Quatrième
de couverture : Rejeton
d'une illustre famille de grands serviteurs de l'État, Mark-Alem
est embauché dans la plus secrète, la plus puissante, la
plus terrifiante institution qui se puisse imaginer : une administration
chargée de collecter, jusque dans les provinces les plus reculées,
les songes de tout un chacun, de les rassembler dans un lieu unique, puis
de les trier, de les classer, de les interpréter, afin d'isoler
ces "maîtres-rêves" dans lesquels le destin de l'Empire
et de son tyran pourra être déchiffré.
Quatrième
de couverture :
"Depuis longtemps, j'avais envie de
construire un enfer. Je mesurais pourtant ce qu'avait d'ambitieux et même
de chimérique un pareil projet à la suite des anonymes égyptiens,
de Virgile, saint Augustin, et surtout Dante...", a raconté
Ismaïl Kadaré à propos de ce roman qu'on peut considérer
comme son chef-d'uvre.
|
Ismaïl Kadaré (né en 1936)
|
Couvertures
étrangères orientant, comme la Française, la
lecture ?...
|
||
Harvill Press, 1993 |
Vintage Classics, 2008 |
Fisherverlage, 2005 |
"Depuis longtemps, j'avais envie de construire un enfer.
Je mesurais pourtant ce qu'avait d'ambitieux et même de chimérique un pareil projet à la suite des anonymes égyptiens, de Virgile, saint Augustin, et surtout Dante..." Ismaïl Kadaré |
DES INFOS en bas de page sur Kadaré, son étonnant traducteur, son parcours, ses uvres, leur réception, etc. |
Pour "profiter" des
éclairages d'Ariane Eissen,
Nathalie du nouveau groupe était aussi présente ce 10 janvier |
Henri
C'est un livre ou l'ambiance installe très vite j'ai
pensé à Gracq
puis après un tiers, j'ai été
très déçu. C'est très linéaire, assez
plat. Le personnage principal manque d'épaisseur. Le bouquin a-t-il
vieilli ? Ça se lit bien, mais je me suis relativement ennuyé.
Le dédale réapparaît à chaque fois, comme du
remplissage. J'ai lu Chroniques
de la ville de pierre que j'avais beaucoup
aimé. Ici, c'est morne, plat, poussiéreux. En plus, j'avais
lu la quatrième de couverture !
Plusieurs (réprobateurs et compatissants)
Et voilà !...
Henri
Je n'ai pas marché dans le mécanisme de l'ascension de Mark-Alem.
J'ouvre un quart. J'ai visité l'Albanie dont je garde un très
bon souvenir (Henri nous racontera par la suite des "histoires
drôles" albanaises et frimera avec le caractère
agglutinant ou pas de la langue albanaise...)
Fanny
Je suis bien rentrée dans le livre, j'ai été happée
par l'atmosphère. J'ai aimé l'ambiance angoissante. J'ai
trouvé que la description du labyrinthe, renouvelée, évoque
bien un endroit dont on ne peut pas sortir. Cela m'évoque un livre
de la Trilogie new-yorkaise de Paul Auster où l'homme se
perd dans la ville. Si Mark-Alem est promu, c'est justement dû à
sa naïveté, du moins c'est mon interprétation. Ce régime
totalitaire va jusqu'à scruter ce qu'il y a de plus intime et réussit
à ce que tous transmettent leurs rêves. Je pense que tout
est construit de toutes pièces et qu'il s'agit de rivalités
entre familles puissantes. Je m'attendais à une fin beaucoup plus
sombre. J'ai adoré la description de la journée de congé
qui lui est octroyée pour qu'ensuite il désire ne plus en
avoir. J'ouvre en grand.
Brigitte
C'est le troisième livre de Kadaré que je lis, après
Chroniques
de la ville de pierre et Avril
brisé. Comme les autres, je l'ai beaucoup aimé.
J'ai aimé aussi bien le choix du terrible sujet abordé,
que la construction du roman et que l'écriture.
Je relève notamment l'ambiance kafkaïenne qui accompagne les
pérégrinations de Mark-Alem dans les couloirs du Tabir Sarrail.
Au milieu de ma lecture, lorsqu'il est question de la plaine du Kosovo
à la veille de la grande bataille, j'ai plongé à
mon tour dans le sommeil et j'ai rêvé que marchant dans la
rue, une bouche d'égout s'ouvrait sous mes pas et
je me retrouvais
devant mon ordinateur, sur l'écran apparaissait une liste de noms,
dont le mien était barré, heureusement je me suis alors
réveillée, je ne sais toujours pas si mon rêve a été
sélectionné, ni quel sort peut m'être réservé
J'ai aimé le personnage du héros, tellement ingénu
et sympathique, si peu contaminé par son milieu d'origine.
L'écriture est parfois poétique, comme par exemple :
"L'autre
sourit, mais, comme ses yeux étaient à demi fermés,
on n'aperçut qu'un bout de son sourire." (p. 67)
"Leur
parler (...) était
on ne peut plus différent de celui des employés sédentaires
du Tabir : rude, quelque peu insolent, émaillé de mots salés
comme un mets relevé." (p. 118)
"Ces yeux (...)
baignés parfois
par un sanglot de lune qui se figeait sur les bords en stalactites de
cire." (p. 131-132)
"Il fallait que pareille
musique fût enveloppée de paroles, autrement cette corde,
avec son gémissement prolongé, allait leur racler l'âme
jusqu'à la laisser en sang." (p. 177)
J'ouvre aux ¾.
Jacqueline
Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt, trop vite sans doute
pour la richesse de ce qui y est exprimé. J'ai été
frappée par le côté intemporel. Je ne connais pas
bien l'Albanie et sa longue histoire mais il m'a semblé qu'il était
question aussi de l'empire ottoman. D'autant que je pensais à Après
Constantinople de Sophie Van de Linden où un héros
voyageur très différent se trouve plongé dans la
violence sanglante des enjeux de pouvoir incompréhensibles. Ici
le héros ne sait jamais ce qui lui arrive. Jamais il ne décide.
C'est sa famille qui le marie... J'ai aimé le personnage de la
mère, son souci et le lien qu'elle fait avec cette vieille famille.
Pensant y trouver une clé, j'ai lu La
poupée,
que Kadaré a écrit en hommage à sa mère et
qui est surtout un livre où il parle de lui. Je ne sais plus si
c'est là qu'il raconte sa formation en URSS à l'institut
Gorki où on lui apprenait à honnir Proust, Gide et Kafka !
Alors que, comme beaucoup j'ai pensé à Kafka en le lisant.
Beaucoup de choses m'ont rappelé aussi Gogol, la bureaucratie mais
aussi l'évocation des voyages dans les campagnes éloignées...
C'est un vrai écrivain : chaque lecteur peut trouver son compte
différemment dans ce qu'il écrit. J'ouvre aux ¾.
Denis
Cela fait des dizaines d'années que j'ai lu mes premiers Kadaré
et j'ai toujours aimé. J'ai commencé par Le
Dossier H (Denis
nous raconte un peu ce roman où deux chercheurs venant d'une université
occidentale pour recueillir les chants des rhapsodes se voient considérés
comme des espions, tout leur matériel d'enregistrement étant
confisqué). Le Palais des rêves commence très
fort. On est tout de suite dans une ambiance mystérieuse que l'on
découvre avec le jeune héros. En ce sens, c'est un roman
d'apprentissage, d'initiation. Les uvres de Kadaré forment
un univers de références et d'allusions croisées.
On retrouve ici les rhapsodes du Dossier H, mais éclairés
différemment : on comprend la place que tiennent ces épopées
dans l'identité albanaise. Soit dit en passant, la musique tirée
de ces étranges instruments à une seule corde est très
singulière. On peut l'apprécier sur YouTube.
J'ai pu entendre une chorale albanaise en concert, c'était également
très étrange, plein de contretemps ; les chanteurs
étaient habillés comme les Grecs, avec jupes plissées
et chaussures à pompons.
Je suis en train de lire Mondes
effacés,
les mémoires de Yusuf Vrioni, le premier traducteur de Kadaré.
Le récit de son arrestation en 1947 ressemble terriblement à
l'arrestation de Kurt. En lisant cette littérature, il m'arrive
de ne plus savoir très bien si je suis dans le rêve ou la
réalité...
J'ai aussi pensé au film de Billy Wilder, The
apartment, de 1960, et au décor d'Alexandre
Trauner, un grand artiste en la matière. J'ouvre
en grand.
