2008 photo d'Ulf Andersen


Sonietchka
de Ludmila Oulitskaïa, trad. du russe par Sophie Benech, Folio, 120 p.

Quatrième de couverture : Ludmila Oulitskaïa est née en 1943, dans l'Oural.
Elle a grandi à Moscou et fait des études de biologie à l'université.
Auteur de nombreuses pièces de théâtre et scénarios de films, depuis le début des années 1980, elle se consacre exclusivement à la littérature. Ses premiers récits ont paru à Moscou, dans des revues. Ses livres ont été traduits, en français, aux éditions Gallimard. Son roman "Sonietchka" a reçu le prix Médicis Étranger, en 1996.
Elle a deux fils et vit actuellement à Moscou, avec son mari, le sculpteur Andreï Krassouline.


Folio bilingue
, avec une préface de l'auteure

Quatrième de couverture
 :
Les livres sont toute la vie de Sonietchka, jeune fille au physique ingrat. C'est d'ailleurs dans une bibliothèque qu'elle rencontre celui qui deviendra son mari. Les années passent, la guerre bouleverse le monde, un enfant naît, son mari la trompe, puis la quitte… Pourtant, malgré les difficultés et les malheurs, Sonietchka puise dans la lecture la force d'être heureuse tout simplement.
Un émouvant portrait de femme couronné par le prix Médicis étranger 1996.

Gallimard, coll. Du monde entier, 1996

Quatrième de couverture :
Depuis toujours, Sonia puise son bonheur dans la lecture et la solitude. C'est dans une bibliothèque que, à sa grande surprise, Robert, un peintre plus âgé qu'elle, qui a beaucoup voyagé en Europe et connu les camps, la demande en mariage. Avec Robert et, bientôt, leur fille Tania, Sonia n'est plus seule, elle lit moins, mais, malgré les difficultés matérielles de l'après-guerre, elle cultive toujours le même bonheur limpide, très légèrement distant et ironique. Des années plus tard, Tania introduit à la maison son amie polonaise Jasia, fille de déportés, mythomane, fantasque, aussi jolie que Tania est laide, et goûtant, comme elle, aux jeux amoureux. Jasia devient la maîtresse de Robert. Malgré son chagrin, Sonia est toujours heureuse. Robert meurt. Tania et Jasia s'en vont à leur tour, Sonia se retrouve seule, ells se remet à lire. Elle irradie toujours du même bonheur résolument paisible et mystérieux.

PRIX

- 1996 : prix Médicis étranger pour Sonietchka.
- 2001 : prix Booker russe pour Le Cas du docteur Koukotski
- 2005 : distinguée par la Deutsche Akademie für Kinder- und Jugendliteratur
- 2007 : prix russe Bolchaïa Kniga
- 2011 : prix Simone de Beauvoir
- 2012 : Prix coréen Park_Kyung-ni

Ludmila OULITSKAÏA
Sonietchka
Nous avons lu ce livre pendant notre sixième Semaine lecture du 9 au 16 juillet 2022 dans les Hautes-Alpes (voir la présentation ICI).

Les livres lus pendant la semaine
- Samedi : C.-F RAMUZ, La grande peur dans la montagne (Suisse)
- Dimanche : Ludmila OULITSKAÏA, Sonietchka (Russie)
- Lundi : Iván REPILA, Le puits (Espagne)
- Mardi : Amos TUTUOLA, L'ivrogne dans la brousse (Nigéria)
- Mercredi : Georg BÜCHNER, Lenz (Allemagne)
- Jeudi : Claudio MAGRIS, Temps courbe à Krems (Italie)
- Vendredi : David SPECTOR, 7500 € : pastiches politico-littéraires (France)

Et le palmarès ›ici

Nos 25 cotes d'amour pour Sonietchka
(13 participants à la semaine lecture
et 12 lecteurs à distance)

(Le livre avait été lu dans le groupe 25 ans auparavant,
en 1997... : qui donc survit de cette époque ?...)

Des infos autour du livre

 

