Extrait de
L'Express (2016) dans un article sur Envoyée
spéciale
Affiche de l'exposition à la BPI
Quatrième de couverture :
"Constance étant oisive, on va lui trouver
de quoi soccuper. Des bords de Seine aux rives de la mer Jaune,
en passant par les fins fonds de la Creuse, rien ne devrait lempêcher
daccomplir sa mission. Seul problème : le personnel chargé
de son encadrement nest pas toujours très bien organisé."
Lecture d'Envoyée spéciale
par Éric Ruf ICI
Quatrième de couverture :
"Ravel fut grand comme un jockey, donc comme Faulkner.
Son corps était si léger qu'en 1914, désireux de
s'engager, il tenta de persuader les autorités militaires qu'un
pareil poids serait justement idéal pour l'aviation. Cette incorporation
lui fut refusée, d'ailleurs on l'exempta de toute obligation mais,
comme il insistait, on l'affecta sans rire à la conduite des poids
lourds. C'est ainsi qu'on put voir un jour, descendant les Champs-Elysées,
un énorme camion militaire contenant une petite forme en capote
bleue trop grande agrippée tant bien que mal à un volant
trop gros.
J.E.
Ce roman retrace les dix dernières années
de la vie du compositeur français Maurice Ravel (1875-1937)"
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Jean Échenoz
Envoyée spéciale
Nous avons lu ce livre en janvier
2018. Nous avions lu :
- Cherokee
en 1990
- Je
m'en vais en 2000
-
Ravel
en 2006, lu par le nouveau groupe parisien
en 2018.
Une exposition nous a décidés
à programmer un 4e livre d'Echenoz...
DOCUMENTATION
en
bas de page sur
l'uvre de Jean Echenoz et l'exposition qui lui est consacrée
Marie-Odile (du groupe breton)
Il s'agit pour moi d'une première lecture de Jean Echenoz dont
le nom a pourtant souvent chatouillé mes oreilles. Je dois avouer
que ce roman ludique, parodique, satirique, humoristique, (caractéristiques
plutôt rares dans notre répertoire) m'a fait passer un moment
plutôt agréable. Tout y est assez drôle : les
personnages, les comportements inattendus, les situations, les évocations
du métro, de la Creuse ou de la Corée, le tableau instructif
de la DMZ, les interventions du narrateur faussement surpris par les fantaisies
de son propre récit, le style enfin. Et on a le sentiment, mais
on peut se tromper, que le plaisir de lire est à la mesure du plaisir
d'écrire de Jean Echenoz qui, mais on peut encore se tromper, ne
se prend pas au sérieux. En effet, on pourrait lui poser la même
question qu'à Gérard Delplanque p. 190 :
"Hommage ou parodie ?...
Ni l'un ni l'autre évidemment" ou à Pierre
Michon p. 238 "Le
style, je veux dire cette manière si singulière qui est
la vôtre, provoque-t-il le propos ou en est-il la conséquence ?"...
Mais comme précise la suite "c'est
peut-être un peu plus compliqué". Compliqué
donc.
Quoi qu'il en soit, je rends grâce à cet auteur d'avoir créé
le seul (du moins à ma connaissance de modeste lectrice) personnage
de roman portant l'improbable et désuet prénom de Marie-Odile.
Il m'a bien sûr été difficile de m'identifier à
cette homonymique jeune coiffeuse tatouée aux allures de harpie,
mais on peut aisément supposer que ce n'était pas là
le but recherché par l'auteur. Par ailleurs, l'action m'a semblé
gagner sérieusement en intensité croissante et jamais démentie
par la suite à partir du moment où le projectile de Clément
Pognel lui a perforé le crâne via l'il droit. Pas de
regret donc.
J'ai apprécié certaines expressions inattendues, "l'autoroute
de structure autiste", "le
principe de culpabilité par ascendance, descendance et association",
me suis réjouie de rencontrer "l'esperluette"
dont j'ai honte de dire que j'ignorais le nom, le curieux verbe "obérer"
inconnu de moi itou, les zeugmas du genre "il
se remettra à fumer ainsi que de ses désillusions"
mais me suis un peu agacée de certaines structures qui m'ont rappelé
de lointaines phrases latines en attente d'inévitables analyses
grammaticales. Ex : "On
n'a pas de femmes, se sont-ils débinés, qui commençaient
à fatiguer" ou "s'intéressant
aux artistes y statufiées." (Y représentant
le parc Monceau précédemment mentionné dans le texte).
