Quatrième
de couverture : Janina Doucheyko
vit seule dans un petit hameau au cur des Sudètes. Ingénieur
à la retraite, elle se passionne pour la nature, lastrologie
et luvre de William Blake. Un matin, elle retrouve un de ses
voisins mort dans sa cuisine, étouffé par un petit os. "Un fascinant polar aux accents
poétiques et fantastiques" Baptiste Léger, L'Express
Quatrième
de couverture : Il y a un vieux
remède contre les cauchemars qui hantent les nuits, cest
de les raconter à haute voix au-dessus de la cuvette des W.-C.,
puis de tirer la chasse. |
Olga Tokarczuk
(né en 1962, prix Nobel 2018)
|
Nos 30
cotes d'amour
Annick L Claire Françoise Monique S Séverine Anne-Sophie Catherine Chantal Cindy Danièle Denis Édith Fanfan Geneviève Jacqueline Marie-Claire Monique L Muriel Nathalie Pierre Yolaine Annick A Christelle Etienne Lisa Marie-Odile Fanny Laura Manuel Suzanne |
Première rencontre en direct après le confinement. Mais pas question que le coronavirus modifie notre programme et nos échanges ne se sont pas interrompus : - en mars pour Les choses - en avril pour Martin Eden - en mai pour L'Affaire Arnolfini |
Danièle
Bonjour à vous qui allez vous retrouver en live après ce
long confinement !
Sur les ossements des morts ! Quel livre étonnant !
Un polar plein d'imagination narrative, c'est l'histoire d'une vengeance
contre ceux qui tuent et torturent des animaux, un manifeste contre les
chasseurs, un livre engagé pour le respect de tous les êtres
vivants (c'est une tendance actuelle, on parle d'antispécisme).
Quel personnage attachant, cette Janina Doucheyko ! Mais est-elle
folle ? Qui est fou dans cette histoire ? Peut-on cautionner
ses actions ? Ses amis le font totalement, en la protégeant
de toute poursuite policière ou judiciaire. C'est une belle leçon
d'humanité, mais cela pose peut-être question. En tout cas,
loin d'être une histoire macabre, cela devient un polar malicieux,
dont le personnage principal donne l'impression de faire des farces, sans
aucune mauvaise conscience, à ceux qui ont provoqué la mort
des animaux, juste retour des choses.
J'aime le motif de l'astrologie qui circule dans le roman, et qui permet
à notre personnage hors norme d'expliquer les choses de façon
romanesque et parfois de cautionner son action. C'était écrit,
en quelque sorte.
J'aime aussi la voir créer une foison de théories, basées
sur une imagination sans limites. C'est sa façon à elle
d'exprimer son besoin de liberté, son rejet du conformisme. C'est
son côté rebelle, qui s'oppose à toute pensée
dominante. "Il faut
toujours garder les oreilles et les yeux ouverts, et savoir associer les
faits." Ses théories fusent dans tous les domaines :
génétique ("Je
pense être en possession d'éléments prouvant que le
phénotype est héréditaire, ce qui va à l'encontre
des thèses de la génétique moderne"),
métaphysico-cosmologique ("Il
a fini par moisir. Pour moi, c'était la preuve qu'il n'était
pas un être humain", "Je
cherchais à établir un lien entre l'argument des films diffusés
un jour donné et la configuration des planètes. Des liens
réciproques se dégageaient avec un caractère d'évidence"),
politique ("La presse
a tout intérêt à nous maintenir dans un état
d'angoisse permanent, pour dévier nos émotions des sujets
qui nous concernent vraiment. Pourquoi devrais-je m'incliner devant leur
pouvoir et les laisser me dicter ma pensée ?")
C'est aussi l'histoire d'une amoureuse de la nature, qui sait très
bien rendre en poète, mais aussi en peintre, une nature qui change
à tout instant, comme un tableau qui se créerait sous nos
yeux : l'automne "décroche
les feuilles elles ne seront plus d'aucune utilité ,
les balaie à la lisière des champs, puis retire ses couleurs
à l'herbe, qui devient grise et terne. Ensuite, tout se voit noir
sur blanc"
Même les maisons sont considérées "comme
des organismes vivants qui entretiennent une relation de symbiose avec
l'homme".
J'aime aussi l'humour et la légèreté de l'auteur,
dans les répliques qu'il fait tenir à ses personnages :
"Est-ce que tu es croyant ?
lui ai-je demandé. Oui, m'a-t-il répondu, je suis athée".
Il nous reste à méditer sur cette phrase rencontrée
deux fois dans le roman : "Quoi
qu'il en soit, je connais la date de ma propre mort, et cela me rend libre."
J'ouvre le livre aux ¾, car je ne suis pas sûre d'être
totalement d'accord sur le fond.
Annick A
Jai bien aimé la dimension poétique, lhumour,
le côté déjanté. Mais tout ce qui a trait à
lastrologie et la conjonction des planètes ma profondément
ennuyée. Je louvre à moitié.
Denis
Jai bien aimé ce livre et je louvre aux ¾. Je
ne lai pas trouvé bouleversant, mais jai aimé
la progression dramatique que nous fait subir Janina.
Jai peut-être eu tort de sauter les passages sur lastrologie :
il se peut quils contiennent des indices sur "qui a réellement
tué les chasseurs", en référence à Qui
a tué Roger Ackroyd ? de Pierre Bayard, le spécialiste
de la réinterprétation. Les animaux ne sont-ils pas derrière
tous les actes de Janina ?...
Jimagine que la soirée sera passionnante. J'attends le compte
rendu avec curiosité !
Séverine
J'avais lu ce livre l'année dernière. Je me souvenais avoir
aimé et donc c'est avec beaucoup de plaisir que je l'ai relu. J'aime
cette sorte de polar antispéciste dans cette atmosphère
particulière des montagnes polonaises au milieu de ce hameau isolé.
Ces crimes mystérieux interpellent, tiennent en haleine, et ils
sont prétexte pour l'auteur à passer beaucoup de messages
sur notre rapport à la nature (d'autant plus pertinent en cette
période de covid-19), sur la vieillesse, sur le rapport aux autres,
à la solitude, sur la religion (je pense que l'auteure a des comptes
à régler avec la très catholique Pologne). L'héroïne
est attachante avec son habitude de donner des surnoms (ça en devient
presque naturel : j'ai adoré le père Froufrou !),
de voir le monde à l'aune de l'astrologie (quelle horreur que l'astrologie
dans la toujours catholique Pologne !). On peut comprendre ses convictions
qu'elle défend avec détermination. Elle est très
convaincante : on en arrive à se dire que ce sont, en effet,
peut-être les animaux qui ont tué ! J'ai trouvé
que c'était parfois drôle (par exemple, quand dans l'un de
ses courriers à la police, elle demande que l'on sollicite l'avis
de l'astrologue de la police
) malgré l'atmosphère
qui est tout de même lourde. Les descriptions sont bonnes :
je voyais tout à fait le hameau, les différents voisins
J'ai bien aimé les titres de chapitres ("L'autisme testostéronien")
et la petite citation associée. Et, bien sûr, j'ai plusieurs
fois fredonné cette chanson de mon enfance : "Ce
matin, un lapin a tué un chasseur
" car c'est tout
à fait ça ! Est-ce qu'Olga Tokarczuk connaît
Chantal Goya ??!
Et sinon, dans le genre exercice de sérendipité : j'ai
dans ma bibliothèque un autre livre qui comporte le mot "ossements"
dans le titre et que je n'avais jamais lu, donc c'était l'occasion
: il s'agit de Murambi,
le livre des ossements de Boubacar Boris Diop sur le génocide
du Rwanda : très bon livre
mais qui fait froid dans
le dos !
Pour en revenir au roman du moment, je l'ouvre en grand car j'ai passé
un agréable moment de lecture. C'est bien écrit, haletant,
les personnages sont intéressants, ça pose de façon
sous-jacente (ou pas si sous-jacente que ça) de vraies questions
sur notre attitude vis-à-vis des animaux et moi j'ai bien aimé
l'idée que les animaux puissent se venger
Laura
J'étais, comme d'habitude, assez contente de découvrir un
nouvel ouvrage, et qui plus est un polar. Quasiment une première
pour moi, je n'avais lu avant qu'un Sherlock Homes et un autre polar nommé
Adieu,
quand j'étais petite. Mais
je suis déçue. Je
m'attendais à une histoire trépidante et horrifique, et
j'ai eu droit à des pérégrinations intellectuelles
de mauvaise qualité. Je vais commencer par le début de cette
aventure.
J'ai récupéré avec moult difficultés chez
Gibert ce livre ; contente, je lis la quatrième de couverture.
Après sa lecture, je me suis dit que l'éditeur exagérait
quand même, de me gâcher comme ça l'histoire, en spoilant
la résolution des meurtres dans la dernière phrase. Mais
je me suis tout de même plongée dans le livre, avec dégoût
il est vrai. J'ai trouvé le premier chapitre terriblement mauvais :
peut-être parce que c'est justement le premier chapitre, et que
commencer un livre est toujours difficile ? Ce premier chapitre était
plein d'expressions insensées, de contre-sens dans l'histoire même :
comment la protagoniste peut savoir par avance, à partir d'un pouce
en l'air, que ces meurtres continueront ? C'était de l'indirect
libre terriblement maladroit. Mais bon, j'ai compris plus tard qu'évidemment,
elle savait pourquoi. Le deuxième chapitre m'a un peu réconciliée
avec le livre, mais les meurtres étaient longs à venir,
les descriptions des scènes de crimes assez floues. Et puis, il
faut bien parler de ce personnage, Mme Janina
Dès le début
je me suis dit qu'elle était un peu barrée quand même,
mais j'essayais de me limiter dans la critique, je pensais être
trop fermée d'esprit sur ce point. Mais non, elle est bien barrée.
Ses réflexions sur l'astrologie m'ont intéressée,
et je salue l'autrice pour une si bonne connaissance du sujet, qui m'a
appris pas mal de choses.
Toutefois, c'était trop. En bref, tout le livre était trop,
mais aussi pas assez. Les répétitions d'idées, de
rêves, la névrose qui habite la protagoniste et qui l'enserre
de plus en plus, j'ai cru devenir folle d'épuisement, surtout quand
tout le bouquin est écrit à la première personne.
