Quatrième de couverture : Sasseneire est un pâturage de haute montagne que les gens du village délaissent depuis vingt ans à cause dune histoire pas très claire qui fait encore trembler les vieux. Mais faut-il perdre tant de bonne herbe par crainte dun prétendu mauvais sort, alors que la commune est pauvre ? Le clan des jeunes finit par lemporter : en été, le troupeau monte à lalpage, à 2 300 mètres daltitude, sous la garde du maître fromager, son neveu, quatre hommes et un jeune garçon. Très vite le site et les propos du vieux Barthélemy créent un climat de crainte et de superstition. Puis la « maladie » ravage le bétail. Mis en quarantaine, les hommes de lalpage sont prisonniers au pied du glacier menaçant. Tout alors bascule. Cest la grande peur dont Ramuz fait le récit dans cette forte et célèbre chronique montagnarde.
Quatrième de couverture : Le pâturage abandonné de Sasseneire est-il vraiment maudit comme le croient les anciens ? Quelques bergers incrédules, pour s'en assurer, décident d'y conduire le troupeau. La montagne leur réserve sa terrible réponse. Dans ce roman qui tient de l'étude de moeurs et de l'épopée tragique, Ramuz, avec virtuosité, passe insensiblement du sourire à l'inquiétude, de l'ilnquiétude à l'horreur...
Quatrième de couverture : Cette édition limitée est illustrée de 17 aquarelles et une esquisse de Samivel, retrouvées récemment et encore jamais publiées.
Quatrième de couverture : Publié chez Grasset en 1926, La Grande Peur dans la montagne est un des premiers textes de Ramuz que le grand public français a découvert. Cette célèbre chronique montagnarde est un étonnant roman de langoisse face au mal, un récit qui sempare dune situation réaliste un village de montagne, un pâturage délaissé en raison dun prétendu mauvais sort, la vie à lalpage, une maladie qui décime le troupeau pour le colorer de fantastique et de légendaire. Superbe illustration de la fragilité de lhomme, de la force de lamour et de la puissance de lécriture. Ecrivain suisse dexpression française, Charles Ferdinand Ramuz, né et mort à Lausanne (1878-1947), est lun des plus grands noms de la littérature suisse et française de la première moitié du XXe siècle. Sa plume aborde tous les genres, de lessai à la nouvelle, de la poésie au théâtre. Puisant son inspiration dans le monde paysan élémentaire, située dans les paysages romands, entre lac et montagne, son oeuvre se veut une exploration de la condition humaine, perçue avec pessimisme. Ramuz a rencontré un large succès, en Suisse et en France. |
Charles-Ferdinand
RAMUZ (1878-1947)
|
Les
livres lus pendant la semaine
- Samedi
: C.-F RAMUZ, La grande peur dans la montagne
(Suisse)- Dimanche : Ludmila OULITSKAÏA, Sonietchka (Russie) - Lundi : Iván REPILA, Le puits (Espagne) - Mardi : Amos TUTUOLA, L'ivrogne dans la brousse (Nigéria) - Mercredi : Georg BÜCHNER, Lenz (Allemagne) - Jeudi : Claudio MAGRIS, Temps courbe à Krems (Italie) - Vendredi : David SPECTOR, 7500 € : pastiches politico-littéraires (France) |
Nos
20 cotes d'amour pour Ramuz
|
(des
13 participants à la semaine |
Un peu de doc autour du livre de Ramuz |
Bio et bibliographie Presse |
En
direct à 2000 m
|
Jacqueline
Je l'ai lu relativement vite : ce n'est pas très long ! Il y a
du suspense mais d'emblée, on sent que cela finira mal. J'ai aimé
le début, la plongée dans ce monde paysan, les débats
au conseil municipal. Je pensais à ma grand-mère genevoise
qui rapportait qu'en Suisse les vaudois passent pour arriérés
parce qu'ils disent "huitante" au lieu d'"octante"
et à la volonté de Ramuz de s'en tenir au plus près
de ce monde. J'étais curieuse du style. La description du village
fait appel à des métaphores originales mais cependant je
n'arrivais pas bien à me représenter les lieux. Est-ce sur-écrit
?