Bref le plaisir l'emportant malgré tout sur l'agacement dans une
proportion très proche des 75%, il me semble convenable d'ouvrir
ce roman aux ¾.
Marie-Thé (du groupe breton)
Je suis encore en chemin dans ce parcours d'Envoyée spéciale,
et pourtant, besoin de "débriefer"...
J'aime ce livre, drôle, qui pour moi ne ressemble à aucun
autre, si bien écrit ; j'aime les descriptions des personnages,
des lieux, des situations : justesse souvent et humour.
Situations incroyables, rocambolesques, et à part Constance, là
où je suis rendue, pas un pour sauver l'autre. De Lou Tausk alias
Louis-Charles Coste à Hubert en passant par le général
ou Objat, ou tous ceux qui gravitent autour d'eux.
J'ai aimé la prison en plein air, sous le tilleul, dans la Creuse,
bucolique et pittoresque, et même le piano recyclé m'a amusée,
les leurres aussi pour mieux embrouiller Constance.
On sent l'espionnage dans ces lieux reculés où l'aventure
ne fait que commencer.
Et pourtant, ce livre m'a beaucoup ennuyée au début ;
déroutant, il me tombait des mains, pas du tout "mon genre",
j'ai failli laisser tomber. Je ressens encore l'atmosphère du bureau
vieillot du général et d'Objat, là où tout
se trame. Échanges savoureux, sens du détail... finesse
de l'écriture, dès les premières lignes.
C'est encouragée par Yolaine qui l'avait lu jusqu'au bout que je
me suis remise en route : importance du groupe... A présent, je
suis beaucoup plus à l'est, à suivre... Avant d'arriver
"au bout", j'ai envie de faire un tour dans l'univers de Thoreau
l'oublié dont le
nom est mentionné p. 73.
J'ouvre ce livre aux ¾.
Catherine entreet
Je vous envoie de Thaïlande un
peu de soleil et de chaleur, ainsi que mon avis sur Envoyée
spéciale. Il sera bref car j'ai lu ce livre il y a plusieurs
mois et ne l'ai pas emporté avec moi.
Je l'ai lu très vite, en quelques jours, en me laissant porter
par cette histoire d'espionnage improbable, que j'ai trouvée très
drôle, en particulier l'épopée nord-coréenne.
L'ensemble est bien très conçu, très visuel, avec
des rebondissements inattendus, des personnages loufoques et décalés ;
on imagine très bien qu'il puisse constituer le scénario
d'un film. J'ai le souvenir d'un exercice de style très réussi,
mais qui m'a cependant laissée sur ma faim. C'est drôle,
brillant, mais ne restera sans doute pas très longtemps dans ma
mémoire. Ce n'est pas le livre d'Echenoz que je préfère.
J'avais été beaucoup plus intéressée par Ravel
par exemple. Je l'ouvre entre ½ et ¾.
Fanny(avis
transmis)
J'ai d'emblée été saisie par le rythme de ce roman,
c'est d'ailleurs ce qui a permis qu'il me tienne en haleine jusqu'au bout.
Je salue également la construction extrêmement élaborée.
Mais justement trop élaborée à mon goût. Pour
moi ce roman repose essentiellement sur cet effort de construction, sans
elle je pense que l'ennui m'aurait rapidement saisie.
Ce roman est très (trop ?) cérébral à
mon goût. Et je crois que j'aurais préféré
un style parfois plus métaphorique ou poétique.
J'en ai malgré tout apprécié la lecture comme une
expérience nouvelle, mais c'est justement situer ma lecture plus
sur le registre de la pensée que sur celui des émotions.
J'ai tout de même aimé l'humour qui parcourt l'ensemble du
roman.
Quant au contenu en lui-même, je me suis parfois perdue dans les
allers-retours et chassés-croisés entre tous les personnages.