Aussi pas assez, du côté du récit, et de celui de
l'écriture. C'était une écriture banale, sans style,
remplies de sortes de vérités générales du
genre : "Le propre de la douleur est de faire mal"
p. 75. Merci, on sait. Et pourtant la réflexion ne va pas
assez loin, non, le propre de la douleur n'est pas forcément de
faire mal, on peut en tirer un malin plaisir aussi (Salò,
Pasolini), et plein d'autres choses. Je ne vais pas m'appesantir sur le
sujet, mais il reste la fin. La fin que j'avais prédite au moins
cinq chapitres plus tôt. Je n'ai une aucune surprise, ce coup de
théâtre était plat, et si connu... C'est du vu et
revu. Bon, il faut dire aussi que j'ai vu énormément de
films avec ce genre de rebondissement final (Us,
Shutter Island,
Les autres,
Ténèbres,
Cypher, etc. etc.),
et que je suis habituée. Le bon côté, c'est qu'en
réalité l'éditeur a bien fait son travail. La réflexion
sur la protection des animaux était pas mal aussi, mais elle s'humilie
elle-même à cause de Janina. ¼ ouvert pour l'astrologie.
Monique S
Ce livre est tout un univers, tout un monde avec une épaisseur.
C'est vrai pour le style avec beaucoup d'images, de pensées, de
fioritures pour moi toujours réussies et bienvenues. C'est vrai
aussi pour les sujets traités, parfois réalistes, ou bien
ésotériques, voire carrément fous. Parfois rustiques,
saisonniers, parfois très intellectuels comme les réflexions
sur la traduction. Parfois de l'ordre du mythe, du religieux, un peu gothique
moyenâgeux, d'autres fois très contemporains.
On est dans un monde disloqué, cassé, et on doit recoller
les morceaux au fur et à mesure qu'ils arrivent. À l'image
du statut de ce coin de terre à cheval sur trois nations, et qui
pourrait être un jour totalement rayé de la surface de la
terre, vu l'appétit des promoteurs pour la pierre qui le constitue.
Au départ, je retrouvais quelque chose de l'univers des nouvelles
de Jorn Riel, avec la neige, la vie rude, le peu de voisins dans les espaces
sauvages. Au fur et à mesure, le personnage présente d'autres
facettes, prend une autre dimension ; c'est quelqu'un qui a d'autres
métiers comme ingénieur des ponts et chaussées puis
institutrice. Elle a une vie sociale et intellectuelle, des amis, qui
a un appartement en ville, la possibilité d'aller et venir, des
appuis...
On comprend assez vite que c'est elle qui est à l'origine des meurtres ;
quand elle parle d'abord de ses bleus sur les épaules qu'elle doit
cacher, et puis (p. 89) quand la première apparition de sa
mère lui dit "je
sais tout ce que tu as fait" ; p. 91 elle parle
d'une deuxième "attaque" : de quoi ? Elle ne
le dit pas ; ce mot à double sens revient à plusieurs
reprises dans le récit, on comprendra plus tard. S'il y a suspens
par la suite, ce n'est pas de savoir qui a tué, mais comment a-t-elle
fait ? Et pourquoi ? De découvrir que ses "petites-filles"
n'étaient donc pas des biches, mais des chiennes.
On est dans un monde à la Blake, fait de lumières et d'ombres,
entre hallucinations et révélations. Les personnages sont
d'abord présentés de façon manichéenne, avec
les bons amis d'un côté et les méchants chasseurs
de l'autre. Mais le vernis se craquelle vers la fin.
Même si je ne partage pas forcément ses goûts (pour
les horoscopes par exemple ou les histoires de fantômes) ni ses
partis pris (tuer les hommes parce qu'ils tuent des animaux... ou alors
sa vision rousseauiste des enfants purs, gâtés par les adultes...),
il n'empêche : tout au long du livre, de phrase en phrase,
de chapitre en chapitre, je me laisse balader de surprise en surprise.
Et je retiens que tous les êtres vivants sont soumis à l'éphémère,
à la mort, et que le bien et le mal sont unanimement partagés.
Reste l'amitié, indéfectible et la littérature.
Pour l'écriture (style et construction du récit) et pour
l'épaisseur de l'univers proposé, j'ouvre en grand.
Etienne
Mam kosc na gardle
Eh bien il s'agit d'un roman globalement apprécié par votre
serviteur. Pour commencer par ce qui m'a plu, je reconnais à Olga
Tokarczuk un talent certain de conteuse. Cette ambiance crépusculaire
à souhait, aux confins de la Pologne, est particulièrement
réussie. Quel dommage de ne pas avoir lu ce livre en décembre,
il aurait encore gagné en intensité ! C'est donc une
ambiance de meurtre à la Agatha Christie, pleine d'humour noir,
pour envelopper une thématique plus profonde. Je trouve qu'Olga
Tokarczuk s'empare d'un thème on ne peut plus actuel et j'ai l'impression
que la question de notre rapport à l'animal, ainsi que son extension
- notre rapport à la nature - est un des sujets les plus importants
de ce début de siècle. Sujet bien complexe n'est-ce pas ?
Quelle place leur accorder ? Peut-on les manger ? Les chasser ?
Les posséder ? Doit-on intégrer la notion de sentience
dans notre vie ? Ma pensée chemine sur ce sujet depuis quelques
années et j'y suis très sensible.
Si l'auteure semble avoir une idée bien tranchée sur le
sujet, j'ai quand même la très désagréable
impression que cela manque de finesse, que le trait est un peu grossier.
Il y a les méchants chasseurs dépeints au lance-flammes
d'un côté, le voisin alcoolique qui maltraite sa chienne,
et les gentils végétariens, les doux-rêveurs qui sont
inoffensifs (pour le monde tout du moins) de l'autre. Ça manque
un peu de complexité et d'épaisseur tout ça, non ?
Comment embrasser la réalité en simplifiant à outrance ?
C'est quand même un os qui me reste en travers de la gorge
Et là, le grincheux des prix littéraires va sortir de boîte.
Si ce roman me paraît sortir un peu du lot et est plutôt sympathique,
j'ai tout de même du mal à réaliser que je lis un
prix Nobel. Depuis le début d'année, j'ai lu Elfriede Jelinek,
Peter Handke, Garcia Marquez : on n'est quand même pas dans
la même catégorie sans faire injure à Tokarczuk. Peut-être
est-ce ce style un peu transparent assumé...
J'ouvre à moitié.
Anne-Sophie
(internaute qui aimerait qu'une place se dégage dans le groupe)
Le texte m'a happée, le chapitre d'ouverture est magistral, il
pose une ambiance, un mystère, peut-être les bases d'un thriller.
Mais les thrillers, je n'aime pas trop. Que l'auteur "prenne le contrôle",
me tienne en haleine jusqu'à me faire tourner les pages trop vite,
me privant du plaisir de "flâner" dans ma lecture en m'attardant
sur les détails, très peu pour moi. D'où l'interrogation
sur l'objet littéraire que j'avais entre les mains : vers
où cherchait à nous mener Olga Tokarczuk, dont je savais
juste qu'elle avait reçu le prix Nobel de littérature et
donc (préjugé très absurde j'en conviens !)
qu'il ne pouvait assurément pas s'agir d'un simple "polar" ?
J'ai avancé dans le roman en imaginant qu'il allait s'agir d'une
sorte de conte allégorique, qui mélangerait surnaturel et
réalisme. "Aux aguets" vis-à-vis de tout ce qui
ne constituait pas explicitement l'intrigue. Et cela m'a procuré
un très très grand plaisir, car le roman fourmille de développements
passionnants, particulièrement sur le rapport de l'homme (de la
femme en fait !) à la nature et aux animaux, l'urgence de
le reconsidérer, la nécessité de la colère
qui court tout au long du livre... Au final, il y a tout dans ce roman,
c'est bien un polar, avec un dénouement rationnel, mais c'est aussi
une forme de conte politique, une uvre engagée et esthétique.
Qui m'a secouée et que l'on peut apprécier même sans
en partager totalement les thèses. Livre au moins ¾ ouvert !
Annick L
Je suis très heureuse d'avoir découvert cette auteure grâce
à notre groupe. J'ai adoré ce roman original et inclassable.
C'est d'abord un bon polar, autour d'un personnage formidable de justicière
borderline, assaisonné d'une petite touche de fantastique (les
animaux qui s'organisent pour se venger des hommes ?), un récit
qui nous tient en haleine jusqu'au bout (je ne m'attendais pas du tout
au dénouement).
C'est en même temps une peinture au vitriol de la société
provinciale polonaise, avec ses hommes de pouvoir (policiers et procureur,
patron d'une riche entreprise, curé, etc.) imbéciles et
corrompus, face à Janina, notre héroïne anti-système,
et ses rares amis, seule contre tous. Il y a d'ailleurs quelques scènes
d'anthologie : interrogatoires au commissariat, fête de la chasse
célébrée par le prêtre surnommé (par
elle) Frou-frou. Quelle verve, quel talent pour montrer le burlesque des
situations ! La scène avec le dentiste est également
inoubliable.
Enfin c'est un plaidoyer fervent pour la défense et la protection
des animaux contre la barbarie des hommes, un combat, au sens propre,
dans lequel Janina, malgré son âge et sa santé fragile,
a engagé ses dernières forces.
Mais ce qui en fait une uvre inoubliable, c'est le style de la narratrice
et sa façon de voir les choses. Le début du roman donne
le la : "Je suis
à présent à un âge et dans un état de
santé tels que je devrais penser à me laver soigneusement
les pieds avant d'aller me coucher, au cas où une ambulance viendrait
me chercher en pleine nuit". Le lecteur se trouve, tour
à tour, plongé dans des descriptions hyper réalistes
de l'enquêtrice amateure qui a tout de même été
ingénieure des ponts et chaussées dans une vie antérieure
et qui a un sens pratique indéniable. Puis entraînée
dans de longues réflexions-méditations métaphysiques
(sa référence, c'est l'astrologie qui détermine,
selon elle, tous les événements de notre existence, y compris
notre mort), sociologiques et culturelles (elle aide son jeune ami à
traduire la poésie de William Blake, une uvre austère
et assez élitiste !). On ne s'ennuie jamais, on ne sait jamais
ce que la suite peut nous réserver
Et son recul, son ironie
constante transforment cette histoire de serial killer en une comédie
grinçante, tout à fait savoureuse. J'ouvre en très
grand.
J'ai lu aussi Les Pérégrins, une somme de textes
hétéroclites dont on ne sait pas bien quel est le lien qui
les unit (à part peut-être le thème de la mort et
de la conservation des corps), ni quelle voix les porte (avec des changements
de narrateur.trice incessants). Quelle déception !
Manuel
Jai été enthousiaste en commençant ma lecture
Mais ça sest vite gâté.
Le livre est trop long et ma fait penser à une mauvaise série
Netflix. Les variations sur la colère (p. 41, p. 65, p. 73
et à la toute fin p. 225) et le chapitre sur lautisme
testostéronien ont levé le doute sur la coupable des crimes.
La révélation de la fin était déjà
éventée. Ma lecture a été rapide mais fastidieuse.
Je suis comme Dyzio (p. 127)
pas du tout sensible à
lastrologie, cest sûrement à cause des hormones.