Finalement, je voyais bien que cela allait tourner à la catastrophe
ce qui enlevait du suspense. L'histoire de Victorine et Joseph, ces Roméo
et Juliette bien ancrés dans le réel de cette vie paysanne
ne m'a pas trop touchée, je préfère Shakespeare ou
West Side Story ! Tout ce qui a trait à la situation concrète
: les marches dans la montagne, l'isolement, les précautions et
les craintes, ça ne m'a pas déplu. Je ne m'attendais pas
à ce que Joseph fasse une boucle pour revenir au village. Le personnage
de Clou est vu de manière caricaturale. Je pourrai l'imaginer comme
un marginal d'aujourd'hui, là aussi il ne voit que son intérêt...
Figure du mal ? Bof !
J'ouvre à moitié.
Lisa
Je l'ai lu il y a trois ans en Suisse, j'avais demandé conseil
à une libraire qui m'avait donné deux noms : Ramuz et Chessex
dont je n'ai pas encore lu L'ogre.
J'étais très excitée par le début. J'ai aimé
l'idée de la peur. Mais j'ai été très vite
perdue par le style, les phrases très longues et j'ai été
déçue d'être déçue. Je suis allée
jusqu'au bout. Comme toi Jacqueline, je ne visualisais pas, ça
me gênait. J'ai pensé à "L'auberge"
de Maupassant, qui se passe aussi dans la montagne. J'aime le fond du
roman et je suis contente de l'avoir lu. Je l'ai refeuilleté et
maintenant que je vis en Suisse, j'ai reconnu des expressions de mes collègues,
l'usage de seulement, volontiers. Maintenant, j'aimerais le relire.
J'ouvre à moitié.
Geneviève
Je l'ai lu dans la journée. Ramuz, je tournais autour, tout en
ayant des craintes, j'avais peur que ce soit sinistre. Lire vite m'a aidée
à supporter le suspense. Moi aussi, j'ai eu parfois du mal à
me représenter les lieux, notamment le haut de la montagne, où
se déroule le drame. Pour moi, le jeu entre "on" et "nous"
dont les valeurs varient : "on" pour dire "nous",
"on" pour désigner la communauté ou pour parler
des humains en général, par exemple ; ce jeu crée
l'impression d'un conte fantastique, qui a eu lieu dans un temps présent
ou passé, qu'on ne peut pas situer.
On sait déjà que ça va mal se terminer, mais on ne
sait comment, ni jusqu'où. Le personnage de Clou colle très
bien avec le fantastique, c'est le diable, avec l'or dans ses poches,
tandis que Joseph le jeune amoureux est la pureté, la fidélité.
J'ai bien aimé le moment où Joseph fait le tour de la montagne
pour tromper les veilleurs, la manière dont il brouille nos repères
; mais aussi la fin fantastique elle aussi avec le glacier qui se décroche.
Enfin, j'ai trouvé intéressant le contraste entre ce fantastique
tragique et certains côtés "Clochemerle" de la
vie au village et des relations entre les habitants.
Globalement j'ai trouvé que c'est écrit d'une manière
intéressante et j'ouvre aux ¾.
Rozenn
Au début j'ai été complètement saisie. Tout
ce qui est écrit sur les menaces de la montagne me parlaient. Un
peu lassant l'abus de personnifications. Intéressante l'idée
de faire revivre une vieille histoire, mais on devine trop ce qui va se
passer. Le style m'a d'abord paru intéressant, puis systématique.
Mais je suis contente de l'avoir lu. Le livre montre bien comment la montagne
peut être angoissante, il rend bien la montagne effrayante. Mais
c'est trop systématique. Donc, j'ai marché au début,
mais après
(c'est bien le cas de le dire : ensuite j'ai arrêté
de marcher !!!). L'histoire d'amour, c'est gentillet. J'ouvre à
moitié.
PS (quelques semaines plus tard...) : J'ai bien raison d'avoir
peur de la montagne.
Françoise
Je me retrouve dans ce qu'a dit Rozenn. J'ai nourri l'espoir que l'auteur
fasse mentir la légende, la malédiction. Quand j'ai compris
que non, j'étais déçue, c'était moins intéressant.
Le style ? Bon, c'est un style suisse, plutôt lourd, j'ai pas aimé
du tout. Personne n'est sauvé. J'en pouvais plus. Je n'ai rien
trouvé qui rachète ce malheur. Cette destinée implacable,
irréversible, noire de chez noire m'a vraiment pesée. Je
ferme.
Danièle
Ce pourrait être un livre à suspense, ou un film catastrophe.
