Folio,
1982, 320 p. Fils
d'une famille patricienne de Zurich, celui qui a écrit ce livre
sous un pseudonyme fut ce qu'on appelle un enfant bien élevé.
Dans la somptueuse villa, au bord du lac, régnait l'entente parfaite.
Un certain ennui aussi, qui tient à la bienséance. Non sans
humour, Zorn nous décrit les petits travers de ses parents. Humour ?
Le mot est faible. Disons plutôt une noire ironie, celle du jeune
homme qui, découvrant qu'il est atteint du cancer, pense aussitôt :
naturellement. |
Fritz Zorn (1944-1976)
|
DES INFOS : Livres de (ou d'après) Fritz Zorn en français Les trois parties du livre Radio-Télé L'auteur en quelques dates Extraits de livres évoquant Mars Articles littéraires Articles psy Mars au théâtre |
Nos
23 cotes d'amour
Anne-Marie Claire Françoise H Katherine Manuel Valérie Brigitte David Denis Fanny Séverine G Entre et Monique M Entre et Annick L Catherine Monique L Nathalie B Olivier Etienne Françoise RichardJacqueline Ni n'ouvrent ni ne ferment, vu la nature de ce livre : Margot Anne |
Annick L, entre et
La lecture de ce livre après celle de À
rebours était un peu déprimante. Mais j'en avais
beaucoup entendu parler lors de sa parution dans les années 70
et j'étais curieuse de le découvrir. J'ai été
saisie, dès le début, par l'écriture, sèche,
ironique qui établit une distance analytique glaçante par
rapport à lui-même. Le ton adopté pour rendre compte
de ses souffrances existentielles et physiques, sans chercher à
provoquer la compassion, est très frappant. Et puis il fait de
son "cas" personnel une sorte de stéréotype d'un
type d'éducation des enfants de la bourgeoisie suisse, une dimension
sociologique intéressante qui fait réfléchir à
nos propres conceptions. Son histoire pourrait être transposée
dans d'autres pays où l'on retrouve ce type de milieu bien-pensant,
assuré de sa position et de ses valeurs.
Mais c'est très long et répétitif (il revient sur
certains points de manière obsédante) : presque 200
pages pour la première partie, plus deux autres dans lesquelles
il prend un peu de hauteur, métaphysico-philosophique (que j'ai
lues après une longue pause !). En tout cas je n'ai pas du
tout aimé ces deux derniers chapitres : son parti pris de
victime d'une famille et d'un milieu castrateurs a fini par m'agacer,
voire me choquer, il va jusqu'à se comparer aux victimes de la
Shoah. D'autres enfants ont subi la même pression sociale et se
sont rebellés (surtout à cette époque !). Mais
je ne regrette pas de l'avoir lu pour les réflexions que cela a
suscitées. J'hésite entre un quart et un demi.
Monique L
Le début de cette autobiographie m'a vraiment intéressée,
car cette éducation dans un but d'harmonie et de calme ne m'est
pas étrangère et me paraît bien décrite. En
tout cas, elle correspond à ce que j'ai fréquemment ressenti
auprès des Suisses. Ce sont des gens qui cherchent à lisser
les rapports et qui sont très courtois. Je n'aime pas en général
donner une appréciation générale sur une population,
mais c'est vraiment ce que j'ai ressenti et revécu en lisant ces
lignes (je suis allée en Suisse plusieurs fois par an pendant une
trentaine d'années et j'y ai encore de bons amis). Plus généralement
cela m'a fait réfléchir sur l'éducation dans la famille
qui n'est jamais neutre.
Par contre, j'ai trouvé la suite plus pesante et surtout répétitive,
sans doute est-ce du à la névrose mélancolique de
l'auteur.
Son introspection, sa quête existentielle, sa révolte ne
me laissent pas indifférente bien évidemment, mais j'ai
été lassée par le fait qu'il cherche des causes et
des responsables extérieurs à lui-même. Il n'a eu
aucune pulsion pour surmonter le déterminisme de son éducation.
Je ne suis pas psy, mais j'ai du mal à comprendre comment ses parents
seraient responsables de son inhibition sexuelle. J'ai noté que
lorsqu'il parle de sexualité, il n'est pas question de désir
mais plutôt de "normalité".
Son explication sur l'origine psychosomatique de son cancer est intéressante.
C'est un point de vue qui me questionne.
Des passages m'ont vraiment gênée : celui sur le "nègre"
et sa comparaison avec les camps de concentration et le gazage qui me
semble plus qu'exagérée. La souffrance extrême peut
amener à des dérapages, mais
Sinon l'auteur est cultivé et fait de brillantes références.
Le style m'a paru adapté et l'auteur a parfois le sens de la formule.
Les parties deux et surtout la trois m'ont été difficiles
à lire, j'ai fini par les survoler. J'ai compris qu'il voulait
donner un sens universel à son expérience. La fin sur la
religion, Dieu et Satan, m'a vraiment ennuyée. J'ouvre ce livre
à ½ à cause du début.
Le gâteau suisse (Rüblitorte)
concocté par Monique a fait long feu...
Denis
J'ai lu ce livre quand il est sorti, il a eu beaucoup de succès
et de retentissement. Je me souviens qu'il nous a fortement impressionnés,
mes copains et moi. D'une part, la critique de la grande bourgeoisie nous
amusait beaucoup. L'assiette "qui
avait l'air de provenir du Migros du coin mais qui valait 1000 francs"
était devenue une blague rituelle. La verve de Zorn est magnifique,
par exemple dans la discussion de "c'est
compliqué". Quelle ironie ! Cela pourrait
d'ailleurs s'appliquer à bien des gens hors de Suisse...
D'autre part, le côté le plus dramatique, son cancer et sa
façon d'en parler entraient en résonance avec bien des pensées
et manifestations critiques de l'époque, les années 70.
Il y avait un climat assez général de contestation des institutions.
Par exemple, la psychiatrie classique était contestée par
l'anti-psychiatrie (Ronald
Laing, Mary Barnes...).
On accordait une grande place à la psychosomatique Zorn
en était l'illustration, lui qui "a
été éduqué à mort".
Il y avait de grandes voix en psychanalyse appelant à trouver et
reconnaître son désir (Lacan et nombre d'autres), ce que
Zorn dit n'avoir jamais su faire. L'analyse institutionnelle mettait en
cause les "organisations totalitaires" (Félix
Guattari, Georges
Lapassade, Erving
Goffman avec Asiles,
le film Vol
au-dessus d'un nid de coucou). Toute libération de la parole
était bienvenue, il fallait seulement trouver "Les
mots pour le dire" (Marie Cardinal).
L'ayant lu à l'époque avec passion (mais surtout pour la
partie 1 (les parties 2 et 3 étant plus indigestes, et assez
répétitives), j'ai trouvé qu'il avait perdu beaucoup
de son actualité. J'ai toutefois ressenti de la souffrance, par
empathie. Au point que je n'ai plus envie de replonger dans le texte à
la recherche de passages que j'ai négligés dans ma lecture
récente, mais que d'autres lecteurs signalent. "Plus
fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres"... Gardons-le
sur l'étagère ou dans l'armoire à pharmacie !
Une question me reste en tête : comment comprendre la mise
en scène que Zorn fait de lui-même, comme un individu misérable,
replié, introverti..., avec les témoignages qui le présentent
au contraire comme un dandy sociable, et notamment ses succès au
théâtre ?
J'ouvre aux ¾, après réflexion.
Claire
J'avais lu ce livre il y a 30 ans et gardais juste un souvenir très
positif d'un livre extraordinaire. J'étais ravie de vivre l'expérience
bien rare pour moi de la relecture : je n'ai rien retrouvé
de mon expérience de lecture ayant tout oublié comme d'habitude,
mais j'ai été immédiatement saisie par l'écriture,
par la voix.