Danièle
J'ai découvert Kadaré avec ce livre. C'est une très
belle écriture. Et l'idée de décrire un système
totalitaire fondé jusque sur l'analyse des rêves est très
originale. J'ai dès le début retrouvé l'ambiance
de Kafka, l'angoisse qui filtre à travers les lieux labyrinthiques
du Palais des rêves, le personnage de Mark-Alem tout petit dans
ces couloirs qui semblent sans issue, vides, sans personne à qui
demander de l'aide, les fonctionnaires qui surgissent, tels des policiers,
pour vous demander ce que vous faites là, et le sentiment de culpabilité
qui en découle. Le fondement de l'angoisse, c'est de ne pas savoir,
d'en être réduit à des hypothèses plus ou moins
fondées, ou des intuitions. C'est d'être l'objet d'un mécanisme
gigantesque dont on ne connaît pas les véritables moteurs.
Il est à noter que Mark-Alem fait un travail qu'il juge lui-même
horrible et monotone, mais dont il est fier malgré tout, car on
lui donne le sentiment qu'il a été élu pour le faire.
J'ai aussi pensé à
Metropolis,
ces masses anonymes et grises happées dans les couloirs. Dans les
deux cas, perce la critique d'un système bureaucratique et totalitaire
qui vous étouffe. Parfois avec humour, dans le passage sur les
aveugles : "une
pension accordée à ceux qui s'étaient portés
volontaires pour se débarrasser de leurs propres yeux"
p. 131,
puis p. 140
: "les affaires de l'État marchent-elles mieux maintenant
que nos yeux ont été crevés ?"
Lancée sur cette piste de la critique du système totalitaire
à la Orwell, je n'ai pas compris les luttes d'influence qui se
profilaient entre le Palais des rêves et la famille du Vizir ;
j'ai même été perdue, sentant qu'il me manquait des
clés et des connaissances sur l'Albanie ou sur Kadaré pour
comprendre; l'idée que l'auteur tienne avant tout à son
albanité et donc aussi à ses racines en dehors de l'Empire
ottoman m'a seulement effleurée, alors qu'elle semble fondamentale.
Et le si magnifique passage sur la musique des rhapsodes
(p. 177) va dans ce sens. C'est pour moi le point d'orgue
du roman. Vraiment, l'écriture de ce roman est magnifique. J'ouvre
aux ¾.
Etienne
J'ai assez rapidement beaucoup aimé ce livre, dès les premières
pages à vrai dire. L'écriture fluide, souple, est un régal.
Et c'est à quoi on reconnaît un grand écrivain, cette
atmosphère singulière qui se dégage presque instantanément.
Une ambiance de silence, de non-dits, de secrets de famille lourds à
porter, cet art d'en dire beaucoup avec peu et qui malgré tout
nous transporte vers le rêve donc.
Des influences viennent à l'esprit, mais le texte a suffisamment
de caractère pour que ces dernières ne soient pas trop oppressantes
: Kafka pour l'absurdité, Orwell pour la déshumanisation
par le système, Gracq pour l'ennui. C'est aussi là, je trouve,
que Kadaré est bluffant : quand on croit l'avoir cerné,
il nous surprend de nouveau. Il
a l'intelligence de mêler un drame familial dépeint par petites
touches à une critique acerbe d'un État totalitaire, le
tout enveloppé dans une brume de rêve.
Je voudrais évoquer
l'acmé du roman : la scène avec les rhapsodes albanais ;
scène bouleversante, d'une rare intensité : véritable
clé de voûte du roman.
Au-delà de la critique évidente de l'État totalitaire,
je n'ai pas cherché à surinterpréter ce roman qui
conserve avant tout une puissance poétique : poids de la famille,
absurdité du travail administratif, déterminisme
Tout
cela peut être débattu pendant des heures et soumis à
de nombreuses analyses mais malgré tout conserver son mystère
envoûtant ! En cela, ce texte peut être rapproché
des textes antiques méditerranéens. Je l'ouvre donc aux
trois quarts et remercie chaleureusement le groupe de l'avoir programmé.
Manuel
Pour moi c'est une découverte. Le livre m'a fait penser au livre
hongrois que nous avions lu, Épépé
(l'histoire d'un homme qui débarque dans une ville où, alors
qu'il est linguiste, personne ne le comprend et il ne comprend rien non
plus). J'ai eu le malheur de lire la préface avant le livre. Mais
j'ai aimé le livre. J'ai trouvé qu'il y a de l'humour dans
les situations, dans la manière dont il se perd dans les couloirs,
le côté kafkaïen de ce palais. Je visualise mal certains
personnages, comme la mère du héros par exemple, alors que
l'archiviste, oui, le compagnon de la pause café aussi. Le héros
est une sorte de Tanguy... L'hiver semble omniprésent dans ce livre,
il est oppressant. La poésie est forte. Il décrit la ville
en lui préférant l'enfermement du palais des rêves.
C'est un bon conteur, il m'a emmené. Il y a une tension efficace.
J'ai aimé le détail des instruments de musique avec deux
noms différents selon l'origine. J'ouvre en grand.
Claire
Je me rapproche de l'avis d'Henri et j'ouvre à moitié. J'avais
lu Avril brisé avec le groupe il y a 30 ans, j'en gardais
un souvenir fort mais indistinct. Je ne savais rien de Kadaré à
part qu'il était albanais.
J'ai apprécié la tension permanente, la narration bien menée
avec ses surprises (par exemple la famille est puissante alors que le
héros semble un fétu de paille, ou cet épisode qui
a déjà été remarqué des chevaux qui
refusent d'avancer en raison d'un rêve qu'ils transportent). Les
décors m'ont paru extraordinaires, très visuels comme a
dit Séverine, et j'ai pensé comme Danièle à
Metropolis,
avec ces hommes aux longues pèlerines
qui
disparaissent,
et aussi à De Chirico et à l'univers d'Escher.
L'ambiance
qui règne en permanence est là dès le premier paragraphe,
avec "les immeubles massifs qui considéraient de haut l'animation
de la rue".
Mais j'ai trouvé la lecture pénible tu parles
Catherine d'angoisse c'est sans plaisir. Et puis, il faut
pour marcher une certaine "suspension de l'incrédulité"
comme dit Tolkien, et page 30, je me suis dit ça va pas tenir la
route cette histoire de rêves. D'accord c'est une allégorie
ou un conte, mais il faut que l'on ne doute pas que c'est "vrai"
quand on est embarqué dans le livre. Enfin, j'ai ressenti un certain
ennui, et lors de la virée dans les archives je n'en pouvais plus.
Quant aux rhapsodes, aux évocations ottomanes, on devine un un
arrière-plan historique et politique.
Ah oui, si Mark-Alem est falot, une marionnette, il y a un personnage
qui a du relief, c'est Kurt.
J'ai regretté qu'il y ait peu de rêves restitués et
me suis demandé si Kadaré connaissait les théories
sur les rêves de Freud et Jung. J'ai juste remarqué l'érotisme
de l'interprétation p. 104.
Et évidemment, j'ai pensé à la Chine. Le meurtre
des rhapsodes m'a fait penser à la destruction
des bouddhas par les talibans. J'ai lu après la préface
que j'ai trouvée impressionnante et puis, je me suis mise à
découvrir Kadaré et son parcours, passionnant.
Françoise
J'ouvre à moitié moi aussi. J'ai comme Séverine pensé
à Tous
les noms de Saramago,
avec cette atmosphère d'absurde. Je n'ai pas été
frappée par l'écriture. Je suis déroutée parce
que je n'ai pas tout compris concernant la famille massacrée et
Mark-Alem qui monte en grade, l'absurdité ? J'ai lu jusqu'au
bout, avec quelques fléchissements. Il y a un voile sur ce système,
un manque de logique et d'explications. J'ai aimé tout ce qui concerne
le vizir, la famille
C'est une découverte intéressante.
Rozenn(qui
a apporté du salep qu'on trouve uniquement à la buvette
du Palais des rêves)
Il y a quelque chose qui ne marche pas. Et cela me plaît. Mais je
ne savais pas pourquoi. Grâce à ce que tu viens de dire Françoise,
je comprends. L'objectif du bouquin, c'est dire des choses sans le dire.
Tu sais que tu n'as pas compris, c'est le projet de l'auteur qu'on réalise
qu'on ne sait pas et qu'il faut creuser plus. J'ai pensé à
Gogol, tous nos nos chemins sont déjà tracés. J'ouvre
à 5 quarts.