Jai trouvé certains chapitres navrants. Jai sauté
des passages.
Jaurais pu aimer les descriptions de la nature, mais ça na
jamais pris.
En résumé je passe mon tour pour défendre ce livre.
Ouvert au ¼ pour ne pas être trop méchant.
Monique L
Un roman fantastique, un polar, une légende, un conte, une fable
écologique, un roman engagé ? Je ne saurais classer
ce livre et cela n'a pas d'importance.
Ce récit a quelque chose de dérangeant. L'univers y est
étrange. Les personnages sont tous atypiques et Janina, la narratrice,
a une personnalité singulière, c'est un personnage complexe :
érudite, cultivée, intelligente, alliant l'excentricité
et la sagesse. La frontière est floue entre lucidité et
folie. Je l'ai trouvée attachante. Elle peut apparaître loufoque
et givrée, souvent en décalage avec la réalité,
mais aussi avoir des réflexions philosophiques intéressantes.
C'est un personnage que l'on n'oublie pas.
Je reconnais n'avoir lu qu'en diagonale tout ce qui a rapport à
l'astrologie (je ne suis pas très réceptive à ce
sujet et je n'y connais rien). Je trouve exagérés sa défense
des animaux et son rejet de toute chasse, mais d'une engagée pour
la cause végétarienne, cela ne m'a pas gênée.
Ce récit est avant un monologue de Janina, ses réflexions
sur le monde, la vie, la mort, les rapports avec les animaux. C'est le
discours d'une femme affirmée dans ses idées et ses croyances.
Son excentricité prête à sourire et à réfléchir.
Sa vie dans le village donne lieu à des descriptions des lieux
et de l'environnement que j'ai trouvées très évocatrices.
C'est un monde un peu brut, mais aussi solidaire et simple. J'ai apprécié
l'ambiance et la profonde humanité de Janina et de ses amis. C'est
une bonne voisine et amie.
J'ai bien aimé les surnoms très évocateurs qu'elle
a donnés à divers personnages : père Frou-frou
pour le prêtre du village, Manteau Noir pour le policier chargé
de l'enquête, la Cendrée pour une écrivaine à
la retraite qui vient au village seulement l'été, Bonne
Nouvelle pour la vendeuse de vêtements.
Janina donne ses interprétations sur les événements,
mais personne ne partage ses analyses, comme personne ne s'intéresse
à ses études astrologiques. Tout cela est vu comme des bizarreries
sympathiques aux yeux des gens qui l'apprécient ou des signes de
dérangement mental pour les autres. De tout cela elle est consciente,
elle en souffre et cela génère des frustrations chez elle.
Sa lucidité et sa nostalgie sont émouvantes. Ses discussions
ou lettres aux policiers sont drôles lorsqu'elle leur tient et leur
adresse des plaintes en soutenant que le cours des planètes peut
tout expliquer.
Ce livre nous livre des réflexions sur la vieillesse, la marginalité,
l'intolérance. C'est un récit désabusé, féroce
et drôle dans lequel il y a de l'humour et de l'amertume.
J'ai apprécié les citations de William Blake en tête
de chaque chapitre.
Le ton est direct, légèrement ironique, c'est très
bien écrit. L'écriture d'Olga Tokarczuk est très
agréable à lire, le récit est bien mené. Le
suspense est maintenu jusqu'au bout. J'ouvre aux ¾.
Fanny
Dans un premier temps la lecture de Sur les ossements des morts
m'a bien accrochée. J'ai aimé l'ambiance de cette forêt
opaque et mystérieuse et le caractère fantasque des personnages,
notamment le personnage principal. J'ai trouvé le portrait de cette
femme peu conventionnelle attachant et original.
Tokarczuk sait distiller une ambiance, instaurer une atmosphère
atypique et dresser le portrait de personnages hors du commun. J'ai trouvé
dans les premiers chapitres un véritable plaisir de lecture romanesque.
Cela débutait donc sous de bons augures (inscrits ou non dans les
astres) et pourtant j'ai fini par me lasser. Instaurer cette ambiance
était bienvenue, mais pas suffisant pour me tenir en haleine. Les
répétitions ont fini par m'ennuyer, les allusions à
ce que l'héroïne dont j'ai oublié le nom pense de l'astrologie
sont trop redondantes, au lieu de donner du caractère au personnage,
cela finit presque par en appauvrir le profil.
Au niveau du style, bien que j'ai apprécié une lecture fluide,
je n'ai pas pour autant été saisie par la beauté
de l'écriture : trop de lieux communs ou d'explications de
texte (exemple : p. 112 chapitre 8, la définition de ce qu'est
un sociobiologiste ou encore sur la même page "celui
qui est né doit mourir").
Le dénouement final aurait pu provoquer un effet de surprise qui
aurait redonné du piment et de la saveur à la lecture, je
ne l'avais pas vu venir..., mais mon intérêt avait déjà
trop faibli et la fin m'a laissé indifférente. J'ouvre ¼.
Nathalie
Ô le joli bijou que ce livre ! Belle surprise pour moi. Si
je narrive pas à le finir dans les temps impartis malgré
mon envie de mettre les bouchées doubles (lécriture
est dense, les phrases longues), je veux participer à la critique
collective. Si la littérature a pour but de créer un univers
propice à la rêverie, alors ce livre en fait partie. Et si
certains romans nous donnent envie den parcourir les lieux et den
rencontrer les personnages, ce dernier en fait partie aussi ! Quel
plaisir à essayer dimaginer cette femme autonome, au discours
prolixe, à la pensée galopante, au passé dynamique
et à la retraite un peu folle. Jai eu envie daller
frapper à sa porte ! Le roman est une succession daphorismes
sur la vie, sur la mort, sur notre lien à la terre et aux êtres
qui la peuplent. Lécriture est une écriture de détails,
très visuelle et liée aux sens. Je me suis un peu perdue
évidemment dans les longues explications liées à
lastrologie et il me tardera de savoir deux choses : ce quil
en est de vous et ce quil en est de lauteure (par rapport
à ses dires et à ses croyances). Le passage sur la dénonciation
de notre rapport à la viande est terriblement culpabilisant si
lon sattache à le lire au premier degré.
Jaime ce personnage, jaime sa folie, jaime sa présence
très forte en tant que femme. Jaime aussi le rapport à
la traduction littéraire. Lécrivain réussit
à nous faire entrer dans tout un tas de situations très
intimes, comme si nous étions, légèrement au-dessus
des personnages, proches à en percevoir le souffle. Je ne sais
où va lintrigue (jai limpression dosciller
entre Un
balcon en forêt et La
Saga de Youza, mais cela na pas vraiment dimportance
car il me semble que cest mineur. Jai dû souvent me
secouer pour émerger de ma rêverie, pour me dire que nous
étions vraiment à notre époque, tant le récit
semble ancré hors du temps. Jajouterai les belles descriptions :
la neige au pied des arbres, la neige en fin dhiver, la neige en
plein hiver... (la vie solitaire) ! Je nai pas fini mais jouvre
de toute façon aux ¾, faisant le pari que je ne serai
pas déçue par les dernières pages. Et vive la littérature !
Bonne première soirée dune nouvelle époque
!
Après avoir lu les avis des absents ci-dessus
en buvant le champagne pour fêter nos retrouvailles après
le confinement, voici les avis des présents.
Jacqueline
Françoise me l'avait prêté il y a très longtemps
et j'avais lu ce livre avec grand plaisir. La vieille dame me parlait.
J'aime les descriptions, j'avais l'impression d'être dans le village.
L'aspect polar ne m'a pas intéressée, je préférais
la vie au village. J'ai eu une déception à la fin, je ne
voyais pas l'intérêt que ce soit elle la meurtrière :
je m'étais attachée à elle, je ne voulais pas la
voir comme ça...
Ça c'était bien avant le confinement. Je l'ai repris et
en y retournant je n'ai pas eu cette déception.
Muriel
Tu l'as lu deux fois !
Jacqueline
Rapidement.
Jacqueline
C'est drôlement bien écrit. J'étais prête à
l'ouvrir à moitié, mais à la relecture, j'ai trouvé
ça très bien fichu. Les choses m'ont étonnée
(la Tchéquie qui est un paradis, j'ai trouvé ça extraordinaire !).
Je l'ouvre donc aux ¾ après relecture.
J'étais curieuse de cette auteure. (Jacqueline sort Les
enfants verts). Ce livre peut être un conte
un peu fantastique à propos d'enfants sauvages, sans aller jusqu'à
Victor
de l'Aveyron, car ils ne sont pas si sauvages. Ça m'a bien
plu, mais je suis restée sur ma faim. Pourquoi ? Il manque un petit
quelque chose. Ça pourrait faire un livre pour la semaine lecture.
Claire
Il était sur notre liste.
Muriel
Pour feue la semaine lecture
Jacqueline
Mais j'espère bien qu'elle aura lieu l'année prochaine !
Muriel
Ça m'a énormément plu. J'adore les animaux, je suis
une militante (L214, SPA,
30 millions d'amis
Claire
...qui a un prix
littéraire...)
Muriel
Donc, le sujet me plaisait. Le livre extrêmement original. Et ne
ressemble à rien d'autre.
L'astrologie, je m'en moque. On ne croit pas à son passé
de lanceuse de marteau, mais c'est rigolo.
J'aime les histoires immorales : elle est meurtrière et il ne va
rien lui arriver !
Le discours de Froufrou, c'est terrible : et ce sont, précise l'auteure,
des compilations de vrais discours !
J'ai eu de la peine quand elle a été arrêtée
la première fois, et pourtant, c'est elle la coupable ! Pour ma
part, je ne m'attendais pas à la fin.
J'ouvre aux ¾, c'est très original.
Geneviève
Je suis embêtée parce qu'à ma grande honte, je n'ai
lu que la moitié. Je ne vois pas du tout le livre comme un polar.
J'accroche à l'étrangeté, à cette femme originale.
J'aime sa relation avec la nature, avec Matoga. La scène du début
est extrêmement forte ! L'astrologie, c'est un peu long, mais
ça fait partie de la dinguerie du personnage. La personnalisation
des biches m'a intéressée, surtout en ce moment où
l'on parle de la nature qui se venge
J'aime les romans de l'Est
avec des caractères totalement différents. Pour l'instant,
j'ouvre la moitié du livre aux ¾.
Claire
Je partage tout ce qui a été dit de positif. Le livre m'a
paru tout de suite captivant. J'ai été sensible à
l'humour (par exemple, chez Matoga, tout est nickel, même les fleurs
du jardin, "droites
et élancées, comme si elles pratiquaient le fitness")
qui va avec un état d'esprit, une distance sur la vie qui m'ont
réjouie. Je me suis parfaitement retrouvée (Janina, c'est
moi !). J'ai aimé aussi la voix de raconteuse ("de
vous à moi"). Comme vous, j'ai savouré les
surnoms qui théâtralisent le quotidien (Grand Pied, Bonne
Nouvelle, il de loup, Froufrou) et goûté les scènes
(la découverte du mort, le déguisement, le dentiste...).