Avis à distance

Brigitte L entre  et
Nous avions lu ce livre dans le groupe, il y a bien longtemps. Seules Claire et moi, sommes encore là pour en parler.
C'est un livre court, qui relate la vie en Russie depuis la première guerre mondiale jusqu'aux années soixante. Les personnages sont des gens ordinaires à qui il arrive des choses ordinaires. Tout l'intérêt du roman est dans l'écriture, la façon dont la narratrice raconte sans jamais s'attarder le mode de vie et son évolution au cours des années. Sonia, le personnage principal reste la plus énigmatique de tous. Quand la vie lui est favorable, elle est en permanence émerveillée par la chance extraordinaire qui lui échoit. Quand elle est plus ou moins abandonnée de tous, elle s'évade totalement dans la lecture, qui se substitue à sa vie, sans aucune rancœur ni révolte. C'est peut-être une facette autobiographique de Ludmila Oulitskaïa, est-ce vraisemblable ?
Je la compare à l'héroïne des Vies de papier, qui elle aussi vit dans la lecture, mais dont la personnalité me semble plus familière.
Pour revenir à l'écriture rapide et un peu elliptique, mais très soignée, elle sous-entend une vigoureuse critique du régime soviétique, sans jamais l'aborder explicitement.
J'ai lu aussi L'échelle de Jacob, qui traite du même thème, mais d'une façon très différente, puisqu'il s'agit d'une sorte de saga familiale, et qui m'avait aussi beaucoup plu.
J'ouvre entre ½ et ¾.
Brigitte T 
Urss entre les années 30 et 70, tout est gris et terne (tel le voit mon imagination). Je n'ai pas d'empathie pour Sonia : une femme amoureuse des livres, mais qu'en retire-t-elle ? Femme qui me semble vite oublier sa passion pour une vie terne sans surprise, sans couleur, pauvre en émotion - elle pleure sans larme - Sonia fait preuve d'un fatalisme déconcertant vis-à-vis des événements de sa vie et de son entourage : un peintre peut-être avant-gardiste mais odieux et égoïste (on pourrait presque parler d'inceste), une fille complexe aux relations amoureuses ambiguës... une jeune amie/fille adoptive "paumée" et peu fréquentable... la lecture de ce livre m'ennuie.
Quelque chose m'échappe entre l'histoire de cette famille et l'histoire de ce pays, mais je ne trouve pas quoi et n'ai nullement envie de reprendre la lecture, même si le livre est cours et le style simple. J'aurai plaisir à lire vos avis ! Et y réfléchir à nouveau, c'est pourquoi je l'ouvre ¼.
Catherine 
J’ai bien aimé celui-là.
Le personnage de Sonia m’a touchée. Ça m’ennuie un peu quand même que le personnage de lectrice passionnée soit forcément laide, la lecture devenant un refuge pour elle mais bon... Ça m’a un peu étonnée aussi qu’elle puisse l’abandonner à peu près du jour au lendemain en devenant mère et femme au foyer.
Pas très crédible le fait que Robert en posant les yeux sur Sonia sache instantanément qu’elle sera sa femme. Et je n’ai pas beaucoup aimé non plus à la fin, l’aventure entre Robert et Jasia, le vieil artiste qui brûle de passion pour une très jeune fille. J’ai trouvé ça très conventionnel. Le ménage à 3 est tout de même moins conventionnel.
Globalement, je me suis laissé embarquer par l’histoire et les personnages.
J’ai bien aimé le style, certains détails dont je me souviens, les jouets fabriqués par Robert, l’amoureux de Tania, Vladimir qui ressemble à un tapir par exemple.
Je l’ouvre aux ¾.
Marie-Odile
Voici après une lecture rapide, un avis rapide. Je suis frustrée de lire si vite ces cent pages qui retracent toute une vie et d'en parler sans le recul nécessaire.
J'ai apprécié la façon dont l'essentiel d'une vie est évoqué, pointant les moments intenses sans jamais s'appesantir, évoquant par endroits le contexte, disant souvent les choses avec légèreté et humour.
J'ai aimé la façon de présenter la lecture par le biais de Sonia qui s'y abîme, s'y engloutit, avant de plonger ensuite dans la vie qui la comble d'un bonheur qu'elle ne pense pas mériter. J'ai aimé la fantaisie des objets et le blanc des tableaux, créés par Robert.
Je ne sais que penser du parcours des personnages...
J'aimerais relire ce roman en prenant mon temps.
J'ouvre en grand.
Marie-Thé
Je suis partagée : les personnages me sont à la fois attachants et peu sympathiques. Difficile de comprendre Sonia, difficile de suivre ce Robert au parcours sinueux, seules Tania et Jasia sortent de l'ombre pour moi.
Où est l'émotion dans ce livre ? Je n'en trouve pas trace. Certes, il y a "la perfection du verbe" (Sonia), l'art, mais en face l'importance est accordée à la perfection des corps (celui de Jasia). Où est l'amour ? Pas de trace d'amour chez qui que ce soit, amour (physique) sans amour...
Sonia m'agace dans ses casseroles, à geindre sur cette vie qui lui est accordée : "bonheur de femme immérité et si violent qu'elle n' arrivait pas à s' y accoutumer."
J'ai aimé Tania découvrant "droit au plaisir et à la liberté", l'image du joueur de flûte qu'elle représente, qui attire et qui séduit...
J'ai été interpellée par Robert contemplant Jasia : "il songeait au prix de la jeunesse, à ce genre de perfection dont avait parlé le seul génie russe", "celle qui n'est pas digne d'être intelligente" (Pouchkine). Mort de Robert, parcours de chacune... C'est blanc (ce blanc cher à Robert) et c'est froid.
Je ne peux pas hisser Sonietchka aussi haut que La montagne de Ramuz que j'ai ouvert à moitié, donc je l'ouvre ¼.
Fanny
J'ai d'emblée beaucoup aimé le style d'écriture de ce roman. Les descriptions de Sonia m'ont au début fait pensé à Jeanne dans Une vie de Maupassant.
J'ai perçu peut-être à tort une pointe d'humour dans la description des personnages, comme une forme de mise à distance de l'auteur avec chacun d'eux, mais avec dans le même temps une réelle affection notamment pour Sonia.
Arrivée au premier tiers, j'ai craint de m'ennuyer un peu malgré la brièveté du roman mais le récit de vie de Tania a rapidement fait reprendre un rythme plus soutenu.
J'éprouve au final une grande sympathie pour le personnage de Sonia. On pourrait penser au début qu'elle est naïve, voire une peu niaise, mais je pense qu'il n'en n'est rien. Elle semble avoir réellement la faculté de se réjouir de ce que la vie lui a apporté et placer au-dessus de tout son amour de ses proches et notamment de son mari.
Enfin, je trouve que le modèle familial en trouple qu'ils osent exposer aux yeux de la société bien-pensante est assez avant-gardiste.
J'ouvre en grand et vous souhaite un bel échange. Hâte de vous lire !
Monique L
Ce portrait de femme va plutôt à l'encontre de mes conceptions de la femme libérée, mais la plume de l'auteur a réussi à me faire entrer dans l'univers de cette femme étrange, ce qui me surprend moi-même.
Etrange Sonia qui manifeste peu ou pas du tout ses idées, ses sentiments, qui semble renoncer à tout désir.
Elle mène une vie simple et apparemment sans relief. Elle se laisse porter par les événements de la vie, comme si elle en était la spectatrice. Quels que soient les aléas de l'existence, elle affiche une inébranlable sérénité, même lorsque son mari la trompe.
Elle accepte son destin sans ciller et parvient à trouver le bonheur là où il échapperait à d'autres. Elle juge son bonheur comme une erreur, comme quelque chose d'éphémère et d'immérité.
Je n'y ai pas vue une vie de résignation.
C'est une femme attachante et accueillante et l'attitude de Jasia à son égard en est une preuve irréfutable.
En définitive, elle a mené une vie à laquelle elle n'aurait jamais pensé aspirer, qui lui aura convenu et dans laquelle elle aura, malgré tout, trouvé le bonheur.
A la fin, heureusement il y a son amour des livres et de la lecture, elle retrouve sa solitude passée et ses livres, alors que la cote des œuvres de son mari défunt flambe !
J'ai apprécié la présence en toile de fond de la Russie de Staline, la Seconde Guerre mondiale, le régime soviétique, la déportation, la difficulté à vivre, les résidences forcées..., mais aussi un monde d'artistes bannis et l'importance de la lecture.
Ce roman dont l'histoire est très simple aurait pu être mièvre, mais pas du tout.
L'écriture d'Oulitskaïa est sobre. Elle emploie un ton d'observation, sans jugement mais sans concession. Cette narration distante et sans doute ironique m'a sans aucun doute permis cette lecture.
Etonnement, cette lecture m'a procuré un réel plaisir. J'ouvre aux ¾.
Etienne
Ce portrait de femme "ordinaire" m’a particulièrement plu, je n’ai pu m’empêcher d’avoir beaucoup d’affection pour Sonietchka, sa dévotion, sa persévérance. Alors que tout ne semble qu’être médiocrité autour d’elle, sa bonhommie surnage et illumine ce court roman. De la même façon qu’avec Ramuz, j’ai découvert une langue particulièrement singulière et très puissante. Ouvert aux ¾.
Nathalie
Je peux dire tout de suite que je l’ouvre en grand, en très grand même. Ça été un plaisir de lecture très fort.
Pourquoi ? Tout simplement parce que j’ai eu l’impression de lire quelque chose proche de Tchekhov, auteur que j’adore, mais avec un style différent et avec une idée contemporaine de la vie ramassée en quelques pages.
Je ne sais pas dans quelle catégorie littéraire se place ce texte. Compte tenu du peu de pages, je suppose qu’il est considéré comme une longue nouvelle.
En même temps, la multiplication des personnages, des lieux, des événements et du temps, en font pour ma part un véritable roman. Quelle idée géniale que d’inventer cette femme au physique ingrat et au cœur pur et généreux, si humble en son aspiration au bonheur. Quelle idée géniale d’inventer cette passionnée de littérature qui, pour un temps, abandonnera ses rêves littéraires pour une réalité toute aussi extraordinaire et qui se révélera toujours une femme bonne et conciliante.
Que de scènes drôles et bien menées : les deux gifles assénées par l’obscur objet du désir de Sonietchka, la naissance du bébé et la scène où cette femme est comblée entre son enfant au sein et son homme au creux de ses reins...,la scène d’amour dans le lit de Jasia, l’emménagement, la scène de rencontre à la bibliothèque… Oui pour moi, l’auteure nous donne à voir le cœur de la plus pure âme russe là-dedans ! c’est une merveille d’avoir réussi à camper chaque personnage d’une façon aussi magistrale. Ils me semblent tous de la même envergure. Je crois que je ne les oublierai jamais. Certaines descriptions sont incroyables tellement pointues en si peu de lignes.
Merci pour cette découverte ! Je l’ouvre en grand et vais l’offrir à certaines !
Edith
D'abord séduite par la couverture du livre grâce au détail de la toile de August Macke "la femme de l'artiste". Et la première phrase du livre : "Dès son plus jeune âge, à peine sortie de l'enfance, Sonietchka s'était plongée dans la lecture."