Nombreux éclairages d'Ariane Eissen,
rapportés ici partiellement :
- C'est par mon intérêt universitaire pour les mythes grecs
que j'en suis venue à m'intéresser à Kadaré,
à commencer donc par son essai Eschyle
ou le grand perdant. De fil en aiguille, j'ai lu tous ses livres
et ai voulu apprendre l'albanais pour pouvoir comparer les versions remaniées.
- Vous écouter a rafraîchi ma lecture. J'ai entendu le
plaisir des lecteurs.
- Avec Kadaré, on est comme à Venise, sans repères,
il donne toujours l'impression que tout est dédoublé : la
réalité et le sens caché.
- Il est indispensable que le héros soit naïf.
- On peut établir des ponts entre ce livre, en particulier le rêve
qui inclut un pont et le roman de Kadaré Le
Pont aux trois arches.
- C'est une critique du totalitarisme, mais on peut aussi se poser la
question du lecteur visé par Kadaré, il ne l'a pas écrit
pour nous, lui s'intéressait à l'identité albanaise.
La première scène avec les trois oncles est en écho
avec la mort des rhapsodes, c'est très parlant pour les Albanais.
- Les Albanais adorent lire Kadaré, les éditions étaient
épuisées en deux jours. Il est à noter qu'avant-guerre
le pays était très peu alphabétisé, ce sont
les communistes qui ont permis une alphabétisation et le développement
donc de la lecture.
- Cette volonté de se réunir autour de l'albanitude, c'est
très différent de ce que nous, Français, vivons.
- Quand se passe le livre ? À la fin du XIXe siècle, beaucoup
de signes familiers aux Albanais l'indiquent, par exemple l'insistance
sur les bonnes relations de Kurt et du fils du consul d'Autriche.
- Ils ont préservé leur langue, pendant cinq siècles,
dans les familles, alors que ce n'était pas une langue écrite
et que ce n'était pas non plus une langue liturgique.
- Dans mon apprentissage de l'albanais, le grec m'a été
très utile, notamment avec les nombreuses déclinaisons.
J'ai découvert un mode verbal spécifique, le mode admiratif
!
- On peut considérer les romans de Kadaré comme intemporels,
mais il est aussi très utile de les contextualiser ; Kadaré
qui dira "la première question que je posais autrefois,
dès que je mettais à écrire quelque chose, était
l'interprétation qu'en ferait l'État".
- Considérer Kadaré comme un dissident ne rend pas compte
de son parcours. Si l'on se livre à une sorte d'"archéologie"
de ses écrits, on constate qu'il relève du réalisme
socialiste, que c'est un chantre de l'Albanie, voire d'Enver Hoxha (Ariane
nous montre des textes de Kadaré caractéristiques de cette
époque communiste). Mais, pour ce qui est des poèmes,
ses premiers textes traduits en français, est-ce parce que certains
relèvent du réalisme socialiste qu'ils ne gardent pas quelque
valeur ?).
- Rappelons que Kadaré était un écrivain professionnel,
payé par l'État, automatiquement promu à des responsabilités
: comment ne pouvait-il pas avoir à faire des concessions, à
avoir des stratégies ?
- Rappelons aussi que l'Albanie a suscité beaucoup d'intérêt
en France, tout comme le maoïsme dans les années 70.
- Vrioni a commencé à traduire Kadaré en français
(Le général de l'armée morte) alors qu'un
futur ambassadeur avait souligné dans la presse (Zëri i
Popullit) l'intérêt qu'il y aurait à faire connaître
cet auteur à l'étranger.
- Voici un document exceptionnel : la première édition en
français, publiée à Tirana en 1968 (éd. Naim
Frashëri) :
Il sera publié à Paris par
Albin Michel en 1970, également sans nom de traducteur (en
raison des années passées en prison de Jusuf
Vrioni).
- Kadaré contribue à forger son propre portrait. Il n'a
par exemple pas apprécié qu'un contributeur du colloque
que j'avais co-organisé l'un de ses traducteurs ,
mette en cause l'image de l'écrivain dans le texte autobiographique
Le Poids de la Croix, immodeste référence... (voir "De
lécrivain Kadaré au personnage Kadaré et retour").
- C'est le jeu de la réception de la littérature : il est
vrai que Kadaré est peu lu aujourd'hui. Il n'y a plus l'intérêt
que suscitait le monde communiste.
Claire
À nos avis dans l'ensemble fortement conquis, j'ajoute la déclaration
d'amour pour Kadaré qu'écrit Ariane dans son livre Visages
d'Ismail Kadaré : "Le
bonheur qui est le nôtre à lire Kadaré, en Occident,
est immense, et double au minimum : il provient de l'impression, dont
a excellemment parlé Éric
Faye, de découvrir un "continent", un univers à
part, une "Kadarie" ; et, inversement, de nous y sentir
rapidement chez nous, comme si nous nous découvrions soudainement
plus riches d'un territoire à la fois inconnu et familier."
Les
13 cotes d'amour
du nouveau groupe
Anne Christine François Inès Margot Nathalie B Séverine G Valérie David Entre etMonique M Anne-Marie Katherine Olivier |
Valérie
Je remercie Voix au chapitre de m'avoir fait découvrir Kadaré.
C'est compliqué pour moi de parler de ce livre, lu comme un conte
des mille et une nuits. J'ai aimé l'écriture, le texte,
le personnage central, l'idée de ce personnage me plaît.
L'Albanie était effectivement un pays très fermé,
où toutes les nationalités sont étouffées
(allusion de Kadaré aux peuples assombris et aux peuples radieux).
Le livre donne l'impression qu'on a la serrure, mais pas la bonne clé.
L'idée de renaissance nationale est très présente.
J'aime bien le message de l'auteur et j'ouvre en grand.
David
Je viens de terminer le livre, mais n'ai pas réussi à rentrer
dedans. J'ai trouvé une sorte de préciosité dans
le récit qui fait partie d'une "littérature de genre
(Orwell, Huxley), l'auteur nous envoyant une métaphore politique.
J'ai trouvé certains moments dilués, comme s'il tirait à
la ligne. Mais c'est un grand plaisir. La dernière partie est différente.
C'est lent, très théâtral, la puissance de la politique
nous embarque dans un univers inquiétant. C'est le théâtre
d'ombres de la famille Quprili, dans une société inquisitrice.
On peut s'interroger sur les dérives des systèmes politiques
basés sur le secret. La métaphore est en tous cas intéressante.
J'ouvre aux ¾.
François
C'est un très beau roman, fascinant. Kadaré est un mythe.
Le livre ressemble au début au Château de Kafka :
il faut se laisser happer, on s'engage dans un labyrinthe. Il décrit
bien l'angoisse qui suinte des murs et des corridors. Le plus admirable
c'est son écriture, chirurgicale mais ouverte sur un ailleurs.
Le rêve vire au cauchemar ; le génie est de montrer que tous
sont victimes et complices. Il maintient jusqu'au bout une certaine ambiguïté.
Il croit entendre sortir la vérité d'un instrument de musique.
C'est une fantastique machine à nier la vérité ce
livre, une machine à annuler. J'ouvre en grand. Kadaré est
un passeur de frontières.
Katherine
J'ai terminé la lecture au bureau aujourd'hui. Je partais avec
un a priori positif car je suis allée en Albanie, dont 4 jours
à Tirana : j'y ai vu la maison
des Feuilles qui est un musée consacré à la police
secrète. J'ai été un peu déçue par
le livre qui n'est pas allé au bout des choses. L'histoire n'est
pas assez fouillée, détaillée. Le héros est
un peu pâle, falot, pas fort, il ne maîtrise rien. Le récit
manque de détails, on doit comprendre à demi-mot. C'est
un auteur qui dénonce tout en ne s'identifiant pas à un
auteur politique. Donc la dénonciation n'est pas totale. Ce livre
m'a laissée sur ma faim. J'ouvre au quart.
Monique M entre et
Katherine trouve le personnage de Mark-Alem falot ; en fait il est
manipulé, l'expression terrible "Tu
nous conviens" est pleine de sous-entendus ; tout
est écrit, décidé à l'avance. C'est un Quprili,
il va faire tomber la famille. C'est une manipulation du pouvoir souverain.
Ce livre est terrifiant. L'auteur décrit de façon superbe
le sentiment d'enfermement qui règne au Tabir Sarrail ; cet
univers du soupçon, cette armée de fonctionnaires aux ordres
d'un pouvoir totalitaire, la manipulation et la chape de plomb qui s'exerce
sur chacun d'eux, m'a glacée.
