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Voici les quatrièmes de couverture du roman Le Mépris, trad. de l'italien Claude Poncet, éd. Flammarion, dans diférentes collections : Le Mépris, GF, 2023 Riccardo Molteni, écrivain en mal dinspiration,
devient scénariste pour rembourser les traites de lappartement
quil a acheté à Rome avec sa femme Emilia. À
la même époque, il rencontre Battista, un puissant producteur,
qui linvite dans sa villa de Capri où il doit écrire
une adaptation cinématographique de lOdyssée.
Soudain, alors que la fortune commence à lui sourire, sa femme
lui avoue quelle ne laime plus. Pire, quelle le
méprise. Désemparé, Riccardo va chercher à
en savoir plus. Emilia, obstinément, se tait
Le
Mépris, Capri ! Au pied des Capri ! Au pied des Faraglioni, l'île rayonne d'azur et de sérénité. Pourtant, le drame couve entre Emilia et Riccardo. Perdu dans les méandres d'un scénario sur l'Odyssée, Riccardo sent sa femme se détacher de lui. Emilia ne l'aime plus. Pire, elle le méprise. Drôle de coïncidence ! Riccardo voit soudain sa propre vie se superposer à son scénario. Si Ulysse tarde à revenir à Ithaque, c'est par crainte de revoir Pénélope, sachant qu'il doit la reconquérir. Reconquérir Emilia ! Voilà bien l'unique obsession de Riccardo ! Sait-il seulement ce qui agite Emilia ? Désenchantement ? Ennui ? Attirance secrète pour Battista, le fastueux producteur ? Dans "le ciel bleu du mépris", l'orage gronde... Le
Mépris, "Durant les deux premières années de mon mariage, mes rapports avec ma femme furent, je puis aujourdhui laffirmer, parfaits [...]. Lobjet de ce récit est de raconter comment, alors que je continuais à laimer et à ne pas la juger, Emilia au contraire découvrit ou crut découvrir certains de mes défauts et, en conséquence, cessa de maimer." Relire Le Mépris dans sa première édition, cest redonner à ce texte qui a suscité tant dinterprétations une virginité. Cest laisser la parole aux mots. Le
Mépris, Lhistoire psychologique dun couple divisé
par un malentendu dabord hésitant et fragile, puis finalement
insoluble. La femme en arrive à mépriser lépoux
sans qu'il sache pourquoi. Et ce mépris, peut-être sans fondement,
entraîne des conséquences tragiques.
|
Alberto Moravia(1797-1751)
|
Nos 14 cotes
d'amour |
Françoise(avis
transmis)
Le Mépris aurait pu être sous-titré "Chronique
d'une rupture interminable". Misogyne. Daté.
Je me suis demandé au cours de ma lecture si une traduction plus
"actuelle" pourrait sauver ce récit ? Je n'ai pas la
réponse.
Il reste la longueur, les atermoiements du narrateur, la pesanteur. Pour
en finir l'auteur n'a rien trouvé de mieux que de faire mourir
la fauteuse de trouble.
On aura compris que je n'ai pas accroché à cette histoire
d'un homme torturé par son ego. Pas moyen de se projeter, ni même
d'éprouver une once d'empathie.
Comme je suis allée jusqu'au bout, je l'ouvre ¼.
Sabine(avis
transmis)
J'ai mis du temps à lire Le Mépris, peu accrochée
par le style, voire un peu rebutée. Je le qualifierai de "clinique",
"froid", et le passage où Molteni voit sa femme enlacée
par Battista m'a tout de suite fait penser à La
Jalousie de Robbe-Grillet, insupportable nouveau roman où
chaque détail est scruté de façon obsessionnelle.
La première moitié du livre m'a gonflée, lisant sans
lire vraiment, puis, l'apparition du metteur en scène allemand
et les discussions autour de l'adaptation de l'Odyssée ont
donné un regain d'intérêt. Évidemment, cet
effet de miroir "d'histoire dans l'histoire" n'est pas dénué
d'intérêt, mais dès lors où Emilia dit "stop",
j'avais envie de susurrer à l'oreille du mari : "Barre-toi
et fous lui la paix !" (en fait, je lui crie un peu dessus...).
Là-dessus (c'est volontaire), je pense à cette idiote de
Brigitte Bardot dans le rôle et je pense que ce film doit être
un navet. Je suis un peu tenue en haleine par une révélation
éclatante : ben oui, son homme n'est pas "un homme",
mais bon, rien de très neuf. La fin boucle le roman avec un accident
annoncé dans les premières pages. Pour conclure, j'ouvre
le livre à moitié. Je vais à présent lire
l'introduction qui me fera comprendre que je suis passée à
côté du roman.
(Plus tard) L'intro m'a gonflée.
Fanny(avis
transmis)
Autant ma tentative pour lire L'Ennui
s'était soldée par un abandon très rapide, la lecture
produisant justement cet effet, autant j'ai été happée
par Le mépris.
J'ai beaucoup aimé cette sorte de monologue intérieur donné
de manière directe au lecteur. Il n'y a que le narrateur en scène
et il nous dresse je trouve une sorte de portrait "en creux"
des autres protagonistes, notamment de son épouse.
Je n'ai éprouvé aucune sympathie ni pour lui ni pour elle.
Je l'ai trouvé assez lâche et inconséquent dans sa
manière de ne jamais prendre lui-même les décisions
et de toujours rechercher les causes du désamour de son épouse
sur l'extérieur, échappant ainsi à toute remise en
question. Je comprends le mépris qu'il suscite.
Quant à elle qui ne reste visiblement que par intérêt
matériel et parce qu'elle ne peut pas rester seule (elle le reconnaît
d'ailleurs lors de son départ), ce n'est pas plus digne.
Mais cela ne m'a nullement empêchée de savourer ma lecture,
j'ai trouvé que ces portraits étaient tracés avec
finesse et subtilité.
J'ai également beaucoup aimé le parallèle avec l'Odyssée,
même si j'ai trouvé peu crédible que le narrateur
se rende compte aussi tardivement du lien entre l'interprétation
psychologique et l'histoire de son couple (p. 189 chapitre 18).
J'ai trouvé aussi qu'il y avait quelques beaux passages notamment
lorsque sa femme le quitte et qu'il parle du silence de son absence (chapitre
22).
La fin m'a surprise, mais je l'ai trouvée cohérente avec
l'ensemble du roman.
J'ouvre en grand.
Hâte de vous lire. Passez une belle soirée.
Rozenn
Javais envie de lire un livre en louvrant nimporte où
: et cest ce que je fis. Je suis tombée sur la scène
où elle va dormir dans une autre pièce et je me suis dit :
cest génial ce livre !
Puis je lai repris au début et je me suis emmerdée
tout du long. Quand on arrive à Capri, bon il y a la couleur des
maisons, mais à part ça je me suis emmerdée, emmerdée,
emmerdée.
Bon, je sauve trois pages. Allez, jouvre... un quart.
(Quelques
jours plus tard) Si j'avais décidé d'ouvrir le livre
au milieu, c'était pour renouveler l'expérience de lecture
du troisième tome d'une trilogie (de Jacobsen)
sans lire les deux premiers.
Après
coup je modifie mon avis : j'ai été trop abrupte et j'ai
réfléchi depuis à ma réaction. À 19 ans, j'étais dactylo. Le mépris de Riccardo pour Emilia,
je l'ai vécu : les clients qui arrivaient, ne disaient pas même
bonjour et me tendaient leur manteau et leurs affaires comme si j'étais
un porte-manteau. Ce souvenir m'est revenu hier quand une radiologue a
procédé à une infiltration sans même dire bonjour
- inutile puisque j'étais couchée sur la table, préparée
par ses assistants pour l'infiltration ! Il lui suffisait de regarder
l'écran
Je l'ai obligée à me parler. Oui, je
raconte ma vie, ce n'est pas l'usage du groupe lecture, mais je revendique
de lire (les romans) à partir de ce que je suis, à travers
le prisme de mon vécu. Au détriment de l'écriture
? Non ! C'est l'écriture qui porte l'émotion ! Dans
les salles d'attente, j'ai lu un Douglas Kennedy
Bon, rien à
en dire
ou si peu
Alors, en relisant des pages du Mépris que j'avais d'ailleurs
cochées : oui, l'écriture est très fine. J'avais
d'ailleurs relevé des portraits très subtils p. 86, 91,
95. À partir des pages que j'avais cochées et de nos échanges,
je reviens sur mon avis.
Il faudrait relire les pages p. 219-223, je cite seulement :
- "Pénélope,
dix ans fidèle à son époux absent, et la
dactylo qui voyait la vénalité là où
il ny en avait pas."
- "Elle nest certainement
pas en mesure, malgré son bon sens et sa
droiture, de sélever jusquà mon interprétation,
la plus proche dHomère et de Dante. Et cela non seulement
par ignorance, mais parce quau lieu de vivre dans un monde idéal,
elle se contente du monde tout matériel
des Rheingold et des Battista."
Peut-on mépriser ainsi celui ou celle qu'on dit aimer ? Riccardo
m'est profondément antipathique par sa suffisance, son arrogance,
peut-être pas si certaines : il a constamment besoin d'affirmer
sa supériorité intellectuelle alors qu'il accepte des boulots
qu'il méprise, ce qu'il justifie par le besoin d'argent - pas le
sien celui d'Emilia. Mais entre un meublé à l'hôtel
et un appartement de luxe, choisi sans son avis - ok, elle l'apprécie
quand elle le voit - il y aurait des solutions intermédiaires.
