Quatrième
de couverture :
PRIX - 1996 : prix Médicis étranger
pour Sonietchka. |
Ludmila
OULITSKAÏA
|
Les
livres lus pendant la semaine
- Samedi
: C.-F RAMUZ, La grande peur dans la montagne
(Suisse)- Dimanche : Ludmila OULITSKAÏA, Sonietchka (Russie) - Lundi : Iván REPILA, Le puits (Espagne) - Mardi : Amos TUTUOLA, L'ivrogne dans la brousse (Nigéria) - Mercredi : Georg BÜCHNER, Lenz (Allemagne) - Jeudi : Claudio MAGRIS, Temps courbe à Krems (Italie) - Vendredi : David SPECTOR, 7500 € : pastiches politico-littéraires (France) |
Nos
25 cotes d'amour pour Sonietchka
(13 participants à la semaine lecture et 12 lecteurs à distance) |
(Le livre avait été lu
dans le groupe 25 ans auparavant,
en
1997... : qui donc survit de cette époque ?...)
Avis à distance |
Brigitte L
entre et
Nous avions lu ce livre dans le groupe, il
y a bien longtemps. Seules Claire et moi, sommes encore là
pour en parler.
C'est un livre court, qui relate la vie en Russie depuis la première
guerre mondiale jusqu'aux années soixante. Les personnages sont
des gens ordinaires à qui il arrive des choses ordinaires. Tout
l'intérêt du roman est dans l'écriture, la façon
dont la narratrice raconte sans jamais s'attarder le mode de vie et son
évolution au cours des années. Sonia, le personnage principal
reste la plus énigmatique de tous. Quand la vie lui est favorable,
elle est en permanence émerveillée par la chance extraordinaire
qui lui échoit. Quand elle est plus ou moins abandonnée
de tous, elle s'évade totalement dans la lecture, qui se substitue
à sa vie, sans aucune rancur ni révolte. C'est peut-être
une facette autobiographique de Ludmila Oulitskaïa, est-ce vraisemblable
?
Je la compare à l'héroïne des Vies
de papier, qui elle aussi vit dans la lecture, mais dont la personnalité
me semble plus familière.
Pour revenir à l'écriture rapide et un peu elliptique, mais
très soignée, elle sous-entend une vigoureuse critique du
régime soviétique, sans jamais l'aborder explicitement.
J'ai lu aussi L'échelle
de Jacob, qui traite du même thème, mais d'une façon
très différente, puisqu'il s'agit d'une sorte de saga familiale,
et qui m'avait aussi beaucoup plu.
J'ouvre entre ½ et ¾.
Brigitte T
Urss entre les années 30 et 70, tout est gris et terne (tel le
voit mon imagination). Je n'ai pas d'empathie pour Sonia : une femme amoureuse
des livres, mais qu'en retire-t-elle ? Femme qui me semble vite oublier
sa passion pour une vie terne sans surprise, sans couleur, pauvre en émotion
- elle pleure sans larme - Sonia fait preuve d'un fatalisme déconcertant
vis-à-vis des événements de sa vie et de son entourage
: un peintre peut-être avant-gardiste mais odieux et égoïste
(on pourrait presque parler d'inceste), une fille complexe aux relations
amoureuses ambiguës... une jeune amie/fille adoptive "paumée"
et peu fréquentable... la lecture de ce livre m'ennuie.
Quelque chose m'échappe entre l'histoire de cette famille et l'histoire
de ce pays, mais je ne trouve pas quoi et n'ai nullement envie de reprendre
la lecture, même si le livre est cours et le style simple. J'aurai
plaisir à lire vos avis ! Et y réfléchir à
nouveau, c'est pourquoi je l'ouvre ¼.
Catherine
Jai bien aimé celui-là.
Le personnage de Sonia ma touchée. Ça mennuie
un peu quand même que le personnage de lectrice passionnée
soit forcément laide, la lecture devenant un refuge pour elle mais
bon... Ça ma un peu étonnée aussi quelle
puisse labandonner à peu près du jour au lendemain
en devenant mère et femme au foyer.
Pas très crédible le fait que Robert en posant les yeux
sur Sonia sache instantanément quelle sera sa femme. Et je
nai pas beaucoup aimé non plus à la fin, laventure
entre Robert et Jasia, le vieil artiste qui brûle de passion pour
une très jeune fille. Jai trouvé ça très
conventionnel. Le ménage à 3 est tout de même moins
conventionnel.
Globalement, je me suis laissé embarquer par lhistoire et
les personnages.
Jai bien aimé le style, certains détails dont je me
souviens, les jouets fabriqués par Robert, lamoureux de Tania,
Vladimir qui ressemble à un tapir par exemple.
Je louvre aux ¾.
Marie-Odile
Voici après une lecture rapide, un avis rapide. Je suis frustrée
de lire si vite ces cent pages qui retracent toute une vie et d'en parler
sans le recul nécessaire.
J'ai apprécié la façon dont l'essentiel d'une vie
est évoqué, pointant les moments intenses sans jamais s'appesantir,
évoquant par endroits le contexte, disant souvent les choses avec
légèreté et humour.
J'ai aimé la façon de présenter la lecture par le
biais de Sonia qui s'y abîme, s'y engloutit, avant de plonger ensuite
dans la vie qui la comble d'un bonheur qu'elle ne pense pas mériter.
J'ai aimé la fantaisie des objets et le blanc des tableaux, créés
par Robert.
Je ne sais que penser du parcours des personnages...
J'aimerais relire ce roman en prenant mon temps.
J'ouvre en grand.
Marie-Thé
Je suis partagée : les personnages me sont à la fois attachants
et peu sympathiques. Difficile de comprendre Sonia, difficile de suivre
ce Robert au parcours sinueux, seules Tania et Jasia sortent de l'ombre
pour moi.
Où est l'émotion dans ce livre ? Je n'en trouve pas trace.
Certes, il y a "la perfection
du verbe" (Sonia), l'art, mais en face l'importance est
accordée à la perfection des corps (celui de Jasia). Où
est l'amour ? Pas de trace d'amour chez qui que ce soit, amour (physique)
sans amour...
