, ne disaient pas même bonjour et me tendaient leur manteau et leurs affaires comme si j'étais un porte-manteau. Ce souvenir m'est revenu hier quand une radiologue a procédé à une infiltration sans même dire bonjour - inutile puisque j'étais couchée sur la table, préparée par ses assistants pour l'infiltration ! Il lui suffisait de regarder l'écran… Je l'ai obligée à me parler. Oui, je raconte ma vie, ce n'est pas l'usage du groupe lecture, mais je revendique de lire (les romans) à partir de ce que je suis, à travers le prisme de mon vécu. Au détriment de l'écriture ? Non ! C'est l'écriture qui porte l'émotion ! Dans les salles d'attente, j'ai lu un Douglas Kennedy… Bon, rien à en dire… ou si peu…
Alors, en relisant des pages du Mépris que j'avais d'ailleurs cochées : oui, l'écriture est très fine. J'avais d'ailleurs relevé des portraits très subtils p. 86, 91, 95. À partir des pages que j'avais cochées et de nos échanges, je reviens sur mon avis.
Il faudrait relire les pages p. 219-223, je cite seulement :
- "Pénélope, dix ans fidèle à son époux absent, et la dactylo qui voyait la vénalité là où il n’y en avait pas."
- "Elle n’est certainement pas en mesure, malgré son bon sens et sa droiture, de s’élever jusqu’à mon interprétation, la plus proche d’Homère et de Dante. Et cela non seulement par ignorance, mais parce qu’au lieu de vivre dans un monde idéal, elle se contente du monde tout matériel des Rheingold et des Battista."
Peut-on mépriser ainsi celui ou celle qu'on dit aimer ? Riccardo m'est profondément antipathique par sa suffisance, son arrogance, peut-être pas si certaines : il a constamment besoin d'affirmer sa supériorité intellectuelle alors qu'il accepte des boulots qu'il méprise, ce qu'il justifie par le besoin d'argent - pas le sien celui d'Emilia. Mais entre un meublé à l'hôtel et un appartement de luxe, choisi sans son avis - ok, elle l'apprécie quand elle le voit - il y aurait des solutions intermédiaires. Il est pris dans un dilemme de réussite (réalisation-reconnaissance intellectuelles/fric : très bel exemple du "méritocratisme". Le mot "mérite" est utilisé p. 171, mesuré en distances de trajet possible en avion !) et de la théorie d'Amartya Sen sur les "capabilités"=avoir les moyens de réaliser ce que l'on souhaite.
Riccardo lui-même analyse son complexe d'infériorité :
- "il me restait en tous cas mon intelligence" (p. 220)
- [à propos de la conception du personnage d'Ulysse] "Enfin la mienne, la plus élevée et la plus naturelle, la plus poétique et la plus vraie" (p. 223)
Il sait ce qu'elle éprouve et se tait et laisse la place à Battista. Elle n'a pas les mots, mais a-t-elle la parole ? "Ainsi, d’un mélange d’intégrité morale et d’inconsciente vulgarité serait née, chez elle, l’idée, non admise mais non démentie, que j’avais voulu la pousser dans les bras de Battista." (p. 222) Oui ! Il n'est pas un homme, pas un mari dans la conception de leur couple puisqu'il ne la protège pas. Dans le film, quand Battista s'approche, à chaque fois elle invoque "son mari". Il connaît les mœurs de ce milieu puisque lui aussi traite sa dactylo comme une aguicheuse - une proie ? Ah ! Vive #MeToo !
Et Rheingold le lui dit ("Pénélope s'attendait à tout sauf à cette passivité de son époux"), c'est lui le barbare ("Pénélope représente la barbarie et Ulysse la civilisation… Savez-vous, Molteni, qu’alors que je vous croyais civilisé comme Ulysse, vous raisonnez au contraire comme cette barbare de Pénélope !"). Elle est réduite au rôle domestique, mais méprisée pour cela (la "passion d’Émilie pour son intérieur, cette aspiration pathétique, toute instinctive et féminine, au foyer").
Est-il amoureux ? Il faudrait définir davantage les différentes modalités de l'amour. Pour moi une relation amoureuse ne peut se construire dans la durée que sur un pied d'égalité. Ils sont prisonniers du désir et des rôles sociaux. Lui est pris dans ce monde de fric et d'apparence. Prisonnier, allez… il me touche aussi.