Il est pris dans un dilemme de réussite (réalisation-reconnaissance
intellectuelles/fric : très bel exemple du "méritocratisme".
Le mot "mérite" est utilisé p. 171, mesuré
en distances de trajet possible en avion !) et de la théorie d'Amartya
Sen sur les "capabilités"=avoir
les moyens de réaliser ce que l'on souhaite.
Riccardo lui-même analyse son complexe d'infériorité
:
- "il me restait en
tous cas mon intelligence"
(p. 220)
- [à propos de la conception
du personnage d'Ulysse] "Enfin
la mienne, la plus élevée et la plus
naturelle, la plus poétique et la plus vraie"
(p. 223)
Il sait ce qu'elle éprouve et se tait et laisse la place à
Battista. Elle n'a pas les mots, mais a-t-elle la parole ? "Ainsi,
dun mélange dintégrité morale et dinconsciente
vulgarité serait née, chez elle, lidée, non
admise mais non démentie, que javais voulu la pousser dans
les bras de Battista."
(p. 222) Oui ! Il
n'est pas un homme, pas un mari dans la conception de leur couple puisqu'il
ne la protège pas. Dans le film, quand Battista s'approche, à
chaque fois elle invoque "son mari". Il connaît les murs
de ce milieu puisque lui aussi traite sa dactylo comme une aguicheuse
- une proie ? Ah ! Vive #MeToo !
Et Rheingold le lui dit ("Pénélope
s'attendait à tout sauf à cette passivité de son
époux"), c'est lui le barbare ("Pénélope
représente la barbarie et Ulysse la civilisation
Savez-vous,
Molteni, qualors que je vous croyais civilisé comme Ulysse,
vous raisonnez au contraire comme cette barbare de Pénélope !").
Elle est réduite au rôle domestique, mais méprisée
pour cela (la "passion
dÉmilie pour son intérieur, cette aspiration pathétique,
toute instinctive et féminine, au foyer").
Est-il amoureux ? Il faudrait définir davantage les différentes
modalités de l'amour. Pour moi une relation amoureuse ne peut se
construire dans la durée que sur un pied d'égalité.
Ils sont prisonniers du désir et des rôles sociaux. Lui est
pris dans ce monde de fric et d'apparence. Prisonnier, allez
il
me touche aussi.
Ce livre est très fort, Moravia peint une société
entièrement fondée sur le mépris, mépris entre
tous, mépris des aspirations de chacun.
Rozenn
(pour finir en un retournement inattendu)
Je lirai un autre Moravia et j'ouvre celui-ci en grand !!!
Danièle
Ma première remarque concerne le genre littéraire. Ce texte
n'est évidemment pas un journal intime, écrit au jour le
jour, souvent sous le coup des émotions. C'est une reconstruction
après coup : le narrateur reconstruit le processus de dégradation
de ses relations avec la femme aimée, qui maintenant, sans vraiment
donner d'explication, ne l'aime plus. Cette intrigue peut paraître
légère, mais en fait elle est touchante et universelle et
aboutit à une très intéressante restructuration des
souvenirs en fonction des questions qu'il se pose, puis de la douleur
ressentie ensuite, le tout dans une introspection fouillée, servie
par une langue limpide et précise. C'est tout d'abord l'étonnement,
le désarroi, exprimé seulement de façon intellectuelle
: il se dit perplexe, abasourdi. Tous ces mots indiquant une incompréhension
plutôt que de la peine. Puis c'est le désespoir, on passe
de la raison aux sentiments, quand elle lui dit, point d'orgue du roman
- notez la relation avec l'actualité, tout à côté
de Notre Dame ! - p. 114, qu'elle ne l'aime plus, qu'elle
le méprise.
Mais il reste encore à chercher quelle est la cause de ce mépris.
S'en prendre à soi-même ? Le fruit d'un malentendu ?
Le silence d'Emilia ne contribue pas à clarifier la situation.
Ce que Ricardo, le narrateur, n'a pas voulu comprendre, c'est que tout
s'est joué en fait dans les regards d'Emilia quand elle s'est sentie
livrée par lui aux mains de Baptista. Ce qu'elle lui reproche,
à mon avis, c'est de ne pas avoir senti cela ou de n'avoir pas
voulu le sentir. Pour des raisons de convenance vis-à-vis de son
producteur ou de dépendance vis-à-vis de lui pour des raisons
d'argent.
Ainsi s'entremêlent les thèmes traités par Moravia :
l'incommunicabilité et le rôle de l'argent dans les relations
sociales et dans les rapports humains. Néanmoins la douleur de
Ricardo est sincère et m'a touchée. J'ai trouvé très
belle l'idée d'entrelacer l'Odyssée d'Homère
à l'histoire de leur couple. Cela donne une autre dimension à
leur histoire d'amour. En même temps, il paraît gros comme
une montagne que Ricardo, qui est en recherche d'explications à
son histoire, ne fasse pas le parallèle entre Pénélope
et Emilia dans la version proposée par Rheingold.
Pendant ma lecture, j'avais toujours en filigrane l'interprétation
de Brigitte Bardot dans le film vu il y a bien longtemps. Je trouvais
qu'elle jouait mal. Mais après avoir lu le livre, je trouve que
son ton monocorde est parfait, interprétant ainsi très bien
l'indifférence qu'elle éprouve vis-à-vis de Ricardo
suite à la déception sur son attitude vis à vis d'elle.
J'ouvre aux ¾.
Annick
L
Je me
suis ennuyée mortellement et j'ai arrêté ma lecture
à mi-chemin. Certes c'est bien écrit, mais je ne me suis
pas intéressée aux états d'âme de ce jeune
bourgeois narcissique. L'enjeu narratif me paraît faible et ce long
retour en arrière sur l'histoire d'une rupture sentimentale ne
mérite pas d'être développée pendant plus de
200 pages. Il a épousé une jeune femme d'un milieu social
inférieur qu'il pense dominer - un point de vue d'une misogynie
insupportable, même s'il était courant à cette époque
- et, en fait, elle va finir par échapper à la condition
qui lui est assignée, bon et alors ? J'ai quand même jeté
un il au dénouement que j'ai trouvé très fabriqué.
Une seule note positive : tous les passages qui évoquent son
métier de scénariste, autour de l'adaptation de l'Odyssée.
J'ai préféré de loin le roman d'Elsa
Morante, La
Storia, cette grande fresque sociale et historique, qui a une
autre ampleur.
Clarisse
L'amour dure trois ans, voire moins. A priori, le sujet du livre de Moravia
pouvait m'intéresser : la lente fin d'une histoire d'amour et le
quotidien d'un scénariste malgré lui. Cependant, il est
difficile aujourd'hui de compatir avec le protagoniste dans sa manière
d'aimer sa femme. Le fait qu'il l'a laissée seule dans la voiture
de son futur patron, qu'ensuite il la compare à une prostituée
lorsqu'elle ne veut plus dormir avec lui et est lasse de faire l'amour,
c'est difficile à lire aujourd'hui.
Moravia pose la question universelle : comment peut-on passer de l'amour
au mépris ? Comment peut-on cesser d'être aimé par
l'être aimé ? Mais l'intrigue met du temps à démarrer.
Même s'il est plaisant de voir les dessous du métier de scénariste,
le livre aurait presque pu commencer directement lorsque les personnes
sont à Capri.
Le personnage principal est assez agaçant, il se pose trop de questions,
pense beaucoup trop. Et finalement il refuse de prendre toute responsabilité
et de simplement voir que sa femme ne l'aime plus, sans raison particulière.
Le couple ne maîtrise aucunement la communication et la seule issue
possible est effectivement de tuer les personnes, ce qui est un peu trop
facile à mon goût.
Enfin, la parabole avec Ulysse me paraît trop répétée.
Moravia ne fait tout simplement pas assez confiance à son lecteur
à mon avis pour adopter une écriture plus subtile.
J'ouvre à moitié.
Brigitte(à
l'écran)
J'ai vu le film deux ou trois fois, mais
je n'avais jamais lu le livre.
C'est un magnifique monologue intérieur. L'écriture est
ultra simple, très facile à suivre. L'auteur réussit
à faire saisir au lecteur tous les états d'âme compliqués
de Ricardo, c'est une grande réussite, une vraie performance d'écriture.
Plusieurs fois, il nous emmène dans ses rêveries, et nous
y croyons comme lui !
Je pense avoir compris qu'Emilia le méprise parce qu'il ne manifeste
pas suffisamment de jalousie envers Battista, donc il n'est pas un homme
!!
Les échanges entre Rheingold et Ricardo Molteni au sujet de l'Odyssée
nous font pénétrer dans les coulisses de la création
artistique de façon passionnante. Il est question d'adapter l'Odyssée,
un périple à travers les îles méditerranéennes,
mais aussi un grand classique. L'idée d'introduire un mépris
de Pénélope pour Ulysse nous initie à la façon
dont un réalisateur peut enrichir un thème général
et très classique, avec ses préoccupations personnelles.