Sonia m'agace dans ses casseroles, à geindre sur cette vie qui
lui est accordée : "bonheur
de femme immérité et si violent qu'elle n' arrivait pas
à s' y accoutumer."
J'ai aimé Tania découvrant "droit
au plaisir et à la liberté", l'image du
joueur de flûte qu'elle représente, qui attire et qui séduit...
J'ai été interpellée par Robert contemplant Jasia
: "il songeait au prix
de la jeunesse, à ce genre de perfection dont avait parlé
le seul génie russe", "celle
qui n'est pas digne d'être intelligente" (Pouchkine).
Mort de Robert, parcours de chacune... C'est blanc (ce blanc cher à
Robert) et c'est froid.
Je ne peux pas hisser Sonietchka aussi haut que La
montagne de Ramuz que j'ai ouvert à moitié, donc
je l'ouvre ¼.
Fanny
J'ai d'emblée beaucoup aimé le style d'écriture de
ce roman. Les descriptions de Sonia m'ont au début fait pensé
à Jeanne dans Une
vie de Maupassant.
J'ai perçu peut-être à tort une pointe d'humour dans
la description des personnages, comme une forme de mise à distance
de l'auteur avec chacun d'eux, mais avec dans le même temps une
réelle affection notamment pour Sonia.
Arrivée au premier tiers, j'ai craint de m'ennuyer un peu malgré
la brièveté du roman mais le récit de vie de Tania
a rapidement fait reprendre un rythme plus soutenu.
J'éprouve au final une grande sympathie pour le personnage de Sonia.
On pourrait penser au début qu'elle est naïve, voire une peu
niaise, mais je pense qu'il n'en n'est rien. Elle semble avoir réellement
la faculté de se réjouir de ce que la vie lui a apporté
et placer au-dessus de tout son amour de ses proches et notamment de son
mari.
Enfin, je trouve que le modèle familial en trouple qu'ils osent
exposer aux yeux de la société bien-pensante est assez avant-gardiste.
J'ouvre en grand et vous souhaite un bel échange. Hâte de
vous lire !
Monique L
Ce portrait de femme va plutôt à l'encontre de mes conceptions
de la femme libérée, mais la plume de l'auteur a réussi
à me faire entrer dans l'univers de cette femme étrange,
ce qui me surprend moi-même.
Etrange Sonia qui manifeste peu ou pas du tout ses idées, ses sentiments,
qui semble renoncer à tout désir.
Elle mène une vie simple et apparemment sans relief. Elle se laisse
porter par les événements de la vie, comme si elle en était
la spectatrice. Quels que soient les aléas de l'existence, elle
affiche une inébranlable sérénité, même
lorsque son mari la trompe.
Elle accepte son destin sans ciller et parvient à trouver le bonheur
là où il échapperait à d'autres. Elle juge
son bonheur comme une erreur, comme quelque chose d'éphémère
et d'immérité.
Je n'y ai pas vue une vie de résignation.
C'est une femme attachante et accueillante et l'attitude de Jasia à
son égard en est une preuve irréfutable.
En définitive, elle a mené une vie à laquelle elle
n'aurait jamais pensé aspirer, qui lui aura convenu et dans laquelle
elle aura, malgré tout, trouvé le bonheur.
A la fin, heureusement il y a son amour des livres et de la lecture, elle
retrouve sa solitude passée et ses livres, alors que la cote des
uvres de son mari défunt flambe !
J'ai apprécié la présence en toile de fond de la
Russie de Staline, la Seconde Guerre mondiale, le régime soviétique,
la déportation, la difficulté à vivre, les résidences
forcées..., mais aussi un monde d'artistes bannis et l'importance
de la lecture.
Ce roman dont l'histoire est très simple aurait pu être mièvre,
mais pas du tout.
L'écriture d'Oulitskaïa est sobre. Elle emploie un ton d'observation,
sans jugement mais sans concession. Cette narration distante et sans doute
ironique m'a sans aucun doute permis cette lecture.
Etonnement, cette lecture m'a procuré un réel plaisir. J'ouvre
aux ¾.
Etienne
Ce portrait de femme "ordinaire" ma particulièrement
plu, je nai pu mempêcher davoir beaucoup daffection
pour Sonietchka, sa dévotion, sa persévérance. Alors
que tout ne semble quêtre médiocrité autour
delle, sa bonhommie surnage et illumine ce court roman. De la même
façon quavec Ramuz, jai découvert une langue
particulièrement singulière et très puissante. Ouvert
aux ¾.
Nathalie
Je peux dire tout de suite que je louvre en grand, en très
grand même. Ça été un plaisir de lecture très
fort.
Pourquoi ? Tout simplement parce que jai eu limpression de
lire quelque chose proche de Tchekhov, auteur que jadore, mais avec
un style différent et avec une idée contemporaine de la
vie ramassée en quelques pages.
Je ne sais pas dans quelle catégorie littéraire se place
ce texte. Compte tenu du peu de pages, je suppose quil est considéré
comme une longue nouvelle.
En même temps, la multiplication des personnages, des lieux, des
événements et du temps, en font pour ma part un véritable
roman. Quelle idée géniale que dinventer cette femme
au physique ingrat et au cur pur et généreux, si humble
en son aspiration au bonheur. Quelle idée géniale dinventer
cette passionnée de littérature qui, pour un temps, abandonnera
ses rêves littéraires pour une réalité toute
aussi extraordinaire et qui se révélera toujours une femme
bonne et conciliante.
Que de scènes drôles et bien menées : les deux gifles
assénées par lobscur objet du désir de Sonietchka,
la naissance du bébé et la scène où cette
femme est comblée entre son enfant au sein et son homme au creux
de ses reins...,la scène damour dans le lit de Jasia, lemménagement,
la scène de rencontre à la bibliothèque
Oui
pour moi, lauteure nous donne à voir le cur de la plus
pure âme russe là-dedans ! cest une merveille davoir
réussi à camper chaque personnage dune façon
aussi magistrale. Ils me semblent tous de la même envergure. Je
crois que je ne les oublierai jamais. Certaines descriptions sont incroyables
tellement pointues en si peu de lignes.