Le subterfuge des rêves pour entrer dans le subconscient de la population,
prendre possession de leurs pensées les plus secrètes, est
une idée géniale : les rêves souvent très
beaux, aux visions pleines de couleurs, s'opposent à l'enfermement
au sein du Tabir Sarrail, à sa grisaille, son atmosphère
angoissante, perverse, oppressante.
L'angoisse monte dès les premières pages alors que Mark-Alem
marche ému, frissonnant, le cur glacé d'incertitude
vers le Tabir Sarrail, sa lettre de recommandation en poche. On est suspendu
au cheminement quasi hypnotique de Mark-Alem dans les couloirs labyrinthiques
du Tabir, aux innombrables portes et galeries glacées où
les pas résonnent ; et pris par l'atmosphère kafkaïenne
de cette immense toile d'araignée où le pouvoir est à
l'affut. Mark-Alem a toujours peur ; son emploi prend des proportions
gigantesques, la crainte de mal interpréter un rêve et de
subir des représailles aux conséquences dramatiques l'enfonce
dans la terreur. On sait tout de suite qu'il ne va pas s'en sortir.
Il y a des passages saisissants que j'ai particulièrement appréciés :
les entrevues à la direction aux attentes prolongées qui
font monter l'angoisse, la visite aux archives qui côtoie la salle
des tortures, la vision du cercueil noir, le rêve étonnant
du "chat
noir avec la lune entre les dents courait, poursuivi par une multitude
de gens, laissant derrière lui les traces sanglantes de lastre
blessé" ; le passage où le collecteur
de rêves ne peut plus faire avancer ses chevaux comme si un mort
barrait la route, jusqu'à ce que l'un de ces rêves soit déchargé.
Le dîner au fastueux palais du Vizir avec l'arrestation de Kurt
et l'assassinat des rhapsodes, suivi des calèches noires au sigle
Q des Quprili qui filent dans les ténèbres, sans que Mark-Alem
et sa mère ne sachent où. Le passage où lisant un
rêve : "il
redressa la tête. Il avait l'impression qu'on le hélait de
très loin au moyen de
quelque signal étrange, très faible, presque plaintif, semblable
à un appel au secours ou un sanglot. Qu'est-ce ? se demanda-t-il
"
Mais il est déjà tellement pris, possédé par
le système, qu'il détourne les yeux et reprend son travail
sans y plus avant réfléchir.
J'ouvre entre ½ et ¾.
Margot
Je rejoins la lecture de Katherine et celle de Monique. C'est juste, il
y a de la poésie, mais aussi des détails d'écriture
cachés. Je suis agacée quand même par ce personnage
falot qui ne sait pas ce qu'il doit faire, il est agi. Il y a peu de rencontres,
un seul narrateur, peu d'action, c'est monocorde, plat. Le livre est construit
comme un rêve, avec des espaces incertains, des temps dilatés,
des personnages qu'on ne retrouve jamais, tout le monde chuchote, tout
se passe toujours la nuit. J'ai pensé au livre de Charlotte Beradt
qui a étudié les rêves pendant le nazisme (Rêver
sous le IIIe Reich) Le héros a seulement un corps, il a
mal partout, tout le temps. Une angoisse de mort se dessine, liée
à l'identité des Quprili. L'histoire des deux gestes autour
du nom n'est pas très claire. C'est plein de non-dits, il ne comprend
pas tout, il n'y a pas d'histoire, en fait c'est un cauchemar, on est
sur l'autre versant du rêve, on est dans la réalité
: on ne sort pas du palais des rêves. Le seul "dehors"
ce sont les saisons. Kurt représente un ailleurs ; Mark-Allen
est l'instrument de son oncle. J'ouvre en grand.
Monique
La nature est aussi présente à ce moment très fort
où il se sent interpellé par une voix plaintive, regarde
vers la fenêtre et voit la neige tomber.
Séverine G
Le livre est opaque et riche en même temps. J'ai pensé à
un opéra que j'ai vu à Aix, Les
mille endormis, où des détenus sont plongés
dans le sommeil. Au départ, le démarrage est angoissant
et laborieux. Le héros n'est pas très sympathique, il n'a
pas de volonté propre. Puis on entre dans cette mécanique
où on manipule les rêves et on en invente des faux. Mon avis
était d'abord mitigé. Mais finalement j'ai bien aimé,
une fois entrée dans le livre. Je l'ouvre en grand.
Inès
Je n'ai pas eu du tout la même lecture que vous tous, j'ai lu au
premier degré, sans rien savoir de l'auteur. Il m'a embarquée
dans ce palais des rêves. Le héros est trop passif, mais
ses descriptions et ses réactions m'ont fait penser qu'il était
"parano" (avec le passage sur les personnes emprisonnées
par exemple, auquel je ne croyais pas). Mais j'ai bien aimé ce
livre que j'ai lu comme un agréable thriller et je l'ouvre en grand.
Anne
Je comprends cette démarche de ne pas trop lire sur un auteur.
J'ai été étonnée que ce livre soit du côté
du rêve plutôt que du cauchemar. Cela m'a fait penser à
ces histoires de famille pleines de non-dits qui rendent les gens passifs.
Cette histoire qui semble lisse de quelqu'un qui essaie d'ouvrir des portes
qui ne s'ouvrent jamais, c'est émouvant. Il ne peut même
pas être curieux. Il utilise un voisin de bureau pour apprendre
des choses sur ce qui se passe. Le livre m'a donné envie de lire
Le Château de Kafka. C'est un homme qui en apparence
n'a pas de sexualité, mais en fait, si : il parle à un moment,
de la femme qui ne s'ouvre pas...
On est presque dans un pays imaginaire. J'ai regardé sur une carte,
l'Albanie est proche de la Grèce, c'est bien réel, et proche.
Il se passe beaucoup de choses alors qu'on a l'impression que non, et
ça c'est très puissant. Le héros est intéressant.
La servante, Loke, également, elle est comme une vraie mère,
elle est un soutien. J'ouvre ce livre en grand.
Anne-Marie
Je me suis ennuyée au début, je trouvais ça lent,
il ne se passait rien. En fait c'était une monotonie factice, qui
aide bien à mettre en place l'atmosphère étouffante
d'un régime totalitaire, d'un enfermement. Le personnage central
est passif, il ne prend jamais aucune décision, même quand
son angoisse grandit. Il a peur de mal faire, de déplaire à
sa famille. C'est un théâtre d'ombres, ce livre, rien n'est
développé ni expliqué, on ne sait pas pourquoi les
gens communiquent leur rêves ni s'ils sont sincères.
Monique
Il semble qu'il y ait une récompense pour les rêves.
Anne-Marie
Oui, peut être, je ne me souvenais pas de ce détail, mais
ce n'est pas très convaincant, ils peuvent aussi bien tout inventer.
Dans ce cas, l'information sur les rêves ne serait qu'une information
inutile. Il manque des développements plus importants sur ces rêves,
comment on les décrypte par exemple. En fait c'est comme si l'auteur
avait peur d'en dire trop ; tout le temps, il esquisse tout, on comprend
pourquoi, mais cela enlève de la crédibilité à
l'histoire. Les personnages sont à peine esquissés, ce qui
est dommage, le personnage de Kurt a failli être intéressant,
mais on n'en sait pas assez. Au moment de la crise finale avec le meurtre
de Kurt, on ne comprend pas bien ce qui se passe, pourquoi le Maître-Rêve
entraîne l'accusation de la famille des Quprili et l'assassinat
de Kurt en particulier.
En fait c'est très confus, puisque dans le même temps, Mark-Alem
arrive au poste suprême du palais des rêves. Je n'ai pas bien
compris la fin avec l'image des amandiers en fleur.
Ce livre m'a moi aussi laissée sur ma faim. J'ouvre à moitié.
Christine
J'ai été emportée par ce livre, pas sa poésie.
J'avais déjà lu un livre de nouvelles de Kadaré et
j'ai été transportée par l'écriture, la poésie.
C'est un livre entre deux mondes ; le nom du héros, Mark-Alem,
est déjà entre deux mondes (chrétien, musulman) et
il est partagé entre sa famille et son pays. D'où peut être
sa passivité. Au niveau des rêves, cette collecte est un
alibi auprès du peuple, puisque certains rêves sont inventés.
Si un rêve s'approche de la réalité, on démet
la personne (le marchand en meurt). J'ouvre en grand.