Ce livre est très fort, Moravia peint une société entièrement fondée sur le mépris, mépris entre tous, mépris des aspirations de chacun.
Rozenn (pour finir en un retournement inattendu)
Je lirai un autre Moravia et j'ouvre celui-ci en grand !!!
Danièle
Ma première remarque concerne le genre littéraire. Ce texte n'est évidemment pas un journal intime, écrit au jour le jour, souvent sous le coup des émotions. C'est une reconstruction après coup : le narrateur reconstruit le processus de dégradation de ses relations avec la femme aimée, qui maintenant, sans vraiment donner d'explication, ne l'aime plus. Cette intrigue peut paraître légère, mais en fait elle est touchante et universelle et aboutit à une très intéressante restructuration des souvenirs en fonction des questions qu'il se pose, puis de la douleur ressentie ensuite, le tout dans une introspection fouillée, servie par une langue limpide et précise. C'est tout d'abord l'étonnement, le désarroi, exprimé seulement de façon intellectuelle : il se dit perplexe, abasourdi. Tous ces mots indiquant une incompréhension plutôt que de la peine. Puis c'est le désespoir, on passe de la raison aux sentiments, quand elle lui dit, point d'orgue du roman - notez la relation avec l'actualité, tout à côté de Notre Dame ! - p. 114, qu'elle ne l'aime plus, qu'elle le méprise.
Mais il reste encore à chercher quelle est la cause de ce mépris. S'en prendre à soi-même ? Le fruit d'un malentendu ? Le silence d'Emilia ne contribue pas à clarifier la situation. Ce que Ricardo, le narrateur, n'a pas voulu comprendre, c'est que tout s'est joué en fait dans les regards d'Emilia quand elle s'est sentie livrée par lui aux mains de Baptista. Ce qu'elle lui reproche, à mon avis, c'est de ne pas avoir senti cela ou de n'avoir pas voulu le sentir. Pour des raisons de convenance vis-à-vis de son producteur ou de dépendance vis-à-vis de lui pour des raisons d'argent.
Ainsi s'entremêlent les thèmes traités par Moravia : l'incommunicabilité et le rôle de l'argent dans les relations sociales et dans les rapports humains. Néanmoins la douleur de Ricardo est sincère et m'a touchée. J'ai trouvé très belle l'idée d'entrelacer l'Odyssée d'Homère à l'histoire de leur couple. Cela donne une autre dimension à leur histoire d'amour. En même temps, il paraît gros comme une montagne que Ricardo, qui est en recherche d'explications à son histoire, ne fasse pas le parallèle entre Pénélope et Emilia dans la version proposée par Rheingold.
Pendant ma lecture, j'avais toujours en filigrane l'interprétation de Brigitte Bardot dans le film vu il y a bien longtemps. Je trouvais qu'elle jouait mal. Mais après avoir lu le livre, je trouve que son ton monocorde est parfait, interprétant ainsi très bien l'indifférence qu'elle éprouve vis-à-vis de Ricardo suite à la déception sur son attitude vis à vis d'elle.
J'ouvre aux ¾.
Annick L
Je me suis ennuyée mortellement et j'ai arrêté ma lecture à mi-chemin. Certes c'est bien écrit, mais je ne me suis pas intéressée aux états d'âme de ce jeune bourgeois narcissique. L'enjeu narratif me paraît faible et ce long retour en arrière sur l'histoire d'une rupture sentimentale ne mérite pas d'être développée pendant plus de 200 pages. Il a épousé une jeune femme d'un milieu social inférieur qu'il pense dominer - un point de vue d'une misogynie insupportable, même s'il était courant à cette époque - et, en fait, elle va finir par échapper à la condition qui lui est assignée, bon et alors ? J'ai quand même jeté un œil au dénouement que j'ai trouvé très fabriqué. Une seule note positive : tous les passages qui évoquent son métier de scénariste, autour de l'adaptation de l'Odyssée. J'ai préféré de loin le roman d'Elsa Morante, La Storia, cette grande fresque sociale et historique, qui a une autre ampleur.
Clarisse