Mais cest plus que cela. Pour moi, lauteur fait avant tout
uvre de peintre, donc sans passer par le filtre du cerveau, comme
lil dun peintre qui reste dans labstraction. Lauteur
plutôt évoque les couleurs dabord, puis, ensuite, seulement
lobjet : cest ça lintérêt pour moi
dans ce livre, cest la langue. Jai accroché totalement,
je buvais du petit lait. Cest aussi en musicien quil décrit
la panique des vaches par la symphonie des clarines. Et cette forme correspond
au fond : la perte de repères des personnages et aussi bien pour
le lecteur. Le fond et la forme se complètent. Jai aimé
ce style, ou plutôt cette langue, ainsi que la perte de repères
que suggère lauteur en changeant sans raison le temps employé :
par exemple p. 144 on passe de limparfait au présent
: "Un enfant pleurait,
une femme crie". Ou lemploi fréquent du "on"
et du "vous" qui sont ambigus. P. 140 "Cest
quune arête noire était venue se mettre entre eux et
vous" : qui vous ? Emploi fréquent du "on" :
point de vue du narrateur ? De qui sinon ?
Jai aimé, comme une midinette, lhistoire romantique
de Joseph et Victorine, et la belle mise en parallèle des chemins
parcourus pour se retrouver. La même détermination, la même
inconscience du danger. Dans sa description, le narrateur passe à
la réflexion philosophique : p. 140 "Déjà
si on avait pu le voir, il naurait pas été plus gros
quun point [
]. Et il aurait été comme sil
nétait pas. Il sest tenu suspendu, nétant
plus rien."
Le tout sintègre dans un univers sombre encombré
par la superstition ou la malédiction. Car il y a opposition entre
les vieux, qui croient à linfluence de phénomènes
maléfiques, dans une montagne maudite, et les jeunes, qui croient
au rationnel et ne veulent pas se laisser aller à la superstition.
Jai aimé latmosphère créée par
lauteur. Le côté catastrophe est peut-être too
much, oui, jouvre aux ¾.
Fanfan
Je rejoins un peu Danièle, quant à l'atmosphère rendue
par les couleurs : gris, blanc, noir du côté de la mort,
et les couleurs la vie. Avec Victorine et Joseph, il y a un beau passage
quand ils se séparent dans la montagne. J'ai été
beaucoup gênée par le fait de ne pas me représenter
le paysage, gênée aussi par les il, on et l'utilisation
d'être et avoir. Les jeux de lumière sont très
beaux. Quant à Dieu présent partout, ça m'a gavée
un peu. J'ouvre ½.
Manuel
J'ai mis beaucoup de temps à le lire. J'ai lu sur Internet qu'il
a voulu rendre le patois montagnard. J'ai beaucoup aimé la construction,
les thèmes que j'ai trouvés d'actualité : les jeunes/les
anciens, les vaches malades qu'on tue, l'avalanche (un glacier italien
vient de se détacher du fait du réchauffement climatique).
Clou contribue au fantastique, il y a quelque chose d'irréel. J'ai
marché quant au suspense ; je ne savais pas pour ma part comment
ça allait finir. J'ai moi aussi eu du mal à visualiser.
Des expressions m'ont paru incompréhensibles. Quand Joseph monte,
j'ai rien compris, ça faisait du Duras, il montait
, il remontait
Et puis, est-ce un journal, un article de journal ? C'est qui, on ? On
est dans un fait divers ? J'ouvre ¾ pour la découverte,
même si j'ai peiné.
Manuela
Sauf Victorine et Joseph, les personnages ne comptent pas comme individus,
ce sont des communautés, d'en bas, d'en haut. L'être humain
soumis à des pressions peut devenir sauvage, même le paysage
est différent, décrit de manière différente.
Le personnage principal est pour moi la montagne ; j'ai aimé,
cette lutte contre la nature. J'ai pensé au Rapport
de Brodeck de Claudel que nous avions lu dans mon groupe de Tenerife,
avec une irresponsabilité collective, sans coupable. Le livre fait
aussi penser à la pandémie. J'ouvre aux ¾.
Claire
Dans la lecture, j'ai été étonnée : par l'implicite
qui crée le suspense (peu est dit), par l'ambiance, le point de
vue (on, puis nous) et par la langue : presque étrangère,
avec le rythme, les répétitions-variations qui y contribuent,
les scènes...
Manuel
Je suis étonné que tu aimes
Claire
Oui beaucoup.