Le narrateur parle de mémoires, d'essai pour nommer le genre de
son livre. L'auteur de la préface, par ailleurs verbeuse, demande
"Est-ce encore de la littérature ?" je déteste
comment cette question est tournée et je n'apprécie pas
beaucoup les réponses qu'il apporte ; pour moi c'est un grand
livre et un grand livre littéraire. En lisant, je me disais si
je veux être honnête, je dois me poser la question : "et
si le narrateur n'allait pas mourir et avait écrit un livre de
fiction ?" et y répondre tout aussi honnêtement
"mon impression de lecture serait différente"
et je ne peux pas seulement considérer ce livre comme un texte
littéraire en omettant que l'auteur y joue sa vie. Je pensais à
Édouard Louis dont le livre autobiographique que nous avions lu
Pour
en finir avec Eddy Bellegueule est sous-titré "roman".
Ce livre m'a passionnée : j'ai ressenti une jubilation immédiate,
c'est pour moi vertigineusement jubilatoire ; la première
page est un morceau d'anthologie (=> dans mon Lagarde et Michard).
J'aime son style et le mot style va pour moi là au-delà
de la langue : le style d'un dandy tragique. J'ai aimé l'humour,
me sentant de plain pied, avec son "esprit" (au sens aussi de
trait d'esprit) ; c'est le côté drôle qui m'a sauté
dessus d'emblée, créant ma sympathie, mon empathie ;
j'aime son angle d'attaque fait de distance et froideur qui me séduit
par sa pose, son panache ; j'aime sa crudité, cet "à-vif"
qui touche directement au cur. Je l'aime !
J'apprécie aussi l'architecture du livre : les trois parties nettes,
et aussi l'impression d'une spirale, on repasse mais différemment
avec d'infinies variations et avec aussi une montée, un élargissement.
C'est vrai qu'au milieu du livre, je me suis demandé si ça
ne suffisait pas. Mais je suis repartie pour un tour, fascinée
par la spirale sans fin, l'intensité, la densité de la matière.
J'ai goûté aussi les liens, les références
artistiques, littéraires : Boulgakov, Goya, Schiller, Borges, Fontane
(jamais entendu parler) et son livre Effi
Briest.
Denis
Ah oui, c'est très bien ce livre.
Claire
Ça a l'air horrible.
Mars, ce n'est pas une anamnèse, c'est un récit qui
laisse la place au lecteur (il n'y a pas de vous, de tu). C'est une vivisection
mais sans exhibitionnisme. Et c'est drôle jusqu'à la mort.
J'ouvre en grand.
Jacqueline
Ce livre se veut un témoignage. C'est un cri de colère comme
l'indique le pseudonyme de son auteur, une colère dirigée
contre ses parents et plus généralement contre la bienséance
feutrée de "la rive dorée" du lac de Berne et
contre un mode d'éducation où l'on garde le silence sur
tout ce qui représente la vie et où l'on évite de
prendre position devant tout ce qui peut apparaître comme "compliqué".
La satire est amusante, elle fait mouche mais reste bien superficielle !
J'aurais aimé en savoir plus sur ce qui a amené ses parents
sur la rive dorée, sur leur vie réelle
sur le sens
de leur apparent respect des conventions
J'aurais aimé aussi
en savoir plus sur cette absence de vie sexuelle dont l'auteur se sent
victime...
Fritz Zorn se voit comme le dernier représentant de ce mode de
vie qui a causé sa névrose. Le cancer dont il est frappé
devient pour lui non seulement la métaphore de cette incapacité
à vivre qu'engendre une telle éducation, mais en est pour
lui une conséquence directe et logique
Merci à Denis de nous avoir rappelé le climat dans lequel
ce livre est paru : l'intérêt, alors, pour l'antipsychiatrie
et la psychosomatique, la dénonciation d'une éducation inhibitrice,
la culpabilisation des parents
À l'époque, j'avais
essayé de lire Mars sans m'y intéresser assez pour
le finir et dans mon souvenir j'y voyais une parenté avec la Lettre
au père de Kafka que je n'avais pas finie non plus à
la première tentative de lecture. Malheureusement, le texte de
Fritz Horn ne supporte pas la comparaison. Pour que son livre m'intéresse,
il faudrait que les protagonistes prennent de l'épaisseur..., que
les accusations qu'il porte soient étayées plus concrètement ;
pas besoin, pour se poser en victime, d'en rajouter avec l'image de quelqu'un
de centré sur lui-même
J'ai détesté,
non pas l'emploi du terme de nègre, politiquement correct
ou non, mais la teneur de son propos, son mépris des souffrances
des autres : lorsqu'il parle du nègre (il est aussi question
d'indien, on est loin de la Suisse) qui souffre dévoré par
la lèpre, la peste ou la faim "sans prendre vraiment conscience
de ce qui lui arrive" et Zorn de se consoler, lui, au moins d'être
conscient
Je souhaite qu'écrire ce livre de colère
lui ait permis de mieux supporter les souffrances d'un traitement dont
il ne dit mot (la bienséance de la rive dorée ?) alors
que les témoignages de proches, la fidélité de ceux
qui ont voulu publier ce livre donnent à penser qu'il était
différent de l'image que, malade, il se donne dans cet écrit.
Je m'imagine qu'en sa présence j'aurais mieux supporté ce
fatras de ratiocination en pensant que c'est son unique possibilité
de faire face mais, de là à y trouver un plaisir littéraire !
Je ferme et j'ouvre aux ¾ la Lettre au père de Kafka
que je n'aurais peut-être pas été lire sans cette
occasion.
Manuel
Ce livre m'a passionné ! Et comme on
dit ma tenu jusquau bout. Les descriptions des parents, de
la bourgeoisie zurichoise, du milieu universitaire, mont amusé
et également navré. La lente progression de la maladie et
lintrospection du narrateur mont bouleversé. Le narrateur
a des formules choc ! La maladie serait due à toutes les larmes
retenues pendant 30 ans. Le narrateur a été éduqué
"à mort". Ce livre ma rappelé celui dEmmanuel
Carrère : Dautres
vies que la mienne. Cest un livre intelligent. Les citations
sont brillamment placées (Le
Maître et Marguerite de Boulgakov). J'ai été
intéressé pas les origines de la névrose (et la différence
avec une psychose). Le rôle du langage est passionnant. Tout au
long du livre, les mots entre guillemets créent un système
qui a conduit à sa maladie (Le choses "compliquées",
"comme il faut", etc.). Jai été "pris
au jeu". Le livre est très ancré dans son époque.
C'est parfois répétitif, mais c'est très intelligent.
J'ai vu récemment le film Joker
qui ma énormément fait penser à ce livre.
Fanny
J'ai découvert ce livre
qui est une expérience de lecture unique. Oui c'est parfois agaçant,
mais je n'ai jamais rien lu qui lui ressemble. Les premières pages
sont jubilatoires. J'ai été agacée par la comparaison
avec les camps de concentration, les nègres
Pour autant le
fait qu'il s'autorise à l'écrire correspond à la
liberté de ton de ce manuscrit. J'ai lu jusqu'au bout. C'est inclassable :
philosophique, sociologique. Je trouve que cela peut difficilement se
lire sans le lier à une époque dans un milieu social précis.
J'ai eu l'impression de lire une psychothérapie à ciel ouvert,
il y a une grande liberté dans ce qu'il dit. Si je retiens cet
axe de lecture, cela explique certains passages redondants, par exemple
la répétition des "c'est compliqué".
Parfois aussi l'ennui arrive. J'ouvre aux ¾. Je ne connaissais
pas du tout.