J'ai aimé que les informations soient distillées au compte-gouttes,
dans une savante maîtrise de l'évolution du mystère :
Dysio arrive petit à petit et prend sa place, le passé de
la narratrice prend forme, qui sont "Mes Petites Filles" sera
dévoilé en toute fin, et je n'ai rien soupçonné
quant aux meurtres, contrairement aux malins du groupe (disent-ils...).
Mais j'avoue avoir été nunuche sur les citations en exergue
de chaque chapitre sans auteur, ne devinant nullement qu'ils étaient
de Blake, central dans la vie de Dysio (et peut-être de l'auteure
qui choisit son titre dans un vers du poète).
La frontière toute proche que la narratrice passe par plaisir une
dizaine de fois en une demi-heure, la Tchéquie toute proche avec
sa librairie fameuse, m'ont très vite amenée à prendre
une carte au cas où les lieux de l'histoire existent pour de vrai
(et c'est le cas !) et à suivre et l'histoire et la géographie
dans le roman. L'Histoire n'est d'ailleurs pas loin quand on parle frontière...
Quelle idée de lire la quatrième de couv ! Pas un moment,
je n'ai pensé polar... Monique a cité des livres que nous
avions lus, auxquels je n'ai pas pensé mais qui me sautent aux
yeux maintenant : La
Vierge froide et autres racontars (Riel), Un
balcon en forêt (Gracq) et La
Saga de Youza (Baltouchis). J'ai pour ma part pensé au
long du livre à Pas
facile de voler des chevaux du Norvégien Petterson, où
comme dans les autres règnent la nature, la solitude et le mystère
qui peu à peu se dévoile.
Je ne goûte guère les descriptions ; ici elles sont passionnantes :
actions et états d'âme à elles seules, comme si elles
étaient narration. On sent la dinguerie, mais pas plus que la nôtre...
Catherine
Oh si !
Claire
Pas plus que la mienne alors... ou j'ai pensé qu'elle jouait et
que ce n'était pas pour de vrai. J'aime le mélange comique
et tragique, le sens de la dérision au détour de pensées
profondes, qui résonnent en soi, tout comme Danièle le remarque
avec la phrase "je connais
la date de ma propre mort, et cela me rend libre". Ce
livre original par son univers, sa composition, son ton, son angle de
vue, ce qui fait récit (des bribes qu'on recolle peu à peu),
cette personnalité anticonformiste, donne la pêche littéraire.
J'aime de temps en temps les côtes d'agneau et ne pose pas de bombes
dans les abattoirs, j'ai moi aussi sauté les passages sur l'astrologie,
espérant que l'auteure la considère uniquement comme réserve
à histoires, poésie et délire. Ne connaissant rien
d'elle à part son prix Nobel, j'ai lu ensuite plein de choses à
son sujet (voir ci-dessous) et ai été
passionnée par son parcours et sa personnalité littéraire.
J'ai consulté avec ennui son
thème astral qui s'adresse à elle en disant "Vous
êtes une nature attractive voire fascinante et vous ne risquez de
choquer finalement que les adeptes du juste milieu"...
C'est ben vrai ça...
Christelle
Je m'y suis prise trop tard, je n'en suis qu'au deux tiers. Je n'avais
pas lu la quatrième de couverture et le côté polar
ne m'a pas sauté aux yeux. Je n'aime pas les polars, donc comme
je ne savais pas, je n'avais pas d'a priori négatif.
J'ai aimé la première scène. C'est peu fréquent
d'avoir une femme de cet âge comme narratrice. L'astrologie m'a
ennuyée. Son côté extravagant est parfois trop excessif.
J'ai beaucoup aimé l'humour, on sourit régulièrement
: "je me dis parfois qu'il n'y a rien de plus sain qu'un malade".
Claire
Vous les deux médecins, vous pourriez mettre cette phrase sur la
porte de votre cabinet
Christelle
J'ai aimé les descriptions de la nature. Les personnages sont excessifs,
on les met dans des cases. J'ai eu du mal à visualiser la ville.
Quant au style, je m'attendais à quelque chose de plus marquant
venant d'un Nobel. Là où j'en suis, je n'avais pas deviné
que c'était elle, l'auteure des meurtres. J'avais du mal à
visualiser le village. Pour l'instant j'ouvre à moitié.
Claire
Tu vas continuer ? Et toi Geneviève ?
Christelle
Oui oui.
Geneviève
Oui !
Muriel
Mais qui a dit qu'il s'agissait d'un polar ? Je n'ai pas vu ça !
Claire
C'est sur la quatrième de couverture.
Christelle
Je ne savais pas qu'il s'agissait de meurtre au début ! Je
pensais à un accident, pour le premier tout du moins.
Lisa
J'en suis à 30 %. Pendant la première partie du confinement,
je lisais un livre par jour, puis plus rien ! Et le livre est arrivé
alors.
La première scène, j'ai adoré. J'avais l'impression
d'être dans les années 50 et quand Internet est évoqué,
ça m'a perturbée, avec le village sous la neige...
J'en suis au mec qui est tombé dans le puits. J'aime beaucoup cette
vieille dame. L'astrologie, ça m'a barbée, mais ce qui m'a
fait rire c'est la cohérence des programmes de télé
avec les astres
Ça me donne encore plus envie de continuer s'il s'agit d'un polar.
J'ouvre à moitié mais sûrement aux trois quarts.
Le côté militant par rapport aux animaux, c'est sympa. L'aspect
militant est souvent manichéen, par exemple : les chasseurs,
ce sont de gros cons. Moi aussi je donne à L 214. Ce côté
militant ne m'a pas dérangée.
Merci à Françoise d'avoir proposé le livre.
Catherine
Je ne vais pas être originale : j'ai beaucoup aimé !
C'est très original justement. Et j'ai trouvé ça
très drôle : les personnages, les surnoms, la fête,
c'est extraordinaire ! Matoga en petit chaperon rouge
!
La narratrice est très attachante. J'ai aimé le cadre. J'ai
aimé les personnages secondaires, notamment le botaniste. Les petites
filles ? On se doute que c'était ses chiennes. L'atmosphère
est extraordinaire. Que la femme ait tué elle-même m'a déçue,
je voulais que ce soit vraiment les animaux !
Claire
Moi aussi j'étais prête à le croire
Catherine
Le personnage avec le pic à glace ! C'est drôle
L'astrologie,
j'ai tout lu et c'était drôle. On se demande si l'auteur
y croit ! Ça donne envie de lire ses autres livres, mais ils ont
l'air très différent. J'ouvre aux 4/5. Parce que l'astrologie
c'est un peu long.
Françoise
Que dire, vous avez dit tellement de choses. Je ne sais plus comment j'ai
été amenée à lire ce livre. Je me suis intéressée
à elle quand elle a eu le Nobel. Le livre m'a emballée tout
de suite. C'est drôle, elle est barrée, mais elle a sa logique.
La cause animale m'intéresse aussi. Je n'avais
rien lu de tel. L'astrologie aurait pu m'agacer, mais le personnage est
sympathique, donc ça ne m'a pas gênée, je trouve que
ça va bien avec le reste. J'ai pensé qu'elle était
coupable seulement vers la fin. Les autres personnages sont intéressants.
J'étais contente de le proposer parce que ça fait au moins
un roman dans l'année qui m'a plu !...
Claire
Et Martin Éden ! Et
Les heures ! Et Les
choses ! Et Mars ! Et
Tiens,
personne ne s'est demandé s'il s'agissait bien d'un livre pour
le groupe, même les détracteurs, car c'est évident
que oui !
Françoise
Je suis ravie des réactions, même si certains n'ont pas aimé.
Mais apparemment ses autres livres sont moins bien.
Claire
Je suis d'accord avec Annick L sur Les Pérégrins
que j'ai essayé de lire et ai laissé tomber. Les
Livres de Jacob a l'air extraordinaire, mais n'a que
1000 pages. Tu as bien choisi !
Françoise
J'ouvre en grand. Il y a des faiblesses, mais mon plaisir de lecture a
été grand. Je suis d'accord avec Catherine, l'auteure aurait
pu aller au bout de son idée, à savoir que les animaux soient
réellement les coupables. Cela aurait évidemment changé
la nature du livre le fantastique et bien que je n'aime
pas trop ce genre, j'aurais peut-être aimé tout de même...
Elle règle aussi ses comptes avec la société catholique
polonaise.
Muriel
C'est bizarre la fête de Saint-Hubert.
Claire
Par rapport à l'écriture, certains sont enthousiastes, d'autres...
bof. Dans une interview, elle dit à propos de son rapport à
la langue :
Jai renoncé délibérément à la travailler depuis que jai commencé à être écrivaine. Je préfère créer des images. La langue nest pour moi quun outil pour y parvenir. Voilà pourquoi la mienne est transparente. Je me souviens de lépoque où je préparais la première version de Dieu, le temps, les hommes et les anges [Robert Laffont, 1998]. Mon obsession était datteindre à la plus extrême simplicité. A chaque fois que je trouvais une subordonnée, je léliminais afin que la langue devienne invisible pour le lecteur."
Catherine
C'est très bien construit.
Claire
Elle dit aussi qu'elle rêve d'un nouveau type de narrateur :
une "quatrième personne", qui ne soit pas seulement une construction grammaticale bien sûr, mais qui parvienne à englober la perspective de chacun des personnages, tout en ayant la capacité d'aller au-delà de l'horizon de chacun d'entre eux, qui voie plus et ait une vision plus large, et qui soit capable d'ignorer le temps. Oh oui, je pense que l'existence de ce narrateur est possible.
Françoise
Ça me donne envie de relire le livre.
Geneviève
Le passage des éperviers est extrêmement fort.
Claire
Toi qui es anglophone, tu connais William
Blake ?
Geneviève
Oui, enfin pas plus que ça.
Claire
Elle dit encore à propos de la catégorisation des livres
en genres liée à la commercialisation de la littérature,
comme produit, qu'elle n'apprécie pas beaucoup la distinction nette
entre fiction et non-fiction :
J'écris de la fiction, mais ce n'est jamais une pure invention. Quand j'écris, je dois tout ressentir en moi. Je dois laisser tous les êtres et objets vivants qui apparaissent dans le livre me traverser, tout ce qui est humain et au-delà de l'homme, tout ce qui est vivant et non doté de vie. Je dois regarder de près chaque chose et chaque personne, avec la plus grande solennité, et les personnifier en moi, les personnaliser.
Lisa
Elle a quel âge ?
Muriel
Elle est de 62 donc
Françoise
Elle est jeune.