Moi aussi j'ai eu du mal à me représenter l'espace, mais
j'ai l'impression que ça crée une abstraction, des lignes
simplement. Je n'ai pas pensé à du fantastique, mais c'est
vrai que Clou pose problème dans le monde réel
J'avoue
que j'ai un peu sauté quand on suit Joseph dans ses circonvolutions,
mais j'ai senti une intensité, et parfois c'est poignant et pour
Victorine et Joseph, ce n'est pas la midinette en moi qui a été
touchée j'ai trouvé ça fort. J'ai lu la préface
après, bof. J'ouvre aux ¾.
Muriel
Au début j'ai accroché. Et puis ça m'a barbée.
J'ouvre au ¼.
Annick A
Je n'ai pas du tout aimé. C'est répétitif. Surfait
est le style. Ne parlons pas des comparaisons. Quant aux personnages,
je n'y ai pas cru. Il n'y a eu pour moi aucun suspense. Je n'ai d'ailleurs
pas peur. Le maître et son neveu ont les bêtes qui s'affolent
et ils ne bougent pas, j'y crois pas. Des choses m'ont intéressée
: le personnage de Barthélémy qui n'a pas peur avec ses
gris-gris et qui va vers les autres, la violence qui monte dans le village,
au début la dimension politique. Et puis une dimension philosophique
: quand on ne voit pas la personne, elle n'existe pas. Je ne me suis pas
ennuyée, mais j'ouvre ¼.
Sabine
Comme Manuel, j'ai eu une lecture hachée. Et j'ai lu d'abord la
préface, évidemment ! J'ai été très
prise par le début. J'ai aimé le grisé, le camaïeu,
des phrases sont étonnantes. J'ai pensé à "Une
vendetta" de Maupassant, où également la nature
influe sur les hommes. J'ai remarqué les changements de focale,
avec on, le passé simple puis le présent. Je me suis après
perdue, et je me suis fait chier royal. Il y a bien un passage presque
érotique quand Joseph voir des fentes
on frise Emma Bovary.
Mais quel malheur. Je suis probablement passée à côté
du livre, ancré entre les années 20 et 30, entre Maupassant
et Cendrars, le classicisme et l'innovation. Je me suis quand même
emmerdée. J'ouvre à moitié.
Avis
à distance
|
Nathalie
C'est un livre magnifique, à l'écriture très poétique
d'une lenteur presque insoutenable. J'ai beaucoup de plaisir à
découvrir cet auteur que je ne connais pas. Évidemment,
le livre me fait penser à tous ceux que nous avons lus en rapport
avec la montagne et à leur rythme souvent si particulier lié
aux menues tâches de la vie en alpage.
Ici, c'est pour moi encore une fois différent parce qu'il y a un
travail d'écriture très particulier et original, un travail
sur la langue très sonore ! Ceci est dû à la répétition
de certains mots, comme par exemple ceux des couleurs où le rose
domine en alternance avec le noir. Mais aussi dans
les tournures grammaticales des phrases qui cherchent, me semble-t-il,
à rendre le parler naturel des gens du village. Le suspense lié
à la peur archaïque est maintenu tout au fil de ce texte :
très peu de choses se passent et on les imagine très facilement.
Je pense aussi que son originalité tient au point de vue utilisé
pour rapporter descriptions et événements, j'ai en tête
une idée de litanie et c'est un peu comme si l'appareil photo se
déplaçait dans l'espace avec des angles complètement
inhabituels. Il permet par exemple ainsi d'avoir accès à
une conversation privée entre deux personnages, ou à la
vision déformée en contre-plongée qu'a un autre personnage
du ciel au-dessus de lui. Je pense aussi à la vision de la croix
noire du clocher : c'est elle qui se déplace, alors qu'en vérité
ils arpentent le chemin.
J'ai déjà surligné quelques passages dont celui des
hommes qui mâchent la nuit ou celui de l'évocation de la
disparition de l'être aimé quand Victorine redescend de la
montagne (je te mets deux clichés en pièce jointe)
J'ai pensé évidemment à la chèvre de monsieur
Seguin quand le rapporteur des événements d'en haut dit
qu'il a tenu la porte toute la nuit alors que quelque chose de fantastique
tentait d'entrer !
Monique L
L'histoire est admirablement contée. On avance avec angoisse dans
ce récit habilement mené jusqu'à son dénouement.
Ramuz nous décrit une montagne très minérale, une
nature grandiose et écrasante et la vie rude de ses habitants avec
leurs vieilles croyances, leurs peurs ancestrales et leurs traditions
très ancrées.