Françoise D
J'ai lu vos avis sur le livre d'Huysmans,
livre que je n'avais pas lu moi-même et je me retrouve dans les
commentaires d'Annick ici présente que j'applique totalement
à Zorn :
- Ma lecture fut ennuyeuse et fastidieuse : je ne suis pas allée
jusqu'au bout des trois parties : de "Mars en
exil" et "Ultima necat" oui,
ce dernier récit étant pour moi plus intéressant
(20 pages) que le premier (150 !) mais n'ai pas lu "Le
chevalier, la mort et le diable".
- Je n'en ai rien à faire du récit des états
d'âme de ce névrosé : on a vite fait le tour
et dès lors ce n'est que répétition.
- Les cauchemars et souffrances physiques de cet aristocrate dégénéré
ne m'ont pas intéressée. Il relève d'un cas psychanalytique.
Je ne comprends pas pourquoi Mars est une référence.
Mais en est-ce une ?
- Je trouve ce livre, en tout cas, mortellement ennuyeux, avec ses
énumérations interminables. Il tourne en rond.
- Et ça ne constitue même pas un roman (...) impression
de quelque chose d'inabouti (...) L'écriture est recherchée,
précieuse même, mais elle tourne à vide. Comment peut-on
comparer Huysmans et Proust ? (...) Il ne s'intéresse qu'à
lui-même. Et moi j'ajoute comment peut-on comparer Zorn et Proust
? Il ne s'intéresse qu'à lui-même, même s'il
parle de ses parents, on ne les voit pas, il ne parle pas du tout de son
frère (comme Proust d'ailleurs.)
Bien que n'étant pas allée jusqu'au bout, je trouve plus
intéressant quand il parle vraiment de son cancer. Et encore...
ses réflexions sur l'astrologie, sur Ulrike Meinhof, sur les chambre
à gaz : bof et boulgui boulga. J'ouvre ¼ pour "Ultima
necat".
Brigitte
On pourrait imaginer, après toi, que nous ayons un catalogue d'avis
tout prêts : et on opterait pour le 3A ou le B7...
Catherine
J'ai aimé la première partie, la description remarquable
de la société suisse, la politesse qui empêche les
sentiments. J'ai aimé la peinture de la mélancolie. L'écriture
colle bien avec les ruminations d'un mélancolique. C'est un peu
répétitif, mais c'est adapté à ce qu'il décrit.
Je suis moins convaincue par la suite et j'ai un peu laissé tomber
la fin. Mais c'est un livre original. Je ne crois pas au cancer lié
à l'éducation. Je ne regrette pas de l'avoir lu. J'ouvre
à moitié.
Richard
J'ai trouvé un peu longuet.
J'ai beaucoup aimé le début. J'ai vécu en Suisse
et des Suisses que j'ai connus sont vraiment comme ça. Je ne connaissais
rien de l'auteur ni du livre : en le commençant, je m'attendais
à un roman et j'ai perdu mes repères. Je l'ai lu en allemand
; le style m'a assez plu. Je n'ai pas adhéré à l'idée
que le cancer constitue une libération de son état mental
: je n'y crois pas. Je pense que j'ai loupé sûrement quelque
chose, il est sur une étagère et je vais le relire cet été.
J'ouvre ¼.
Brigitte
J'avais lu Mars au moment de sa parution ; il avait soulevé
un grand engouement. C'était une lecture passionnante, différente
de toutes les autres. Je l'avais lu d'une seule traite, comme en transe !
C'était un livre sidérant, et j'étais sidérée.
Je viens de le relire avec beaucoup plus de recul, avec en tête
de façon permanente que c'était le témoignage d'un
jeune homme confronté à l'imminence de sa propre mort. Il
a su que son livre serait publié, mais il est mort avant sa parution.
C'est certainement une uvre littéraire, mais c'est surtout
un cri. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui s'insurgent contre la comparaison
qu'il fait entre son état et la souffrance dans les camps de concentration ;
même s'il s'agit ici d'une expérience solitaire. Je suis
persuadée qu'à côté de nous certaines personnes
vivent aujourd'hui des drames comparables et ignorés (femmes battues,
enfants martyrs, vieillards abandonnés
).
Je ne suis pas d'accord non plus avec ceux qui lui reprochent de ne pas
avoir le sens des autres, de ne pas établir de contacts :
c'est justement de cela qu'il est malade. Il vit en lui-même, coupé
des autres. En deux ans, il a enfin réussi à comprendre
ce qui lui arrivait, à exprimer les larmes amassées en lui
depuis sa petite enfance : quand le cancer se déclare, les
larmes se déversent. Il parvient alors à établir
une distance suffisante avec son mal pour le mettre en mots.
A la fin du livre, il tente de comprendre ses parents, vraisemblablement
victimes, comme lui, du mode de vie de la "rive dorée",
qui n'ont pas eu l'intelligence, ni le courage de comprendre le drame
qu'ils subissaient pour tenter d'en sortir, ce qui était la seule
issue pour atteindre le monde des vivants, et éviter la réitération
de cette tragédie.
Jadis, je l'aurais ouvert en grand, maintenant, je l'ouvre aux ¾,
car je prends plus en compte l'aspect littéraire de ce travail.
Claire
J'ai beaucoup aimé le roman graphique Angoisse
et colère, adapté de Mars et en particulier le
texte introductif des auteurs de l'album partis à Zurich sur
les traces de Fritz Zorn. J'avais vu aussi une adaptation
théâtrale au Festival d'automne en 1986, très
prenante.
Annick L
Je pense à cette artiste suisse... seule en scène... comment
s'appelait-elle ?... Toute en noir...
Plusieurs, criant...
Zouc ! (Nous cherchons si elle est encore vivante... hélas...
son sort est terrible...)
Claire
J'ai été aussi très intéressée de découvrir
à la bibliothèque le livre du médecin qui a fait
sa thèse sur les écrivains
malades : Montaigne, Pascal, Rousseau, Stendhal, Chateaubriand,
Nerval, Strindberg, Thomas Bernhard, Hervé Guibert, William Styron...
(à Catherine qui opine du bonnet) tu connais sa thèse ?
Catherine
Je ne l'ai pas lue entièrement, mais oui, c'est très bien.
Claire
J'ai lu et mis en ligne son
chapitre sur Fritz Zorn et je regrette de n'avoir pas pris le temps
de lire les chapitres sur les lecteurs malades... (malades de lire ?...)
J'ai été étonnée comme Denis, en écoutant
l'émission
où l'écrivain préfacier évoque le fait que
Zorn paraît très sociable, différent de ce
qu'il est dans son moi souffrant.
J'ai lu avec moins d'intérêt le livre de son amie d'étude,
Monique Verrey, Lettre
à Fritz Zorn, où elle publie un drôle de récit
de Fritz Zorn sur les puzzles et une lettre de lui quelques mois avant
de mourir où il lui dit comment il s'organise pour jouer une pièce
de lui. Mais j'ai été touchée de lire, de la part
de Monique Verrey après sa mort :
"Tous ceux qui prêts à t'assister
n'ont pas pu empêcher que tu meures aussi seul que tu avais vécu.
Si tu avais été l'ermite que tu jouais dans tes pièces,
ton chat se serait au moins couché à côté de
toi au moment de ta dernière heure. Plus ta maladie te persécutait,
plus tu t'étais mis à circuler d'un lieu à l'autre,
comme un damné. Tu avais pratiquement vécu les derniers
mois de ta vie chez les Schatzmann sans qu'ils sachent vraiment pourquoi
tu les avais choisis. Ils ont pensé que c'était leur petite
Catherine qui te faisait du bien. Elle n'avait que deux ans et demi, mais
elle voyait quand tu avais mal et elle t'apportait ses animaux en peluche.