J'ai fait de même et n'ai lâché le livre qu'aux dernières phrases, celles qui disent la vieillesse de Sonia, sa maladie de Parkinson : "les livres tressautent entre ses mains", sa solitude enfin. Toute une vie. "Elle plonge la tête la première dans des profondeurs exquises des allées sombres, et des eaux printanières" : les livres compagnons et réconforts.
Avant d'aller lire les notes concernant l'auteure je me suis demandée si ce texte était biographique. Robert Victorovtich était-il le peintre décrit ? Sonia et Tania sa femme et sa fille ? Non c'est un roman.
J'ai aimé le récit "tranquille et simple" des passions qui habitent les protagonistes et la pudeur des descriptions concernant les corps. Pudeur et silence tout est feutré et surtout hors culpabilité.
Je viens de lire la préface inédite de l'auteure. La guerre en Ukraine éclaire d'une lumière inquiétante ses propos. Envie de lire ses autres titres. Auteure que je découvre avec bonheur. J'ouvre en grand le livre.
Pas plus de commentaires. Sinon écrire mon admiration pour le personnage de Sonia : son abnégation son amour et son étonnement d'être aimée. Ses deux filles biologique et adoptée aussi différentes que semblables dans leur chemin d'amour et de choix de vie, à chacune la pudeur dans la transgression, chemins de liberté pour chacune et tout cela raconté dans un style si simple. Trois portraits de femmes unies per le personnage de Robert l'homme de ces femmes. Attachant lui aussi : l'inceste symbolique décrit ne me renvoie aucun trouble ni jugement, Sonia l'attribue à la beauté de Jasia, Sonia hors séduction et hors jalousie ! Les deux filles hors convention.
Renée
Un personnage formidable d'oblation et d'oubli de soi : grand ouvert.
Séverine
Je suis très contente d'avoir découvert cette auteure et ce livre. Même s'il porte le nom de l'un des personnages, a priori le personnage principal, je trouve que finalement tous sont également traités. La fille supplante assez vite la mère. Je suis assez marquée par l'importance accordée au physique de chacun et qui semble les définir. Je dois dire que Robert est finalement celui que je trouve le plus intéressant. Qui est ce peintre ? Qui s'amourache d'une fille "apparemment" sans attrait, petit bonhomme amoureux sans envergure et qui finalement sera célèbre. Les descriptions sont justes, on "voit" les scènes, les lieux, surtout à la fin l'appartement dans lequel Sonietchka va se retrouver seule. J'aime beaucoup certains passages qui disent sans dire, telle la première expérience sexuelle de Tania : "cette séance d'études consacrée au nouvel objet s'était terminée sur une brève introduction - au sens propre comme au sens figuré". C'est drôle ! Quant à la fameuse Sonietchka qui porte le titre du livre, je ne sais qu'en penser… je ne sais pas si je suis vraiment fascinée par ce personnage martyr qui accepte tout car finalement elle pense avoir déjà plus qu'elle ne méritait… Mais bon, globalement, je suis bien entrée dans l'histoire de cette famille au sens large, le format est idéal ! Et c'est une vraie histoire, bien menée ! J'ouvre aux ¾.