Je trouve également qu'Echenoz a voulu brasser trop de thèmes
différents : les relations de couple (je reconnais que les
scènes sont parfois truculentes), la famille, les copines, une
certaine peinture sociale à travers le portrait de protagonistes
issus de milieux très variés
cela aurait peut-être
suffi. La Corée du Nord en plus, j'ai trouvé que cela venait
en trop et que c'était dissonant par rapport au tableau général
qu'il dépeint dans la première partie.
J'ouvre à moitié.
Rozenn(avis
transmis)
J'aurais bien voulu venir échanger avec vous sur Echenoz car je
suis très perplexe sur ce livre, avec le vague souvenir d'avoir
déjà ressenti quelque chose comme ça avec cet auteur.
J'ai commencé le livre avec un immense plaisir, je me régalais :
je surlignais des phrases, des passages qui me ravissaient pour pouvoir
les échanger avec vous : des adresses au lecteur (Sterne,
Diderot
), quelle légèreté, quelle distance,
et je riais toute seule sur mon canapé ce qui surprenait
mon entourage.
Jusqu'à la fin de la première partie. J'étais pourtant
contente de partir en Corée. Et puis là l'ennui, je me suis
exaspérée, j'ai piqué du nez sur ma liseuse, ce qui
n'étonnait plus l'entourage
plus aucun passage ne m'interpellait.
Non mais, cet auteur se fout de son lecteur : ça me paraît
désordonné, bâclé.
Sauf la toute fin : j'aime l'idée de reprendre tranquillement
sa petite vie là où on l'a laissée
:)))
J'aurais voulu avoir le temps de relire cette deuxième partie,
est-ce ma lecture qui a provoqué cette déception ?
J'attends avec impatience vos avis !
Manuel
Je me suis régalé au début.
J'ai beaucoup ri. La description du cimetière entre autres. Ensuite
je me suis ennuyé. C'est devenu navrant et lourdingue. Est-ce qu'il
se moque de nous ? Son essai de parodie est raté. La parodie
marche au cinéma (les films de Pierre Richard, OSS117) mais
pas en roman. J'aime Echenoz en général : Je
m'en vais, Cherokee, Ravel.
J'ouvre à moitié.
Ah oui, Henri n'est pas venu parce qu'il n'aime pas Echenoz.
Séverine
On peut donc dire pour Henri qu'il n'a pas ouvert le livre...=>
Henri
Sabine
(de Nîmes, une ancienne, des débuts du groupe, pilier pendant
10 ans, exceptionnellement présente)
Ma lecture a été parasitée par une analyse spontanée
des procédés stylistiques. L'adresse aux lecteurs m'a intéressée.
Plus cela allait, plus j'avais envie de continuer. On reste certes dans
la fabrique d'écriture et de lecture. Le maître-mot, c'est
le décalage : décalage entre les différentes
voix narratives, les différents registres, les différentes
tonalités. J'ai bien aimé les saillies, l'humour, des choses
qui n'ont rien à voir avec ce qui se passe et qui m'ont fait rire,
par exemple quand apprenant qu'une rançon est demandée pour
sa femme enlevée, Tausk se coupe les ongles. L'idée c'est
de brouiller les limites. J'ouvre aux trois quarts.
Jacqueline
J'ai besoin d'une définition du narrateur dont on dit toujours
ici que nul n'entre s'il confond narrateur et auteur... Pour moi le narrateur
c'est le je qui parle.
Brouhaha des pédantes sur le narrateur omniscient et compagnie...
Jacqueline
La position du narrateur m'horripile dans ce livre. Et puis j'aime m'identifier
à quelque chose, à quelqu'un et là, impossible. On
voudrait que le lecteur soit complice et je ne le suis pas. Il n'y a pas
de fond. J'ai commencé à rire p. 116 et je me suis amusée
en Corée. J'ouvre un quart.
Au fait, je ne me souviens plus... qui a proposé le livre ?
C'est le 4e Echenoz qu'on programme et je trouve que ça fait beaucoup...
Claire
Le nouveau groupe a souhaité programmer un Echenoz, Ravel,
que nous avions lu. Et comme il y avait une expo qui lui était
consacrée, on a été partants pour un autre Echenoz,
d'autant que certains, parmi nous, soit n'en avaient pas lu, soit étaient
partants pour lire son dernier.