Vous aviez passé vos vacances ensemble à Comano, et tandis
que tu écrivais Mars à la table du balcon, elle jouait
des heures près de toi. Tu inventais toujours de nouveaux prétextes
pour venir chez les Schatzmann et ce n'est que très peu avant ton
entrée à l'hôpital que tu as dit à Martin que
tu voulais publier Mars. C'est lui qui s'est chargé de toutes
les démarches qui ont enfin permis cette publication." [M.
Schatzmann sera exécuteur testamentaire de Fritz]
Non sans rapport avec le livre,
nous lisons le certificat médical excusant l'absence exceptionnelle
d'Etienne :
Je certifie, Dr E.G., spécialiste en neuro-immuno-psychologie,
diplômé de l'université de Berne, certifie qu'Etienne
souffre de cellulo-myalgies diffuses, de céphalées de tension,
de syndrome d'hyperventilation, de colopathie fonctionnelle, de lésions
de prurigo idiopathique ainsi que d'éréthisme cardiaque
et sera donc par conséquent contraint d'aller faire une cure en
Bretagne pour profiter de son air vivifiant, riche en oligo-éléments,
qui aura sans aucun doute un effet tonifiant sur l'ensemble de son système
nerveux autonome ortho-sympathique.
Jacqueline, après la séance
Une amie soignée pour un cancer me signale Le livre de Pierre,
entretiens avec Pierre Cazenave écrits par Louise Lambrichs. Ce
livre cite beaucoup Mars. Pierre Cazenave, psychanalyste lui-même
atteint d'un cancer, a fondé un centre qui porte son nom et est,
semble-t-il, réputé.
Claire, toujours après la séance
En cherchant les références du livre Le
livre de Pierre et qui est l'auteure, je vois qu'il s'agit de
la fille de la traductrice de Mars... elle a un parcours vraiment
original (voir ici).
Etienne, remis sur pied
Un peu les montagnes russes que cet ouvrage. Tout démarrait plutôt
bien : l'analyse au couteau suisse de la bonne société
zurichoise, quelques saillies grinçantes à souhait, une
ironie mordante, bref on se dit que la programmation post À
rebours tombe à point.
Et là, à mi-chemin, catastrophe, c'est l'implosion en plein
vol. On assiste alors à un ânonnement d'un catéchisme
psychanalytique assez douteux qui pourrait faire office d'exemple parfait
pour un cours de philosophie de lycéens. Tout y est : simplification
de la vision du monde (mais ce n'est pas parce que c'est "compliqué"
que l'on n'a pas le droit de faire l'effort de comprendre voyons), culte
du maître freudien, goût du secret (je fais une psychanalyse
mais je n'ai pas le droit de vous dire ce dont il s'agit sinon ça
ne marchera pas, na !), exégèse du monde par la sexualité
(d'ailleurs on reste un peu sur notre faim quand même
et comme
l'a fait remarquer quelqu'un dans ses commentaires, aucune notion de désir),
téléologie discréditant toute tentative de posture
scientifique, irréfutabilité de chacune de ses sentences
et j'en passe... Un lymphome lié à son éducation
bourgeoise traumatisante ? Cela me ferait sourire si cela ne m'évoquait
pas le scandale sanitaire de la prise en charge des enfants autistes par
les psychanalystes freudiens et lacaniens de tout poil qui ont évoqué
en France, en toute impunité pendant des années "un
inceste maternel" pour expliquer la maladie (eh bien oui, forcément
puisque tout est explicable par la sexualité). Que l'on s'entende
bien, je pense sincèrement qu'il puisse exister des phénomènes
psychosomatiques de tout genre, mais non Monsieur Zorn, tout n'est
pas "simple". Je suis un peu sévère, mais avec
cet ancrage, je trouve ce livre extrêmement daté. Et puis
le titre ? Mars ? L'astrologie ? Sérieusement ?
Quelle déception ! Heureusement, par la suite, cela s'améliore
un peu. Le style est tout de même plaisant et assez coulant, le
coté journal intime permet une lecture assez aisée. Mais
enfin que de répétitions ! Que c'est long ! Alors
je le vois comme une immersion dans l'univers mental d'un esprit malade
qui tourne un peu en rond et je le prends comme une expérience,
mais difficile d'avoir de l'empathie. Sur la fin on prend un peu de hauteur,
j'ai trouvé originale et intéressante sa vision de Dieu/du
Diable, mais, encore une fois, la suite est un peu déroutante de
contradictions : il est antibourgeois mais préfère
le bonheur de l'Ancien Testament (posséder des chameaux ?
Ce n'est pas très révolutionnaire tout ça), rien
n'a de sens mais pourtant il semble souscrire à une vision assez
communiste de l'histoire (l'histoire a un sens, je fais partie d'un rouage).
Cela donne quand même l'impression d'avoir été écrit
à la va-vite, sans relecture et c'est peut-être ce qui plaira
à certains par le côté "authentique" et
écorché vif du récit, mais je trouve cela brouillon.
J'ouvre donc à ¼ pour la première partie que j'ai
trouvée bien sentie.
Claire
Gggggggggrrrrrrrr...
Claire
Manuel
|
...assez différentes
de la répartition des...
|
11 cotes d'amour du nouveau groupe parisien réuni le
28 février
Ni n'ouvrent ni ne ferment, vu la nature de ce
livre : Margot
Anne |
Françoise H
J'en avais entendu parler dans une émission de Pivot qui était
dithyrambique. Je l'ai lu à l'époque et sa lecture m'a donné
le cafard, des cauchemars ; elle a été difficilement
supportable. Cela doit venir de l'écriture qui a une charge émotive
importante. En le relisant, j'ai trouvé remarquable de la part
de cet homme qui a souffert d'inhibition d'avoir un regard aussi lucide
sur son entourage. Il est exceptionnel d'avoir une vision aussi ample
de son chemin de vie, avec une telle acuité. Il n'y a pas eu de
bonheur de l'écriture, le style n'est pas extraordinaire. Beaucoup
de redites. J'ai trouvé très intéressant son analyse
de la cause de son cancer : les larmes rentrées. J'ouvre entièrement.
David
Malgré toute l'énergie que j'ai pu mettre pour retrouver
ce livre sur mon lieu de vacances (je l'avais commencé mais oublié
derrière moi), cela n'a pas été possible. Donc je
n'en suis actuellement qu'à la moitié. Le rythme et la construction
sont bien présents dès le début. Sur un sujet aussi
plombé, je faisais abstraction du grand malheur. Mais je n'étais
pas effondré à sa lecture. Il se lit bien. C'est une autoanalyse
sans concession et sans apitoiement sur son propre sort. C'est un livre
qui mérite le détour. Je pense que je vais le terminer.
Il y a peut-être des rebondissements ?
Anne
Il ne peut pas y avoir de rebondissements, mais il y a toujours des petites
choses. Pour moi, c'est du tout ou rien. Je ne me prononce pas sur l'évaluation,
j'ai un trop grand respect pour ce qu'il écrit. Il est mort de
n'avoir pu se représenter car c'est soit interdit soit nié.
Il n'a reçu aucune preuve de subjectivité. Tout était
honteux. Tu es parfait ou tu n'es rien. C'est une pulsion de mort. Il
ne peut rien investir. Il est dans un mouvement qui ne lui appartient
pas. Il l'explique de façon touchante. Malgré un ressassement
terrible. Il a besoin de ce ressassement pour pouvoir exister. Il n'y
a pas trop d'agressivité. C'est presqu'un journal. C'est un déroulement
d'analyse. On sent ce mouvement. Il essaie de se représenter au
bout de trois quarts du livre. Il décrit les aspects mortifères
de la bourgeoisie. Je note qu'il ne cherche pas à aller au-delà
des parents qui, pour lui, devraient tout savoir et qui n'ont rien fait.