L'amour dure trois ans, voire moins. A priori, le sujet du livre de Moravia pouvait m'intéresser : la lente fin d'une histoire d'amour et le quotidien d'un scénariste malgré lui. Cependant, il est difficile aujourd'hui de compatir avec le protagoniste dans sa manière d'aimer sa femme. Le fait qu'il l'a laissée seule dans la voiture de son futur patron, qu'ensuite il la compare à une prostituée lorsqu'elle ne veut plus dormir avec lui et est lasse de faire l'amour, c'est difficile à lire aujourd'hui.
Moravia pose la question universelle : comment peut-on passer de l'amour au mépris ? Comment peut-on cesser d'être aimé par l'être aimé ? Mais l'intrigue met du temps à démarrer. Même s'il est plaisant de voir les dessous du métier de scénariste, le livre aurait presque pu commencer directement lorsque les personnes sont à Capri.
Le personnage principal est assez agaçant, il se pose trop de questions, pense beaucoup trop. Et finalement il refuse de prendre toute responsabilité et de simplement voir que sa femme ne l'aime plus, sans raison particulière.
Le couple ne maîtrise aucunement la communication et la seule issue possible est effectivement de tuer les personnes, ce qui est un peu trop facile à mon goût.
Enfin, la parabole avec Ulysse me paraît trop répétée. Moravia ne fait tout simplement pas assez confiance à son lecteur à mon avis pour adopter une écriture plus subtile.
J'ouvre à moitié.
Brigitte
(à l'écran)
J'ai vu le film deux ou trois fois, mais je n'avais jamais lu le livre.
C'est un magnifique monologue intérieur. L'écriture est ultra simple, très facile à suivre. L'auteur réussit à faire saisir au lecteur tous les états d'âme compliqués de Ricardo, c'est une grande réussite, une vraie performance d'écriture. Plusieurs fois, il nous emmène dans ses rêveries, et nous y croyons comme lui !
Je pense avoir compris qu'Emilia le méprise parce qu'il ne manifeste pas suffisamment de jalousie envers Battista, donc il n'est pas un homme !!
Les échanges entre Rheingold et Ricardo Molteni au sujet de l'Odyssée nous font pénétrer dans les coulisses de la création artistique de façon passionnante. Il est question d'adapter l'Odyssée, un périple à travers les îles méditerranéennes, mais aussi un grand classique. L'idée d'introduire un mépris de Pénélope pour Ulysse nous initie à la façon dont un réalisateur peut enrichir un thème général et très classique, avec ses préoccupations personnelles. Leur intention devient de décrire un problème de couple, tout à fait intime : Ulysse et Pénélope ne s'entendant plus, Ulysse décide de partir pour la guerre de Troie. Comment vont se passer son retour et ses retrouvailles avec Pénélope, que tant de personnes ont incitée à oublier Ulysse ?
D'où toute une réflexion sur la création artistique qui prend racine à la fois dans le particulier, voire l'intime, et dans les grands mythes fondateurs.
À cela s'ajoute une merveilleuse description de la vie à Capri, cette île méditerranéenne écrasée de soleil, de chaleur, de beauté… En effet, selon la légende, Capri aurait été la demeure des sirènes dont les chants avaient envoûté Ulysse.
Dans Le Mépris, Moravia réussit à conjuguer ces trois éléments d'une façon particulièrement adroite et contribue à apporter une réponse à l'éternelle question de la création artistique.
La fin me semble un peu faible, pourquoi cette mort d'Emilia, qui tombe un peu trop à point nommé.
J'ouvre en grand.
Monique L