L'atmosphère devient peu à peu pesante, on ressent une menace,
le récit monte crescendo. Tout est suggéré, à
aucun moment n'apparaît une figure malfaisante ou un quelconque
monstre, mais tous se persuadent peu à peu que le malheur est sur
eux. Chaque bruit, chaque ruissellement ou frottement devient suspect.
On sent la frayeur et les angoisses prendre le dessus sur la raison.
Un personnage reste énigmatique pour moi : Clou, qu'apporte-t-il
à l'histoire, lui et ses cailloux ?
Le narrateur m'a déconcertée plusieurs fois. Je ne savais
plus qui parlait.
Le parti pris de l'auteur d'utiliser le langage rude de montagnard est
déroutant mais intéressant. Il y a des descriptions sublimes,
mais j'ai eu du mal parfois dans ma lecture à cause de l'écriture
composée de longues phrases avec changements de temps et de sujet.
J'ouvre aux ¾.
Catherine
Un très très bref avis de lecture sur La grande peur
dans la montagne. Je l'ai lu il y a un bon mois et je n'ai pas apporté
le livre avec moi.
Ça m'a fait sourire que vous commenciez ce séjour en montagne
au milieu des moutons, dans un chalet éloigné du village,
par ce livre, quand même un peu flippant. Je ne sais plus si Rozenn
est là, mais, si oui, elle qui était oppressée par
la montagne... ça ne va pas la détendre.
Le livre ne m'a pas totalement emballée, mais il y a vraiment une
ambiance, on sent une montée progressive de la peur et de la rumeur,
dans ce village coupé du monde, avec un enchaînement de catastrophes
et de morts. Au fond, tout ça ne repose sur rien, des rumeurs et
une épidémie dans le troupeau.
Je n'ai finalement pas gardé de souvenir plus précis et
ça n'a pas vraiment été un plaisir de lecture. J'ouvre
à moitié.
Etienne
Ouvert en grand, il fera partie de ces livres majestueux que j'ai découverts
grâce au groupe. Mais quelle langue ! C'est d'une poésie
à couper le souffle et surtout sans faire "artificiel"
ni kitsch, je trouve que l'on ressent particulièrement ce côté
artisan dont Ramuz se réclamait. On a beau savoir que ça
va mal se finir, l'apocalypse fait tout de même son effet. A mon
sens il peut s'inscrire dans la même veine (et du coup au même
statut) qu'une uvre de Lovecraft. Fascinant.
Édith
Lecture haletante car je voulais connaître le dénouement.
Cette première lecture "des yeux" a quelquefois buté
sur la syntaxe particulière de Ramuz (je n'ai pas lu d'autre livre
de cet auteur) : en est-il toujours ainsi de sa syntaxe ?
J'ai donc, une fois le dénouement connu, repris le livre en "articulant
mentalement" les phrases sur lesquelles j'étais passée
vite. Admirant ainsi la force d'évocation provoquée par
le choix et souvent la répétition de certains mots, la lenteur
de la description, la, retenue du récit (découverte de la
réalité de la mort de Victorine par Joseph qui regarde en
plusieurs fois comme si il voulait que la réalité s'efface.)
Les pages relatives à la montée de la première équipe
avant l'été, la montée "inquiète"
de Victorine pour rejoindre Joseph, son amoureux retenu dans le pâturage,
ainsi que la descente dangereuse de Joseph vers le village pour y découvrir
le drame de son amour, tuée par la montagne, sont autant de récits
ou les mots juxtaposés, répétés, déplacés,
donnent à sentir l'ambiance et le malheur présent ou à
venir.
J'ai moi aussi peiné dans les ascensions de Joseph, de Victorine,
de Clou, réagi aux éboulis dont les mules sont victimes,
le glacier mouvant un danger constant et évoqué dans toutes
ses nuances colorées.
Je ne connais pas la montagne (la haute montagne) pour n'y avoir jamais
randonné : les phrases qui la décrivent me renvoient autant
de crainte que d'admiration - beauté changeante, lumière
et ombre, danger toujours, mais aussi, pour qui l'aime, révélation
et soumission à sa force brutale.
Si je parle peu des autres personnages de l'équipée, ni
non plus du village et de son rythme journalier, c'est que j'ai surtout
été "envoûtée" par l'ambiance de
la montagne : "c'est que la montagne a ses idées à
elle, c'est que la montagne a ses volontés" (derniers mots).