Claire
Dans une interview genre "quel est le livre qui a changé votre
vie", on lui demande quel est le livre qui l'a fait rire :
J'ai trouvé Le cornet acoustique de Leonora Carrington vraiment drôle. C'est un roman plein d'esprit et un peu fou avec un narrateur pas fiable de 92 ans et il a influencé mon roman Sur les ossements des morts.
Christelle
Ça donne envie de le lire...
Geneviève (consultant son smartphone)
Leonora Carrington
n'a pas l'air banal : artiste peintre et romancière mexicaine d'origine
anglaise...
Synthèse des AVIS DU GROUPE BRETON réuni le 18 juin 2020, rédigée par Yolaine, avec deux immigrées de passage, dans un site absolument magnifique...
Suzanne Marie-Odile |
Une lectrice sceptique pour huit enthousiastes.
Nous avons été unanimes pour reconnaître la qualité
de l'écriture, dont la simplicité apparente est le fruit
d'un travail d'orfèvre, et pour saluer l'humour et l'autodérision
omniprésents au fil des pages. Parmi les morceaux les plus savoureux :
le déguisement du loup et du chaperon rouge, le dentiste, la Saint-Hubert,
la communion. Les personnages, grotesques, affublés de prénoms
caricaturaux, le braconnier Grand Pied, l'aumônier des chasseurs
Froufrou, la gentille vendeuse de fripes Bonne Nouvelle, entre autres,
animent une comédie franchement drôle où les rapports
humains sont dépeints de façon très juste et réaliste.
Cette découverte de la littérature polonaise a aussi offert
l'opportunité d'une leçon de géographie. Il est un
peu difficile de mémoriser des frontières qui ont tant fluctué
au cours des siècles, mais on a tendance à nimber les Carpates
d'un mystère global, et à promener Dracula de la Transylvanie
du centre de la Roumanie aux montagnes Sudètes du nord de la Bohême.
De quoi piocher l'inspiration pour un futur voyage littéraire ?
Au-delà des descriptions pleines de poésie des montagnes
neigeuses où l'auteur laisse transpirer tout son amour de la nature
et des animaux, c'est toute une atmosphère que distille la narratrice
en nous confiant ses états d'âme. Elle ajoute à son
brillant talent de conteuse une profondeur philosophique et nous offre
de belles pages sur la vieillesse et la solitude, la vie et la mort, le
tout rythmé par les citations de William Blake imprégnées
de l'Ancien Testament.
Faut-il réduire ce récit à un roman policier ?
Sûrement pas, mais les avis sont partagés entre ceux qui
se sont laissé prendre à cette histoire intrigante de meurtres
en série, ceux qui ont deviné tout de suite où était
le coupable et parlent de "faux polar", jusqu'aux ayatollahs
qui interdisent toute lecture de la quatrième de couverture pour
ne pas se laisser séduire par des paillettes criminelles. Certains
ont trouvé la fin un peu bâclée, d'autres au contraire
belle et poétique.
La place envahissante de l'astrologie, qui s'accompagne de certaines longueurs,
a exaspéré plusieurs lectrices. Mais s'agit-il d'un manifeste
de l'écrivaine, au même titre que la défense des animaux
et la protection des arbres, ou bien d'un des symptômes du grain
de folie et de la part de rêve qui rend l'héroïne de
ce conte fantastique si originale et attachante ? Les visions hallucinantes
à la cave de sa mère et de sa sur ne laissent pas
de nous déranger et de nous interroger sur la distance ténue
qui sépare parfois la raison de la démence.
Ce fut aussi le prétexte à un débat sur la dimension
autobiographique du roman. Olga et Janina partagent en effet une personnalité
séduisante, militante, anticonformiste et hors du commun. Mais
il faut se garder de mêler la fiction et la biographie du rédacteur.
L'attribution du Nobel de littérature à Olga Tokarczuk a
aussi alimenté la discussion. Difficile de juger de l'ensemble
d'une uvre à travers le prisme d'un roman un peu atypique,
et sûrement l'un des plus accessibles de l'ensemble de sa production.
Belle découverte tout de même que cette plongée dans
l'univers mental de la Pologne qui est au cur de notre civilisation
européenne. Poids de l'histoire et des frontières que Janina
s'amuse à franchir allègrement et qui nous fait sortir des
nôtres.
Un grand merci à Cindy qui nous a fait franchir une autre frontière
en nous immergeant dans les bois de Bieuzy-les-Eaux. L'accord entre le
cadre de notre rencontre et celui de notre lecture a rendu parfait le
plaisir de ces retrouvailles d'après confinement.
DES INFOS sur l'auteure et son uvre | |
Radio-télé
: des émissions passionnantes Les éditrices d'Olga Tokarczuk La traductrice Les uvres d'Olga Tokarczuk traduites Des articles : critiques de livres, interviews, portraits Son écriture : références, narration, images, selon l'auteure elle-même Le prix Nobel Des repères biographiques : parcours, potins |
RADIO-TÉLÉ : des entretiens passionnants |
- France
Culture "Ressouder
le monde : entretien avec la prix Nobel de littérature Olga Tokarczuk",
par Christine Lecerf, 19 novembre 2019, 35 min
- France Inter, L'Heure
bleue, par Laure Adler, 27 novembre 2019, 54 min
- Arte, 28 minutes, avec Elisabeth
Quin, 27 novembre 2019 : biographie, interview, point de vue sur la politique,
sa coiffure...
- Intéressante, mais moins percutante, l'émission sur Europe
1 La
voix est livre, Nicolas Carreau, 1er décembre 2019, première
partie de l'émission
de 47 min avec Olga Tokarczuk
LES ÉDITRICES françaises d'Olga Tokarczuk | |
Zofia Bobowicz a publié son premier livre traduit en France | |
Née en Pologne en 1937, elle a créé la première collection en France de littératures dEurope de lEst aux Éditions des Autres à Paris. Elle a été ensuite directrice littéraire chez Robert Laffont où elle a élargi la collection "Pavillons" à la littérature de lEurope centrale (voir interview). Elle rejoint en 2004 les éditions Noir sur Blanc et décide de revenir en Pologne en 2009. Elle est également traductrice. Elle est l'auteure de De Laffont à Vivendi : mon histoire vécue de l'édition française. | |
20 ans avant le prix Nobel, alors qu'Olga Tokarczuk était inconnue du public français, une émission de France Culture, Panorama, 17 avril 1998, était consacrée à son troisième livre, Dieu, le temps, les hommes et les anges. Parmi les invités de cette émission, son éditrice Zofia Bobowicz revenait sur les débuts de l'écrivaine : Elle sest imposée dès son premier livre en Pologne. Depuis elle a recueilli quelques prix prestigieux et maintenant les ventes suivent. La Pologne en est très fière elle peut lêtre ! Cest vraiment un talent authentique, inespéré et très universel." Une critique de l'émission s'enthousiasmait : "Cest un livre qui ma donné un plaisir de lecture totalement jouissif, que jai rarement eu dans ma vie, surtout quand jétais jeune et adolescente. Jai limpression que ce livre pose toutes les questions jai vraiment du mal à lui trouver un défaut. Il y a une espèce de fraîcheur de lenfance, de naïveté, de mysticisme". | |
Vera Michalski a publié 4 romans d'Olga Tokarczuk. | |
Fondée
en 1987 en Suisse, par Jan Michalski et Vera Michalski-Hoffmann, couple
aux origines suisses, polonaises, russes et autrichiennes, Noir
sur Blanc était à l'origine spécialisée
dans l'édition en français de textes polonais et russes,
par la suite ouverte à d'autres littératures, notamment
balkaniques. Depuis 1990, la maison existe également à Varsovie, sous la direction de la sur de Jan Michalski, Anna Zaremba-Michalska avec la vocation de traduire la littérature mondiale en polonais. L'originalité de l'édition est donc de publier en deux langues : français et polonais. En 1990, elle s'installe également à Paris et reprend un an plus tard la Librairie polonaise de Paris boulevard Saint-Germain. En 1998, elle entre au capital des éditions Phébus et acquiert les éditions Buchet-Chastel en 2000. Jan Michalski qui décède en 2002 et Vera Michalski voulaient établir "une passerelle entre l'Est et l'Ouest, convaincus qu'une Europe digne de ce nom est celle où les peuples partagent les richesses de leur culture". Milliardaire, mécène, Vera Michalski est un personnage de roman, voir ICI. Elle dirige le groupe éditorial Libella. Un film de 2013 lui est consacré. Voir enfin, pour les 30 ans de l'édition : "Noir sur blanc : à l'est toujours du nouveau", par Nicolas Weill, Le Monde, 4 mai 2017 |
LA TRADUCTRICE |
Les 8 livres d'Olga Tokarczuk
disponibles en française ont été traduits par
4 traducteurs différents, tous de double culture (Christophe
Glogowski, Grazyna Piatek-Erhard, Margot Carlier, Maryla Laurent :
voir des précisions ici).
La traductrice du livre que nous lisons, Margot Carlier, en a traduit
trois, successivement :
- 2012 : Sur
les ossements des morts, éd.
Noir sur blanc
- 2016 : Les
enfants verts, éd. La Contre Allée
- 2018 : Une
âme égarée, éd. Format.
Margot Carlier a fait ses études de linguistique
et littérature comparée à la Sorbonne et à
l'Université de Varsovie.
Elle a une triple activité : enseignement de la langue et
la civilisation polonaise à l'université Jules-Verne à
Amiens, conseillère littéraire aux éditions Actes
Sud et, donc, traductrice. En 2009, elle a reçu le Prix
Amphi pour la traduction de Gottland
de Mariusz Szczygie (Actes Sud).
Une interview présente son parcours et sa conception de la traduction :
"Quelques
mots avec : Margot Carlier, traductrice du polonais", Passage
à l'Est !, 30 septembre 2014
Elle est traduite aussi bien en chinois qu'en catalan. Voici une photo
avec quelques-uns de ses traducteurs : Lennart Ilke + Jan Henrik Swahn
(suédois), Tatiana Izotova (russe), Antonia Lloyd-Jones (anglais)
près d'Olga Tokarczuk au centre, auteure de la traduction que nous
lisons, Margot Carlier (français),
Petr Vidlak (tchèque), Greet Pauwelijn (néerlandais), Maryna
Szoda (biélorusse), Olga Baginska-Shinzato (portugais), 13
décembre 2019
LES UVRES d'Olga Tokarczuk traduites | |
(avec la date de la première publication) |
- 1987 : Nouvelle non publiée, L'armoire,
trad. Marlena Wilczak, publiée sur le site Le Grand Continent
- 1996 (en Pologne) : Dieu,
le temps, les hommes et les anges, trad. Christophe Glogowski,
Robert Laffont, 1998 ; Pavillons
poche, 2019
- 1998 : Maison
de jour, maison de nuit, trad. Christophe Glogowski, Robert
Laffont, coll. "Pavillons. Domaine de l'Est", 2001
- 2004 : Récits
ultimes, trad. Grazyna Erhard, éd. Noir sur blanc,
Lausanne, 2007
- 2007 : Les
Pérégrins, trad.