J'ai été gênée dans ma lecture de ce livre par les images du film de Godard que j'avais pourtant vu il y a longtemps. Et me comble est que lorsque nous avons revu le film, je n'ai pas retrouvé ces images... J'ai eu du mal à ne pas restreindre Emilia à Brigitte Bardot et à me poser des questions sur ce personnage difficile à cerner.
Ce roman est une peinture remarquable de justesse sur le délitement d'un couple, vu du côté masculin. L'un aime toujours, l'autre plus. Il faut passer outre la vision de la femme au foyer.
C'est aussi un roman sur le cinéma et la création. L'enchevêtrement entre ces deux sujets est remarquable.
J'ai aimé les questionnements de Riccardo, son introspection minutieuse. Il est pathétique dans son incapacité à reprendre sa vie en main ou à se résigner. On vit son calvaire de n'être plus aimé, sa souffrance, sa torture psychologique.
On ne sait pas ce que pense vraiment Emilia qui apparaît comme spontanée, franche et entière, mais que l'on ne voit qu'avec les yeux de Riccardo qui en fait une description sublimée, sacralisée.
La comparaison Riccardo/Ulysse et Emilia/Pénélope est bien amenée. Ulysse n'est-il pas un homme dont les valeurs "modernes" ne s'accordent pas avec celles "antiques" de Pénélope, et qui part faire un long voyage pour prendre de la distance ?
J'ai admiré la qualité des descriptions physiques et psychologiques, leur finesse. C'est une analyse à la fois subtile, captivante et déprimante. C'est un roman riche et très bien écrit, avec un style naturel et fluide.
L'auteur nous raconte l'histoire uniquement au travers de ce que perçoit, ressent, comprend le narrateur. Le lecteur se trouve donc dans la tête de Riccardo Molteni et, aussi bon que soit le film de Godard, il ne rend pas la richesse de ce livre.
Mais j'ai trouvé ce livre beaucoup trop long. Tout en comprenant que Riccardo ressasse sa question "pourquoi elle me méprise ?", au bout d'un moment il m'a épuisée. Il reste noyé dans son analyse qui pourtant parfois est subtile. À la fin, le passage du rêve était-il nécessaire ?
J'ouvre à moitié.
Claire
Ce qui m'a frappée dans les propos oraux des assassines du livre, c'est que l'impression que vous m'avez donnée que les personnages existent pour vous, que ce ne sont pas des êtres de papier : chapeau l'auteur !
Pour ma part, j'ai immédiatement ressenti un grand plaisir à ces sinusoïdes d'analyse psychologique. C'est le spectacle de cette introspection virevoltante qui m'a séduite. J'ai aimé tout particulièrement quand le narrateur est l'objet de tiraillements contraires, quand se disputent "un sentiment aigu d'impuissance et en même temps un violent désir de le surmonter". Très souvent quelque chose est pointé, puis amendé par une autre observation, par exemple : "J'éprouvais une sensation d'incrédulité d'une espèce douloureuse et nouvelle pour moi, en face d'un fait que mon esprit considérait déjà comme indubitable".
J'ai apprécié la triple richesse :
- l'histoire du couple à 2 puis 3 quand Battista drague la femme
- l'histoire du scénario à 3 (les deux scénaristes et le producteur), puis 4 quand la femme se trouve avec eux
- l'histoire d'Ulysse qui double sa triplette : d'une part Ulysse, Pénélope, les Prétendants, d'autre part les trois interprétations de l'Odyssée, celles de Battista, Rheinhold, Molteni. Tout comme l'Odyssée subit des interprétations différentes, le narrateur cherche des interprétations du comportement et des paroles de sa femme, et nous aussi des personnages, voire du roman.
J'ai trouvé les différents personnages intéressants et la situation bien entortillée m'a bien embobinée. Les personnages sont liés par des relations de pouvoir, lui-même lié à l'argent, notamment au sein du couple - c'est magistralement montré sans être commenté.
Le décor en rajoute : "À Capri les tableaux sont pour ainsi dire déjà faits..., dit Battista, il suffit de se mettre devant la nature et de la copier."
J'ai savouré des descriptions et comparaisons, pour Rheingold par exemple : ses "traits étaient un peu gros et avec quelque chose de spongieux et de léger comme les masques de carton-pâte ; ce visage donnait en somme l'impression qu'il n'y avait rien derrière, comme dans les faces sinistres de ces grosses têtes portées dans les cortèges de carnaval".
J'ai adoré découvrir l'Odyssée sous un nouveau jour, m'amenant à envisager de le lire enfin, peut-être... : "il est donc évident, à la lumière de mon interprétation – la seule juste d’après les dernières découvertes de la psychologie moderne –, que L’Odyssée n’est autre chose que l’histoire intime d’une incompatibilité – pour ainsi dire – conjugale".
Clarisse a parlé de masturbation. J'aime beaucoup cette masturbation, s'il vous plaît encore une citation :
"Elle ne m’aimait plus : ces mots tant de fois ressassés dans mon esprit prenaient sur ses lèvres une signification nouvelle. Il ne s’agissait plus d’une supposition, toute mêlée fût-elle de certitude, mais bien d’un fait. Et ces mots avaient un poids, une dimension qu’ils n’avaient jamais eus dans ma pensée. Comment reçus-je cette révélation, je ne m’en souviens pas. Je tressaillis probablement, comme on frissonne en se mettant sous une douche glacée alors qu’on sait d’avance l’impression que l’on va ressentir." J'aime ces ratiocinations, imparfait du subjonctif compris.
Enfin, j'ai aimé qu'on ne soit que dans un unique point de vue. On est exactement à l'inverse des Yeux du Rigel où l'on ne sait rien de l'intériorité du personnage. C'est bien là un des plaisirs du groupe, ces contrastes.
J'ouvre aux ¾, mais j'hésite pour plus... Les deux moments "fantastiques" ne m'ont pas semblé bien réussis, notamment la longue hallucination de la fin.
Thomas(qui a lu en italien)
Après vous avoir entendus, j'ai envie de défendre le protagoniste principal (oui, Claire, moi aussi je fais comme s'il existait !).
Je trouve qu'il faut se mettre à sa place : il est fou amoureux de sa femme, et du jour au lendemain elle ne l'aime plus, le méprise même, et il ne voit pas pourquoi. Pas étonnant dans ces conditions qu'il soit un peu perdu, qu'il ressasse, qu'il fasse des erreurs, qu'il s'énerve contre Rheingold ou Battista. Certes, il a plein de défauts, mais j'ai eu de la peine pour lui, et sa fragilité me l'a rendu attachant. Tant et si bien que j'ai trouvé la lecture assez difficile émotionnellement, un peu comme
L'enfant brûlé. Psychologiquement, une telle situation doit être horrible, et je n'ai pas toujours eu du plaisir à la vivre, à travers lui. Mais cela prouve peut-être aussi le talent de Moravia qui, je trouve, a réussi à rendre tout cela convainquant. Typiquement, ces scènes où Ricardo sait pertinemment qu'il ne doit pas aller parler à Émilia, mais où il le fait quand même, j'ai trouvé ça très vrai, très émouvant.
Pour ce qui est de la fin, j'ai été un peu surpris par le rêve (même si j'ai eu envie d'y croire : enfin une histoire qui se finit bien !) et la mort soudaine, qui m'ont donné l'impression d'une fin un peu bâclée.
Côté style, rien à dire, ça se lit bien, ça coule, même si c'est effectivement un peu long par moments.
J'ouvre à moitié.