Nathalie B
Jai adoré ce livre, jai
été touchée par la poésie. Il y a pour moi
plusieurs niveaux de lecture. Lenfermement transparaît ;
on pense aux cercles de l'Enfer de Dante (La
divine comédie). Kadaré est en Albanie quand il
écrit, il est écrivain professionnel, rémunéré
par l'État :
il ne peut pas en dire plus, il est prudent. Selon Ariane Eissen, tous
les personnages de ses bouquins sont des "naïfs". Toujours
selon ce qu'elle nous a rapporté, en Albanie il y a des clans,
des familles. Encore aujourd'hui. La démocratie là-bas aujourdhui
reste clanique et par ailleurs est gangrenée par la corruption.
Le héros ne décide pas, cest sa famille qui décide.
Seul Kurt est un rebelle, et finit tragiquement, ce qui est généralement
le cas des rebelles ! Cette famille donne son tribu de sang à
lÉtat
pour pouvoir poursuivre son existence privilégiée, près
du pouvoir. Cest très bien décrit, subtilement. Si
on lit dautres livres de Kadaré, on retrouve des personnages
et des histoires (Le
pont aux trois arches : Quprili veut dire Pont). Tout est
dit et en même temps non dit. Le personnage central ma plu,
il est curieux, consciencieux. Il doute, il nest pas rebelle, il
ne se révolte pas. Il veut bien faire son travail (voir la banalité
du mal de Hannah Arendt). Bien quil soit une bonne personne, il
arrive au pouvoir et laisse faire, y compris l'innommable (comme la mort
de ces hommes qu'on interroge inlassablement et qu'on empêche de
dormir). Il va continuer à servir, mais il sait. Et donc participe
au Mal. Jouvre évidemment en grand.
Inès
Comment un écrivain, s'il était payé par l'État
comme l'était Kadaré, a-t-il pu publier ce livre ?
Nathalie
Il se trouve
que ce roman lui a justement posé des problèmes et été
déclaré hostile au régime. Kadaré était
un auteur extrêmement apprécié des Albanais. Ariane
Eissen nous a rapporté que ses romans, dès qu'ils sortaient,
voyaient leur première édition très rapidement épuisée.
On peut légitimement penser que Kadaré, en publiant ce roman,
n'avait nullement l'intention de dénoncer le régime (cela
aurait été beaucoup trop dangereux), mais celle d'écrire
non seulement sur l'enfer, mais aussi sur une histoire de famille de l'Albanie.
Ce livre serait paru quelques années plus tôt, il est fort
possible qu'il n'aurait connu aucune difficulté ; mais il a été
publié en 1981 alors qu'un conflit existait entre le dictateur
et son premier ministre pressenti pour lui succéder. Et en plus
ce dernier s'est "suicidé" fin 1981. Le livre a été
perçu par le pouvoir et donc l'Union des écrivains comme
une dénonciation. Ceci étant, si le livre a été
à l'index, Kadaré a poursuivi son travail d'écrivain.
Anne
Ce livre montre comment une personne qui arrive au pouvoir peut perdre
le sens de la réalité.
Katherine
Mark-Alem est un fils de famille en fait, qui se laisse porter et "pistonner"
dans un emploi par sa famille. Cela explique sa passivité.
Margot
Oui, mais à certains moments, c'est sa force.
Olivier
(avis transmis après la séance)
Je n'avais jamais rien lu de Kadaré, je savais très peu
de choses sur lui. Juste avant de commencer ma lecture, j'ai pris connaissance
du fait qu'il avait vécu sous la dictature en Albanie.
Pour le coup, j'ai pensé que j'étais de nouveau avec un
Boulgakov. Et bien oui ! Bis repetita !
D'ailleurs, comment un talent pourrait-il s'exprimer pleinement sous tant
de contraintes !
Pourtant le beau style est bien là, mais que l'histoire est ennuyeuse !
Et surtout mâchée !
L'auteur, pour nous faire croire à cette histoire, pour la rendre
vraie, s'évertue à nous donner mille détails qu'il
veut plausibles, qui doivent nous convaincre, mais on a envie de lui dire
pitié ! J'ai compris !
J'ai pensé à Une
journée d'Ivan Denissovitch, comment un grand écrivain
nous avait magistralement montré la réalité d'un
camp en URSS, sans esbroufe, sans artifice, sans métaphore aucune !
Et montré la grandeur, la beauté profonde de l'être
humain dans ces circonstances. Et là, au contraire, obligé
de camoufler l'univers dictatorial sous tant d'artifices, le récit
ne touche pas son but ! Où est l'émotion, la nature
humaine, l'amour, la haine, tout est froid, je reste en dehors, et je
m'ennuie. Comme avec Les ufs
! Je ferme.
Séance
du 10 janvier en présence
|
||
Maîtresse de conférence en littérature comparée, elle a travaillé sur la "mythocritique", lAntiquité dans la littérature (cf. thèse), la fiction biographique et Kadaré bien sûr. Elle a publié Les mythes grecs (Belin, 1993, 2018), a dirigé aux Presses universitaires de Rennes La dimension mythique de la littérature contemporaine (2000), Rire et dialogue (2017), la revue Otrante : art et littérature fantastique sur "le fantastique intérieur" (2011) |
Et voici... | ||
QUELQUES REPÈRES concernant Kadaré et le contexte | ||
L'Albanie, où est-ce ? Quelques repères sur le parcours de Kadaré Potins familiaux |
||
KADARÉ ET SON UVRE | ||
Kadaré et son traducteur Kadaré et le lien écriture/lecture Kadaré et la "contre-créativité" de l'écrivain Kadaré écrivain politique ? Kadaré et le Nobel Kadaré et la langue française Publications de Kadaré en français |
||
DES ÉCHOS DANS LA PRESSE SUR KADARÉ ET SES UVRES | ||
Vidéos Radio Articles sur et de Kadaré |
QUELQUES
REPÈRES concernant KADARÉ et
le contexte
L'Albanie, où est-ce ?
"Que je rencontre, au gré
de mes voyages, un chef d'État, un député, des étudiants
ou des lecteurs lors d'une séance de dédicace, j'ai droit
aux mêmes questions stéréotypées. Où
se trouve l'Albanie ? Combien d'habitants ? D'où vient
votre langue ? Comment avez-vous pu vivre un demi-siècle sous
le joug totalitaire ? J'ai l'impression, chaque fois, de délivrer
un cours élémentaire d'histoire-géographie. On n'attend
jamais de l'écrivain albanais une réflexion. On le cantonne
au rôle d'ambassadeur de son pays. Dit-on de Claude Simon, de Günter
Grass ou de William Faulkner qu'ils sont, respectivement, l'émissaire
de la France, de l'Allemagne ou des États-Unis ? De plus,
le diplomate n'a que le droit de dire du bien. Il charrie sa patrie sur
le dos, tel un fardeau, et se doit de museler sa capacité d'analyse
critique. Tout cela vous enferme dans un univers étriqué,
et vous impose une responsabilité que je refuse, en vain au demeurant.
Car je ne représente pas mon pays ; je m'efforce de porter
mon uvre." (extrait d'un entretien paru dans L'Express,
5 avril 2001)
Quelques
repères sur le parcours de Kadaré, en lien avec l'histoire
"Les commentateurs de Kadaré se font volontiers biographes,
mais des biographes dociles, qui reprennent les grandes lignes de l'autobiographie
de l'auteur, et s'enferment ainsi dans une optique qu'il a prédéterminée.
Je suggère au contraire de lire les textes en contexte, en essayant
de les saisir comme une parole plurielle, inégalement libre selon
les phases du régime, mais toujours singulière."
(Ariane Eissen, Visages
d'Ismail Kadaré)
-
1912 : indépendance de l'Albanie qui appartenait à
l'Empire ottoman
- 1928 : le président de la République
albanaise (Ahmet Zogu) la remplace par une royauté (il devient
le roi Zog Ier)
- 1936 : Naissance d'Ismaïl
Kadaré à Gjirokastër, dans le sud de l'Albanie, même
ville, même rue
que le dictateur Enver
Hoxha
(Sokaku i te Marreve, "la rue des gens fous"). Lycée.
Un autre palais ? "A Gjirokastër, mon père avait hérité
d'une immense maison, de dix à douze pièces, étagées
sur trois niveaux, en totale contradiction avec sa modeste situation économique."
Son père était un simple employé préposé
à la distribution des assignations du tribunal (une sorte de facteur),
tandis que sa mère était d'une famille riche.