La fin du récit : affrontement de deux volontés ? Humaine
la montagne ?
J'ai aimé ce livre. J'ai aimé la
préface de Jacques Chessex dont que je connaissais d'autres
lectures (sombre lui aussi).
Je l'ouvre en grand malgré et aussi à cause de l'effort
de lecture attentive demandé et pour le plaisir du frisson.
Marie-Thé
Si j'ouvre ce livre à moitié c'est pour son originalité,
pour la force et pour l'atmosphère qui s'en dégagent. Avoir
face à soi une montagne, c'est quelque chose... (au propre et au
figuré). Lorsque cette montagne est gigantesque, hostile, infranchissable,
c'est encore autre chose... J'ai cependant aimé la description
qui en est faite ici d'une montagne menaçante, méchante :
"arrangement de tours,
de pointes, d'aiguilles, de dents." Et au-dessus : "Le
ciel faisait ses arrangements." Comme un refrain, cela
vient et revient. Tandis qu'au village on est dans "le dérangement"
avec les tours de garde.
Je retiens aussi les portraits, tous les personnages sont pittoresques,
ou encore l'évocation de la vie dans ces villages de montagne,
là où les croyances et les superstitions persistent. Et
puis brrr... (frisson), on sent que le drame arrivera.
Si je ferme à moitié, c'est en fait un peu pour les mêmes
raisons : cette atmosphère si bien rendue, cette montagne ainsi
décrite, ce glacier invincible, je ne les aime pas. Tout est menaçant
ici, difficile pour moi que la montagne fait tant rêver.
J'avais essayé de lire ce livre il y a bien longtemps, mais je
l'avais vite refermé : de vieilles croyances bretonnes ou
antillaises allaient peut-être venir se superposer à celles
des villageois. Aujourd'hui, même pas peur, car finalement il y
a une explication à tout, jusqu'au chapitre 15, jusqu'à
la page 176 précisément ; tout paraît démesuré
et pourtant vraisemblable, possible, jusque là. Après ça
se gâte : "Joseph
voit là-haut le brouillard se fendre ; par l'ouverture, un homme
se porte en avant"... : Dieu (?!!!) À partir de
là on entre dans un monde imaginaire. Avec ce personnage (Clou ?)
gigantesque et indestructible, tel un fantôme sortant des nuées
ou encore du glacier, on rejoint des grands mythes : le destin est en
chemin, nul ne peut lui échapper...
Et Joseph découvrira que les mains de Victorine dans la mort sont
devenues froides comme le glacier et dures comme la pierre. Ici encore
les forces du mal se manifestent, avec Clou, personnage maléfique.
J'ai par contre aimé Barthélemy qui me fait penser à
un vieux conteur. Quant à l'humour, je n'en ai trouvé qu'au
tout début de cette histoire : "ils
votèrent d'abord pour savoir si on allait voter"...
J'ai été surprise par tant de répétitions
(avec Joseph gravissant à deux reprises les sommets, je n'en pouvais
plus). En revanche j'ai été sensible à ce qui revenait
comme un refrain, les changements dans le ciel et dans la montagne, la
sonnerie aux morts à la fin, refrain lancinant... Important aussi
le lait qui se perd, une honte constate Barthélemy, et le ciel
prend la couleur de ce lait qui pourrit. La fin de l'histoire, pour moi,
trop c'est trop. Enfin, j'ai été gênée par
des changements de temps dans une même phrase, par certaines formulations
: "ils avaient monté",
"malgré qu'à
ces hauteurs", etc. L'emploi du "on" m'a dérangée
ainsi que la place du narrateur. Les vouvoiements m'ont étonnée.
Livre particulier et intéressant, mais je suis contente de tourner
la page.
Fanny (un mois plus tard)
Je viens juste de finir La grande peur dans la montagne.
La lecture était parfois ardue, mais touchante et prenante. J'ai
été un peu influencée par les quelques lignes de
Nathalie sur le fil WhatsApp qui disait si j'ai bien compris qu'elle avait
beaucoup ri. Je m'attendais à un humour un peu décalé,
notamment dans les premières pages, je les trouvais tous un peu
candides face à cette menace supposée. Et j'ai pu rester
dans cette illusion jusqu'à la mort de Victorine. À partir
de ce moment, tout a basculé.
Le style un peu saccadé rend parfois la lecture peu fluide, mais
maintient en tension, à l'image de la montagne impitoyable.