En direct à 2000 m

Françoise
Quel bonheur par rapport à hier ! J'ai beaucoup aimé ce livre : les personnages, la façon dont elle raconte. Je n'ai pas trouvé que c'était une pauvre fille : elle lit beaucoup attendant le bonheur. C'est convaincant. Les autres personnages aussi. Elle a une façon efficace de décrire les personnages, contrairement à Ramuz. J'ai eu un plaisir de lecture. La toile de fond sur l'URSS en dit beaucoup. On comprend que le livre n'ait pas été bien reçu là-bas. Elle en dit beaucoup avec peu de mots, sans être grandiloquente, notamment sur la condition des juifs. J'ouvre en grand, à l'aune du plaisir de lecture que j'ai eu. Et il y a de l'humour ! C'est agréable, tout en racontant des choses dramatiques. Pour un si petit livre, c'est une prouesse. On retrouve des choses de Grossman. J'ai pas été choquée par le trouple. Tout va de soi. Il n'y a pas de morale, pas de jugement. J'ouvre en grand.
Sabine
J'ouvre en super grand. J'ai adoré. Ce que nos Bretons n'ont pas évoqué, c'est l'humour. Sonietchka m'a fait penser à Nanon de Balzac. J'ai aimé la rencontre à la bibliothèque. Il y a un art de la formule : quand Sonietchka vieillit, "Le tendre duvet de sa lèvre supérieure était devenu un taillis dru et sans sexe" ; j'ai ri. Le côté juif m'a parlé.
Mon regret, c'est l'abandon de la lecture. Elle se sacrifie pour Robert. À la fin ça revient, ouf. C'est mon bémol. La dernière phrase est sublime : "Le soir, chaussant sur son nez en forme de poire de légères lunettes suisses, elle plonge la tête la première dans des profondeurs exquises, des allées sombres et des eaux printanières.". Il y a vraiment un art de la formule et c'est drôle.

Françoise
Et c'est bien traduit.
Manuel

J'ouvre en grand, car j'ai beaucoup pris de plaisir, j'ai ri. J'aime le contexte historique. Le récit ramassé en 100 pages est très réussi. Le contexte intellectuel du mari m'a plu, avec les références. Elle est le sens de la formule, et c'est drôle. Je n'ai pas de point négatif : je pourrais le relire et l'offrir. C'est un bonbon. Il y a aussi un plaisir de le lire à voix haute. Les inventions sont bien décrites. Mais la formule sur la mémoire. J'ouvre en grand, c'est un très un très bon livre.
Rozenn
J'ai vraiment aimé.
J'ai essayé de lire lentement pour apprécier chaque subtilité. Mais je ne me suis pas arrêtée pour surligner. Je me suis dit que je le relirai.
Et puis j'ai lu ce que Claire a mis sur le site, la préface qu'elle nous a donnée. Et en plus c'est une femme courageuse. Merci encore une fois Claire.
Et j'ai lu cet après-midi son dernier livre, des nouvelles : Le corps de l'âme. Magique. Ma prof de russe m'avait parlé d'elle et m'avait fait traduire des extraits. Je lirai certainement d'autres livres d'elle.
J'ai feuilleté Sonietchka en fin d'après-midi pour comprendre ce qui était si fort. Sa façon bienveillante de nous raconter ses personnages. La rapidité avec laquelle elle nous résume des vies entières en un instant. Et nous fait entrer saisir la vie quotidienne et son lien avec la politique.
J'ouvre en très très grand.

Sabine
Je suis sciée par la différence entre les réactions ici et celle de Bretagne.

Claire
Tu découvres les surprises d'un groupe de lecture…
Fanfan
Pour moi, pareil, j'ai adoré. Je ne vais pas répéter, y compris l'humour. Mais je veux parler : par exemple l'annonce de la grossesse (p. 28) : "Seigneur, Seigneur, qu’ai-je donc fait pour mériter un tel bonheur...". Elle est heureuse. Elle est moche mais heureuse. Elle est attachante. On s'attache à son charme. Certaines expressions elles aussi sont attachantes. Elle n'avait pas une forme de guitare, mais de "verre à pied" : c'est drôle. J'ouvre en très grand.
Danièle 
J'ai mis plus de temps que vous pour rentrer dans le livre - ce qui est peut-être dû au moment où je l'ai lu, postprandial... Je ne me suis pas intéressée aux personnages bien que j'aie ressenti de temps à autre une écriture à la Balzac. Et donc, ennui mortel jusqu'à l'irruption de Jasia.
Les relations à trois ont été le déclic. Enfin les personnages ont pris place. J'ai aimé le rôle de Sonietchka, qui sublime sa vie en observant avec objectivité la situation. Peu gâtée par la nature, elle est pourtant capable de se dévouer avec générosité et de s'adapter. On pourrait trouver Robert Victorovitch répugnant d'égoïsme. Elle, en tout cas - avec fatalisme peut-être ? -, sait prendre la distance nécessaire pour voir ce qui peut faire le bonheur des uns et des autres. Elle va se révéler dans son choix d'exposer à l'occasion des obsèques de son mari les portraits et les nus de Jasia qu'il a peints des années durant. Elle ne craint pas le qu'en dira-t-on, au contraire, elle s'affirme par cette manifestation d'amour et prouve aussi qu'elle a su voir en lui un grand artiste.
J'ai aimé le personnage de Jasia, à la fois ombre et lumière. La lumière parce qu'elle est belle et attire les regards par sa beauté et sa personnalité ; l'ombre car elle a manipulé Victor. Tania est une fille gâtée et ingrate. C'est pour moi un personnage désagréable. Mais elle révèle ses talents sur le tard. Ce qui donne rétrospectivement à son personnage du début l'effet d'une chrysalide qui a mis du temps à s'ouvrir.
En fait, je devrais relire ce livre de bon matin pour me faire un avis. J'ouvre donc pour le moment à moitié.

Annick A, entreet
Dès le début, j'ai ri. Derrière ce ton, il y a un fond de d'horreur politique. C'est extraordinaire. Page 16 : "il regardait son front pur et souriait en son for intérieur de son étonnante ressemblance avec un jeune dromadaire, animal patient et tendre." Quant aux personnages, j'ai aimé leur liberté de vivre. Il se fout du qu'en-dira-t-on. C'est bien. J'ai beaucoup aimé le personnage de Sonia au début. Je me suis beaucoup retrouvée là-dedans. Mais, ensuite, ça m'a déçue : on quitte la lecture. Elle dit qu'elle est heureuse. Pourquoi a-t-elle besoin de le dire ?

Claire
C'est l'auteure qui le dit.

Annick
Ça m'a dérangée.

Françoise
Elle travaille en tant que couturière et n'a plus le temps de lire.