Séverine
Je m'attendais à quelque chose d'ardu : c'est léger, drôle.
J'ai apprécié lorsqu'il s'adresse aux lecteurs. Je ne me
suis pas pris la tête. Il y a des atmosphères qui m'ont fait
penser à Vernon
Subutex. C'est peut-être trop léger et il risque
de ne rien rester. Mais c'est distrayant ! Je l'ouvre trois quarts.
Claire
J'étais très contente de lire un Echenoz dont j'ai trouvé
une dizaine de livres dans ma bibliothèque, car je gardais de bons
souvenirs, mais vagues. En l'ouvrant, immédiatement, je ressens
une attention, une attention aux mots que crée le livre, car tout
est ciselé. Au bout de 50 pages j'étais lassée. L'impression
qu'il n'y a rien à se mettre sous la dent qu'un jeu formel. J'étais
cet après-midi à Beaubourg, où il y a eu deux interventions
brillantes sur ce livre, qui m'ont confortée dans mon avis, car
ce qui est souligné et décortiqué, c'est ce jeu formel.
L'intrigue ? Invraisemblable, tient pas la route. Les personnages ?
Inconsistants, à la psychologie bâclée, voire inexistante.
Il y a un sujet ? Un objet ? J'ouvre un quart pour la virtuosité
de l'écriture. Avec Ravel
par exemple, il y a un "contenu". Ici j'ai une impression
de pacotille.
Denis
Je ne serai pas aussi sévère que Claire. Je suis plutôt
de l'avis de Manu. J'ai lu au moins cinq livres de lui et j'aime beaucoup
sa prose. Mais ici, ce n'est clairement pas son meilleur. La Corée,
cela n'apporte rien. Et la femme, qui ne s'intéresse apparemment
qu'au cul, n'est pas un personnage bien palpitant (que fait-elle, d'ailleurs,
des encyclopédies qu'elle avale ?).
Claire
Tu n'es pas sévère en effet...
Denis
Par un hasard qui ne cesse de m'étonner, je connais bien ce coin
de la Creuse, Châtelus-le-Marchaix et Bénévent-l'Abbaye.
J'étais déjà étonné de le voir évoqué
par Houellebecq dans La
carte et le territoire. C'est une région très agréable,
très sauvage, et ce qu'en écrit Echenoz est tout à
fait juste.
Un mot sur l'expo de la BPI au Centre Pompidou. J'ai été
très déçu. A part deux ou trois interviews d'Echenoz
tirés des archives INA, très intéressantes, il n'y
a que des manuscrits ou tapuscrits dans des vitrines peu éclairés,
donc illisibles. Et quelle idée d'afficher au mur des paragraphes
entiers tirés des romans d'Echenoz ? C'est fatiguant et ennuyeux
au possible.
J'ouvre à moitié, parce que j'aime l'écriture de
l'auteur. C'est toujours un plaisir de le lire, mais ce livre-ci est creux.
Monique L
C'est le premier Echenoz ce que je lisais. C'est une lecture agréable
et facile. C'est divertissant, agréable
L'écriture
m'a plu, surtout que le fond est creux. Comme je ne lis pas de policiers,
je me suis dit que je devais rater certaines choses, certains clins d'il.
Des choses m'ont interpellée comme le logement dans l'éolienne.
Brouhaha sur les possibilités ou non de loger dans une éolienne...
Monique L
Souvent l'angle d'approche d'une situation quelconque lui donne un intérêt.
Les descriptions sont efficaces. Pour ce qui est de La Corée, il
en croque le côté grandiloquent. C'est un travail élégant
mais qui reste très formel. J'ai été déçue
par l'Echenoz que j'ai lu par rapport à celui que j'avais écouté
à
Beaubourg (avec son traducteur) qui m'avait conquise. Je vais en lire
d'autres, si vous avez des conseils
Je l'ouvre à moitié.
Lisa
Depuis le 1er janvier je n'arrive pas à lire, moi qui lis deux
à trois livres par semaine normalement. Je n'avais donc pas envie
de lire ce livre, j'ai repoussé au maximum et je m'y suis mise
hier, et... j'ai adoré ! Pas les 50 premières pages
par contre, ça traînait, la description des personnages ne
m'intéressait pas. Mais le reste du livre, c'est jouissif. C'est
évidemment un exercice de style, mais c'est drôle. Depuis
plus de trois ans que je suis au groupe lecture on veut quelque chose
de drôle. Rions !