Jérémy

Avant la lecture :
Je n'étais pas très enthousiaste à l'idée de lire le livre. J'avais vu le film il y a une dizaine d'années et je n'aime pas lire un livre après avoir vu le film qui en a été tiré. J'ai l'impression que la lecture a été déflorée et je n'aime pas mettre les visages d'acteurs sur des personnages de fiction. J'ai l'impression que le fait d'avoir vu le film avant m'empêche de construire ma propre représentation, mon propre paysage mental en lisant le livre. Mais ayant vu le film il y a longtemps, il ne m'en restait que quelques images fugaces et je n'ai donc pas été gêné.
Au demeurant, je déteste cette
collection ainsi que la couverture. Je trouve qu'il y a un effet "vu à la TV", enfin vu au cinoche en l'occurrence.
Après la lecture : J'ai beaucoup aimé. Ce n'est peut-être pas un "grand livre", je ne m'en souviendrai peut-être pas particulièrement dans quelque temps, mais je suis content de l'avoir lu. Je trouve le thème tout à fait essentiel : comment l'amour au sein d'un couple peut laisser place au mépris. Comment ce sentiment si destructeur peut-il s'insinuer entre deux personnes et dissoudre une relation ? Ce livre a fait écho, c'est certainement aussi pour cela que je l'ai tant aimé.
J'ai aimé ce que d'autres ont détesté : le fait que le narrateur soit "bavard", qu'il s'auto-analyse, qu'il cogite, qu'il ressasse, mais en progressant tout de même, qu'il nous fasse part de ses déceptions. Et j'ai trouvé très réaliste son flux de pensées et le fait qu'il scénarise la manière dont il va agir : "je vais lui dire ceci, cela, agir comme ceci, demain je pars, etc." pour que finalement rien ne se passe jamais comme prévu, qu'il n'arrive pas à mettre le sujet sur la table ou que l'incommunicabilité les empêche lui et sa femme de parler vraiment "à fond" et de se dire vraiment ce que chacun pense et voudrait exprimer.
Je trouve que c'est un livre très osé pour l'époque. Quand on y pense, c'est tout de même l'histoire d'un homme que sa femme méprise, qui s'humilie sans cesse en revenant vers elle, en pleurnichant, en quémandant son amour, qui goberge beaucoup plus qu'il n'agit, alors qu'elle reste souveraine et indifférente, beaucoup plus maîtresse de ses émotions que lui. Le narrateur est dévirilisé. Il est à la fois soumis à sa femme et dépendant de Battista, un vrai "mâle". Pour un livre écrit par un homme italien dans les années 1950, cela me semble être un livre "moderne", à fronts renversés.
J'ai aussi beaucoup aimé l'arrière-plan cinématographique, les digressions sur le trio scénariste-metteur en scène-producteur, les relations de pouvoir qu'ils entretiennent et la manière dont on construit un film.
Je comprends mieux après l'avoir lu pourquoi Godard s'est intéressé à ce livre et a voulu l'adapter. C'est aussi une critique de la société moderne, capitaliste et consumériste. Emilia désire un appartement, elle veut "s'installer", c'est un désir petit-bourgeois et pour le combler, Riccardo est obligé de se vendre "au grand capital", à un producteur qui n'est pas caricaturé comme étant bête, mais qui est tout de même, au fond, toujours préoccupé par le "retour sur investissement", alors que Riccardo aurait voulu s'inscrire dans l'art pour l'art désintéressé, plutôt que de se consacrer à de basses besognes annihilantes.
En même temps qu'il comble le désir d'Emilia, Riccardo s'avilit à ses yeux et perd son estime. C'est aussi un livre "daté" dans la mesure où il dépeint bien les rapports homme-femme dans les années 50 : lorsqu'ils se marient, la femme arrête de travailler et l'homme doit naturellement subvenir à ses besoins. Aujourd'hui Emilia aurait continué de travailler, Riccardo aurait pu continuer de se consacrer à ses travaux "nobles" et il n'y aurait certainement pas eu d'histoire.
Bien sûr, le livre a quelques côtés agaçants : on ne croit pas trop au fait que Riccardo, si lucide sur sa situation, si analytique, ne voit pas plus tôt le rapport avec Ulysse et Pénélope. Certaines répétitions finissent par devenir lassantes : on finit par avoir compris que Riccardo avait accepté ce travail par amour pour Emilia et que maintenant qu'elle ne l'aimait plus, il n'avait plus aucun sens. Sans parler des passages qui aujourd'hui ne passent plus du tout : "
les scénaristes, arrivés, le matin, frais, soignés, bien peignés, se retrouvent le soir en manches de chemise, les cheveux ébouriffés, en sueur et en désordre comme s’ils avaient forcé une femme frigide et récalcitrante", ou bien encore "cette aspiration pathétique, toute féminine au foyer, à la stabilité du chez soi" (p. 207). Mais je pense qu'il faut les lire comme des témoignages, de la vision de la femme que pouvait avoir un Italien il y a 70 ans, et ne pas les juger à l'aune de nos valeurs actuelles.
J'ouvre le livre aux ¾.