Annick
La façon dont Sonia voit Jasia, c'est étonnant. Elle se fait un rêve, un roman sur cette petite. Et en lien avec sa façon de voir les choses. Après avoir compris dans l'atelier, elle retourne à la lecture. Elle compense par rapport à son mari grâce à la lecture. Elle était dans la lecture de par sa mocheté, son humiliation. J'ai aimé qu'elle revienne à la lecture. La préface montre le rôle de la lecture pour s'évader. Il y a des moments durs : la guerre, les camps.
J'hésite entre ¾ et grand.
Geneviève
À vous écouter, je pense à trois thèmes :
- le rapport à la lecture : contrairement à ce qui a été dit, je ne suis pas étonnée du fait que Sonietchka, passionnée de lecture, abandonne les livres lorsqu'elle tombe amoureuse. Elle est rentrée dans la vraie vie, elle n'a plus besoin du roman, c'est l'antithèse de la Bovary. Puis quand son amour l'abandonne, elle s'écarte du monde et se réfugie de nouveau dans la lecture, qui est son refuge ;
- le rapport à l'histoire et notamment l'histoire de l'Europe et de la Russie. Jamais de lourdeurs historiques, les allusions sont toujours en filigrane, notamment à travers la description des vêtements, on retrouve une époque, une mentalité, par exemple le portrait de l'intelligentsia européenne, de ses croyances et ses conflits ;
- l'absence de toute moralisation : à aucun moment, il n'y a de jugement sur la relation du mari avec Tania. Le rapport à l'art, à la beauté à travers la couleur blanche fait de cette histoire de trouple qui pourrait être conventionnelle un hymne à l'amour.
J'ouvre en grand. C'est un chef-d'œuvre !
Manuela
Je pense que tout a été dit. Pour moi, les livres, il faut "les dormir" une nuit. J'ai beaucoup aimé. C'est un petit bijou. Je ne dirais pas que c'est vulgaire, mais les femmes trompées, c'est commun. Sonia m'a émue : elle pense ne pas avoir le droit au bonheur, car elle est moche. J'ai aimé cette histoire d'amour. C'est étrange d'abandonner la lecture pour sa famille. Quand elle est trahie par tout le monde, au lieu de devenir amère et rancunière, elle devient généreuse : c'est par amour. Elle se fiche de l'opinion des autres. Elle devient une femme avancée en abandonnant la morale. Il y a la femme soumise (Sonia) et la femme fatale (Jasia). J'ouvre en grand.
Muriel

J'ai trouvé très original ce personnage toujours content. C'est du jamais vu. Elle me rappelle ma copine Claudie pour qui à chaque catastrophe conclut "c'est tant mieux d'un sens"...
Sonia est bien maligne de garder Jasia, sinon son mari partirait. J'ai trouvé absolument remarquable ce personnage, cette bonne nature, pas fréquente. Et puis c'est amusant : " elle éludait chaque jour et à chaque instant la nécessité de vivre ces pathétiques et glapissantes années trente en menant paître son âme dans les vastes pâturages de la grande littérature russe, plongeant dans les abîmes angoissants du très suspect Dostoïevski pour émerger dans les allées ombreuses de Tourgueniev, ou dans des manoirs de province réchauffés par l’amour généreux et dénué de principes d’un Leskov qualifié on ne sait pourquoi d’écrivain de second ordre.". Et c'est toujours léger. Quant à cette immoralité, c'est un plus. J'ouvre en grand.

Jacqueline
Je suis un peu troublée car je croyais l'avoir lu autrefois et j'en gardais un souvenir extraordinaire : celui de cette femme simple, incroyable, poignante dans sa modeste résistance à l'adversité et sa fin de vie solitaire... J'avais complètement oublié tout le reste. Dans le train, j'ai lu la préface, puis j'ai relu le livre sans rien reconnaître que peut-être le caractère de Sonietchka. J'ai aimé cette relecture : les liens avec l'histoire de l'URSS mais aussi les liens avec l'histoire de la peinture et de ses artistes. Le blanc m'évoquait le "blanc sur blanc" de Malevitch et toute cette période du suprématisme et du constructivisme. Je l'ouvre aux ¾ à cause de cette surprise.
Lisa
Quel beau portrait de femme résiliente ! Elle se réjouit de son bonheur qu'elle ne pense pas mériter. Mais je trouve cela d'une tristesse sans nom. Pour elle, la lecture est un palliatif et non un bonheur en soi. Elle ne lit que lorsqu'elle ne vit pas sa vie.
Je la trouve néanmoins touchante et émouvante. Son histoire d'amour est pure. Elle aime tellement l'autre qu'elle veut son bonheur, même si c'est avec une autre.
Les personnages secondaires sont bien campés et bien décrits, en peu de pages.
Tania est libre, j'aime beaucoup la façon dont est écrite la découverte du sexe. À son époque, voir une femme libre qui fréquente une multitude d'hommes, ça me plaît.
Certaines comparaisons m'ont paru lourdingues comme p. 84 : "ces pulsations montaient en lui comme le soleil sur l'horizon".
J'hésitais entre ¾ et en grand mais j'ouvre en grand !

Claire
J'avais lu ce livre quand il avait reçu le prix Médicis il y a... 25 ans avec un énorme plaisir. J'en avais tout oublié. Ce fut donc une entière découverte. Le livre reste un petit bijou pour moi : j'en aime l'écriture, l'originalité et la fantaisie, la fausse naïveté, l'humour, l'amour aussi et les nombreux rebondissements en si peu de pages si bien conduits, avec des accélérations soudaines ou un flashback. Le tragique de l'histoire est rendu si j'ose dire de façon allègre, avec ce sentiment de bonheur incroyable et permanent. Des pans de vie donnent lieu à de nouveaux personnages. Résultat : la jubilation à laquelle contribuent des comparaisons : "Jasia, transparente comme un flacon de pharmacie tout propre"… et la force de la lecture : "elle tombait en lecture comme on tombe en syncope". J'ai pensé aux Vies de papier que nous avons lu l'an dernier. Et il y a aussi une forme d'humour.
J'ai lu récemment d'elle des nouvelles, Un si bel amour et le dernier livre qu'elle a publié que vient de lire ce jour Rozenn, Le corps de l'âme : j'y retrouve cette fermeté de l'écriture et cet humour, ces personnages de femmes et cette dureté de vie mâtinée de leur force. J'ai aimé le documentaire d'Arte et entendre Ludmila Oulitskaïa à la Maison de la poésie. Je l'admire. J'ai bien souri quand on lui a demandé quel livre était le plus important pour elle à lire : La fille du capitaine de Pouchkine, que nous avons lu il y a peu...