"Je
m'appelle Ismaïl, mais je n'ai rien de musulman. Quand je suis né,
l'Albanie avait un roi, Zog Ier..." (voir
la suite)
- 1939 : invasion
du royaume albanais par l'Italie
-
1941 : création du Parti Communiste albanais,
qui devient ensuite Parti du Travail, par Enver Hoxha.
- 1944 : les forces armées organisées
par Enver Hoxha font fuir les Allemands.
- 1946 : création de la République
populaire d'Albanie, présidence d'Enver Hoxha pour sept quinquennats
consécutifs (interdiction du multipartisme et pas d'opposant autorisé).
- 1953 : premier recueil de poésie.
- 1953-1958 : Université de Tirana. Diplôme de professeur
de langue et littérature.
- 1958-1960 : Institut Gorki à Moscou pour poursuivre ses études
littéraires.
- 1963 : Le Général de l'armée morte, premier
roman qui a du succès.
-
1967 : lancement de la "révolutionnarisation"
et interdiction de toutes
les religions : l'Albanie devient le premier (et le seul) État
officiellement athée au monde.
- 1967 : voyage au Vietnam et en Chine. Kadaré
est un écrivain professionnel, rémunéré par
l'État.
- 1968-1969 : Révolution culturelle maoïste,
les intellectuels sont envoyés à la campagne : "Ce
fut une époque terrible pour tous les écrivains. Je venais
de me marier, j'ai dû quitter mon épouse, qui restait à
Tirana, et partir pour Berat, dans les montagnes du Sud, où j'ai
passé deux ans. Aucun journal au monde n'a rapporté ce qui
nous était infligé. Pas un mot ! La folie d'Hodja commençait,
entretenue par l'ambassade de Chine qui contrôlait tout." Kadaré
n'est pourtant pas obligé de travailler aux champs : "On
m'avait expédié dans un pareil village pour me rappeler
que, dorénavant, ma vie serait à l'image de ce dédoublement.
Mi-autorisée, mi-interdite. Liberté et servitude mêlées.
Vie et mort jettées ensemble dans le même vase. Centaure
d'un type nouveau, j'errerai désormais de la sorte, éveillant
partout inquiétude et exaspération, colère et admiration,
interrogation sans fin." (Le
Nouvel Obervateur, 12 août 1993)
- 1970 : Député à l'Assemblée populaire, fonction
honorifique. Trois mandats jusqu'en 1982.
- 1970 : voyage aux USA, délégué pour un Congrès
mondial de la jeunesse.
- 1970 : parution du
Général de l'armée morte chez Albin Michel,
traduction anonyme. Kadaré ne parle pas encore le français.
- 1970 : revue Action poétique, numéro titré
"Du réalisme
soviétique" et en couverture : "Un nouveau poète
albanais : Ismaël Kadaré" (présenté par
Michel Métais qui publiera en 1973 Ismaïl
Kadaré et la nouvelle poésie albanaise)
- 1970 : Kadaré
enseigne la littérature à Tirana (voir l'étonnant
témoignage d'un ancien étudiant lorsque l'enseignement
de la littérature chinoise est remplacé par celui de Kadaré...)
- 1972 : il adhère au Parti du Travail albanais.
- 1973 : Le
Grand Hiver est l'objet d'une campagne critique déclenchée
par le ministre de l'Intérieur, à laquelle met fin le chef
du Parti Enver Hoxha (pour une raison mystérieuse).
- 1974 : exposition au Petit Palais "L'art albanais à travers
les siècles"
- 1975 : Il tente de publier le poème Les Pachas rouges
retiré pendant l'impression, est accusé d'"incitation
à la rébellion", est condamné à une période
de travail manuel à la campagne et ne pourra plus publier de romans
pendant plusieurs années (Maks
Velo publiera en 2004 La
disparition des "Pachas rouges" d'Ismail Kadaré : enquête
sur un "crime littéraire").
-
1978 : après la rupture avec la Yougoslavie de Tito (en
1948), puis avec l'URSS (en 1961), l'Albanie rompt avec la Chine ; Enver
Hoxha choisit l'isolationnisme total, sans plus aucun contact avec l'extérieur.
- 1981 : Le
Concert, quoique récompensé par un prix national,
est interdit de parution. Le tournage du film adapté du roman est
interrompu. En France, invité à Apostrophes, il se décommande
au dernier moment.
- 1982 : Le Palais des rêves est critiqué pendant
un plénum de l'Union des écrivains. Ramiz Alia, successeur
de Hoxha, y participe. Le Monde s'en fait l'écho ("Vives
attaques contre l'écrivain Ismaïl Kadaré",
29 mai 1982).
Voir ici le récit qu'en fera Kadaré
bien plus tard.
Mais une interview plus à chaud à Paris, quand il vient
pour le film suivant, dénote l'ambiance d'auto-censure : "Ismaïl
Kadaré en liberté auto-surveillée", Le
Quotidien de Paris,
27 mars 1983.
- 1983 : Film Le Général de l'armée morte
avec Mastroianni et Piccoli.
- 1985 : Enver Hoxha meurt et Ramiz Alia lui succède
sans changement de ligne.
- 1988 : Apostrophes à
l'occasion de la sortie d'Eschyle
ou le grand perdant
- 1989 : Nommé vice-président du Front démocratique
chapeauté par le Parti du travail et dirigée par la veuve
de Hoxha
- 1990 : Des milliers d'Albanais s'exilent.
Kadaré demande l'exil politique à la France (voir ses
déclarations). Stupeur et colère dans les milieux officiels
à Tirana (voir Le
Monde du 27
octobre 1990).
- 1996 : Membre
associé étranger de lAcadémie des sciences
morales et politiques.
Nombreux prix : prix mondial Cino del Duca (1992), prix international
Man-Booker (2005), prix Prince des Asturies (2009), prix Jérusalem
(2015), prix Neustadt (2019).
Potins familiaux
Il a deux filles, Gresa et Besiana, avec Helena,
qui a elle-même écrit quelques livres. Elle raconte dans
ses Mémoires leur rencontre... Ismaïl l'interroge sur
ses rencontres précédentes : zut, que des flirts..., il
conclut à l'adresse de la jeune Helena : "Une fille vierge,
c'est un peu encombrant". Leur relation semble sérieuse,
il précise : "Tu penses sans doute que notre relation
durera toujours : fidélité, fiançailles et tout le
tralala !" Et quand il fait ses débuts dans la famille
d'Helena : "comme s'il avait apporté avec lui un vent glacé,
sa présence frigorifia l'atmosphère"... Une cinquantaine
d'années après, ils sont toujours ensemble.
Kadaré et son traducteur
Une seule traduction
du Palais des rêves est
disponible en français, de Jusuf Vrioni, à la vie romanesque,
qui traduisit la majorité des nombreux livres de Kadaré,
contribuant à sa notoriété hors de l'Albanie. Son
père fut premier ministre de l'Albanie, avant le régime
communiste. Mais lorsqu'il traduisit le premier texte de Kadaré,
sortant de 13 ans de prison pour "espionnage", la traduction
resta anonyme...
Ce qui m'a le plus frappé dans la rencontre avec mon traducteur,
Jusuf Vrioni : non seulement son élégance, sa nostalgie
pour la France, son singulier talent, bien sûr, mais aussi ses treize
années passées dans les prisons et les bagnes communistes.
Je l'ai connu au début des années 60. Je m'étais
rendu dans la petite pièce où il logeait provisoirement,
avec sa fiancée, pour me faire montrer le premier chapitre du Général
de l'armée morte dont il avait commencé la traduction de
son propre chef dans le timide espoir qu'elle serait publiée.
(voir la suite)
Kadaré et le lien écriture/lecture
- Comment êtes-vous venu à l'écriture ?
Comment est éclose votre vocation ?
- Par la lecture, comme beaucoup, je pense.
- Vous étiez un lecteur précoce ?
- J'ai lu Macbeth à 10 ans [selon les interviews,
il dit 10, 11 ou 12 ans...]. Ce fut un ravissement : j'ai recopié
toute la pièce à la main. Parmi les écrivains, Shakespeare
est le plus grand. C'est après sa lecture que j'ai découvert
les tragédies d'Eschyle, qui reflétaient mon humeur d'écrivain
dissident face à un État totalitaire. Et puis, à
l'époque de ma jeunesse, la littérature française
était très prisée en Albanie. L'Albanie, avec la
Grèce ou la Roumanie, a longtemps été le siège
d'une élite francophile très importante.