Sur la Corée ce sont de vieux clichés pourris, c'est une
telle caricature
Me voilà réconciliée avec
la lecture, mon manque d'intérêt pour la lecture n'aura pas
duré très longtemps, heureusement. Même s'il me reste
encore une cinquantaine de pages, je l'ouvre en grand !
Geneviève
Je ne l'ai pas encore tout à fait fini. J'ai entendu parler dEchenoz
par des adeptes. Par esprit de contradiction, je ne l'avais pas lu, mais
j'en avais l'intention, notamment Courir
dont le thème m'intéresse. J'imaginais quelque chose
de très épuré, de très stylisé, abstrait.
Au début, j'ai pensé à Modiano : les lieux,
les personnages féminins qui ont un rôle de faire-valoir,
la grande précision des lieux dans Paris, un milieu bourgeois un
peu décadent... La déconstruction du pacte avec le lecteur
m'a un peu amusée, mais aux dépens de mon intérêt
pour les personnages. Je reconnais que c'est un beau travail d'écriture,
mais je ne suis pas sûre d'être intéressée par
cet univers. Je vais réessayer avec Courir, pour en avoir
le cur net ! Pour celui-ci, je l'ai lu facilement mais sans
être captivée, j'ouvre à moitié.
Astrid (venue
ce soir pour voir comment nous "fonctionnons", car elle cherche
à créer un groupe à Lyon)
J'avais lu Ravel. Je suis entrée dans ce livre comme s'il
s'agissait d'une aventure : le ton léger, humoristique, proche
de l'auto-dérision m'a séduite.
Il y a une forme de légèreté et d'insouciance dans
le livre malgré des moments franchement dramatiques (suicide de
Pelestor, décapitation de Gang, mort violente de Clément
Pogne). Tout glisse, on a l'impression d'être dans un film de James
Bond où tout finira par s'arranger pour les héros qui sont
plutôt des anti-héros car l'auteur nous les expose dans leur
petitesses, lâchetés, mesquineries, souvent confits dans
leur rapport matériel et trivial à l'existence. Mais en
même temps il leur trouve des excuses, ils restent plutôt
sympathiques voire attachants malgré leurs travers.
Ce que j'ai aimé : il m'a semblé que l'auteur se moque
de tout le monde y compris de lui-même ; il se moque de la
bourgeoisie, de l'armée, du milieu pseudo artistique/rentier, des
malfrats, aucune classe sociale n'est épargnée.
L'auteur nous embarque dans une histoire extravagante dans laquelle on
se demande comment ses personnages vont s'en sortir, mais ils rebondissent
au gré des opportunités qui surgissent et dont ils s'emparent
avec décontraction.
Un sourire intérieur et amusé a accompagné cette
lecture où l'auteur ne prend rien au sérieux, ni l'amour,
ni le sexe, ni l'amitié sauf peut-être l'argent et un certain
confort matériel qui mettent provisoirement les personnages principaux
à l'abri d'une l'angoisse existentielle qui est malgré tout
sous- jacente. J'ouvre aux trois quarts.
Annickelle
J'ai découvert Echenoz dès ses premières publications
et j'ai vraiment beaucoup aimé L'Équipée
malaise, à l'époque. Au point de suivre avec intérêt
la parution de ses nouveautés. J'aime beaucoup, chez ce romancier,
la distance, l'ironie, voire l'humour qu'il instaure et ses jeux avec
les genres, avec les codes. Des qualités assez rares pour être
appréciées ! J'ai relu Envoyée spéciale,
que j'avais découvert à sa sortie, avec un plaisir fou !