DES INFOS AUTOUR DU LIVRE

ŒUVRES traduites en français : romans, nouvelles, pièces...

Tous les livres de
Ludmila Oulitskaïa sont publiés aux éditions Gallimard et tous sont traduits par Sophie Benech, sauf le premier. En tête, figure la date de publication en France, suivie de la date de première publication en russe.

Collection Du monde entier, repris pour la plupart en Folio
-
1993 : Les pauvres parents, trad. Bernard Kreise (9 nouvelles, 1993). Nouvelles extraites de ce recueil : La maison de Lialia et autres nouvelles
-
1996 : Sonietchka
(roman, 1992) que le prix Médicis a couronné conjointement pour Himmelfarb de l'écrivain allemand Michael Kruger
- 1998 : Médée et ses enfants
(roman, 1996)
- 1999 : De joyeuses funérailles
(roman, 1997)
- 2001 :
Un si bel amour et autres nouvelles (7 nouvelles sur les formes diverses du sentiment amoureux avec une nouvelle sur le 8 mars, une avec un personnage homosexuel, une autre sur un chat envahissant...). Nouvelles extraites de ce recueil :
La soupe d'orge perlé et autres nouvelles
-
2003 : Le cas du docteur Koukotski
(roman, 2000)
-
2005 : Sincèrement vôtre, Chourik
(roman, 2004)
- 2007 :
Mensonges de femmes (6 récits, 2003, reliés par un personnage central, Genia, témoin-confidente des cinq premières histoires puis héroïne de la dernière)
- 2010 : Les sujets de notre tsar
(37 nouvelles, 2005)
- 2014 : Le chapiteau vert
(roman,2011)
- 2018 : L'échelle de Jacob
(roman, 2015)
- 2022 : Le corps de l'âme
(13 textes ou nouvelles)

Collection Hors-série Littérature (ni nouvelles, ni roman)
- 2008 : Daniel Stein, interprète (2006 ; la frontière est brouillée entre la fiction et l’histoire de Daniel Stein, juif de Galicie, pourchassé par les nazis, interprète pour la Gestapo, converti au catholicisme)
- 2017 : À conserver précieusement ("genre : mémoires et autobiographies")
- 2021 : Ce n'était que la peste ("genre : scénario" : "Ce livre raconte l’histoire d’une épidémie de peste qui s’est déclarée à Moscou en 1939, et qui a été stoppée grâce aux efforts du service d’Etat le plus effroyable et le plus puissant qui soit, explique Oulitskaïa dans la postface. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les organes de la sécurité d’Etat se sont avérés plus forts que les forces maléfiques de la nature. Cela donne à réfléchir… ")

Collection Le Chemin, ressuscitée pendant le confinement
- 2020 : La quarantaine, Le Chemin n°15

Collection Le Manteau d'Arlequin – Théâtre français et du monde entier
- 2018 : Mon petit-fils Benjamin (pièce en deux actes)
- 2018 : Confiture russe (pièce en trois actes sans entracte)

Gallimard Jeunesse
- 2005 : Le miracle des choux et autres histoires russes, ill. Vladimir Lubarov (six histoires)
-
2006 : Contes russes pour enfants (deux histoires : Histoire du chat Ignace, de Fédia le ramoneur et de la Souris Solitaire et Histoire du moineau Anvers, du chat Mikheïev, de l’aloès Vassia et de la mille-pattes Maria Sémionovna).

(Le site alexandrederussie.com présente un résumé de la plupart de ses ouvrages facile à consulter d'un coup.)

BIOGRAPHIE

Enfance, formation, premier métier
- Née en 1943 à Davlekanovo, en Russie, où ses parents moscovites se sont réfugiés pendant la guerre. Dans son recueil Détritus sacrés (2012, non traduit), elle évoque son enfance et se décrit comme "la dernière juive d'une famille assimilée".

Mes parents ont divorcé quand j’avais une quinzaine d’années, et je me souviens parfaitement d’une conversation que j’ai eue avec ma mère à ce sujet. J’essayais de la convaincre qu’il fallait qu’elle se sépare de mon père : "Comment pourrais-je divorcer ?", m’a-t-elle dit. "Et l’enfant, alors" Je lui ai répondu : "Maman ! C’est moi, l’enfant ? Je pense que ce sera mieux pour vous deux si vous divorcez." Ils se sont séparés, et chacun d’eux a vécu une nouvelle vie, heureuse pour ma mère, et pour mon père, pas vraiment. Je suis restée avec ma mère. Nous avions des relations exceptionnelles, très amicales. (Nouvel Obs, 6 avril 2022)

- Elle suit des études scientifiques à l'Université d'État de Moscou et obtient son diplôme à la Faculté de génétique.
- Après avoir travaillé pendant deux ans dans les domaines de la génétique et de la biochimie à l'Académie des sciences de l'Union soviétique, elle est renvoyée avec d'autres collègues sur des accusations de diffusion de livres interdits (samizdat). À partir d'un examen des rubans de machine à écrire utilisée, elle est accusée d'avoir copié le roman Exodus de l'écrivain américain d'origine juive Leon Uris. Privé en 1974 de travail et avec ses enfants à charge, Ludmila entame une période de grandes difficultés, aggravées par la mort de ses parents et le divorce avec son mari.