Catherine

Je n'avais rien lu de Moravia. J'ai assez aimé les deux premiers chapitres, mais mon intérêt est vite retombé, le livre m'est peu à peu tombé des mains, je l'ai trouvé ennuyeux, plat, daté. Je n'ai pas accroché, n'ai pas été touchée par les personnages, Emilia quasi muette, j'ai trouvé Riccardo insupportable, il tourne en rond, ressasse toujours la même chose, ne voit pas ce qui se passe avec Battista malgré des indices évidents, geint sur son travail de scénariste et sa dépendance financière, mais n'est pas capable de s'en libérer. Il est à la fois très imbu de lui-même et très condescendant avec sa femme, qu'il trouve belle mais qui n'est qu'une femme, sténodactylo, marquée par son milieu, incapable de s'élever intellectuellement jusqu'à sa hauteur (p. 37 : "C’est qu’en effet Émilie était le type même de la femme d’intérieur" ; p. 133 : "Les enfants et en général les femmes et les âmes faibles et puériles attachent aux larmes une valeur décisive de persuasion sentimentale."). Bref j'ai eu une certaine aversion pour le personnage, qu'Emilia a bien raison de mépriser. Il est possible que cette aversion ait joué sur l'intérêt que j'ai porté au livre et m'ait empêchée d'en voir les qualités (comme dirait Claire, une lecture au ras des pâquerettes). Mon intérêt s'est un peu ranimé avec Ulysse et les différentes conceptions du scénario.
J'ai mieux aimé le film de Godard ; les personnages correspondent assez bien aux personnages du livre, l'histoire est plus ramassée, les sentiments de Camille basculent brutalement, le matin elle aime Paul, le soir elle le juge et elle ne l'aime plus. Il a aussi inversé les interprétations entre le réalisateur et le scénariste. Il y a de belles images de Bardot.
J'ouvre le livre au quart. Il n'arrive pas à la cheville de
La Storia pour moi. Peut-être n'avons-nous pas choisi le meilleur ; René de Ceccatty parle d'Agostino comme un des meilleurs romans de Moravia.
Jacqueline

Je me suis ennuyée au début à cause du style pesant du narrateur.
Le livre rend très bien les aspirations du personnage à un vague idéal, son espèce de naïveté à croire qu'une bonne explication permettrait enfin de se comprendre.
Ce style me paraît aussi en adéquation avec l'époque et peut-être aussi convenir à une certaine peinture psychologique assez datée… Mais quel ennui ! Une vieille tante avait autrefois manifesté le même devant le film
Climats tiré d'un roman de Maurois, une autre histoire de couple en rupture…
Et puis ce narrateur qui rêve d'écrire du théâtre… avec ce style ? J'imagine mal…
Le roman a commencé à m'intéresser à partir du scénario et de l'affrontement des trois points de vue sur la mise en scène. Celui du narrateur reste d'ailleurs assez nébuleux dans son idéalisme. Les autres n'ont guère l'air d'attendre grand-chose de son rôle de scénariste, pourvu qu'il réponde à leurs calculs…
Mais on était dans le monde du cinéma et j'avais hâte de revoir le film de Godard. J'en avais très peu de souvenirs à part les statues grecques, figures du destin aux yeux peints comme en avait parlé, un peu avant, je crois, Jean-Pierre Vernant. J'ai été très contente de redécouvrir le film, ses transpositions, son jeu avec le milieu du cinéma, même si je regrettais de ne pas comprendre l'anglais du producteur. Mais c'était amusant qu'il devienne américain !
On sort à peine, maintenant, du silence sur les violences sexistes au cinéma et sur le phénomène d'emprise qui apparaissent en filigrane dans l'histoire... Y compris dans le livre, qui est bien aussi une peinture sociologique de son époque.
La dactylo est marquée par sa culture réaliste - faire plutôt que parler - et s'englue dans ce que la société attend d'elle : avoir un foyer, être une femme fidèle… Le seul reproche qu'elle arrive à faire à son mari c'est de "ne pas être un homme", formule bateau qu'elle ne peut expliciter tant cela lui paraît évident…
Lui, à son époque et avec sa bonne volonté, je ne l'ai pas trouvé si macho que ça ! Il est dépassé par la situation et se rend seulement compte qu'il n'y comprend rien…
Je n'ouvre qu'à moitié à cause de la pesanteur du style qui m'aurait sans doute arrêtée au début…

Claire
Jérémy a dit qu'il n'aimait pas cette
collection GF : le texte bénéficie d'une introduction étoffée qui a plein de défauts, divulgâchant largement le livre, d'une pédanterie pénible ("il pirandellise") ou d'une grandiloquence cucuchonne (conclusion des 15 pages : "Le Mépris est le récit de l'ascèse des sentiments qui conduit à la pure contemplation de la beauté", pitié !) ; mais elle a une qualité : confirmer une des interprétations qu'on peut faire du roman, rapportant en effet des propos de Moravia qui dit que son roman est né d'une forme de désespoir ; lequel ? "Celui qui provenait de l'antipathie que j'avais pour moi-même. Je l'ai toujours eue ; ce n'était pas une nouveauté. Mais maintenant elle s'accentuait : j'étais contraint à des travaux, comme celui des scénarios, qu'au fond je détestais. Je voyais l'argent se glisser partout, jusque dans les rapports conjugaux : moi-même je me sentais englué dans tout cela."
Sabine, bien que ne l'ayant pas vu..., traite le film de navet et Brigitte Bardot d'idiote... En découvrant le film, je me disais mais qu'est-ce que c'est que ça, tout le sel du livre est le monologue intérieur et là rien, rien, rien de tel, on ne voit que les comportements. Et une fois le film terminé, j'ai trouvé que c'était une parfaite interprétation du roman. Bardot est géniale.
Alors que j'ai apprécié l'analyse psychologique, j'ai eu en lisant un souvenir incertain : les romans psychologiques n'avaient-ils pas été jugés ringards ou dépassés ? Était-ce peut-être à l'époque préhistorique du nouveau roman ? Parce que le roman psychologique favorise la projection et que dans le roman moderne on joue sur la distance ? À ce propos, j'ai écouté une très-très-trop longue émission à France Culture (1h20) de dialogue entre Robbe-Grillet et Moravia, datant de plus de 40 ans (1973), où Robbe-Grillet au fait de son pouvoir a un ton de condescendance exécrable et Moravia, mine de rien, dans son parfait français, assure avec adresse la réplique, le tout sur leur conception du roman.