Merci pour cette découverte ! Je louvre en grand et vais
loffrir à certaines !
Edith
D'abord séduite par la couverture du livre grâce au détail
de la toile de August Macke "la femme de l'artiste". Et la première
phrase du livre : "Dès
son plus jeune âge, à peine sortie de l'enfance, Sonietchka
s'était plongée dans la lecture."
J'ai fait de même et n'ai lâché le livre qu'aux dernières
phrases, celles qui disent la vieillesse de Sonia, sa maladie de Parkinson
: "les livres tressautent entre ses mains", sa solitude
enfin. Toute une vie. "Elle
plonge la tête la première dans des profondeurs exquises
des allées sombres, et des eaux printanières"
: les livres compagnons et réconforts.
Avant d'aller lire les notes concernant l'auteure je me suis demandée
si ce texte était biographique. Robert Victorovtich était-il
le peintre décrit ? Sonia et Tania sa femme et sa fille ?
Non c'est un roman.
J'ai aimé le récit "tranquille et simple" des
passions qui habitent les protagonistes et la pudeur des descriptions
concernant les corps. Pudeur et silence tout est feutré et surtout
hors culpabilité.
Je viens de lire la préface
inédite de l'auteure. La guerre en Ukraine éclaire d'une
lumière inquiétante ses propos. Envie de lire ses autres
titres. Auteure que je découvre avec bonheur. J'ouvre en grand
le livre.
Pas plus de commentaires. Sinon écrire mon admiration pour le personnage
de Sonia : son abnégation son amour et son étonnement d'être
aimée. Ses deux filles biologique et adoptée aussi différentes
que semblables dans leur chemin d'amour et de choix de vie, à chacune
la pudeur dans la transgression, chemins de liberté pour chacune
et tout cela raconté dans un style si simple. Trois portraits de
femmes unies per le personnage de Robert l'homme de ces femmes. Attachant
lui aussi : l'inceste symbolique décrit ne me renvoie aucun trouble
ni jugement, Sonia l'attribue à la beauté de Jasia, Sonia
hors séduction et hors jalousie ! Les deux filles hors convention.
Renée
Un personnage formidable d'oblation et d'oubli de soi : grand ouvert.
Séverine
Je suis très contente d'avoir découvert cette auteure et
ce livre. Même s'il porte le nom de l'un des personnages, a priori
le personnage principal, je trouve que finalement tous sont également
traités. La fille supplante assez vite la mère. Je suis
assez marquée par l'importance accordée au physique de chacun
et qui semble les définir. Je dois dire que Robert est finalement
celui que je trouve le plus intéressant. Qui est ce peintre ? Qui
s'amourache d'une fille "apparemment" sans attrait, petit bonhomme
amoureux sans envergure et qui finalement sera célèbre.
Les descriptions sont justes, on "voit" les scènes, les
lieux, surtout à la fin l'appartement dans lequel Sonietchka va
se retrouver seule. J'aime beaucoup certains passages qui disent sans
dire, telle la première expérience sexuelle de Tania : "cette
séance d'études consacrée au nouvel objet s'était
terminée sur une brève introduction - au sens propre comme
au sens figuré". C'est drôle ! Quant
à la fameuse Sonietchka qui porte le titre du livre, je ne sais
qu'en penser
je ne sais pas si je suis vraiment fascinée
par ce personnage martyr qui accepte tout car finalement elle pense avoir
déjà plus qu'elle ne méritait
Mais bon, globalement,
je suis bien entrée dans l'histoire de cette famille au sens large,
le format est idéal ! Et c'est une vraie histoire, bien menée
! J'ouvre aux ¾.
En direct à 2000 m |
Françoise
Quel bonheur par rapport à hier ! J'ai beaucoup aimé ce
livre : les personnages, la façon dont elle raconte. Je n'ai
pas trouvé que c'était une pauvre fille : elle lit beaucoup
attendant le bonheur. C'est convaincant. Les autres personnages aussi.
Elle a une façon efficace de décrire les personnages, contrairement
à Ramuz. J'ai eu un plaisir de lecture. La toile de fond sur l'URSS
en dit beaucoup. On comprend que le livre n'ait pas été
bien reçu là-bas. Elle en dit beaucoup avec peu de mots,
sans être grandiloquente, notamment sur la condition des juifs.
J'ouvre en grand, à l'aune du plaisir de lecture que j'ai eu. Et
il y a de l'humour ! C'est agréable, tout en racontant des choses
dramatiques. Pour un si petit livre, c'est une prouesse. On retrouve des
choses de Grossman.
J'ai pas été choquée par le trouple. Tout va de soi.
Il n'y a pas de morale, pas de jugement. J'ouvre en grand.
Sabine
J'ouvre en super grand. J'ai adoré. Ce que nos Bretons n'ont pas
évoqué, c'est l'humour. Sonietchka m'a fait penser à
Nanon
de Balzac. J'ai aimé la rencontre à la bibliothèque.
Il y a un art de la formule : quand Sonietchka vieillit, "Le
tendre duvet de sa lèvre supérieure était devenu
un taillis dru et sans sexe" ; j'ai ri. Le côté
juif m'a parlé.
Mon regret, c'est l'abandon de la lecture. Elle se sacrifie pour Robert.
À la fin ça revient, ouf. C'est mon bémol. La dernière
phrase est sublime : "Le
soir, chaussant sur son nez en forme de poire de légères
lunettes suisses, elle plonge la tête la première dans des
profondeurs exquises, des allées sombres et des eaux printanières.".
Il y a vraiment un art de la formule et c'est drôle.
Françoise
Et c'est bien traduit.
Manuel
J'ouvre en grand, car j'ai beaucoup pris de plaisir, j'ai ri. J'aime le
contexte historique. Le récit ramassé en 100 pages est très
réussi. Le contexte intellectuel du mari m'a plu, avec les références.