Grazyna Ehrard, éd. Noir sur blanc, 2010. Prix Nike en 2008 (prix
Goncourt polonais). Man Booker International
Prize en 2018.
- 2009 : Sur
les ossements des morts, trad. Margot Carlier, éd.
Noir sur blanc, Lausanne, 2012 ; Libretto
poche, 2014
- 2014 :
Les Livres de Jacob, trad. Maryla Laurent, éd. Noir
et Blanc, 2018. Prix Nike en 2015. Un livre de deux
kilos dont les 1040
pages sont numérotées
à l'envers dans le style des livres hébreux.
- 2015 : Les
enfants verts, trad. Margot Carlier, éd. La Contre
Allée, Lille, 2016
- 2017 : Une
âme égarée, trad. Margot Carlier, ill.
Janna Concejo, 50 p. (album), éd. Format, 2018. Voir sur
le site de l'illustratrice.
Prix : Bologna Ragazzi Award
Voir le détail de chaque uvre avec la présentation de l'éditeur ICI |
2017
: Olga Tokarczuk est aussi co-auteure du scénario du film Pokot
(en anglais Spoor) réalisé par Agnieszka
Holland et inspiré du roman que nous lisons (Sur les ossements
des morts). Bande-annonce ICI.
La réalisatrice dit qu'elle et Tokarczuk avaient été
étiquetées "targowiczanin" en Pologne,
un terme de l'ère communiste signifiant traître. Elle
ajoute qu'"un journaliste de l'agence de presse polonaise a écrit
que nous avions réalisé un film profondément anti-chrétien
qui faisait la promotion de l'éco-terrorisme. Nous avons lu cela
avec une certaine satisfaction et nous envisageons de le mettre sur les
affiches promotionnelles, car cela encouragera les gens qui autrement
n'auraient pas pris la peine de venir le voir"... (The
Guardian, 2017)
Le film a emporté l'ours
d'argent au Festival international du film de Berlin et a représenté
la Pologne dans la course à l'Oscar du meilleur film étranger.
Conférence de presse LÀ
où la réalisatrice qui doit maintes fois répondre
à la question du genre du film, indéfinissable..., finit
par dire que c'est un thriller anarcho-féministe, avec une touche
d'humour noir... Interview
ICI
("Vous ne pouvez pas le comprendre entièrement. Cest
la raison pour laquelle je lai réalisé. Jai
observé différentes réactions à Spoor : certaines
personnes éclataient de rire alors que dautres étaient
complètement silencieuses, comme sils assistaient à
des funérailles"...)
DES ARTICLES : critiques de livres, interviews, portraits |
Trois articles d'Olga Tokarczuk | |
-
"Le
doigt de Staline", Études, n° 7-8,
2002 - "Partir", Assises Internationales du Roman, éd. Christian Bourgois, 2011 - "Trahisons de la noblesse polonaise", Libération, 19 décembre 2012 |
|
Sur le roman Maison de jour, maison de nuit | |
-
"Chambre
d'autres", par Eric Loret, Libération, 1er
mars 2001 - "La mort, entre rêve et réalité", par Raphaëlle Rérolle, Le Monde, 30 mars 2001 |
|
Sur le roman Récits ultimes | |
- "Nous, les mortels", par Thierry Cecille, Le Matricule des Anges, n°88, novembre 2007 | |
Sur le roman Les Pérégrins | |
-
"Olga
Tokarczuk par sa traductrice", Grazyna Erhard, Le Matricule
des anges, n° 116, septembre 2010,
article repris aux Assises Internationales du roman 2011 à
la Villa
Gillet - "La vérité se cache dans les aéroports", par Astrid De Larminat, Le Figaro, 18 novembre 2010 - "Olga Tokarczuk, romancière globe-trotter", par Catherine Simon, Le Monde, 18 novembre 2010 - "Miscellanées polonaises", par Bernard Quiriny, Le Magazine littéraire, n° 503, décembre 2010 |
|
Sur le roman Sur les ossements des morts, articles de quotidiens et de blogs | |
-
"Le
polar zoologique d'Olga Tokarczuk", par Baptiste Liger, L'Express,
20 septembre 2012 - "Biche, os ma biche", par Éric Loret, Libération, 10 octobre 2012 - "Sur les ossements des morts, Olga Tokarczuk", Anne Morin, La Cause littéraire, 17 novembre 2012 - "Sur les ossements des morts" d'Olga Tokarczuk", par Isabelle Rüf, Le Temps, 26 décembre 2014 - "Olga Tokarczuk, Prix Nobel 2018. Une pestiférée, par Christophe Prevost, Blog Mediapart, 21 mars 2020 - "Sur les ossements des morts dOlga Tokarczuk", par Anne Veslin-Gourdain Textualités, 9 janvier 2020 - Blog d'Ellettres, 11 février 2020 - Blog La Lettre, 6 janvier 2016 - Blog Bouquivore, 22 mars 2020 |
|
Sur le roman Les Livres de Jacob | |
-
"L'épopée
messiannique d'Olga Tokarczuk", par Nicolas Weill, Le
Monde, 19 septembre 2018 - Olga Tokarczuk : "Le roman a le pouvoir d'amener le lecteur à une sorte de transe", propos recueillis par Nicolas Weill, Le Monde, 19 septembre 2018 - "Un grand roman d'aventures messianiques", par Jean-Yves Potel, En attendant Nadeau, 20 novembre 2018 |
|
Sur l'auteure et son uvre une fois le Nobel attribué | |
-
"Prix
Nobel de littérature : Olga Tokarczuk, Polonaise cent frontières",
par Olivier Lamm, Libération, 10 octobre 2019 - Présentation et bibliographie sélective, BNF, octobre 2019 - "Olga Tokarczuk, une littérature toujours en mouvement", L'Obs avec AFP, 10 octobre 2019 - REPORTAGE : "Chez Olga Tokarczuk, prix Nobel de littérature", par Marie Chaudey, en Pologne, La Vie, 10 octobre 2019 - INTERVIEW : "Je crois dans le pouvoir de l'obsession", par John Freeman, poète, Libération, 14 octobre 2019 - "Olga Tokarczuk, Prix Nobel 2018 : le savoir mystique", par Eugénie Bourlet, Le Magazine littéraire, 26 octobre 2019 - PORTRAIT : "Olga Tokarczuk, chair et tendre", par Justine Salvestroni, Libération, 18 novembre 2019 - Olga Tokarczuk : "La littérature est toujours excentrique", par Valérie Marin La Meslée, Le Point, 25 novembre 2019 - Olga Tokarczuk, Prix Nobel de littérature 2018 : "Le roman englobe toutes les expériences", propos recueillis par Nicolas Weill, Le Monde, le 28 novembre 2019 - "Olga Tokarczuk, de Dieu, le temps, les hommes et les anges au Prix Nobel", par Bénédicte Williams, Le Courrier d'Europe centrale, 10 décembre 2019. |
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SON ÉCRITURE : références, narration, images... | |
Le livre qui a changé ma vie | |
J'ai d'abord lu Au-delà du principe du plaisir de Freud en tant que jeune fille, et cela m'a aidée à comprendre qu'il existe des milliers de façons possibles d'interpréter notre expérience, que tout a un sens et que l'interprétation est la clé à la réalité. Ce fut la première étape pour devenir écrivain. | |
L'auteur qui a influencé mon écriture | |
Je pense qu'en Pologne, de nombreux écrivains donneraient la même réponse : Bruno Schulz, dont les histoires très belles, sensibles et significatives ont élevé la langue polonaise à un niveau complètement différent. Je l'aime mais je le déteste aussi parce qu'il n'y a aucun moyen de rivaliser avec lui. C'est le génie de la langue polonaise. | |
Le livre qui m'a fait rire | |
J'ai trouvé Le cornet acoustique de Leonora Carrington vraiment drôle. C'est un roman plein d'esprit et un peu fou avec un narrateur pas fiable de 92 ans et il a influencé mon roman Sur les ossements des morts. Je l'ai lu à l'époque communiste et cela me fait réaliser à quel point nous avons eu de la chance à cette époque d'avoir autant de littérature traduite en polonais. | |
Le livre que j'ai le plus honte de ne pas avoir lu | |
Les Anneaux de Saturne est l'un des deux livres de WG Sebald que j'ai encore sur ma liste. (The Guardian, août 2018) | |
Peut-on qualifier votre style de "réalisme fantastique" ? | |
Jignore si cette formule convient, mais nous vivons à une époque où une redéfinition du "réalisme"dans la littérature et dans lart en général simpose. Comment reformuler le réalisme ? Dans Les Livres de Jakob, jai tenté une expérience avec ce que jai nommé un narrateur à la "quatrième personne" Ienta [la grand-mère agonisante qui, tout au long du livre, suit les événements den haut, sur le mode dune expérience de sortie du corps], un personnage qui ignore le temps, dont le point de vue est celui tantôt de la grenouille, tantôt de loiseau. Il sagit dun narrateur qui outrepasse la perspective de lauteur comme celle des personnages et projette un regard cosmique sur laction. (Le Monde, 2019, ainsi que questions suivantes) | |
Quelle "musique" différente la littérature est-européenne fait-elle entendre ? | |
Quand on examine la littérature centreuropéenne ce terme me tient à cur , on est frappé dy voir le monde représenté comme une réalité mouvante, aux frontières floues, instables. Du fait de notre histoire compliquée, tout peut changer, tout peut arriver. La limite entre le réel et limaginaire ne se dessine pas aussi nettement quil y paraît. Le grotesque, lironie ou la poésie nous paraissent plus appropriés pour peindre le monde que le roman réaliste. Czeslaw Milosz [1911-2004, poète, Prix Nobel de littérature 1980] a, à ce sujet, une phrase terrible en affirmant quun seul vers vaut des milliers de pages en prose. Un propos qui a le don de magacer prodigieusement ! | |
Est-ce la menace lancinante de ce chaos que reflète votre écriture en fragments ? | |
"La
narration linéaire et classique ma toujours rendue méfiante.
Pour moi, elle ne permet pas daccéder au vrai. Je recours
à lécriture fragmentaire depuis Maison
de jour, maison de nuit [Robert Laffont, 2001] qui, effectivement,
se présente comme une mosaïque, un patchwork. Mais cest
seulement dans Les
Pérégrins [Noir sur blanc, 2010] que
jai approfondi ma réflexion sur ce mode décriture.