Carrière littéraire
- De 1970 à 1982 : elle est conseillère littéraire du Théâtre juif de Moscou du théâtre avant de se consacrer à l’écriture : pièces de théâtre, pièces radiophoniques et scénarios, genres qu’elle abandonne rapidement au profit de la prose où se déploie pleinement son talent de conteuse. La notoriété lui viendra tardivement en Russie : il lui faudra attendre le démantèlement de l’Union soviétique pour être véritablement reconnue et publiée, d'abord dans des revues littéraires.
- 1990 : scénariste de son premier long-métrage, Les Libertés des sœurs, réalisé par le cinéaste russe Vladimir Grammatikov.
- 1993 : premier livre publié, qui est une traduction en français d’un recueil de nouvelles, Les pauvres parents.
- 1992 : publication de sa première histoire courte, Sonietchka, dans la revue Novy mir qui est un succès important, puisque le titre figure dans la liste des candidats au prix Booker russe
- 1996 : à Paris, prix Médicis étranger pour Sonietchka, ; elle est la première femme à recevoir ce prix.
- 2001 : aux États-Unis sort De joyeuses funérailles
, son premier roman traduit en anglais, qui fait la chronique de la migration de la Russie à l'époque soviétique.
- 2001 : prix Booker russe pour son roman Le cas du docteur Koukotski
.
- 2005 : elle est distinguée par l'Académie allemande de littérature pour enfants et jeunes adultes (Deutsche Akademie für Kinder - und Jugendliteratur).
- 2006 : Daniel Stei, interprète est publié en Italie, roman sur l'holocauste et la nécessité d'une réconciliation entre le judaïsme, le christianisme et l'islam.
- 2007 : prix Bolchaïa Kniga, l'un des prix littéraires russes les plus importants, pour Daniel Stein.
- 2008 : elle crée le Fonds Ludmila Oulitskaia pour le soutien des initiatives humanitaires.
- 2011 : prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes. Le jury a voulu "mettre l'accent sur la créativité des femmes, dans laquelle se manifeste et s'affirme leur émancipation", a souligné sa présidente Julia Kristeva : "Vous dirigez un projet, sous les auspices de l’Unesco, qui crée des livres pour enfants, pour leur apprendre la diversité culturelle du monde et la tolérance interculturelle. Vous êtes engagée aussi dans la lutte contre le sida, et votre liberté de pensée vous conduit à dire ce qui est pour beaucoup encore un tabou : il existe deux sexes, femme et hommes, et même trois, avancez-vous, les homosexuels pour les droits desquels vous vous engagez" (extrait du discours ici).
- 2012 : elle participe aux manifestations contre Poutine.
- 2012 : prix littéraire international sud-coréen Park_Kyung-ni.
- 2014 : Prix d'État autrichien de littérature européenne (avant Houellebecq et Krasznahorkai...).
- 2014 : Légion d'honneur : "Je suis très reconnaissante à la France, qui d’une certaine façon m'a fait connaître. Mon premier livre est sorti en France, traduit en français, un an avant d'être édité en Russie. Mon premier grand prix littéraire a été le prix Médicis, octroyé par la France. Donc les débuts de mon succès littéraire et de ma carrière littéraire sont liés à la France." (également chevalière de l'ordre des Palmes académiques en 2003, chevalière de l'Ordre des Arts et des Lettres en 2004).
- 2016 : elle est agressée à Moscou par des militants nationalistes, son visage est aspergé d’un produit antiseptique ; elle s’apprêtait à présider le jury d’un concours de l’ONG Memorial créé pour identifier les victimes de la répression stalinienne (voir ici).
- 2018 : s'engage pour la défense du metteur en scène assigné à résidence Kirill Serebrennikov.
- 2020 : Prix Siegfried Lenz.
- 2021 : Prix du Groupe Moscou Helsinki dans la catégorie "Pour la défense des droits de l'homme par la culture et l'art".
- 2022 : Ludmila Oulitskaïa vivait entre Moscou, l’Italie où elle a une maison devant la mer et Israël ; depuis la guerre en Ukraine, elle vit à Berlin : son œuvre est largement diffusée en Allemagne ou Sonietchka a été publié comme en France en 1992. Elle vit avec son second mari sculpteur Andreï Krassouline.

LA TRADUCTRICE

Tous les livres de
Ludmila Oulitskaïa publiés aux éditions Gallimard et tous sont traduits par Sophie Benech (sauf le premier : Les pauvres parents, trad. Bernard Kreise, 1993).

Sophie Benech, quelle relation entretenez-vous avec l’œuvre de Ludmila Oulitskaïa ?

J’ai traduit tous les livres de Ludmila Oulitskaïa, à l’exception du premier. Nous avons pour ainsi dire débuté ensemble, au début des années 1990, elle dans sa carrière d’écrivain et moi dans ma carrière de traductrice. Je me sens très proche d’elle en tant que personne, et nous partageons sur beaucoup de points la même perception du monde. Ce qui est bien sûr d’une grande aide pour la traduire. J’essaie de rendre son intonation, sa voix, ce mélange de poésie et d’humour qui la caractérise, et ce n’est pas toujours facile. Certaines images, chez elle, sont parfois assez ardues à traduire. J’ai le souvenir d’avoir passé des heures sur certains passages. J’admire son extraordinaire sens de l’observation, le regard à la fois acéré et tendre qu’elle porte sur les gens, son art de bâtir des histoires à partir de ce qu’elle rencontre et vit, en donnant à tout ce qu’elle décrit une coloration très personnelle, en révélant des dimensions cachées dans chaque destin qu’elle raconte, parfois en quelques mots. J’admire son discernement, son goût du concret allié à un sens du merveilleux et du mystère, son art d’être à la fois profonde et drôle. Comme tous les auteurs que j’ai traduits, elle tient une grande place dans ma vie et elle a contribué à l’enrichir.

Que pensez-vous des appels depuis le début de la guerre en Ukraine à écarter aujourd’hui la culture russe, les artistes russes ?

Pour ce qui est de la culture russe en général (Tchaïkovski, Dostoïevski…), je trouve bien sûr cela parfaitement absurde et même stupide. Quant aux artistes russes d’aujourd’hui, dans leur grande majorité ils sont plutôt opposés à cette guerre ; rares sont ceux qui soutiennent officiellement et à haute voix les agissements du pouvoir. Je pense qu’il faut soutenir les artistes et non leur faire payer ce dont ils ne sont pas responsables. On se rend mal compte, ici, de ce que c’est que vivre sous un régime de terreur dans lequel on n’a aucun droit… Dans des périodes comme celle que nous vivons, l’art et la culture sont peut-être les derniers ponts qui restent entre des gens qui se dressent (que l’on dresse) les uns contre les autres, et ces ponts-là, il ne faut surtout pas les faire sauter ! (En attendant Nadeau, 27 avril 2022)

LA PRÉFACE
Le livre sort en France en 1992, en poche en 1996, et ce n'est que dans l'édition bilingue de 2007 que figure une préface de l'auteure, à ne pas manquer ›ici

PRESSE : vidéo, radio, articles, entretiens
(ultérieurs à Sonietschka)

Vidéos
- "Ludmila Oulitskaïa, une écrivaine russe en exil", Arte, 20 avril 2022, 10 min. Un autre documentaire, plus complet, de 2022, a pu être vu à temps par certains : "Ludmila Oulitskaïa - L'écrivaine irréductible de la Russie".
- Grand entretien avec Ludmila Oulitskaia, avec Christel Vergeade, attachée pour le livre à l'Ambassade de France à Moscou, 27 mars 2021.
- Portrait et entretien, Arte 28 min, 20 avril 2022, 11 min.