J'ai profité sans arrière-pensée du pacte sympa qui
y est proposé. La première fois, j'étais suspendue
aux rebondissements de l'intrigue j'aime bien les polars
alors que tout ça ne mène à rien : deux des
acteurs principaux reviennent à la case départ, à
Paris, sans avoir rien compris, ni appris de leurs aventures ! D'ailleurs
c'est peut-être ça qui m'a frappée cette fois-ci :
les personnages s'ennuient, leur existence est vaine et absurde, mais
ils se laissent porter par les événements, par la vaste
comédie de la vie. Et là il y a peut-être quelque
chose de très personnel à l'auteur qui vient transparaître,
comme chez Woody Allen. Par contre, dans Ravel
et 14
c'est très différent : Echenoz y recherche davantage
une forme de cohérence et de sérieux dans la construction
du récit et des points de vue. J'ouvre aux trois quarts.
Sabine
On n'a pas utilisé le mot "poétique". Ça
m'a fait penser au poème Plume de Michaux : Étendant
les mains hors du lit, Plume fut étonné de ne pas rencontrer
le mur : "Tiens, pensa-t-il, les fourmis lauront mangé
"
et il se rendormit. On rentre dans le merveilleux, on accepte. Ça
cache quelque chose d'existentiel. Dans cette bouffonnerie, il y a "un
petit message", dans le délire.
Claire
Ce qui m'a frappée à l'après-midi
d'étude à Beaubourg, c'est le brio des universitaires
intervenants : comme si la prose ludiquement formelle d'Echenoz se communiquait.
Ils m'ont fait penser à ces conférenciers dans le domaine
de l'art contemporain qui commentent de façon passionnante pendant
30 minutes un tableau strictement blanc. Ont glosé justement sur
Envoyée spéciale Bruno Blanckeman, brillantissime
(qu'on peut voir par ailleurs s'entretenir pendant 1h30 avec Echenoz sur
la création), et Florence Leca-Mercier qui s'est éclatée
à analyser tous les jeux avec le lecteur ; ce qui m'a frappée,
à la fin de ce qui était un vrai sketch comique, est qu'elle
a soudain conclu en évoquant le désespoir de Beckett et
je relie à ce qu'ont dit Annick et Astrid : j'aurais aimé
que les jeux formels ne soient pas des masques si envahissants qu'ils
m'ont empêchée de saisir ce tragique.
Manuel
Il y a beaucoup de désespoir. On ne rigole pas.
Denis
Echenoz nous donne aussi des descriptions très précises
des métiers. Par exemple dans les activités du spatial (Nous
trois), la précision et le naturel avec lesquels il parle de
la technique sont impressionnants.
Annick
Les descriptions sont très réussies.
Denis
Dans les interviews, il dit
qu'il travaille chaque phrase.
Geneviève
C'est un virtuose.
Annick
Oui, avec une grande variété de styles et de genres.
Monique L
Tu as évoqué Modiano, Geneviève, mais justement quand
il parle, à Beaubourg, il nous a fait penser à Modiano.
Claire
Dans une
vidéo il parle près de 10 min de ce livre : il
en parle comme d'un mécano, sans autre enjeu prévu, et ça
me conforte dans mon avis. Pire, dans une interview, il évoque
"l'intrigue,
un mal nécessaire" : on a donc failli avoir un jeu
formel sans même une intrigue.
Astrid
Je vois une double lecture : au premier degré avec ces jeux drôles,
un deuxième degré, avec des personnages qui errent, dans
une errance existentielle.
Annick
Oui, c'est "to be or not to be".
Monique L
Les personnages n'ont pas de problème d'argent.
Denis
On se demande de quoi ils vivent.
Manuel
Il y a une affaire en Afrique.
Annick
Qui ne va même pas marcher puisque le commanditaire du projet est
limogé.
Séverine
Ça me dit, le mal-être.
Astrid
Oui, c'est comme un prétexte pour exprimer le mal de vivre. Echenoz
fait du saupoudrage, il nous enfarine.
Denis
Ça me fait penser à
Short cuts, film de Robert Altman, avec ces histoires qui se recoupent.
Annick (souriant en pensant à l'aquarium dans le restaurant)
A propos de ces personnages qui ne savent pas où ils vont, ni pourquoi
ils y vont, je pense à ces carpes
toutes pareilles et anonymes qui tournent sans fin dans leur bocal.
Geneviève
Et avec les deux gardiens, il y a vraiment un côté En
attendant Godot.
Lisa (le lendemain de la séance)
J'ai fini le livre et mon avis est confirmé : je l'ouvre en
grand. C'est drôle, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire
ce livre.