Le roman moderne exige un récit qui corresponde à notre
expérience dun monde morcelé, zébré,
où lon zappe
Comment, à partir de cette réalité éclatée, retrouver un sens unique ? A travers ce que je nomme "roman-constellation", à limage dun homme regardant le ciel étoilé depuis sa terrasse. Nous voyons un chaos détoiles disposées à laventure, tandis que notre intelligence sefforce, elle, dy percevoir des ensembles, des structures dotées de sens auxquelles on associe même une mythologie. |
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Quel rapport à la langue entretenez-vous ? | |
"Jai renoncé délibérément à la travailler depuis que jai commencé à être écrivaine. Je préfère créer des images. La langue nest pour moi quun outil pour y parvenir. Voilà pourquoi la mienne est transparente. Je me souviens de lépoque où je préparais la première version de Dieu, le temps, les hommes et les anges [Robert Laffont, 1998]. Mon obsession était datteindre à la plus extrême simplicité. A chaque fois que je trouvais une subordonnée, je léliminais afin que la langue devienne invisible pour le lecteur." | |
Discours du prix Nobel : le genre littéraire | |
"Un bon livre n'a pas besoin de
défendre son affiliation générique. La division
en genres est le résultat de la commercialisation de la littérature
dans son ensemble et du fait qu'elle est traitée comme un produit
à vendre avec toute la philosophie de l'image de marque et
du ciblage." "Je n'ai jamais été particulièrement enthousiasmée par une distinction nette entre fiction et non-fiction, à moins d'entendre une telle distinction comme étant de l'ordre de l'information imposée. Dans l'océan d'innombrables définitions de la fiction, celle que je préfère est aussi la plus ancienne, et elle vient d'Aristote. La fiction est toujours une forme de vérité." |
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Discours du prix Nobel : la quatrième personne | |
Je rêve également d'un nouveau type de narrateur - une "quatrième personne" -, qui ne soit pas seulement une construction grammaticale bien sûr, mais qui parvienne à englober la perspective de chacun des personnages, tout en ayant la capacité d'aller au-delà de l'horizon de chacun d'entre eux, qui voie plus et ait une vision plus large, et qui soit capable d'ignorer le temps. Oh oui, je pense que l'existence de ce narrateur est possible. | |
Discours du prix Nobel : fragments, fiction et tendresse | |
"Peut-être devrions-nous
faire confiance aux fragments, car ce sont des fragments qui créent
des constellations capables de décrire davantage, et de manière
plus complexe, multidimensionnelle. Nos histoires pourraient se référer
les unes aux autres de manière infinie, et leurs personnages
principaux pourraient entrer en relation les uns avec les autres." "J'écris de la fiction, mais ce n'est jamais une pure invention. Quand j'écris, je dois tout ressentir en moi. Je dois laisser tous les êtres et objets vivants qui apparaissent dans le livre me traverser, tout ce qui est humain et au-delà de l'homme, tout ce qui est vivant et non doté de vie. Je dois regarder de près chaque chose et chaque personne, avec la plus grande solennité, et les personnifier en moi, les personnaliser. C'est à cela que me sert la tendresse - car la tendresse est l'art de personnifier, de partager des sentiments, et donc de découvrir sans cesse des similitudes. Créer des histoires signifie constamment donner vie aux choses, donner une existence à tous les petits morceaux du monde représentés par les expériences humaines, les situations que les gens ont endurées et leurs souvenirs. La tendresse personnalise tout ce à quoi elle se rapporte, permettant de lui donner une voix, de lui donner l'espace et le temps de naître et de s'exprimer." "La littérature est construite sur la tendresse envers tout être autre que nous-mêmes. C'est le mécanisme psychologique de base du roman. Grâce à cet outil miraculeux, le moyen de communication humain le plus sophistiqué, notre expérience peut voyager dans le temps, atteindre ceux qui ne sont pas encore nés, mais qui se tourneront un jour vers ce que nous avons écrit, les histoires que nous avons racontées sur nous-mêmes et notre monde." |
LE PRIX NOBEL |
Avant le Nobel,
quelques autres prix ont précédé :
- 1996 : Passeport
Polityka, prix remis par l'hebdomadaire Polityka.
- 1997 : prix de la Fondation
Koscielski à Genève
- 2008 : Prix Nike (le
Goncourt polonais) pour Les Pérégrins
- 2013 : Prix du Vilenica
International Literary Festival (Slovénie)
- 2015 : Prix Nike
(pour une deuxième fois) pour Les Livres de Jakób
- 2015 : Brückepreis
(prix international décerné à une personne qui a
contribué à mieux comprendre les peuples, décerné
par la ville de Görlitz-Zgorzelec qui se trouve à la fois
en Allemagne et en Pologne, et non loin de la République tchèque).
- 2018 : Prix international Man
Booker pour Flights (Les Pérégrins)
- 2018 : Prix Transfuge
du meilleur roman européen pour Les Livres de Jakób
- 2018 : Prix (suisse)
Jan Michalski de littérature pour Les Livres de Jakób
- 2018 : Prix
de la Foire de Bologne Bologna Ragazzi
Award pour Une
âme égarée
- 2019 : Prix Laure-Bataillon
pour Les Livres de Jakób : le prix récompense la
meilleure uvre de fiction traduite durant l'année et est
attribué à lécrivain étranger ET son
traducteur en langue française, en l'occurence Maryla Laurent.
- 2018 : Prix Nobel de Littérature (décerné en 2019)
Le prix Nobel a été attribué
à cinq Polonais : trois hommes puis deux
femmes.
Seules quatorze femmes
avaient reçu le prix Nobel de littérature depuis sa création
en 1901. Olga Tokarczuk est la quinzième.
Voici les 5 prix Nobel de littérature polonais :
- 1905 : Henryk
Sienkiewicz (1846-1916)
- 1924 : Wladyslaw
Reymont ((1867-1925)
- 1980 : Czeslaw
Milosz (1911-2004)
- 1996 : Wislawa
Szymborska (1923-2012)
- 2019 : au titre de l'année 2018 (suite au scandale sexuel du
prix Nobel) : Olga Tokarczuk
Avec son uvre, lAcadémie suédoise salue "une
imagination narrative qui, avec une passion encyclopédique, symbolise
le dépassement des frontières comme forme de vie".
Les réactions
en Pologne
- Le 10 octobre 2019, elle reçoit le Prix
Nobel de littérature 2018 : elle annonce la nouvelle sur les
réseaux sociaux avec deux heures d'avance sur l'annonce officielle
du Comité Nobel ce qui est normalement interdit et qu'elle ignorait
; elle a présenté ses excuses, ce qui est cocasse puisqu'elle
a reçu son prix avec un an de retard, en raison des polémiques
qui ont secoué linstitution suédoise.
- Comme elle est considérée comme
"non patriote" par le gouvernement polonais actuel, la chaîne
publique d'information en continu TVP Info a mis plusieurs minutes à
annoncer son nom, la désignant d'abord d'un simple "une Polonaise".
- "J'ai
tenté mais je n'ai jamais réussi à en terminer un",
déclare le ministre de la culture conservateur Piotr Glinski interrogé
à la suite de l'annonce du Prix Nobel.
Quelques jours plus tard (seulement), il félicite Olga Tokarczuk
pour son succès qui est "une preuve que la littérature
polonaise est bien appréciée à travers le monde".
Sur son compte twitter, il s'est aussi "engagé à
achever ses lectures jamais terminées des uvres de la lauréate
du prix Nobel" .
En se référant aux déclarations malheureuses du ministre,
le président du Conseil européen Donald Tusk, bête
noire des conservateurs polonais, a déclaré avoir "tout
lu" d'elle : "Chère Olga, félicitations
les plus sincères ! Quelle joie et fierté ! Je
vais m'en vanter à Bruxelles en tant que Polonais et lecteur fidèle
qui a tout lu, du début jusqu'à la fin", a twitté
M. Tusk.
Interrogée sur cette situation anecdotique, Olga Tokarczuk a estimé
qu'"il y a des lecteurs pour qui cela [ses écrits]
peut bien s'avérer ennuyeux et ne pas convenir à leur
tempérament".
- Le lendemain
de l'annonce de son prix, Wroclaw, une
grande ville de la région où vit l'écrivaine, rend
les transports
publics gratuits aux usagers ayant sur eux un livre d'Olga Tokarczuk.
La remise des prix a été retransmise en direct sur un écran
de la place principale. Des lectures de ses uvres ont été
organisées dans les villes de Pologne.
- On peut entendre son discours
filmé (en polonais) et le texte
ici en anglais, et son discours
au diner en anglais.
Olga Tokarczuk est "engagée"
- Dès l'annonce du Nobel, elle s'est inquiétée dun
impact négatif du Nobel sur Góry Literatury, le petit festival
littéraire quelle a créé dans les montagnes
: et sil perdait son âme ?
- Elle a annoncé qu'elle utiliserait le prix en argent fourni avec
le prix Nobel pour établir une
fondation dédiée au soutien et à la promotion
de l'art et de la culture polonaises et mondiales, des activités
environnementales, etc.
- Féministe, écologiste, végétarienne, elle
s'implique dans la défense des droits des femmes, des animaux,
des minorités sexuelles et ethniques.
- Elle exprime ses positions critiques sur la Pologne actuelle, mais aussi
sur la construction du mur entre les États-Unis et le Mexique.
- Après une interview à la télévision publique
en 2015, où elle dénonce le mythe d'une Pologne tolérante
et ouverte, elle reçoit des menaces de mort pour avoir "diffamé
le bon nom de la Pologne et des Polonais". Pendant une semaine,
l'éditeur lui envoie des gardes du corps.
- Cependant, elle ne se dit pas engagée politiquement : "Je
veux séparer mon engagement politique, qui est du domaine de lintime,
comme la taille de mes sous-vêtements, de lengagement public
que je porte comme écrivaine. Je ne sais pas me servir du langage
militant, de la langue simple utilisée en politique. Je me sers
dune langue propre à la littérature, qui est beaucoup
plus forte, plus profonde, plus diversifiée. Je partage mes opinions
avec joie dans mes livres, mes lecteurs nont pas de doute sur ce
que je pense, ni de quel côté de la barricade je me trouve."
(Portrait dans Libération
en 2019)
- Mais elle ne mâche pas ses mots : "Pour quelquun
qui, comme moi, est né dans les années 1960, assister au
retour des idées nationalistes constitue un vrai choc. Tout cela
semblait ne plus exister. De même pour lantisémitisme.
Je croyais le chapitre définitivement clos. Je ne soupçonnais
même pas quil subsistait, à titre virtuel, dans la
tête des gens et quon lutiliserait à des fins
politiques. Je constate le cynisme du gouvernement, qui nhésite
pas à puiser dans cette réserve redoutable dénergie,
uniquement dans le but de conserver le pouvoir. Le pire, ce sont les jeunes
générations. Car cet état desprit a gagné
les programmes scolaires. Les enseignants sen inquiètent.