Suit un échange sur ce que peut être le genre du roman psychologique. Monique consulte wikipédia.

Le roman psychologique se définit par la centration, non pas sur l'action, mais sur la psychologie des personnages : pensées, sentiments, motivations, états d'âme, conflits intérieurs, passions ; mais aussi sur l'évolution des personnages au cours de l'histoire, en fonction de leurs expériences et des interactions avec les autres personnages. (Quant au nouveau roman, il a rejeté l'intrigue, la chronologie, le personnage, la psychologie, la description, le réalisme, tout quoi...)

- Le Dit du Genji, écrit au Japon au XIe siècle, est considéré comme le premier roman psychologique.
- En Occident, les origines du roman psychologique remonteraient à Fiammetta de Boccace (1344).
- En France, La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette (1678) serait le premier roman psychologique. Voici des successeurs qui vont explorer de nouvelles façons de représenter la psychologie humaine :
- Pamela de Samuel Richardson (1740)
- Le Rouge et le Noir de Stendhal (1830)
- Les Hauts de Hurlevent, d'Emily Brontë (1847)
- Jane Eyre de Charlotte Brontë (1847)
- Crime et châtiment de Dostoïevski (1866)
- La Métamorphose de Franz Kafka (1915)
- À la recherche du temps perdu de Proust (1913-1927)
- Ulysse de James Joyce (1922)
- Mrs Dalloway de Virginia Woolf (1925)
- L'Étranger de Camus (1942).

Le roman psychologique se caractérise aussi par une utilisation de techniques littéraires qui permettent de représenter la psychologie des personnages : monologue intérieur, flux de conscience, focalisation interne (comme dans Le Mépris).


Des livres cités pendant la séance, en rapport au livre Le Mépris :
- par Jacqueline : Climats d'André Maurois, un double échec conjugal...
- par Sabine : La Jalousie de Robbe-Grillet (en ligne ›ici), où tout est raconté du point de vue d'un narrateur jaloux qui épie sa femme qu'il soupçonne de vouloir le quitter pour un autre.
- par Claire qui n'ose proposer un roman récent, Si peu de Marco Lodoli, et cherche des allié.es. Catherine a presque fini et aime beaucoup. Il faudrait voir si c'est "un-livre-pour-le-groupe-lecture"...
- par Rozenn : La Grève d'Ayn Rand, 1170 p. que Rozenn a voulu découvrir car elle est la romancière préférée de Trump... ; elle n'a pas tout lu loin de là, mais a été fascinée par le fait que la romancière vous amène à aimer ceux que dans la réalité vous considérez comme méchants.
- Thomas a lu les 1170 p. en question, mais plutôt que ce livre par trop manichéen, il a préféré de cette auteure La source vive.
- Rozenn voudrait découvrir la dark romance. Clarisse constate dans son travail les ravages chez certaines jeunes. Jérémy confesse qu'il a lu Twilight.


Rebecca, qui fait son master de sociologie en utilisant notre groupe comme "terrain", était présente pour la première fois, et a pu assister à notre séance de ping-pong...


DES INFOS AUTOUR DU LIVRE
Le roman : de nombreuses éditions
Le film
À propos d'Alberto Moravia   

Livres traduits en français
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L'image culte :

Le film a été tourné dans la Villa Malaparte. Nous avions lu La peau de cet auteur...