- Certains l'ont vue et entendue intervenir à la Maison de la poésie le 23 avril 2022.


Radio
- "L'écrivaine russe Ludmila Oulitskaïa", Kathleen Evin, L'humeur vagabonde, France Inter, 29 septembre 2014, 52 min.
- "Ludmila Oulitskaïa, une littérature de combat", Olivia Gesbert, La Grande Table, France Culture, 16 mars 2022.
- Ludmila Oulitskaïa : "Le 24 février 2022 est un jour dont on se souviendra toujours", Augustin Trapenard, Boomerang, France Inter, 21 avril 2022, 33 min.

Presse écrite
- “À l'époque soviétique, la lecture était quasiment la seule source de joie”, actualitte.com, 23 janvier 2020.
- "Famille et altérité dans l'œuvre de Ludmila Oulitskaïa", Alaverdian Karine, Revue russe, n° 33, 2009 : une étude approfondie d'autres livres que Sonietchka, intéressante par ses conclusions.
- "Entretien avec Ludmila Oulitskaïa", par Gabrielle Napoli, En attendant Nadeau, 27 avril 2022.

Nouvelle ou roman ?
Qu’est-ce qui détermine pour vous le choix d’un recueil de nouvelles, de récits, plutôt que des romans assez volumineux (Le chapiteau vert, L'échelle de Jacob) :

Il me semble que je n’écrirai plus de romans. Je pense qu’à notre époque le genre de la nouvelle a pris le pas sur la forme romanesque. Tout est très concentré de nos jours, les gens ont peu de temps pour lire, et tout le monde a envie de recevoir des communications, y compris littéraires, sous une forme plus brève. Moi-même, j’ai envie de m’exprimer de façon plus laconique. (En attendant Nadeau, 27 avril 2022)

Les femmes, la sororité ?
Son dernier livre Le corps de l'âme (13 textes ou nouvelles) s'ouvre par un texte d'hommage aux femmes : "Les amies" ("Mes amazones, mes petites filles, mes petites vieilles, mes amies")

Dans Le corps de l’âme, vous faites en avant-propos un éloge vibrant des amitiés féminines qui se termine ainsi : "J’ai besoin de vous telles que vous êtes – d’ailleurs je suis bien votre pareille." Les femmes sont présentes dès le début de votre œuvre, avec Sonietchka. Les recueils Un si bel amour ou Mensonges de femmes sont autant de manières de les décrire. Le chapiteau vert prend comme point de départ l’amitié entre trois garçons mais les femmes y occupent aussi une place extraordinaire. Médée est peut-être le personnage féminin le plus marquant de votre œuvre. Pourquoi cette importance accordée aux femmes dans votre œuvre qui s’attache à décrire l’histoire du XXe siècle russe ?

Ce que je vais dire va peut-être sembler vexant aux hommes russes. Mais je suis depuis longtemps d’avis qu’en Russie les femmes sont de bien meilleure qualité que les hommes. Pour de nombreuses raisons, mais la raison profonde, la principale, c’est que la femme, en produisant et en élevant la descendance, est responsable de l’avenir, alors que le rôle de l’homme en tant que soutien de famille a été fortement ébranlé à l’époque soviétique. En Russie, c’est la femme qui, au prix d’immenses efforts, réussit à assurer l’éducation des enfants tout en leur procurant le nécessaire pour vivre, et très souvent, malheureusement, sans l’aide des hommes. Il y a à cela de nombreuses raisons, y compris purement démographiques. La prédominance des femmes dans la population est due à trois facteurs : les guerres, petites et grandes, qui coûtent la vie surtout aux hommes ; la prison, dans laquelle se trouvent un grand nombre d’hommes en âge de procréer ; et l’alcoolisme, qui ne favorise pas non plus la reproduction. Si bien que les femmes se retrouvent en charge des fonctions qui étaient autrefois celles des hommes. (En attendant Nadeau, 27 avril 2022)

Et pour finir... Tolstoï et Pouchkine nous disent beaucoup de choses essentielles sur la guerre
Jusqu’à quel point la littérature russe peut-elle, sinon nous donner des explications, du moins nous transmettre quelque chose qui serait susceptible de nous aider à mieux comprendre la guerre en cours ?

La littérature nous fournit parfois des explications importantes à propos des guerres passées. Mais chaque nouvelle guerre pose de nouvelles questions, et ces nouvelles questions exigent des réponses nouvelles, non des réponses anciennes. On écrira des livres sur cette guerre plus tard, dans des années.

Dans le passé comme aujourd’hui, pensez-vous que les mots, la fiction, la poésie, peuvent représenter un apport particulier en pareille situation ?

Oui, je suis sûre que la littérature peut soutenir les hommes dans n’importe quelle situation. Nos ancêtres se tournaient vers la littérature quand ils voulaient comprendre ce qui se passait "ici et maintenant". Et nous aussi, nous nous tournons vers Tolstoï et Pouchkine. Aujourd’hui encore, ils nous disent beaucoup de choses essentielles sur la guerre, sur sa grandeur et sur sa bassesse.

À l’aune de l’histoire et de ce que vous avez vous-même vécu, comment voyez-vous le rôle des écrivains en Russie, et spécifiquement le vôtre aujourd’hui, dans la Russie de Vladimir Poutine ?

Je vis depuis assez longtemps pour avoir connu l’époque de Staline, et les écrivains ont toujours été les meilleurs témoins de leur époque. Pour ce qui est de mon rôle à moi, je n’en parlerai même pas… Nous avons eu une très grande littérature, de très grands auteurs, et les écrivains russes d’aujourd’hui, dans le meilleur des cas, marchent sur les traces que ces derniers ont laissées (Le Monde, 3 mars 2022, propos recueillis par Florence Noiville, venue par ailleurs à Voix au chapitre).


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

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