Elle est le sens de la formule, et c'est drôle. Je n'ai pas de point
négatif : je pourrais le relire et l'offrir. C'est un bonbon. Il
y a aussi un plaisir de le lire à voix haute. Les inventions sont
bien décrites. Mais la formule sur la mémoire. J'ouvre en
grand, c'est un très un très bon livre.
Rozenn
J'ai vraiment aimé.
J'ai essayé de lire lentement pour apprécier chaque subtilité.
Mais je ne me suis pas arrêtée pour surligner. Je me suis
dit que je le relirai.
Et puis j'ai lu ce que Claire a mis sur le site, la
préface qu'elle nous a donnée.
Et en plus c'est une femme courageuse. Merci encore une fois Claire.
Et j'ai lu cet après-midi son dernier livre, des nouvelles : Le
corps de l'âme. Magique. Ma prof de russe m'avait parlé
d'elle et m'avait fait traduire des extraits. Je lirai certainement d'autres
livres d'elle.
J'ai feuilleté Sonietchka en fin d'après-midi pour
comprendre ce qui était si fort. Sa façon bienveillante
de nous raconter ses personnages. La rapidité avec laquelle elle
nous résume des vies entières en un instant. Et nous fait
entrer saisir la vie quotidienne et son lien avec la politique.
J'ouvre en très très grand.
Sabine
Je suis sciée par la différence entre les réactions
ici et celle de Bretagne.
Claire
Tu découvres les surprises d'un groupe de lecture
Fanfan
Pour moi, pareil, j'ai adoré. Je ne vais pas répéter,
y compris l'humour. Mais je veux parler : par exemple l'annonce de la
grossesse (p. 28) : "Seigneur,
Seigneur, quai-je donc fait pour mériter un tel bonheur...".
Elle est heureuse. Elle est moche mais heureuse. Elle est attachante.
On s'attache à son charme. Certaines expressions elles aussi sont
attachantes. Elle n'avait pas une forme de guitare, mais de "verre
à pied" : c'est drôle. J'ouvre en très grand.
Danièle
J'ai mis plus de temps que vous pour rentrer dans le livre - ce qui est
peut-être dû au moment où je l'ai lu, postprandial...
Je ne me suis pas intéressée aux personnages bien que j'aie
ressenti de temps à autre une écriture à la Balzac.
Et donc, ennui mortel jusqu'à l'irruption de Jasia.
Les relations à trois ont été le déclic. Enfin
les personnages ont pris place. J'ai aimé le rôle de Sonietchka,
qui sublime sa vie en observant avec objectivité la situation.
Peu gâtée par la nature, elle est pourtant capable de se
dévouer avec générosité et de s'adapter. On
pourrait trouver Robert Victorovitch répugnant d'égoïsme.
Elle, en tout cas - avec fatalisme peut-être ? -, sait prendre la
distance nécessaire pour voir ce qui peut faire le bonheur des
uns et des autres. Elle va se révéler dans son choix d'exposer
à l'occasion des obsèques de son mari les portraits et les
nus de Jasia qu'il a peints des années durant. Elle ne craint pas
le qu'en dira-t-on, au contraire, elle s'affirme par cette manifestation
d'amour et prouve aussi qu'elle a su voir en lui un grand artiste.
J'ai aimé le personnage de Jasia, à la fois ombre et lumière.
La lumière parce qu'elle est belle et attire les regards par sa
beauté et sa personnalité ; l'ombre car elle a manipulé
Victor. Tania est une fille gâtée et ingrate. C'est pour
moi un personnage désagréable. Mais elle révèle
ses talents sur le tard. Ce qui donne rétrospectivement à
son personnage du début l'effet d'une chrysalide qui a mis du temps
à s'ouvrir.
En fait, je devrais relire ce livre de bon matin pour me faire un avis.
J'ouvre donc pour le moment à moitié.
Annick
A, entreet
Dès le début, j'ai ri. Derrière ce ton, il y a un
fond de d'horreur politique. C'est extraordinaire. Page 16 : "il
regardait son front pur et souriait en son for intérieur de son
étonnante ressemblance avec un jeune dromadaire, animal patient
et tendre." Quant aux personnages, j'ai aimé leur
liberté de vivre. Il se fout du qu'en-dira-t-on. C'est bien. J'ai
beaucoup aimé le personnage de Sonia au début. Je me suis
beaucoup retrouvée là-dedans. Mais, ensuite, ça m'a
déçue : on quitte la lecture. Elle dit qu'elle est heureuse.
Pourquoi a-t-elle besoin de le dire ?
Claire
C'est l'auteure qui le dit.
Annick
Ça m'a dérangée.
Françoise
Elle travaille en tant que couturière et n'a plus le temps de lire.
Annick
La façon dont Sonia voit Jasia, c'est étonnant. Elle se
fait un rêve, un roman sur cette petite. Et en lien avec sa façon
de voir les choses. Après avoir compris dans l'atelier, elle retourne
à la lecture. Elle compense par rapport à son mari grâce
à la lecture. Elle était dans la lecture de par sa mocheté,
son humiliation. J'ai aimé qu'elle revienne à la lecture.
La préface
montre le rôle de la lecture pour s'évader. Il y a des moments
durs : la guerre, les camps.
J'hésite entre ¾ et grand.
Geneviève
À vous écouter, je pense à trois thèmes :
- le rapport à la lecture : contrairement à ce qui a été
dit, je ne suis pas étonnée du fait que Sonietchka, passionnée
de lecture, abandonne les livres lorsqu'elle tombe amoureuse. Elle est
rentrée dans la vraie vie, elle n'a plus besoin du roman, c'est
l'antithèse de la Bovary. Puis quand son amour l'abandonne, elle
s'écarte du monde et se réfugie de nouveau dans la lecture,
qui est son refuge ;
- le rapport à l'histoire et notamment l'histoire de l'Europe
et de la Russie. Jamais de lourdeurs historiques, les allusions sont toujours
en filigrane, notamment à travers la description des vêtements,
on retrouve une époque, une mentalité, par exemple le portrait
de l'intelligentsia européenne, de ses croyances et ses conflits
;
- l'absence de toute moralisation : à aucun moment, il n'y a de
jugement sur la relation du mari avec Tania. Le rapport à l'art,
à la beauté à travers la couleur blanche fait de
cette histoire de trouple qui pourrait être conventionnelle un hymne
à l'amour.