Godard, Brigitte Bardot et le Mépris :

- Ne manquez pas le récit de la rencontre de Bardot et de Godard et du tournage du film : "Avec Godard, dans la peau d'une autre", Samuel Blumenfeld, Le Monde, 14 août 2021.
- Voir aussi un "entretien avec Godard" sur Le mépris, par Yvonne Baby, Le Monde, 20 décembre 1963.
-
Le manuscrit autographe du Mépris, ayant appartenu à Brigitte Bardot, est vendu pour plus de 300 000 euros en 2022, moins d'un mois après la mort de Godard : il s'agit du manuscrit complet de la première version du film, sans les scènes de nu imposées au réalisateur par la production américaine du film, et notamment la légendaire scène d'ouverture, entre Michel Piccoli et Brigitte Bardot.
Il est constitué de 59 pages à l'encre bleue et de 24 pages dactylographiées, dont un grand nombre annotées et corrigées de la main de Jean-Luc Godard. Il contient aussi une note d'Alberto Moravia et des notes des interprètes du film : Brigitte Bardot, Michel Piccoli, Jack Palance et le réalisateur Fritz Lang, qui apparaît dans son propre rôle.
C'est la seule version manuscrite connue du scénario de ce film sorti en 1963, qui a appartenu à Brigitte Bardot, avant qu'elle ne la cède à son ami photographe Ghislain Dussart, dit Jicky.
Nota bene : a été édité en version de luxe par les éditions Les Saints Pères.
- "Nul mieux que Godard", un article sur Le Mépris d'Alain Bergala qui a été rédacteur en chef et directeur de collections aux Cahiers du cinéma, connu notamment
comme spécialiste de l’œuvre de Jean-Luc Godard dont il a été l’éditeur pour les deux tomes de Godard par Godard et l'auteur de Godard au travail et Nul mieux que Godard (1999). Écoutons-le également >ici à propos du Mépris.
- Un article universitaire récent : “Vérité et récit dans Le Mépris de Jean-Luc Godard”, Elsa Grasso, Cahiers de Narratologie, n° 32, 2017.

Roman puis film dans Le Monde : pas facile, 70 ans après, de trouver des articles dans la grande presse, en réaction à la publication du livre en 1955 et la sortie du film en 1963. Dans l'archéologie des bibliothèques, voici par Messieurs les critiques du Monde d'alors :
- "Le Mépris de M. Alberto Moravia", Robert Coiplet, Le Monde, 17 septembre 1955
- "Le Mépris" de Godard, par Jean de Baroncelli, Le Monde, 23 décembre 1963.

À propos d'Alberto Moravia             

Alberto Moravia et son chien dans les années 1960 © Photo by Marisa Rastellini/Mondadori

Pour découvrir le parcours de journaliste, écrivain, homme politique, de Moravia, on a :

- La chronologie terminant le livre de poche Le Mépris

- Une émission de France Culture : "Alberto Moravia (1907-1990), l'équilibriste", Toute une vie, 17 septembre 2022, 58 min

- Si on veut approfondir, une biographie de René de Ceccatty, qu'on entend dans cette émission et qui était venu dans notre groupe en janvier 2023 pour Hayashi ; il est spécialiste et ami de Moravia, à qui il consacre une biographie ; il est aussi auteur d'une biographie de sa femme Elsa Morante dont nous avons lu cet été La Storia et de leur ami Pasolini (Pasolini, Gallimard, 2005 ; Alberto Moravia, Flammarion, 2010 ; Elsa Morante, une vie pour la littérature, Tallandier, 2018).
Plus simple à lire : son article panoramique, "La mort d'Alberto Moravia : un grand témoin des mœurs du siècle", Le Monde, 28 septembre 1990.

- Un "entretien avec Alberto Moravia", par Jean-Noël Schifano, Le Monde, 5 juillet 1985.

• Ses livres
Il a écrit des romans, de nombreuses nouvelles, des essais, des pièces de théâtre, des carnets de voyage. De très nombreuses œuvres ont été adaptées au cinéma.
Voici la liste de ses romans traduits et de quelques autres ouvrages disponibles ; nombre de ses livres sont épuisés.

Chez Flammarion et Gallimard :
- Les Indifférents (1929)
- Hiver de malade (1930), épuisé
- Les Ambitions déçues (1935), épuisé
- L'Amant malheureux (1943), épuisé
- L'Épidémie (1944), épuisé
- Agostino (1944)
- La Belle Romaine (1947), épuisé
- La Désobéissance (1948)
- L'Amour conjugal (1949)
- Le Quadrille des masques (1950)
- Le Conformiste (1951)
- Le Mépris (1954)
- La Ciociara (1957), épuisé
- L'Ennui (1960)
- L'Automate (1962), épuisé
- L'Homme (1965), épuisé
- L'Attention (1966), épuisé
- Une chose est une chose (1967), épuisé
- Moi et lui (1971), épuisé
- Une autre vie (1974), épuisé
- Désidéria (1979), épuisé
- Bof ! (1982), épuisé
- 1934 (1983), épuisé
- L'Homme qui regarde (1986), épuisé
- Le Voyage à Rome (1989), épuisé
- La Femme-léopard (1991), épuisé
- Les Deux Amis (2007, posthume), épuisé

Chez Arléa :
- Une certaine idée de l’Inde (1961)
- Lettres du Sahara (1981)
- Promenades africaines (1987)

Chez Bouquins :
- Romans (Agostino – Les Indifférents – Le Mépris – L'Amour conjugal – L'homme qui regarde – La Femme léopard), épuisé
- L'Immortel (2023, posthume)
- Quand tu viendras je serai presque heureux : lettres à Elsa Morante (2023, posthume)
  


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !


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