J'ouvre ¾ et je m'attaque à Thomas
Mann.
1. Nous nous sommes rencontrés, comme d'habitude, dans la cafétéria du Casino de La Laguna, autour d'une grande table ronde, située dans un coin très lumineux, préalablement réservée par les soins de Nieves. Quatre autres membres du groupe étaient présents : Ana, Manuela, Maruca et José Luis. Le texte à en débattre était le bref roman La grande peur dans la montagne, de l'écrivain suisse Charles Ferdinand Ramuz.
2. Le groupe a trouvé le roman un peu étrange, certains à cause du sujet, d'autres pour des raisons liées à son écriture, d'autres, enfin, pour les deux motifs en même temps. Je me demande, après coup, si ces étrangetés ne découlent pas, au moins en partie, de l'époque où ce texte bizarre a été publié (1925) et de la biographie de l'auteur, né et formé au XIXe siècle (1878). Ni l'écriture, ni, surtout, le thème traité, proprement décimononiques, seraient, me semble-t-il, envisageables aujourd'hui, même si sur l'écriture il conviendrait, peut-être, nuancer ces propos.
3. Une partie du petit groupe a trouvé intéressantes les descriptions de la montagne, notamment celles de la dernière partie du livre, où elle - la montagne - semble prendre vie et exhibe toute sa force destructrice. En face de cette force tellurique, la description de la tendresse et de l'amour contrariés de Joseph et Victorine ont fait mouche dans la sensibilité du groupe.
4. Une certaine confusion a été signalée par certains, dans les descriptions, par exemple du parcours de Joseph, lors de sa descente au village, ou dans la description par trop mystérieuse de certains des personnages.
5. Finalement, personne n'a su répondre à la question de l'identité du relateur des événements, puisque parfois le texte semble être écrit à la troisième personne, parfois, mais moins souvent, un "je", semble prendre sa place.
6. Peut-être une relecture du livre pourrait éclairer une
partie des interrogations qu'il a suscitées chez nous. Mais je
n'ai pas su identifier aucun intérêt de cet ordre chez aucune
des personnes présentes.
Nieves
Cette histoire, minutieusement décrite, se déroule dans
un petit village de montagne où, après une votation difficile
gagnée par les plus jeunes, on décide de monter à
l'alpage hanté de la Sasseneire à 2300 mètres d'altitude.
C'est ici qu'il y avait eu auparavant un événement inexplicable
qui s'était terminé en tragédie, ce qui arrivera
de nouveau car ceux qui décident d'y aller n'ont pas voulu écouter
l'avis des plus vieux à cet égard.
À signaler, la grandiosité du paysage où se joignent
la beauté et la force imbattable de pierriers, des glaciers, de
la moraine ou du torrent que les hommes ont du mal à maîtriser,
annonçant tout de suite la tragédie dernière. C'est
la nature la vraie protagoniste, c'est elle qui décide effectivement
de la vie des hommes, prisonniers de ses changements imprévisibles.
Or, malgré une écriture un peu rude et déconcertante
comme les mouvements de la montagne, cette lecture a réussi à
m'attraper.
Puis, on ne peut pas oublier le côté légende du récit,
typique des communautés montagnardes, plus accentué, j'imagine,
dans des endroits aux paysages si puissants comme les Alpes, quoique même
dans des lieux moins impressionnants, on raconte des histoires effarantes
qui alimentent la peur des habitants.
Pour une mentalité plus actuelle, tous ces éléments
composent un fait divers fabuleux avec des personnages comme Lou ou Barthélémy
qui ne répondent pas à un comportement normal dans l'histoire,
ce qu'on aperçoit clairement depuis le début, et dont leurs
relations avec le reste des personnages annoncent déjà qu'il
va y avoir un choc dramatique.
José Luis
Que cherche Charles-Ferdinand Ramuz à nous dire en écrivant
ce livre ? Que la nature est toute puissante et se moque de la rationalité
humaine, ou même que son intelligence dépasse celle des hommes,
c'est pourquoi elle leur donnera leçon après leçon,
ayant envers eux le comportement cruel et tragique qu'elle avait déjà
fait vingt années auparavant, intelligence qui ne serait que l'expression
de la volonté de Dieu ? Veut-il montrer que la sagesse des
vieux ("les assis", selon la célèbre formule de
Rimbaud), qui s'alimente de leurs peurs et de leurs superstitions, et
qui les conduisent à éviter tout changement, valent mieux
que la désinvolture des jeunes et leur volonté de nier la
possibilité que l'ancienne tragédie se répète ?