J'ouvre en grand. C'est un chef-d'uvre !
Manuela
Je pense que tout a été dit. Pour moi, les livres, il faut
"les dormir" une nuit. J'ai beaucoup aimé. C'est un petit
bijou. Je ne dirais pas que c'est vulgaire, mais les femmes trompées,
c'est commun. Sonia m'a émue : elle pense ne pas avoir le droit
au bonheur, car elle est moche. J'ai aimé cette histoire d'amour.
C'est étrange d'abandonner la lecture pour sa famille. Quand elle
est trahie par tout le monde, au lieu de devenir amère et rancunière,
elle devient généreuse : c'est par amour. Elle se fiche
de l'opinion des autres. Elle devient une femme avancée en abandonnant
la morale. Il y a la femme soumise (Sonia) et la femme fatale (Jasia).
J'ouvre en grand.
Muriel
J'ai trouvé très original ce personnage toujours content.
C'est du jamais vu. Elle me rappelle ma copine Claudie pour qui à
chaque catastrophe conclut "c'est tant mieux d'un sens"...
Sonia est bien maligne de garder Jasia, sinon son mari partirait. J'ai
trouvé absolument remarquable ce personnage, cette bonne nature,
pas fréquente. Et puis c'est amusant : "
elle éludait chaque jour et à chaque instant la nécessité
de vivre ces pathétiques et glapissantes années trente en
menant paître son âme dans les vastes pâturages de la
grande littérature russe, plongeant dans les abîmes angoissants
du très suspect Dostoïevski pour émerger dans les allées
ombreuses de Tourgueniev, ou dans des manoirs de province réchauffés
par lamour généreux et dénué de principes
dun Leskov qualifié on ne sait pourquoi décrivain
de second ordre.". Et c'est toujours léger. Quant
à cette immoralité, c'est un plus. J'ouvre en grand.
Jacqueline
Je suis un peu troublée car je croyais l'avoir lu autrefois et
j'en gardais un souvenir extraordinaire : celui de cette femme simple,
incroyable, poignante dans sa modeste résistance à l'adversité
et sa fin de vie solitaire... J'avais complètement oublié
tout le reste. Dans le train, j'ai lu la préface, puis j'ai relu
le livre sans rien reconnaître que peut-être le caractère
de Sonietchka. J'ai aimé cette relecture : les liens avec l'histoire
de l'URSS mais aussi les liens avec l'histoire de la peinture et de ses
artistes. Le blanc m'évoquait le "blanc sur blanc" de
Malevitch et toute cette période du suprématisme et du constructivisme.
Je l'ouvre aux ¾ à cause de cette surprise.
Lisa
Quel beau portrait de femme résiliente
! Elle se réjouit de son bonheur qu'elle ne pense pas mériter.
Mais je trouve cela d'une tristesse sans nom. Pour elle, la lecture est
un palliatif et non un bonheur en soi. Elle ne lit que lorsqu'elle ne
vit pas sa vie.
Je la trouve néanmoins touchante et émouvante. Son histoire
d'amour est pure. Elle aime tellement l'autre qu'elle veut son bonheur,
même si c'est avec une autre.
Les personnages secondaires sont bien campés et bien décrits,
en peu de pages.
Tania est libre, j'aime beaucoup la façon dont est écrite
la découverte du sexe. À son époque, voir une femme
libre qui fréquente une multitude d'hommes, ça me plaît.
Certaines comparaisons m'ont paru lourdingues comme p. 84 :
"ces pulsations montaient
en lui comme le soleil sur l'horizon".
J'hésitais entre ¾ et en grand mais j'ouvre en grand !
Claire
J'avais lu ce livre quand il avait reçu le prix Médicis
il y a... 25 ans avec un énorme plaisir. J'en avais tout oublié.
Ce fut donc une entière découverte. Le livre reste un petit
bijou pour moi : j'en aime l'écriture, l'originalité et
la fantaisie, la fausse naïveté, l'humour, l'amour aussi et
les nombreux rebondissements en si peu de pages si bien conduits, avec
des accélérations soudaines ou un flashback. Le tragique
de l'histoire est rendu si j'ose dire de façon allègre,
avec ce sentiment de bonheur incroyable et permanent. Des pans de vie
donnent lieu à de nouveaux personnages. Résultat : la jubilation
à laquelle contribuent des comparaisons : "Jasia, transparente
comme un flacon de pharmacie tout propre"
et la force de
la lecture : "elle tombait en lecture comme on tombe en syncope".
J'ai pensé aux Vies
de papier que nous avons lu l'an dernier. Et il y a aussi une
forme d'humour.
J'ai lu récemment d'elle des nouvelles, Un
si bel amour et le dernier livre qu'elle a publié que vient
de lire ce jour Rozenn, Le
corps de l'âme
: j'y retrouve cette fermeté de l'écriture et cet humour,
ces personnages de femmes et cette dureté de vie mâtinée
de leur force. J'ai aimé le
documentaire d'Arte et entendre Ludmila Oulitskaïa à la
Maison
de la poésie. Je l'admire. J'ai bien souri quand on lui a demandé
quel livre était le plus important pour elle à lire : La
fille du capitaine de Pouchkine, que nous avons lu il y a peu...
DES INFOS AUTOUR DU LIVRE |
UVRES
traduites en français : romans, nouvelles, pièces...
Tous les livres de
Ludmila Oulitskaïa sont publiés aux
éditions Gallimard et tous sont traduits par Sophie Benech, sauf
le premier. En tête, figure la date de publication en France, suivie
de la date de première publication en russe.
Collection Du monde entier, repris pour la plupart en Folio
- 1993 : Les
pauvres parents, trad. Bernard Kreise (9 nouvelles, 1993).