Monique M (internaute
qui aimerait qu'il y ait de la place pour nous rejoindre...)
Roman d'espionnage à visée géopolitique très
vite décrédibilisée par de multiples invraisemblances,
Envoyée spéciale est surtout une étude des
murs d'une société en dérive dans des milieux
très divers : show-biz hyper friqué, avocats d'affaires
mafieux, malfrats paumés, femmes en mal d'un avenir meilleur. J'ai
aimé :
- le style vif, au vocabulaire riche, précis, souvent savant, le
regard distancié, ludique, désinvolte, sur
les personnages, les lieux, les événements, ponctué
de digressions très documentées et imagées dans les
domaines les plus variées : marché d'occasions de troisième
main Bd de Belleville, poissons exotiques, papillons, arts martiaux, parterres
floraux ; "cela bourgeonnait sec chez les thuyas
les
jonquilles avaient l'air en pleine forme"...
- l'art, l'acuité du regard
- pour décrire les personnages dans leur aspect extérieur
"Hubert, toutes dents immaculées, tous
cheveux drus gelés en arrière, agrémentés
d'une virgule indocile, mèche savamment rétive qu'il rejette
en se propulsant d'un pas souple vers Tausk", mais aussi
leur caractère, leurs faiblesses, leurs déviances ;
la description du désarroi de Hyacinthe, face au suicide de Pélestor,
est un passage ou l'on ressent un vrai moment d'émotion
- sur la vie quotidienne : dans le métro parisien,
des speakerines, à la voix tantôt impérieuse tantôt
je-m'en-foutiste, annoncent les stations, tandis que dans les couloirs,
"des mandolinistes âgés brutalisent des airs napolitains"...
- les traits d'humour : la carte à jouer perdue
qui ruine la carrière des quelques cinquante autres, la vibration
de la perceuse qui va crescendo du cantique A toi la gloire ô
ressuscité à la version Star Spangled Banner
de Jimi Hendrix, ou encore l'hommage à la statue De Kim Il Sung,
Soleil de la Nation, bras droit tendu vers un avenir radieux
à moins qu'il ne hélât un autobus !
Cela mis à part le roman est rempli d'invraisemblances.
Comment Constance peut-elle se laisser embarquer comme
ça ?
Comment Pognel et Objat peuvent-ils dans un état totalitaire hyper
surveillé délivrer Gang avec leur démonstration de
taekwondo ?
Comment franchir aussi facilement la zone DMZ et attendre aussi longtemps
dans l'auto sans être repérés ?
On a l'impression que l'auteur n'y croit pas lui-même,
mais qu'il poursuit parce qu'il faut bien finir le roman (il s'amuse avec
les personnages, leurs dérives, leur espoir d'un monde meilleur,
le sexe, l'argent
), mais aussi parce que sous prétexte de
roman d'aventure, il a en filigrane un regard de lucidité sur ce
monde-là.
Je n'avais jamais lu Jean Echenoz. J'admire son aisance
stylistique, sa culture, son regard acéré sur la société,
mais je lui préfère des auteurs contemporains
comme Le Clézio, Modiano, Sylvie Germain qui ont une intensité
dans l'écriture, qui sont portés par une voix intérieure
que je ne retrouve pas chez lui.
C'était quand même une découverte intéressante
par le foisonnement de son imagination, son humour, sa façon caustique
et distanciée d'observer ses contemporains.