Sa psychothérapie l'aide. Il a des visions sur le plan littéraire.
Il veut que les gens sachent ce qu'il veut dire. On peut le comparer à
Huysmans qui est, à mon avis, dans la
même dépression et qui s'en défend autrement. Huysmans
utilise la perversité pour se défendre de la dépression.
Quand il a ses visions, l'auteur peut se représenter sa douleur
"la grande affligée". Son analyse lui permet aussi de
se représenter mais tard, et la mort gagne. C'est un livre très
émouvant. Je le garde comme un témoignage de quelqu'un qui
s'est présenté en martyr.
Margot
Ce que tu viens de dire m'aide sur deux points : la difficulté
de se représenter et la désincarnation.
Je l'avais lu il y a très longtemps et gardé le souvenir
d'une langue malade du ressassement. Beaucoup d'utilisation de connecteurs
logiques : bien que, mais, ainsi
J'avais oublié
sa vraie maladie. En le relisant, ça m'a fait penser à ces
portraits du Fayoum, ces portraits funéraires insérés
au niveau du visage des momies, qu'on peut voir au Louvre. Un Japonais
m'avait fait la réflexion alors que j'en reproduisais un par le
dessin "cela ne se dessine pas ; ils sont vivants".
Entre vivant et mort. La difficulté avec ce livre, c'est que c'est
l'histoire d'un être réel et en même temps, j'ai un
mal fou à me le représenter. Sa langue est une anti-langue.
Il y a beaucoup de non-dit. Que devient le frère, par exemple ?
À part un passage en début de livre, il n'en parlera plus
jamais. Il s'en tient aux père et mère qui semblent désincarnés.
Qui sont ces parents ? Il accuse ses parents d'être les responsables
de son cancer. Et il jette tout d'eux. Il massacre sa mère à
la fin, certes en fantasme, mais sa description est très sanglante
(ça m'a fait penser à La
Nuit des morts-vivants).
Son écriture est comme le cancer : c'est une écriture
de l'annihilation, de la prolifération des métastases partout.
Ses répétitions par exemple, je les ai vues comme ça.
Il est dans une langue mortifère. C'est une charge contre la famille
dont l'essentiel n'est pas dit selon moi. Rien n'est investi. Même
le paysage n'est pas investi. Il y a, un temps, l'incarnation par la gymnastique,
mais ça lui échappe encore. Il y a des passages que j'ai
adorés, comme celui sur Moscou.
Je suis comme Anne, je préfère ne pas attribuer d'évaluation.
Mais j'émets un vu, celui d'aller vers des uvres littéraires
joviales, drôles.
Nathalie B
Pour ma part, je vais l'ouvrir à moitié. L'auteur a voulu
faire uvre de littérature. D'ailleurs il nous parle de ses
différentes uvres rédigées lorsqu'il était
étudiant et qu'il s'empressait de détruire. Celle-ci, il
n'a pas voulu la détruire. Il a voulu au contraire qu'elle soit
publiée. Et il n'est mort qu'après l'avoir su. C'est son
témoignage et son acte d'accusation. Mais c'est aussi un livre
qui se veut littéraire. Dès lors, mon appréciation
sera ma façon de rendre hommage à cet écrivain d'une
seule uvre publiée. Il écrit bien. Sa lecture m'a
absorbée du moins pour la première partie qui compose les
trois quarts du livre. Les 2e et 3e parties sont plus difficiles car il
devient impossible de ne pas penser à sa mort que l'on sait advenir
quelques mois plus tard. Selon moi, le ressassement qui, on le sait, est
un signe de dépression comme la parole en boucle, est voulu par
l'auteur. Certaines phrases répétées sont presque
identiques mais un mot est modifié, ou un fragment. Il y a bien
acte littéraire. J'ai aussi pensé à Huysmans à
sa lecture. D'autant que l'auteur a lui aussi été un dandy
du moins lors de ses années estudiantines. Et pour cet "essai"
je dirai aussi qu'il ne faut pas identifier l'écrivain et l'homme.
Celui qui écrit peut ressembler à celui qui existe, mais
il ne peut jamais y avoir identité entre les deux. Il y a nécessairement
une distance que fait naître l'écriture. Même dans
ce cas-ci. Dans la mesure où il veut absolument dénoncer
une façon de vivre, de penser du milieu social qui est le sien,
qu'il estime, et sans doute à juste titre pour ce qui le concerne,
comme fatal, il outre le trait. Sa dénonciation de son milieu est
intéressante, et drôle. Peut-être même a-t-elle
été, comme il l'a souhaité, utile pour faire changer
les mentalités de cette classe dominante, du moins sur certains
sujets. En même temps, on ne peut que remarquer qu'il reste le fils
de son milieu dans sa propre façon de penser, avec parfois une
arrogance caractéristique. Ainsi lorsqu'il parle de la maladie
d'un "nègre" (déjà dans les années
70, l'expression était considérée comme mal venue),
pauvre, qui n'aurait pas les capacités de penser sa maladie comparé
à lui (!!!). Il véhicule les préjugés de sa
classe sociale. Il est par ailleurs totalement autocentré, ce qui
certes peut être dû à dépression, mais aussi
facteur de sa dépression. On voudrait lui dire de s'ouvrir à
autrui, de voir les autres injustices comme les beautés de ce monde.
À un moment, on pense que sa thérapie va enfin le lui permettre,
on voit une lueur, mais qui dès la 2e partie n'est plus. L'avancée
de la maladie le fait retourner sur lui-même. Plus d'extérieur.
Il est enfermé définitivement. Il n'en sort plus et sa colère
et ses haines se soulèvent. Il se vit victime. Il se bat mais si
l'on reprend ses analogies, sa colère va le gagner tout entier
et va avec le cancer le tuer. Mais à aucun moment il n'est acteur
de sa vie. Il est juste victime. Aucun pas de côté de sa
part. Non, il reste dans sa position de victime
qui va mourir victime.
Remarquons que de ce côté-là, c'est très moderne !
Mais moi, lectrice, ça m'agace. Je ne l'ouvre donc qu'à
moitié. J'ai aimé la première moitié, pas
la deuxième.
Katherine
Alors que moi, j'avais été très agacée par
Trois femmes puissantes que je trouvais
pleurnichard, avec un ton factice ! C'est le contraire avec toi,
Nathalie, celui-là ne m'a pas du tout agacé. Ce livre-là,
je l'ai lu au 1er degré du 1er degré. Il a vécu une
vie difficile. Le malheur des riches, ça existe, on le voit partout
dans la littérature. On sait qu'il a de l'argent mais ce n'est
pas ce qui est important. J'ai souligné de nombreux passages. Il
joue un rôle. Ce livre, c'est comment il découvre sa maladie.
C'est fascinant de voir quelqu'un aussi lucide. Je ne crois pas que son
ressassement soit un effet de style. Quand je le lisais, tout m'intéressait.
Il essaie tout le temps de convaincre qu'il était bien, qu'il allait
bien. Et en même temps, il a toujours ce sentiment de culpabilité,
car il estime ne pas avoir de raison objective d'aller mal. Ce sentiment
est extrêmement bien décrit. Ce livre m'a énormément
touchée. J'ouvre en très grand.
Anne-Marie
Je suis très partagée. Dérangée aussi par
ce livre. J'ai de la sympathie pour l'auteur. Dans cette uvre, pas
de faits concrets, pas d'anecdotes sur le fond. Il n'est plus dans la
vraie vie, il vit dans une harmonie fabriquée par ses parents.