- A la fin des
années 1950, des études de lettres vous conduisent d'abord
à Tirana et ensuite à Moscou. Est-ce pendant ce séjour
à l'Institut Gorki que s'est éveillée votre vocation?
Quand je suis allé à Moscou, j'avais déjà
conscience d'être un écrivain à part entière.
J'avais publié des recueils de poèmes qui avaient connu
un grand succès populaire. J'en savais plus sur la littérature
que mes professeurs moscovites. Ma vision de la littérature était
beaucoup plus profonde que celle des champions du réalisme socialiste.
C'est sans doute pour défier ce nouveau conformisme que j'ai commencé
à écrire La
Ville sans enseignes, puis, à mon retour de Moscou,
Le
Crépuscule des dieux de la steppe. (extrait d'un entretien
paru dans L'Express,
24 janvier 2017
Kadaré
et la "contre-créativité" de l'écrivain
Pour lui, une "créativité négative",
un "travail de fossoyeur", est tout aussi important que son
"travail créateur" : l'écrivain "contre-crée".
Je vais tâcher d'expliquer ma pensée plus simplement.
Dans notre cerveau gisent, comme en dépôt, de nombreuses
uvres, ou des moitiés, des ébauches d'uvres.
Pour diverses raisons, l'écrivain ne doit pas ou n'a pas le temps
d'écrire la plupart. Son premier don consiste à discerner
ce qu'il doit sacrifier parmi ce troupeau. Car il est contraint d'en détruire
une partie. Vous demanderez peut-être : qu'est-ce qui l'oblige à
le faire ? Ne peut-il pas les laisser là, engrangées
dans son cerveau, sa remise ? Facile à dire ! (voir
la suite)
Le
Palais des rêves a été sévèrement
critiqué en Albanie : Kadaré fut en effet qualifié
d'ennemi lors du Plénum des écrivains en 1982.
- On vous décrit
souvent comme un écrivain politique à cause de la forme
allégorique qu'emprunte votre uvre. Cela vous convient-il ?
- Pas du tout. C'est un malentendu. Me présenter comme un écrivain
politique reviendrait à qualifier Tolstoï ou Homère
d'écrivains militaires parce qu'ils ont décrit des batailles
dans leurs uvres." (Le
Figaro, 23 septembre 1994, propos recueillis par Jean René
Van der Plaetsen)
- La fiction a toujours été prioritaire pour moi c'est
toute ma vie. Les écrits politiques ont pris place beaucoup plus
tardivement dans mon uvre. Ce sont deux mondes séparés,
même s'il n'y a pas de contradiction entre les deux. Les deux visions,
celle du romancier et celle du témoin se complètent. Mais
la vraie liberté, c'est le roman, et mon énergie principale
est pour la fiction. Mes livres de témoignages répondent
à une obligation morale. (Le
Figaro, 30 novembre 2000, propos recueillis par Sébastien
Lapaque)
- Des contrevérités dont vous avez pu être
la cible, laquelle vous chagrine le plus ?
- Que l'on ait jugé suspect que, sous
la dictature, j'aie pu continuer d'écrire et de publier, quand
j'aurais dû sombrer dans la folie. Et, pire encore : que je sois
vivant dans un monde où j'aurais dû être mort ("La
littérature et la vie sont deux mondes en lutte", par Philippe
Delaroche, L'Express,
18 novembre 2009.) Il avait déjà dit : "Au
fond, ce qu'on me demande, c'est pourquoi je suis sorti vivant du système
? Mais on pouvait être fusillé pour des choses minuscules,
pourquoi aurait-il fallu que je me sacrifie ? Les donneurs de leçons
me disent : vous n'avez pas été sincère avec les
dictateurs. Mais faut-il être sincère avec des bandits, des
fauves ?" ("Le chagrin d'Ismaïl Kadaré",
Raphaëlle Rérolle, Le
Monde, 14 décembre 2001)
- Vous qui avez été souvent censuré sous le communisme,
vous croyez encore que la politique peut faire le bien des hommes ?
- Parfois oui. Ça change chaque semaine. Tout ce qui se passe
dans le monde n'est pas forcément mauvais. Mais il est difficile
d'avoir le recul nécessaire pour y voir clair. Voilà pourquoi
la littérature est primordiale, non seulement parce qu'elle éclaire
les choses, mais aussi parce qu'elle les rend plus énigmatiques.
Nous avons besoin de cette opacité parfois, de ne pas être
en contact direct avec une vérité très crue.
("Les deux vies de Kadaré", propos recueillis par Didier
Jacob, Le Nouvel Observateur,
10 décembre 2009).
Voir aussi ici ses prises de position dans la presse française.
Kadaré et le Nobel
- Vous n'êtes pas fatigué d'être toujours sur la liste
du Nobel sans jamais avoir réussi à l'obtenir ?
- Ça fait trente ans qu'on me parle du Nobel. Nobel ou non-Nobel,
ça me convient C'est vrai. J'apprécie la fête du Nobel.
Je suis même étonné de voir qu'elle est devenue planétaire.
Un prix littéraire de cette importance, c'est joli. Le fait que
l'humanité rende ainsi hommage à un écrivain, je
trouve ça bien. Oui, c'est joli, comme le concert de Vienne le
jour du Nouvel An. (Le
Nouvel Observateur, 10 décembre 2009, propos recueillis
par Didier Jacob)
Kadaré et la langue française
- N'avez-vous jamais été
tenté d'écrire en français ?
- Non parce que je ne peux pas. Je n'ai pas le niveau technique pour écrire
dans votre langue. Ensuite parce que je ne veux pas renoncer à
la mienne. L'albanais est une langue indo-européenne qui possède
à la fois toutes les qualités des langues nordiques et celles
des langues latines, ce qui en fait une parfaite machine pour un écrivain.
Elle a la puissance de composition des premières et la richesse
des secondes. (Magazine
littéraire, 1er février 2009, propos recueillis
par Alexis Liebaert).
Publications de Kadaré en français
(avec la date de publication en Albanie ; la plupart des livres sont publiés
chez Fayard)
- 1963 : Le
Général de l'armée morte, adapté au
cinéma par Luciano Tovoli en 1983, Le
Général de l'armée morte, avec Marcello Mastroianni,
Michel Piccoli, Anouk Aimée
- 1970 : Chroniques
de la ville de pierre
- 1970 : Les
Tambours de la pluie
- 1973 : L'Hiver
de la grande solitude publié en France d'abord sous le
titre Le
Grand Hiver avant d'être remanié
- 1975 : Novembre
d'une capitale
- 1978 : Le
Crépuscule des dieux de la steppe
- 1978 : La Commission des fêtes (publié dans
le tome
3 des uvres)
- 1978 : Le
Pont aux trois arches
- 1978 : La
Niche de la honte
- 1980 : Avril
brisé adapté au cinéma en 1987 par Liria
Begeja, scénario d'Olivier Assayas, Avril
brisé, avec Jean-Claude Adelin
- 1980 : Qui
a ramené Doruntine ?
- 1981 : Le
Palais des rêves
- 1981 : Le
Concert censuré pendant sept ans (repris pour deux extraits
dans La
provocation et autres récits)
- 1985 : Clair
de lune paru en revue, interdit ensuite
- 1985 : L'Année
noire suivi de Le Cortège de la noce s'est figé
dans la glace
- 1988 : Eschyle
ou le grand perdant, essai adapté au cinéma en 2009
par Fanny Ardant sous le titre Cendres
et Sang
- 1990 : Le
Dossier H.