Leur intention devient de décrire un problème de couple,
tout à fait intime : Ulysse et Pénélope ne s'entendant
plus, Ulysse décide de partir pour la guerre de Troie. Comment
vont se passer son retour et ses retrouvailles avec Pénélope,
que tant de personnes ont incitée à oublier Ulysse ?
D'où toute une réflexion sur la création artistique
qui prend racine à la fois dans le particulier, voire l'intime,
et dans les grands mythes fondateurs.
À cela s'ajoute une merveilleuse description de la vie à
Capri, cette île méditerranéenne écrasée
de soleil, de chaleur, de beauté
En effet, selon la légende,
Capri aurait été la demeure des sirènes dont les
chants avaient envoûté Ulysse.
Dans Le Mépris, Moravia réussit à conjuguer
ces trois éléments d'une façon particulièrement
adroite et contribue à apporter une réponse à l'éternelle
question de la création artistique.
La fin me semble un peu faible, pourquoi cette mort d'Emilia, qui tombe
un peu trop à point nommé.
J'ouvre en grand.
Monique L
J'ai été gênée dans ma lecture de ce livre
par les images du film de Godard que j'avais pourtant vu il y a longtemps.
Et me comble est que lorsque nous avons revu le film, je n'ai pas retrouvé
ces images... J'ai eu du mal à ne pas restreindre Emilia à
Brigitte Bardot et à me poser des questions sur ce personnage difficile
à cerner.
Ce roman est une peinture remarquable de justesse sur le délitement
d'un couple, vu du côté masculin. L'un aime toujours, l'autre
plus. Il faut passer outre la vision de la femme au foyer.
C'est aussi un roman sur le cinéma et la création. L'enchevêtrement
entre ces deux sujets est remarquable.
J'ai aimé les questionnements de Riccardo, son introspection minutieuse.
Il est pathétique dans son incapacité à reprendre
sa vie en main ou à se résigner. On vit son calvaire de
n'être plus aimé, sa souffrance, sa torture psychologique.
On ne sait pas ce que pense vraiment Emilia qui apparaît comme spontanée,
franche et entière, mais que l'on ne voit qu'avec les yeux de Riccardo
qui en fait une description sublimée, sacralisée.
La comparaison Riccardo/Ulysse et Emilia/Pénélope
est bien amenée. Ulysse n'est-il pas un homme dont les valeurs
"modernes" ne s'accordent pas avec celles "antiques"
de Pénélope, et qui part faire un long voyage pour prendre
de la distance ?
J'ai admiré la qualité des descriptions physiques et psychologiques,
leur finesse. C'est une analyse à la fois subtile, captivante et
déprimante. C'est un roman riche et très bien écrit,
avec un style naturel et fluide.
L'auteur nous raconte l'histoire uniquement au travers de ce que perçoit,
ressent, comprend le narrateur. Le lecteur se trouve donc dans la tête
de Riccardo Molteni et, aussi bon que soit le film de Godard, il ne rend
pas la richesse de ce livre.
Mais j'ai trouvé ce livre beaucoup trop long. Tout en comprenant
que Riccardo ressasse sa question "pourquoi elle me méprise
?", au bout d'un moment il m'a épuisée. Il reste noyé
dans son analyse qui pourtant parfois est subtile. À la fin, le
passage du rêve était-il nécessaire ?
J'ouvre à moitié.
Claire
Ce qui m'a frappée dans les propos oraux des assassines du livre,
c'est que l'impression que vous m'avez donnée que les personnages
existent pour vous, que ce ne sont pas des êtres de papier : chapeau
l'auteur !
Pour ma part, j'ai immédiatement ressenti un grand plaisir à
ces sinusoïdes d'analyse psychologique. C'est le spectacle de cette
introspection virevoltante qui m'a séduite. J'ai aimé tout
particulièrement quand le narrateur est l'objet de tiraillements
contraires, quand se disputent "un
sentiment aigu d'impuissance et en même temps un violent désir
de le surmonter". Très souvent quelque chose est
pointé, puis amendé par une autre observation, par exemple
: "J'éprouvais
une sensation d'incrédulité d'une espèce douloureuse
et nouvelle pour moi, en face d'un fait que mon esprit considérait
déjà comme indubitable".
J'ai apprécié la triple richesse :
- l'histoire du couple à 2 puis 3 quand Battista drague la femme
- l'histoire du scénario à 3 (les deux scénaristes
et le producteur), puis 4 quand la femme se trouve avec eux
- l'histoire d'Ulysse qui double sa triplette : d'une part Ulysse, Pénélope,
les Prétendants, d'autre part les trois interprétations
de l'Odyssée, celles de Battista, Rheinhold, Molteni. Tout
comme l'Odyssée subit des interprétations différentes,
le narrateur cherche des interprétations du comportement et des
paroles de sa femme, et nous aussi des personnages, voire du roman.
J'ai trouvé les différents personnages intéressants
et la situation bien entortillée m'a bien embobinée. Les
personnages sont liés par des relations de pouvoir, lui-même
lié à l'argent, notamment au sein du couple - c'est magistralement
montré sans être commenté.
Le décor en rajoute : "À
Capri les tableaux sont pour ainsi dire déjà faits...,
dit Battista, il suffit de se mettre devant la nature et de la copier."
J'ai savouré des descriptions et comparaisons, pour Rheingold par
exemple : ses "traits
étaient un peu gros et avec quelque chose de spongieux et de léger
comme les masques de carton-pâte ; ce visage donnait en somme l'impression
qu'il n'y avait rien derrière, comme dans les faces sinistres de
ces grosses têtes portées dans les cortèges de carnaval".
J'ai adoré découvrir l'Odyssée sous un nouveau
jour, m'amenant à envisager de le lire enfin, peut-être...
: "il est donc évident,
à la lumière de mon interprétation la
seule juste daprès les dernières découvertes
de la psychologie moderne , que LOdyssée
nest autre chose que lhistoire intime dune incompatibilité
pour ainsi dire conjugale".
Clarisse a parlé de masturbation. J'aime beaucoup cette masturbation,
s'il vous plaît encore une citation : "Elle
ne maimait plus : ces mots tant de fois ressassés dans
mon esprit prenaient sur ses lèvres une signification nouvelle.
Il ne sagissait plus dune supposition, toute
mêlée fût-elle de certitude, mais bien dun
fait. Et ces mots avaient un poids, une dimension quils navaient
jamais eus dans ma pensée. Comment reçus-je cette révélation,
je ne men souviens pas. Je tressaillis probablement, comme on frissonne
en se mettant sous une douche glacée alors quon sait davance
limpression que lon va ressentir."
J'aime ces ratiocinations, imparfait du subjonctif compris.
Enfin, j'ai aimé qu'on ne soit que dans un
unique point de vue. On est exactement à l'inverse des Yeux
du Rigel où l'on ne sait rien de l'intériorité
du personnage. C'est bien là un des plaisirs du groupe, ces contrastes.
J'ouvre aux
¾, mais j'hésite pour plus... Les
deux moments "fantastiques" ne m'ont pas semblé bien
réussis, notamment la longue hallucination de la fin.
Thomas(qui
a lu en italien)
Après vous avoir entendus, j'ai envie de défendre le protagoniste
principal (oui, Claire, moi aussi je fais comme s'il existait !).
Je trouve qu'il faut se mettre à sa place : il est fou amoureux
de sa femme, et du jour au lendemain elle ne l'aime plus, le méprise
même, et il ne voit pas pourquoi. Pas étonnant dans ces conditions
qu'il soit un peu perdu, qu'il ressasse, qu'il fasse des erreurs, qu'il
s'énerve contre Rheingold ou Battista. Certes, il a plein de défauts,
mais j'ai eu de la peine pour lui, et sa fragilité me l'a rendu
attachant. Tant et si bien que j'ai trouvé la lecture assez difficile
émotionnellement, un peu comme L'enfant
brûlé.
Psychologiquement, une telle situation doit être horrible, et je
n'ai pas toujours eu du plaisir à la vivre, à travers lui.
Mais cela prouve peut-être aussi le talent de Moravia qui, je trouve,
a réussi à rendre tout cela convainquant. Typiquement, ces
scènes où Ricardo sait pertinemment qu'il ne doit pas aller
parler à Émilia, mais où il le fait quand même,
j'ai trouvé ça très vrai, très émouvant.
Pour ce qui est de la fin, j'ai été un peu surpris par le
rêve (même si j'ai eu envie d'y croire : enfin une histoire
qui se finit bien !) et la mort soudaine, qui m'ont donné l'impression
d'une fin un peu bâclée.
Côté style, rien à dire, ça se lit bien, ça
coule, même si c'est effectivement un peu long par moments.
J'ouvre à moitié.
Jérémy
Avant la lecture : Je
n'étais pas très enthousiaste à l'idée de
lire le livre. J'avais vu le film il y a une dizaine d'années et
je n'aime pas lire un livre après avoir vu le film qui en a été
tiré. J'ai l'impression que la lecture a été déflorée
et je n'aime pas mettre les visages d'acteurs sur des personnages de fiction.
J'ai l'impression que le fait d'avoir vu le film avant m'empêche
de construire ma propre représentation, mon propre paysage mental
en lisant le livre. Mais ayant vu le film il y a longtemps, il ne m'en
restait que quelques images fugaces et je n'ai donc pas été
gêné.
Au demeurant, je déteste cette collection
ainsi que la couverture.