Parce que la fin du roman donne raison aux vieux contre les jeunes, et
même, au-delà, contre la valeur ou l'intérêt
du respect des règles de la démocratie puisque la décision
de monter avec les bêtes aux pâturages des alpages a été
décidée après une votation démocratique.
Lue de cette manière, au premier degré, La grande peur
de la montagne est un roman énormément conservateur,
voire réactionnaire, si à tout ce qui précède
l'on ajoute la condamnation de ce qui a de plus pur et prometteur dans
l'histoire racontée : les amours entre Joseph et Victorine, laquelle
sera punie d'un côté pour avoir osé aller à
la rencontre de son fiancé et de l'autre pour avoir défié
toute seule - elle, une femme ! - les forces de la nature.
Mais l'on pourrait aussi penser, au deuxième degré, que
Ramuz ne fait que se faire le notaire d'une tradition - avec des
fondements plus ou moins réels - d'une des vallées
suisses, une tradition parmi d'autres, racontée dans les villages
des vallées, les soirs auprès du feu, dans l'entre deux
siècles, avec la finalité, non avouée mais bien fondée,
de maintenir les gens dans l'ignorance, la peur, et le renoncement à
toute forme d'évolution. Le caractère, à mon avis,
étouffant de l'histoire, serait un parfait véhicule pour
étouffer toute velléité de libération de la
jeunesse et pour confirmer les aînés dans leur torpeur millénaire.
Il reste à parler de l'écriture qui, paradoxalement, me
semble d'une grande modernité. Je ne prendrai pour preuve qu'un
morceau du long paragraphe où l'on raconte la descente de Joseph
au village par une route différente de l'habituelle :
On ne sait pas toujours où il va. C'était une levée de rocs noires d'humidité et frangée de blanc dans le haut, et toujours personne. Personne ne semble être venue ici depuis les commencements de la terre et n'y avoir rien dérangée, sauf qu'à présent un homme continuait d'écrire les preuves de son existence, comme quand on met les lettres l'une à côté de l'autre, pour une phrase, puis encore une phrase, dérangeant ainsi le premier la belle page blanche avec la trace de ses pas. Où est-ce qu'il va ? De nouveau on se demandait : "Où est-ce qu'il peut bien aller ?", car il ne semblait pas qu'il pût y avoir sur ce point aucun passage, pourtant Joseph allait toujours.
C'est par cette écriture que le roman de Ramuz mérite
d'être lu, en tout cas, c'est là que j'ai trouvé mon
plaisir. L'histoire racontée, elle, m'a énormément
ennuyé.
UN PEU DE DOC autour du livre de Ramuz |
Bio et bibliographie Presse |
BIO ET BIBLIOGRAPHIE
Par quel bout prendre
ce monument suisse...
Pas simple de découvrir cet écrivain au riche parcours et
dont l'uvre (oubliée ?) est considérable (romans,
essais, poèmes) : 2 x 1800 pages en Pléiade
- et il ne s'agit que des romans (22), puisque les éditions
Slatkine, à Genève, ont publié ses uvres complètes
en 29
tomes !...
On peut lire une présentation très claire de Jean-Pierre
Monnier sur le site de La
République des lettres (qui a publié d'ailleurs
5 livres de Ramuz dont La
grande peur dans la montagne).
Si l'on veut des infos très détaillées, Wikipédia
présente un véritable dossier, très complet, cliquez
si vous osez sur Charles
Ferdinand Ramuz.
Et n'oublions pas la Fondation Ramuz avec une belle chronologie ici.
Beaucoup à
découvrir ! Par exemple ces surprises : |
||
Ramuz et Igor Stravinsky en 1928 La collaboration avec Igor Stravinsky, réfugié en Suisse, donnera lieu à L'Histoire du soldat, composée par Igor Stravinsky en 1917 sur un texte de Ramuz pour trois récitants (le Lecteur, le Soldat et le Diable) et sept instrumentistes. |
Les Cahiers de la quinzaine
dirigés par Péguy lui consacrent un numéro
en 1926, "Pour ou contre Ch.-F. Ramuz", dans lequel différents
auteurs prennent position sur son style. Ramuz "se défendra"
en 1929 dans une Lettre
à Bernard Grasset.
|
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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