Ils estiment que la génération qui a grandi ces dernières
années est dores et déjà contaminée."
(Le Monde en 2019)
DES REPÈRES BIOGRAPHIQUES : parcours, potins |
- "Je ne possède pas en propre de biographie bien claire, que je pourrais raconter de façon intéressante. Je suis composée de ces personnages que j'ai sortis de ma tête, que j'ai inventés. Je suis composée d'eux tous, j'ai une biographie à plusieurs trames, énorme" (Livre Hebdo, 2019)
Sa famille, son enfance
Elle est née en 1962 en Basse-Silésie, dans le sud-ouest de la Pologne, une région de frontières (limitrophe de la Pologne, de la République tchèque et de l'Allemagne) ; sa ville natale, Sulechów, appartenait jadis à la Prusse, avant d'être intégrée en 1945 à la République populaire de Pologne (la population d'origine allemande fut alors expulsée et remplacée par des Polonais).
Son père,
né en 1935 en Galicie
orientale (maintenant l'Ukraine), a fait partie de la génération
des "déplacés" avec ses grands-parents, en 1945
: comme des milliers de migrants expulsés des régions orientales
du pays, cédées à l'URSS après la Seconde
Guerre mondiale, ils furent transplantés sur ces terres de Basse-Silésie
vidées, donc, de leur population allemande : "Mes
grands-parents appartiennent à la génération qui
a accumulé les nationalités. Nés sujets autrichiens,
ils ont grandi dans le jeune État polonais qui venait dêtre
recréé. Adultes, ils sont devenus citoyens soviétiques,
puis ils ont fait partie de la population du Troisième Reich. Couple
ukraino-polonais, ils ont dû choisir eux-mêmes leur nationalité
à la fin de la guerre. Pour finir, Polonais originaires des territoires
situés à lest du Bug [territoires annexés
par lURSS après 1945], ils sont 'rentrés dans
leur patrie' et ont atterri en Basse-Silésie. Mon grand-père
est mort un an après son arrivée. Ma grand-mère na
jamais appris le polonais." ("Le
doigt de Staline", Études, n° 7-8, 2002)
Cette histoire
migratoire familiale, qui fut celle de toute une génération
de Polonais, forge une relation singulière à l'espace qu'Olga
Tokarczuk résume par ces mots : "nous ne faisons que passer
; dautres hommes habitaient ici avant nous, et après nous
il y en aura dautres. Et aussi une relation particulière
au temps : 'Le passé est aussi nébuleux que lavenir.
Notre maison est le hic et nunc.' De ce point de vue, le concept de
la propriété du sol est lidée la plus absurde
que les hommes aient pu inventer."
Même le cimetière est concerné par ce passé
: "Je me rappelle, lorsque ma mère, dans la seconde moitié
des années soixante, perdit un enfant, quil parut incongru
et presque humiliant de lenterrer dans un cimetière allemand,
où seules quelques rares tombes portaient des inscriptions en polonais.
Cela revenait à 'labandonner chez des étrangers'.
Est-ce à dire que mes parents, eux aussi, se tenaient toujours
sur le départ, et que cette terre, vingt ans après la fin
de la guerre, leur était toujours étrangère et inhospitalière
?" ("Le
doigt de Staline", Études, n° 7-8, 2002)
Ses
parents sont enseignants,
sa mère est professeur de polonais, son père bibliothécaire
dans l'établissement où ils travaillent : une école
populaire, Université du peuple (la Klenica Uniwersytet Ludowy),
installée au fin fond de la campagne, dans un "vieux château,
coupé du monde", l'ancien palais de chasse du prince
Radziwill :
"Nous vivions dans un palais, à Klenica, à Zielonogórskie,
où je suis née et ai séjourné pendant les
dix premières années de ma vie. (...) Il y avait un grand
parc ici, et tout cet ancien palais allemand plein de cheminées,
d'immenses miroirs, de passages mystérieux et de greniers..(S.
Beres, Joy of Narration, entretien avec Olga Tokarczuk, Dykcja :
Literary-Art Magazine, n° 9-10, 1998).
Une dizaine
d'enseignants et une centaine d'enfants vivent ensemble, ces derniers
appelant les adultes "oncle" ou "tante". Elle passe
donc son enfance dans ce phalanstère étonnant, une école
inspirée des principes du pédagogue danois Nikolai
Grundtvig (1783-1872) et financée par l'État (communiste)
polonais : "C'était une sorte de bulle dans la Pologne
communiste, une expérience autorisée avec une pédagogie
scandinave, basée sur l'éthique protestante, le tout destiné
aux enfants de paysans alentour. J'ai eu une enfance très spéciale
!" (La
vie, 2019)
Ses parents sont athés et elle n'a pas eu d'éducation religieuse.
À 6 ans, ils l'emmènent visiter Auschwitz, visite qui
la marque et la sensibilise à l'antisémitisme qu'elle considère
en Pologne comme une sorte de réaction contre sa propre identité
: "Je pense que la Pologne est toujours profondément malade
de la Shoah. Cette maladie ressemble à une sorte de réaction
auto-immune, puisque la culture polonaise, et plus généralement
la Pologne en tant que communauté, sont très fortement imprégnées
par la culture, la religion et la mentalité juives. C'est peut-être
un cas unique au monde". (France
Culture, 2019)
Quand le pouvoir communiste décide de fermer les Universités
du peuple. Olga est âgée de 10 ans : elle en parle comme
de "l'expulsion du paradis". (Le
Monde, 2010).
La famille retrouve une vie "normale" : les parents continuent
d'enseigner, mais dans des établissements ordinaires.
C'est à
Pouchkine et à La
Fille du capitaine qu'elle doit son prénom Olga et sa sur
cadette celui de Tatiana.
Sa nounou sera allemande et elle apprendra le russe à l'école.
Trois langues donc, qu'elle connaîtra dès sa jeunesse.
Sa
formation
Dans la bibliothèque tenue par son père, elle a pu lire
ce qu'elle voulait et y a développé son appétit littéraire.
Piotr Skowronek, un condisciple d'Olga en 1980, raconte
près de 30 ans plus tard : "Olga avait une vaste bibliothèque
à la maison. C'est elle qui m'a prêté 100 ans de solitude
de Marquez et j'ai appris d'elle qui était Sigmund Freud".
1980-1985 : Elle commence ses études en psychologie à l'université de Varsovie alors que débutent les grèves de Solidarnosc. Elle a 18 ans. L'année suivante, le pays est soumis à la loi martiale.
Elle s'intéresse
beaucoup à Carl Gustav Jung (1875-1961) dont elle dira : "Il
me semblait que Jung combinait deux choses qui comptaient pour moi :
la confiance en l'expérience et l'intellect et, d'autre part, ces
intuitions internes puissantes sans lesquelles la vie serait difficile
à avaler, comme un morceau de pain sec".
Pendant sa formation, elle s'occupe bénévolement de patients
en psychiatrie, et c'est une révélation
: "La plus grande découverte que j'aie faite, qui a ensuite
influencé mon écriture, c'est qu'une même réalité
peut être perçue de différentes façons par
différentes personnes. Entre l'homme et la réalité,
il y a un processus très intéressant d'interprétation.
C'est là que commence la littérature." (Libération,
2019)
En 1986-1989, elle travaille à la clinique de santé mentale
de Walbrzych. Puis jusqu'en 1996, comme psychothérapeute au Centre
méthodologique de Walbrzych, où elle forme des enseignants
selon son propre programme.
Fatiguée, proche du burn out ("Je travaillais avec l'un de
mes patients et j'ai réalisé que j'étais beaucoup
plus perturbé que lui."), elle prend une année sabatique,
écrivant un livre qui aura du succès. Elle se consacrera
ensuite à l'écrirure.
L'écrivaine
En 1979, au lycée, elle fait ses débuts avec
deux nouvelles en prose "Christmas Killing a Fish" et "My
Friends",
publiées dans le magazine pour jeunes Na Przelaj sous le
pseudonyme de Natasza Borodin.
Puis elle a écrit des poèmes, certains publiés dans
des revues, ensuite de la prose dont elle publie des extraits. Pour publier
dans un régime communiste, il faut être accepté dans
une institution incontournable : en 1994, elle devient membre de l'Association
des écrivains polonais, bénéficie de bourses littéraires
aux États-Unis (1996) et à Berlin (2001-2002), fonde avec
son mari Roman Fingas, une maison d'édition qui fonctionne quelques
années (1998-2004). À partir de 1999,
elle appartient au club polonais du PEN. En 2000, elle fait ses débuts
en tant que dramaturge avec Trésor. Elle est à l'origine
du Festival international de nouvelles organisé depuis 2004 à
Wroclaw. Elle a dirigé des ateliers à l'École littéraire
et artistique de l'Université Jagellonne et, depuis 2008, des cours
d'écriture créative
à l'Université d'Opole. Depuis 2015, elle organise à
Nowa Ruda le "Festival
littéraire de la Montagne".
Son
look
D'où
viennent ces boucles d'oreille ?...
Après ses études, elle a travaillé, entre autres
en tant que femme de chambre dans un hôtel de Londres. En 2018,
recevant le Booker
Prize à Londres pour Les Pérégrins, elle
a souligné que les boucles d'oreilles qu'elle portait provenaient
de son travail de femme de chambre... (RMF24,
2019)
Ses dreadlocks
font jaser... :
Même si les dreadlocks rappellent d'emblée les rastas
de Jamaïque, signalons qu'ils ont été portés
dans de nombreuses cultures au cours des siècles, des anciens Égyptiens
aux combattants spartiates de la Grèce antique en passant par les
prêtres aztèques. Olga Tokarczuk dit que sa coiffure est
en fait une plica
polonica, ou "enchevêtrement polonais", qui remonte
au 17e siècle. "Dans un certain sens, nous pouvons
être fiers d'avoir introduit cette coiffure en Europe",
a-t-elle déclaré au Guardian.
"Plica polonica devrait être ajoutée à la
liste de nos inventions, aux côtés du pétrole
brut, du pierogi et
de la vodka"...
Ses
lieux actuels
Elle habite à Wroclaw mais a gardé une maison dans la
région des Sudètes, au sud de Wroclaw. Elle aime cette montagne
frontalière, mais a renoncé à y vivre à l'année
en raison de la hauteur de la neige en hiver.
Ses
mecs
Elle s'est mariée deux fois.
Elle épouse d'abord un collègue psychologue
et donne naissance à un fils
qui fera des études de psychosociologie dans une université
norvégienne.
Pour tout savoir sur le moment où elle apprend qu'elle a le prix
Nobel, sur son couple avec son mari qui est son agent et secrétaire,
lire les potins ici (très romanesques
bien sûr...)
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
||||
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||||
à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
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