Être en harmonie ou ne pas être !
Au début, il raconte, et à la fin, changement de ton. Entretemps,
sa thérapie. Sa prise de conscience est liée. Il sort de
sa dépression ; il se sert de son cancer pour s'en sortir.
Il ne parle pas de sa thérapie, c'est dommage. C'est frustrant
pour le lecteur. Et la phrase de fin est très forte : "je
n'ai pas encore capitulé, je me déclare en état de
guerre totale". C'est un homme qui lutte. Il est brutal
avec l'extérieur car il n'existe pas. C'est un vrai combat, ce
qui le rend attachant. Je l'ouvre en grand.
Olivier
Je pourrais faire mien tout ce que j'ai entendu. Au début, j'ai
été scotché par l'analyse au vitriol de la bourgeoisie.
Il décrit la vie, ses parents, son milieu
C'est agréable
à lire, enlevé. Si on compare avec Huysmans qui aime les
belles choses, les tableaux, la poésie, la littérature latine
décadente
lui, il n'aime rien. Peut-on le prendre son uvre
comme un livre ? La réponse est oui. Mais c'est un livre un
peu particulier. C'est une sorte d'autobiographie. Je ne peux pas m'empêcher
de juger, de m'identifier à l'homme qui parle. C'est un peu mon
enfance. Et donc je le juge. Je ne peux m'empêcher de me dire :
j'espère qu'il y aura un happy end où il pourra voir la
beauté du monde. Je ne peux pas m'imaginer quelqu'un comme ça.
C'est un aveugle de naissance. Est-ce que ça existe quelqu'un à
ce point démuni d'affect ? Il ne nous dit pas tout. Il nous
parle d'angoisse. D'ailleurs c'est son nom véritable. Angst,
c'est angoisse en allemand. Il voulait écrire sous son véritable
nom, mais finalement il a choisi Zorn, qui veut dire colère.
Ce livre, c'est un OVNI. Il dit d'ailleurs "Dans
mon cas, il faudrait sans doute parler d'idiotie affective"
Il n'a rien. On a envie de lui dire "Regarde
une fleur, le soleil, la mer
". Il n'a vécu
pour rien ! Il crache sur ses parents, cela m'est désagréable.
Ma philosophie est à l'opposé de la sienne. C'est une autobiographie
désespérante. Je préfère quand il est en colère.
Valérie
(avis transmis)
Je suis heureuse d'avoir découvert un auteur de langue allemande
que je ne connaissais pas, d'où toujours ce vif intérêt
de faire partie de voix au chapitre.
P. 248 : "parce
que dans ma vue, manifestement, ce ne sont pas ma volonté et mes
sentiments et mon moi qui ont été l'essentiel, mais seulement
et toujours l'héritage de mes parents".
Terrible constat, cet homme n'a jamais pu être lui-même, il
n'a pas eu de moi, il me semble que cet aveu est bouleversant, toute la
tragédie humaine et les psychanalystes n'y feront rien
On n'a pas droit à une deuxième chance.
"Je crois que la même
chose s'applique à la maladie de l'âme, partout où
ça fait mal, c'est moi. L'héritage de mes parents en moi
est comme une gigantesque tumeur cancéreuse; tout ce qui en souffre,
ma misère et mon tourment et mon désespoir c'est moi"
Encore un constat déchirant et un cri jeté dans l'abîme.
Que transmettre à nos enfants ? Pauvres parents, nous imaginons
faire le meilleur et nous tuons nos enfants.
"Cette volonté
de prendre une distance par rapport à mon passé familial
dans la mesure où j'en souffre, c'est cela ma liberté. On
m'a démoli et détruit, castré, violente, empoisonné
et tué, mais c'est justement dans cette liberté individuelle
qui est la mienne que je me distingue d'une tête de bétail
qu'on abat tout simplement, en cela, même moi j'atteins à
une certaine dignité humaine". Tout est dit, merci
Fritz Zorn, le combat pour la liberté et la dignité humaine
sont à mon sens les valeurs essentielles.
Je l'ouvre en très grand.
Séverine G(avis
transmis)
J'ai trouvé ce livre assez fascinant, même s'il est pour
moi discutable de parler de littérature, j'emploierai plutôt
le terme de témoignage, certes extrêmement bien écrit.
Cette auto-analyse interroge tout lecteur, et surtout parent, sur la justesse,
la pertinence, du diagnostic.
Ne sommes-nous pas tous, parents, en partie concernés par cette
accusation de "normalisation" de nos enfants, chacun dans son
milieu, dans ses valeurs ? Et quel "procès" pourraient
nous intenter nos enfants, de leurs futures souffrances, voire maladies
psychosomatiques ?
La plume, puisqu'il faut traiter cet écrit de manière littéraire,
est incisive, ironique à souhait, et intéressante. Même
s'il y a certaines redites, mais comment en vouloir à l'auteur
de revenir, encore et encore, sur l'origine de son malheur, à savoir
"ses pauvres parents"... Ce vocable change d'ailleurs, à
la fin. Le "pauvre" est retranché. L'accusation plus
franche.
En tous cas, ce récit fait ressentir une profonde empathie pour
cet enfant, puis adolescent en incapacité totale d'expression propre,
qui devient un adulte dénué de sentiments : ni l'amitié
vraie, ni l'amour, filial ou amoureux, n'est possible pour lui, il les
cherche mais se dit impuissant, à tous les sens du terme, pour
les ressentir réellement.
Je ne suis ni psy ni médecin, mais il me semble que cette pathologie-là,
est encore pire que le cancer... Mais peut-être pas le fruit de
son éducation, peut-être une pathologie propre à cet
individu, et non éducative ?
J'ouvre le livre aux ¾. Merci pour cette découverte et ce
livre vraiment marquant.
Monique (avis
transmis) entre
et
Ce livre est une longue et pénible description
de la descente d'un homme aux enfers. On est très loin de la flamboyante
névrose de des Esseintes. L'écriture
est laconique, au fil de la plume, assez répétitive mais
sans effets, avec juste la recherche du mot qui reflète au plus
près son état d'âme, ses sensations.
La lecture m'a semblée éprouvante. L'auteur se livre à
une lancinante exploration de son âme, de ses sensations, de son
mal-être. On entre dans un cauchemar. Les parents sont cultivés,
mais très ennuyeux, ils ne font rien de leur culture ; on
a l'impression qu'ils la cachent, comme leur argent dans un coffre du
Crédit Suisse de Zurich. Il n'y a pas d'amour, pas de curiosité,
pas de jeu, de souvenir ludique ou charnel ; tout est lisse, froid,
inhibé, indifférent, archétype de ce milieu bourgeois
zurichois. Seules comptent les apparences, les bonnes manières,
le "comme il faut" ("Nous
considérions la vie avec bienveillance comme celle qu'on témoigne
à une girafe ou un rhinocéros dans un zoo. Nous étions
des spectateurs, comme on va au cinéma").
Pas étonnant que l'enfant ultra-sensible tombe en dépression.
Pourtant, beaucoup lui a été donné pour réussir
sa vie : il avoue une enfance heureuse ; adolescent intelligent,
il écrit au lycée des pièces de théâtre
qui ont du succès, réussit son bac et ses examens sans effort ;
son problème, c'est le corps, il est nul en gymnastique (on sent
bien que ce corps qui refuse de se mouvoir est un reflet de l'âme),
mais cela n'attire pas son attention ; il est bon élève
et a les meilleures manières du monde. Résigné, enfermé
dans ses convenances, son milieu bourgeois, il reste dans le carcan parental
comme un enfant soumis qui accepte tout, ne fait rien de ses talents et
rien pour échapper à son conditionnement "Je
n'étais pas Moi en tant qu'individu nettement délimité
par rapport au monde qui l'entoure ; je n'étais qu'une particule
conformiste de ce monde qui m'entourait, pas même un membre utile
de la société humaine, mais un membre bien élevé".