Je trouve qu'il y a un effet "vu à la TV", enfin vu au
cinoche en l'occurrence.
Après la lecture : J'ai beaucoup aimé. Ce n'est peut-être
pas un "grand livre", je ne m'en souviendrai peut-être
pas particulièrement dans quelque temps, mais je suis content de
l'avoir lu. Je trouve le thème tout à fait essentiel : comment
l'amour au sein d'un couple peut laisser place au mépris. Comment
ce sentiment si destructeur peut-il s'insinuer entre deux personnes et
dissoudre une relation ? Ce livre a fait écho, c'est certainement
aussi pour cela que je l'ai tant aimé.
J'ai aimé ce que d'autres ont détesté : le fait que
le narrateur soit "bavard", qu'il s'auto-analyse, qu'il cogite,
qu'il ressasse, mais en progressant tout de même, qu'il nous fasse
part de ses déceptions. Et j'ai trouvé très réaliste
son flux de pensées et le fait qu'il scénarise la manière
dont il va agir : "je vais lui dire ceci, cela, agir comme ceci,
demain je pars, etc." pour que finalement rien ne se passe jamais
comme prévu, qu'il n'arrive pas à mettre le sujet sur la
table ou que l'incommunicabilité les empêche lui et sa femme
de parler vraiment "à fond" et de se dire vraiment ce
que chacun pense et voudrait exprimer.
Je trouve que c'est un livre très osé pour l'époque.
Quand on y pense, c'est tout de même l'histoire d'un homme que sa
femme méprise, qui s'humilie sans cesse en revenant vers elle,
en pleurnichant, en quémandant son amour, qui goberge beaucoup
plus qu'il n'agit, alors qu'elle reste souveraine et indifférente,
beaucoup plus maîtresse de ses émotions que lui. Le narrateur
est dévirilisé. Il est à la fois soumis à
sa femme et dépendant de Battista, un vrai "mâle".
Pour un livre écrit par un homme italien dans les années
1950, cela me semble être un livre "moderne", à
fronts renversés.
J'ai aussi beaucoup aimé l'arrière-plan cinématographique,
les digressions sur le trio scénariste-metteur en scène-producteur,
les relations de pouvoir qu'ils entretiennent et la manière dont
on construit un film.
Je comprends mieux après l'avoir lu pourquoi Godard s'est intéressé
à ce livre et a voulu l'adapter. C'est aussi une critique de la
société moderne, capitaliste et consumériste. Emilia
désire un appartement, elle veut "s'installer", c'est
un désir petit-bourgeois et pour le combler, Riccardo est obligé
de se vendre "au grand capital", à un producteur qui
n'est pas caricaturé comme étant bête, mais qui est
tout de même, au fond, toujours préoccupé par le "retour
sur investissement", alors que Riccardo aurait voulu s'inscrire dans
l'art pour l'art désintéressé, plutôt que de
se consacrer à de basses besognes annihilantes.
En même temps qu'il comble le désir d'Emilia, Riccardo s'avilit
à ses yeux et perd son estime. C'est aussi un livre "daté"
dans la mesure où il dépeint bien les rapports homme-femme
dans les années 50 : lorsqu'ils se marient, la femme arrête
de travailler et l'homme doit naturellement subvenir à ses besoins.
Aujourd'hui Emilia aurait continué de travailler, Riccardo aurait
pu continuer de se consacrer à ses travaux "nobles" et
il n'y aurait certainement pas eu d'histoire.
Bien sûr, le livre a quelques côtés agaçants
: on ne croit pas trop au fait que Riccardo, si lucide sur sa situation,
si analytique, ne voit pas plus tôt le rapport avec Ulysse et Pénélope.
Certaines répétitions finissent par devenir lassantes :
on finit par avoir compris que Riccardo avait accepté ce travail
par amour pour Emilia et que maintenant qu'elle ne l'aimait plus, il n'avait
plus aucun sens. Sans parler des passages qui aujourd'hui ne passent plus
du tout : "les
scénaristes, arrivés, le matin, frais, soignés, bien
peignés, se retrouvent le soir en manches de chemise, les cheveux
ébouriffés, en sueur et en désordre comme sils
avaient forcé une femme frigide et récalcitrante",
ou bien encore "cette
aspiration pathétique, toute féminine au foyer, à
la stabilité du chez soi" (p. 207).
Mais je pense qu'il faut les lire comme des témoignages, de la
vision de la femme que pouvait avoir un Italien il y a 70 ans, et ne pas
les juger à l'aune de nos valeurs actuelles.
J'ouvre le livre aux ¾.
Catherine
Je n'avais rien lu de Moravia. J'ai assez aimé
les deux premiers chapitres, mais mon intérêt est vite retombé,
le livre m'est peu à peu tombé des mains, je l'ai trouvé
ennuyeux, plat, daté. Je n'ai pas accroché, n'ai pas été
touchée par les personnages, Emilia quasi muette, j'ai trouvé
Riccardo insupportable, il tourne en rond, ressasse toujours la même
chose, ne voit pas ce qui se passe avec Battista malgré des indices
évidents, geint sur son travail de scénariste et sa dépendance
financière, mais n'est pas capable de s'en libérer. Il est
à la fois très imbu de lui-même et très condescendant
avec sa femme, qu'il trouve belle mais qui n'est qu'une femme, sténodactylo,
marquée par son milieu, incapable de s'élever intellectuellement
jusqu'à sa hauteur (p. 37 :
"Cest quen
effet Émilie était le type même de la femme dintérieur" ;
p. 133 : "Les
enfants et en général les femmes et les âmes faibles
et puériles attachent aux larmes une valeur décisive de
persuasion sentimentale."). Bref j'ai eu une certaine
aversion pour le personnage, qu'Emilia a bien raison de mépriser.
Il est possible que cette aversion ait joué sur l'intérêt
que j'ai porté au livre et m'ait empêchée d'en voir
les qualités (comme dirait Claire, une lecture au ras des pâquerettes).
Mon intérêt s'est un peu ranimé avec Ulysse et les
différentes conceptions du scénario.
J'ai mieux aimé le film de Godard ; les personnages correspondent
assez bien aux personnages du livre, l'histoire est plus ramassée,
les sentiments de Camille basculent brutalement, le matin elle aime Paul,
le soir elle le juge et elle ne l'aime plus. Il a aussi inversé
les interprétations entre le réalisateur et le scénariste.
Il y a de belles images de Bardot.
J'ouvre le livre au quart. Il n'arrive pas à la cheville de La
Storia pour moi.
Peut-être n'avons-nous pas choisi le meilleur ; René de Ceccatty
parle d'Agostino
comme un des meilleurs romans de Moravia.
Jacqueline
Je me suis ennuyée au début à cause du style pesant
du narrateur.
Le livre rend très bien les aspirations du personnage à
un vague idéal, son espèce de naïveté à
croire qu'une bonne explication permettrait enfin de se comprendre.
Ce style me paraît aussi en adéquation avec l'époque
et peut-être aussi convenir à une certaine peinture psychologique
assez datée
Mais quel ennui ! Une vieille tante avait autrefois
manifesté le même devant le film Climats
tiré d'un roman de Maurois, une autre histoire de couple en rupture
Et puis ce narrateur qui rêve d'écrire du théâtre
avec ce style ? J'imagine mal
Le roman a commencé à m'intéresser à partir
du scénario et de l'affrontement des trois points de vue sur la
mise en scène. Celui du narrateur reste d'ailleurs assez nébuleux
dans son idéalisme. Les autres n'ont guère l'air d'attendre
grand-chose de son rôle de scénariste, pourvu qu'il réponde
à leurs calculs
Mais on était dans le monde du cinéma et j'avais hâte
de revoir le film de Godard. J'en avais très peu de souvenirs à
part les statues grecques, figures du destin aux yeux peints comme en
avait parlé, un peu avant, je crois, Jean-Pierre Vernant. J'ai
été très contente de redécouvrir le film,
ses transpositions, son jeu avec le milieu du cinéma, même
si je regrettais de ne pas comprendre l'anglais du producteur. Mais c'était
amusant qu'il devienne américain !
On sort à peine, maintenant, du silence sur les violences sexistes
au cinéma et sur le phénomène d'emprise qui apparaissent
en filigrane dans l'histoire... Y compris dans le livre, qui est bien
aussi une peinture sociologique de son époque.
La dactylo est marquée par sa culture réaliste - faire
plutôt que parler - et s'englue dans ce que la société
attend d'elle : avoir un foyer, être une femme fidèle
Le seul reproche qu'elle arrive à faire à son mari c'est
de "ne pas être un homme", formule bateau qu'elle ne peut
expliciter tant cela lui paraît évident
Lui, à son époque et avec sa bonne volonté, je ne
l'ai pas trouvé si macho que ça ! Il est dépassé
par la situation et se rend seulement compte qu'il n'y comprend rien
Je n'ouvre qu'à moitié à cause de la pesanteur du
style qui m'aurait sans doute arrêtée au début
Claire
Jérémy a dit qu'il n'aimait pas cette collection
GF
: le texte bénéficie d'une introduction étoffée
qui a plein de défauts, divulgâchant largement le livre,
d'une pédanterie pénible ("il pirandellise") ou
d'une grandiloquence cucuchonne (conclusion des 15 pages : "Le
Mépris est le récit de l'ascèse des sentiments
qui conduit à la pure contemplation de la beauté",
pitié !) ; mais elle a une qualité : confirmer une des interprétations
qu'on peut faire du roman, rapportant en effet des propos de Moravia qui
dit que son roman est né d'une forme de désespoir ;
lequel ? "Celui qui
provenait de l'antipathie que j'avais pour moi-même. Je l'ai toujours
eue ; ce n'était pas une nouveauté. Mais maintenant
elle s'accentuait : j'étais contraint à des travaux,
comme celui des scénarios, qu'au fond je détestais. Je voyais
l'argent se glisser partout, jusque dans les rapports conjugaux : moi-même
je me sentais englué dans tout cela."