Nouvelles extraites de ce recueil : La
maison de Lialia et autres nouvelles
- 1996 : Sonietchka
(roman,
1992)
que le prix Médicis a couronné conjointement pour Himmelfarb
de l'écrivain allemand Michael Kruger
- 1998 : Médée
et ses enfants (roman,
1996)
- 1999 : De
joyeuses funérailles
(roman,
1997)
- 2001 :
Un si bel amour et autres nouvelles (7 nouvelles sur les formes
diverses du sentiment amoureux avec une nouvelle sur le 8 mars, une avec
un personnage homosexuel, une autre sur un chat envahissant...). Nouvelles
extraites de ce recueil :
La
soupe d'orge perlé et autres nouvelles
- 2003 : Le
cas du docteur Koukotski (roman,
2000)
- 2005 : Sincèrement
vôtre, Chourik (roman,
2004)
- 2007 : Mensonges
de femmes (6 récits, 2003, reliés par un personnage
central, Genia, témoin-confidente des cinq premières histoires
puis héroïne de la dernière)
- 2010 : Les
sujets de notre tsar
(37 nouvelles, 2005)
- 2014 : Le
chapiteau vert (roman,2011)
- 2018 : L'échelle
de Jacob (roman,
2015)
- 2022 : Le
corps de l'âme (13
textes ou nouvelles)
Collection Hors-série Littérature
(ni nouvelles, ni roman)
- 2008 : Daniel
Stein, interprète (2006 ; la frontière est brouillée
entre la fiction et lhistoire de Daniel Stein, juif de Galicie,
pourchassé par les nazis, interprète pour la Gestapo, converti
au catholicisme)
- 2017 : À
conserver précieusement ("genre : mémoires
et autobiographies")
- 2021 : Ce
n'était que la peste ("genre
: scénario" : "Ce
livre raconte lhistoire dune épidémie de peste
qui sest déclarée à Moscou en 1939, et qui
a été stoppée grâce aux efforts du service
dEtat le plus effroyable et le plus puissant qui soit,
explique Oulitskaïa dans la postface. Aussi
surprenant que cela puisse paraître, les organes de la sécurité
dEtat se sont avérés plus forts que les forces maléfiques
de la nature. Cela donne à réfléchir
")
Collection Le Chemin, ressuscitée
pendant le confinement
- 2020 : La quarantaine,
Le Chemin n°15
Collection Le Manteau d'Arlequin
Théâtre français et du monde entier
- 2018 : Mon
petit-fils Benjamin (pièce en deux actes)
- 2018 : Confiture
russe (pièce en trois actes sans entracte)
Gallimard Jeunesse
- 2005 : Le
miracle des choux et autres histoires russes, ill. Vladimir Lubarov
(six histoires)
- 2006 : Contes
russes pour enfants (deux histoires : Histoire du chat Ignace,
de Fédia le ramoneur et de la Souris Solitaire et Histoire
du moineau Anvers, du chat Mikheïev, de laloès Vassia
et de la mille-pattes Maria Sémionovna).
(Le site alexandrederussie.com présente un résumé de la plupart de ses ouvrages facile à consulter d'un coup.)
Enfance, formation, premier métier
- Née en 1943 à Davlekanovo,
en Russie, où ses parents moscovites se sont réfugiés
pendant la guerre. Dans son recueil Détritus sacrés
(2012, non traduit), elle évoque son enfance et se décrit
comme "la dernière juive d'une famille assimilée".
Mes parents ont divorcé quand javais une quinzaine dannées, et je me souviens parfaitement dune conversation que jai eue avec ma mère à ce sujet. Jessayais de la convaincre quil fallait quelle se sépare de mon père : "Comment pourrais-je divorcer ?", ma-t-elle dit. "Et lenfant, alors" Je lui ai répondu : "Maman ! Cest moi, lenfant ? Je pense que ce sera mieux pour vous deux si vous divorcez." Ils se sont séparés, et chacun deux a vécu une nouvelle vie, heureuse pour ma mère, et pour mon père, pas vraiment. Je suis restée avec ma mère. Nous avions des relations exceptionnelles, très amicales. (Nouvel Obs, 6 avril 2022)
- Elle suit des études scientifiques à
l'Université
d'État de Moscou et obtient son diplôme à la Faculté
de génétique.
- Après avoir travaillé pendant deux ans dans les domaines
de la génétique et de la biochimie à l'Académie
des sciences de l'Union soviétique, elle est renvoyée
avec d'autres collègues sur des accusations de diffusion de livres
interdits (samizdat). À partir d'un examen des rubans de machine
à écrire utilisée, elle est accusée d'avoir
copié le roman Exodus
de l'écrivain américain d'origine juive Leon Uris. Privé
en 1974 de travail et avec ses enfants à charge, Ludmila entame
une période de grandes difficultés, aggravées par
la mort de ses parents et le divorce avec son mari.
Carrière littéraire
- De 1970 à 1982 : elle est conseillère littéraire
du Théâtre
juif de Moscou du théâtre avant de se consacrer à
lécriture : pièces de théâtre, pièces
radiophoniques et scénarios, genres quelle abandonne rapidement
au profit de la prose où se déploie pleinement son talent
de conteuse. La notoriété lui viendra tardivement en Russie
: il lui faudra attendre le démantèlement de lUnion
soviétique pour être véritablement reconnue et publiée,
d'abord dans des revues littéraires.
- 1990 : scénariste de son premier long-métrage,
Les
Libertés des surs, réalisé par le cinéaste
russe Vladimir
Grammatikov.
- 1993 : premier livre publié, qui est une traduction en français
dun recueil de nouvelles, Les
pauvres parents.
- 1992 : publication de sa première histoire courte, Sonietchka,
dans la revue Novy mir qui est un succès important, puisque
le titre figure dans la liste des candidats au prix Booker russe
- 1996 : à Paris, prix Médicis étranger pour Sonietchka,
; elle est la première femme à recevoir ce prix.
- 2001 : aux États-Unis sort De
joyeuses funérailles,
son premier roman traduit en anglais, qui fait la chronique de la migration
de la Russie à l'époque soviétique.
- 2001 : prix Booker
russe pour son roman Le
cas du docteur Koukotski.