Cette impuissance caractéristique de la dépression va très
loin. On est frappé par cette incapacité à réagir,
ce n'est qu'à la fin du livre qu'il parle de révolte, que
cela lui vient à l'esprit. Sa vie se résume à des
enfermements dans des coquilles successives : la maison des parents,
confortable, où l'on vit dans une fausse harmonie terriblement
conventionnelle et fuit les conflits, l'université ou il se réfugie
par angoisse, besoin de protection ; son appartement d'adulte, où
il regarde décliner la lumière des couchers de soleil sur
les tableaux accrochés au mur et enfin le cancer comme ultime refuge
pour échapper à la dépression.
Il remet éternellement la faute, l'origine de son mal sur ses parents,
Zurich, la bourgeoisie, la Suisse, qu'il hait à la manière
d'un Thomas Bernhard, sans s'interroger sur ce qu'il aurait pu faire pour
s'en sortir. À un moment de cette longue confession, il dit "Écrire
comme un adoucissement de l'âme". Je crois que s'il
avait écrit dès l'adolescence, tenu un journal, livré
"ses larmes rentrées"
à ce journal, il aurait peut-être évité ce
cancer. Cette impuissance à vivre le monde, héritée
du milieu parental, ce manque d'élan vital envers les autres, la
nature, l'art, les joies simples de la vie, vont le condamner.
L'orgueil me semble également responsable de cet enfermement. Un
sentiment de supériorité hérité des parents
qui "témoignent
d'un respect ostentatoire envers ceux qui ne sont pas de leur milieu".
Lui aussi se sent supérieur aux autres lycéens, est fier
de ne pas jouer au flipper ou au baby-foot. Il s'exclut de tout et s'en
glorifie. Correct et conforme, il se réserve "les
choses élevées". Il aurait pu refuser ce
"comme il faut"
qu'on lui a imposé. La prise de conscience et la rébellion
seront violentes mais bien tardives.
Beaucoup de passages sont très poignants, notamment :
"Je ne peux pas rire car cela ne rit pas en moi".
"Nous ne faisions rien, ne disions rien, n'avions aucune opinion, c'est pourquoi nous passions notre temps à nous amuser des gens qui ridiculement, faisaient, disaient, ou pensaient à quelque chose. Ces clowns dans notre salon étaient nécessaires à notre vie Nous les trouvions sympathiques car ils nous faisaient rire, ce dont nous étions incapables".
"Je savais que j'étais presque anéanti par la solitude et le manque d'amour, je savais que la frustration et la dépression remplissaient à tel point ma vie que presque rien d'autre ne pouvait y trouver place".
"Mon problème était tout autre chose que des difficultés avec les femmes, c'était une totale impuissance de l'âme".
"Le sentiment de l'échec me calcine l'âme et le corps. Plus je me connais moi-même, plus je me ressens comme je suis : détruit, castré, brisé, déshonoré, bafoué c'est comme si la souffrance ne pouvait qu'être approfondie, éternellement, sans fin."
Cette longue logorrhée, cette plainte répétitive,
qui n'en finit pas de se regarder en miroir est aussi une critique violente,
acerbe, de la société bourgeoise Suisse. Il dit : "Écrire
cette confession, parler pour confondre la société bourgeoise,
ne pas être solidaire, dénoncer ce Moloch qui dévore
ses propres enfants".
Difficile de dire si je l'ouvre à moitié ou aux trois quart,
je suis partagée entre l'épreuve de la lecture et la valeur
du témoignage poignant.
Livres
de (ou d'après) Fritz Zorn en français Les
trois parties du livre Radio-Télé
L'auteur en
quelques dates Extraits de livres
évoquant Mars Articles
littéraires Articles psy
voire médicaux Mars
au théâtre
|
LIVRES de
(ou d'après) Fritz Zorn en français
- Mars,
éd. Gallimard,
1979, puis format poche,
1982
Préface d'Adolf
Muschg, lui-même écrivain zurichois.
Traduction
de l'allemand (Suisse) par Gilberte Lambrichs : traductrice et écrivaine
sous le pseudonyme de Constance
Delaunay, mère de l'écrivaine Louise
Lambrichs, femme de l'auteur et éditeur Georges
Lambrichs...
- Lettre
à Fritz Zorn de Monique Verrey, suivi de Le premier
puzzle de Zurich de Fritz Zorn, L'Aire, Lausanne, 1980, trad. Monique
Verrey. En 1975, Fritz Zorn adresse une longue lettre à son ancienne
amie détudes Monique Verrey, en y joignant le récit
publié ici avec la lettre-réponse.
- Angoisse et colère, une BD d'Alex et Daniel Varenne, Casterman, coll. "Les romans", 1988, adaptée de Mars. A lire ici : le formidable texte qui ouvre la BD, récit sur les traces de Fritz Zorn-Angst...
Les TROIS PARTIES
du livre
- Mars en exil : Zorn
a un passage à la fin de cette partie sur Mars "le dieu
de la guerre", le "dieu du renouveau et du principe créateur
et vraiment surtout le dieu des créateurs et des artistes".
Il évoque un "être martien", qui a "besoin
d'un point d'application extérieur" pour exercer son action,
et s'il en est privé, "il retourne son agressivité
naturelle vers l'intérieur et se détruit lui-même".
- Ultima
necat : vient de la formule "Vulnerant omnes ultima necat"
= toutes blessent, la dernière tue. On la trouve sur des cadrans
solaires.
- Le chevalier, la mort
et le diable : cette gravure sur cuivre de Dürer (1513) représente
un chevalier en armure, accompagné de son
chien, qui avance fièrement à travers une gorge étroite
et ne regarde ni le diable à tête de chèvre, ni la
figure de la mort à cheval, avec à la main un sablier, rappel
de la brièveté de la vie. Nietzsche fait référence
à cette uvre dans La
Naissance de la tragédie (1872) et les nazis l'ont parfois
utilisée dans leurs images de propagande.
Museen
der Stadt Nürnberg
RADIO-TÉLÉ
- Un comble ! L'émission
littéraire de la RTS intitulée La
voix au Chapitre du 20 janvier 1980 donne la parole au préfacier
de Mars Adolf Muschg,
avec Roland Jaccard (18 min) : intéressant !
- Dans Ça
peut pas faire de mal à France Inter, Guillaume Gallienne
lit des passages de Mars, le 16 février 2003 (47 min). Avec
les voix de Chantal Thomas, Gilberte Lambrichs, Viviane Forrester.
L'AUTEUR
en quelques dates
- Né en 1944 ; enfance et jeunesse
à Zurich.
- Études de langues et littératures romanes et allemandes
à Zurich, séjours à Lisbonne et Madrid, doctorat
à Zurich en 1971.
- Professeur despagnol dans un lycée à Baden, Zurich
et Aarau (ci-dessous en tenue espagnole vers 1974 devant son appartement
à Zurich)
jusqu'à
ce qu'il soit atteint, à lâge de 30 ans, dun
cancer.
- Commence une psychothérapie et écrit ses mémoires.
- Il meurt en 1976 à 32 ans, son livre terminé, mais sans
l'avoir vu publié (mais juste après avoir appris qu'il serait
édité).
Son
véritable nom de famille est
Angst qui signifie angoisse. Son pseudonyme
Zorn signifie colère.