Sabine, bien que ne l'ayant pas vu..., traite le film de navet et Brigitte
Bardot d'idiote... En découvrant le film, je me disais mais qu'est-ce
que c'est que ça, tout le sel du livre est le monologue intérieur
et là rien, rien, rien de tel, on ne voit que les comportements.
Et une fois le film terminé, j'ai trouvé que c'était
une parfaite interprétation du roman. Bardot est géniale.
Alors que j'ai apprécié l'analyse psychologique, j'ai eu
en lisant un souvenir incertain : les romans psychologiques n'avaient-ils
pas été jugés ringards ou dépassés
? Était-ce peut-être à l'époque préhistorique
du nouveau roman ? Parce que le roman psychologique favorise la projection
et que dans le roman moderne on joue sur la distance ? À ce propos,
j'ai écouté une très-très-trop longue émission
à France Culture (1h20) de dialogue entre Robbe-Grillet et
Moravia, datant de plus de 40 ans (1973), où Robbe-Grillet au fait
de son pouvoir a un ton de condescendance exécrable et Moravia,
mine de rien, dans son parfait français, assure avec adresse la
réplique, le tout sur leur conception du roman.
Suit un échange sur ce que peut être le genre du roman psychologique. Monique consulte wikipédia.
Le roman psychologique se définit par la centration, non pas sur
l'action, mais sur la psychologie des personnages : pensées,
sentiments, motivations, états d'âme, conflits intérieurs,
passions ; mais aussi sur l'évolution des personnages au cours
de l'histoire, en fonction de leurs expériences et des interactions
avec les autres personnages. (Quant au nouveau roman, il a rejeté
l'intrigue, la chronologie, le personnage, la psychologie, la description,
le réalisme, tout quoi...)
- Le Dit
du Genji, écrit au Japon au XIe siècle, est considéré
comme le premier roman psychologique.
- En Occident, les origines du roman psychologique remonteraient à
Fiammetta de Boccace (1344).
- En France, La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette
(1678) serait le premier roman psychologique. Voici des successeurs qui
vont explorer de nouvelles façons de représenter la psychologie
humaine :
- Pamela
de Samuel Richardson (1740)
- Le Rouge et le Noir de Stendhal (1830)
- Les Hauts de Hurlevent, d'Emily Brontë (1847)
- Jane Eyre de Charlotte Brontë (1847)
- Crime et châtiment de Dostoïevski (1866)
- La Métamorphose de Franz Kafka (1915)
- À la recherche du temps perdu de Proust (1913-1927)
- Ulysse de James Joyce (1922)
- Mrs Dalloway de Virginia Woolf (1925)
- L'Étranger de Camus (1942).
Le roman psychologique se caractérise aussi par une utilisation de techniques littéraires qui permettent de représenter la psychologie des personnages : monologue intérieur, flux de conscience, focalisation interne (comme dans Le Mépris).
Des livres cités pendant la séance, en rapport au livre
Le Mépris :
- par Jacqueline : Climats
d'André Maurois, un double échec conjugal...
- par Sabine : La
Jalousie de Robbe-Grillet (en ligne ici),
où tout est raconté du point de vue d'un narrateur
jaloux qui épie sa femme qu'il soupçonne de vouloir le quitter
pour un autre.
- par Claire qui n'ose proposer un roman récent, Si
peu de Marco Lodoli, et cherche des allié.es. Catherine
a presque fini et aime beaucoup. Il faudrait voir si c'est "un-livre-pour-le-groupe-lecture"...
- par Rozenn : La
Grève d'Ayn Rand, 1170 p. que Rozenn a voulu découvrir
car elle est
la romancière préférée de Trump... ; elle
n'a pas tout lu loin de là, mais a été fascinée
par le fait que la romancière vous amène à aimer
ceux que dans la réalité vous considérez comme méchants.
- Thomas a lu les 1170 p. en question, mais plutôt que ce livre
par trop manichéen, il a préféré de cette
auteure La
source vive.
- Rozenn voudrait découvrir la dark
romance. Clarisse constate dans son travail les ravages chez certaines
jeunes. Jérémy confesse qu'il a lu Twilight.
Rebecca, qui fait son master de sociologie en utilisant notre groupe comme "terrain", était présente pour la première fois, et a pu assister à notre séance de ping-pong...
Les
9 cotes d'amour du groupe breton Entre |
Marie-Thé
J'ouvre ce livre juste ¼ pour le côté théâtral,
pour quelques traces de sensualité à peine perceptibles
cependant, et pour une écriture très accessible et claire.
Ce qui n'est pas le cas pour le personnage principal, à savoir
Emilia. Pénible au possible, insupportable, je pèse mes
mots...
Méprisée au début, avec des propos misogynes çà
et là : "J'avais
épousé pour sa beauté une dactylo simple et inculte,
pleine (...) de tous les préjugés et de toutes les aspirations
de la classe dont elle était issue." L'épouse
est devenue au fil des pages de plus en plus méprisante, de plus
en plus méprisable.
"Je ne t'aime plus (...)
par ton caractère tu as tout détruit". Comme
Molteni je ne comprends pas. Emilia aurait-elle été poussée
dans les bras de Battista par son mari, par intérêt ? Est-ce
ce qu'elle pense ? Qu'elle parle ou se taise à la fin. Répétitions
à n'en plus finir, les questions de Ricardo, les "réponses"
d'Emilia, ça tourne en rond. "L'éternité
c'est long, surtout vers la fin." dit Woody Allen. À
la question pourquoi ?, la réponse puérile paraît
se limiter à parce que ! J'ajouterai un côté
pervers, Emilia se sait observée par son mari dans les bras de
Battista et s'en sert contre lui. La lettre laissée à Ricardo
à la fin révèle encore pour moi une forme de cynisme.
Au début, je pensais que le titre s'appliquait à Ricardo,
méprisant envers les gens du peuple, envers ceux qui gravitent
autour du monde du cinéma, metteurs en scène, producteurs,
ou encore Passetti et même la famille de celui-ci...
Je déteste ce genre de livre où j'ai l'impression de devoir
prendre parti.
J'ai été surprise par L'Odyssée vue du côté
de Battista, spectaculaire et poétique (hum !). Stupéfaite
par Rheingold racontant sa version d'Ulysse.
Et en accord avec les mots de Ricardo : "L'Odyssée
réside justement dans cette croyance en la réalité
telle qu'elle est (...) dans cette forme qui ne se laisse ni analyser,
ni décomposer." Entre Homère et Freud, j'ai
ici choisi. À noter tout de même que Ricardo ne tuera pas
le prétendant Battista, mais l'écartera.
Livre accessible à mes yeux, mais méli-mélo quand
même. Après les allusions à Joyce, Dante, etc. pourquoi
ce personnage au nom de Rheingold ? Je ne vois pas, je ne peux que penser
à l'opéra de Wagner, mais que viendrait faire ici L'or
du Rhin ?
Par ailleurs, je note que ce livre est dédié "à
Pénélope et à Circé", nous
serions peut-être à la fois dans l'univers des dieux et des
femmes puissantes...
Questions encore sur l'amour : "J'avais
aimé Emilia sans effort, sans raisonnement" et
: "élan d'Emilia
semblable au mien..." On ne choisit pas, on ne décide
pas d'aimer, on aime tout simplement, l'amour relève du don...
Et j'ajoute : réussir car heureux.
Je remarque encore des réflexions du genre "absence
de pensées", au sujet des secrétaires de
Battista, "pas d'imagination",
pour Emilia, et aussi concernant Rheingold : "ce
visage donnait en somme l'impression qu'il n'y avait rien derrière."
Derrière les apparences, du vide, le mépris de Ricardo...
Enfin, le voyage à deux vitesses entre Rome et Capri (et inversement)
est un peu pour moi à l'image du livre.
Après avoir lu la toute fin avec le fantôme d'Emilia, puis
sa mort, les doutes qui se multiplient et qui risquent de se prolonger
dans le travail d'écriture, j'ai enfin dit ouf !
Annie
J'avais déjà vu le film dont j'avais un souvenir assez précis,
mais j'ai préféré le livre.
Bien que j'aie trouvé le début un peu lent et peut-être
un peu ennuyeux, je me suis vite laissé prendre par l'écriture.
J'ai aimé les rapports amoureux disséqués en fines
lamelles. J'ai essayé de replacer l'histoire dans l'Italie des
années 50 pour mieux comprendre certaines réactions, certaines
paroles, qui nous heurteraient aujourd'hui.