- 2005 : elle est distinguée par l'Académie allemande de
littérature pour enfants et jeunes adultes (Deutsche
Akademie für Kinder - und Jugendliteratur).
- 2006 : Daniel
Stei, interprète est publié en Italie, roman sur
l'holocauste et la nécessité d'une réconciliation
entre le judaïsme, le christianisme et l'islam.
- 2007 : prix Bolchaïa
Kniga, l'un des prix littéraires russes les plus importants,
pour Daniel
Stein.
- 2008 : elle crée le Fonds
Ludmila Oulitskaia pour le soutien des initiatives humanitaires.
- 2011 : prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes. Le
jury a voulu "mettre l'accent sur la créativité
des femmes, dans laquelle se manifeste et s'affirme leur émancipation",
a souligné sa présidente Julia Kristeva : "Vous
dirigez un projet, sous les auspices de lUnesco, qui crée
des livres pour enfants, pour leur apprendre la diversité culturelle
du monde et la tolérance interculturelle. Vous êtes engagée
aussi dans la lutte contre le sida, et votre liberté de pensée
vous conduit à dire ce qui est pour beaucoup encore un tabou :
il existe deux sexes, femme et hommes, et même trois, avancez-vous,
les homosexuels pour les droits desquels vous vous engagez" (extrait
du discours
ici).
- 2012 : elle participe aux manifestations contre Poutine.
- 2012 : prix littéraire international sud-coréen Park_Kyung-ni.
- 2014 : Prix d'État
autrichien de littérature européenne (avant Houellebecq
et Krasznahorkai...).
- 2014 : Légion
d'honneur : "Je suis très reconnaissante à la
France, qui dune certaine façon m'a fait connaître.
Mon premier livre est sorti en France, traduit en français, un
an avant d'être édité en Russie. Mon premier grand
prix littéraire a été le prix Médicis, octroyé
par la France. Donc les débuts de mon succès littéraire
et de ma carrière littéraire sont liés à la
France." (également chevalière de l'ordre
des Palmes académiques en 2003, chevalière de l'Ordre des
Arts et des Lettres en 2004).
- 2016 : elle est agressée
à Moscou par des militants nationalistes, son visage est aspergé
dun produit antiseptique ; elle sapprêtait à
présider le jury dun concours de lONG Memorial créé
pour identifier les victimes de la répression stalinienne (voir
ici).
- 2018 : s'engage pour la défense du metteur en scène assigné
à résidence Kirill
Serebrennikov.
- 2020 : Prix Siegfried
Lenz.
- 2021 : Prix du Groupe
Moscou Helsinki dans la catégorie "Pour la défense
des droits de l'homme par la culture et l'art".
- 2022 : Ludmila Oulitskaïa vivait entre Moscou,
lItalie où elle a une maison devant la mer et Israël
; depuis la guerre en Ukraine, elle vit à Berlin : son uvre
est largement diffusée en Allemagne ou Sonietchka a été
publié comme en France en 1992. Elle vit avec son second
mari sculpteur Andreï Krassouline.
LA TRADUCTRICE
Tous les livres de
Ludmila Oulitskaïa publiés aux
éditions Gallimard et tous sont traduits par Sophie Benech (sauf
le premier : Les
pauvres parents, trad. Bernard Kreise, 1993).
Sophie Benech, quelle relation entretenez-vous avec luvre
de Ludmila Oulitskaïa ?
Jai traduit tous les livres de Ludmila Oulitskaïa, à lexception du premier. Nous avons pour ainsi dire débuté ensemble, au début des années 1990, elle dans sa carrière décrivain et moi dans ma carrière de traductrice. Je me sens très proche delle en tant que personne, et nous partageons sur beaucoup de points la même perception du monde. Ce qui est bien sûr dune grande aide pour la traduire. Jessaie de rendre son intonation, sa voix, ce mélange de poésie et dhumour qui la caractérise, et ce nest pas toujours facile. Certaines images, chez elle, sont parfois assez ardues à traduire. Jai le souvenir davoir passé des heures sur certains passages. Jadmire son extraordinaire sens de lobservation, le regard à la fois acéré et tendre quelle porte sur les gens, son art de bâtir des histoires à partir de ce quelle rencontre et vit, en donnant à tout ce quelle décrit une coloration très personnelle, en révélant des dimensions cachées dans chaque destin quelle raconte, parfois en quelques mots. Jadmire son discernement, son goût du concret allié à un sens du merveilleux et du mystère, son art dêtre à la fois profonde et drôle. Comme tous les auteurs que jai traduits, elle tient une grande place dans ma vie et elle a contribué à lenrichir.
Que pensez-vous des appels depuis le début de la guerre en Ukraine à écarter aujourdhui la culture russe, les artistes russes ?
Pour ce qui est de la culture russe en général (Tchaïkovski, Dostoïevski ), je trouve bien sûr cela parfaitement absurde et même stupide. Quant aux artistes russes daujourdhui, dans leur grande majorité ils sont plutôt opposés à cette guerre ; rares sont ceux qui soutiennent officiellement et à haute voix les agissements du pouvoir. Je pense quil faut soutenir les artistes et non leur faire payer ce dont ils ne sont pas responsables. On se rend mal compte, ici, de ce que cest que vivre sous un régime de terreur dans lequel on na aucun droit Dans des périodes comme celle que nous vivons, lart et la culture sont peut-être les derniers ponts qui restent entre des gens qui se dressent (que lon dresse) les uns contre les autres, et ces ponts-là, il ne faut surtout pas les faire sauter ! (En attendant Nadeau, 27 avril 2022)
LA PRÉFACE
Le livre sort en France en 1992, en poche en 1996,
et ce n'est que dans l'édition
bilingue de 2007 que figure une préface de l'auteure, à
ne pas manquer ici
PRESSE : vidéo, radio, articles, entretiens
(ultérieurs à Sonietschka)
Vidéos
- "Ludmila
Oulitskaïa, une écrivaine russe en exil", Arte, 20
avril 2022, 10 min. Un autre documentaire, plus complet, de 2022, a pu
être vu à temps par certains : "Ludmila
Oulitskaïa - L'écrivaine irréductible de la Russie".