Vue sur les toits du vieux Zurich et les tours du Grossmünster prise
de l'appartement de Fritz. Ces photos sont publiées dans le livre
Lettre à
Fritz Zorn de Monique Verrey. Elle y raconte qu'entre 1962 et
1974, il écrit 11 pièces et 10 récits. Elle y publie
son texte Le premier puzzle de Zurich, dont il lui a offert une
copie et dont il a fait une lecture à une soirée littéraire
peu avant sa mort : c'est une fiction où l'activité
de puzzle envahit tout, le puzzlage auquel se livrent les puzzlothéistes
qui s'opposent aux puzzlodoxes. Même les bovins puzzlent...
EXTRAITS
de livres qui évoquent Mars de Fritz Zorn
- Chantal Thomas consacre un chapitre à
"Zorn ou la colère",
dans Souffrir
(Payot, 2003 ; Rivages
poche, 2018).
- "Mars
de Fritz Zorn qui ma comme tant de lecteurs bouleversé",
écrit Emmanuel
Carrère en 2009, dans son livre Dautres
vies que la mienne (que nous avions lu), où il se réfère
à Mars à propos d'un de ses personnages, Etienne,
qui a aussi le cancer (voir un passage du livre).
- Arnaud Cathrine, dans Nos
vies romancées (Stock, 2011), raconte qu'il relit Mars
en 2010 et saperçoit que son regard a changé :
"Javais lu un livre de mort. Je retrouve un livre de vie".
- Dans Évangile
des égarés (Gallimard, 2020), Georgina
Tacou évoque trois rencontres dont l'une est la figure de
Fritz Zorn.
ARTICLES
"littéraires"
(pour distinguer des articles psy qui suivent)
- "Fritz
Zorn ou du cancer comme genre littéraire", Pierre Combescot,
Nouvelles littéraires, 22 novembre 1979.
-"Mars,
de Fritz Zorn : cancer de l'âme, cancer du corps", Roland
Jaccard, Le Monde, 16 novembre 1979 (Roland Jaccard est psychanalyste,
écrivain, critique littéraire, et éditeur suisse).
- "Mars,
par Fritz Zorn", Chantal Labre, Esprit, "Les
Européens en politique", décembre 1979.
- "Après le succès
posthume de son roman Mars, deux inédits exclusifs de Fritz
Zorn", Pierre Combescot, Nouvelles littéraires,
6 novembre 1980.
- "Vie
en rose et cancérose : Mars, de Fritz Zorn", Richard
Sünder, Liberté, revue d'art et politique, n° 23,
1981 : article pas littéraire, pour montrer que Mars permet
toutes les élucubrations...
ARTICLES
psy voire médicaux
- "Le cas Fritz Zorn",
Stéphane Grisi, Dans l'intimité des maladies : de Montaigne
à Hervé Guibert, Desclée de Brouwer, 1996. Stéphane
Grisi a fait sa thèse
(de médecine) sur lautopathographie dans la littérature
; l'autopathographie serait un sous-genre de lautobiographie, centrée
sur lexpérience de la maladie.
- "En marge de Mars
de Fritz Zorn : narcissisme et pulsion", Béla Grunberger,
Revue française de psychosomatique, "Masochismes
et maladie", PUF, n° 18, 2000.
- "Syndrome
de Fritz Zorn et abus de la psycho-neuro-immunologie", Dr Rémy
C. Martin-Du-Pan, RMS (Revue médicale suisse), n° 446,
2014.
- "Les besoins contaminés
à partir de Mars de Fritz Zorn : dun pas-de-corps
dans la psychose", Marie Selin, Psychologie Clinique,
"Imaginaire
et réalité", n° 41, 2016.
THÉÂTRE
: Mars a été adapté
à la scène, mais pas à l'écran.
- Éduqué à mort (1982) :
adaptation de Catherine Espinasse et Emmanuelle Clove de Mars de
Fritz Zorn, mise
en scène de Jean-Luc Terrade,
spectacle de Les Marches de l'Été, représentation
à Élancourt.
- Colère (1983) : mise en scène et adaptation de
Dominique Ferret avec Anne-Françoise Benhamou de Mars, Studio
Théâtre de Vitry.
- Éduqué
à mort (1985) : mise en scène Philippe Bussière,
d'après Mars de Fritz Zorn et Lettre à Zorn
de Monique Verrey, mise en scène de Philippe Bussière, avec
Véronique Delmas et Jean-Marc Brisset, spectacle de 3 Bc Compagnie,
représentation à Toulouse, Cave Poésie.
- Mars (1986) : mise en scène et adaptation de Darius Peyamiras,
d'après le roman de Fritz Zorn, au Centre culturel suisse, avec
Jean-Quentin Chatelain, Festival d'automne, longs
extraits ici, voir aussi
ici le spectacle repris en 2013.
- Mars (2007) : mise en scène et adaptation Stefan Delon,
d'après Fritz Zorn, Compagnie U structure nouvelle et Théâtre
Sorano, Toulouse, avec Stefan Delon, représentation au Théâtre
de Grammont de Montpellier, programme
ici.
- Mars (2009) : adaptation et mise en scène de Stefan Delon
du roman de Fritz Zorn, Théâtre Sorano à Toulouse,
avec Stefan Delon, bande-annonce
ici.
- Mars (2009) : mise en scène Denis Laujol, compagnie Ad
hominem Théâtre Océan Nord à Bruxelles, bande-annonce
ici.
- Les larmes rentrées (2012) : conception Laurent de Richemond,
d'après Mars de Fritz Zorn, Théâtre de la Minoterie,
Théâtre des Bernardines à Marseille, avec Jérôme
de Falloise, Barbara Sarreau, Frédéric Pichon.
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
||||
à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens
Gallimard,
coll. "Du monde entier", 1979, 264 p.
Quatrième de couverture :
Fils d'une famille patricienne de Zurich,
celui qui a écrit ce livre sous un pseudonyme fut ce qu'on appelle
un enfant bien élevé. Dans la somptueuse villa, au bord
du lac, régnait l'entente parfaite. Un certain ennui aussi, qui
tient à la bienséance. Non sans humour, Zorn nous décrit
les petits travers de ses parents. Humour ? Le mot est faible. Disons
plutôt une noire ironie, celle du jeune homme qui, découvrant
qu'il est atteint du cancer, pense aussitôt : naturellement.
Ce livre n'est pas une autobiographie. C'est une recherche, une analyse
des causes de la maladie, entreprise, avec l'énergie du désespoir,
par un condamné qui n'a pas voulu mourir sans savoir pourquoi.
Prisonnier de sa famille, prisonnier de son milieu, prisonnier de lui-même
car il était, en tout, sage et raisonnable, Fritz Zorn présentait
aux yeux du monde et, ce qui est bien plus grave, à ses propres
yeux, l'image d'un jeune homme sociable, spirituel, sans problèmes.
Le jour où cette façade a craqué, il était
trop tard.
Trop tard pour vaincre le mal mais non pas pour écrire ce récit
qui est non seulement bouleversant mais intéressant au plus haut
degré : jamais les contraintes et les tabous qui pèsent,
aujourd'hui encore, sur les esprits soi-disant libres, n'ont été
analysés avec une telle pénétration ; jamais la fragilité
de la personne, le rapport, toujours précaire et menacé,
entre le corps et l'âme, qu'escamote souvent l'usage commode du
terme "psychosomatique", n'a été décrit
avec une telle lucidité, dans une écriture volontairement
neutre, par celui qui constate ici, très simplement, qu'il a été
"éduqué à mort". Il avait trente-deux ans.
Angoisse et colère
d'Alex et Daniel Varenne, Casterman, coll. "Les romans",
1988, adapté de Mars
Lettre
à Fritz Zorn
de Monique Verrey, suivi de Le premier puzzle de Zurich de Fritz
Zorn, L'Aire, Lausanne, 1980