Un homme est follement aimé de sa femme, mais un jour celle-ci
lui avoue que non seulement elle ne l'aime plus, mais qu'en plus elle
le méprise. Lui qui n'a qu'une impression, tout donner à
sa femme, ne comprend pas. Il a renoncé à sa passion pour
le théâtre pour elle et il a acheté un appartement
et une voiture pour la faire vivre décemment. Elle veut de la sécurité,
il veut de l'amour et une forme de reconnaissance de ses sacrifices. J'ai
aimé cette quête du pourquoi du mépris, de son côté
obsessionnel. Plus grand-chose ne compte à part récupérer
Emilia. Est-ce parce qu'il l'a obligée à monter dans la
voiture de Battista alors qu'elle se sentait en danger ? A-t-elle ressenti
qu'elle était sacrifiée au nom d'un contrat qui les ferait
vivre ? L'a-t-il voulu ? En était-il conscient ? J'ai aimé
ces chemins possibles dans l'histoire et finalement laissés libres
à l'appréciation du lecteur.
La comparaison avec Ulysse dans l'Odyssée et l'interprétation
de Rheingold m'ont plu. Ulysse met du temps à rentrer parce qu'il
n'a pas envie de retrouver Pénélope : et pourquoi pas ?
Avec la version psychologique proposée par Rheingold, j'ai compris
qu'il essayait d'attirer l'attention de Ricardo sur sa propre vie de couple
et sur l'infidélité d'Emilia.
J'ai aimé toutes ces hésitations, ces allers et retours
de Ricardo, perdu comme une mouche dans une bouteille, ces fulgurantes
réactions dues à l'amour perdu et au doute. On souffre avec
lui de vouloir trouver des réponses et on souffre avec elle qui
ne se sent pas en sécurité et qui peut-être à
l'époque (mais est-ce bien révolu pour certaines ?) ne cherchait
qu'une chose : être à l'abri dans un foyer avec un homme
qui prend soin d'elle.
J'ai cru au retour d'Emilia à la fin du livre et j'en déduis
que l'auteur a réussi à perdre ses lecteurs dans les méandres
des émotions décrites. Peut-être aurais-je fait mourir
Battista également dans l'accident de voiture
J'ouvre aux ¾.
Brigitte entreet
J'ouvre entre ¾ et en grand
je n'arrive pas à
expliquer pourquoi j'enlève ¼
Pour moi, ce roman que j'ai eu plaisir à lire est le journal intime
de Ricardo, un homme meurtri. Emilia, sa femme s'éloigne, ne communique
plus, sa raison est cinglante et violente : "tu veux la vérité
: eh bien, je te méprise et tu me dégoûtes
!".
Moravia écrivain italien interroge la morale du lecteur et m'entraîne
sur le chemin d'une tragédie disséquant le thème
intemporel des relations conjugales.
L'histoire est simple et met en jeu peu de personnages sous le soleil
de Rome et de Capri. Riccardo, écrivain amoureux de sa femme Emilia
qu'il trouve belle, sensuelle et parfaite femme d'intérieur (!)
a signé avec Battista, producteur de film, son premier engagement
d'écriture d'un scénario. Sans passion pour ce travail,
il veut ce contrat pour pouvoir payer l'appartement dont rêvait
sa femme (la modernité) et pour l'amour de laquelle il s'est endetté.
Mais il me semble qu'il y trouve son compte en tant qu'amant si on en
croit ses confidences sur le "pouvoir" de cet appartement sur
la sensualité de sa femme. Il insiste sur le jeu de séduction
de cette dernière. Relations ambiguës dans le couple quand
il la dépeint comme vénale, assurant que c'est au donateur
qu'elle se livre et non au mari.
Nous sommes dans les années 50 en Italie. Le pays sort d'un régime
fasciste de l'après-guerre et se redresse avec un développement
industriel (dans le roman : l'appartement et la voiture) mais aussi
culturel (dans le roman : le cinéma). J'ai noté que
Riccardo a pris la carte du parti communiste italien en cachette de sa
femme (information livrée sans développement dans le roman).
Il n'est pas à l'aise dans cette modernité. Mais est-ce
important dans l'histoire ? On peut supposer que l'acquisition de
l'appartement et de la voiture (deux crédits) sont à l'encontre
de ses idées, mais l'amour et surtout le désir de sa femme
suffisent à mettre de côté ses convictions politiques.
Moravia parle-t-il alors de lui ?
Je lis ce roman non seulement comme un journal intime (début du
roman) mais comme une "enquête" du narrateur, Ricardo,
pour trouver une explication à la fin tragique de sa relation de
couple et à la mort certes accidentelle de son épouse. Épouse
aimante (?) qu'il a déjà "perdue" avant sa mort
Minutieuse reconstitution digne d'un scénariste : avec force
de détails, sont décrits les lieux, les personnages, les
atmosphères.
Ricardo souffre : "À
l'instar de quiconque s'aperçoit subitement qu'il est suspendu
au-dessus d'un abîme, j'éprouvais une sorte de nausée
douloureuse à la pensée que notre intimité était
devenue sans raison éloignement, absence, séparation."
Emilia l'avait fait tant souffrir nous confie-t-il
? Et elle
il y pense ? Souffre-t-elle ? Pourquoi laisse-t-elle penser
qu'elle s'en moque ? Les raisons
il les cherche. Elle lui dit :
"Que veux-tu ?
C'est la vie
". Phrase qui pourrait être une
banalité, mais qui renforce le mal-être de son mari.
Je pense rapidement en avançant dans ma lecture que pour Ricardo,
l'écriture serait une psychanalyse, une thérapie, ultime
tentative pour tenter de retrouver la paix et survivre ? La dernière
phrase du roman me livre la réponse : "Je
décidai d'écrire ces souvenirs avec l'espoir de la retrouver
ainsi dans la paix."
Le mépris s'exerce dans le silence puis, allant crescendo, il lance
le couple dans une joute verbale à la limite de la violence physique.
En parallèle, l'auteur donne plus de poids à la détresse
du mari qu'au désamour de l'épouse en s'appuyant (dans la
deuxième partie du livre) sur le funeste mythe d'Ulysse qui peut
conduire à la mort. Ricardo serait Ulysse et Emilia serait Pénélope ?
Ce n'est pas un hasard. Au lecteur de chercher le lien. "Le
mythe d'Ulysse préfigure l'histoire d'un certain type d'homme",
écrit Moravia p. 141.
"L'histoire d'Ulysse
est aussi celle de ses rapports avec sa femme" p. 143.
Ulysse tarde à revenir auprès de Pénélope
et il sait qu'il doit la reconquérir. La seule façon pour
lui est de tuer ses prétendants comme Ricardo voudrait supprimer
Battista qui cherche à séduire Emilia ? Elle semble
se laisser prendre au jeu, mais l'écrivain laisse le lecteur imaginer
Je me demande pour finir si le mari veut vraiment la reconquérir ?
Je trouve que Ricardo se montre misogyne. Ne se sert-il pas de sa belle
épouse pour plaire au producteur et avoir un contrat financièrement
fructueux ?
En écrivant mon avis, je me surprends à penser que ce pourrait
être une histoire vraie et que les personnages ont réellement
existé
Moravia est habile.
J'ai regardé avec plaisir le film de Godard avant de lire le roman.
La voix monocorde de Brigitte Bardot résonne avec justesse tout
au long du film. Elle est belle et sensuelle, mystérieuse. Michel
Piccoli est convaincant dans son rôle de mari meurtri, à
la fois aimant, malheureux, misogyne et pris au piège d'un dédale
dont il ne peut sauver sa femme.
Marie-Odile entreet
Pour moi, c'est un texte énigmatique avant tout.
Énigme du personnage d'Emilia dont on ne perce pas le mystère.
L'explication supposée par Ricardo est-elle la bonne ? D'ailleurs,
une explication est-elle possible ? Sait-elle elle-même ce
qui se passe ? Le désamour, comme l'amour, relève de
l'irrationnel et les tentatives de compréhension de Ricardo (et
les nôtres) sont de toute façon vouées à l'échec.
J'ai trouvé l'atmosphère très pesante, le narrateur
est toujours sous tension et bien que le texte soit très simple,
la lecture en a été fatigante. Cependant je comprends le
narrateur quand il dit que tous ses choix sont/étaient déterminés
par son amour qui valide tout.
J'aime bien l'intertextualité et elle vient ici aérer un
peu la deuxième partie du récit. Je me suis demandé,
concernant la genèse de l'uvre, si Moravia était parti
de l'Odyssée pour écrire son roman ou bien s'il a
commencé son récit pour l'éclairer ensuite des textes
d'Homère, Joyce, Dante. Non, je crois qu'il savait où il
allait, contrairement au narrateur pour qui l'Odyssée devient
une sorte de miroir de son vécu. Quoi qu'il en soit, la démarche
est à la fois intéressante et prétentieuse.
Ricardo dit que l'Ulysse de Dante est celui qu'il aurait voulu camper
et de citer le passage où Ulysse raconte sa propre fin et celle
de ses compagnons (p. 218-219).
Or, certains passages du chant d'Ulysse dans l'Enfer iraient plutôt
dans le sens du metteur en scène : "Quand
je quittai Circé, qui me retint caché plus d'un an (...)
ni la douce pensée de mon fils, ni la piété envers
mon vieux père, ni l'amour qui devait être la joie de Pénélope,
ne purent vaincre en moi l'ardeur d'acquérir la connaissance du
monde et des vices des hommes et de leurs vertus." Et
Ulysse d'inciter ses compagnons à poursuivre sa route vers l'inconnu...