- 1990 : Le
Monstre, dont une version courte très différente
a d'abord paru en 1965, aussitôt censurée
- 1991 : Le
firman aveugle et autres romans courts
- 1991 : Invitation
à l'atelier de l'écrivain suivi de Le Poids de
la Croix, essai
- 1991 : Entretiens
avec Éric Faye, éd. José Corti
- 1991 : Printemps
albanais : chronique, lettres, réflexions
- 1992 : La
Pyramide
- 1993 : La
Grande Muraille
- 1994, rédigé en 1984-1986 : L'Ombre
a paru en français avant d'être publié en albanais
- 1995 : L'Aigle
- 1995 : Dialogue
avec Alain Bosquet
- 1996 : Spiritus
- 1997 : Trois Temps (publié dans le
tome 5 des uvres : Le Temps des premiers écrits,
Le Temps de largent, Le Temps de lamour)
- 1998 : L'Albanie,
visage des Balkans
- 1998 : Trois
Chants funèbres pour le Kosovo
- 1998, uvre de jeunesse rédigée en 1959 : La
Ville sans enseignes
- 1998 : Mauvaise
Saison sur l'Olympe, théâtre
- 1999, rédigé en 1986 : L'Envol
du migrateur
- 2000 : Froides
Fleurs d'avril (repris dans La
provocation et autres récits)
- 2000 : Il
a fallu ce deuil pour se retrouver : journal de la guerre du Kosovo
- 2001 : Le Chevalier au faucon (publié dans L'Envol
du migrateur)
- 2001 : Histoire de l'Union des écrivains albanais telle que
reflétée dans le miroir d'une femme (publié dans
L'Envol
du migrateur)
- 2003, rédigé en 1985 : La
Fille d'Agamemnon
- 2003 : Le
Successeur
- 2003 : Vie,
jeu et mort de Lul Mazrek
- 1962 à 2004 :
Un climat de folie, suivi de La Morgue et de Jours de beuverie,
trois courts romans écrits sur quatre décennies : Jours
de beuverie en 1962, Un climat de folie en 2004
- 2006 : Dante,
l'incontournable
- 2007 : Hamlet,
le prince impossible
- 2008 : L'accident
- 2009 : Le
dîner de trop
- 2011 : L'entravée
: requiem pour Linda B.
- 2013 : La
discorde : l'Albanie face à elle-même, essai littéraire
- 2015 : La
poupée
- 2017 : Matinées
au Café Rostand
Par ailleurs :
- aux éditions Fayard : les uvres
de Kadaré en 12 tomes (1er tome en 1993, 12e
en 2004)
- Toujours aux éd. Fayard : les mémoires d'Helena Kadaré,
son épouse, auteure et traductrice, Le
temps qui manque
- Man
Booker International Prize en 2015
- Fait commandeur de la Légion d'honneur par François Hollande
en 2016
et grand officier en 2020.
DES ÉCHOS
DANS LA PRESSE SUR KADARÉ ET SES UVRES
Vidéos
- Kadaré pour la première fois à la télévision,
à Apostrophes, 19 février 1988, 19 min en
ligne ICI
Au café Le Rostand, 6 novembre 2003, 2 min 45s
- Sur un livre mettant en scène sa famille, à
la Fondation Cartier, 27 octobre 2005, 2 min 47s
- Ismaïl Kadaré
à la Fondation Alliance Française, 24 janvier 2017,
4 min
- Albanie
secrète dIsmail Kadaré, Invitation au voyage,
documentaire disponible actuellement sur Arte, 14 min (Télérama
fournit aussi sa version touristique : "Voyager
autrement : Sur les traces d'Ismail Kadaré à Gjirokastër,
la cité la plus penchée au monde", Jean-Jacques
Le Gall, 18 juin 2017).
Radio
- Littérature
sans frontières, RFI, Catherine Fruchon-Toussaint, 16 avril
2017, 19min 30
- Habiter
en littérature, un entretien d'1h un peu lent à démarrer
mais intéressant, France Culture, Marie Richeux, 22
mars 2013
Articles
sur et de Kadaré
Lorsque Florence Noiville est venue à Voix au chapitre
pour un
de ses livres en février 2019, elle nous a parlé d'un
grand entretien à venir avec Kadaré ; il fit la première
page du Monde : "Sous
la dictature, vivre, pour moi, c'était créer de la littérature,
Le Monde, "Grands écrivains, grands entretiens"
4/5, 9 août 2019.
Sur Le Palais des rêves, à sa sortie
en France :
- "Ismail Kadaré
: un hymne à l'ambiguïté", Alain Bosquet,
Le Quotidien de Paris, 12 septembre 1990
- "La damnation de Freud",
L'Express, 28 septembre 1990
- "L'enfer des rêves",
Nicole Zand, Le
Monde, 28 septembre 1990
- "Kadaré et la
clef des songes", Mona Ozouf, Le Nouvel Observateur, 25
octobre 1990
Des prises de position de Kadaré
dans la presse (non "littéraires"...) :
- "Je ne trouve pas mon pays aussi isolé qu'on le dit",
Le Monde, 23 mai
1986, propos recueillis par Nicole Zand.
- "L'adieu de Kadaré à l'Abanie : le célèbre
écrivain albanais explique pourquoi il demande l'asile politique
à la France",
Le Monde, 26 octobre 1990, propos recueillis par Laurent Greilsamer
et Daniel Schneidermann.
- "Une réponse d'Ismaïl Kadaré"
("en 1991, je fus attaqué dans le journal Le Monde
par un certain Nils Anderson. Or, savez-vous qui était ce Suédois
? Le traducteur, éditeur et distributeur des uvres du dictateur
albanais Enver Hoxha à l'étranger !"), Le
Monde, 4 janvier 1991 (avec l'"attaque" en question).
- "Je soutiens le nouveau
gouvernement albanais", L'événement du jeudi,
propos recueillis par André Clavel, 30 avril 1992 : après
18 mois d'exil, il retourne en Albanie.
- "Ne laissez pas l'Albanie
se suicider", Le Monde, 13 mars 1997
- "Il faut une intervention
internationale", Le Figaro, 7 mars 1998, propos recueillis
par Isabelle Lasserre : c'est la guerre au Kosovo, il évoque la
tradition de haine entre Serbes et Albanais et prône la fermeté
et une intervention des Nations unies pour limiter les frappes serbes.
- "Berceau d'une nation
ou berceau du crime ?", Ismaïl Kadaré, Le Monde,
14 mars 1998 : toujours sur le Kosovo
- "Arrêtons de jouer
avec le feu", Ismaïl Kadaré, Courrier international,
4 au 10 mars 1999.
- "À qui appartient
le Kosovo ?" : un débat (à distance) entre le Serbe
Vuk Drakovi et l'Albanais Ismaïl Kadaré, Le Nouvel
Observateur, 19 mars 1998.
- "Il faut européaniser
les Balkans", Ismaïl Kadaré, Le Monde, 10
avril 1999 : sur le Kosovo (article en
Une)
- "Le triomphe du crime",
Ismaïl Kadaré, Le Monde, 4 mai 1999 : sur le Kosovo.
- "Gagner la guerre,
perdre la paix", Ismaïl Kadaré, Le Monde,
14 décembre 1999 : sur le Kosovo => Une protestation s'ensuit :
"Perdre la vérité,
perdre la paix", Jiri Dienstbier, ancien ministre tchécoslovaque
des affaires étrangères, rapporteur spécial de l'ONU
pour les droits de l'homme en Bosnie-Herzégovine, Croatie et République
fédérale de Yougoslavie d'un ministre tchèque,
Le Monde, 26 janvier 2000.
- "La culture n'immunise
pas contre le crime", Le Figaro, 26 septembre 2001, propos
recueillis par Sébastien Lapaque peu après l'attentat de
New York : réflexions sur l'islam.
- "Monsieur le président de la République, je m'adresse
à vous pour que la France intervienne en faveur des personnes encore
détenues dans les prisons serbes", Ismail Kadaré, Libération,
15 janvier 2002.
Deux articles sur ses positions
:
- "L'énigme Kadaré : alors que
ses compatriotes fuient, on continue de s'interroger sur l'attitude de
l'écrivain albanais", Sylvie Kaufmann, Le
Monde, 10 mars 1991
- "Kadaré en toutes lettres", François Maspéro,
Le Monde, 8 novembre
1996 : "Hier menacé, aujourd'hui courtisé par les
politiques de tous bords, le romancier exilé en France a pour principale
renvendication celle d'être écrivain albanais".
Pour un approfondissement,
voir :
- les ouvrages d'Ariane Eissen,
dont l'un est en
ligne
- et également le livre récent de Jean-Paul Champseix, Ismaïl
Kadare : une dissidence littéraire, Honoré Champion,
2019.
Et pour finir, entre Paris et Tirana :
AUJOURD'HUI :
|
HIER :
|
Kadaré
habite là, boulevard Saint-Michel
près du Panthéon et du café Le Rostand |
Timbre albanais
de l'époque maoïste |
AUJOURD'HUI :
|
|
Timbre albanais de 2011
en hommage à Kadaré |
Timbre albanais de 2016
en hommage à Jusuf Vrioni traducteur de Kadaré |
Ouvert en 2019 dans la maison
où il vécut à Tirana : le musée
Kadaré
|
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
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à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
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à moitié |
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peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
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