DOCUMENTATION
sur l'uvre de Jean Echenoz
Éclairages
sur ses livres et son écriture |
Jean Echenoz en 5 romans par Gérard Berthomieu (5 textes
représentatifs des différents temps de l'uvre
du romancier dont les livres lus dans le groupe : Ravel, Je
m'en vais, Envoyée spéciale)
Jean
Echenoz et les éditions de Minuit par Olivier Bessard-Banquy
(des débuts difficiles, un renouveau romanesque, écriture
impassible : une bannière discutable, reconnaissance et prix,
retour au roman)
Petit atlas de géographie echenozienne : aperçu
ludique des déplacements des héros
Le
jude-box de Jean Echenoz : on clique et on entend les musiques
évoquées dans plusieurs romans
Echenoz
sous conditionnel (l'utilisation particulière des temps
dans son écriture) par Gérard Berthomieu (le futur du
passé, démêler le vrai du faux, récurrence
d'un temps verbal, un univers indécidable)
Les
figures de style chez Jean Echenoz :
vidéo par Camille Delon et Marie-Hélène Gatto,
5 décembre 2017 : 1/3 la
métalepse, 2/3 la
syllepse, 3/3 le
zeugme
Jean
Echenoz et les figures de style : Master Class (audio)
de Gérard Berthomieu, 14 février 2018
Les temps
verbaux chez Jean Echenoz : Michel Volkovitch traite son "futur-dans-le-passé"
de "petite merveille d'ambiguïté", car il "permet
de jeter sur l'action à venir l'ombre d'un doute, un léger
voile d'irréalité dont la fiction se trouve comme nimbée". |
Entretiens
avec Jean Echenoz |
En
lisant, en écrivant : masterclasse littéraire
à la BNF de Jean Echenoz, avec Matthieu Garrigou-Lagrange,
21 février 2017 (1h)
Un
lecteur nommé Echenoz : entretien avec Jean Echenoz
(la bibliothèque familiale, ses lectures aujourd'hui, la
musique et le cinéma, les archives, l'exposition à
Beaubourg)
Entretien
vidéo entre Jean Echenoz et Gérard Berthomieu,
conseiller scientifique de l'exposition, maître de
conférences à l'Université de Paris-Sorbonne,
novembre 2017
"Écrire,
ce quil y a de plus divertissant", interview
par Frédérique Roussel, Libération,
8 décembre 2017
Un
long "entretien
avec Jean Echenoz", En
attendant Nadeau, n° 45, décembre 2017
Entretien
vidéo avec Bruno Blanckeman : "la création
à l'uvre", Centre Pompidou, 18 avril 2011, 1h35
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Une
exposition sur l'uvre de Jean Echenoz |
L'exposition
au Centre Pompidou "Jean
Echenoz : roman, rotor, stator" du
29 novembre 2017 au 5 mars 2018 a
fourni de nombreux éclairages : documents de l'auteur,
rencontres,
lectures, ateliers, vidéos, articles du dossier
publié dans
le magazine de la BPI
(Bibliothèque publique d'information)
De
ligne en ligne (octobre-décembre 2017)
Echenoz
s'expose : "Écrire, ce qu'il y a de plus divertissant",
interview par Frédérique Roussel, Libération,
8 décembre 2017
"J'aime
me représenter l'écriture comme un travail technique"
(entretien) et "Le
monde d'Echenoz à livre ouvert" (l'expo), Sophie
Joubert, L'Humanité, 13 décembre 2017
Avec
Jean Echenoz dans son labyrinthe, Raphaëlle Leyris,
Le Monde, 5 janvier 2018
Dans
les coulisses de la création : Jean Echenoz en ses archives
exposé , Juliette Cerf, Télérama,
6 février 2018
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Les
traductions d'Echenoz |
Traduire
Echenoz : entretien avec Ryoko
Sekiguchi dont nous avions lu La
voix sombre (comment traduire en japonais, facilitation
par l'exigence de la langue d'Echenoz, traduire quand on est auteur)
"Echenoz
et ses traducteurs" (anglais, allemand, suédois,
polonais, japonais) : par Michel Volkovitch (que nous rencontrons
pour Gioconda),
TransLittérature,
n°16, hiver 1998
Rencontre
entre Jean Echenoz et Giorgio Pinotti, traducteur en italien,
18 décembre 2017
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Sur
le livre Envoyée
spéciale |
Une
présentation
du livre par Jean Echenoz lui-même,
sur le site de la librairie Mollat en mars 2016 (8 min)
Interview de Jean Echenoz : "L'intrigue
est un mal nécessaire", Politis, 7 janvier
2016, propos recueillis par Christophe Kantcheff
"Jean
Echenoz, sans peine", Florence Bouchy, Le Monde,
13 janvier 2016. |
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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à
la folie
grand ouvert
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beaucoup
¾ ouvert
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moyennement
à moitié
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un
peu
ouvert ¼
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pas
du tout
fermé !
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