En ce qui concerne les réflexions sur le travail du scénariste,
je pense que Moravia en réfère à son expérience
personnelle et par-delà pose la question de la création,
de l'argent, de la relation scénariste-producteur-metteur en scène.
Bon... Ça m'a laissée plutôt indifférente.
De belles évocations de Capri dans la deuxième partie. Oui.
Un roman des années 50 que je ne méprise pas, mais qui ne
m'a pas séduite. J'ouvre ¼, ½ ?
Chantal
J'ai lu ce livre, en entier : une lecture facile. Ce livre ne m'a rien
apporté, ne m'a rien appris, ne m'a jamais touchée... Rien
!
Au tout début, les deux personnages m'ont inspiré un peu
de sympathie, puis ils m'ont agacée.
L'écriture est simple, sans originalité, très, trop,
répétitive : répétition des situations
(j'écris des scénarios, j'y vais, j'y vais pas ? J'accepte,
je refuse ?) ; répétition des descriptions des paysages
(Capri, la villa, son petit sentier en pente, ses arbres ses rochers...)
; répétition des descriptions des personnages avec toujours
les mêmes détails... Finalement banalité de l'écriture,
ou alors écriture "datée".
Et la fin, mon dieu la fin ! Émilie qui meurt du coup de lapin
!? Bon, il fallait bien en finir...
Le seul passage qui m'a plu, et intéressée, c'est le passage
avec le réalisateur allemand Rheingold qui voit le futur film L'odyssée
comme une situation parallèle à la situation que vit Ricardo
: Ulysse qui va faire la guerre, non par envie, mais pour fuir le mépris
de Pénélope. Qui retarde autant qu'il peut son retour pour
la même raison ! Analyse fine et plausible (pourquoi pas ?) qui
m'a amusée.
Le côté hallucinatoire de la scène de fin... bof :
spectaculaire pour le cinéma certes, mais dans ce roman..., non.
Voilà, je l'ouvre ¼... pour Rheingold (je n'avais pas pensé
comme Marie-Thé à l'Or du Rhin... trop ignare sans doute).
Destination du livre : la boîte.
Édith
J'ai apprécié ce choix de roman et, tout de suite, ayant
vu le film dès sa sortie, je me suis attachée au long de
ma lecture à retrouver le scénario du film. J'ai tout oublié
du film, sauf la première scène... Je vais essayer de revoir
le film.
J'ai apprécié le texte, la fluidité du récit,
l'analyse des subtils glissements et retournements de Ricardo, et souvent
sa foi en un revirement espéré de sa jeune femme Emilia
: il est lui-même jeune marié très amoureux et très
confiant dans la réciprocité des sentiments. Première
page : "Plus on est heureux et moins on prête attention
à son bonheur. Cela pourra sembler étrange, mais au cours
de ces deux années j'eus même parfois l'impression que je
m'ennuyais (...). En aimant ma femme et en étant aimé d'elle
(
) cet amour me semblait un fait commun, normal". Deux
pages plus loin : "Battista a raison, allons, va avec lui, je
prends un taxi." ; plus loin Ricardo voit le visage contrarié
sinon inquiet d'Emilia et n'en prend pas la mesure.
Tout est dit. Reste la construction de l'auteur. Magistrale.
Ricardo a sacrifié son désir de créateur de théâtre
pour satisfaire sa femme en lui achetant un appartement, trame simple
suivie de comment payer les traites. (Ce livre paru en 1954 en Italie
correspond à la fin de guerre et du fascisme italien, pays soumis
à une très grave crise du logement et traversant un très
grave problème de misère sociale, d'appauvrissement des
classes populaires, les plus nombreuses). Je fus amateure du cinéma
réaliste italien des années 50.
Le personnage de Ricardo, tant par son mental - sinon sa psychologie -
que par ses conduites sociales, est analysé très finement
avec une profusion de détails des mouvements de l'âme. J'ai
tout au long du récit aimé cela. J'apprécie toujours
ce gente de roman : j'ai aimé lire Proust, Laure
Murat et bien d'autres auteurs, parmi les nombreux autres livres qui
explorent les mouvements de l'âme.
Ainsi le thème de la "méprise" - titre du livre
"le Mépris"
- est ce qui construit le roman.
Méprise : c'est pour moi se méprendre, se tromper d'analyse.
Si le silence suit cette situation, même brève, la distance
s'installe et tout devient rancune, colère et fantasmes entre les
protagonistes. Le mépris engendre la fin du désir amoureux
?
Emilia rentre dans un silence docile et inquiétant pour Ricardo,
après vraisemblablement un geste que n'a pas fait son mari, espéré
mais non-dit d'Emilia : c'est l'épisode de l'invitation insistante
de Battista à monter en voiture, Battista que l'on devine très
tôt comme séducteur. Il y a eu "méprise"
dans le couple. Ricardo par malchance tarde à arriver. Le doute
s'installe, les non-dits aussi, plus rien n'est important pour Ricardo
que son désir de comprendre le désamour soudain donc brutal,
de son amoureuse.
Le péplum, souhait du producteur, vraie machine hollywoodienne,
n'est là que pour traduire les hésitations et les échanges
entre les deux scénaristes. Analogie des situations entre Ricardo
éconduit et Pénélope infidèle fourni par les
dialogues ? Ça m'a plu.
Roman fascinant par la justesse des analyses : j'irai presque à
écrire que je reconnais chacun de ces mouvements éprouvés
- au moment d'une rupture amoureuse - le lecteur pourrait s'y
projeter : pour moi ça marche !
Le problème "envahissant" de Ricardo, presque désespéré
de ne pouvoir atteindre ni même toucher sa femme, s'écrit
dans le récit de la promenade en barque. C'est très bref
et émouvant que ce retour en grâce (halluciné) - j'y
ai cru : récit réaliste que j'ai apprécié.
Le retour à l'appartement vide fait écho à la première
page du roman. Une boucle est construite. Ricardo peut créer, il
est libéré mais douloureux.
Ce roman pourrait être soit une tragédie antique, un destin
fatal, ou un "roman rose" ? La force de l'écriture de
Moravia en fait une histoire de désamour tragique.
Pour cette histoire d'amour simplète, banale, traitée magistralement
par l'auteur Moravia, j'ouvre en grand.
Après le visionnage du film à nouveau, j'ai préféré
le livre et ses méandres amoureuses, mais l'adaptation en images
d'un roman si intime par Godard, est une prouesse.
Philippe
Le Mépris est pour moi un roman extrêmement daté
: les années 50, l'Italie post-fasciste et l'immédiate après-guerre.
Je ressens la dimension autobiographique de l'uvre et imagine l'influence
du puissant parti communiste de l'époque (Moravia sera député
européen apparenté communiste). Ce n'est pas par hasard
si Moravia situe son roman dans le milieu du cinéma qu'il connaît.
Je n'ai pas souhaité revoir le film de Godard pour ne pas être
influencé dans mon analyse du roman.
Ricardo n'est pas que amoureux de sa jeune épouse Emilia, il a
un ressentiment, une rancur contre "une
société (...) qui laisse végéter les meilleurs
de ses fils et protège les pires." À 27
ans, il est déjà aigri, pourtant il a une haute estime de
lui-même : "Le
sort ne l'avait pas favorisé autant qu'il le méritait."
Riccardo est opportuniste, arriviste et surtout manipulateur. Pour obtenir
le travail de scénariste par le producteur Battista, il jette Emilia
dans les bras du séducteur Battista (interprétation post
#MeToo du prédateur Battista). Riccardo est parfaitement conscient
du mécanisme enclenché. "Je
me rendis compte que Battista avait su transformer l'aversion que Emilia
avait pour lui en un sentiment de presque sympathie."
Son épouse n'est pas dupe des agissements de son mari, qui l'a
manipulée pour arriver à ses fins. Emilia se réfugie
d'abord dans le silence, et finit par lui dire qu'elle le méprise.
Elle le méprise pour ses bas instincts, le mot est fort et bien
au-delà du désamour.
Ricardo se justifie bien mollement : "La
dépendance forcée de l'homme pauvre vis à vis du
riche, c'est à dire l'impossibilité pour le pauvre d'être
un homme." Il a bien sûr des remords, la situation
lui échappe, mais c'est trop tard. "Si
vous entendez comme preuve de civilisation qu'un homme tienne la chandelle
au séducteur de sa femme (...) je suis et je me sens un barbare."
La première partie du roman avec la mise en place de l'intrigue
m'a paru bien longue. La seconde partie est bien plus intéressante
et agréable pour les images mentales de Capri. Les deux derniers
chapitres sont inattendus. Dans un délire hallucinatoire, Riccardo
voit sa femme se rapprocher de lui sur le bateau. "La
force du sentiment qui m'animait, m'avait donné l'illusion de la
réalité." Cet épisode a lieu au moment
même où Emilia perdait la vie dans un accident de la route.
J'ai apprécié cette fin mélodramatique pour moi inattendue,
qui me fait garder l'ouvrage ouvert aux ¾.
Je reverrai volontiers le film pour les paysages de Capri et le soleil
qui nous manque parfois un peu.