- Grand
entretien avec Ludmila Oulitskaia, avec Christel Vergeade, attachée
pour le livre à l'Ambassade de France à Moscou, 27 mars
2021.
- Portrait et entretien, Arte
28 min, 20 avril 2022, 11 min.
- Certains l'ont vue et entendue intervenir à la Maison
de la poésie le 23 avril 2022.
Radio
- "L'écrivaine
russe Ludmila Oulitskaïa", Kathleen Evin, L'humeur vagabonde,
France Inter, 29 septembre 2014, 52 min.
- "Ludmila
Oulitskaïa, une littérature de combat", Olivia Gesbert,
La Grande Table, France Culture, 16 mars 2022.
- Ludmila Oulitskaïa : "Le
24 février 2022 est un jour dont on se souviendra toujours",
Augustin Trapenard, Boomerang, France Inter, 21 avril 2022, 33 min.
Presse
écrite
- À
l'époque soviétique, la lecture était quasiment la
seule source de joie, actualitte.com, 23 janvier 2020.
- "Famille
et altérité dans l'uvre de Ludmila Oulitskaïa",
Alaverdian Karine, Revue russe, n° 33, 2009 : une étude
approfondie d'autres livres que Sonietchka, intéressante
par ses conclusions.
- "Entretien
avec Ludmila Oulitskaïa", par Gabrielle Napoli, En attendant
Nadeau, 27 avril 2022.
Nouvelle ou roman ?
Quest-ce qui détermine pour vous le
choix dun recueil de nouvelles, de récits, plutôt que
des romans assez volumineux (Le
chapiteau vert,
L'échelle de Jacob)
:
Il me semble que je nécrirai plus de romans. Je pense quà notre époque le genre de la nouvelle a pris le pas sur la forme romanesque. Tout est très concentré de nos jours, les gens ont peu de temps pour lire, et tout le monde a envie de recevoir des communications, y compris littéraires, sous une forme plus brève. Moi-même, jai envie de mexprimer de façon plus laconique. (En attendant Nadeau, 27 avril 2022)
Les femmes, la sororité
?
Son dernier livre
Le corps de l'âme (13 textes ou nouvelles) s'ouvre par un
texte d'hommage aux femmes : "Les
amies" ("Mes amazones, mes petites filles, mes petites
vieilles, mes amies")
Dans Le corps de lâme, vous faites en avant-propos un éloge vibrant des amitiés féminines qui se termine ainsi : "Jai besoin de vous telles que vous êtes dailleurs je suis bien votre pareille." Les femmes sont présentes dès le début de votre uvre, avec Sonietchka. Les recueils Un si bel amour ou Mensonges de femmes sont autant de manières de les décrire. Le chapiteau vert prend comme point de départ lamitié entre trois garçons mais les femmes y occupent aussi une place extraordinaire. Médée est peut-être le personnage féminin le plus marquant de votre uvre. Pourquoi cette importance accordée aux femmes dans votre uvre qui sattache à décrire lhistoire du XXe siècle russe ?
Ce que je vais dire va peut-être sembler vexant aux hommes russes. Mais je suis depuis longtemps davis quen Russie les femmes sont de bien meilleure qualité que les hommes. Pour de nombreuses raisons, mais la raison profonde, la principale, cest que la femme, en produisant et en élevant la descendance, est responsable de lavenir, alors que le rôle de lhomme en tant que soutien de famille a été fortement ébranlé à lépoque soviétique. En Russie, cest la femme qui, au prix dimmenses efforts, réussit à assurer léducation des enfants tout en leur procurant le nécessaire pour vivre, et très souvent, malheureusement, sans laide des hommes. Il y a à cela de nombreuses raisons, y compris purement démographiques. La prédominance des femmes dans la population est due à trois facteurs : les guerres, petites et grandes, qui coûtent la vie surtout aux hommes ; la prison, dans laquelle se trouvent un grand nombre dhommes en âge de procréer ; et lalcoolisme, qui ne favorise pas non plus la reproduction. Si bien que les femmes se retrouvent en charge des fonctions qui étaient autrefois celles des hommes. (En attendant Nadeau, 27 avril 2022)
Et pour finir... Tolstoï et Pouchkine
nous disent beaucoup de choses essentielles sur la guerre
Jusquà
quel point la littérature russe peut-elle, sinon nous donner des
explications, du moins nous transmettre quelque chose qui serait susceptible
de nous aider à mieux comprendre la guerre en cours ?
La littérature nous fournit parfois des explications importantes à propos des guerres passées. Mais chaque nouvelle guerre pose de nouvelles questions, et ces nouvelles questions exigent des réponses nouvelles, non des réponses anciennes. On écrira des livres sur cette guerre plus tard, dans des années.
Dans le passé comme aujourdhui, pensez-vous que les mots, la fiction, la poésie, peuvent représenter un apport particulier en pareille situation ?
Oui, je suis sûre que la littérature peut soutenir les hommes dans nimporte quelle situation. Nos ancêtres se tournaient vers la littérature quand ils voulaient comprendre ce qui se passait "ici et maintenant". Et nous aussi, nous nous tournons vers Tolstoï et Pouchkine. Aujourdhui encore, ils nous disent beaucoup de choses essentielles sur la guerre, sur sa grandeur et sur sa bassesse.
À laune de lhistoire et de ce que vous avez vous-même vécu, comment voyez-vous le rôle des écrivains en Russie, et spécifiquement le vôtre aujourdhui, dans la Russie de Vladimir Poutine ?
Je vis depuis assez longtemps pour avoir connu lépoque de Staline, et les écrivains ont toujours été les meilleurs témoins de leur époque. Pour ce qui est de mon rôle à moi, je nen parlerai même pas Nous avons eu une très grande littérature, de très grands auteurs, et les écrivains russes daujourdhui, dans le meilleur des cas, marchent sur les traces que ces derniers ont laissées (Le Monde, 3 mars 2022, propos recueillis par Florence Noiville, venue par ailleurs à Voix au chapitre).
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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¾ ouvert |
moyennement
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peu
ouvert ¼ |
pas
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