Cindy
Je ferme le livre.
J'ai toujours aimé le film vu régulièrement avec
plaisir. Pour moi un des meilleurs films de Godard. Pour l'Histoire, l'esthétique
du film, cadre exceptionnel sans oublier la musique de Georges Delerue
et les acteurs formidables et inoubliables.
Comme dans le livre, sont abordés les rapports complexes à
l'argent et à la difficulté pour les auteurs à travailler
conformément à leurs désirs artistiques.
Lire le livre a d'abord été une curiosité pour retrouver
les belles images, l'histoire du film ; mais immédiatement dans
les premières pages, j'ai été surprise, perdue dans
cette histoire de couple. Et je me suis ennuyée au point d'en arrêter
la lecture. Quelques jours après, j'ai poursuivi pour le club !
Il n'y a pas matière à comparaison. J'ai trouvé le
ton pompeux, alambiqué, excessif, avec de nombreuses répétitions.
Je me suis sentie comme gênée par l'intimité du couple
de leurs jeux entre "je t'aime, je t'aime plus", "j'écris
le scénario, je ne l'écris pas". J'ai poursuivi la
lecture à côté de l'histoire avec Moravia qui nous
propose une enquête qui mène le narrateur à vouloir
comprendre avec acharnement les raisons du mépris que lui voue
sa femme, autrefois amoureuse : "devant
la persistance de cette aversion et d'indignité qu'éveillait
en moi un travail d'abord désiré, je ne pus m'empêcher
(...) de la relier à mes soucis conjugaux" (p.
64)
Le mépris, d'accord. Mais mépris de tous les personnages.
Sauf de celui d'Emilia, qui finalement ne comprend pas cet acharnement
qu'on lui fait subir. Le narrateur trouvera une réponse trop tard
L'accident et le destin malheureux d'Emilia en sera une triste illustration.
J'ai quand même terminé le livre en le parcourant vite, sautant
des pages pour arriver à une lecture plus studieuse en seconde
partie qui est la plus intéressante, avec la hâte d'arriver
à la fin à l'accident de voiture.
¼ de satisfaction pour trois raisons :
- les descriptions des paysages (connaissant le lieu pour l'avoir visité,
ainsi que pour la balade en bateau dans la grotte)
- les références à la mythologie grecque, de l'interprétation
psychologique particulière tout en ajoutant des critiques
- le tout mis en relation avec l'histoire d'amour dégradée
du narrateur avec Emilia :
"Pénélope
méprise son époux parce qu'il n'a pas agi en homme, en mari
et en roi contre l'importunité des Prétendants
(...) ce mépris provoque le départ d'Ulysse pour la guerre
de Troie. (...)
Ulysse sachant qu'il va retrouver chez lui une femme qui le méprise,
retarde inconsciemment et tant qu'il le peut son retour. (...)
Pour reconquérir l'estime et l'amour de Pénélope,
Ulysse donne la mort aux Prétendants."
Pour finir, je me suis ennuyée et heureusement Capri n'est pas
fini, j'y reviendrai pour revoir ses beaux paysages mais avec un autre
livre de Moravia !
DES
INFOS AUTOUR DU LIVRE Le roman : de nombreuses éditions Le film À propos d'Alberto Moravia Livres traduits en français |
Le roman : de nombreuses éditions | |||
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Le film | |||
Une diversité d'affiches : | |||
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Pour visionner le film : en vod 3,99€ >sur lacinetek | |||
L'image culte : |
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![]() Le film a été tourné dans la Villa Malaparte. Nous avions lu La peau de cet auteur... |
Godard, Brigitte Bardot et le Mépris :
- Ne manquez pas le récit de la rencontre de Bardot et de Godard
et du tournage du film : "Avec
Godard, dans la peau d'une autre", Samuel Blumenfeld, Le Monde,
14 août 2021.
- Voir aussi un "entretien
avec Godard" sur Le mépris, par Yvonne Baby, Le
Monde, 20 décembre 1963.
- Le manuscrit
autographe du Mépris, ayant appartenu à Brigitte
Bardot, est vendu pour plus de 300 000 euros en 2022, moins d'un mois
après la mort de Godard : il s'agit du manuscrit complet de la
première version du film, sans les scènes de nu imposées
au réalisateur par la production américaine du film, et
notamment la légendaire scène d'ouverture, entre Michel
Piccoli et Brigitte Bardot.
Il est constitué de 59 pages à l'encre bleue et de 24 pages
dactylographiées, dont un grand nombre annotées et corrigées
de la main de Jean-Luc Godard. Il contient aussi une note d'Alberto Moravia
et des notes des interprètes du film : Brigitte Bardot, Michel
Piccoli, Jack Palance et le réalisateur Fritz Lang, qui apparaît
dans son propre rôle.
C'est la seule version manuscrite connue du scénario de ce film
sorti en 1963, qui a appartenu à Brigitte Bardot, avant qu'elle
ne la cède à son ami photographe Ghislain Dussart, dit Jicky.
Nota bene : a été édité en version de luxe
par les
éditions Les Saints Pères.
- "Nul mieux que Godard",
un article sur Le Mépris d'Alain
Bergala qui a été rédacteur en chef et directeur
de collections aux Cahiers du cinéma, connu notamment
comme spécialiste de luvre de Jean-Luc Godard dont
il a été léditeur pour les deux tomes de Godard
par Godard et l'auteur de Godard
au travail et Nul
mieux que Godard (1999). Écoutons-le
également >ici
à propos du Mépris.
- Un article universitaire récent : Vérité
et récit dans Le Mépris de Jean-Luc Godard,
Elsa Grasso, Cahiers de Narratologie, n° 32, 2017.
Roman puis film dans Le Monde : pas facile, 70 ans après,
de trouver des articles dans la grande presse, en réaction à
la publication du livre en 1955 et la sortie du film en 1963. Dans l'archéologie
des bibliothèques, voici par Messieurs les critiques du Monde
d'alors :
- "Le Mépris
de M. Alberto Moravia", Robert Coiplet, Le Monde, 17 septembre
1955
- "Le Mépris"
de Godard, par Jean de Baroncelli, Le Monde, 23 décembre
1963.
À propos d'Alberto Moravia
Alberto Moravia et son chien dans les années 1960 © Photo
by Marisa Rastellini/Mondadori
Pour découvrir le parcours de journaliste, écrivain,
homme politique, de Moravia, on a :
- La chronologie terminant le livre
de poche Le Mépris
- Une émission de France Culture : "Alberto Moravia (1907-1990),
l'équilibriste", Toute
une vie, 17 septembre 2022, 58 min
- Si on veut approfondir, une biographie de René de Ceccatty, qu'on
entend dans cette émission et qui était venu dans notre
groupe en janvier 2023 pour
Hayashi ; il est spécialiste et ami de Moravia, à qui
il consacre une biographie ; il est aussi auteur d'une biographie de sa
femme Elsa Morante dont nous avons lu cet été La
Storia et de leur ami Pasolini (Pasolini,
Gallimard, 2005 ; Alberto
Moravia, Flammarion, 2010 ; Elsa
Morante, une vie pour la littérature, Tallandier, 2018).
Plus simple à lire : son article panoramique, "La
mort d'Alberto Moravia : un grand témoin des murs du
siècle", Le Monde, 28 septembre 1990.
- Un "entretien
avec Alberto Moravia", par Jean-Noël Schifano, Le Monde,
5 juillet 1985.
Ses livres
Il a écrit des romans, de nombreuses nouvelles, des essais, des
pièces de théâtre, des carnets de voyage. De très
nombreuses uvres ont été adaptées au cinéma.
Voici la liste de ses romans traduits et de quelques autres ouvrages disponibles
; nombre de ses livres sont épuisés.
Chez Flammarion et Gallimard :
- Les
Indifférents (1929)
- Hiver de malade (1930), épuisé
- Les Ambitions déçues (1935), épuisé
- L'Amant malheureux (1943), épuisé
- L'Épidémie (1944), épuisé
- Agostino
(1944)
- La
Belle Romaine (1947), épuisé
- La
Désobéissance (1948)
- L'Amour
conjugal (1949)
- Le
Quadrille des masques (1950)
- Le
Conformiste (1951)
- Le
Mépris (1954)
- La
Ciociara (1957), épuisé
- L'Ennui
(1960)
- L'Automate
(1962), épuisé
- L'Homme
(1965), épuisé
- L'Attention
(1966), épuisé
- Une
chose est une chose (1967), épuisé
- Moi
et lui (1971), épuisé
- Une
autre vie (1974), épuisé
- Désidéria
(1979), épuisé
- Bof !
(1982), épuisé
- 1934
(1983), épuisé
- L'Homme qui regarde (1986), épuisé
- Le
Voyage à Rome (1989), épuisé
- La
Femme-léopard (1991), épuisé
- Les
Deux Amis (2007, posthume), épuisé
Chez Arléa :
- Une
certaine idée de lInde (1961)
- Lettres du Sahara
(1981)
- Promenades africaines
(1987)
Chez Bouquins :
- Romans
(Agostino Les Indifférents Le Mépris
L'Amour conjugal L'homme qui regarde La Femme léopard),
épuisé
- L'Immortel
(2023, posthume)
- Quand
tu viendras je serai presque heureux : lettres à Elsa Morante
(2023, posthume)
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
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